La Transgression dans l'épopée
Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018)

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Hubert Heckmann (maître de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université de Rouen)

Le volume constitue les actes du huitième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Hubert Heckmann (Université de Rouen/CEREdI), qui s’est tenu à l'Université de Rouen les 27 et 28 septembre 2018, grâce au concours du laboratoire CEREdI.

L’acte transgressif comme déclencheur de narration dans la Geste hilalienne

Bochra Charnay


Texte intégral

La transgression est un geste qui concerne la limite ; c’est là, en cette minceur de la ligne, que se manifeste l’éclair de son passage, mais peut- être aussi sa trajectoire en sa totalité, son origine même1.

1La transgression est une opération, un processus, qui consiste à enfreindre une règle communément acceptée, qu’elle soit explicite ou implicite, qu’il s’agisse d’une prescription ou d’un interdit. La grande Geste des nomades arabes datant du XIe siècle en illustre quelques occurrences particulièrement significatives. Composée d’un ensemble de récits poétiques et musicaux, cette épopée constitue un genre spécifique désigné par le nom de Sira signifiant, selon Micheline Galley : « conduite », « manière de vivre », « biographie »2. La Sira conte la grande migration – souvent considérée comme dévastatrice – des tribus hilaliennes les Beni Hilal depuis les hauts plateaux de la péninsule arabique jusqu’aux confins de l’Ifriqiya3.

2Nous proposons d’étudier – à travers différentes versions de l’épopée4 – les figures du traître, de l’usurpateur, qui ne sont pas rares dans la Geste, ainsi que les transgressions de toutes sortes qui constituent un des principaux ressorts des récits. Le non-respect du code de l’honneur, de la parole donnée, des contrats quel qu’en soit l’objet, sous forme de provocations, d’humiliations, de mépris, de rapts, de vols, d’expéditions guerrières, etc., sont des actes récurrents dans le récit épique hilalien et ont pour but de conquérir des territoires nécessaires à la survie des tribus en période de longue sécheresse, mais aussi de permettre aux guerriers de posséder davantage de biens, de terres, d’esclaves, de femmes, ainsi que d’augmenter le capital symbolique du chef ou du clan par la gloire5.

La naissance extraordinaire des héros : perturbation de l’ordre du monde et transgression

3La transgression est fondatrice de la Geste hilalienne. Dès le début, la naissance des héros y revêt un caractère exceptionnel et transgresse l’ordre établi. Il en est ainsi de la naissance extraordinaire de Jazia6 fruit de l’union d’un Hilalien, l’Émir Sarhane avec une créature non terrestre, ainsi que de celle de Bouzid, le grand guerrier, né miraculeusement suite à un vœu de sa mère. La version de Bou Thadi, recueillie dans le sud tunisien par Lucienne Saada7 conte ainsi la naissance extraordinaire de Jazia : un jour, un lévrier transi de froid et de faim se réfugie sous la tente de l’Émir Sarhane, celui-ci lui donne de la nourriture et lui permet de se réchauffer. Ayant repris des forces, l’animal disparaît. Plus tard, lors d’une promenade, l’Émir Sarhane rencontre « un homme à l’allure royale, paré de vêtements luxueux »8 qui lui révèle être le lévrier recueilli auparavant et sauvé de la mort. L’homme lui signale qu’il est revenu le récompenser pour son hospitalité et lui recommande de monter une tente à l’écart du campement, de l’orner et de s’y rendre discrètement en soirée. L’Émir s’exécute et une fois sous la tente, il découvre « une très belle femme extraterrestre »9 qui lui déclare : « Je suis ton épouse et mon frère, celui que tu as gentiment gratifié, m’offre à toi en cadeau »10. La teneur du cadeau est plausible, puisque dans la société hilalienne, la femme est considérée comme objet qu’on vend, qu’on offre, qu’on échange, qu’on dérobe, qu’on sacrifie, qu’on rend esclave, et qu’on châtie au gré des circonstances. Cette créature surnaturelle ajoute toutefois une condition qui prend la forme d’un interdit tout en étant un pacte : « Je suis ton épouse et cependant prends garde, si tu me dévoiles ou que tu m’exhibes devant quiconque, je ne resterai pas ici »11. On reconnaît évidemment un interdit de type mélusinien, mais ce n’est pas là notre propos.

4La tente est sévèrement gardée, son accès totalement infranchissable, seul l’Émir Sarhane peut y pénétrer. Mais, comme souvent, l’interdit génère sa propre transgression et il arrive qu’un jour, une servante poussée par la curiosité soulève la toile de la tente et découvre le secret ; l’épouse disparaît sur le champ. Plus tard, l’homme-lévrier rapporte à l’Émir Sarhane l’enfant dont était enceinte la créature surnaturelle au moment de sa disparition. Cet enfant est Jazia, future grande dame des Hilaliens. L’Émir Sarhane l’élève et elle devient la plus belle et la plus intelligente des femmes de toutes les tribus, ce qui en fait fatalement un objet de convoitise privilégié.

5La seconde naissance hors du commun est celle de Bouzid, autre héros de la Geste hilalienne dont l’histoire est contée dans la version tunisienne de Mohamed Marzouki, recueillie antérieurement à 1971. Dans ce texte au dispositif énonciatif complexe12 l’échange entre les protagonistes déclenche une nouvelle histoire et instaure le héros hilalien Bouzid comme narrateur homodiégétique, en voici le cadre :

SOODA – Dhieb, je voudrais poser une question. Elle mérite réponse. Pourquoi Bouzid est-il noir comme un corbeau ?
DHIEB – Ah ! ça, c’est une longue histoire. Bouzid lui-même voudra bien te la raconter, ce soir…
SOODA, à Bouzid – Tu veux bien le faire, grand chevalier des Arabes ?
JEZIA – Allons, Bouzid, raconte-là, ton histoire, que Sooda ait une réponse à sa question et qu’à autre chose on pense qu’aux sujets qui peuvent fâcher13.

6Ici la couleur de Bouzid semble relever de l’étrange et suscite l’interrogation. L’explication est nécessaire et donne lieu à un acte de contage similaire à celui de la tradition orale. Bouzid devient conteur de sa propre histoire qu’il relate en six mini-récits :

1. L’histoire de Bouzid

2. Le garçon noir

3. Chez le cheikh Akil

4. La guerre contre les Béni Hilal

5. Le secret dévoilé

6. Le retour aux siens.

7Le premier appartient au registre merveilleux et raconte ainsi sa naissance :

Ma mère avait un cœur pur et était très pieuse. Une chose lui manquait : avoir un enfant, garçon ou fille. Elle avait passé sept années à en espérer un, qui ne vint pas. Mon père commençait à envisager de prendre une autre épouse. Un jour qu’elle était à ses prières, un corbeau se posa sur une branche d’arbre qui se trouvait devant elle. Elle pria Dieu de lui faire le don d’un garçon même s’il devait être noir comme ce corbeau, vœu que Dieu lui exauça : à quelque temps de là, elle accoucha de moi14.

8Mais l’enfant est noir et ne peut être ni admis ni reconnu par son père. Il est le résultat d’un acte de transgression majeur par rapport aux normes religieuses de la communauté, lesquelles stipulent qu’on accepte son destin quel qu’il soit et qu’on ne cherche pas à le modifier puisque c’est la volonté de Dieu. Or, la mère de Bouzid ne s’est pas résignée, n’a pas accepté d’être stérile d’où le vœu qu’elle a formulé. La transgression est donc double : d’une part, l’épouse a agi seule sans passer par l’approbation de son mari et a donc enfreint son autorité ; d’autre part, elle a franchi les limites de l’ordre naturel en formulant un souhait perturbateur qui mêle l’animal et l’humain. Ainsi, l’enfant né est le produit de cette transgression et en portera la marque indélébile puisque comme l’affirme à maintes reprises l’aède dans la version de Lucienne Saada, Bouzid est un « homme noir pie »15 et que « [s]a mère l’a eu de la couleur du corbeau. La nuque et le haut de la tête sont noirs ; les membres, depuis le coude jusqu’à la main sont de cette couleur et tout le reste du corps est blanc »16. Bouzid est donc noir, pas complètement cependant, et sa singularité réside à la fois dans sa naissance miraculeuse, mais aussi dans la couleur mixte de sa peau : à la fois le noir, celui des esclaves, ce qui lui sauvera parfois la vie, et le blanc, celui des Arabes, des hommes libres et des chevaliers.

9Bouzid est totalement rejeté par son père, comme en témoignent ses propres propos dans le deuxième mini-récit intitulé « Le garçon noir » : « Quand mon père vit la couleur de ma peau, ce fut comme si un poignard lui avait traversé le cœur. Une énorme tristesse s’abattit sur lui et il conçut contre ma mère un grand ressentiment »17. L’harmonie du couple est ainsi rompue et le père, malgré les exhortations de l’Émir Sarhane, qui lui signale qu’il s’agit d’un péché grave, abandonne la mère et l’enfant, de nuit, en plein désert. Encore une fois, la naissance singulière qui est elle-même déjà facteur de désordre social déclenche une transgression qui perturbe l’ordre du monde.

10Bouzid sera souvent du côté du désordre et de l’infraction des règles. Ainsi, toujours selon la version de Lucienne Saada, Bouzid serait parricide et aurait tué son père au cours d’une dispute. Le même aède donne une autre version des faits selon laquelle Bouzid n’aurait pas tué son père, mais aurait eu des relations sexuelles avec sa mère, ce qui l’aurait contraint à fuir loin des siens18. On peut donc noter que Bouzid est toujours le transgresseur, mais que la transgression peut subir des déplacements sémantiques ; celle-ci est toujours gravissime et atteint des interdits anthropologiques fondamentaux comme le parricide ou l’inceste. Le héros est donc marqué négativement au tout début de ses aventures.

11Comme l’écrit Foucault : « Le jeu des limites et de la transgression semble être régi par une obstination simple ; la transgression franchit et ne cesse de recommencer à franchir une ligne qui, derrière elle, aussitôt se referme en une vague de peu de mémoire, reculant ainsi à nouveau jusqu’à l’horizon de l’infranchissable »19. En effet, Bouzid brillera par ses exploits guerriers qui le conduiront jusqu’à l’émirat mais il sera traîtreusement abattu par le troisième grand héros de la Geste, Diab, celui que le fils de Bouzid invective en ces termes : « Ah ! C’est toi, traître, toi qui ne respectes pas les gens libres, qui éclabousses de honte les Arabes »20. Diab est bien celui par qui la transgression franchit les limites « jusqu’à l’horizon de l’infranchissable », lorsque lui-même sera abattu par traîtrise.

L’usurpation du pouvoir comme transgression politique

12Les cas d’usurpation du pouvoir sont nombreux dans la Geste et constituent un enjeu permanent, ce qui conduira les Hilaliens à des vendettas successives et sans fin, le sang appelant le sang, jusqu’à ce que tous les héros se soient entretués et qu’il ne reste des tribus que quarante cavaliers errants.

13Le cas qui nous intéresse est présent dans toutes les versions que nous avons consultées. Il s’agit d’un épisode marquant où se déploie la figure du traitre dans ses aspects les plus caractéristiques comme les signale Sébastien Schehr : « Si le traître a toujours fait l’objet – de l’Antiquité à nos jours – de représentations négatives ; s’il a de tous temps – en raison de son action et des bouleversements qu’elle implique – focalisé contre lui indignation, ressentiment collectif et désir de vengeance, il n’en reste pas moins une figure complexe, ambivalente »21. Le traître qui nous intéresse ici s’appelle Saïd, et il est esclave de l’Émir Amar. La version de Lucienne Saada relate ses méfaits dans deux séquences narratives où alternent prose et poésie. Le premier récit enchâssé s’ouvre sur une analepse où, après un affrontement, l’Émir Amar est blessé à mort et réunit les gens de son campement pour dicter ses dernières volontés : « À présent, je suis fini, je vais mourir, mais je vous recommande mon fils Maghames »22. Puis il s’adresse à son esclave noir, Saïd, en qui il a toute confiance : « Toi, Saïd, tu prends le commandement jusqu’à ce que mon fils grandisse et qu’il épouse Chate Rim, fille de son oncle ; il sera l’Émir et tu lui serviras de conseiller »23. Saïd se montre brillant guerrier et, profitant de la faiblesse du prétendant légitime et de la peur que lui-même inspire aux autres membres de la tribu, il prend le pouvoir et chasse dans la forêt le fils de l’Émir Amar et sa mère. Celui-ci relate en ces termes son humiliation :

Je suis l’orphelin et quelque chose d’unique s’est abattu sur moi
Et l’orphelin ne pleure que son père
[…]
Je rencontrai le noir, le traître, le perfide
Il siège sur un trône et les Arabes sont auprès de lui
J’ai salué ; ils demeurèrent silencieux
Ni Saad ni ses amis ne me rendirent mon salut
J’ai compris l’action du noir, cet homme odieux !
Il m’a trahi, comme trahit le loup qui traque la brebis24

14Le mépris manifesté par l’esclave et ses partisans envers le jeune prince bouleverse la mère et fait dire au poète :

La vieille pleurait et son foie était sur la braise
Pour son pauvre fils, dommage, perdu
Pauvre, isolé, il n’a point de compagnons
Ni tribu ni personne parmi ses amis
Elle passa la nuit à se lamenter avec des larmes coulant à flots
Elle se lamente comme la chouette dans le désert25

15Porte-parole de la mère et du fils, le poète se veut également le représentant des valeurs et le garant de la morale du groupe ; son discours, fortement modalisé, charge l’esclave et se veut témoin de sa félonie :

Mes propos concernent directement le noir
Et il a violé les recommandations du Héros défunt
Il dépêcha à l’aube, aux aurores, son serviteur
Qui trouva Mghames, auprès de lui était sa mère.
« l’Émir te fait savoir, en deux mots ceci :
Ton fils, je ne désire plus le voir
Emmène-le et quitte le palais
Avant que tu ne périsses, ici, avec lui. »26

16Mais la traîtrise ne s’arrête pas à cet acte ignoble car l’esclave décide, le jour même, de se marier avec celle qui était promise au jeune prince : « Alors ne voilà-t-il pas que cette nuit, Saïd envoya des messagers à Chate Rim ou plutôt à sa mère et lui fit dire : "Habille ta fille et pare-la, car je veux l’épouser" », mais la jeune femme se révolte : « Comment, moi, une femme libre, fille de gens libres, vais-je abandonner Mghames, mon cousin, et épouser un noir ? »27, ce que confirmera Meri, neveu de Bouzid et vaillant cavalier hilalien, lorsqu’il admonestera l’usurpateur : « les filles de grandes lignées ne sont pas ton lot »28. Cependant, il est à signaler que ce motif de « l’épouse ou la fiancée détournée », identifié par Jean-Pierre Martin dans la chanson de geste occidentale29, n’est pas un cas unique dans la Geste qui en manifeste de nombreuses occurrences.

17La transgression prend ici la forme de la trahison, notamment de la parole, de l’honneur, de la fiducie, comme le précise Sébastien Schehr30, elle met en jeu des « rapports de forces entre acteurs sociaux : elle fait l’objet de définitions sociales concurrentes, les différentes parties prenantes cherchant à légitimer leur perspective et à imposer leur définition de la situation »31. Le traître cherche à rendre légitime sa prise de pouvoir et à délégitimer ceux dont il usurpe la position sociale qu’il dégrade. Ainsi l’esclave Saïd a transgressé plusieurs règles sociales : tout d’abord il impose l’hypogamie – le fait de se marier avec une personne de rang social inférieur – alors que le clan pratique préférentiellement l’isogamie ; il impose également l’exogamie alors que la tribu privilégie l’endogamie, ensuite il empêche une union cognatique entre patrilatéraux – union de deux cousins parallèles, fils et fille de frères – qu’on nomme couramment le « mariage arabe »32. Sans oublier la rupture du code de l’honneur, par le manquement à sa parole et par l’indécence de l’accueil qu’il a réservé à ses visiteurs, ce qui enfreint les règles de l’hospitalité.

18Mais il arrive aussi que l’ordre moral refuse la transgression, s’ensuit alors le châtiment du transgresseur et c’est ici qu’interviennent Bouzid et ses neveux. Rencontrant fortuitement les victimes de la transgression, ils décident de rétablir l’ordre social perturbé par la prise du pouvoir du traître. Ils provoquent l’imposteur et l’incitent au combat, Meri s’adresse à lui en ces termes :

Ô esclave, en ce même jour, prendra fin ta vie
Et tu seras parti, perdu, enfoui dans les décombres
En ce jour, un jugement contre toi sera exécuté
Ô esclave traître et blâmable33

19Le combat a lieu, violent, rapide et le traître vite supprimé :

N’eut pas le temps de voir Bouzid arriver, rugissant
Tel un tonnerre puissant en début d’année
Il le laissa là, jeté, de sang ruisselant
Sa chair aux fauves livrée34

20La transgression commise par l’esclave est ainsi effacée et l’ordre rétabli. Le souverain légitime retrouve son peuple et son pouvoir.

Les actes proditoires banals : pièges et tromperies

21La transgression-trahison peut encore se manifester sous la forme de pièges, de guet-apens et de tromperies fréquents dans la Geste. Le premier récit que nous considérons est rapporté dans les différentes versions. Il suit l’assassinat de Sada, femme de Meri, par Diab. La recherche de la vengeance se fait, selon les versions, avec des protagonistes différents, mais le but est toujours le même : éliminer le traître et dangereux Diab soit en le tuant, soit en l’emprisonnant. Dans la version de Lucienne Saada c’est l’Émir Hassan qui tend un piège à Diab dans lequel il tombe, malgré un rêve prémonitoire lui signalant le danger. Dans la version de Marzouki, c’est l’Émir Hassen et Jazia qui préparent le piège. Ils invitent Diab à un mariage grandiose des enfants de l’émir auquel il ne peut refuser de participer. Il s’y rend sur l’insistance de son père qui lui déclare : « Les chevaliers ne trahissent pas. Trahissent les lâches, les femmes et les enfants », ce à quoi Diab réplique : « N’oublie pas que Hassen est en position de faiblesse, et la faiblesse rend traître même l’homme d’honneur »35. Le piège se referme effectivement sur Diab qui est fait prisonnier et ses biens confisqués. Un cadi, ami de l’Émir Hassen, le lui reproche et lui rappelle qu’il n’a pas « le droit de tuer des gens qui ne se doutent de rien, pas le droit de trahir ses invités »36 ce à quoi il réplique : « Le pouvoir ne connaît pas la pitié, ne peut accepter la désobéissance et en personne n’a confiance »37.

22La transgression concerne ici les règles de l’hospitalité laquelle est une valeur sacrée dans le monde arabe traditionnel. Le rapport de forces étant défavorable à l’émir face au pillard semeur de troubles qu’est Diab, il utilise la ruse pour éviter le chaos et maintenir un ordre social qui, sans cela, serait totalement perturbé. Cependant, il faut reconnaître que, dans le cas présent, la traîtrise échafaudée n’est que la sanction, les représailles d’une autre trahison commise par Diab. Celui-ci est capturé puis emprisonné pendant sept ans sous un régime très dur qui lui enlève toute force physique et tout espoir. Sébastien Schehr commente, en ces termes, ce genre de traitement et en donne la raison essentielle : « les diverses formes de sanctions ont donc toujours la mort – physique, symbolique, sociale – comme horizon et dénominateur commun ; puisqu’il a rompu, le traître doit à son tour être défait »38. Plus tard, le sultan Hassen sera égorgé dans son sommeil par Diab qui alors subira l’opprobre du peuple exprimée en ces termes par l’aède : « Qu’as-tu fait là ? Tu tues ton cousin, ô par le Prophète de Dieu … ! Et tu nous fais honte pour nous et pour toi, pourquoi cela ? »39, ce qui contraindra Diab à un long exil. Ainsi va la Geste hilalienne, de trahison en trahison, de transgression en transgression, jusqu’à l’anéantissement de son ethnie. Le groupe, provisoirement reprend le dessus, rétablit l’ordre moral et réaffirme son pouvoir sur l’individu.

23Il faut ajouter que la trahison ne se cantonne pas, dans la Geste, à des rapports individuels, familiaux ou claniques, mais peut être le fait de la tribu entière, que la situation proditoire peut être créée et assumée par tout le groupe. La trahison peut être un acte collectif de peuple à peuple et pas uniquement l’acte isolé d’un individu transgresseur d’une valeur fondamentale du groupe. C’est l’épisode que raconte la version de Marzouki (p. 87 à 93). L’action se déroule entre trois peuples : les Hilaliens, les Qarmates – autre tribu particulièrement cruelle spécialisée dans l’attaque des pèlerins vers La Mecque et le pillage des villes comme la Mecque et Médine –, et les Égyptiens. Dans un premier temps, les Qarmates sollicitent l’alliance des Hilaliens contre les Égyptiens en utilisant un argument religieux : « La récompense et le prix vous seront donnés par Allah car vous aurez soutenu la vérité »40 ce à quoi les Hilaliens répondent que de savoir qui est hérétique ne les intéresse pas et qu’ils « ne vont pas en guerre pour une récompense dans l’au-delà »41. Ils obtiennent alors la promesse d’avoir des terres en Syrie, l’accès à l’Égypte, ainsi que tous les butins : « Nous acceptons. A la grâce de Dieu » (p. 82), par cet énoncé Diab scelle leur alliance. Cependant, le calife du Caire, quant à lui, recherche l’alliance des Hilaliens pour se débarrasser des pillards Qarmates qui sèment le trouble dans son royaume. Il peut leur faire des propositions plus alléchantes et mise sur le fait que les nomades n’ont pas de parole : « les Bédouins sont sans foi ni loi »42 argumente le calife, puis il estime qu’ils sont capables de trahison, y compris en s’appuyant sur le Coran : « ce sont les pires hérétiques et hypocrites qui soient, les plus à même de ne pas reconnaître les limites qu’a tracées Allah »43. Le conseiller du calife se rend chez les Hilaliens et réussit ce nouveau marchandage en proposant l’occupation de terres fertiles le long du Nil, ainsi que des provisions et de l’argent. Alors que l’émir hilalien avait rappelé que son peuple était lié aux Qarmates par un pacte, il n’est pas insensible aux nouvelles propositions de l’Égyptien et s’y rallie ainsi que Bouzid. Puis ils demandent l’avis de Jazia qui est toujours considérée comme de bons conseils et qui argumente astucieusement ainsi :

Les Qarmates vous ont donné les terres d’Égypte mais ces terres, ils ne les possèdent pas. Aujourd’hui vous les propose celui qui les a. La chose promise par celui qui la possède est garantie, la chose promise par celui qui la confisque ne peut avoir que conséquence néfaste. Ah ! Ma douleur, ce que vous avez mal réfléchi ! On a toujours dit qu’un oiseau dans la main vaut mieux que dix sur la branche44.

24Elle déclame ensuite un court poème qui s’achève sur ces deux vers :

Bonne est la Fatwa qui défend nos intérêts
Sans honte donc avec eux scellez le marché45

25Le pacte est alors conclu avec les Égyptiens et annule le précédent avec les Qarmates sans que ces derniers en soient informés, évidemment.

26Ainsi, les acteurs de la transgression-trahison, qui renient la parole donnée, peuvent être également des agents collectifs et agir au nom de leur peuple. Dans son article « Le paradigme du traître » Enrico Pozzi estime que la configuration de la trahison comporte trois agents : quelqu’un qui est trahi (en l’occurrence les Qarmates), quelqu’un qui trahit (les Hilaliens), et quelqu’un au nom duquel on trahit (les Égyptiens, mais surtout l’intérêt suprême du groupe). Dans sa « triade », ainsi qu’il l’appelle, l’élément C, ce au nom de quoi la trahison est réalisée, peut être aussi bien une personne, qu’une idéologie, que l’Histoire, qu’un objet, ou un autre groupe, et c’est lui qui « introduit l’alliance, le compromis, la médiation »46. De la sorte, les chefs hilaliens repoussent ou tentent de repousser les limites de la transgression, dont ils veulent et peuvent redéfinir les bornes, puisque le non-respect du pacte ne semble plus être aussi transgressif. Cependant, ceci est possible à condition qu’il n’y ait pas résistance interne, désapprobation, désobéissance, rébellion. Or, l’autre héros de la Geste, Diab, proteste et demande des comptes : « Nous avons donné notre parole, c’est un engagement solennel de notre part. Comment pouvons-nous, et juste une heure après, bafouer notre dignité, salir notre réputation parmi les Arabes ? »47 ; la transgression est trop grande pour Diab, les valeurs du groupe bafouées, sa réputation individuelle est en cause, ce qu’il ne peut accepter. L’Émir Hassen lui répond que « personne ne nous fera aucun reproche. Si nous ne tenons pas parole, c’est à cause de notre intérêt »48.

27L’intérêt du groupe autorise donc la transgression et la justifie, ce qui redéfinit les limites. Diab refuse cette manipulation des valeurs, ce que Jazia met sur le compte de son inexpérience, en ces termes : « Révolte de jeune. Précipitation. Les jours t’apprendront bien des leçons, Dhieb. T’apprendront à ne pas tenir de serment. T’apprendront qu’on peut même rompre les liens du sang… »49 ; en somme, selon elle, toute transgression-trahison est possible en fonction de l’élément C de la triade, de la configuration proditoire. Il n’y a donc plus de limite à la transgression. Comme l’écrit Foucault, « la limite ouvre violemment sur l’illimité, se trouve emportée soudain par le contenu qu’elle rejette »50. Diab refuse, de plus, il lui est interdit, selon la tradition, de se quereller avec une femme. Il décide de partir plutôt que de trahir sa parole car celle du groupe engage tous les individus qui le composent. Son père considère alors cette attitude comme un reniement de son clan, mais d’autres jeunes se joignent à Diab et menacent de partir avec lui.

28On constate que la transgression des valeurs ne va pas de soi, que le risque est la dissension qui peut conduire à la révolte et à l’affrontement sanglant, à l’éclatement de la tribu. Pour convaincre son fils et l’obliger à se soumettre à la loi du clan, de façon tout à fait étrange mais efficace, Ghanem va chercher son épouse que le poète présente ainsi : « La mère de Dhieb était une vieille au visage très laid, au dos arqué et qui s’aidait d’une canne pour marcher et ne bougeait qu’appuyée sur le bras de quelqu’un »51. Ghanem la pousse devant son fils et déclare :

GHANEM. – Je suis Ghanem, le chevalier de Zaghba. Me voulaient chacune pour elle toutes les filles dans le camp. À aucune d’elles je n’avais fait attention. J’ai vécu quarante ans regardant ce visage hideux. Pas un jour elle n’a entendu de moi un mot blessant, ni ne lui ai imposé une jeune et jolie concubine. Tout cela, je l’ai fait à cause de toi. Toi qui aujourd’hui me désobéis et désobéit à la grande famille52.

29Touché, Diab se repend et décide d’obéir aux ordres. Ensuite, les Qarmates sont attaqués par surprise par les Hilaliens qui les défont, les Égyptiens respectent leur accord si bien que les Hilaliens se déplacent vers le Nil et s’y installent. La manipulation effectuée par Ghanem sur son fils n’est plus sociale, mais morale, n’est plus générale, mais intime, ce qui explique qu’il l’emporte.

La ruse pour repousser les limites de la transgression sans sanction

30Pour sauver son peuple de la famine et lui permettre de se déplacer en des terres riches, Jazia accepte d’épouser l’Émir Chérif. Il n’y a pas de mésalliance puisque les deux époux sont nobles, mais autant Jazia est belle, autant Chérif est laid, là se situe le déséquilibre tant chanté par les aèdes. Dans la version Marzouki, le poète chante ainsi la beauté de Jazia : « Elle était aussi belle que la pleine lune. Ses cheveux couvraient sa poitrine et descendaient jusqu’à ses pieds »53. Abdou Rahman Al Abnoudi, poète égyptien, la qualifie ainsi :

La brise lutine son ombre
Ses seins la précèdent, tourterelles au brun plumage
Quiconque la voit est frappé de stupeur54.

31Mais elle n’est pas que belle, elle est également « très intelligente, savante, douée de sagesse et de jugement, capable de comprendre les énigmes »55, selon la version de Lucienne Saada.

32Quant à l’Émir Chérif, éconduit une première fois par Jazia, voici comment elle le décrit elle-même :

JEZIA. – Je sais bien qu’il a sept défauts, mais plus fort qu’eux tous est le destin
Borgne il est, son œil est comme dans pierre un trou,
Est-ce là défaut ?
Oui, mais qu’importe ? il a de l’argent, et beaucoup.
Sur son crâne lépreux, pas le moindre cheveu,
Est-ce là défaut ?
Oui, mais le couvre-chef voile le tout aux yeux.
Est galeux de visage, est glabre de partout
Et il a le mauvais œil, le matin surtout
Et il boite en marche de petit de hibou,
Est-ce là défaut ?
Oui, mais sur la selle, ça ne se voit du tout.
Quant à sa bouche, elle est difforme et édentée,
Oui, mais quand les autres parlent, lui, il se tait.
Sa main est tordue, est poids mort dans la mêlée,
Oui, mais il peut toujours sur sa garde compter.
… Hé oui ! Sarhane, le besoin cache les défauts. En sacrifiant Jézia, vous sauverez la lignée56 .

33Jazia est lucide, son énumération de tous les défauts du futur époux vise à les euphémiser, à l’inverse de ce qu’en dit Alfred Bell, en note de la version qu’il a recueillie au début du XXe siècle, qui précise : « les conteurs racontent que les cent défauts physiques du chérif étaient des plaies purulentes et des difformités physiques dissimulées par ses vêtements »57. Autant l’une est attirante, autant l’autre est repoussant ; il s’agit de l’union des contraires au plan esthétique, donc d’une mésalliance qui autorisera plus tard, l’intervention des Hilaliens.

34Jazia a accepté cette union mais le temps lui paraît long loin des siens et elle finit par ne plus supporter l’exil. Elle désire obtenir l’autorisation de son mari pour leur rendre visite, pour cela elle va utiliser une ruse transgressive qui doit lui permettre de partir. Elle propose à son mari une partie de jeu de Kharbga58, avec l’enjeu suivant qu’elle énonce ainsi dans la version de Lucienne Saada : « Quiconque vaincra son adversaire lui demandera de se montrer nu »59. Tandis que dans la version Marzouki, c’est Chérif, vainqueur de la première partie, car Jazia fait exprès de perdre, qui le lui demande en ces termes : « Une chose dans ma vie j’ai toujours espérée, que je n’ai jamais eue : te voir toute nue devant moi, sans voile ni habit »60. L’interdit portant sur la nudité est majeur et strict car il concerne la valeur fondamentale de la pudeur pour cette société, c’est ce que son mari demande à Jazia de transgresser.

35Pour expliquer le paradigme de la transgression, on pourrait reprendre la triade de Enrico Pozzi en l’adaptant, ce qui donne : 1. quelqu’un qui transgresse, ici Jazia qui doit se dénuder ; 2. quelque chose est transgressé, ici le tabou de la nudité ; 3. au nom de l’acte performatif engageant chacun à exécuter le gage donné par le vainqueur (chacun jure) Jazia se déshabille donc, mais se couvre entièrement de ses cheveux de sorte qu’elle était totalement cachée à la vue de son mari. Par ruse, elle a respecté le contrat et transgressé l’interdit sans en repousser les limites. Elle veut alors prendre sa revanche, gagne et demande le même gage à son mari qui refuse de l’exécuter, mais lui propose de le remplacer par ce qu’elle veut en jurant d’accéder à ses désirs. Elle demande alors qu’il l’autorise à rendre visite à ses parents. Dans la version de Micheline Galley, comme garantie de sa bonne foi, elle jure sur le lit conjugal de partir puis de revenir, ce qui incite le narrateur à faire le commentaire suivant : « Elle était perfide, car elle ne reviendrait pas, et lui croyait qu’elle était sincère »61. Elle prend le chemin des tentes, mais retourne chercher son miroir et son peigne qu’elle avait sciemment laissés, se déliant par là même de son serment. Comme le chante l’aède : « Ainsi, elle pouvait ne pas revenir au palais sans que son honneur soit sali par un parjure »62. Par deux fois, elle lève le serment sans faillir à sa parole. En fait, elle pousse la limite tout en faisant croire qu’elle n’y touche pas, tout en paraissant respecter non pas strictement les règles mais au moins les apparences d’un serment qu’elle n’a pas l’intention de respecter. Elle détourne ce sur quoi porte le serment en jouant sur l’espace vide qu’il contient, le non-dit, ou sur une ambiguïté, afin de le plier à sa volonté.

Pour conclure

36Nous n’avons pas pu, dans le cadre de cette brève étude, analyser tous les types de transgression qui alimentent la narration de la Geste. D’autres récits seraient à explorer, par exemple, les campements attaqués de nuit, par surprise et en l’absence des guerriers, les pactes reniés à cause d’une dette de sang, les rapts, etc. Jazia elle-même est enlevée par un marchand-sorcier juif et sauvée par Diab sur une jument verte extraordinaire ; leur retour au camp est certainement marqué par une transgression sexuelle, camouflée par une ruse. En effet, les deux protagonistes, amoureux l’un de l’autre, en ce début de la Geste, ont mis en place une stratégie complexe afin d’être ensemble sans qu’aucun de leurs compagnons de route ne s’en aperçoive. Ils ont, de ce fait, étendu une toile entre leurs deux montures et ont dormi l’un contre l’autre, et comme il n’y avait pas de trace de pas, personne ne pouvait les accuser d’avoir quitté leurs montures respectives ni d’avoir enfreint le code de l’honneur. Mais le poète n’est pas dupe de la ruse et le manifeste clairement : « Dieu seul sait ce qui est arrivé »63.

37La transgression est également associée au motif de la chasse tragique répertorié par Jean-Pierre Martin64où périssent le fils de Bouzid et Bouzid lui-même. En effet, Diab a pris ce dernier en traître, par ruse lors d’une partie de chasse à deux. Jazia elle-même sera victime d’une transgression majeure du code du guerrier lorsqu’elle se bat contre Diab, devenu son ennemi mortel à la fin de la Geste. Le cavalier hilalien, ancien amoureux de Jazia, l’affronte en un combat singulier sans la reconnaître et en ignorant totalement qu’il a affaire à une femme. Le code du guerrier hilalien interdit ce genre de combat et le considère comme déshonorant et ce, quelles que soient les qualités de la combattante. Mais Diab finit par identifier Jazia et la tue quand même par traîtrise.

38Toute la narration de la Geste est construite autour de ces transgressions d’interdits fondamentaux. Enfin, la configuration proditoire est le haut lieu de la manipulation effectuée par le transgresseur qui s’efforce de paraître ce qu’il n’est pas, de paraître loyal alors qu’il rompt le contrat fiduciaire qui le lie soit à l’individu avec qui il a conclu un contrat, soit avec le groupe, soit les deux. Le transgresseur-traître notamment est le seul à savoir la vérité sur ses intentions et sur le plan qu’il a échafaudé pour prendre par surprise celui qu’il manipule. Il redéfinit ainsi les limites. Cependant, et c’est ce qui étonne dans la Geste, les Hilaliens ont érigé en système politique et en système de pensée la transgression sous toutes ses formes, faisant sans cesse l’expérience de l’au-delà des limites et du chaos qui s’ensuit.

Bibliographie

CORPUS

Al Abnoudi Abdou Rahman, La geste hilalienne, Paris, Alfabarre, 2009.

Anonyme, Sirat Beni Hilal, folklore populaire, Liban, Centre national pour la presse la diffusion et la publication, non daté. (Titre traduit de l’arabe par nous-même).

Galley Micheline, Histoire des Beni Hilal et de ce qui leur advint dans leur marche vers l’ouest, Armand Colin « Classiques africains », 1985, p. 25.

Marzouki M’hammed, Jézia l’hilalienne, traduit de l’arabe par Anouar Attia, Carthage, éd. Sahar, 2011.

Saada Lucienne, La Geste hilalienne, version de Bou Thadi (Tunisie), Gallimard, 1985.

Zaaibi Mahfoudh, Sirat Beni Hilal entre réalité et mythe, Sfax, Dounia éditions, 2014. (Titre traduit de l’arabe par nous-même).

OUVRAGES CRITIQUES

Bel Alfred, Journal asiatique, mars-avril 1902, 9ème série, t. XX.

Foucault Michel, Préface à la transgression, Lignes, 2012, [Gallimard, 1994].

Godelier Maurice Métamorphoses de la parenté, Flammarion, « Champs essais », 2010.

Martin Jean-Pierre, Les motifs dans la chanson de geste. Définition et utilisation, Centre d’Études Médiévales et Dialectales, Université de Lille III, 1992.

Pozzi Enrico, « Le paradigme du traître », dans Dominique Scarfone éd., De la trahison, PUF, 1999.

Schehr Sébastien, « Le traître comme étranger radical », Revue des Sciences Sociales N° 42, 2009.

––––, « La trahison comme transgression », dans Michel Hastings, Loïc Nicola, Cédric Passard (éd.), Paradoxes de la transgression, CNRS Editions, 2012.

Notes

1 Michel Foucault, Préface à la transgression, Lignes, 2012, [Gallimard, 1994].

2 Micheline Galley, Histoire des Beni Hilal et de ce qui leur advint dans leur marche vers l’ouest, Armand Colin « Classiques africains », 1985, p. 25.

3 Nom arabe donné à la partie orientale du Maghreb médiéval constituée essentiellement de la Tunisie, du nord-est de l’Algérie et du nord-ouest de la Lybie.

4 Notre étude repose essentiellement sur 3 versions en langue française et 2 en langue arabe : Micheline Galley, Histoire des Beni Hilal et de ce qui leur advint dans leur marche vers l’ouest, Armand Colin « Classiques africains », 1985. – Lucienne Saada, La Geste hilalienne, version de Bou Thadi (Tunisie), Gallimard, 1985. – M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, traduit de l’arabe par Anouar Attia, Carthage, éd. Sahar, 2011. Nous traduisons les titres des ouvrages en arabe : – Mahfoudh Zaaibi, Sirat Beni Hilal entre réalité et mythe, Sfax, Dounia éditions, 2014. – Anonyme, Sirat Beni Hilal, folklore populaire, Liban, Centre national pour la presse, la diffusion et la diffusion, non daté.

5 Dans la version de la Geste donnée par l’écrivain et poète tunisien, spécialiste de la littérature populaire (1916-1981), Mohamed Marzouki, un vizir d’Égypte présente ainsi les tribus hilaliennes : « Ce sont de redoutables guerriers et des prédateurs innés. Partout où en leur innombrable multitude ils vont, ils sèment la mort et la désolation ». M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, traduit de l’arabe par Anouar Attia, Carthage, éd. Sahar, 2011, p. 102.

6 Il est important de noter que la graphie des noms propres est variable d’une version à l’autre en fonction des langues d’émission concernées, par exemple : Jazia, Djazia, Jézia ou encore El Jézia ; Diab, Dhieb ou Dhiab etc. Par souci de cohésion, nous avons gardé les mêmes graphies dans l’analyse, en revanche, nous avons respecté, celles propres à chaque version dans nos citations.

7 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, version de Bou Thadi (Tunisie), Gallimard, 1985.

8 Ibid., p. 70.

9 Ibid. loc. cit.

10 Ibid. loc. cit.

11 Ibid. loc. cit.

12 Dans la version de M’hammed Marzouki, le dispositif énonciatif est complexe. Le texte se construit autour de longs passages en prose suivis de dialogues de longueur variable. Il fait alterner une narration au 1er degré effectuée par un narrateur extradiégétique, omniscient dont la voix est celle du poète récitant avec une narration de second niveau, polyphonique et prise en charge par des personnages devenus narrateurs de leurs propres histoires. De plus, le poète utilise l’enchâssement pour mettre en scène de façon plausible ce passage d’une voix à l’autre. Dans le cas évoqué ici, l’échange entre les 3 protagonistes permet d’instaurer le héros hilalien Bouzid comme narrateur homodiégétique.

13 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, traduit de l’arabe par Anouar Attia, Carthage, éd. Sahar, 2011, p. 188.

14 Ibid., p. 189.

15 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, version de Bou Thadi (Tunisie), Gallimard, 1985, p. 113.

16 Ibid. loc. cit.

17 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 189.

18 Ibid., note 1, p. 69.

19 Michel Foucault, Préface à la transgression, Lignes, 2012, [Gallimard, 1994], p. 16.

20 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 260.

21 Sébastien Schehr, « Le traître comme étranger radical », Revue des Sciences Sociales N° 42 Étrange étranger, 2009.

22 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 107.

23 Ibid. loc. cit.

24 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 108

25 Ibid., p. 108.

26 Ibid., p. 109.

27 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 110.

28 Ibid., p. 115.

29 Jean-Pierre Martin, Les motifs dans la chanson de geste, Définition et Utilisation, 1992, Centre d’Etudes Médiévales et Dialectales, Université de Lille III, p. 228.

30 Sébastien Schehr, « Le traître comme étranger radical », Revue des Sciences Sociales N° 42 Étrange étranger, 2009.

31 Sébastien Schehr, « La trahison comme transgression », dans Michel Hastings, Loïc Nicola, Cédric Passard (éd.), Paradoxes de la transgression, 2012, CNRS Editions, p. 125.

32 Selon le glossaire de Maurice Godelier, Métamorphoses de la parenté, Flammarion, « Champs essais », 2010, p. 813-830.

33 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 114.

34 Ibid., p. 115.

35 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 246.

36 Ibid., p. 247.

37 Ibid. loc. cit.

38 Sébastien Schehr, Paradoxes de la transgression, op. cit., p. 130

39 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 302.

40 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 81

41 Ibid. loc. cit.

42 Ibid., p. 88.

43 Ibid. loc. cit.

44 Ibid., p. 90.

45 Ibid. loc. cit.

46 Enrico Pozzi, « Le paradigme du traître », dans Dominique Scarfone éd., De la trahison, PUF, 1999, p. 1-34.

47 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 91.

48 Ibid. loc. cit.

49 Ibid. loc. cit.

50 Michel Foucault, Préface à la transgression, op. cit., p. 17.

51 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 93.

52 Ibid., p. 93.

53 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 25.

54 Abdou Rahman Al Abnoudi, La geste hilalienne, Paris, Alfabarre, 2009, p. 123. Il ne s’agit malheureusement que d’extraits.

55 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 71.

56 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 25.

57 Alfred Bel, Journal asiatique, mars-avril 1902, 9e série, t. XX, note 1 du vers 37, p. 214.

58 Jeu de stratégie traditionnel de l’Afrique du Nord, voisin du jeu d’échecs. Il utilise un damier de 7 cases sur 7 et 48 pions répartis entre deux joueurs.

59 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 186.

60 M’hammed Marzouki, op. cit., p. 50.

61 Micheline Galley, Histoire des Beni Hilal et de ce qui leur advint dans leur marche vers l’ouest, op. cit., p. 16.

62 M’hammed Marzouki, Jézia l’hilalienne, op. cit., p. 55.

63 Lucienne Saada, La Geste hilalienne, op. cit., p. 83.

64 Jean-Pierre Martin, Les motifs dans la chanson de geste. Définition et utilisation, op. cit., p. 352.

Pour citer ce document

Bochra Charnay, « L’acte transgressif comme déclencheur de narration dans la Geste hilalienne  », dans La Transgression dans l'épopée : Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018), sous la direction de Claudine Le Blanc et Hubert Heckmann, Publications numériques du REARE, 10 juin 2024 Licence Creative Commons

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=616

Quelques mots à propos de :  Bochra Charnay

Bochra Charnay (Univ. Lille, EA 1061-ALITHILA) est docteur ès Lettres. Ses recherches portent sur la littérature orale et la littérature de jeunesse, en particulier sur le conte et l’épopée dont elle étudie les transpositions interculturelles et transmédiatiques ainsi que leurs rapports aux arts visuels et aux nouvelles technologies. Elle a fait paraître un ouvrage personnel Contes merveilleux de Tunisie (1997, rééd. 2000), et plusieurs en collaboration avec Thierry Charnay dont : Littérature de jeunesse : richesse de l’objet, diversité des approches (2016), Réécriture des mythes, contes et légendes pour l’enfance et la jeunesse (2016), De la musique avant toute chose en Littérature de jeunesse (2018). Plusieurs articles sont consacrés à l’épopée dont : « La Geste hilalienne : figures plurielles et ambigües du héros », « La Geste hilalienne : entre exploits guerriers, manœuvres politiques et valeurs morales » et « Épopée et transmédialité. Soundiata en Littérature de jeunesse : du texte de Lilyan Kesteloot à l’iconotexte de Dialiba Konaté ».