La Transgression dans l'épopée
Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018)

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Hubert Heckmann (maître de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université de Rouen)

Le volume constitue les actes du huitième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Hubert Heckmann (Université de Rouen/CEREdI), qui s’est tenu à l'Université de Rouen les 27 et 28 septembre 2018, grâce au concours du laboratoire CEREdI.

La transgression dans le Mvet ékang ou l’éloge du paradoxe

Marie-Rose Abomo-Maurin


Résumés

Le Mvet ékang est un instrument et genre littéraire majeur pour les Fang, Boulou et Beti. Pour ces peuples de forêt équatoriale, la transgression est un des péchés les plus graves, sévèrement sanctionné et exigeant un rite de purification. Que cette faute soit appréhendée comme le fondement intrinsèque du Mvet ékang ne peut que relever du paradoxe. De jeunes Ékang, dans Moneblum ou l'Homme bleu et dans Àjònò Àlá, transgressent les lois de l’hospitalité, première des valeurs. Ce manquement à l’éthique ancestrale place la transgression au fondement d’une idéologie du défi qui devient une vision du monde, servant à la fois à la construction d’une identité individuelle et à la perpétuation d’une identité culturelle.

Mvet ékang is a major literary instrument and genre for the Fang, Boulou and Beti peoples. For these peoples of the equatorial forest, transgression is one of the most serious sins, severely punished and requiring a rite of purification. That this sin should be seen as the intrinsic foundation of Mvet ékang can only be a paradox. In Moneblum ou l'Homme bleu and Àjònò Àlá, young Ékang transgress the laws of hospitality, the most important of values. This breach of ancestral ethics places transgression at the heart of an ideology of defiance that becomes a vision of the world, serving both to construct an individual identity and to perpetuate a cultural identity.

Texte intégral

1Pour les Fang, Boulou et Beti, le Mvet ékang1 est à la fois un instrument et un genre littéraire qualifié de majeur. Sa fonction, dictée au maître de la parole Oyono Ada Ngone, par Éyô, l’Être suprême, consiste à chanter les hauts-faits des immortels Ekang, peuple mythique, fondateur des populations installées en Afrique centrale2. Pour les peuples de forêt équatoriale, la transgression appartient à la catégorie des péchés les plus graves (on parle alors du nsə́m pour signifier une rupture de l’ordre établi, une désorganisation du monde et une déstabilisation de la société, le désordre instauré compromettant les rapports entre le coupable, la nature et les ancêtres). Elle était sévèrement sanctionnée dans les anciens temps et exigeait le recours à un rite de purification. Mais que cette faute soit appréhendée comme le fondement intrinsèque du Mvet ékang ne peut que relever du paradoxe. En effet, comment un bris d’interdit ou une rupture du protocole ancestral peuvent-ils mériter d’être encensés et participer de la formation d’un peuple ? Et de quelle contravention s’agit-il ?

2Des jeunes Ékang, dans Moneblum ou l’Homme bleu3 et dans Àjònò Àlá4, sont à l’origine de « la transgression des normes de comportement régissant la société et en assurant l’harmonie »5, à savoir le « dédain des lois d’hospitalité »6. En effet, l’outrage de Mekui-Mengômô-Ondo7 à l’encontre de son père contraint les Ékang à l’exiler chez Efeñ Ndong, le grand chef du pays des Hommes bleus. Mais l’insolent séduit l’épouse de son hôte et exige, en dédommagement des travaux effectués, la femme de celui qu’il a servi. De même, trois jeunes gens, tous du nom d’Oyono, arrivent chez les Yememve à la recherche de femmes à épouser. Non seulement ils maltraitent physiquement et moralement leurs hôtes, mais ils les accablent également d’impôts. Plus grave encore, ils s’emparent des filles, les amènent à Engong, leur village, sans payer la dot indispensable pour se marier. Dans l’un et l’autre cas s’observe le non-respect des règles de l’hospitalité. Mais, de quelle manière et à partir de quels critères ces agressions deviennent-elles des valeurs qui contribuent à la construction d’un peuple ? Qu’est-ce permet de faire de la profanation de coutume, et donc du péché, le fondement du Mvet ?

3La réponse à ces questions s’organise à partir de trois éléments-forces, indispensables au registre et à la réalisation du Mvet ékang. Tout d’abord, l’infraction citée ne peut se départir de l’idéologie du défi. Appréhendée comme une faute, la rupture de cette pratique se conçoit comme une irréversible ligne de conduite dans la vision de l'univers ékang. En effet, ces immortels, bien que conscients de leur suprématie, recourent à la violence et à la force pour consolider leur identité, individuelle, ainsi que l’hégémonie du groupe. Ce qui légitime les violations répétées et perpétrées par les petits-fils Zolo Obiang, ancêtre des Ékang.

I. Transgression et idéologie du défi

4Les comportements des Ékang chez les Yememve (Towo Atangana et Abomo-Maurin) et chez les Hommes bleus sont identiques, même si les agressivités des Oyono ouvrent le Chant I alors que les manquements de respect de Mekui (Éno Belinga) commencent au Chant XL8. Cependant, dès la rencontre entre l’Ékang et Éfeñ Ndoñ (Éno Belinga), le grand chef des Hommes bleus, de petites infractions s’observent qui signalent la violation de la convention de l’hospitalité.

Dédain des lois de l’hospitalité : manquement à l’éthique ancestrale

5L’hospitalité est la première des valeurs que toute âme noble respecte et honore. Le principe du bon accueil de l’étranger s’inscrit dans les devoirs à accomplir par les autochtones. De même, le séjour d’un allogène dans un village ou dans un clan exige de lui le respect des convenances, des lieux et des personnes qui le reçoivent, car la situation de manque oblige généralement au voyage. Les trois Oyono (Towo Atangana et Abomo-Maurin) voyagent à la recherche d’épouses et Mekui (Éno Belinga) est venu purger sa peine de prison chez les Hommes bleus. Or, que se passe-t-il ?

6La présentation des personnages ne souffre pas d’ambiguïté et dès la rencontre avec leurs hôtes, les prédispositions des uns et des autres se lisent dans les comportements. Face à des autochtones affables, les étrangers multiplient les exigences et montrent une violence qui surprend. Les bardes Asomo Ngono Éla (Towo Atangana et Abomo-Maurin) et Daniel Osomo (Éno Belinga) présentent, la première, Oleme Ndongo de la tribu des Yememve et, le second, Éfeñ Ndoñ du pays des Hommes bleus comme des hommes attentifs, alors que l’insolence des Ékang éclate dès le premier contact. Rien ne se passe ici comme d’habitude. L’accueil réservé habituellement à l’hôte est escamoté par les arrivants qui dédaignent l’interpellation amicale et paternelle, « jeunes gens »9, que leur adresse le patriarche des Yememve. Les Oyono lui opposent des actes et des paroles empreints d’agressivité. Alors qu’Éfeñ Ndoñ veut rappeler à Mekui qu’il n’est pas l’auteur de sa condamnation10, comme pour amorcer une relation amicale, ce dernier, dès la convocation du chef des Hommes bleus, se prépare à la guerre. Ainsi, « Mekui-Mengônô se leva, s’habilla, prit son épée flamboyante qu’il tint à la main. /Mekui-Mengônô planta en terre le doigt annonciateur des hostilités »11.

7Le désir d’une relation amicale transparaît également dans l’appellation dont use le chef des Hommes bleus, pour s’adresser à Mekui. Il est le « beau-frère »12, ainsi que le veut l’usage entre personnes n’ayant aucun lien de parenté. Mekui est prisonnier et pourtant il jouit d’un statut digne de son rang. Il se voit certes confier des corvées, mais celles-ci correspondent à de grandes responsabilités d’aménagement du territoire qu’on ne peut abandonner qu’entre des mains expertes13. Mieux qu’un ‘gardien de prison’, Éfeñ Ndoñ a gommé la rivalité qui l’oppose aux Ékang, comme il semble avoir oublié leur naturel belliqueux. Il sait féliciter le travail accompli14 et accorder toute sa confiance à son détenu. Comme l’exige le protocole d’accueil, Éfeñ Ndoñ et Oleme Ndongo remplissent les conditions de réception de l’étranger. Or les Ékang, loin de se satisfaire de la paix qui leur est offerte, multiplient les infractions.

Les Ékang ne sont pas des humains. Leur mauvais comportement chez les autres ne les déshonore pas. La violence qui accompagne leurs actes et qu’ils exercent dans des lieux inappropriés, paraît cependant déplacée. Les Oyono arrivent et fixent la durée de leur séjour15, autant qu’ils décident de ce qu’ils emportent chez eux : « Voici le genre de femmes pour lequel nous sommes partis d’Engong Akouma !»16. Refusant d’attendre le rituel d’accueil, les Oyono s’impatientent et arrachent la parole à leur interlocuteur17. Ils décident de clore la discussion à leur guise. Prompts à l’anathème et à l’insulte, le ton martial et l’arrogance auxquels ils recourent surprennent et désarment leurs hôtes. La soumission et la maltraitance des Yememve sont totales18. Pourtant, n’apparaissent nulle part des raisons antérieures qui justifieraient ce siège ni ces obligations qui vont désormais assujettir à un impôt ou établir de ne fréquenter le marché qu’aux jours fixés. Ils sont enfin contraints à donner leurs filles aux Oyono19 sans dot, afin de s’épargner la cruauté des Ékang : « Tu donnes une fille en mariage à Engong Akouma, malheur ! / Tu n’en donnes pas, malheur encore ! »20.

La tentative des jeunes Yememve pour récupérer la dot dont ils ont été délestés ne connaît d’autre issue que celle de la brimade et de la défaite. Le comportement de Mekui, en ce qui concerne les tâches qu’on lui confie, est irréprochable. Or, s’il a été envoyé en prison chez les Hommes bleus, c’est parce qu’il avait offensé son père en lui demandant de l’aider à se marier. Et voici que, peu vigilant, trop confiant, Éfeñ Ndoñ le met régulièrement face à sa femme à la dénomination plus que suggestive, Nlem-Okele-Abum21. Intrépide, le jeune Ékang jette son dévolu sur l’épouse de son bienfaiteur. Ce dernier l’a accueilli et l’a traité comme un noble, se conformant ainsi à l’éthique de l’hospitalité. Courtiser la compagne de celui qui s’est comporté comme un père constitue une offense inadmissible, qui appelle la même condamnation que celle infligée à celui qui convoite sa belle-mère. Décider de la lui enlever est passible de bannissement pour la trahison.

Les héros ékang, à savoir les Oyono22 ou Mekui, se révèlent en situation de manque. Cependant, loin de l’humilité qui commande cet état, ils franchissement aisément le seuil de la décence. Ils dénient l’attitude attendue et défient leurs hôtes, préférant ainsi faire valoir ce qui est chez eux une permanence et une idéologie : le défi.

Idéologie du défi : une vision du monde

Par « idéologie », on entend « [u]ne vision du monde, c’est-à-dire une construction intellectuelle qui explique et justifie un ordre social existant, à partir des raisons naturelles ou religieuses [… une] vision du monde qui n’est en réalité qu’un voile destiné à cacher la poursuite d’intérêts matériels égoïstes en renforçant et étendant la domination d’une classe de privilégiés »23. Il ne fait aucun doute que cette définition correspond à la vision du monde par les Ékang. Elle repose sur des ressorts et des stratégies qui sous-tendent la transgression. Viennent, en premier lieu la dérogation au principe du bon comportement de l’étranger, l’impertinence et l’insolence. L’impertinence dit le manque de respect, l’absence de toute convenance, une attitude qui choque par son irrespect. Les Oyono en font grandement la démonstration pendant leur séjour chez les Yememve car ils les offensent :

Les gens du village restaient dans la stupeur :
« Quel genre d’hôtes est-ce donc ?
Ils font la cour à nos filles, les demandent en mariage et les inscrivent dans leur registre de recensement.
Ont-ils déjà versé la dot ? »24

À cette impertinence qui est la règle de conduite de Mekui face à Éfeñ Ndoñ, s’ajoute une insolence sans limites. Elle s’allie à une audace excessive, un refus total de considération, autant qu’à un mépris avéré des Yememve, des Hommes bleus, de toute hiérarchie comme de tout individu non Ékang. Alors qu’il n’est qu’un prisonnier, Mekui devient cynique devant son ‘geôlier-protecteur’. Non seulement il réclame un salaire pour des travaux effectués sous le coup de sa condamnation, mais ce salaire dépasse également l’entendement dans la mesure où il est question de l’épouse du maître25. Cette dernière exigence déclenche la bataille qui fédère tous les Ékang contre les Hommes bleus. Éfeñ Ndoñ a omis de respecter une clause qui, pourtant, n’a jamais figuré dans le pseudo-contrat avec Akouma Mba : Mekui était un exilé sous la garde du grand homme bleu, et ne devait donc pas travailler pour lui, car seuls les esclaves travaillent au service de leur seigneur.

La démonstration de force et la supériorité ékang dans les deux épisodes du Mvet n’échappent pas aux autochtones. La provocation à laquelle s’adonnent les immortels a pour corollaire l’impertinence et l’insolence. La transgression, loin de ressembler à un accident de parcours, s’instaure en mode d’existence chez les petits-fils Zolo Obiang, ancêtres des Ékang. Toute rencontre avec ce peuple comporte des embûches, comme l’éprouvent les jeunes yememve à la recherche de leur sœur. La rencontre avec Ongbwengbwa Mba Andema Éyene, l’un des fils de Mba26, annonce les ennuis qu’ils vont essuyer par la suite. En effet, il exige d'eux des droits de passage. Angono Zok, homme cruel qui garde l’entrée d’Engong, leur réclame ensuite les papiers dont tout voyageur doit se munir pour traverser Engong. L’absence de ces documents expose à des représailles terribles qui obligent les jeunes gens à revenir sur leurs pas27. Malmenés sur leur terre, les Yememve le sont également chez les Ékang. Or, ces derniers sont arrivés chez eux sans encombre. La désobéissance aux codes de l’hospitalité atteint son comble. Les descendants de Zolo s’y adonnent sans réserve. Alors que leur pays, Engong Zo’o Mevele me Mba, se présente comme un modèle de hiérarchisation sociale où tout étranger est assimilé à un vagabond qu’on doit chasser28, ils se permettent des libertés chez les autres.

Ainsi s’instaure dans les récits d’Asomo Ngono Éla (Towo Atangana et Abomo-Maurin) et Daniel Osomo (Éno Belinga) la « logique ékang ». En effet, conscients d’appartenir à « une race divine »29 d’avoir acquis l’immortalité, les héros civilisateurs ont pour rôle de soumettre les autres peuples. On ne peut être étonné dès lors que la dérogation aux usages communs se substitue aux pratiques habituelles pour mieux établir un autre fonctionnement : la domination ékang.

II. La transgression : une logique de la construction

Dès le moment où les Ékang ont transmué la profanation en une logique, en une idéologie, dont le dessein consiste à se mettre à leur service au détriment de l’Autre, elle devient l’agent d’une construction identitaire. C’est ainsi que se construit la « raison ékang ».

Obligation de construction d’une identité individuelle

Construire une identité individuelle, telle semble en effet la première raison de la transgression. Elle permet à un être de se distinguer parmi les autres et, dans ce sens, à un jeune de fournir la preuve de sa singularité. La quête de femmes à épouser amène les Ékang à quitter Engong. Si la recherche de femmes à épouser se justifie explicitement pour les Oyono, elle se présente de manière plus subtile dans Moneblum. Mekui est exilé chez les Hommes bleus. Si l’on s’en tient à la raison principale, c’est parce qu’il a offensé son père. Or il lui a demandé de l’aider à se marier : ce qui est normal et logique dans le monde réel. Si le désir de se marier est lui aussi légitime, il n’en demeure pas moins que cette requête initiale se mue en prétexte pour atteindre l’héroïsme.

Dans le Mvet ékang, les protagonistes sont par essence des « personnages mythiques symboliques restitués par leur généalogie dans l’histoire mythique de la création du Cosmos »30. Ils ne sont que des actants dans un univers déjà constitué. Les êtres déjà convaincus de leur immortalité n’ont d’autre mission que de confirmer ce qui existe déjà. C’est dans cette configuration de leur condition qu’ils diffèrent de ceux de l’épopée ouest-africaine où les « personnages (sont) réels, situés, par leur généalogie, dans une lignée historique »31. Ceux-ci doivent acquérir leur renommée et leur statut de héros.

Ce rappel et cette distinction sont essentiels dès qu’on évoque une construction d’identité personnelle ékang. En effet, comment se bâtir une réputation propre, afin de se distinguer parmi les descendants de Mba, si ce n’est en posant des actes exceptionnels, en l’occurrence ici la résistance à l’ordre établi ? « Ressort fondamental de l’action »32, le dépassement du seuil, le nsə́m, ainsi que les Fang, Boulou et Fang nomment tout bris de la norme, devient l’outil de sa formation et de toute l’existence. Si faire la guerre aux autres clans est le propre des Ékang, tout dépend dès lors du prétexte allégué et des moyens que le personnage met en œuvre pour créer une situation d’individuation, qui doit lui valoir l’admiration des autres. On comprend alors pourquoi le père de Mekui l’embrasse et félicite lorsqu’il lui ramène une femme, l’épouse du chef des Hommes bleus : « Tu t’es trouvé une épouse, tu es désormais un homme »33.

Les Oyono initient à une nouvelle gestion des rapports avec l’Autre. Ils entendent appliquer une législation jusque-là inconnue, contraignant la liberté qui prévalait à la soumission34. Cette démarche initiatique, au cours de laquelle la cruauté excessive des jeunes gens ainsi que le dédain sans pareil de l’hospitalité atteignent l’impensable, vise le renforcement d’un pouvoir monoclanique. Ces comportements, qui ne se justifient pas, prennent pourtant tout leur sens dans le désir, voire le devoir, de se prouver leur force et leur valeur. C’est alors qu’au moment de célébrer leur mariage, ils explicitent la raison de la transgression de la tradition hospitalière :

Nous avons épousé ces filles grâce à nos coutelas,
Ces femmes, par la contrainte des fusils et des fouets.
C’est ce qui s’appelle se marier à la pointe des coutelas35.

L’introduction d’armes dont l’utilisation n’est pas habituelle chez ces Ékang qui composent les trois familles mythiques d’Engong, à savoir les Fers, les Rocs et les Marteaux, confirme le caractère exceptionnel de leur démarche. Les immortels ont davantage agi ici comme les mortels, sans que soit mise en jeu « une réorganisation de la structure organique du corps humain » convoquée par Armand-Ngak36, mais déjà avancée par Angèle Christine Ondo37. Ces tentatives de domination sont couronnées de succès, elles déclenchent néanmoins des combats où la force des combattants se mesure à un autre niveau. Et si l’adversaire est toujours vaincu, il ne démérite pas.

Le retour glorieux à Engong ouvre à l’acquisition d’une nouvelle assise dans le clan. Parce qu’ils ont transgressé les codes usuels, les Oyono et Mekui font une entrée digne de leur nouveau rang dans la communauté qui les fête et les congratule. Le combat mené contre leurs bienfaiteurs reste la preuve de leur capacité d’effronterie, d’insolence et d’impertinence. Et quand Ondo Bela Engon, le père de Mekui, lui dit : « Tu t’es trouvé une épouse, tu es désormais un homme »38, il lui signale la fin d’une initiation qui a été couronnée de succès. Or on le sait, tout apprentissage a pour but de devenir un homme ou d’en former. On est cet homme parce qu’on a triomphé des entraves rencontrées, parmi lesquelles les lois connues de tous. On est héros par l’insoumission à la convention, parce qu’on a montré qu’on peut aller au-delà du seuil permis pour se définir et s’affirmer. Or, ce faisant, on montre au groupe entier combien on est prêt à passer outre le conventionnel pour des causes plus nobles. Cette démesure est le fondement de l’épopée. En effet, le Mvet reste « le genre qui focalise le maximum de données culturelles pour les ordonner dans une forme précise répondant à une vocation à la fois sémantique et pragmatique : celle de symboliser une identité et celle d’appeler à vivre cette identité au sein de la communauté qu’elle définit »39. Ce qu’Angèle Christine Ondo formule ainsi : « Les trois jeunes gens (ici les deux Oyono et Mekui) rejoignent ainsi le panthéon des héros épiques universels : jeunes, beaux et valeureux. Leur rôle thématique est celui des jeunes princes, à la beauté et au courage légendaires et qui doivent sauver le monde.»40

Aussi, si la transgression donne la preuve d’une suprématie individuelle, l’agressivité qu’elle provoque n’est orientée que vers l’extérieur, vers les mortels, et elle (?) doit absolument interdire tout accès à l’immortalité. Une nouvelle lecture de la logique ékang consiste à comprendre que toute violence à l’extérieur n’a pour but que la volonté de consolider et renforcer la solidarité intérieure41.

Consolidation d’une suprématie et perpétuation d’une identité culturelle

Si la transgression apparaît comme le ressort de la trame épique, si elle résulte du comportement de quelques personnages en quête d’identité individuelle, c’est par elle qu’on aboutit toujours à la généralisation des conflits entre les Ékang et les ennemis héréditaires. Les Oyono épousent dans la violence des filles Yememve. Leurs frères subissent des mutilations tragiques pour avoir réclamé la dot qui leur est due pour se marier à leur tour. S’ils implorent l’aide d’Éyene Ndongo, ce dernier trouve dans cet appel une possible occasion de soumettre les immortels. L’élan de noblesse, qui consiste à venir au secours du faible face à un agresseur honni, participe d’un des codes du bien-vivre ensemble, à savoir la solidarité.

Alors que dans les épisodes du Mvet ékang chantés par Asomo Ngono Ela (Towo Atangana et Abomo-Maurin) et Daniel Osomo (Éno Belinga), l’immortalité est une donne intrinsèque, non discutable, déjà acquise, ce préalable ne paraît pas toujours dans les autres chants épiques de la zone pahouine. L’impression qui domine chez les deux bardes est celle d’un état de fait qui recommande l’irrespect et la soumission des autres, mettant en évidence une relative influence coloniale. La puissance d’Éyene Ndongo, « le grand gouverneur »42 du clan Yemimfum43, possesseur de case à fétiches44, aux mêmes pouvoirs magiques que ses adversaires, maître des armées, n’est pas moins redoutable. Éfeñ Ndoñ apparaît tout aussi invincible. Mais la morale ékang doit rester sauve, alors qu’elle se présente comme défiant la tradition humaine : elle se légitime dans le non-respect des interdits. Les adversaires des immortels Ékang sont anéantis, en dépit de leur force et leur pouvoir prodigieux.

Cette généralisation des conflits poursuit un autre dessein que la preuve de la suprématie d’Akouma Mba et de sa progéniture. Elle vise à dépouiller l’adversaire battu de ses prérogatives et « pouvoirs occultes qui font [sa] force. »45

Ils s’avancèrent
appliquèrent à Éyene Ndongo un coup de sortilège sur le dos :
Le pouvoir de grondement, le pouvoir de la chance, le pouvoir de l’effronterie46, le pouvoir de la méchanceté,
Tous ces pouvoirs, on les donna à avaler aux écoliers d’Engong Akouma.
Fououm ! Il ne lui resta dans le ventre que les ses viscères et ses boyaux.»47

C’est le sort que connaît Éfeñ Ndoñ pour avoir refusé son épouse à son rival et l’avoir transformé en « un esclave voué à la construction de [tes] routes. »48

Le transfert des pouvoirs extirpés à l’ennemi aux écoliers (sens ? Je ne comprends pas), loin d’être une vulgaire punition, relève d’un acte d’anéantissement total. La punition infligée au prétentieux s’apparente à une condamnation à mort. Il ne reste plus au gouverneur des Yemimfum que les éléments du corps humain les plus insignifiants pour les Ékang. Ainsi réduit à néant, il ne peut plus disputer aux Ékang leur condition d’immortels. En effet, on lui laisse ce qui est périssable, après lui avoir retiré ce qui relève de l’esprit, de l’intelligence, du pouvoir et qui rend l’être immortel. Le nouveau statut d’Éfeñ Ndoñ, esclave au corps strié de marques de possession par autrui et désormais sous les ordres d’Akouma d’Engong, relève également de cette conquête pérenne des royaumes régis par les mortels. Ainsi peut-on également lire l’importance de la transgression dans le Mvet. La volonté de provocation qui l’accompagne, au-delà des femmes qu’on épouse par la force et la violence, vise ce moment où le groupe ékang doit recueillir les fruits des actions menées individuellement par ses membres. Il s’agit de la construction d’une autorité monocéphale ékang et de l’instauration d’une puissance unique.

Le manquement aux lois sociales propulse les personnages vers l’héroïsme. Dans le Mvet ékang, cette valeur conforte un comportement général déjà établi et, dans une certaine mesure, à l’origine de la renommée ékang. Les exploits de ce peuple ne se conçoivent pas en dehors de la rupture avec les pratiques ancestrales. L’impression d’impunité qui domine rejoint l’idée qu’on ne peut se hisser dans l’héroïsme sans contrevenir aux règles. Ces hauts faits, dont le point de départ s’ancre dans le rejet des pratiques ancestrales, sont également ce qui amène au réveil d’un élan identitaire culturel. En effet, « l’épopée réveille la notion d’identité culturelle en même temps qu’elle suscite, par l’exaltation dans la communion, une tension vers cette identification »49.

Le récit d’Ondoua Engutu, Dulu bon be Afri Kara50, que l’auteur reconnaît comme étant le résultat des conversations qui circulaient sur les descendants d’Afri Kara, met en évidence cette acception d’un peuple singulier. En effet, Abomo-Maurin évoque les migrations de ce peuple et le mythe fondateur fang-boulou-beti51 d’une communauté rassemblant les Ékang, c’est-à-dire les Fang, les Boulou et les Beti. Le mvet apparaît justement au cours de leurs pérégrinations52. Oyono Ada Ngone reçoit la révélation du Mvet alors qu’il est plongé dans le coma53. Ce don divin, pour raconter les exploits du pays mythique d’Engong aux Ékang et les amener à les célébrer ensemble, génère un art. La logique de l’affront instaure la reconnaissance d’une identité culturelle54.

III. Le Mvet ékang : éloge de la transgression et pertinence d’un genre

Dans l’univers fang, boulou et beti ordinaire, la faute, qui relève du blâme, donc susceptible d’entraîner la mort ou le bannissement, ne peut susciter l’éloge. Mais la logique ékang, par sa conception inversée du monde, érige la transgression de l’interdit en qualité et valeur. Ce qui relève du paradoxe.

Mvet ékang et éloge du paradoxe

La notion de partialité qui se dégage du Mvet prend racine dans les recommandations mêmes que dicte Éyô à Oyono Ada Ngone plongé dans le coma. Éyô se revendique parole unique, sans contestation, celle qui doit être transmise telle quelle : «Éyô dit : Me Kobegue : Je parle »55. Le pouvoir et le rôle du Mvet consistent chanter les exploits des fils d’Engong. Or un exploit n’est rien d’autre qu’un dépassement du seuil de l’humain, de ce que l’humain peut et doit faire. Le sens de la vie à appréhender repose sur la volonté exigée de l’être humain de toujours repousser ses limites, quitte à violer les interdits. Tout épisode du chant épique n’est donc qu’un encensement de l’écart. La démesure épique amène ainsi à l’éloge paradoxal, dans la mesure où les personnages loués agissent dans la non-conformité de ce qui est généralement admis, connu et pratiqué.

L’apologie du « péché », du manquement aux prescriptions ancestrales, à laquelle s’adonne le barde, renvoie à une autre contradiction : ce qu’on ne peut tolérer dans la société des vivants est agréé dès qu’on accède à l’univers épique. Les défauts qui se transforment en qualités autant que les situations scabreuses, cependant porteuses de signification positive, confirment la vision d’un « monde-du-tout-permis ». On touche ainsi à la perfection de l’homme tandis que l’ultime dessein escompté se résume en l’élévation du clan. Les personnages mis en scène par Asomo Ngono Éla (Towo Atangana et Abomo-Maurin) et Daniel Osomo (Éno Belinga), s’ils recherchent une valorisation individuelle, ne peuvent pas agir en défaveur de leur clan.

La logique ékang reste ainsi sauve quand la morale humaine est bafouée. Du moment que la transgression s’impose comme le moyen du courage, comme le prouve Mekui56, qu’elle devient un appel au ralliement57, elle se hisse en valeur indispensable pour tout Ékang. De toutes les façons, il ne peut en être autrement à partir du moment où le principal instigateur du nsə́m est Akouma Mba, le chef lui-même58.

Comment ne pas comprendre dès lors que l’univers que célèbrent les bardes, loin de s’opposer au monde réel, lui plutôt inversé, comme une image saisie dans le prisme d’une caméra ? Pourtant si proche des Fang, Boulou et Boulou, cette société idéale dans son fonctionnement interne propose une autre vision de l’existence, une philosophie du dépassement qui, autre paradoxe, ne correspond pas à celle des contes ni à celle des proverbes. Le Mvet ékang présente un monde du gigantisme, de la démesure, de l’exaltation et, dans ce sens, préconise une transformation de l’être. D’où cette série de paradoxes qu’il propose, mais à partir desquels pourtant doit se retrouver la communauté.

Le Mvet ékang : la pertinence d’un genre

« Le mvet et la question de la nature humaine », c’est ainsi qu’Armand Ngaketcha Njafang intitule la seconde partie de son article « Le ‘‘Perfectionnement humain’’ (Aubame)59, un principe du Mvet : aux origines d’un transhumanisme africain »60. En effet, raconter les exploits des hommes d’Engong Zo’o Mevele me Mba suggère également de questionner le sens de ces hauts faits. Le dédain des lois de l’hospitalité qui représente dans les deux épisodes retenus la manifestation du nsə́m mérite une punition exemplaire selon les lois ancestrales. Or, dans ces régions où le désir de bonne entente garantit la paix et préserve un équilibre qui n’est durable qu’agréé par le Cosmos, l’ensemble des bonnes manières respectées entraîne, non plus une stabilité, mais un nivellement néfaste. Cet arasement des clans ne peut convenir aux immortels Ékang. Il faut dès lors créer un précédent, une infraction, susceptible de provoquer une situation qui puisse aboutir à la domination des autres.

Ainsi donc, chanter les hauts faits ékang, c’est assurer et s’assurer de la performance pérenne d’hommes, de femmes et d’enfants, qui peuplent cet univers. C’est susciter la fierté de l’individu et l’orgueil de tous. On ne peut s’étonner dès lors que l’éloge de la violation de la loi trouve toute sa place dans le devoir de l’humain à transcender ce qui est commun à tous, afin d’atteindre une certaine singularité. La formation de l’individu vise donc un but : rechercher un fait ou une situation inédite qui fasse grandir la communauté et la rassembler.

La pertinence du Mvet réside non seulement dans la transformation de défauts en qualités, mais également dans la manière dont ce genre littéraire donne à voir une telle transmutation. C’est tout d’abord le désir d’amélioration de la nature humaine qui se profile dans le chant épique. Asomo Ngono Éla (Towo Atangana et Abomo-Maurin) et Daniel Osomo (Éno Belinga) qui narrent les actes appartiennent à l’une des trois grandes familles d’Engong : les Fers, les Rocs et les Marteaux. Ceci confirme d’emblée leur état d’ « êtres travaillés » et transformés d’avance grâce à ces matériaux.

Le principe du « perfectionnement humain » postule qu’à sa naissance l’homme est comparable à du minerai brut qui, pour prendre forme, doit être fondu et travaillé. C’est de l’habilité des magiciens-forgerons que l’être humain recevra sa forme finale […] L’organisme du héros se comporte comme du métal […] L’absence de perfectionnement humain ne prédispose pas au commandement61.

La transgression favorise le passage d’un état humain à un autre, celui de l’être « travaillé ». La nouvelle condition acquise justifie les actes et les comportements de ceux qui doivent s’imposer au monde et régler son ordre. La force de l’idéologie du défi se légitime dans ce contexte où les Autres sont réduits à des objets qu’il faut dépouiller. Ainsi, « le monde des Immortels étant, dans le Mvet, comme une méta-société informant celle des humains »62, c’est aux bardes qu’incombe cette responsabilité première du genre épique. En somme, la polysémie du genre apparaît ici dans toute sa signifiance. En tant qu’outil, il est le prisme à travers lequel se développe le monde mythique des immortels. Leurs actes et actions, toujours extraordinaires, s’épanouissent dans l’infraction, une invariante de l’épopée fang-boulou-beti. En ce sens, le Mvet s’appréhende comme une métaphore. En tant que récit, il adopte par moments les traits d’un conte philosophique à partir duquel le monde réel tire des leçons, dont la première est le dépassement de soi pour le bien de la communauté. Il incarne enfin la manifestation de la beauté d’un art complet où récit, chants, danses se rencontrent dans un savant dosage.

En conclusion, il ne fait aucun doute que le Mvet, reçu par Oyono Ada Ngone et dicté par Éyô, a pour principale mission de célébrer les exploits des immortels Ékang. Cependant se pose la question des moyens qui permettent aux personnages de réaliser leurs hauts faits et d’atteindre l’héroïsme. Les jeunes Ékang, appelés à construire leur renommée dans un univers d’illustres guerriers, doivent, par quelque façon, baliser leur propre voie pour asseoir leur autorité individuelle dans la communauté et celle du groupe sur les peuples voisins. C’est pourquoi, pour les trois Oyono et Mekui, la transgression, atout par excellence du dépassement du seuil, s’impose comme un indispensable programme de réussite. Ces personnages, dont la seule logique et l’unique philosophie se résument à l’idéologie du défi, considèrent l’insolence, l’impertinence et la violence comme des armes de l’héroïsme. Leur descente chez les mortels devient un parcours et une initiation qui confirment leur solide formation. Ils construisent dans l’espace et le temps leur réputation, leur identité individuelle, ainsi que celle du groupe.

Dès lors, les épisodes de Mvet que servent les bardes Asomo Ngono Éla (Towo Atangana et Abomo-Maurin) et Daniel Osomo (Éno Belinga), dans leur réitération de l’éloge des immortels Ékang, s’installent dans le paradoxe. Cet éloge paradoxal, qui révèle le fonctionnement d’un univers inversé et une logique toute ékang, constitue le soubassement même du genre. Si la transgression est ainsi le fondement intrinsèque de l’épopée fang-boulou-beti, c’est parce que son univers vise la transcendance et la transformation de l’être. Pétri d’organes périssables et de chair humaine, cet être doit être « travaillé » dans un mélange de fer, de roc et de marteau pour devenir un homme ‘supérieur’. C’est en somme cette supériorité que vise le dépassement de tout seuil.

Notes

1 J’écrirai simplement Mvet au lieu de Mvet ékang, excepté dans une citation.

2 Dans le grand sud du Cameroun, la Guinée équatoriale, le nord du Gabon, le nord du Congo et les îles Sao-Tomé et Principe, Sainte Hélène.

3 Samuel-Martin Éno Belinga (enregistré par), Moneblum ou l’Homme bleu, épopée récitée par le barde Daniel Osomo, ouvrage bilingue publié avec le concours de l’Université de Yaoundé, 1978. On se contentera dans les notes et le texte d’Éno Belinga.

4 Gaspard Towo-Atangana et Marie-Rose Abomo-Maurin, Àjònò Àlá, Les Trois Oyono, un Mvet boulou (Cameroun) d'Asomo Ngono Éla, Classiques Africains, 2009. Dans le texte, le recours au titre se limitera à : Les Trois Oyono. Par ailleurs, les noms étant très longs, on parlera de Towo Atangana et d’Abomo-Maurin.

5 Christiane Seydou, « Comment définir le genre épique ? Un exemple : l’épopée africaine », dans Veronika Gorög-Karady (dir.), Genres, formes et significations : essais sur la littérature orale africaine, Oxford, Jaso Occasional Papers, 1982, n°1, pp. 84-98, p.95.

6 Ibid.

7 Pour ce personnage qu’on trouve dans Moneblum d’Éno Belinga, au lieu du nom entier (Mekui-Mengômô-Ondo), on retient uniquement Mekui, sauf s’il s’agit d’une citation.

8 Le découpage au niveau des « Chants » n’est pas le même dans les deux épopées. Les Trois Oyono, comme la tragédie classique avec ses cinq actes, s’organise en cinq grands Chants, alors que Moneblum compte cinquante-cinq Chants d'une amplitude pouvant aller de 27 à 107 vers.

9 Towo Atangana et Abomo-Maurin, v. 319.

10 Éno Belinga, v. 863.

11 Op.cit., vv. 859-860.

12 Ibid., v. 1040.

13 Ibid., vv. 865-873.

14 Ibid., vv. 997-998.

15 Towo Atangana et Abomo-Maurin, op. cit., vv. 419-421.

16 Ibid., v. 339.

17 Ibid., vv.153-154.

18 Ibid., vv. 430-436 ; 439-443.

19 Ibid., vv. 491-492 ; vv. 531-533.

20 Ibid., vv. 896-897.

21 Traduction : nlə́m (le cœur) ̀okələ́ (qui est accroché) àbùm (ventre).

22 Ils fonctionnent comme une seule entité, étant donné qu’aucune action véritable ne permet de les distinguer. À un certain moment dans le récit, l’un des Oyono disparaît définitivement.

23 http://www.cnrtl.fr/definition/id%C3%A9ologie, ce 03/09/2018.

24 Towo Atangana et Abomo-Maurin, op.cit., vv. 371-374.

25 Éno Belinga, op. cit., vv. 1194-1204.

26 Towo Atangana et Abomo-Maurin, op. cit., vv. 647-661.

27 Ibid., vv. 794-879.

28 Ibid., vv. 775-776.

29 Éno Belinga, op. cit., p. 14 (introd.).

30 Christiane Seydou, art. cité, 90.

31 Ibid.

32 Ibid

33 Éno Belinga, op. cit., vv. 1529-1530.

34 On peut classer Les Trois Oyono parmi les épopées en pleine mutation, car elle intègre tant d’éléments du Cameroun sous la Tutelle française que tout le récit en est imprégné. Il suffit, pour le voir, de lire Marie-Rose Abomo-Maurin, « L’épopée bulu du Sud-Cameroun : un genre en mutation ? L’exemple de Àyònó Àlá d’Asomo Ngono Ela », in Oralité africaine et création, sous la direction d’Anne-Marie Dauphin-Teinturier et Jean Derive, Paris, Karthala, 2006, p. 127-147.

35 Towo Atangana et Abomo-Maurin, op. cit., vv. 532-534.

36 https://transhumanistes.com/wp-content/uploads/2018/07/Mvet-et-Transhumanisme-Armand-Ngak.pdf, le 24/8/2018

37 « L’espace corporel intérieur dans le mvet », Journal des africanistes, 79-2 | 2009, pp.155-170.

38 Éno Belinga, op. cit., vv. 1529-1530.

39 Christiane Seydou, art. cité, p. 86.

40 Ondo, Angèle Christine, Mvett ékang : forme et sens, l’épique dévoile le sens, Paris, l’Harmattan, 2014, p. 119.

41 On ne peut ne pas penser ici aux aventures d’Astérix.

42 Towo Atangana et Abomo-Maurin, op. cit., v. 1189.

43 Dans Yemimfum, le préfixe « ye » permet de construire la dénomination d’un clan. Mfum, radical, signifie « blanc », alors que le second préfixe, mi, est la marque du pluriel de la classe du mot mfum. De cette explicitation du terme Yeminfum, se consolide l’idée d’une épopée en mutation, car Eyene Ndongo est ainsi le grand chef du clan des Hommes blancs, c’est-à-dire de l’administration de Tutelle au Cameroun. Il sera tout de même battu par les Ékang.

44 Towo Atangana et Abomo-Maurin, op. cit., v. 1201.

45 Ibid., v. 2900.

46 Comprendre « insolence » ou « impertinence ».

47 Towo Atangana et Abomo-Maurin, op. cit., vv. 2904-2908.

48 Éno Belinga, op. cit., v. 1640.

49 Christiane Seydou, art. cité, p. 88.

50 Ondoua Engutu, Dulu bon be Afri Kara, Élat-Ébolowa, Hasley Memorial Press, 1954.

51 Marie-Rose Abomo-Maurin, « Les Descendants d’Afri Kara à la recherche de la terre promise : le mythe fondateur fang-boulou-beti », in Littératures et migrations transafricaines, Études Littéraires africaines, 2013/36, 61-73.

52 Ondoua Engutu, p. 7.

53 Ndong Ndoutoume, Tsira, Le Mvet épopée fang,  Paris, Présence africaine, 1983, p. 21 ; Ndong Ndoutoume, Tsira, L’Homme, la mort et l’immortalité, Paris, l’Harmattan, 1993, p.16-29.

54 Pour éviter la confusion entre les descendants d’Afri Kara, les Ékang et les Fang, Boulou et Beti, quelques précisions sont indispensables. Les Ékang sont un peuple mythique, imaginaire, n’existant que dans les récits du Mvet. Les Ékang servent de modèles et de références aux Fang, Boulou et Beti, populations réelles vivant dans les régions du Centre et du Sud Cameroun. Les descendants d’Afri Kara, dont l’histoire est contée par Ondoua Engutu, d’après les récits oraux qu’il a entendus, forment cet ensemble de familles que d’aucuns assimilent aux ancêtres des Fang, Boulou et Beti. Les Ékang (relevant du mythe) et les descendants d’Afri Kara (issus des récits devenus des légendes) confondent quelque peu dans l’imaginaire populaire. Mais on se réclame facilement et plus naturellement Ékang que descendant d’Afri Kara.

55 Tsira Ndong Ndoutoume, 1993, p. 16.

56 Éno Belinga, op. cit., vv. 1465-1469.

57 Ibid., vv. 1456-1493.

58 Ibid., vv. 1490-1493.

59 Aubame, Jean-Marie, Les Béti du Gabon et d’ailleurs, sites, parcours et structures, Paris, l’Harmattan, 2002, T1.

60 https://transhumanistes.com/wp-content/uploads/2018/07/Mvet-et-Transhumanisme-Armand-Ngak.pdf, ce 24/8/2018 et 8/9/2018.

61 Angèle Christine Ondo, « L’espace corporel intérieur dans le mvet », Journal des africanistes, 2009, 79-2, p. 155-170.

62 Christiane Seydou, art. cité, p. 96.

Pour citer ce document

Marie-Rose Abomo-Maurin, « La transgression dans le Mvet ékang ou l’éloge du paradoxe  », dans La Transgression dans l'épopée : Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018), sous la direction de Claudine Le Blanc et Hubert Heckmann, Publications numériques du REARE, 10 juin 2024 Licence Creative Commons

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=594

Quelques mots à propos de :  Marie-Rose Abomo-Maurin

Marie-Rose Abomo-Maurin, HDR, Université de Yaoundé 1 (Cameroun), est auteure de nombreux articles et ouvrages scientifiques. Ses domaines de recherches concernent les littératures francophones écrites, les littératures orales et écrites en langues bantou d’Afrique centrale fang-boulou-beti.