La Transgression dans l'épopée
Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018)

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Hubert Heckmann (maître de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université de Rouen)

Le volume constitue les actes du huitième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Hubert Heckmann (Université de Rouen/CEREdI), qui s’est tenu à l'Université de Rouen les 27 et 28 septembre 2018, grâce au concours du laboratoire CEREdI.

Ce que les héros homériques transgressent

François Dingremont


Texte intégral

1Les menaces bibliques contre ceux qui transgresseront le Pacte d’Alliance sont terribles1. Aucun n’en sortira vivant. L’amour de YHWH est exclusif et sa jalousie tenace. Cet exclusivisme est la marque des religions monothéistes.

2L’idée qu’une transgression soit fondatrice est impensable dans ce contexte, où il ne s’agit pas, comme dans les cosmothéismes, d’agir conformément à un ordre, à un kosmos, toujours changeant, variable, et appelant à des actes rituels de refondation, mais de croire en la vérité d’une parole révélée et de manifester une adhésion à son message. La transgression rompt le lien de fidélité. La rupture est irréparable.

3Dans les cosmothéismes ou les polythéismes, l’aspect fondateur de la transgression est cette fois concevable, car aucun pacte ne lie un Dieu à ses adorateurs. Pour autant ce n’est pas sous l’angle de la fondation que je vais aborder la question de la transgression, mais dans son rapport à l’exercice difficile de l’institution des normes.

4Les comportements transgressifs et en même temps fondateurs sont généralement le lot des héros des Tragédies. Dans la Tragédie, le récit est souvent comptable d’un geste, d’une parole initiale transgressive que rien ne viendra effacer et qui marquera d’une manière indélébile la narration, les protagonistes de l’intrigue et les types de relation qu’ils entretiennent avec leurs entourages. Les épopées ne sont pas autant dépendantes d’une séquence, d’une transgression primordiale fondatrice dont tout découle2. Si l’Iliade parle de la colère d’Achille et l’Odyssée du retour d’Ulysse, l’unité thématique ne resserre pas pour autant la trame narrative, elle ne contraint pas le récit. La colère (mènis) et le retour (nostos) est un prétexte pour évoquer une grand nombre de sujets. Au sein de ces derniers, s’établit une hiérarchie des thèmes qui rend compte à la fois du dessein de l’aède et des attentes de son public. Dans l’Iliade la rencontre entre ces deux éléments se fait autour de différentes manières d’illustrer une volonté divine prise dans le tourbillon d’intérêts contradictoires. Dans l’Odyssée, elle s’effectue autour de diverses façons d’illustrer le chemin et les épreuves d’une existence, sachant que la voie que suit cette dernière est plus polytropique que linéaire3 . Dans les deux cas, la transgression joue un rôle, mais elle n’a rien de fondatrice. Les multiples transgressions commises volontairement ou accidentellement par les Compagnons d’Ulysse ne fondent rien, pas plus que l’anormalité que représente l’accaparement par Agamemnon de la captive d’Achille. Ces transgressions n’ont aucun poids normatif, en revanche, elles font que le récit perdure et que de nouvelles péripéties surviennent. Elles retardent le récit et le retour à Ithaque. Elles font que la narration sera encore plus polytropique, encore plus diverse et variée. La transgression produit des changements d’orientation.

5Les épopées grecques ont la particularité de placer la transgression non pas comme l’accident, la faute, déroutant du chemin de l’institution de la norme, mais comme l’épreuve nécessaire au déploiement du processus normatif. L’écart transgressif révèle les différentes étapes et épreuves du cheminement normatif et de la construction des valeurs sur lesquelles il repose. Comprendre ce que les héros homériques transgressent revient alors à percevoir ce à quoi les Grecs tiennent. En somme, la transgression n’est pas un phénomène à analyser isolément, elle survient dès que du jeu, au sens mécanique du terme, apparaît dans l’appareillage idéologique. Pour comprendre le rôle qu’elle joue dans cette dynamique, il faut donc tenir compte de ce qui l’associe à l’institution des normes.

6Il existe une manière positive, conceptuelle, rationnelle, dogmatique, d’appréhender une décision, une volonté, et d’une manière plus générale, une autorité divine, d’une part, et un cheminement restaurateur d’un ordre, d’autre part. Ces thèmes pourraient être exprimés d’une manière absolue par la voie de la révélation et de la proclamation d’une vérité. Les épopées ne choisissent pas cette voie positive où il s’agit, comme en rend compte le Poème de Parménide, d’être guidé par la lumière de la connaissance. L’autorité divine et l’ordre, le kosmos, social se construisent étapes par étapes. L’Iliade et l’Odyssée, pour aborder ces questions fondamentales anthropologiquement les mettent d’emblée à l’épreuve de la crise, de la confusion, de l’anormalité et de la transgression ; le négatif participant à l’institution de la norme.

7Il me semble donc plus fécond de se pencher sur l’aspect non pas fondateur de la transgression, mais sur sa participation, au titre d’un imaginaire, à une dynamique visant à instituer des normes sur un mode non positif. D’une manière générale, les épopées sont rarement étrangères à la manière dont culturellement des normes sont appréhendées. Pour instituer la norme matrimoniale, il a bien fallu songer à ce qui pourrait la transgresser et s’en protéger. C’est ce processus que met en relief l’épopée, à savoir l’impossibilité de dégager, voire de concevoir, le positif sans le négatif, l’absolu sans le relatif, et les normes sans leurs transgressions4.

8Dans l’Odyssée, bien que Pénélope soit toujours fidèle à Ulysse, on ne cesse d’évoquer la possibilité de son infidélité. L’institution matrimoniale est décrite en crise, elle sera restaurée lors du retour d’Ulysse. L’Odyssée montre à la fois l’institution de la norme en termes d’hospitalité, ainsi lorsque Télémaque se rend chez Ménélas et sa transgression dans l’Ithaque des Prétendants de Pénélope. Ce basculement dans la transgression renforcera la valeur de l’institution matrimoniale et de l’hospitalité. La crise mémorielle que connaît un Ithaque sans nouvelles de son souverain et la transgression commise par l’aède Phémios refusant de chanter la gloire d’Ulysse intensifieront in fine la valeur de la mémoire et le pouvoir du chant aédique, une fois le héros revenu.

9La transgression apparaît comme un agent perturbateur nécessaire à l’avènement de la nouveauté et de l’inattendu.

10D’où l’angle que j’ai choisi en cherchant non pas à qualifier l’acte transgressif, ni en déterminant sa fonction, mais en portant une attention à ce qui est transgressé pour que le récit avance et que les institutions se renforcent.

11Les transgressions homériques s’en prennent à l’illusion de pérennité et de stabilité des normes et des valeurs. Par un effet de perturbation, elles mettent en relief la perpétuelle nécessité de les réinstituer pour que soit préservée leur efficacité. Que permettent-elles concrètement de réinstituer ? D’abord des normes d’usages, et par exemple pour donner un aperçu de mon propos, celles où sont distingués espace et discours masculin et espace et discours féminins, ensuite, l’autorité et la volonté inébranlable, inaltérable des instances divines et enfin le souci de repérer et de respecter des lois de la nature. Ce sont ces trois institutions que certains héros homériques transgressent afin qu’ayant été mises en crise elles se réinstituent sous un nouvel aspect.

La lubricité, mère de toutes les transgressions

12 Si cet article tente de désigner ce que les héros homériques transgressent, il n’est pas inutile d’évoquer succinctement, en préambule, une raison essentielle, car récurrente, qui pousse les hommes à transgresser les usages, à savoir la possession d’un penchant lubrique. Selon Hésiode, la lubricité de l’homme est le pendant de la lascivité des femmes, les deux s’alimentent5. Lubricité et lascivité sont des ingrédients de l’imaginaire pastoral grec, où tout concourt à l’abandon de soi. Hésiode décrit ces moments où le vin coule, les cigales chantent et le soleil tape. La lubricité ajoute à l’abandon la dépossession de soi. On mettra sur le compte de cette tendance funeste, les agissements scabreux d’Égisthe qui, pris d’un désir incontrôlable pour Clytemnestre, manœuvrera pour se débarrasser du mari légitime, Agamemnon.

13Le comportement lubrique n’épargne pas l’Iliade, Pâris en est un parfait exemple. Le rapt d’Hélène à Sparte dans la demeure de Ménélas n’est que le dernier épisode d’une chaîne de transgressions dont le premier maillon est l’affront fait à Éris. Si elle avait été invitée aux noces de Pelée et de Thétis comme l’usage le recommandait, Éris n’aurait pas songé à se venger. Elle n’aurait pas créé « La Pomme de Discorde »  entre Athéna, Héra et Aphrodite, et il n’aurait pas fallu recourir au « Jugement de Pâris » pour départir les déesses dans ce concours de beauté. Jugement qu’Aphrodite fausse en transformant Pâris en être lubrique, aveuglé par la promesse de posséder Hélène6. Celle-ci sera la dernière victime d’une succession de transgressions dont Pâris, tout à sa lubricité, est l’agent.

14Rendre les autres lubriques et donc incapables de contrôler leur libido, est une arme essentielle d’Aphrodite. C’est en effet bien elle qui transforme le fils cadet de Priam en un être efféminé, transgressif et lubrique. Les mésaventures de l’enfance et le rejet dont il fait l’objet de la part de son père l’ont conduit à mener, temporairement, une vie pastorale, abandonné sur le mont Ida. Aphrodite choisit ce moment pour introduire en lui le poison de la machlosunè (lubricité). Elle l’instrumentalise, le rendant provocant et sensuel pour nuire à Héra et Athéna. Elle active le désir sexuel chez le berger troyen afin de s’attirer son suffrage lors du concours de beauté l’opposant à ces deux déesses. Ce dernier est le subterfuge pensé par la déesse Éris en guise de vengeance. Elle dédie une pomme à la plus belle des déesses sans préciser son nom, ce qui aura pour effet d’attiser la rivalité, la jalousie entre les Olympiennes. Zeus désigne Pâris comme juge de ce concours. La perfide Aphrodite ne joue pas sur ses propres atours, mais sur le pouvoir ensorceleur de la promesse qu’elle fait à Pâris. En effet, si ce dernier la désigne comme la plus belle, il pourra posséder Hélène, à la beauté si attirante. Les mots de la déesse éveillent la sève du jeune homme. D’après l’Iliade, le jeune berger aveuglé par son désir, « loue » Aphrodite et « injurie » les deux autres déesses (XXIV, 26-30), ce qui déclenchera une haine tenace d’Héra et d’Athéna à l’encontre de Troie et de la famille de Priam.

15C’est donc bien la lubricité qui influence le choix de Pâris. Il y ajoutera la transgression des règles de l’hospitalité, lorsque profitant de l’hospitalité de Ménélas, il lui volera son épouse. Les conséquences de ces actes seront graves, car les Atrides décideront de mener une expédition militaire dans le but de récupérer Hélène.

La transgression des usages

16La lubricité mène à transgresser les règles d’usage et de convenance. Elle n’en n’est pas le seul motif. L’homme agit de la sorte car il est possédé par une force le dépassant. La perturbation des usages par une femme ne s’exprime pas sous la même forme. Elle est plus souvent le fait d’une intention délibérée. Les héroïnes épiques transgressent les usages imposés par le genre et qui les tiennent éloignés des lieux de décision. Andromaque, Hélène et Pénélope ne sont pas pour autant, dans la tradition épique, des héroïnes passives, recluses, prisonnières d’un espace domestique. Elles prennent l’initiative de franchir les limites du territoire de la féminité. Ainsi on les voit pénétrer et agir dans un espace réel et symbolique, celui de la parole publique, habituellement réservé à l’homme ; ce qui entraîne des rappels à l’ordre.

17Cette prise de parole dans l’espace public ne se fait pas sans oppositions, notamment chez ceux, les hommes, qui détiennent une autorité sur ce type de parole. L’héroïne épique est toujours placée sous le joug de l’injonction à regagner ses appartements lorsque son discours déplaît au souverain, au mari, bref à l’homme possédant un statut l’autorisant à produire ce type d’injonction.

18En somme, le discours public d’une femme, par son aspect incongru voire inconvenant, peut être reçu comme transgressant un usage qui répartit les espaces selon les genres et configure les modes de prise de parole en fonction de ces espaces « genrés »7. Dans ses appartements, la femme est tenue non de discourir mais de surveiller ses servantes, de les mettre au travail. Sa principale occupation est le tissage. L’espace public, masculin, de l’oikos est le lieu où les hommes se réunissent, où ils discutent et prennent des décisions. Dès qu’une femme s’en approche, elle doit faire en sorte que la relation qu’elle établira avec ses interlocuteurs soit empreinte d’aidôs, de pudeur et de respect8. Et pour ce faire, les mots comptent.

19Le franchissement de la limite entre les deux espaces répond souvent à l’écho perçu par les bruits de l’espace public et à la volonté de réagir à ce qui est entendu. En effet, les deux espaces ne sont pas étanches sur le plan acoustique. On perçoit, par exemple, de l’extérieur le son de la voix d’une femme non parce qu’elle parle mais parce qu’elle chante en tissant. Les sons passent d’un espace à l’autre. Andromaque entend, de ses appartements, les cris annonciateurs de la mort d’Hector9.

20A côté des bruits, circulent aussi les protagonistes de l’épopée.

21Voulant prendre Pénélope en flagrant délit de détissage, les Prétendants s’autorisent à pénétrer dans l’espace intime où est installé le métier à tisser10. Inversement, la reine d’Ithaque lorsqu’elle entend le banquet des Prétendants et le chant de Phémios n’hésite pas à quitter ces appartements et « dire son fait » à l’aède11.

22Au chant III de l’Iliade, Hélène prend la parole dans un lieu et un moment assez inattendus, sur les remparts de Troie et lors de la bataille qui fait rage entre Troyens et Achéens12. Iris, la messagère des Dieux, l’avait incité à abandonner un instant sa toile. Hélène décrit alors, les chefs achéens aux vieux Troyens réunis autour d’elle. Elle n’agit pas de sa propre initiative. Elle y a été invitée par Priam curieux de l’identité des guerriers que ses troupes combattent. Elle prend manifestement plaisir à rappeler la gloire des hommes dont elle était, avant le rapt de Pâris, si proche. Loin de regagner ses appartements une fois le service rendu à Priam, elle assiste au duel entre Pâris et Ménélas. À l’issue de celui-ci, Pâris, blessé, est magiquement sauvé par Aphrodite et ramené par la déesse dans sa chambre (thalamos). Pâris, d’après Aphrodite, demande qu’Hélène le rejoigne. Loin d’obtempérer Hélène se rebiffe, arguant du fait que son mari légitime, Ménélas, est sorti victorieux de la compétition, et qu’il serait dès lors normal qu’elle le suive et qu’elle abandonne la couche de Pâris. Elle sait cette inférence, conforme à la logique agonistique, désagréable aux oreilles d’Aphrodite, mais elle n’en a cure et lance ces propos effrontés à la déesse:

Voici que Ménélas a vaincu le divin Pâris et veut me ramener chez lui, misérable entre toutes, c’est donc pour cela que tu viens ici tramer tes ruses ? Cours te mettre à ses pieds et renonce aux chemins des dieux ; ne laisse plus tes pas te reconduire vers l’Olympe ; souffre sans fin auprès de lui et prends le sous ta garde, jusqu’à tant qu’il ait fait de toi sa femme ou son esclave ! Pour moi je n’irai point là-bas – ce serait une honte !13

23Le propos est vif, Hélène met l’injonction d’Aphrodite sur le compte de la frustration occasionnée chez la déesse par la défaite de Pâris. Elle se sait, par ailleurs, être l’objet de la manipulation de la déesse. Elle s’exprime à cet instant comme si elle avait recouvré son identité d’épouse légitime de Ménélas.

24Le refus de regagner la chambre nuptiale contre la volonté d’Aphrodite apparaît dès lors comme une transgression. Ce qui n’est pas du goût d’Aphrodite, « Arrête, malheureuse, ou je te laisse à ma colère. Crains que mon fol amour pour toi ne se transforme en haine » (III, 413-415). Devant les menaces d’Aphrodite, Hélène finira par obéir, sans manquer de rappeler le dégoût que lui inspire Pâris14.

25Hélène n’est pas la seule héroïne homérique à être renvoyée prestement vers ses appartements. Il arrive la même mésaventure à Andromaque dans l’Iliade et à Pénélope dans l’Odyssée. À chaque fois sont rappelées la distinction entre espace et paroles privés et publics et la forme de transgression que ces femmes commettent. Les expressions sont formulaires. Dans l’Odyssée, au chant II, Pénélope quitte ses appartements pour venir se plaindre publiquement du chant de Phémios. Elle reproche à l’aède de négliger la mémoire de son maître Ulysse. Télémaque juge que ce n’est pas à sa mère de fournir des appréciations sur le chant de l’aède, il la rabroue en ces termes : « Allons ! Rentre au logis, occupe-toi de tes travaux, de ta toile, de ta quenouille, et à tes servantes ordonne de se mettre au travail. Aux hommes, les soins du discours (muthos), à moi tout d’abord, qui suis maître céans »15.

26Ce passage fait écho à une formule d’Hector dans l’Iliade. Le fils de Priam répond de la manière suivante à l’inquiétude d'Andromaque - qu’il juge déplacée venant d’une femme - concernant sa passion pour le combat : « Allons ! Rentre au logis, occupe-toi de tes travaux, de ta toile, de ta quenouille, et à tes servantes ordonne de se mettre au travail. Aux hommes, les soins de la guerre (polemos), à moi tout d’abord, et à tous ceux qui sont nés à Ilion16 ».

27La différence entre espace féminin et masculin, celui du discours public et de la guerre, est nettement accentuée dans ces discours. Pénélope et Andromaque venant prendre la parole dans un lieu qui n’y est pas propice transgressent une frontière, mais aussi une répartition traditionnelle des tâches et des rôles. Télémaque et Hector, les renvoyant chez elles, rappellent les règles coutumières.

La transgression de la volonté (boulè) divine

28 L’allusion faite précédemment au plan perfide d’Éris conduisant Pâris, à travers les manipulations d’Aphrodite, sur les chemins de la lubricité, illustrait l’intensité d’une volonté et d’une décision (boulè) divines d’une part, et les marges de manœuvre offertes aux hommes pour les transgresser, d’autre part. Philippe Rousseau, dans le contexte iliadique, traduit boulè par plan, volonté divine. « Elle est l’expression de l’ordre qu’ils [les Dieux] instaurent et font régner par le jeu des leurs relations réglées, un ordre dont la puissance de Zeus garantit la stabilité », ajoute-t-il17.

29Dès les premiers vers de l’Iliade, on comprend que la Guerre de Troie est le fruit d’une boulè des Dieux. L’aède demande aux Muses de chanter la colère d’Achille. À travers elle, est-il précisé dans le Proème, s’accomplit la volonté (boulè) de Zeus. Le déploiement du champ de bataille et le refus de combattre d’Achille expriment le consentement de Zeus à l’entreprise vengeresse d’Athéna et d’Héra contre Aphrodite et ses protégés, en l’occurrence les Troyens. La destruction de ces derniers passe par la disparition de nombreux Achéens, cet élément fait également partie du plan de Zeus18. Pour que le dessein des Olympiens s’accomplisse, il faut que soient écartés les éléments laissant entrevoir une issue proche au conflit guerrier. La supériorité physique d’Achille sur les autres combattants en est un. Le mettre à l’écart du polemos est un moyen de ne pas faire pencher trop tôt la balance du côté des Danaens.

30La colère et la bouderie d’Achille ont donc des conséquences déplorables, les cadavres s’amoncellent dans les deux camps. Mais, selon l’avis des Dieux, la querelle et le ressentiment entre Troyens et Achéens doivent être alimentés. Les agissements d’Éris entretiennent cette querelle primordiale. Elle se concrétise dans le conflit guerrier, le polemos. Disculpant Hélène, Priam au chant III affirme qu’elle n’est pas la cause des malheurs des hommes, mais que la guerre a été voulue par les Dieux19. Ces derniers excitent les hommes à guerroyer, à ne respirer que les « combats sanglants », à se passionner pour le polemos20.

31Ce schéma narratif ne peut cependant pas tenir dans le temps sans lasser l’auditeur ou le lecteur. Si tous les évènements épiques se déroulaient selon une boulè prédéterminée, selon un schéma actanciel précis, il deviendrait difficile d’envisager la place – fondamentale s’il en est – de la crise, et plus généralement de la perturbation dans l’économie épique. Telle est une des fonctions de la transgression, à savoir permettre d’ouvrir une parenthèse, de suggérer d’autres possibles narratifs. D’où le rôle qui est le sien dans les péripéties21.

32Ainsi les péripéties de ce même chant III montrent l’efficacité narrative de la transgression. Elle ouvre un possible concurrençant la boulè établie au début de l’épopée, où le terrain d’expression de la querelle et de la rivalité est la guerre.

33Le récit met bien en relief la perturbation. Elle est soulignée par Iris, l’envoyée des Dieux. Elle se présente à Hélène dans ses appartements. Elle la trouve selon le schéma traditionnel affairée à son tissage. À noter d’emblée la particularité de ce dernier : « elle la trouva au palais, tissant une ample toile, double manteau de pourpre où figuraient tous les combats que Troyens dompteurs de chevaux et Achéens vêtus de bronze avaient subis pour elle par les mains d’Arès » (III, 125-128). Hélène tisse une toile figurative où elle représente les épreuves (aethlous) de la guerre de Troie. Selon l’expression consacrée, nous assistons sur la toile à une mise en abyme de l’Iliade. Est aussi mise en abyme la boulè divine, la volonté d’accorder la première place au combat guerrier. L’arrivée d’Iris annonce une perturbation.

Se plaçant devant elle, Iris aux pieds légers lui dit : « Viens ma chère, viens voir la chose étrange et merveilleuse. Troyens aux fiers coursiers et Achéens vêtus de bronze jusqu’ici dans la plaine, s’affrontaient en des combats sources de pleurs et ne songeaient qu’à la guerre funeste. À présent, c’est la trêve ; ils sont tous là silencieux, couchés sur leurs écus, leurs épieux plantés dans le sol. Car voici que Pâris et Ménélas chéri d’Arès, vont pour te conquérir, se battre avec leurs longues piques, et le vainqueur fera de toi sa femme légitime. » (III, 121-138).

34La messagère invite Hélène à quitter ses appartements afin de constater un phénomène nouveau, introduisant un décalage entre ce que l’héroïne tisse sur sa toile et les événements qu’elle est censée représenter. Les guerriers, si prompts à en découdre suivant l’appétit pour les combats qu’Éris a fait naître et alimenter chez eux, font une trêve. La chose est étrange et inattendue. Les guerriers font une pause. Auparavant bruyants et hargneux, ils sont maintenant silencieux, au repos, leurs armes déposées au sol ; comme si le champ de bataille s’était transformé en aire de jeu pour un tournoi, une agôn, dont ils seraient les spectateurs. Bref la guerre a cessé. L’initiative de la trêve incombe aux héros eux-mêmes, d’où la surprise d’Iris. Le texte ne le cache pas puisqu’il révèle que cette parenthèse est une idée du transgresseur par excellence, Pâris. Ce dernier avait été sommé par Hector de prendre part au polemos. Il lui avait répondu de la sorte : « Si tu veux maintenant que je combatte et que je lutte, fais d’abord asseoir tous les gens, Troyens et Achéens, puis qu’on nous mette aux prises, Ménélas chéri d’Arès et moi. Hélène et tous les biens nous serviront d’enjeu » (III, 67-71).

35Pâris se dit prêt à affronter la guerre à condition que cette dernière se transforme en agôn. Il faut bien avoir en tête que dans la Grèce archaïque, polemos et agôn renvoient à des idéologies bien distinctes22. Le statut d’Hélène autorise ce glissement transgressif, car elle est la cause et la raison du conflit guerrier et en même temps elle apparaît comme le prix et la récompense d’un agôn. D’où la possibilité, du point de vue des protagonistes, et plus particulièrement de celui de Pâris, de passer de l’un à l’autre. Le différend entre Ménélas et Pâris peut aussi bien être réglé par une confrontation directe entre les deux héros. Sauf que cette appréciation, toute logique qu’elle soit, ne tient pas compte de la boulè des Dieux orientée uniquement vers le polemos. Le tissage d’Hélène en était le garant d’une manière métaphorique. Le fait qu’elle le cesse indique bien une rupture et une suspension du dessein des Dieux.

36Le glissement du polemos à l’agôn est repérable à plusieurs détails : la transformation des guerriers en spectateurs, la désignation des compétiteurs, Ménélas et Pâris, d’une part, le rappel de l’enjeu de la compétition, à savoir le prix et la récompense qu’incarne Hélène, d’autre part. Il faut rappeler que jusqu’à ce que Pâris se décide à prendre part au conflit les événements suivaient une seule direction, celle de la guerre. La décision d’Achille de se mettre en retrait remettait à plus tard la possibilité de victoire des Achéens et la fin du polemos. Tant qu’Achille boudera, les Achéens ne pourront pas prendre l’avantage sur les Troyens et les possibilités de récupération d’Hélène s’éloigneront. La décision de Pâris bouleverse la donne et surtout rapproche les échéances.

« À ces mots, Achéens et Troyens furent tout joyeux, espérant bientôt finir la déplorable guerre » (III, 111-112).

37La possibilité d’une résolution par le duel n’est cependant pas à la hauteur de la haine d’Athéna et d’Héra envers Aphrodite et les Troyens. Dans cette manière de revenir à ce qui faisait la motivation de l’expédition des Achéens en Troade, à savoir la reprise d’Hélène, le rôle d’Achille comme agent destructeur de Troyens, auquel Héra tient tant, est mis au second plan. La colère d’Achille et la crise qu’elle crée n’ont plus d’incidences sur les événements. Ces derniers prennent une orientation qui n’est plus conforme au plan initial des Dieux. D’où la nécessité pour eux de se concerter et d’instituer de nouveau leur boulè et leur autorité. Zeus prend en compte la perturbation et demande aux Olympiens de délibérer. L’agôn a été perdu par Pâris, les Olympiens accepteront-il de reconnaître la victoire de Ménélas et l’issue du duel ou au contraire récuseront-ils cette manière, humaine, de solder le différend ? Ils ont conscience de l’existence de l’alternative. Ils la formulent en rappelant leurs prérogatives. « À nous de discuter du tour que prendra cette affaire. Allons-nous derechef allumer la funeste guerre et les cruels combats, ou raccommoder les deux peuples ? » (IV, 15-16).

38Héra et Athéna font pencher la balance du côté de la reprise de la guerre : « Elles voulaient la mort de Troie » (IV, 21). Les Olympiens sont néanmoins face à une difficulté. En effet, l’accord entre Achéens et Troyens sur l’issue par l’agôn a été assorti de serments. Les deux camps en se mettant d’accord sur l’issue du conflit se jurent de ne pas reprendre les hostilités. Il faut donc aux Dieux, et plus spécifiquement à Athéna, trouver un moyen d’entraîner un protagoniste au parjure, de lui faire transgresser le serment. La déesse se précipite et parvient au milieu des deux camps. Son apparition au milieu des troupes est un signe annonciateur que les guerriers interprètent de la manière suivante : « ou l’on reprend la guerre affreuse et l’horrible mêlée, ou c’est un pacte qu’entre nos deux peuples vient conclure Zeus » (IV, 82-83). La manifestation de la présence surnaturelle est comprise comme un gage accordé à l’une ou l’autre des alternatives. À cet instant, les Achéens s’estiment vainqueurs et en droit de récupérer Hélène, puisque Pâris ne doit sa survie qu’à l’intervention magique d’Aphrodite. Sous les traits de Laodocos, Athéna s’approche du héros troyen Pandaros, afin que tirant une flèche sur Ménélas, il viole le pacte de non agression et efface d’un trait l’arrangement agonistique. Le cycle de la violence repart de plus belle, faisant du temps de l’agôn une parenthèse au cours de laquelle la volonté des dieux fut transgressée.

La transgression de la phusis

39 Si l’on se tourne maintenant du côté de l’Odyssée, on notera que ce ne sont plus les coutumes ou les avis divins qui sont transgressés mais les lois de la nature, de la phusis. Ce nom d’action décrit la croissance, la constitution naturelle des choses et des êtres, ou l’ordre régulier de la nature. S’en remettre à sa loi signifie accepter, trois principes, parmi d’autres, celui de l’alternance entre le jour et la nuit, celui du passage et de la distinction entre jeunesse et vieillesse et enfin celui de la séparation du monde des morts et des vivants. Or ces trois principes de distinction ne sont pas respectés dans certains passages de l’Odyssée.

40Ainsi lorsqu’Ulysse et ses compagnons arrivent au Pays des Lestrygons. Cette terre est l’occasion d’une expérience limite des confins, en effet là-bas les routes du jour et celles de la nuit sont proches ; elle ne subit pas la loi de l’alternance, mais de la contiguïté. Nuit et jour cheminent ensemble, ce qui a pour conséquence l’absence de succession du jour et de la nuit et donc un état permanent, indistinct, de semi-obscurité23. Une seconde perturbation de la phusis se produit au chant suivant. Ils abordent l’île de Circé, la magicienne. Cette dernière métamorphose les Compagnons en cochons. Grâce à l’antidote fourni par Hermès, Ulysse ne subit pas le même sort. Il obtient même de Circé la suspension de l’altération des Compagnons. Là se produit le plus surprenant. Ils ne recouvrent pas leur apparence initiale, mais « les voilà redevenus des hommes, mais plus jeunes, plus beaux et de plus grande mine »24. Une autre loi de la nature, celle du vieillissement, est là encore transgressée. L’altération de l’altération ramène les Compagnons a un état physique que les désastres de l’errance leur avait fait perdre.

41Le pouvoir magique d’altération dont dispose aussi Athéna, fait qu’à chaque instant le jeune peut se retrouver vieux et le vieillard disposer des forces et des muscles d’un jeune homme25. Les récits épiques, comme les mythes, n’ont que faire du principe de non-contradiction.

42La dernière transgression de la phusis concerne la Loi selon laquelle la vie et la mort sont deux univers imperméables l’un pour l’autre. Pour s’approcher du royaume d’Hadès, Ulysse est ses Compagnons avait déjà déjoué la loi de la nature qui veut que le Pontos, le Large, soit infranchissable (apeiritos)26. Pourtant Ulysse l’a bien franchi dans l’espoir de rencontrer le devin Tirésias, prisonnier du monde des morts. Ayant traversé l’infranchissable, Ulysse n’est déjà plus un héros comme les autres. De fait, il sera amené à voir ce que le commun des mortels ne peut pas voir.

43Le héros part à la rencontre d’une figure dont l’exceptionnalité, la possession de la divination, est la conséquence d’une expérience de la transgression. Il est dit qu’il perdit la vue et obtint la vision mantique après avoir vu l’impossible et l’interdit, à savoir Athéna au bain, nue, sans son armure27. La cécité lui donne un pouvoir de vision que ne partagent pas les autres hommes. De même dans l’Hadès, il ne partage pas le sort des morts, son esprit reste vivant. L’obscurité de l’Hadès n’altère en rien la clarté de son esprit, « Perséphone, a voulu que, seul, il conservât le sens et la raison, parmi le vol des ombres » (X, 494-495). La transgression a entraîné chez lui des pertes et des gains. C’est pour les avantages qu’il a obtenus qu’Ulysse doit le consulter afin de connaître l’itinéraire du retour à Ithaque.

44Le devin avait inauguré un chemin où se trouvait dépassée la distinction entre la vie et la mort, il restait vivant au royaume d’Hadès. C’est cette route transgressive que va aussi emprunter Ulysse, puisqu’il dialoguera avec les fantômes des morts tout en restant vivant. Comme Tirésias, mais sans les mêmes conséquences, Ulysse participe au spectacle de l’apparition des ombres des morts, ce qui est déjà contre nature. Ensuite, il dialogue avec eux. Ces transgressions frappent l’esprit de l’ombre de sa mère Anticleia, « Mon fils tu vis encore et pourtant te voici aux brumes du noroit. Ces lieux ne s’offrent pas aux yeux des vivants » (XI, 155-156). La remarque de la mère d’Ulysse est pleine de bon sens. Ulysse voit ce qu’un vivant n’est pas censé voir tant qu’il n’est pas mort.

45Cette transgression finale du héros lui permet d’obtenir de sa mère un savoir hors du commun. Il concerne le trépas, « pour tous, quand la mort nous prend, voici la loi (dikè) : les nerfs ne tiennent plus ni la chair, ni les os ; tout cède à l’énergie de la brûlante flamme ; dès que l’âme a quitté les ossements blanchis, l’ombre prend son envol et s’enfuit comme un songe », lui apprend sa mère28. De la bouche d’Antikleia, Ulysse apprend comment s’effectue le passage de la vie à la mort. Pour ce faire, il a bien fallu qu’il établisse un contact entre les deux mondes et qu’il transgresse une loi de la nature.

46Dans les deux premiers exemples, la transgression de la phusis crée de l’indistinction, dans le dernier, elle la suspend là (le Royaume d’Hadès) où elle devrait régner.

Conclusion

47 Les moments et les gestes transgressifs n’inscrivent pas de marques indélébiles, leur potentiel de perturbation permet d’instituer de la nouveauté. Pour qu’émergent de nouvelles valeurs il faut pouvoir penser non pas un retour du geste fondateur, une répétition de ce qui était perçu comme primordial, mais la potentialité d’une transgression des normes. En actualisant cette potentialité sous la forme fictionnelle, l’aède permet d’actualiser et d’enrichir les usages. Dans les exemples que j’ai étudiés, on comprend l’écho qu’apportent les transgressions au souci d’instituer une différenciation entre espace et discours masculins et féminins, une autorité et une efficacité de la décision divine et une reconnaissance des Lois de la nature. Pour ce faire, l’épopée s’y prend d’une manière surprenante et vivante, non pas en suivant un exposé normatif mais en faisant suivre au récit des détours hyperboliques où ces normes sont transgressées. Ce détour délie, défait l’architecture normative. Cette mise en crise est néanmoins nécessaire à l’institution de normes enrichies par cette traversée de la transgression. Celle-ci n’est pas jugée par une instance extérieure, transcendantale, que le geste ou la parole transgressive offenseraient.

48On notera pour finir une double polarité de la transgression. Celle de Pâris nuit aux hommes, celle de Tirésias et d’Ulysse, leur octroyant une vision de ce que le commun des mortels ne peut pas voir, véhicule un savoir de certaines lois essentielles et parmi elles, celle qui organise le passage de la vie à la mort. Pour ramener auprès des siens cette connaissance, Ulysse a dû la transgresser et converser, tout en restant vivant, avec des morts. L’exception héroïque confirme la règle symbolique de l’imperméabilité des deux univers.

Notes

1 Exode, 32, 26-28.

2 La notion de moira, de destin, y joue un rôle plus secondaire.

3 Cette idée est développée dans un ouvrage à paraître à l’automne, intitulé, L’Odyssée des plaisirs, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Les Essais », 2019.

4 Je propose une description plus précise de ce phénomène dans un article, « L’autorité dans les épopées homériques. Entre absolu et relatif », Les mises en scène de l’autorité dans l’Antiquité, Laboratoire ERAMA, Paris, Boccard, 2015, p. 76-95.

5 Les Travaux et les Jours, 586.

6 Voir Timothy Gantz, Mythes de la Grèce archaïque, Paris, Belin, coll. « L’Antiquité au Présent », 2004, p. 567-570.

7 Sur la distinction « genrée » des discours dans l’épopée homérique, voir Elizabeth Minchin, Homeric Voices. Discourse, Memory, Gender, Oxford, Oxford University Press, 2007.

8 Sur la notion d’aidôs, voir Jean Rudhardt: "Quelques remarques sur la notion d'aidôs", in Kèpoi. De la religion à la philosophie. Mélanges offerts à A. Motte, Liège, C.I.E.R.G.A., 2001 (Kernos,suppl. 11), p. 1-21.

9 Iliade, XXII, 446.

10 Odyssée, XIX, 155.

11 Ibid., I, 337-344.

12 Iliade, III, 161-242.

13 Ibid., III, 403-410, Frédéric Mugler (trad.), Paris, Éditions de la Différence, 1989.

14 Sur ce passage, voir l’analyse de Sylvie Perceau, « La voix d’Hélène dans l’épopée homérique : fiction et tradition », Cahiers « Mondes anciens », 2012, https://journals.openedition.org/mondesanciens/829

15 Odyssée, I, 356-359.

16 Iliade VI, 490-493.

17 Philippe Rousseau, Dios d’eteleietoi boulê, destin des héros, dessein des dieux dans l’intrigue de l’Iliade, Thèse d’État, Université Lille 3, 1995, p. 428

18 Pierre Judet de la Combe, « La Crise selon l’Iliade », Mètis, N.S., 11, 2013, https://books.openedition.org/editionsehess/3100, écrit : « Le mot pour « volonté », boulê, indique qu’il y a eu délibération de Zeus, prise de décision rationnelle, sans colère. Le contenu de cette volonté n’est pas mystérieux. Il s’agit bien, comme le pensait Aristarque, de la destruction de nombreux Achéens ».

19 Iliade, III, 163-164.

20 Ibid., 128. En Iliade, XI, 14, il est dit que les guerriers trouvent des « douceurs » à se battre.

21 « Une histoire commence lorsqu’apparaît une sorte de brèche dans l’ordre des choses auquel nous nous attendons », écrit Jerome S. Bruner Pourquoi nous racontons-nous des histoires ?, Yves Bonin (trad.), Paris, Retz, 2002, p. 19. Il faut pour cela le passage par l’étape des péripéties. La péripétie est l’instant, toujours selon Bruner, où « quelque chose va de travers », ibid., p. 28.

22 Sur l’importance de l’agôn dans la Grèce antique, voir Louis Gernet, Anthropologie de la Grèce antique, Paris, Flammarion, 1974, [1968], p. 58-61.

23 Voir X, 85.

24 Ibid., X, 395-396, Victor Bérard (trad.), Les Belles Lettres, 1924.

25 Ibid., XVIII, 76.

26 Odyssée, X, 195.

27 Impossibilité au sens où il ne paraît pas imaginable qu’Athéna puisse être vue dépourvue d’armure. Le corps nu d’Athéna est impossible à concevoir. Voir l’impossible lui a rendu la vue impossible. À ce propos, voir Nicole Loraux, Les expériences de Tirésias. Le féminin et l’homme grec, Paris, NRF, Gallimard, coll. « Essais », 1989, p. 253-271.

28 XI, 218-222.

Pour citer ce document

François Dingremont, « Ce que les héros homériques transgressent », dans La Transgression dans l'épopée : Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018), sous la direction de Claudine Le Blanc et Hubert Heckmann, Publications numériques du REARE, 10 juin 2024 Licence Creative Commons

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=619

Quelques mots à propos de :  François Dingremont

Ecrivain, essayiste, François Dingremont est chercheur en sciences humaines et anthropologie de l'art, spécialisé dans les traditions épiques, notamment de la Grèce antique). Il est co-animateur du séminaire "Anthropologie générale" à l'EHESS.