La Transgression dans l'épopée
Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018)

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Hubert Heckmann (maître de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’Université de Rouen)

Le volume constitue les actes du huitième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Hubert Heckmann (Université de Rouen/CEREdI), qui s’est tenu à l'Université de Rouen les 27 et 28 septembre 2018, grâce au concours du laboratoire CEREdI.

L’exposition de la tête du guerrier ou le spectaculaire épique

Pascale Mougeolle


Résumés

La silhouette schématique que dresse l’Arioste du héros épique comme celui « qui taille, tranche, fend, pourfend, assomme » (Orlando Furioso XII, LXXXIV, 3/ Che gli altri toglia, tronca, fende, amazza.) n’est qu’à peine parodique. La lecture des épopées européennes insiste sur cette dimension presque mécanique de la mise à mal de l’autre qui passe d’un rituel guerrier chargé d’éradiquer toute image, toute semblance, à des aikia, des atteintes particulièrement violentes. L’étêtement qui en relève génère une double transgression, morale dans son accomplissement et esthétique dans son traitement littéraire. L’auditoire est témoin de ces paradoxes que sont le jugement d’un poète qui relaie une société qui ne voit plus dans ces actes barbares la certitude d’un exploit et le traitement même de cet hybris. Le poète, pour dénoncer l’ostentation de la violence, a recours au spectaculaire épique qui consiste en l’exposition des faits de cruauté selon une stylisation normative. Ainsi il opère indirectement une critique du mythe de la belle mort et de ses conséquences travesties en héroïsme.
L’hypothèse de travail est donc que le poète épique prend parti dans la description du méfait guerrier en introduisant l’ekphrasis comme tableau édifiant. Le méfait choisi est celui de l’étêtement tel qu’il apparaît dans les épopées grecques et romaines. Nous nous appuierons en particulier sur la mort de quatre personnages, celle du Troyen Ilionée dans l’Iliade d’Homère (X, 488-505), celle de Pompée traitée par Lucain dans sa Pharsale (viii, 663-712) et enfin celle du Thébain Mélanippe dans la Thébaïde de Stace (viii, 716-766) qui sera pour nous l’occasion de mettre en lumière le spectaculaire épique en le comparant à sa version plastique.

The schematic figure drawn by Ariosto of the epic hero like "who cuts, slices, splits, slays, knocks" is barely parodic. The reading of the European epics insists on this almost mechanical dimension of the mischief of the other who passes, of warrior ritual responsible for eradicating any image, any semblance, to aikia, particularly violent attacks. The beheading that raises it generates a double transgression, moral in its accomplishment and aesthetic in its literary treatment. The audience witnesses these paradoxes that are the judgment of a poet who relays a society that no longer sees in these barbaric acts the certainty of a feat and the very treatment of this hybrid. The poet, in denouncing the ostentation of violence, resorts to the spectacular epic which consists in exposing the facts of cruelty according to a normative stylization. Thus, he indirectly exploits a critique of the myth of the beautiful death and its consequences disguised as heroism.
The working hypothesis would therefore be that the epic poet takes part in the description of warlike misdeed by introducing
ekphrasis as an edifying tableau. The mischief chosen is that of the beheading as it appears in the Greek and Roman epics. We will rely in particular on the death of four characters, that of the Troyen Ilionée in the Iliad of Homer (xiv, 488-505), that of Pompey treated by Lucain in his Pharsal (viii, 663-712) and finally that of Thebain Melanippus in the Thebaid of Stace (viii, 751-766) which will be the opportunity for us to highlight the spectacular epic by comparing it to its plastic version.

Texte intégral

1Dans l’épopée le personnage épique est appréhendé non pas tant dans sa psychologie que dans son action et tout particulièrement dans sa gestuelle guerrière, mais une gestuelle si codée que la silhouette que dresse l'Arioste dans le Roland Furieux de celui qui « taille, tranche, fend, pourfend, assomme »1 ne paraît qu'à peine parodique. La tradition générique s’élabore, en effet, à partir de l’événement violent, qu'il soit considéré du point de vue du personnage ou du résultat. En effet, les aikia – ou atteintes à l’autre – sont diverses, allant de la blessure à l'exécution, de la mutilation au démembrement ou encore à la défiguration. Le poème s’attache ainsi dans sa description du monde, aux modalités et à la finalité du fait guerrier dont il donne un compte rendu souvent étrangement précis et hautement varié. La représentation de l’étêtement en particulier, qui relève des aikia, engage une double perspective morale et esthétique. Aristote s'est prononcé, après son analyse des œuvres épiques et surtout homériques, sur l’exposition de la violence, dans la Poétique2, alors qu’il répondait à Platon, sur les effets de la littérature. Là où son maître ne voit que fiction3 et donc récits mensongers peu propices à l’édification d'un public, Aristote, tout en concédant qu’il s'agit bien de fiction, accorde à la littérature un rôle politique, celui de renvoyer au public, en miroir, la lecture de ses propres émotions. Face à cette exposition de la violence, l’auditoire du grand genre qui regroupe épopée et tragédie est amené à la quintessence du sentiment, en éprouvant le pathos4, réduit ici à la pitié. Il s’agit alors de présenter une violence composée, c'est-à-dire soumise à des règles de représentation d’une part, à un but, d’autre part, celle d’une émotion qui s’anoblit par la mise à distance. L’étêtement qui génère une double transgression, morale dans son accomplissement et esthétique dans son traitement, participe alors du spectaculaire épique qui consiste en l’exposition de faits de cruauté selon une stylisation normative. L’ostentation de la violence permet la critique du mythe de la belle mort et de ses conséquences travesties en héroïsme. L’hypothèse de travail serait que le poète épique prend parti dans la description de ce type de méfait guerrier, en introduisant l’ekphrasis comme tableau édifiant. Nous prendrons l'exemple de quatre cas d'étêtement issus d’épopées gréco-romaines : celui d’Ilionée de l’Iliade d’Homère (xiv, 488-505), celui de Pompée relaté par Lucain dans la Pharsale (viii, 663-712) et enfin celui du thébain Mélanippe dans La Thébaïde de Stace (viii, 716-766) en comparaison avec sa version figurative sur le haut-relief du temple de Pyrgi (vers 460 av. J.-C).

2Parmi les quelques travaux qui se sont penchés sur la transgression comme condition de la poétique épique européenne, il convient de mentionner J.-P Vernant qui a réfléchi dans L’individu, la mort, l’amour5 à la symbolique des formes de mises à mort, tandis que Ph. Heuzé a vu, dans l'épopée virgilienne, l'importance du motif narratif des aikia6. Pour ma part, ayant étudié la violence comme composante générique de l’épopée7, je trouvais intéressant de montrer comment se faisait la mise en œuvre de la suggestion pour créer l’esthétique du pathétique attendue et par là même, la remise en question d’une certaine mythologie de l’héroïsme. Cette étude suivra alors trois directions : d’abord elle considérera pour elle-même l’exposition spectaculaire qui est livrée par le poète et comment intervient le regard du juge. Enfin elle s’attachera à la mobilité de l’émotion à laquelle aboutissent ces ekphrasis.

L’exposition spectaculaire

3Le spectaculaire est une démonstration visuelle et auditive dont la fonction est de créer une charge émotionnelle et en particulier, de susciter la surprise8. Aristote l’entend dans l’épopée tout autant que dans la tragédie. La fréquentation des poèmes épiques amène à préciser cette définition en montrant qu’il s’agit de dresser de manière indirecte un tableau cruel qui, par son excès, met en péril l’héroïsme tant vanté par les grands récits et les exploits militaires réels.

Hyperréalisme de la scène de supplice

4Si la description du fait guerrier concluant les oppositions relève à certaines époques du baroquisme9, elle tient plus généralement du goût pour l’inédit. En fait deux principes sont à l’œuvre : la volonté de créer une transcription précise d’une part et l’obligation de renouveler la tradition épique, d’autre part, qui invite à la reconsidération de « l’étonnant ». L’étêtement participe alors de ce que j’appellerais volontiers l’horribilis amabilis, c’est-à-dire de l’association de la violence extrême et de son rendu si stylisé que celle-ci en devient suggestive tout autant qu’acceptable. On remarque à ce sujet un goût affirmé pour le détail quasi médical. Homère, en bon Grec, traduit l’émotion par le corps et à sa suite, les poètes romains vont se soucier de l’aspect réaliste des plaies. Le célèbre aède décrit ainsi les lieux d’atteinte et donne des précisions concernant le type de transpercement. Toutes les parties du corps sont objets de blessures potentielles. Dans le cas d’Ilionée, le transpercement a lieu au-dessus du sourcil (Il. xiv, 403, ὑπ ὀφρύος) et son résultat est énoncé puisque l’arme passe de part en part du visage, de la prunelle à la nuque. Le Romain évoque, de son côté, les conséquences en décrivant les symptômes visuels de la mort : « les yeux hagards » (Th. viii, 756, lumina torva) ou « les yeux se figent (Ph.viii, 683, lumina rigescunt). Au lieu de passer sous silence l’horreur des aikia, les poètes la soumettent au regard de l’autre, sans fards et avec une précision qu’on pourrait qualifier de didactique.

5L’exposition donne lieu à l’image même de l’agonisant et du mort. Cette image forme un contraste saisissant, dans la Pharsale, avec celle du personnage transgressif. Lucain insiste sur l’ataraxie de Pompée qui présente un visage dont « l’agonie n’a pas altéré les traits » (Ph. viii, 665)10 et sur le sentiment de honte qui est le sien, la pudor, qui lui fait voiler son visage. À l’inverse, Septimius, responsable de la décapitation du chef romain entre dans une ostentation condamnable qui le pousse à donner la tête de l’ennemi, tandis que Ptolémée la brandit sous les regards des deux peuples, égyptien et romain. Les caractères sont marqués par les attitudes mais ce qui attire nécessairement l’attention du lecteur et/ou du spectateur est ce geste peu conventionnel qu’accomplit Pompée ; chez les Romains, deux cas extrêmes peuvent entraîner la dissimulation capitale : depuis la loi des décemvirs, l’homme responsable de parricide et dans le cadre de la statuaire officielle, l’empereur, pour rappeler qu’il est sacré. Le cas soulevé par Lucain, entièrement historique, met en avant la volonté de Pompée de ne pas apparaître à ses bourreaux et l’éloge implicite du poète devant ce catonisme. Par ailleurs, le face à face entre le personnage transgressif et sa victime renvoie chacun d’eux à sa propre mort. Ainsi Tydée observant Mélanippe dit « se reconnaître en lui » (Th.viii, 753, seseque agnovit in illo). Le poète crée de cette manière un faux reflet, le lecteur n’accédant à la vision fictive que par le personnage, en même temps qu’il fait coïncider les figures de soi et de l’altérité.

6Enfin force est de constater que le commentaire même de l’auteur va souvent dans le sens de l’inédit. La métaphore homérique du pavot (κὠδειαν) dont l’Arioste saura se souvenir11 use de la symbolique habituelle de la fleur comme emblème de fragilité et de mort mais la diatypose « Pénelée la lève comme la tête d’un pavot »12 amène à un tableau suggestif, en définissant le geste – la lance fichée dans l’œil soutenant la tête d’Ilionée – et l’effet en même temps – la fleur au bout de la tige –. Le contraste ainsi établi articule les deux extrêmes de la condition humaine, entre force et fragilité, en introduisant un décalage poétique puisque le recours au végétal est plus courant dans le poème lyrique que dans un contexte guerrier. La gravité du propos est atténuée par l’image. L’épopée ne cherche en fait qu’à mimer la dualité foncière de l’homme et les poètes ont la volonté de rendre par un tableau saisissant de l’homme mis à bas.

Le mouvement dans la scène descriptive

7À la manière d’un peintre, le poète contraint le spectateur, qu’il soit public immédiat ou lecteur, à suivre les lignes de force de la scène, à observer les trajectoires et les déplacements de sorte qu’il ne puisse échapper, tout comme le personnage, à l’infortune et au tragique exposés. Ce conditionnement temporaire engendre alors une certaine forme d’intensité. Les mouvements concernent, en premier lieu, les déplacements dans l’air. Le corps de la victime est transporté, aussi bien par ses alliés à l’instar de Tydée, soutenu par ses compagnons d’armes et placé au pied de la colline, que par ses ennemis, qui obéissent à leur chef comme Capanée rapportant Mélanippe (Th.viii, 743-745). D’autres déplacements, relatifs aux attaques, dirigent le regard du public d’un point à un autre, quand Pénelée fond sur Acamas (Il. xiv, 488) par exemple. Certains mouvements concernent encore les armes, attributs des soldats. Le public suit la lance de Tydée dirigée contre Mélanippe, celle d’Acamas contre Promarchos et il observe le fer qui se lève sur Pompée. Le poète impose sa vision au spectateur, oriente sa lecture de la scène et le projette au milieu de la bataille.

8La vision de déplacements insolites interroge ce même public qui constate des animations impropres en ce qu’elles semblent ou sont indépendantes de la volonté humaine. C’est le cas du javelot de Mélanippe qui paraît doué d’une force personnelle puisque son propriétaire se cache13. Cette intervention met en rage Tydée par son irruption et sa visée. Mais plus surprenante est la mobilité de la face qui se maintient au moment même du trépas, quand la tête de Pompée est placée sur la pique égyptienne. Le commentaire de Lucain la met en exergue afin de traduire l’horreur du spectacle auquel assiste le public immédiat et par là même, la cruauté et l’ignominie de ceux qui la produisent :

Dum viuunt vultus atque os in murmura pulsant/singultus animae14.

9Stace transcrit à son tour les aspects macabres en rappelant un phénomène physiologique avéré qui est la mobilité des prunelles15. Enfin, le poète épique en personne peut prendre la parole pour formaliser cette autonomie anormale du corps : « La tête roule avec le casque » (Il. xiv, 497-498)16. Le commentaire d’Homère, loin d’être posé comme un constat, dénonce la réalité de la guerre qui met sur le même plan, animé et inanimé.

10L’épopée en décrivant le passage de vie à trépas s’attarde alors sur la symptomatologie de la mort et le mouvement devient évolution en correspondant aux étapes de l’agonie. Le poète traduit par la perte de la vue, la perte de connaissance : « le ciel se dérobe aux regards » de Tydée17 ; puis il décrit un corps qui ne répond plus aux injonctions vitales et dont l’énergie faiblit :

Il sent son grand courage l’abandonner dans le froid de la mort
Ingentes animos extremo frigore labi18.

11En général, l’instant de la mort est rendu dans son immédiateté : « Ilionée tombe assis, les mains étendues » 19 ; et les témoins de la scène peuvent en voir le détail ; Lucain opère une sorte de ralenti qui oppose la vision de l’homme vivant dont on voit encore le souffle (spirantia ora) à celle de l’homme déjà soumis à la mort que l’affaissement du cou traduit (colla languentia)20. Le spectaculaire épique est là principalement, dans cette exposition de la mort qui, parce qu’elle n’est pas directe, n’est pas inconvenante et qui, parce qu’elle est en quelque sorte rapportée, transcrite, échappe au ridicule et à l’obscène21. Ainsi, l’ekphrasis est réalisée en tenant compte de la temporalité du personnage. L’effet sur le public en est accru, qui assiste impuissant à la réalisation du méfait.

Place du lecteur/spectateur

12L’exposition guerrière s’accompagne nécessairement d’un public, mais d’un public très polymorphe. En effet, la scène donne lieu à plusieurs relais de lecture : le public diégétique, le public qui entend ou lit l’épopée selon qu’il s’agit d’une performance immédiate ou d’une recitatio, le poète qui se tient au côté de la scène ou bien encore, le spectateur dans le cas du motif narratif du relief. Le public immédiat est formé par un groupe de personnes, des compagnons d’armes comme les Grecs ou les Thébains épaulant Tydée et Capanée aux peuples comme les Égyptiens. Plus rarement, et parce que la narration l’impose, le témoin est un personnage isolé, à l’image de l’épouse de Pompée, Cornélie, qui veut refuser à son époux la primauté de mourir et qui doit assister à son assassinat. Un autre cas singulier est celui du personnage in absentia ; le poète anticipe la réaction des parents d’Ilionée et leur désespoir. (Il. 501-502)

εἰπέμεναί μοι Τρῶες ἀγαυοῦἸλιονῆος
πατρὶ φίλωι καὶ μητρὶ γοήμεναι ἐν μεγάροισιν·

Troyens, allez dire pour moi au père chéri et à la mère du célèbre Ilionée
De gémir dans leurs demeures

13Le décalage convoque finalement les témoins et impose leur regard sur la scène de torture. Le haut-relief, quant à lui, ménage à l’arrière-plan un guerrier anonyme qui représente le peuple thébain et plus généralement, le spectateur du motif narratif. Ainsi la stratégie spectaculaire repose sur la mise à distance et l’identification aux témoins.

14La situation du public dans le récit épique est à prendre alors en considération. En servant de point de vue géographique et narratif, le spectateur immédiat devient un membre de la scène jouée. Il se trouve toujours à proximité du héros épique et constitue par position le relais visuel et moral du lecteur. C’est en ce sens que l’on peut dire qu’il finit par ordonner le tableau de l’étêtement ; d’abord il est censé faire un rapport aux générations suivantes et aux absents comme le montre le verbe de parole (Ph. viii, 666, fatentur) et recomposer le déroulement des faits. Ensuite, il manifeste, par sa réaction, l’émotion, le sentiment universel. Enfin, il permet un recul appréciatif de la scène, ce que l’art figuratif montre par la juxtaposition des deux événements, la dévoration de Mélanippe par Tydée au premier plan et le jugement de son complice Capanée par Zeus. La démultiplication des publics crée ainsi une fragmentation de la scène et des points de vue qui répond aux étêtement et jugement.

Le regard du juge

15La démesure devant être canalisée ou si on préfère composée, l’expression de la mesure est là pour rétablir la dimension normative et favoriser l’émergence, non seulement d’une conscience, mais de la folie elle-même. Le regard porté sur la transgression et le jugement qui l’accompagne répond à cette double obligation.

De la réaction des témoins

16La participation du public qui va dans le sens d’une coopération avec le poète est en quelque sorte une garantie de la condamnation de la violence puisque l’émotion vive de l’auditoire souligne l’irruption de l’indicible et de l’intolérable. Les cris de douleur des compagnons, la déploration de Cornélie participent du pathos par l’intensité dramatique qu’ils produisent. Dans ce cas il s’agit d’une intensité immédiate. Une autre forme peut être employée comme l’intensité proleptique. C’est ainsi qu’on voit Pénelée se réjouir du désespoir qu’il ne manquera pas de causer aux parents d’Ilionée qui n’avaient que ce seul fils. L’épopée conjoint la joie inappropriée du héros grec, le chagrin à venir de la famille et l’effroi qui saisit ceux qui l’écoutent. En jouant sur les trois niveaux de lecture de l’événement et par le contraste ainsi créé, Homère met en lumière la folie de l’un, le deuil de l’autre et la peur de l’homme de sa fureur.

17Les dieux également sont à l’observation des faits de guerre et en tant que garants d’un certain ordre du monde qui leur est supérieur, ils interviennent pour prendre position. C’est ainsi que Zeus refuse d’épargner une descendance honteuse et choisit le châtiment. Athéna, de son côté, parce qu’elle incarne la raison, est outrée du manège de Tisiphone, la déesse infernale. L’attitude opposée des deux entités met en lumière l’idée du sacrilège : la furie rend actifs ses attributs alors que la vierge guerrière s’oblige à se purifier par le fer et l’eau devant cette image. Le lecteur de la Thébaïde qui n’ignore pas le sens de ces divinités se trouve alors surinformé. Le but du poète est de rappeler par la présence des puissances tutélaires la conscience qui doit être celle de l’homme. Le poète place dans la scène des points de repère normatifs qui permettent de donner une certaine axiologie à la transgression narrée, à savoir dénoncer les faux semblants de l’héroïsme.

L’hybris du héros

18Cet hybris définit la transgression même, le fait d’outrepasser ses droits de simple mortel : en cas de guerre, il revient à une mise à mal sauvage de l’autre, sans volonté de répondre à un rituel religieux. Les poètes condamnent unanimement les excès d’un pseudo-héroïsme.

19Le transpercement est considéré par les personnages transgressifs comme insuffisant pour donner la mort. Il devient alors le début de l’exécution en étant complété par une autre action. Ainsi au transpercement initial succèdent pour Ilionée, sa décapitation et son exposition ; pour Pompée, son étêtement et sa momification. Dans le cas de Mélanippe, la dévoration conclut transpercement et décapitation. De plus, le crime est parfois commis à plusieurs : Pompée est la victime d’assassins qui tirent l’épée  puis d’Achillas qui le perce et de Septimus qui le décolle et enfin de Ptolémée qui présente sa tête sur une pique. (Ph.viii, 684, suffixum caput)

20L’orientation du propos donnée par le poète témoigne de son engagement dans la dénonciation de la fureur. Le lexique chez Lucain insiste sur l’assassinat commis, par le nom scelus qui renvoie au crime crapuleux, de même que Stace par le vocabulaire politique, tyranno (Th. viii, 687) et par l’incise, quis ardor, (728) souligne l’illégitimité de l’action. La barbarie est montrée par l’injure (Ph. VIII, 676, Romain dégénéré, degener), par le transfert de l’immoralisme sur l’arme elle-même (épée néfaste, ense duro) et par le commentaire ironique22. La folie alternant sur la scène épique avec des contrepoints tempérés, elle devient l’objet de reproches et sujet à caution. L’épopée transcrit des époques révolues et pourtant elle se fait l’écho des violences vécues au siècle de ses auteurs.

Le principe de l’apostrophe

21L’épopée a recours à l’apostrophe dans la transcription du jugement. Les deux acceptions du terme sont en jeu, mais dans des perspectives différentes puisque le premier usage qui en est fait met en évidence la folie du personnage tandis que le second en tire un blâme. L’apostrophe de la pratique grammaticale, qui correspond à une adresse directe sert à la démonstration de la cruauté. Le personnage en appelle aux autres afin de soutenir son propre hybris et le lecteur voit l’Iliade ou la Thébaïde exploiter ainsi la prise à témoin, non pour juger mais pour exhorter à l’action funeste. Que ce soit chez les compagnons de Tydée qui doivent répondre à cette injonction ou qu’il soit question du chef des Argiens qui les stimule par l’éloge de l’homme belliqueux, le poète fait saillir la folie et la rend tangible, d’autant qu’elle est explicitée par un faux héroïsme et qu’elle s’appuie sur le prétexte de la solidarité. Ce sont les valeurs morales qui sont détournées au profit d’une stratégie affective. Mais une autre forme de l’apostrophe, qui renvoie à son étymologie, définit un discours digressif, une relation médiane entre deux personnages et un troisième qui les observe puisque dans ce cas, elle signifie « détournement ». Le public est alors concerné par cet embrigadement temporaire. L’ironie d’Acamas à l’égard de Grecs sur leur possibilité parfois d’être vaincus oblige le lecteur à poser son regard ailleurs que sur la scène exacte qui se joue, en le rendant complice de sa propre appréciation des choses (Il., xiv, 480-481)23. Cet aspect discursif est plus prégnant encore dans le traitement du motif narratif du haut-relief. Alors que traditionnellement le personnage semble happer le regard du spectateur, dans le cas du décor du temple de Pyrgi, les choses sont plus complexes. Zeus répond à l’arrogance de Capanée qui est tourné vers lui par un regard menaçant. Le témoin mime son attitude sur celle du dieu, tandis qu’Athéna, en retrait, portant le philtre d’immortalité qu’elle voulait donner à Tydée, détourne littéralement le regard, devant le méfait même du héros thébain. L’art figuratif se conforme à l’esprit épique avec ses propres moyens qui lui permettent de créer une insistance plus grande.

Mobilité de l’émotion 

22Le spectaculaire que Platon avait évincé parce qu’il produit des émotions faciles est réintroduit par Aristote qui l’anoblit. Cela est chose d’autant plus aisée pour lui que l’épopée n’est pas tributaire d’une interprétation ; la fabula elle-même génère l’intensité du sentiment sans avoir recours à des effets immodérés, en se soutenant elle-même. La mobilité émotionnelle se trouve alors être le résultat d’une mobilité fonctionnelle. C’est en opérant un jeu de contraste et de glissements que le poète parvient au paroxysme du sentiment et le pathos s’appuie sur la fureur du personnage tout autant que sur le rejet qu’elle fait naître.

L’esprit de vengeance

23L’action funeste du héros transgressif trouve sa source dans une intention de vengeance. La guerre originellement liée à un sentiment collectif devient affaire privée. Le poème homérique le montre avec le personnage d’Acamas qui agit pour ce seul motif au point que la question de l’honneur disparaît au profit en réalité, d’un fait guerrier des plus vils (Il. xiv, 482-484) :

Voyez donc votre Promarchos dormir, dompté par ma lance
Je n’ai pas voulu que la dette d’un frère fût longtemps acquittée.
φράζεσθ᾽ ὡς ὑμῖν Πρόμαχος δεδμημένος εὕδει
ἔγχει ἐμῶι, ἵνα μή τι κασιγνήτοιό γε ποινὴ
δηρὸν ἄτιτος ἔηι·

24Le héros semble se persuader lui-même dans un réflexe de stimulation et de dédouanement en même temps. Les valeurs habituelles du champ de bataille se trouvent dévoyées comme c’est le cas de la solidarité des soldats. Elle est le prétexte à une plus grande frénésie et l’occasion pour Tydée de faire réaliser ce qu’il ne peut plus faire lui-même, à savoir, obtenir la tête de son pire ennemi. Cette volonté de vengeance est condamnée plus encore par Lucain car le poète prend parti. L’ironie mordante lui sert à dénoncer la bassesse du furieux : « soldat bon pour les seconds rôles »24. L’intention belliqueuse trouve une incarnation dans l’entité divine, Tisiphone, la furie la plus féroce qui peut parcourir l’univers, des enfers au reste du monde. L’allégorie favorise une représentation rapide et efficace du mal en même temps qu’elle permet la mise à distance de ce même mal. Les clans dessinent des alliances, et de ce fait se met en place le principe de concaténation aristotélicien ou enchaînement logique qui mène ici à un cercle vicieux.

Retournement de situation 

25Si la mobilité fonctionnelle a un nom, c’est celui que lui donne Aristote, à savoir, la péripétie25. Il s’agit de décrire des événements étonnants qui arrivent de manière accidentelle comme le laisse entendre le sens du mot grec periptein et qui provoquent un changement de situation radical. La péripétie se trouve symbolisée par le personnage de la Fortune chez Lucain, personnage qui a remplacé le jeu des divinités et qui agit plus aveuglément encore. Elle a ainsi placé Septimus à Pharsale pour la fin de Pompée. On sent chez Lucain le ton du reproche. La péripétie est une construction qui enferme le personnage dans un piège narratif : l’origine de la dévoration n’est pas la haine des héros, mais l’enchaînement des faits dont le début est la lance de Mélanippe frappant Tydée et qui détermine la fortune des combats. Enfin, la péripétie use du quiproquo qui engendre des complications inattendues et qui amène à la catastrophe. Ilionée est tué à la place d’Acamas et Hoplée à la place de Mélanippe. Homère et Stace voient tout l’intérêt qu’ils peuvent tirer des modifications surprenantes. L’avantage est non seulement d’engendrer la compassion du public devant l’injustice, mais encore de surexposer le pathétique, tout en semblant ne pas l’avoir initié, les faits paraissant se dérouler d’eux-mêmes. Les ekphrasis décrivent donc des événements tributaires du hasard plus que de la destinée.

La dépersonnification

26Faire en sorte que le public se sente sollicité et partage l’émotion n’est donc pas une action unique et uniforme. La dépersonnification y participe également, en ce qu’elle annihile le sentiment de l’individu tout en renforçant celui du public. Elle apparaît comme un phénomène assez complexe qui englobe la déshumanisation et à l’inverse, l’animation des choses et objets. Elle est très visible dans l’autonomie des éléments ; si on associe souvent, et à juste titre, irrationnel et épique, il ne faut pourtant pas y voir là un quelconque effet du surnaturel. L’épopée fragmente autant qu’elle rassemble. Ainsi, au démembrement fait écho la désarticulation de l’armement. Le casque, sur la tête du soldat chu, passe du statut d’accessoire militaire à celui de symbole du dérisoire et de l’éphémère. La lance de Mélanippe qui part seule, laissant dans l’ombre celui qui la tient, insiste d’une autre façon sur le tragique : ce n’est plus le résultat de l’exploit guerrier funeste mais le déclenchement de celui-ci. L’épopée bouscule l’unité qu’elle revendique pour montrer le chaos du monde. En marge de ces phénomènes d’autonomie des objets, se trouvent des actes qui privent l’individu qui les commet de toute humanité tout autant que sa victime. La dévoration ravale le héros à l’animalisation et l’imaginaire du sang a tendance à amplifier cette idée. L’allusion au carnage telle qu’on la lit chez Stace est rendue de manière tout aussi crue dans le haut-relief qui, précisons-le, est antérieur au poème romain. Le pigment rouge ou rehaut, qui coule sur le corps de l’homme transgresseur et très apparent dans la reconstitution donne à la scène son caractère dynamique. L’art expose à la vue l’horreur immédiate. Enfin la momification telle qu’on la voit dans la Guerre civile de Lucain, renouvelle l’image du trophée. Il ne s’agit plus d’exposer la panoplie du guerrier tué ou bien encore sa dépouille. Il ne s’agit plus non plus de placer la tête de l’autre sur une pique ainsi que le fait Pénelée chez Homère. La barbarie est telle qu’elle dépasse ses rituels guerriers. Le poète montre qu’on cherche à immortaliser la défaite de l’autre.

27Pour susciter l’intérêt du public, le poète épique diversifie les émotions, surprend, effraie, émeut dans le but de dénoncer la transgression et paradoxalement, de définir une nouvelle esthétique à partir d’elle. La transgression régulièrement mise en œuvre dans l’épopée et ses réécritures figuratives est donc un passage obligé qui permet la remise en cause du mythe de la belle mort et fait prévaloir la gloire obtenue par l’écriture. Elle participe alors de la poétique épique qui joue sur le contraste de l’horribilis amabilis pour faire entendre la douleur du monde. L’exposition de la tête du guerrier ne relève pas de l’arbitraire et d’une intention grossière : elle réalise la volonté de l’artiste de décrire la barbarie, sans obscénité mais avec le parti pris d’en user comme d’une arme poétique.

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Annexes

Figure 1 : Tydée s’apprêtant à dévorer la cervelle de Mélanippe. Haut relief polychrome du temple A de Pyrgi. (Vers 460 av. J.-C) et Figure 2 : reconstitution.

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Notes

1 R.F. xii, lx, 3, Che gli altri taglia, tronca, fende, amazza.

2 Poét. xiii, 30. Le grand genre qui réunit épopée et tragédie repose sur « l’imitation de faits effrayants et pathétiques », φοβερῶν και ελλεειῶν.

3 L’opposition entre histoire et épopée permet à Aristote de réduire tout de suite ce point. La littérature n’est pas de l’ordre de l’avéré (Poét. ix, 1451b) mais cela ne lui retire en rien son rôle éminemment politique. Pour Aristote, le rôle du poète consiste à énoncer le possible.

4 Aristote décrit ailleurs le pathos dans une acception plus large, celle de tout mouvement de l’âme provoqué par un élément extérieur, réunissant ainsi affection et passions. Éthique à Nicomaque, trad. J.Tricot, éd. Vrin, Bibliothèque des textes philosophiques, Paris, 1990, II, 4, 20-25 et note 5, p. 100.

5 Jean-Pierre Vernant, L'Individu, la mort, l'amour, "Soi-même et l'autre en Grèce ancienne", Gallimard, coll. « Folio-Histoire », Paris, 1996, 232 p.

6 Philippe Heuzé, L’image du corps dans l’épopée virgilienne, École française, 1985, 675 p. Voir aussi pour les Grecs, l’article de Jeannine Boëldieu-Trevet, « Le sauvage en soi » : violences extrêmes en temps de guerre dans le monde grec. (ve et ive siècles), Cahiers des études anciennes [En ligne], LII | 2015, disponible sur : http://journals.openedition.org/etudesanciennes/831

7 Pascale Mougeolle, Poétique de l’épopée d’Homère à Hugo. Une esthétique de la violence, Revue des Études anciennes n° 72, ADRA, De Boccard, Paris, 2019, 390 p.

8 Thaumaston (Poét.xxvi,1460a-12, θαυμασιὠτov) est le terme employé par Aristote pour désigner la surprise recherchée dans la fabula du théâtre ou de l’épopée, créée en particulier par le renversement de situation. Le spectaculaire que Platon dénonçait dans La République (x, 605-d) en ce qu’il subordonnait l’homme à une émotion et ainsi à une faiblesse, est lié, pour Aristote, uniquement au surjeu des acteurs.

9 C’est le cas des poètes des années 60 comme Silius Italicus auquel Pline a reproché un goût trop prononcé et peut-être trop néronien pour le compte rendu cru des violences guerrières.

10 Nil ultima mortis/ex habitu vultuque viri mutasse fatentur (qui lacerum videre caput).

11 Roland Furieux ,xviii, cliii, 3, carco.

12 Il. xiii, 399, ὁ δὲ φὴ κώδειαν ἀνασχὼν.

13 Th. viii, 716, Ecce secat…fraxinus. C’est principalement le présentatif qui appelle le regard du lecteur.

14 Ph.viii, 682-683, « tandis que la face vit encore et que des râles agitent la bouche en un dernier murmure. »

15 Th.viii, 756, (lumina) dubitantia figi.

16 ἀπήραζε δἑ γαμᾶζε χἀρη σὑν πἠληκι αὐτῇ 

17 Op.cit. 733, ipse recedere caelum.

18 Op. cit. 734.

19 18 Il.xiv, 495, δἓζετο γεῖρεπετάσσαϛ/ἄμφω·

20 Ph. viii, 670 et 671. Le jeu des participes présents permet de créer l’opposition.

21 Aristote rappelle que l’épopée a cet avantage sur la tragédie de rapporter les faits de manière indirecte et qu’elle ne dépend pas de la façon dont les acteurs se règlent. (Poét.xxvi, 1462-12)

22 Ph.viii, 673. « Ce n’était pas encore un art de couper la tête d’un coup circulaire de l’épée /Nondum artis erat caput ense rotare ». Lucain, en parlant des guerres civiles passées qui lui furent horribles, évoque en oblique le règne de Néron. L’allusion ici renvoie à un autre polémarque douteux, Caligula, et sa source se trouve dans La Vie des douze Césars de Suétone. (Cal. xxxii)

23 « La peine et la misère ne seront pas pour nous seuls, /Vous connaitrez pareillement à votre tour. »

24 Ph. viii, 676, operae miles Romane secundae. οὔ θην οἴοισίν γε πόνος τ᾽ ἔσεται καὶ ὀϊζὺς
ἡμῖν, ἀλλά ποθ᾽ ὧδε κατακτενέεσθε καὶ ὔμμες.

25 Autre rituel possible chez les peuples gréco-romains : la salissure du visage de l’ennemi. Jean-Pierre Vernant montre que les Grecs souillaient la tête du mort pour le défigurer et l’empêcher d’avoir une image dans l’au-delà. L'Individu, la mort, l'amour, "Soi-même et l'autre en Grèce ancienne", Gallimard, coll. « Folio-Histoire », Paris, 1996, « La belle mort et le cadavre outragé », p.41-79.

Pour citer ce document

Pascale Mougeolle, « L’exposition de la tête du guerrier ou le spectaculaire épique », dans La Transgression dans l'épopée : Actes du VIIIe Congrès international du REARE (Rouen, 2018), sous la direction de Claudine Le Blanc et Hubert Heckmann, Publications numériques du REARE, 10 juin 2024 Licence Creative Commons

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=657

Quelques mots à propos de :  Pascale Mougeolle

Docteure et qualifiée aux fonctions de maître de conférence en littérature comparée, auteur de Poétique de l’épopée d’Homère à Hugo. Une esthétique de la violence, Pascale Mougeolle est chargée de cours à l’Université de Lorraine. Ses recherches portent sur la fabrique des textes, tout particulièrement sur la résurgence et la variation de l’épopée de l’Antiquité à la modernité. Elle est directrice d’ouvrage et a publié La Conversation des genres aux éditions Garnier.