Marque et Image pour appréhender l’image de marque

Charles-Edouard Houllier-Guibert


Texte intégral

1Sans le vouloir préalablement, nous retrouvons au sein de ce numéro Eté 2019, trois productions écrites qui s’intéressent à « Auvergne Nouveau Monde », la marque Territoire la plus dynamiques, qui a ciblé plusieurs segments à partir d’un modèle organisationnel original, basé sur une association qui coordonne plusieurs agences segmentantes. Cette marque, aujourd’hui disparue, a bénéficié d’une observation universitaire forte, au travers du financement de deux thèses en gestion. Les deux docteures concernées sont des auteures de ce numéro de la RMT. Emeline Martin propose un résumé détaillé de sa thèse qui a cherché à identifier l’acceptation de l’idée de marque pour un territoire, auprès de trois public-cibles ; Cédrine Zumbo-Lebrument propose un article qui compare des pages Facebook de quatre marques Territoire dont celle de l’Auvergne, afin d’étudier le potentiel des outils du web 2.0, si souvent utilisés en matière de promotion territoriale aujourd’hui. A cela s’ajoute le travail ancien (colloque de Poznan en 2015) de Corinne Rochette et Charles-Edouard Houllier-Guibert qui ont examiné l’implication locale pour construire deux marques publiques territorialisées : celle de la Bretagne et celle de l’Auvergne, afin d’identifier la mobilisation d’acteurs dans le cadre de la théorie des parties prenantes. Dans les trois écrits, la question de l’implication d’acteurs est la focale d’analyse, situant clairement les marques Territoires comme un dispositif de dynamisation des sociétés locales.

2Dans ce numéro, en plus de se focaliser sur les marques Territoire, les questions d’image sont étudiées de manière multiple, moins liées aux sciences de gestion, et s’ouvrant à d’autres disciplines : les sciences de l’information et de la communication avec Thomas Bihay ; les sciences du sport avec Hugo Bourbillières, la géographie avec Camille Mortelette, cette dernière parlant pour autant, à juste titre, de marque Territoire, tout en étudiant la mutation de l’image d’un territoire. A travers ces textes, l’image des territoires est traitée de plusieurs façons :

  • L’idéologie territoriale de la créativité est interrogée en profondeur, avec l’apport d’un événement d’envergure qu’est la Fête des Lumières lyonnaise, qui affirme le positionnement créatif de la ville. Plus précisément, ce que Thomas Bihay appelle la reconfiguration territoriale (tangible, symbolique et réticulaire) est définie à partir d’une bibliographie récente.

  • Un résumé de thèse continue d’interroger la puissance de l’événementiel mais cette fois il s’agit de manifestations sportives de toute taille, au rayonnement varié. En comparant neuf événements parisiens, Hugo Bourbillères appréhende différentes formes de dynamiques locales suscitées par l’événementiel sportif, aboutissant à une catégorisation intéressante. A mon sens, cette typologie montre une coloration plus ou moins forte du marketing des territoires, ce que la métropole parisienne offre de la manière la plus complète possible mais que l’on retrouve moins dans des villes de rang inférieur.

  • L’article de Camille Mortelette vient chambouler l’évolution des idéologies territoriales qui suivent souvent des effets de mode (Houllier-Guibert, 2011). Avec l’étude du territoire lensois et plus largement les apports croisés d’un musée renommé, d’une labellisation UNESCO et la prise en considération sociale du tourisme de mémoire, la géographe démontre le retournement des valeurs d’une région qui essaie judicieusement de transformer ce qui a fait son image négative, en support valorisant. La couleur noire jusque-là stigmatisée à cause du passé minier de Lens et alentours, conduit à la fabrication d’une marque qui essaie de mobiliser les acteurs du tourisme notamment. Nous revoilà dans la mobilisation des acteurs locaux.

3Ce numéro fait la part belle aux résumés de thèse car c’est la première fois que nous en accueillons trois en même temps. Marque, événementiel et terroirité y sont solidement définis afin d’inciter le lecteur à aller lire ces trois thèses récentes. Celle de Pascale Ertus s’inscrit clairement dans le marketing lié à la consommation alimentaire et au comportement du consommateur. Une définition du terroir et une définition des produits du terroir permettent d’identifier la dimension territorialisante du marketing, à partir de l’idée de ressource. Des recommandations managériales sont proposées en conclusion, comme le veut la tradition des thèses en science de gestion, ce que souligne aussi le résumé de thèse d’Emeline Martin, au fil de la synthèse de ses différents chapitres.

4Enfin, l’article de la dernière rubrique de ce numéro s’intéresse à l’image qui n’est pas maîtrisée, celle issue d’un buzz médiatique qui vient s’opposer à la quête de contrôle de plusieurs parties prenantes de l’image officielle. Y est questionnée la co-existence entre d’un côté l’image positive recherchée par ceux qui valorisent et qui essaient de présenter un cadre spatial favorable ; et de l’autre côté, les possibilités d’images négatives, survenues via des incidents, ici liés aux propos de célébrités, immédiatement repris par la sphère médiatique qui s’en délecte pour créer de la polémique. L’article descriptif souligne l’actuelle domination des images officielles qui s’imposent à l’aide de porteurs d’image qui réagissent vite pour éviter la cohabitation avec d’autres productions de sens spatial qui ne seraient pas favorables au territoire.

5Quelles que soient les articles de ce quatrième numéro de la Revue Marketing Territorial (n°3, Eté 2019), la thématique de l’image et celle de la marque sont étudiées de manière variée, reposant sur plusieurs disciplines, ce qui est bien la vocation de la RMT. Ainsi, dans ce numéro, un territoire marqué par un événement médiatique d’envergure (Lyon), un autre qui construit l’idée de destination avec la marque ALL (autour du Louvre-Lens), et l’étude de plusieurs marques Territoire françaises en tant que dispositif volontaire de collaboration d’acteurs locaux ; sont autant d’exemples qui questionnent la « marque », objet marketing en tant que promesse faîte à un public, et qui générerait une valeur ajoutée. En réalité, la part de « marque » dans ces textes est fluctuante. Nous observons que la frontière est bien délicate à cerner entre Image et Marque, allant jusqu’à poser la question, une fois l’ensemble des textes lus, de ce qu’est l’« image de marque », dès qu’il s’agit de territoire et non pas de produit ou service. Ah, cette territorialité sous-jacente… (Debarbieux et Vanier, 2002) qui conditionne la compréhension des objets à dimension spatiale.

Bibliographie

Debarbieux B. et Vanier M. (2002). Ces territorialités qui se dessinent, éd. de l’Aube

Houllier-Guibert C.E. (2011). La fabrication de l’image officielle de la ville : gouvernance, idéologies, coopération territoriale et rayonnement. Cahiers de géographie du Québec, 54 (154), 7-35.

Pour citer ce document

Charles-Edouard Houllier-Guibert, « Marque et Image pour appréhender l’image de marque » dans © Revue Marketing Territorial, 3 / été 2019

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=386.

Quelques mots à propos de :  Charles-Edouard Houllier-Guibert

Maître de conférences en Stratégie et Territoire à l’université de Rouen et directeur de la Revue Marketing Territorial