Sommaire
3 / été 2019
numéro varia
- Editorial
- Charles-Edouard Houllier-Guibert Marque et Image pour appréhender l’image de marque
- Articles
- Camille Mortelette Changer l’image du bassin minier. Stratégies de marketing territorial et instrumentalisation des imaginaires socio-spatiaux
- Thomas Bihay Événements culturels et reconfiguration créative du territoire local : le cas emblématique de la Fête des Lumières
- Charles-Edouard Houllier-Guibert et Corinne Rochette L’implication des parties prenantes dans la mise en marque des régions Bretagne et Auvergne
- Cédrine Zumbo-Lebrument Les communautés virtuelles des marques Territoire : approche netnographique de la participation sur les Fan Pages
- Synthèses
- Hugo Bourbillères Résumé de thèse : Impacts territoriaux des événements sportifs parisiens (2013-2016). L’approche par les dynamiques locales.
- Pascale Ertus Résumé de thèse : Mesure des dimensions du terroir et influence sur la qualité perçue et sur les intentions du consommateur vis-à-vis du produit alimentaire et spécificités pour le produit vin
- Emeline Martin Résumé de thèse : L’efficacité de la marque Territoire : perceptions d’une marque Région par les habitants, les managers et les touristes
- Image et Territoire
- Charles-Edouard Houllier-Guibert Le buzz via les célébrités ou comment les médias de masse impactent-ils l’image des territoires français ?
Les communautés virtuelles des marques Territoire : approche netnographique de la participation sur les Fan Pages
Cédrine Zumbo-Lebrument
Cette recherche a pour but d’apporter un éclairage sur les ressorts de la participation citoyenne au sein des communautés virtuelles des marques Territoire. En se basant sur une approche netnographique, l’étude présente une analyse des contenus échangés durant une année sur les Fan Pages de quatre marques Territoires. Les résultats indiquent que les communautés virtuelles souffrent d’un déficit d’implication de leurs membres. Pour y remédier, des recommandations managériales sont proposées comme développer une stratégie de contenu engageant pour accroitre l’interactivité avec les fans, associer le virtuel aux opérations évènementielles « physiques », intégrer des compétences de community management et enfin limiter les stratégies de contenu basées sur des motivations économiques, peu propices à produire une relation pérenne entre la marque et ses fans.
This research aims to highlight the mechanisms of citizen participation within the virtual communities of territory brands. Based on a netnographic approach, the research presents an analysis of the content exchanged during a year on the Fan Pages of four brands of territories. The results indicate that virtual communities of territory brands suffer from a lack of involvement of their members. To remedy this, managerial recommendations are proposed, such as developing an engaging content strategy to increase interactivity with fans, associating the virtual with "physical" event operations, integrating community management skills and finally limiting content strategies based on economic motivations, which are not conducive to producing a sustainable relationship between the brand and its fans.
1Ces dernières années, une grande partie des régions françaises se sont dotées d’une marque propre dans le but d’asseoir et d’accroitre l’attractivité de leur territoire (Chanut et Rochette, 2012). Afin d’accompagner leur projet de marque, les collectivités territoriales ont dû faire évoluer leur communication en y intégrant un rapport au territoire plus ouvert mettant en avant les notions de proximité et travaillant à l’animation de communautés associées au projet. En s’appuyant sur le fort taux de pénétration de l’usage des réseaux sociaux numériques, ces collectivités territoriales ont développé des stratégies de marketing fondées pour partie sur la création de communautés virtuelles conçues comme des outils destinés à pérenniser leur projet de marque. Dès lors, les collectivités territoriales se sont dotées de compétences en communication digitale afin, d’une part, de nouer un réel rapport dialogique avec les citoyens contribuant à la valorisation de l’image de leur collectivité (Monnoyer-Smith, 2011), et, d’autre part, de s’appuyer sur ces mêmes citoyens pour porter et développer le capital-marque du territoire. C’est dans ce contexte que sont nées les communautés virtuelles de marque sur le réseau social numérique Facebook, compris comme un outil censé créer une relation plus forte et plus dense avec les habitants ou natifs d’un territoire par le biais de leur participation aux informations diffusées par et sur la marque. Par-delà les multiples questions que le contexte ainsi posé peut soulever, une question touche la relation entre réseaux sociaux numériques (RSN) et communautés virtuelles : comment la volonté de mettre en œuvre une communauté virtuelle d’une marque Territoire se traduit-elle en matière d’implication et d’interactivité sur les Fan Pages ?
2Pour ce faire, nous avons réalisé une étude empirique des Fan Pages de quatre marques régionales : Bretagne, Originale Franche-Comté, ImaginAlsace et Auvergne Nouveau Monde. La collecte de données est basée sur une approche netnographique des traces présentes sur les Fan Pages sur une période d’un an, puis d’une analyse de contenu de l’ensemble des posts et commentaires. Les résultats indiquent clairement que les communautés virtuelles étudiées ne donnent pas lieu à une forte participation et interactivité des fans, avec notamment une faible interaction si le contenu publié n’est pas porteur d’une promesse de gains. Face à cette faible interactivité, nous formulons des recommandations managériales pour une dynamisation de ces relais d’opinion sur la visibilité des territoires.
1. Utilisation des réseaux sociaux numériques dans la construction des communautés virtuelles des marques Territoire
1.1. Enjeux de la communication digitale des marques Territoire
3Suite à la décentralisation et au retour à une communication publique locale, la communication des collectivités territoriales a évolué pour se dé-institutionnaliser et exprimer une relation au territoire ouvert sur la réalité de la concurrence entre territoires (Bessières, 2000). Les régions et les départements, de même que depuis quelques années déjà les villes, se dotent de marques Territoire visant à asseoir et à accroitre l’attractivité de leur territoire en valorisant les différentes spécificités et singularités dont chaque territoire est porteur (Houllier-Guibert, 2012). Dans les faits, les pratiques de marketing territorial ont été conçues, développées et déployées en adaptant, bon an, mal an, avec plus ou moins de réussite, les pratiques de marketing utilisées dans les entreprises (Kapferer, 2011 ; Rochette, 2012).
4C’est dans ce contexte où les usages de la communication digitale sont en plein essor que le développement des technologies de l’information a permis de repenser et de faire émerger de nouvelles modalités de participation citoyenne en développant des espaces de conversations interpersonnelles en ligne (Auray, 2007). Concomitamment à cette nécessité de mobiliser les citoyens autour des marques Territoire, la communication territoriale a évolué en passant d’une communication uniquement descendante vers une communication plus ascendante intégrant une volonté de proximité avec les citoyens, inspirée des principes de la démocratie participative (Donzelot et Epstein, 2006 ; Bacqué et Sintomer, 2013).
5L’enjeu pour les marques Territoire réside non seulement dans le fait d’être capables de diffuser une information adaptée aux spécificités des citoyens, mais aussi d’utiliser les formes de mobilisations collectives qui émergent sur internet (Bimber et al., 2005) afin d’utiliser ces dynamiques participatives dans le sens du projet de la marque qui est de contribuer à la valorisation de l’image des territoires. La volonté de toucher un public vaste a donc incitée à s’approprier de nouveaux outils comme les réseaux sociaux numériques (Monnoyer-Smith, 2011).
1.2. Rôle des réseaux sociaux numériques dans la constitution d’une communauté virtuelle
6Avec des citoyens-internautes influents, les RSN sont devenus des outils incontournables pour la promotion des territoires. Mais derrière cet engouement, les réalités sont diverses et les dispositifs hétérogènes. Dans ce cadre, certaines pratiques issues du marketing digital de la sphère marchande, notamment celles inhérentes à la constitution de réseaux d’ambassadeurs de marques Produits par le biais d’une présence sur les réseaux sociaux numériques, constituent au sein de la sphère publique un « effet de mode » au sens de Abrahamson et Fairchild (1999). L’usage des RSN dans le cadre de stratégies de marketing territorial s’est aujourd’hui banalisé (Barabel et al., 2010) avec pour objectifs, d’une part, de constituer des communautés d’ambassadeurs en s’appuyant sur l’amplification de l’intégration des réseaux sociaux numériques liée à la démocratisation des supports numériques (mobile, TV, portable), et, d’autre part, d’accroitre la couverture géographique des éventuels ambassadeurs. Ces espaces de communication peuvent permettre aux marques Territoire de réinventer la proximité avec l’habitant ou le citoyen en jouant sur un sentiment d’appartenance plus ou moins prégnant. Ces démarches permettent d’initier une dynamique de « participation citoyenne » (Doutrellot, Mabi et Moreau, 2012).
7Néanmoins, une stratégie de communication par les RSN reste insuffisante pour construire une communauté virtuelle d’une marque Territoire. En effet, être un ambassadeur du territoire ne peut se réduire à « aimer » sa page Facebook : la quantité de « Like », de « Partage » ou de commentaires sur une page Facebook ne permet pas d’évaluer qualitativement une communauté virtuelle d’ambassadeurs. Comme pour les marques commerciales, constituer une communauté d’ambassadeurs requiert en amont d’avoir identifié et de savoir mobiliser les influenceurs et les e-influenceurs locaux, lesquels constituent des leaders d’opinion (Vernette, 2002 ; Vernette et Flores, 2004) qui entretiennent, pour différentes raisons (économiques, idéologique, politique...), un lien fort avec leur territoire au service de sa notoriété. Si l’intégration et la mobilisation des e-influenceurs au sein des communautés virtuelles de marque Territoire est nécessaire, elles restent insuffisantes pour pérenniser l’adhésion active du plus grand nombre à une communauté virtuelle. Se pose alors la question de ce que recouvrent les communautés virtuelles de marque sur les RSN, et, au premier chef, leur sens et leur signification.
1.3. Fondements des communautés virtuelles de marques
8En premier lieu, il convient de préciser que le concept de communauté trouve ses fondements dans les écrits de Tönnies (1887) qui le différencie de celui de « société ». A la différence de Durkheim (1893) qui fonde son modèle des sociétés modernes sur une solidarité organique, Tönnies oppose l’intégration à une communauté humaine basée sur un sentiment d’appartenance et une culture partagée entre les individus. En ce sens, les liens entre les membres d’une communauté sont fonction de leur localisation géographique ainsi que des valeurs et de l’histoire qu’ils partagent. Reposant sur ces fondements, la notion de « communauté d’intérêts » se comprend comme étant cette participation à un sentiment d’appartenance commun fondé sur des mœurs, des coutumes, des goûts ou encore des pratiques.
9A l’ère du numérique, les marques de la sphère marchande se sont rapidement constituées une identité numérique pour autant insuffisantes pour pérenniser et faire fructifier le capital marque : il est nécessaire de faire participer les consommateurs à l’identité numérique de la marque, son histoire et ses valeurs, par la mise en œuvre de communautés virtuelles. Faisant de tout citoyen un potentiel acteur participatif au sein d’un réseau social, les RSN constituent des espaces virtuels devenus de réels espaces sociaux au sein desquels des communautés virtuelles (Pelissier, 2011) se construisent en se définissant par le partage d’intérêts communs (Beuscart, 2002).
10Dans la sphère marchande, les communautés virtuelles de marques ont ainsi pour ambition de créer une relation dialogique entre les marques et leurs consommateurs à travers des échanges d’informations et d’interactions visant essentiellement à renforcer la fidélité tout en faisant de chaque membre un potentiel ambassadeur de la marque (Jang et al., 2008 ; Helme-Guizon et Magnoni, 2013). Il est notable que ces communautés virtuelles (Fournier et Lee, 2009) engendrent, à travers les échanges entre leurs membres, une densité relationnelle entre individus qui contribue à leur stabilité dans le temps. En ce sens, les Fan Pages des marques présentes sur les RSN deviennent des communautés virtuelles de marques dès lors qu’elles constituent de réels groupes sociaux « où les interactions entre membres » sont « essentielles » (Akrout et Cathalo, 2015).
11Toutefois, à la différence d’une communauté virtuelle d’une marque commerciale dont la finalité est de valoriser une marque et ses produits ou services, la finalité d’une communauté virtuelle d’une marque Territoire est double : valoriser un territoire, ses espaces et les projets qui y sont associés, mais aussi développer et asseoir un sentiment d’appartenance fondé sur l’identité, la culture et les valeurs incarnées par ce même territoire.
2. Collecte de données
12Au sein de cette recherche, quatre marques Région lancées à des dates proches sont étudiées : ImaginAlsace lancée par le conseil régional d’Alsace ; Bretagne lancée par l’agence de développement économique régionale (Bretagne Développement Innovation – BDI) et le comité régional du tourisme de Bretagne ; L’Originale Franche-Comté lancée par le conseil régional de Franche-Comté ; et enfin Auvergne Nouveau Monde lancée à l’initiative du conseil régional d’Auvergne, mais pilotée sous forme associative, intégrant dans sa gouvernance une large mixité d’adhérents (public-privé). Les Fan Pages sont créées de manière simultanée au lancement officiel de la marque sauf Auvergne Nouveau Monde dont la page Facebook est lancée trois mois après.
13Les régions de rattachement de ces marques ont des caractéristiques différentes tant sur leur surface en km² que sur leur nombre d’habitants, ce qui permet d’évaluer le lien entre l’implication et l’interaction des fans et la taille du territoire.
Tableau 1. Caractéristiques des marques Territoires étudiées
Sources : Cédrine Zumbo-Lebrument, données collectées sur les sites internet respectifs en avril 2016 ainsi que les données Insee 2011
14L’approche netnographique mobilisée a été conduite selon une démarche en cinq étapes inspirées de la démarche Kozinets (2010) :
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Détermination de l’objet de recherche
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Identification des communautés virtuelles
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Collecte des données
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Compréhension et interprétation des données
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Présentation des résultats de la recherche
15La collecte des éléments publiés sur chaque Fan Page Facebook est sur une période d’un an (7 Janvier 2016 au 7 Janvier 2017). Une grille de collecte présente les items suivants : date de visualisation des post, date de publication, contenu des post, nombre de partages des publications, nombre de like pour chaque publication, nombre de commentaires sur les publications, texte des commentaires, nombre de like1 et de réponses pour chaque commentaire.
3. Résultats
16Dans un premier temps, nous présentons une analyse de la participation pour chacune des Fan Pages étudiées, puis nous exposons les résultats de l’analyse de contenu thématique des publications et des commentaires, ce qui conduit à dégager huit thèmes communs.
3.1. Participation pour chacune des Fan Pages
17Les données collectées mettent en évidence des spécificités disparates.
Tableau 2. Caractéristiques des Fan Pages des marques Territoire
Une première analyse descriptive des données laisse apparaître que la Fan Page de la marque Imagin’Alsace dispose des indicateurs les plus élevés en matière de nombre de fans, de like et de partage de ses publications ou encore de commentaires, tandis que la Fan Page de Bretagne a les indicateurs les moins élevés.
18Afin de dépasser cette première description, nous avons conçu des indicateurs visant à évaluer la participation des fans à travers leur niveau d’implication vis-à-vis du contenu (indicateurs 6 à 8) et leur niveau d’interaction avec le contenu publié (9 à 11). L’analyse des indicateurs du niveau d’implication (graphique 1) souligne que la marque ANM possède les ambassadeurs les plus impliqués vis-à-vis des différentes publications tandis que le niveau d’implication des ambassadeurs de la marque ImaginAlsace n’est plus que le 3e (indicateur 6), voire le dernier (indicateurs 7 et 8).
Graphique 1. Les 3 types d’implication des fans sur les quatre Fan Pages
19Les ambassadeurs de la Fan Page ImaginAlsace ont le niveau d’interactivité avec le contenu publié le plus important, ceux de l’Auvergne n’ayant plus que le 3e niveau (indicateurs 9 et 10), voire le dernier (indicateur 11). De fait, la communauté des ambassadeurs de la marque Imagin‘Alsace est, sur la période étudiée, celle des quatre communautés d’ambassadeurs qui interagit le plus activement avec le contenu publié.
Graphique 2. Les 3 types d’interaction des fans avec le contenu des quatre Fan Pages
20Par ailleurs, nous avons conçu deux indicateurs mettant en relation les données touchant le nombre d’habitants et la superficie de la région propre à chaque marque avec les données collectées sur les Fan Pages : l’indicateur 12 (Fans/nbre d’habitants) qui vise à mesurer le taux de pénétration de la marque au sein des habitants de la région concernée ; l’indicateur 13 (Fans/surface) qui a pour objectif d’évaluer l’impact de la superficie d’une région sur le nombre de fans des marques étudiées.
21Les indicateurs 12 et 13 permettent de tirer deux enseignements : plus la superficie de la région est grande, plus la communauté de fans est réduite. Ainsi, ImaginAlsace a le territoire dont la superficie est la plus petite, mais possède le plus grand nombre de fans. A l’inverse, la Bretagne qui couvre la plus grande superficie de l’ensemble des 4 autres régions, a le nombre de fans le plus faible. La raison majeure de ce phénomène réside dans le fait que, sur un territoire plus étendu qu’un autre, comme par exemple l’Auvergne qui recouvre 4 départements avec des identités différentes (Cantal, Haute-Loire, Puy-Dôme et Allier), il soit difficile de fédérer une communauté sans le partage de l’élément central que constitue un territoire vécu, commun et partagé fondant une proximité spatiale et institutionnelle entre les individus. Aussi, il semble important pour créer un lien d’appartenance à une communauté virtuelle que les membres partagent des valeurs, des intérêts ou des objectifs communs (Proulx, 2004). Les habitants du Cantal, par exemple, ayant des valeurs et des intérêts différents de ceux des habitants de l’Allier ou du Puy-Dôme, cela explique pour partie pourquoi la communauté de la marque Auvergne Nouveau Monde possède, comparativement à d’autres, un nombre peu important de fans.
22Il en est de même lorsque l’on rapporte la superficie des régions au niveau d’interaction de leurs fans avec le contenu des pages Facebook : plus la surface du territoire est grande, moins l’interaction des fans avec les contenus de la page de la marque est prononcée (graphique 3).
Graphique 3. La mise en perspective des 3 types d’interaction, du nombre de fans et de la surface de la région pour chacune des marques
3.2. Analyse thématique
23L’analyse thématique de contenu réalisée sur chaque publication et commentaire des quatre Fan Pages a permis de dégager les thèmes et sous-thèmes communs entre toutes les marques, ainsi que les thèmes qui ont généré le plus d’interactions.
Tableau 3 : Grille d’analyse thématique avec thèmes et sous-thèmes identifiés
Source : Cédrine Zumbo-Lebrument
24Les quatre marques Territoires utilisent essentiellement leur Fan Page pour publier sur les thématiques suivantes : « Informations » (40% des publications), « Evènements » (23% des publications), « Promotion » (16% des publications) et « Jeu-concours » (8% des publications). Les autres thèmes ressortent de manière marginale dans l’analyse.
Graphique 4. La répartition du nombre de publications par thème sur les Fan Pages
25Le nombre de commentaires est intrinsèquement lié au nombre de publications. Il est donc logique de retrouver le plus grand nombre de commentaires associé aux thèmes les plus fréquents au sein des publications : « information », « promotion » et « évènements ». En revanche, les thèmes « jeu » et « concours » rendent les fans plus réactifs. Ces thèmes ont recueilli 282 commentaires sur 784. Cela peut s’expliquer par le fait que les fans sont attirés par des motivations économiques (gain de cadeaux proposés). De plus, pour la plupart des concours, les gagnants sont sélectionnés grâce à leur commentaire, soit par tirage au sort, soit par l’originalité du commentaire, ou encore par le fait que le gagnant sera celui qui publie le premier commentaire.
Graphique 5. La répartition du nombre de commentaires par thème sur les Fan Pages
26S’agissant de l’analyse thématique réalisée pour chacune des Fan Pages des marques Territoire étudiées, les résultats sont les suivants :
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ImaginAlsace
27Ce sont les thèmes « Promotion », « Informations » et « Evénement » qui sont les plus fréquents et qui génèrent respectivement, une part de 35%, 25% et 21% en termes de nombre de publication. Les thèmes « Jeu », « Concours » et « Evénement » sont les plus commentés, et le thème « Promotion » est celui le plus partagé et aimé par les ambassadeurs générant ainsi 658 partages et 3629 like.
Graphique 6. Les indicateurs de la Fan Page ImaginAlsace
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Auvergne Nouveau Monde
28Le thème « Information » est celui qui compte le plus grand nombre de publications (plus de la moitié des posts). Fan Page qui comptabilise le plus grand nombre de like (1 229), c’est l’unique thème qui a dépassé les 1 000 like alors que les autres thèmes en ont en moyenne 200.
29Les publications les plus partagées par les fans sont les thèmes « Information » et « Jeu-concours » qui ont une fréquence de partages d’environ 30 %. Les publications concernant le thème « événement » ont été partagées 88 fois. En ce qui concerne les autres thèmes, la faible réactivité de la part des fans peut s’expliquer par le manque de publications de la marque sur ces thèmes.
Graphique 7. Les indicateurs de la Fan Page Auvergne Nouveau Monde
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La marque Bretagne
30La marque Bretagne publie peu sur sa page : seulement 77 posts sur un an. Les thèmes principaux sont principalement l’« Information » (39 publications) et l’« Evènementiel » (30 publications). Ses fans privilégient les posts sur le thème « Information » qui obtient le plus de like (204) et le plus de commentaires (8). C’est le thème « Promotion » qui enregistre le plus de partages, 687 sur 760 partages au total.
Graphique 8. Les indicateurs de la Fan Page Bretagne
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L’Originale Franche-Comté
31Cette fan page a essentiellement publié sur le thème « Information » (33% des publications). C’est également le thème que les ambassadeurs de la marque likent (44%) ou partagent (63%) le plus. En outre, ce thème est « liké » plus de 1 000 fois alors que les autres thèmes ne comptent en moyenne que 200 like. Le nombre de partages est de 436, alors que les autres thèmes ne sont jamais partagés plus de 100 fois. Le thème « Jeu » est le plus commenté, ce qui peut s’expliquer par le fait que c’est grâce aux commentaires que les fans peuvent gagner les lots proposés. Par exemple, sont postées beaucoup de photos de paysages régionaux en demandant aux internautes de trouver le lieu de la photo.
Graphique 9. Les indicateurs de la Fan Page L’Originale Franche Comté
4. Recommandations pour améliorer la participation
32Les différentes communautés virtuelles de marques témoignent, exception faite avec ImaginAlsace, d’une implication et d’une interaction relativement faibles de leurs membres. En conséquence, plusieurs recommandations managériales basées sur des exemples réels peuvent être formulées dans le but d’améliorer la participation de potentiels ambassadeurs sur les Fan Pages.
Publier du contenu engageant pour impliquer
33L’augmentation de la participation passe par une animation où les fans seront amenés à partager leur expérience au sein de la communauté virtuelle les incitant à « liker », commenter et partager le contenu. De nombreuses marques Territoires présentes sur Facebook orientent leur stratégie de publication vers la création de contenu engageant pour leurs fans, comme l’illustre la marque de l’agglomération lyonnaise « Only Lyon » qui a organisé un concours où les amoureux de la ville de Lyon devaient se prendre en photo. Un autre exemple de stratégie de contenu engageant peut être mis en avant : celui du Comité Régional du Tourisme de Bretagne qui a incité ses ambassadeurs à créer un clip vidéo dans le but d’inciter les Français à venir découvrir la région. Cette opération s’est relevée porteuse d’une forte participation à travers la réalisation d’une vidéo de présentation du territoire, puis le post d’un selfie2 sur la Fan Page de la marque.
Accroitre l’interaction en adaptant sa stratégie de contenu à la typologie des fans
L’analyse des publications, et notamment de celles qui ont reçu le plus de like, de commentaires et partages, doit permettre aux marques Territoire d’adapter leur stratégie de contenu aux différentes attentes de leurs fans. En s’appuyant à la fois sur une compréhension précise des fans (leaders d’opinion, e-influenceurs, thèmes de discussion...) et sur les statistiques fournies par Facebook, les marques Territoire peuvent constituer une typologie de leurs fans représentative de leur communauté, afin de nouer avec eux une relation privilégiée favorisant l’interactivité par une stratégie de contenu adaptée.
En ce sens, la prise de parole des fans se développe en mettant en œuvre des opérations fondées sur leurs attentes et leurs goûts. Cette approche est à l’origine de l’opération d’Auvergne Nouveau Monde pour la communauté auvergnate, amatrice de mets auvergnats, dont le but était d’inciter ses membres à se mettre en scène avec des produits typiques d’Auvergne (Opération « Mangez-moi » d’Auvergne Nouveau Monde en partenariat avec les SIQO3). Ce type d’opération est de nature à développer l’engagement des fans sur la communauté. C’est en favorisant ce type de relation que peuvent se développer un attachement et une préférence au territoire et à la marque.
Associer le virtuel au présentiel
Une stratégie de création d’une communauté de marque virtuelle reposant totalement sur les RSN ne peut suffire à consolider une communauté d’ambassadeurs. La création et la pérennisation d’une communauté virtuelle de marque supposent des actions de proximité qui, à travers des rencontres et des échanges sur des centres d’intérêts communs, soient créatrices de liens sociaux entre ses membres à l’origine du développement d’un sentiment d’appartenance constitutif d’une communauté. C’est en ce sens que Auvergne Nouveau Monde a développé une communauté d’ambassadeurs appelée « les Pionniers du Nouveau Monde », en mettant en place un comité pionnier mensuel où les membres sont invités à co-construire des outils marketing (Zumbo-Lebrument, 2017). De cette initiative sont nés des soirées mensuelles vouées à laisser la parole à des entrepreneurs, des universitaires, ou encore des associations, afin qu’ils puissent présenter leurs initiatives. Ces soirées réunissent les membres de la communauté de la marque de manière récurrente autour de différents centres d’intérêt communs dans le but d’asseoir leur sentiment d’appartenance.
Intégrer des compétences en community management
L’essor des communautés virtuelles de marques Territoire sur les RSN a conduit les collectivités territoriales à se doter des compétences nécessaires pour les animer et les piloter. L’intégration de compétences en community management doit permettre de développer l’attachement à la marque (Lacoeuille, 2010 ; Lacoeuille et al., 2007) tout en renforçant le sentiment d’appartenance à la communauté. Le community manager peut travailler en collaboration étroite avec les pilotes de la démarche de marketing territorial afin de tenir un discours cohérent, adéquat et pertinent par rapport aux valeurs portées. Ce rôle d’interface entre les responsables du projet de marque Territoire et la communauté se traduir dans les faits par la mise en œuvre d’une stratégie de contenu engageant visant à créer un sentiment d’appartenance.
Limiter les stratégies de contenu basées sur des motivations économiques
34Les publications portant sur les thèmes « Jeux » et « Concours » suscitent une implication et une interaction plus importantes que les autres types de publications d’une marque. En ce sens, il semble nécessaire, dans le but d’asseoir la pérennité d’une communauté, de privilégier à court terme les publications vouées à répondre à des motivations économiques qui engendrent une relation avec la marque basée sur l’obtention d’une récompense (goodies, bons privilégiés…). Cependant, à moyen et long terme, cette seule stratégie semble inefficace pour produire une relation pérenne entre la marque et ses fans si elle n’est pas associée à une stratégie offrant de la proximité, du divertissement et de l’engagement aux membres d’une communauté (Akrout et Cathalo, 2015, p. 39).
Discussion conclusive
35En se focalisant sur le réseau social numérique Facebook, cet article s’est efforcé de comprendre et d’évaluer l’efficacité de l’usage de communautés virtuelles de marques Territoire en matière de participation des citoyens. Les résultats indiquent clairement que ces communautés, créées initialement pour développer et soutenir une dynamique participative sur et pour le projet de chacune des marques, ne fonctionnent qu’insuffisamment. Le faible niveau général d’implication et d’interaction des membres indique que l’usage d’un RSN ne suffit pas à mettre en œuvre une démarche participative avec les citoyens concernés. En ce sens, l’utilisation du terme d’ambassadeurs à l’endroit des personnes qui sont « fans » de la page d’une marque Territoire (Houllier-Guibert et al., 2018) ne semble pas satisfaisante car peu pertinente ; en effet, la participation des individus aux pages des marques est conditionnée à l’éventualité d’un gain à travers des jeux-concours, des remises ou encore des cadeaux, mais ne procède pas d’une volonté désintéressée de s’impliquer et d’interagir pour et sur le territoire pour le promouvoir. Au vu des résultats de notre recherche, les pages Facebook étudiées sont surtout « aimées » par des abonnés bien souvent passifs.
36Par ailleurs, les résultats témoignent de l’existence d’une corrélation négative entre le périmètre des territoires d’une région et la participation de ses habitants à la page Facebook de sa marque. Ce qui signifie que l’implication et l’interactivité sur la page d’une marque Région serait dépendante d’une forme de proximité spatiale avec les citoyens. Par ailleurs, les résultats témoignent de l’existence d’une corrélation négative entre le périmètre d’une région et la participation de ses habitants à la page Facebook de sa marque. Ce qui signifie que l’implication et l’interactivité sur la page Facebook d’une marque Région serait dépendante d’une forme de proximité spatiale avec les citoyens. En ce sens, plus la surface du territoire d’une marque Région est importante, et moins les membres de sa communauté virtuelle interagissent entre eux.
37Ces résultats enjoignent donc les marques Territoire à mettre en œuvre des actions ciblées dans le but d’augmenter l’implication et l’interaction de membres de leur communauté virtuelle, ce qui suppose en amont de travailler à accroitre l’attachement à la marque en associant, dès le lancement de la démarche de marketing territorial, les habitants à des dispositifs participatifs réels. A l’heure où le numérique densifie potentiellement les relations d’une marque Territoire avec sa communauté virtuelle, il apparaît impératif de se rappeler que l’attachement à cette marque suppose dans le même temps une dynamique participative réelle, seul gage d’un attachement pérenne.
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Auray N. (2007). « Le modèle souverainiste des communautés en ligne : impératif participatif et désacralisation du vote », Hermès, p. 137–145.
Bacqué M.-H. et Sintomer Y. (2013). « Gestion de proximité et démocratie participative : les nouveaux paradigmes de l’action publique ? », in Émilie Bajolet, Jean-Marc Rennes et Marie-Flore Mattéi (dir.), Quatre ans de recherche urbaine 2001-2004. Volume I : Action concertée incitative Ville. Ministère de la Recherche, Tours, Presses universitaires François-Rabelais (Perspectives Villes et Territoires), p. 221‑225.
Barabel M., Mayol S. et Meier O. (2010). « Les médias sociaux au service du marketing territorial : une approche exploratoire », Management & Avenir, n°2, p. 233–253.
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Bimber B., Flanagin A.J. et Stohl C. (2005). « Reconceptualizing Collective Action in the Contemporary Media Environment », Communication Theory, vol. 15, n°4, p. 365–388.
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2 Un selfie peut être défini comme un autoportrait fait le plus souvent à l’aide d’un appareil photo numérique ou d’un téléphone mobile. Il est souvent partagé avec d’autres personnes, souvent par l’intermédiaire des réseaux sociaux numériques.
3 L’opération #Mangez-moi pilotée par l’association ANM en partenariat avec les SIQO Auvergnats (signes officiels d’identification de l’origine et de la qualité) s’est déroulée de juin à août 2015. Son objectif était de valoriser les produits agro-alimentaires certifiés Auvergne auprès du grand public sur la mécanique suivante : les internautes étaient amenés à se prendre en photo avec un ou plusieurs produits d’Auvergne, puis à les poster sur le site internet : http://www.auvergne-nouveau-monde.fr/article/operation-mangez-moi-du-1er-juillet-au-31-aout-1
Cédrine Zumbo-Lebrument, « Les communautés virtuelles des marques Territoire : approche netnographique de la participation sur les Fan Pages » dans © Revue Marketing Territorial, 3 / été 2019
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=415.
Quelques mots à propos de : Cédrine Zumbo-Lebrument
Titulaire d’un Doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris Nanterre, Cédrine Zumbo-Lebrument est professeure de marketing au sein du Groupe ESC Clermont. Elle est membre permanent du CleRMa (EA 3849) et associée au COMSOS (EA 4647). Après une première expérience professionnelle d’une quinzaine d’années dans des entreprises multi-nationales sur des missions de marketing et de category management, elle consacre aujourd’hui ses recherches sur l’implication des parties prenantes à des démarches de marketing territorial.