Changer l’image du bassin minier. Stratégies de marketing territorial et instrumentalisation des imaginaires socio-spatiaux

Camille Mortelette


Résumés

L’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO du bassin minier en 2012 et l’arrivée quelques mois plus tard d’une antenne du Louvre dans la ville de Lens ont rendu plausible l’assimilation de ce territoire à une destination touristique malgré des représentations négatives tenaces. Le présent article s’intéresse tout particulièrement à la démarche de marketing territorial et à la campagne de communication qui l’accompagne, qui consiste à vendre ce territoire auprès des touristes potentiels via la création d’une marque Territoire. Cette marque est l’occasion de nous interroger sur les ressors qui s’offre à elle pour assurer la promotion du territoire qu’elle concerne, notamment en terme d’instrumentalisation des imaginaires socio-spatiaux associés à ce territoire et de retournement de valeurs jusque-là associées au bassin minier. De même, l’identité collective propre au bassin minier devenant outil promotionnel permet de mettre en relation les concepts d’image, d’imaginaire et d’identité et de voir ce que le marque Territoire peut faire au discours sur l’espace.

The inscription of the ex-coal mining area on UNESCO's World Heritage List in 2012 and the arrival a few months later of a branch of the Louvre in the city of Lens made it plausible to assimilate this territory into a tourist destination despite the persistent negative representations. This article focuses in particular on the place marketing approach, and the accompanying communication campaign, which consists in selling this territory to potential tourists through the creation of a place branding. This brand is an opportunity for us to question the resources available to promote the territory it concerns, particularly in terms of exploiting the socio-spatial imaginaries associated with this space and reversing the values previously associated with the coal area. Similarly, the collective identity specific to the territory that becomes a promotional tool allows us to connect the concepts of image, imaginary and identity and to see what the place branding can do to the discourse on space.

Texte intégral

1Aujourd’hui, se référer à la concurrence entre les territoires à différentes échelles tient du lieu commun. C’est pourtant cette dynamique et l’injonction à l’attractivité et au rayonnement, afin de faire venir des entreprises, des capitaux et des catégories de population aisées (Gerardin, Poirot, 2010), qui est à l’origine d’un tournant néolibéral des politiques publiques (Houllier-Guibert, 2019). Les termes Attractivité et Compétitivité sont devenus les mots totems de la mondialisation telle que nous la connaissons aujourd’hui. La stratégie de Lisbonne les hisse au rang d’objectifs à atteindre depuis 2000 au moyen d’outils que seraient l’économie de la connaissance ou l’innovation. Les enjeux de la stratégie territoriale tiennent donc dans l’idée que les territoires sont inscrits dans un paradigme concurrentiel où le fait d’apparaître singulier, ou en tout cas différent de son voisin, permettrait d’être plus facilement identifiable et donc attractif. Parmi les outils perçus comme les mieux à même de répondre à ces enjeux de concurrence et de singularisation, les techniques de marketing territorial, dont notamment la création de marques Territoire, ont pris de l’importance ces dernières années. Ces marques Territoires sont entendues comme « les démarches des collectivités locales pour faire marque » (Houllier-Guibert, 2018) et donc à distinguer des marques territoriales qui rassemblent « l’ensemble des actions de visibilité et de promotion qui essaient de faire marque, en se basant sur une dimension territoriale ». L’injonction est à la différenciation (Chanoux, Serval, 2011), notamment grâce à la construction d’une image de marque (Ratier, 2003) pour les territoires. Dans les années 1990, l’heure était aux campagnes de promotion visant à mettre en avant des métropoles dynamiques, jeunes et agréables à vivre comme l’exemple montpelliérain ou des métropoles au « carrefour de l’Europe », amenées à se développer de manière exponentielle à l’instar de Lille (Rosemberg, 2000). Néanmoins, la stratégie consistant à construire une image de marque ex-nihilo semble avoir vécue et l’approche la plus développée ces dernières années est celle consistant à promouvoir l’identité du territoire (Kavaratzis et Hatch, 2013) en s’appuyant sur ce qui fait sa réputation depuis de nombreuses années.

2Néanmoins, lorsque l’identité d’un territoire est perçue négativement à cause d’une image répulsive, comment espérer le rendre attractif et compétitif à partir de cette stratégie ? En tant que supports de pratiques et d’imaginaires à la fois individuels et sociaux (Di Méo, 2008) les territoires sont également le réceptacle d’affects (Bochet et Racine, 2002) et de représentations qui déterminent les rapports que nous entretenons avec eux. Les représentations que l’on se fait d’un lieu ou d’un territoire, en tant que construction sociale et processus d’énonciation (Stazack, 2013, p.868), correspondent à des « schémas pertinents du réel » (Guérin, 1989) qui associent images mentales et processus verbaux (Gumuchian, 1991) et révèlent des valeurs associées collectivement à tel lieu ou tel territoire. Dans ce contexte, les territoires postindustriels ou en déclin, pour lesquels se superposent des indicateurs socio-économiques en berne et un cadre urbain souvent dégradé, pourraient avoir du mal à tirer leur épingle du jeu. Ce désavantage constitue le défi majeur des stratégies de marketing territorial :

« En ce qui concerne le positionnement marketing, un territoire est délimité par sa géographie et son nom ; le repositionnement est donc bien plus difficile et entraîne une plus forte irréversibilité pour un territoire que pour une entreprise qui peut procéder à une relocalisation ou un changement de nom » (op.cit. Chanoux et Serval, 2011).

3C’est donc la tentative de repositionnement qui nous intéresse ici, par le biais d’une approche disciplinaire propre à la géographie. En effet, notre intention est de mêler des questionnements propres à la géographie politique en termes de légitimation d’un territoire et à la géographie culturelle en questionnant les représentations qui sont liées à ce territoire grâce aux concepts d’image, d’imagerie et d’imaginaires (Amirou et al., 2011).

4Depuis plusieurs années, les villes des territoires postindustriels identifient la problématique de l’image comme une réponse essentielle à leur manque d’attractivité et hésitent sur la démarche stratégique à mettre en place. Max Rousseau est revenu dans sa thèse sur les stratégies de re-imaging de deux villes postindustrielles, Roubaix et Sheffield. Il montre que les postures initiales de rejet du passé industriel et de recherche d’une image de ville dynamique et innovante sont progressivement remplacées ou secondées d’une valorisation de ce passé industriel, via la patrimonialisation des traces de l’industrie, leur réemploi et l’émergence d’un discours promotionnel lui réservant une place particulière (Rousseau, 2011). L’histoire de ces villes et leurs caractéristiques paysagères peuvent alors devenir une force et un argument de promotion à destination, notamment, de ce que l’auteur appelle la nouvelle classe moyenne, tout en accompagnant leur « montée en gamme ». On le remarque à Saint-Etienne, avec le positionnement design qui fait écho au passé industrieux de la ville tout en la projetant dans une filière d’avenir (Mortelette, 2014) ou dans les villes de la Ruhr, supports de la route de l’Industriekultur et Capitales Européennes de la Culture en 2010, entre autres exemples. Entre mise à distance du passé et acceptation, voire revendication, de ce dernier dans les stratégies de re-imaging, les villes des territoires post-industriels s’engagent visiblement dans des positionnements pluriels mais redondants.

5A travers l’étude de la stratégie adoptée par la marque Territoire du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, nous souhaitons interroger un exemple de la manière dont une identité territoriale négative peut devenir un argument de promotion du territoire et comment cela se traduit en termes de production d’imaginaires et d’instrumentalisation de l’imagerie. C’est notamment à la stratégie originale de retournement des valeurs associées à l’héritage minier menée par la Mission Louvre Lens Tourisme (MLLT) que nous nous intéresserons.

6L’article s’attachera grâce à l’analyse des supports promotionnels, de documents internes et de différents entretiens (promoteurs de la marque, élus locaux, parties prenantes de l’ingénierie territoriale) à montrer comment la marque Territoire parvient à créer un univers à partir de l’existant et à proposer des éléments de langage et des images afin d’établir une mise en récit orientée du territoire. Nous reviendrons d’abord sur le retournement des valeurs liées à l’héritage minier, puis sur l’instrumentalisation de l’identité collective du bassin minier et ses potentiels effets de transformation du territoire.

1. Un retournement des valeurs liées à l’héritage minier

1.1. De la mine au Louvre Lens, retour sur la trajectoire territoriale du bassin minier

7Le bassin minier du Nord-Pas de Calais fait partie de ces régions fortement handicapées par leur image extérieure. Longtemps qualifié de Pays noir, le bassin minier et sa population connaissent des difficultés structurelles indéniables, particulièrement importantes depuis la cessation complète de l’activité en 1990 : chômage, taux de formation faible, mobilité réduite, taux de mortalité élevé au regard de la moyenne nationale. Il existe une véritable image négative et stéréotypée d’un point de vue extérieur, doublée d’un rapport ambivalent aux marques spatiales laissées par l’activité minière d’un point de vue intérieur. En effet, l’héritage minier souffre encore d’un rapport entre honte et fierté comme c’est le cas dans d’autres territoires miniers (Gay, 2012). De même, les nombreuses friches industrielles, avant d’être perçues comme une opportunité foncière ou comme des éléments d’un paysage culturel révélateur d’une histoire sociale riche, ont longtemps été vues comme des espaces dont on ne savait que faire ou qu’il fallait faire disparaître (Rabier, 2002). Comme de nombreux anciens territoires industriels, le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais a longtemps souffert de ce que nous appellerons une image Germinal1. En effet, c’est un lieu commun que de parler de cet espace comme d’un Pays noir et de le résumer à ses difficultés économiques et sociales. L’image à effet repoussoir était un obstacle à l’idée même de développer une activité touristique dans la région. La volonté de faire table rase du passé chez certains élus locaux a été très forte malgré la campagne d’inventaire et de protection d’équipements relatifs à l’activité houillère par la Direction Régionale des Affaires Culturelles dans les années 1990. Il en a résulté de nombreuses démolitions des vestiges de l’exploitation dans la région, le souhait formulé par certains maires, devenus gestionnaires des friches minières à la fin du système des Houillères, étant d’aller de l’avant et de redevenir un territoire ordinaire. Nous ne reviendrons pas en détails sur les processus, déjà bien détaillés par ailleurs (Veschambre, 2008), qui peuvent mener à considérer comme du patrimoine à préserver et à valoriser des marques d’une activité industrielle passée, considérées jusqu’alors de manière dépréciative. Il faut cependant souligner la prégnance de représentations négatives d’un héritage inégalement assumé par la population locale. La mobilisation locale dans ce processus de patrimonialisation a surtout été le fait de quelques communes exemplaires et de structures associatives visant à préserver une mémoire avant tout technique et sociale dans un deuxième temps (Kourchid et Melin, 2002 ; Melin, 2013). Les années 2000 semblent avoir davantage mené à une prise de conscience collective de l’importance de conserver les traces du passé, prise de conscience qui a débouché sur l’inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012. Le changement de regard sur l’héritage minier, aujourd’hui patrimoine exceptionnel et universel, s’est donc déroulé sur un temps relativement long et l’article montre que ce processus n’est pas encore entièrement achevé, y compris pour les élus locaux.

8Pourtant, ce territoire a vécu une trajectoire de reconversion lente et discontinue mais opérante grâce à deux symboles forts de renouveau en 2012 : en plus de l’inscription en juin au patrimoine mondial au titre de paysage culturel évolutif, l’inauguration du Louvre à Lens en décembre, donnent chacun un rayonnement international qui attire les médias. Ces deux projets, vécus comme des événements, ont positionné le territoire, et plus particulièrement la ville de Lens, à l’international2. L’ancienne zone d’exploitation minière du Nord-Pas-de-Calais a donc bénéficié d’un « double coup de projecteur » (Fagnoni, 2016) qui a contribué, de manière bien plus forte que les initiatives antérieures, à son changement d’image. Néanmoins, les simples signes du changement ne sont parfois pas suffisants. A l’image de l’ancien maire de Saint-Etienne, Maurice Vincent, qui affirmait que sa ville avait des savoir-faire et qu’il fallait le faire savoir, le marketing territorial est vu comme une stratégie efficace pour promouvoir cette nouvelle image à l’extérieur et pour améliorer l’attractivité de l’espace concerné.

9Ainsi, contrairement aux démarches antérieures de destruction de l’héritage minier dans les années 1990 (la négation) ou de passage du « noir au vert » dans les années 2000 (la transformation), le pari est ici d’assumer le noir du charbon afin d’en faire une force, ce qui est relativement inédit. En renversant la charge symbolique autour de l’héritage minier, en en faisant l’avantage concurrentiel du territoire (Proulx et Tremblay, 2006), l’objectif pour les créateurs de la marque est de changer le discours sur l’espace mais aussi l’espace lui-même afin de rendre plus opérant le changement d’image de la région et d’assurer la réussite de sa conversion en destination touristique.

1.2. Le pari de la Marque Territoire : créer une destination touristique dans le bassin minier

10Avant toute chose, il semble important de présenter en détail la gouvernance spécifique liée à la mise en tourisme du bassin minier. Il n’est pas un territoire au sens politique du terme et il est partagé entre 7 Etablissements Publics de Coopération Intercommunal (3 dans le Pas-de-Calais et 4 dans le département du Nord) ce qui ajoute une complexité au partage de la compétence touristique entre acteurs. Dans un souci d’harmonisation des démarches et d’accompagnement du développement touristique avec l’arrivée du Louvre Lens, le Conseil Départemental du Pas-de-Calais a souhaité dès 2009, la création d’une marque Territoire via son agence pour le développement touristique. Avec l’appui de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi, elle a créé la Mission Louvre Lens Tourisme (MLLT), en charge de la création de cette marque. En souhaitant capitaliser sur un des symboles de renouveau du bassin minier, le nom « Autour du Louvre Lens » ou ALL est choisi. Les initiateurs aiment souligner le dynamisme sous-jacent grâce à la formule anglo-saxonne « All together » qui rappelle une synecdoque où la partie (le Louvre Lens) symboliserait le tout (le bassin minier) soit un renversement de l’image qui collait jusque-là à la peau de ce territoire. Pourtant, presque paradoxalement, loin de se focaliser uniquement sur l’arrivée du nouveau musée et de ne capitaliser que sur cet équipement culturel pour donner une nouvelle identité au territoire, les initiateurs de la marque ont travaillé à faire de tout le bassin minier (ou presque) une destination touristique à partir d’une identité minière revendiquée. Cette marque Territoire a pour particularité de concerner une région bien plus vaste que ce qu’elle semble désigner au premier abord. Les concepteurs s’appuient sur une définition assez floue de ce que pourrait signifier être autour du Louvre Lens et ont dessiné une zone qui correspond selon eux à l’aire d’influence du musée couplée au périmètre de l’inscription UNESCO.

Figure 1. Périmètre de la marque ALL

Image 10000000000006140000044C6DD21E3C.jpgConception : C. Mortelette, Réalisation : T. Guy. A partir de Mission Louvre Lens Tourisme, 2014

11Le périmètre de la destination ALL n’est pas censé dessiner celui du bassin minier pourtant il lui est fortement associé puisque la marque Territoire contribue fortement à en faire la promotion. Ces découpages sont donc intéressants à analyser. Sur cette carte, c’est tout particulièrement la surface orangée qui nous intéresse ainsi que le figuré linéaire représentant le périmètre du Bassin minier tel qu’il est dessiné par l’ensemble des communes minières et celui qui correspond à l’ensemble des biens inscrits comme « paysage culturel évolutif vivant ». L’aire orangée correspond à peu de choses près aux limites du bassin minier et suit la réalité souterraine du territoire, à savoir la veine de charbon (qui continue en Belgique à l’est et dans le Kent à l’ouest). Ce périmètre diffère pourtant de celui du périmètre des biens inscrits à l’UNESCO, qui ne concerne qu’une fine bande centrale, quand la MLLT dit s’appuyer sur ce dernier. Cela confirme notre hypothèse évoquée en début de ce chapitre sur un rayonnement de l’inscription pour le territoire qui dépasse le périmètre des biens inscrits. En outre, en observant plus finement cette carte, on remarque que la ville d’Arras fait partie du périmètre alors que la veine de charbon n’y passe pas ou que la partie la plus occidentale du bassin minier se situe en dehors des limites dessinées. Le fait d’oublier les zones marginales et d’inclure celles qui sont plus attractives par effet d’aubaine démontre que nous sommes dans une logique de rayonnement touristique qui cherche d’abord à capitaliser sur les atouts du territoire. Cependant, cette grande aire orangée qui repose essentiellement sur les contours du bassin minier tend à le présenter comme une aire homogène et cohérente auprès de touristes qui n’auraient qu’une connaissance partielle du territoire. D’autant plus que le discours de la marque sur ses aspects culturels et identitaires tend à renforcer cette impression quand, bien sûr, elle mériterait d’être discutée et contextualisée.

12Le périmètre de la marque de territoire ALL relève alors d’un découpage assez inédit qui ne correspond pas à une logique administrative, bien qu’elle soit une initiative du Conseil Départemental du Pas-de-Calais, s’expliquant par la volonté de créer une destination à partir des forces vives du territoire : le Louvre à Lens, l’inscription du bassin minier à l’UNESCO (et l’identité minière), le tourisme de mémoire et les arts (d’où la présence d’Arras), la nature et la gastronomie locale et les traditions. Cette destination non circonscrite à une entité géo-administrative a d’ailleurs été formalisée en 2015 par la signature d’un contrat de destination qui permettrait, entre autres, de faciliter « une stratégie partagée et coordonnée et un plan d’action mutualisé réunissant les acteurs clés » de cette destination (Bédé, 2015). C’est dans le cadre de ce contrat de destination, qui a également permis d’établir une feuille de route3 et l’obtention de subventions spécifiques, que la MLLT a pu diffuser son travail sur l’identité du territoire que nous allons analyser à présent.

1.3. L’identité territoriale comme instrument de distinction et de positionnement marketing

13A l’origine de la naissance de la marque ALL, il y a la volonté de capitaliser sur l’arrivée du musée du Louvre à Lens pour faire de la région une destination touristique sans pour autant compter exclusivement sur l’équipement culturel. Une première étape a été de faire l’analyse des points forts du territoire et de voir ce qui pouvait être érigé en argument de vente. Dans une démarche assez classique, déjà explicitée par ailleurs :

« La réflexion marketing ne part pas de la demande mais plutôt de l’offre la plus qualitative et créatrice de valeur » (Albertini et al., 2017).

14Afin de faire ressortir les traits saillants de l’identité du territoire, la MLLT a mis au point un cercle de créativité avec des experts (journalistes, directeurs artistiques, économistes, spécialistes internationaux du tourisme culturel) à la fois intérieurs et extérieurs au territoire, pour vérifier la pertinence d’ériger le bassin minier en destination touristique. Après cette étape, il a été fait tout aussi classiquement appel à un cabinet de conseil en développement territorial, l’agence Nicaya, pour une étude sur les valeurs de l’arrondissement Lens/Liévin et des arrondissements alentours pour mettre en place un socle de valeurs communes et établir un portrait de territoire.

« Il s’agit de ne pas être déconnecté de l’histoire et des valeurs que représentent ce territoire dans notre travail de communication. Le Louvre Lens étant déjà perçu comme un Ovni qui se pose sur le territoire, la question n’était pas comment va-t-on s’accrocher à ce vaisseau mais plutôt comment va-t-on accrocher ce vaisseau à ce territoire ? »4.

15Cette technique, aujourd’hui assez répandue, consiste en la mise en avant de la « personnalité profonde du territoire » au moyen de différentes étapes de travail auprès des acteurs du territoire (Houllier-Guibert, 2012) : différents entretiens et questionnaires menés avec des acteurs clés (élus, membres d’associations), focus groupes et tables rondes avec des habitants, par exemple. L’idée est donc de caractériser ce qu’est l’identité du territoire, à quels éléments paysagers et culturels elle peut se rattacher, et quels sont les discours et les mises en récit qu’il est possible de mettre en avant.

16Les résultats ont montré, entre autres, une prépondérance des référents identitaires relatifs au monde minier avec, par exemple, une prégnance des valeurs de solidarité, fortement associées à la période de l’exploitation minière, sur lesquelles seraient basée l’identité territoriale. Cette prépondérance de l’identité minière se lit quotidiennement dans le paysage du territoire aux nombreux marqueurs spatiaux relatif à l’histoire du charbon, tels que les terrils, les chevalements et les corons, ce qui a déterminé l’axe de travail prioritaire pour la marque Territoire. Cette histoire minière a été identifiée comme un instrument de distinction par rapport aux autres territoire. Il faut pourtant recontextualiser cette affirmation dans avec le développement du tourisme industriel en France5 (Fagnoni, 2004 ; Bianchini, 2008) et à l’étranger, d’autres territoires miniers comme la Ruhr développant des stratégies similaires de valorisation patrimoniale et de stratégie marketing.

17La troisième étape, enfin, a été de déterminer un imaginaire fondateur de la marque grâce à une iconographie qui puisse parler tant aux visiteurs qu’aux locaux. Pour ce faire, la MLLT a fait appel à une prestigieuse prévisionniste des mode et tendances, extérieure au territoire. Lidewij Edelkoort, qui travaillent habituellement pour des marques Produits, avaient déjà une expérience territoriale similaire à celle du bassin minier puisqu’elle était intervenue à Saint-Etienne. Lors d’une réunion de présentation des éléments iconographiques auprès d’élus locaux et d’acteurs du tourisme, quelques mois avant l’ouverture du Louvre, elle souligne les tendances d’évolution sociale à venir. Ainsi sont identifiés la fin de l’individualisme, l’importance plus grande qui sera accordée à la cellule familiale et le besoin croissant d’interdépendance, tendances qu’elle croise avec les items supposés révélateurs d’une identité collective territorialisée dans le bassin minier comme le football, le carnaval, les fanfares, les frites, la bière ou les pigeons (en référence à la tradition de la colombophilie), « ces avant-coureurs de l’internet » selon ses propres mots.

« Il faut un recentrage sur qui vous êtes, d’où vous venez et quelles sont ces données que vous avez en vous et qui sont toutes des pistes à développer. Encore une fois, on n’a rien poussé, on n’a pas eu à fabuler. (…) Il faut moderniser dans le cadre de votre passé »6.

18C’est à partir de cette étape que les items associés à la mine ont servi de support au travail de communication territoriale. C’est avec beaucoup de naturel et d’aplomb que le travail de Lidewij Edelkoort rapproche donc la colombophilie de Twitter (suscitant quelques rires dans l’assistance), les baraques à frites des food trucks urbains, et souligne le caractère design du noir et de la brique rouge. Plutôt que de promouvoir un territoire grâce à ses atouts architecturaux ou paysagers, c’est davantage une mise en avant de l’expérientiel qui se dessine ici dans une approche postmoderne du marketing territorial (Cova, 2006). Les valeurs initialement associées à ces objets et la vision du territoire qu’elles véhiculent sont alors remplacées par d’autres qui correspondent à l’air du temps sans que ces objets aient pour autant changé. Un véritable retournement de valeurs (Tiano, 2010) s’opère donc par ce procédé en rendant actuel et désirable ce qui pouvait être considéré comme dépassé ou honteux et parfois objet de moqueries. Dans une logique proche de celle analysée par Max Rousseau dans sa thèse, l’idée est de faire des caractéristiques culturelles mais aussi sociales du territoire, son avantage principal, quand bien même ces dernières étaient jusqu’à présent considérées comme des obstacles. Ce que propose le cabinet d’Edelkoort, c’est un nouveau schéma discursif pour le bassin minier en proposant, pour reprendre des termes employés par Michel Lussault, de nouveaux récits et de nouvelles figures aux porteurs de la parole légitime sur le territoire (Lussault, 1998). Ces élus qui voyaient le musée du Louvre comme le point de départ d’un renouvellement territorial peuvent désormais voir le territoire comme positif en soi et pour soi.

« Je pense aussi que nous avons toujours considéré toutes les valeurs dont on a parlé ici ce matin comme des handicaps et peut-être que pour la première fois on vient de nous dire que c’était le contraire d’un handicap, que c’était un atout sur lequel nous devons nous appuyer »7.

19Afin d’appuyer ce nouvel imaginaire, la MLLT s’est dotée d’outils promotionnels qui instrumentalisent une supposée identité territoriale propre au bassin minier et d’une certaine manière postulent de l’évidence de son existence. A l’instar d’Elsa Vivant, nous nous gardons de tout dénigrement de certaines pratiques par l’emploi du terme « instrumentalisation » (Vivant, 2008). Il s’agit d’un simple constat de pratiques partagées par les opérateurs touristiques et du marketing territorial pour vendre un lieu et le démarquer des autres en faisant de l’identité territoriale un vecteur spécifique pour y parvenir.

2. L’instrumentalisation de l’identité collective

20Au-delà du discours d’intention sur le retournement des valeurs liées à l’héritage minier, le cabinet d’Edelkoort s’est employé à traduire ce changement de regard de manière opérationnelle grâce à des supports de communication à destination des professionnels locaux liés au tourisme, notamment dans le domaine de la restauration et de l’hébergement, afin qu’ils puissent adapter leur offre à la consommation actuelle. Ces supports promotionnels servent avant tout de prescripteurs de tendance, tout en restant dans le conseil et la préconisation, et doivent permettre une montée en gamme de l’offre dans le contexte de la mise en tourisme du bassin minier. Ces supports se déclinent en cinq carnets d’inspiration graphique et de contenus appelés « carnets de tendance » parus de manière échelonnée dans le temps à partir de 2012. Notre corpus s’appuie sur les trois premiers, chacun correspondant à une thématique particulière : les valeurs, les possibilités de shopping sur le territoire et le troisième sur l’hébergement et la restauration8. Analyser ensemble ces trois livrets permet de relever les motifs les plus récurrents en termes iconographiques ainsi que les mots mis en avant. Cette sélection amène à mieux comprendre quels sont les axes forts sur lesquels s’appuie la marque pour développer un imaginaire cohérent. D’autres supports de la marque sont analysés comme un clip promotionnel de la destination réalisé en 20159, davantage à destination des potentiels visiteurs cette fois-ci.

2.1. Faire de la mine une ressource territoriale ? Le noir comme « stratégie de valeur »

21L’utilisation de la notion de « ressource territoriale » (Gumuchian et Pecqueur, 2007) peut se révéler étonnante, notamment parce que le charbon est une ressource que nous pouvons considérer comme épuisée localement et difficilement réactivable. Bien sûr, ce n’est pas le charbon en tant que ressource souterraine qui est instrumentalisé mais plutôt une idée du charbon, par sa couleur notamment. Le fait que la ressource en tant que telle ne soit plus directement exploitable n’empêche donc en rien son utilisation dans le but de donner une valeur ajoutée à d’autres produits. Le noir, censé rappeler le charbon, devient la pierre angulaire de l’imaginaire de la marque et, par association, de la destination touristique.

Figure 2 : Extrait du carnet de tendance 1 « Valeurs » d’AAL présentant le noir comme un atout

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Source : Carnet de tendance n°1, pp.26-27

22Comme l’indique la figure 2, le noir peut être décliné à différents niveaux pour agrémenter des souvenirs, des plats, les détails d’une architecture intérieure… La marque ALL a par ailleurs développé ses propres produits dérivés, vendus dans les offices de tourisme notamment, en mettant le noir en avant. Ces objets, initialement à destination des touristes et des visiteurs extérieurs au bassin minier ont, dans certains cas, été l’objet de ce qui pourrait ressembler à une ferveur populaire auprès de la population locale à l’instar de la boule à neige figurant un terril, lancée en 2015 et rééditée depuis en raison de son succès10. La figure 3 montre comment les suggestions de design d’objets instrumentalisent le monde de la mine, hissé comme valeur globale en déclinant le noir et le charbon selon une gamme d’objets assez large. Le charbon n’est pas le seul élément utilisé qui serait un marqueur révélateur d’une identité territoriale, on retrouve également dans la figure 4 d’autres éléments que l’on peut qualifier de typiques ou d’identitaires comme la bière, les gaufres ou encore le confit de chicon11 avec une uniformisation de l’esthétique des produits pour renforcer cette idée de cohérence. Nous pourrions également évoquer un partenariat entre la marque Territoire et une savonnerie locale pour réaliser une gamme de savons aux odeurs de chicorée, de patate (c’est le terme employé) ou de houblon.

Figures 3 et 4. Extraits du carnet de tendance 1 « Un shopping inspiré du territoire » d’AAL se référant aux produits dérivés

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Source : Carnet de tendance n°2, pp.14-15 à gauche et 4-5 à droite

23Avec ces premières observations, on retrouve bien ici « l’initiative d’acteurs et une construction sociale qui donne une intention à la ressource initiale » (Gumuchian et Pecqueur, 2007) qui justifie que l’on puisse parler de la mine et du charbon comme d’une ressource territoriale spécifique (Colletis, Pecqueur, 1993). En effet, la démarche est exclusivement descendante. Enfin, il importe de souligner que la stratégie assez classique de la marque Territoire qui rappelle le tout (le bassin minier) par la partie (l’objet, le souvenir en lien avec le bassin minier) possède tout de même la particularité de fonctionner selon un processus d’accrétion quant aux éléments sensés rappeler l’identité du territoire. La bière, les gaufres, les endives et la chicorée appartiennent à une aire culturelle qui dépasse largement les limites du bassin minier et concerne l’ensemble des Hauts-de-France ou encore la Belgique. Les éléments identitaires du territoire relatif à l’héritage minier deviennent donc des instruments de promotion auprès d’un public à la fois intérieur et extérieur au bassin minier. La stratégie de retournement des valeurs se développe pleinement dans l’utilisation du noir, à présent signe de distinction et de raffinement (Pastoureau, 2000), préconisée pour habiller des infrastructures d’hébergement tout comme les produits dérivés vendus dans les offices de tourisme. Malgré une adaptation des contours du territoire à des fins utilitaires et une interprétation trompeuse de l’aire culturelle nordiste, ces prescriptions sont accueillies favorablement par les acteurs du tourisme à l’instar du pâtissier-chocolatier lensois Jeanson qui travaille désormais en toque noire et a développé des spécialités aux couleurs de la marque, comme une glace à la vanille noire, ou rappelant les emblèmes territoriaux du bassin minier, comme un gâteau en forme de terril.

2.2. Une identité collective fantasmée dans un discours essentialiste

24Les produits dérivés et marqueurs spatiaux ne sont pas les seuls éléments à faire l’objet d’un traitement de la part de la marque Territoire. En effet, dans sa conférence, Lidewij Edelkoort rappelait les tendances de fond qui allaient être amenées à modifier considérablement le paysage social à venir comme la fin de l’individualisme et la montée en puissance de la cellule familiale et des liens intergénérationnels. Pour elle, ces éléments trouvent un écho significatif dans les pratiques sociales héritées du monde minier et qui seraient toujours en cours aujourd’hui dans le territoire. On retrouve des valeurs comme, entre autres, la solidarité, la fierté, la chaleur ou l’authenticité qui seraient le propre des habitants du bassin minier et qui seraient constitutifs d’une identité collective. La mise en regard des deux pages du carnet ci-dessous n’est pas neutre : elle incite à faire instinctivement le lien entre ces valeurs et l’histoire minière du territoire.

Figure 5 et 6. Extraits du carnet de tendance 1 « Valeurs » d’AAL se référant à l’identité collective héritée

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Source : Carnet de tendance n°1, pp.6-7

25L’énonciation et la mise en cohérence de ces valeurs dessinent une idéologie qui positionne le bassin minier comme un territoire de la proximité, à partir d’une interprétation des modes de vie des habitants et de la culture locale. On ne peut s’empêcher de remarquer que ces valeurs sont attribuées aux habitants du nord en général, et ce de manière durable, dans la culture populaire12 notamment. Pour autant, ces stéréotypes ne sont que des constructions sociales qui ont pu s’avérer exactes ou valides dans certaines circonstances mais qui sont soumises à des évolutions ou à des retours en arrière comme toute construction sociale. De plus, « l’identité territoriale ne se décrète pas car elle émane des individus qui consomment et s’approprient le territoire » (Di Méo, 1998 ; 2009). Aussi, il est possible de nous interroger à juste titre sur les conditions de validité de l’assertion émise par la marque Territoire : « les gens d’ici sont comme ça ». D’autant plus que ces valeurs de solidarité étaient fortement liées à l’époque du travail minier (Op. cit.Rabier, 2002) qui en terminant a mis fin à la plupart des sociabilités. La permanence de ces valeurs peut donc être remise en question, notamment en raison des évolutions démographiques, sociales et culturelles locales. Nous voyons comment les habitants sont l’objet d’un discours, d’une mise en récit qui établit la figure d’un habitant-type avec des qualités et des valeurs qui le différencieraient d’autres personnes. Cette mise en récit tend à essentialiser les locaux à partir d’une identité collective supposée que l’on peut qualifier de fantasmée, tant la frontière entre ce qui nous est présenté et un aspect folklorique de l’identité collective est parfois mince. La figure 7 présente deux photos différentes provenant des carnets dont la mise en vis-à-vis est cette fois-ci de notre fait. L’inspiration de l’esthétique des vêtements traditionnels polonais pour habiller un coussin est assez éloquente quant à une vision pittoresque de la communauté polonaise du bassin minier et sans véritable lien avec une manière de vivre au quotidien13.

Figure 7. Mise en avant de la polonité et de ses codes esthétiques

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Source : Carnet de tendance n°1 et site internet de la marque

26De même, le clip promotionnel de la marque Territoire fait écho à cette mise en récit de la figure de l’habitant. Nous retranscrivons ici une partie du discours de la voix off mis en parallèle avec les images qui s’affichent à l’écran.

« Nous avons longtemps travaillé sous terre [images d’un mineur et morceaux de charbon qui tombent en pluie d’une main] et ces racines nous construisent encore aujourd’hui [images de copeaux de chocolat qui tombent de la main d’un artisan chocolatier de la même manière]. Nous travaillons avec rigueur et précision [images d’artisans qui travaillent] mais nous savons aussi très bien relâcher la pression [images de supporters du club de football RCL qui tendent leurs écharpes rouge et jaune devant eux].

« Ici nous tissons des liens solides [scènes de convivialités au restaurant] et ce sont eux qui nous rendent plus forts [les géants Gayant de Douai apparaissent à l’écran] »14.

27Cette façon de présenter les locaux fait écho à un article de João Ricardo Freire qui montre, en interrogeant des touristes britanniques sur la Costa Brava en Espagne et à Angeiras au Portugal, que l’image que les touristes se font d’un lieu dépend fortement de l’image qu’ils ont de la population locale (Freire, 2007). L’auteur parle d’un « ensemble de croyances, d’idées et d’impressions que les gens ont d’un lieu ou d’une destination » ainsi que d’un « résultat de constructions cognitives et émotionnelles », ainsi l’image d’une destination touristique est une construction qui comporte plusieurs dimensions et la perception de la population locale en est une. L’enquête de l’auteur montre notamment la perception de cette population comme étant « amicale » (prête à rendre service, loquace et possédant des valeurs familiales) ce qui rend la destination compétitive et encourage la consommation. L’article montre également que l’expérience avec la « population locale » se résume en fait à la fréquentation des personnes travaillant pour l’industrie du tourisme. Ces qualités associées à la population locale peuvent alors être manœuvrables et influencées puisqu’il appartient aux professionnels du tourisme d’être agréables avec leurs clients15. Or, la marque ALL cherche à faire du bassin minier une destination de tourisme expérientiel, la qualité des services et de l’accueil ne fait donc pas tout. La relation à l’hôte doit également être présentée comme étant unique et prometteuse d’échanges authentiques auprès des touristes potentiels. La nature réelle ou supposée du caractère des gens du bassin minier devient donc également un caractère distinctif pour la marque Territoire et un argument de vente compétitif par rapport à d’autres destinations. En plus d’avoir un effet direct sur le discours sur l’espace et sur les représentations spatiales, La marque contribue à faire évoluer le territoire afin de le rendre davantage hospitalier et le mettre au niveau des territoires déjà touristiques. En effet, la mise en avant du caractère hospitalier de la population locale est un élément important mais faire concorder offre touristique et attentes du public-cible en est un autre. Nous proposons d’analyser à présent les prescriptions contenues dans les carnets et de les interroger de manière critique au prisme des imaginaires nouveaux qu’elles sont censées diffuser.

2.3. Les limites de la fabrique de l’authentique

28A travers les yeux de Ledewij Edelkoort, le bassin minier est un territoire par définition accueillant et correspondant à ce que les touristes recherchent actuellement en termes d’expérience de voyage, notamment via la rencontre avec la population locale. Pourtant, l’offre d’hébergement touristique dans le bassin minier ne correspond pas aux critères de ces touristes16 selon la MLLT. Cette offre était jusqu’à présent assez standard, avec une prédominance des franchises hôtelières de basse à moyenne gamme qui proposent les mêmes esthétiques et le même confort que l’on se trouve à Paris, à Nantes ou à Lens ; ce qui ne correspond donc pas aux tentatives de la MLLT pour démarquer le territoire. Aussi, les carnets de tendance encouragent et guident les initiatives qui s’inscrivent dans une démarche plus vernaculaire et qui fassent monter en gamme l’offre existante. L’idée, toujours dans cette logique expérientielle, est de rappeler au touriste qu’il est dans le bassin minier grâce à des éléments qui mettrait en valeur l’identité territoriale ; ou en tout cas, l’imaginaire choisi par la marque, censé représenter cette identité. Les projets d’hébergement doivent alors traduire les valeurs de partage et de solidarité et mettre en valeur les items associés à la mine, ou plus généralement à l’industrie ou encore l’Art-déco. Le postulat énoncé par la marque Territoire est qu’un équipement d’hébergement ou de restauration se référant à l’identité territoriale sera réussi et compétitif puisqu’il se démarquera. Même si les responsables de MLLT insistent sur le fait que ce ne sont que des préconisations et que rien n’est imposé, il y a dans certaines formulations des injonctions plus ou moins fortes à suivre un modèle aux contours déjà bien définis. Nous en avons sélectionné quelques extraits.

« La création d’un établissement se fait rarement sur une page blanche. Il y a toujours quelque chose, un « déjà là », qui a une qualité et qu’il faut se garder d’effacer : un sol, une vitrine, un revêtement, une typo, une façade qui a son charme. Ce « déjà là » nous raconte une histoire, il est vecteur de mémoire, d’identité locale. Le conserver c’est le moyen d’inscrire vraiment un établissement dans un lieu, et d’éviter de donner au voyageur l’impression qu’il pourrait le trouver ailleurs ».

[…] « Le message à donner est que le territoire du Nord est en renaissance, et que s’il n’a pas oublié son histoire il a tourné une page. En mettant en résonance patrimoine et modernité, c’est une véritable « vision » qu’il faut proposer ».

[…] « Eviter les recettes préétablies, le déjà vu : pour beaucoup les touristes ont voyagé et exigent d’être étonnés. Regarder autour des productions locales plutôt que les catalogues de fournitures spécialisés »17.

29Ces trois extraits sont éclairants à plus d’un titre. Ils montrent d’abord l’approche didactique de la marque qui tient un discours simple et illustré de nombreux exemples. Ces conseils sont accompagnés de photos qui ont une place prédominante sur la page du carnet. Surtout, ils montrent la volonté d’avoir des lieux qui puissent être considérés comme authentiques par le touriste. Il s’agit donc de valoriser des références explicites à ce qui fait l’identité du lieu, ici le monde de la mine, le noir, les briques ou encore les références Art-déco typiques des grandes maisons du Nord. Être, voire faire authentique, constitue un objectif qui nécessite une prise de conscience chez les professionnels locaux du tourisme, que les objets ou détails architecturaux vernaculaires ne sont plus à cacher mais à valoriser afin de se démarquer. Néanmoins, il peut être judicieux de s’interroger sur des effets pervers induits par ces préconisations. En voulant s’éloigner d’une standardisation de l’offre, le risque n’est-il pas d’en recréer une nouvelle, notamment à cause de l’injonction à l’innovation ? Ces touristes avertis que nous décrits la marque, qui ont une grande expérience de l’ailleurs et qui recherchent avant tout l’authenticité, n’ont-ils pas déjà vu cent fois ces cabanes dans les arbres, ces murs en brique, ces plafonniers d’inspiration industrielle, ces tables en bois massif servant d’espace de co-working ou ces fameux food-trucks qui illustrent abondamment les cahiers de tendance ? Alain Mons identifiait déjà que le danger du marketing était de « rendre accessible [la ville] pour quiconque vient de l’extérieur » (Mons, 1989) et donc d’en dévaluer le sens via la création d’espaces indéterminés qui présentent les mêmes caractéristiques où que l’on se trouve. De fait, en voulant adapter le bassin minier et son offre touristique aux tendances de consommation actuelles, le risque est bien de multiplier les lieux isotopes qui n’ont en réalité rien d’authentique.

Figure 8. Le nouvel hôtel quatre étoiles devant le Louvre Lens

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Sources : photo du haut Camille Mortelette, photo du bas Esprit de France.

30La figure 8 montre le nouvel hôtel situé en face du Louvre Lens, ouvert en 2019. Il est le fruit d’un partenariat entre le bailleur social Maisons & cités, propriétaire du barreau de maison des mines réhabilité, de la filiale Esprit de France et de la MLLT. C’est à ce jour l’unique ouverture d’établissement résultant de la prise en compte des préconisations faite par le marketing des territoires. La façade du bâtiment et son toit rappellent sans équivoque l’architecture typique des maisons minières18 mais la peinture gris anthracite et beige qui recouvre les briques initialement rouges distingue le bâtiment dans le quartier. Les visiteurs identifient alors qu’ils ne sont pas face à une maison des mines ordinaires. L’intérieur du bâtiment, en revanche, partage explicitement des codes esthétiques à la mode, à l’image de la cuisine ouverte, des luminaires qui pendent du plafond et du parquet aux larges planches de bois. L’authentique et le factice forment ici un étrange duo qui peut rassurer ou séduire les touristes mais qui banalisent tout autant que les franchises hôtelières classiques malgré les références appuyées à l’identité territoriale.

31Un autre effet discutable de cette recherche de la fabrique de l’authentique est qu’elle gomme tout un pan de l’histoire du bassin minier : l’histoire des catastrophes ou celles des luttes sociales en proposant aux visiteurs une image lissée et exotique. Le réinvestissement de la fête de la Sainte-Barbe par la MLLT depuis décembre 2018 en est un bon exemple.

Figure 9. Réinvestissement iconographique et symbolique de la Sainte-Barbe

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Source : MLLT

32La Sainte-Barbe est initialement la sainte-patronne des mineurs, elle est fêtée le 4 décembre et était un jour férié, avec une messe dédiée, au moment de l’activité houillère. Cette journée a depuis une tonalité commémorative avec des recueillements sur les lieux des grandes catastrophes par exemple. Le pari de la MLLT est d’en faire un événement festif en plusieurs dates et le vide ainsi de sa substance à l’image de la photo qui illustre notre propos. L’iconographie rappelle certes l’héritage minier au moyen de la lampe, du bleu de travail et du casque de mineur, ainsi que l’iconographie classique des cartes de vœux envoyées à l’occasion avec la présence de roses rouges, mais elle présente également une Sainte-Barbe stylisée sous les traits d’une pin-up des années 1950 ou des héroïnes de Roy Lichtenstein, ce qui situe l’événement assez loin des préoccupations et de l’esprit originaux. Cette fabrique de l’authentique possède donc des limites qu’il convenait de souligner.

Conclusion

33La marque ALL a été créé pour accompagner le développement touristique du bassin minier suite à l’ouverture du Louvre Lens. Tout en inscrivant l’arrivée de ce nouvel équipement prestigieux dans l’héritage du slogan de la ville en 2004 « la culture c’est dans notre nature », l’objectif a été d’assumer l’existant afin de mieux arrimer le « vaisseau » Louvre Lens au reste du territoire, plutôt que de construire une nouvelle image « hors-sol ». Bien que le Louvre et l’inscription du bassin minier au patrimoine mondial soient les deux motifs principaux de visite, l’intention de la MLLT a été de développer une destination touristique qui mettent en valeur les différents atouts et les complémentarités du territoire. Dans cette perspective, c’est l’héritage minier qui est identifié comme vecteur identitaire fort malgré des représentations négatives de ce dernier, aussi bien en interne qu’à l’extérieur du territoire. L’étude de cette marque Territoire est donc un cas révélateur de notre problématique autour des enjeux de changement d’image des territoires postindustriels à l’aune du renouvellement des stratégies de marketing territorial.

34Dans le cas d’Autour du Louvre Lens, la marque Territoire participe à un processus de retournement des valeurs associées à l’héritage minier, en valorisant notamment les marqueurs spatiaux de l’ancienne activité, à l’instar des terrils présentés comme des espaces de nature ; ou en mettant en avant le patrimoine immatériel lié au monde culturel de la mine, comme par exemple les fanfares et la colombophilie. Ce retournement de valeur a d’autant plus de force qu’il s’incarne dans des objets qui font partie du quotidien des locaux et qui n’étaient pas associés à des valeurs spécifiques. La marque Territoire agit donc comme un révélateur, un activateur de ressources (Gumuchian, Pecqueur, 2007), en proposant d’assumer le « noir » ou la mélancolie connotés par le paysage du bassin minier. Cependant, en instrumentalisant les marqueurs d’une identité collective supposée ou en tout cas héritée, elle tend à proposer un modèle unique et figé d’identification du territoire et de ses habitants. La question de l’essentialisation de cette identité est d’autant plus importante qu’elle fait fi des évolutions sociales actuelles de multi-appartenance et d’intersectionnalité des identités relevées par différents chercheurs de sciences humaines et sociales comme Bernard Debarbieux (2006), Yves Guermond (2006) ou Guy Di Méo (2009) pour la géographie et Arjun Appadurai (2015) pour l’anthropologie. Le risque ici est bien d’assigner le territoire et ses habitants à une identité en particulier et de leur laisser peu de chance de s’en émanciper.

35Néanmoins, l’instrumentalisation de l’identité territoriale est un pari qui entend être innovant en jouant sur l’effet performatif de ce discours. L’objectif est de participer à l’évolution des représentations de l’héritage minier et au changement du regard porté sur le territoire, à destination aussi bien des touristes que des élus, régulièrement invités aux colloques professionnels organisés par la MLLT, et des professionnels du tourisme. Aux yeux des promoteurs de ce nouveau récit, c’est la condition pour que le bassin minier devienne une destination touristique attractive en assumant son histoire et sa culture. Enfin, la marque n’a pas qu’un effet performatif : elle a des conséquences concrètes sur l’espace lui-même puisqu’à travers ses outils, elle peut faire des préconisations sur la manière d’aménager ou de réaménager les établissements d’accueil touristique quitte à uniformiser l’offre sur le territoire. Cette tentative de montée en gamme, encore marginale aujourd’hui, vise également à faire correspondre l’offre touristique aux attentes du public ciblé, en améliorant une hospitalité pourtant présentée comme proverbiale. La démarche de la MLLT paraît donc innovante à plusieurs titres.

36Pour autant, ce retournement des valeurs associées à l’héritage minier et l’instrumentalisation de l’identité territoriale peuvent-elles déboucher sur la construction d’une nouvelle idéologie territoriale (Houllier-Guibert, 2008) unifiée et clairement formalisée ? Pour être efficace, ce discours doit être partagé et porté par tous les acteurs du territoire, notamment politiques. Or, le bassin minier ne possède pas d’existence politique. Malgré la constitution d’un syndicat mixte rassemblant trois intercommunalités au centre et à l’ouest du bassin minier, l’absence de mobilisation collective des élus locaux sur ces sujets pourraient être un obstacle à ce que la politique de communication portée par la MLLT soit porteuse d’adhésion populaire à ce changement d’image en interne au territoire. En cela, la réception de la communication de la marque Territoire est un enjeu important qu’il conviendrait d’évaluer plus finement à travers d’une part la réception par les habitants de ce discours, et, d’autre part, à travers l’appropriation sociale de l’offre touristique de la MLLT (hébergement, restauration et merchandising). La question qui reste à éclaircir est de savoir si cette offre qui, à partir d’une imagerie relative à l’héritage minier, propose une relecture de l’identité territoriale et des imaginaires socio-spatiaux qu’elle véhicule, peut contribuer à une réappropriation de cet héritage, distingué par de hautes instances, auprès d’une population encore imparfaitement consciente de sa valeur.

Annexes

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Notes

1 Nous avons choisi cette expression pour deux raisons : d’abord avec la puissance évocatrice de l’œuvre de Zola, portée à l’écran en 1992 et fortement incarnée entre autres par Renaud en Etienne Lantier, le mot Germinal porte en lui les images stéréotypales d’un univers minier à la fois réaliste et fantasmé ; ensuite, la consonance du mot « germinal » avec celui d’ « Epinal », associée au cliché tout en montrant le bon côté des choses.

2 Par exemple, dans l’article « 46 places to go in 2013 », le New-York Time place ainsi Lens à la 26e place http://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/interactive/2013/01/10/travel/2013-places-to-go.html

3 Asseoir et diffuser la marque à l’international, augmenter la fréquentation étrangère sur la destination et structurer et organiser cette destination. Source : site internet de la marque http://www.autourdulouvrelens.fr/contrat-de-destination-mode-demploi

4 Entretien avec Norbert Crozier, directeur de la Mission Louvre Lens Tourisme, le 15/03/16.

5 Un guide Michelin des plus beaux lieux du patrimoine industriel est édité depuis 2017.

6 Conférence de Lidewij Edelkoort, document audio fourni par la MLLT, non daté, probablement fin 2012.

7 Dominique Dupilet, ancien président du Conseil Départemental du Pas-de-Calais, lors de la conférence de Lidewij Edelkoort.

8 Les derniers sortis portaient sur l’architecture et les produits dérivés mais de nombreux éléments sont des redites par rapport aux trois premiers.

9 https://www.youtube.com/watch?v=dxrJWzh1iIk

10 Alice Bonvoisin, « Bassin minier : plus de 3 000 exemplaires de la boule à neige « terril » se sont arrachés en trois mois », La Voix du Nord, 22/03/2017.

11 Mot patois du nord de la France qui désigne l’endive.

12 On peut penser au répertoire de Pierre Bachelet, Enrico Macias, Renaud ou encore au film Bienvenue chez les ch’tis.

13 Quand bien même les associations culturelles polonaises du bassin minier sont toujours vivaces. Voir à ce sujet la thèse de Noémie Beltramo de l’Université d’Artois soutenue en 2018 : « Vivre la polonité en pays minier. Essai d'histoire culturelle comparée depuis 1945 (Nord - Pas de Calais / Saône-et-Loire) ».

14 Retranscription d’un extrait du clip promotionnel Autour du Louvre Lens, de 0’25 à 0’45, 2014.

15 Le texte du contrat de destination signé entre l’Etat et les représentants de la destination bassin minier en 2016, fait état d’une préfiguration d’une action de développement des emplois et des compétences afin de définir, notamment, les besoins en formation des acteurs du tourisme. On peut penser notamment à des formations en anglais afin d’accueillir au mieux tous types de touristes. De même, le contrat de destination mentionne la nécessité de développer la culture de l’hospitalité et du service et l’engagement dans la qualité.

16 La MLLT cible essentiellement un public de touristes correspondant aux city-breakers, c’est-à-dire les urbains pratiquant le séjour court de 2-3 nuits, généralement dans les capitales européennes, possédant un panier moyen d’une centaine d’euros pour les dépenses du séjour hors hébergement.

17 Extraits du carnet de tendance 3, pp. 17-19.

18 Cet îlot, auparavant occupé par des locataires et d’anciens ayants-droits, fait partie des biens inscrits à l’UNESCO, les murs et le toit devaient rester intouchés.

Pour citer ce document

Camille Mortelette, « Changer l’image du bassin minier. Stratégies de marketing territorial et instrumentalisation des imaginaires socio-spatiaux » dans © Revue Marketing Territorial, 3 / été 2019

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=405.

Quelques mots à propos de :  Camille Mortelette

Doctorante en géographie et aménagement à l’Université d'Artois (EA Discontinuités), Camille Mortelette travaille sur les projets de reconversion par la culture dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Elle s’intéresse aux questions d’image et d’identité, à l’aspect cognitif des politiques urbaines et à l’impact des équipements culturels sur les territoires en déshérence. Ses travaux de thèse mettent en avant les questions de la réception sociale et de l’appropriation de ces équipements par la population locale.