Corneille : un théâtre où la vie est un jeu
I. Scène théatrale et parties de jeu

sous la direction de Liliane Picciola

no 1, 2021

À la mémoire de Jean-Claude Guézennec

 

Corneille présent 1/2021

Deuxième partie : Corneille en figure de « preneur » : de nouvelles règles pour des jeux dramaturgiques insolites

Corneille maître du jeu ou la dramatologie novatrice de Rodogune

Jörn Steigerwald


Texte intégral

1En définissant la tragédie comme une « représentation non d’hommes mais d’action, de vie et de bonheur (le malheur aussi réside dans l’action1) », Aristote, dans sa Poétique, met l’accent sur deux niveaux différents du jeu dramaturgique. D’un côté, il souligne qu’un personnage réalise une imitation d’une action sur scène, c’est-à-dire qu’il représente une action de la vie (réelle) au théâtre à travers son jeu ; de l’autre, tout drame doit être considéré comme une imitation dans laquelle les acteurs imitent les actions de la vie, d’où il résulte que telle tragédie spécifique d’un certain auteur doit être comprise comme une re-représentation de la vie réelle, suivant les règles de la vraisemblance poétique. Le poète Sophocle est un imitateur alors qu’un acteur dans une tragédie de celui-ci est aussi un imitateur, mais les deux agissent à deux niveaux différents. Selon Aristote, la logique de jeu dramatique se focalise sur l’imitation des actions, la « mise en scène » d’une fable par l’auteur se distinguant de la « mise en scène » d’une action de la vie par l’acteur au théâtre. Suivant l’argumentation du Stagirite, Sophocle imite par exemple le mythe d’Œdipe dans sa tragédie Œdipe roi en mettant en scène la fable mythique alors que l’acteur, qui joue le rôle d’Œdipe, représente le caractère du roi mythique de Thèbes en imitant ses actions au théâtre. En même temps, Aristote réduit la complexité du jeu dramaturgique, qui se base sur le concept de l’imitation au pluriel, en insistant sur le fait que la tragédie est certes une imitation des actions et de la vie, mais pas des hommes car la poésie traite de généralités et non pas, comme l’Histoire, de détails particuliers ; c’est pourquoi elle doit être considérée comme étant plus philosophique que l’Histoire2. Il s’ensuit que l’acteur qui représente le caractère d’Œdipe, dans une « mise en scène » de la tragédie éponyme, joue le rôle d’un roi mythique et non pas celui d’un roi historique, voire d’une personne spécifique tout en imitant les actions de ce personnage mythique telles qu’elles sont léguées par la fable des Labdacides.

2En revanche, la dramatologie moderne, qui se base sur les approches sociologiques d’Erving Goffman, se focalise sur les actions des hommes, et non pas sur les actions de la vie, en analysant la vie sociale en commun et l’interaction des sujets en particulier, par le biais des métaphores théâtrales telles que « la scène » et « la façade », pour décrire la présentation de soi dans la « mise en scène » de la vie quotidienne3. Trois conséquences majeures pour l’analyse du jeu dramaturgique en résultent : 1o : La dramatologie distingue les acteurs d’une scène de son public et de ses coulisses pour souligner le fait que l’espace où les acteurs agissent peut contredire l’impression donnée dans la « mise en scène ». 2o : La « façade » désigne des éléments avec lesquels un acteur peut jouer – son statut social, ses vêtements, sa mimique etc. – pour convaincre le public de sa représentation, mais il met aussi en relief la conscience que l’acteur a de jouer un rôle dans une ou dans sa « mise en scène » spécifique. 3: Les acteurs peuvent avoir plusieurs rôles, qu’ils jouent l’un après l’autre dans des scènes successives, sans qu’il y en ait un qui soit plus « vrai » que l’autre. Ce qui unit l’approche poétologique d’Aristote et l’approche sociologique de Goffman du jeu dramaturgique, c’est qu’ils insistent tous les deux sur l’unité de l’action qui produit une imitation dramatique sur le théâtre, d’une part, et qui construit une situation de la vie quotidienne, d’une autre part. Néanmoins, la dramatologie moderne met l’accent sur le problème que l’anagnorisis, la reconnaissance d’une personne, est pour le moins difficile, sinon impossible, dans le cas où un acteur joue plusieurs rôles dans une « mise en scène », sans qu’un rôle soit vrai, car le caractère d’un personnage se base, selon Aristote, sur la « ressemblance » et la « constance » pour qu’il soit en convenance avec sa « qualité4 ».

3La modernité de la tragédie Rodogune ou, pour le formuler d’une manière plus prudente, une cause de son importance pour l’histoire du théâtre français résulte de l’approche poétique de Pierre Corneille qui met en scène une fable historique en représentant les actions de la cour royale de Séleucie en y introduisant, selon l’Examen de 1660, « des épisodes d’invention qui ne sont pas incompatibles avec l’Histoire5 ». Ce faisant, il déploie les présentations de soi des acteurs sur scène et imite en même temps les actions de la vie curiale, qui entrelace assez souvent des questions de pouvoir et des questions d’amour à travers une politique de mariage. Il reflète ainsi la dimension sociale de l’imitation et réfléchit sur les niveaux différents de la « dramaturgie » en les présentant sur la scène théâtrale. Bref : Corneille met en scène une praxéologie de l’imitation à travers la représentation d’un jeu de type dramatique. Reste à savoir comment notre auteur met en scène des situations de la vie curiale, voire royale, dans sa tragédie et comment il relie l’imitation de la fable historique par le poète et l’imitation des actions de la vie par les acteurs dans sa tragédie. Pour répondre à ces questions, je suivrai le plan dramatique de Rodogune en mettant l’accent sur trois points : 1o, la construction pluridimensionnelle de la scène, 2o, la pluralité des rôles des acteurs, surtout des acteurs féminins, et 3o, l’emploi du concept de l’imitation (des Anciens) par l’auteur.

Une donne incertaine : la construction pluridimensionnelle de la scène

4Pierre Corneille situe la scène de sa tragédie à Séleucie, dans le palais royal, mais il distingue dès le début plusieurs niveaux d’actions qui produisent – au lieu d’une chronologie continue – une chronologie fragile, sinon discontinue. Les dialogues du premier acte, surtout les conversations entre Laonice, la confidente de la reine Cléopâtre, et Timagène, son frère et le gouverneur des deux princes, mettent en relief le fait que les actions sur scène se basent sur une discontinuité des actions précédentes qui connaissent – ce qui est plus important – plusieurs péripéties avant que l’action dramatique au sens strict ne commence. L’« avant » de la situation actuelle dans le palais royal comprend, par conséquent, plusieurs épisodes historiques qui vont de pair avec des configurations sociales différentes : le point de départ est marqué par le mariage entre Démétrius Nicanor, roi de Syrie, et Cléopâtre, dont leurs fils jumeaux Antiochus et Séleucus sont les fruits. L’action pré-scénique commence au moment où Démétrius prend la décision de faire la guerre aux Parthes, ce qui échoue lamentablement car il perd la bataille et, pire encore, devient prisonnier des Parthes pendant qu’on le croit mort en Syrie.

5La deuxième étape de la pré-action se concentre sur la nouvelle position de Cléopâtre en tant que veuve de Démétrius, tutrice de ses fils et reine temporaire de Syrie. La situation est caractérisée par la guerre civile en ce pays car Tryphon, le rival de Démétrius sur le trône de Syrie, essaie, après la mort présupposée de ce dernier, d’usurper le pouvoir royal. À cause des menées guerrières de Tryphon, Cléopâtre décide de se marier de nouveau et de donner sa main à Antiochus Nicanor, le frère de son époux. De plus, elle exile ses deux fils à Memphis pour qu’ils soient protégés contre toutes les instances de Tryphon, mais aussi contre les persécutions possibles d’Antiochus. Par conséquent, Cléopâtre se voit au centre d’un double antagonisme qui l’oppose explicitement à Tryphon en ce qui concerne le règne sur le royaume de Syrie, mais aussi implicitement à Antiochus Nicanor, son époux, quant à la logique généalogique du pouvoir royal. Ce deuxième antagonisme émerge visiblement après la victoire militaire d’Antiochus Nicanor sur Tryphon, car, au lieu de respecter la généalogie royale de son frère, il essaie de fonder sa propre généalogie.

6La troisième étape de la pré-action se focalise sur l’antagonisme entre Cléopâtre, reine de Syrie, et Démétrius Nicanor, son premier époux, même si elle est initiée par Antiochus Nicanor, son deuxième époux. Ce dernier prend la décision de faire de nouveau la guerre aux Parthes, mais, comme son frère, il échoue lamentablement. Néanmoins, les actions militaires d’Antiochus produisent deux effets rétroactifs : elles révèlent que la mort de Démétrius n’était que supposée car il a été fait prisonnier par les Parthes après la première guerre. De plus, Démétrius apprend que Cléopâtre s’est mariée avec son frère Antiochus et il aspire profondément à se venger de l’infidélité de sa femme, et cela en épousant Rodogune. Les anciens époux deviennent par conséquent des antagonistes qui se battent immédiatement contre un nouveau mariage et médiatement pour le règne sur la Syrie. Juste avant le début de la tragédie, Cléopâtre défait les Parthes, tue Démétrius Nicanor et fait de Rodogune sa prisonnière. Mais les Parthes assiègent Séleucie et négocient un accord entre les deux royaumes : Rodogune devra épouser l’un des fils de Cléopâtre et sera ainsi associée au trône.

7L’enchevêtrement des faits en amont de la tragédie met en relief que le public doit nécessairement connaître les histoires des personnages pour comprendre leurs actions au sein de la tragédie : la situation actuelle, que le public regarde, n’est qu’une étape d’une longue histoire. De plus, cette situation reflète deux points majeurs du jeu dramaturgique : selon Aristote, mais aussi selon Horace, une fable garantit l’unité de l’action d’une tragédie car elle connaît un début, des actions, et une fin. S’y ajoute le fait qu’une fable, qui sert de base à une tragédie, est souvent liée au destin d’une famille, d’où résulte une téléologie des actions. La pré-action de la tragédie Rodogune, par contre, fait comprendre aux spectateurs que l’Histoire « mise en scène » ne connaît pas de téléologie, mais qu’elle est contingente. En outre, la chronologie des événements historiques montre visiblement qu’au lieu d’une continuité des actions, le spectateur se voit confronté à une discontinuité des actions et des incidents qui suivent au fur et à mesure une seule « règle » (qui n’en est pas une) : celle de la répétition et de la différence. Un tel ordre des actions ne connaît nécessairement ni « harmatia » ni « anagnorisis » car tous les personnages de la tragédie ont commis des fautes – consciemment et / ou volontairement –, mais aucun des personnages ne le (re)connaît lui-même.

8Bref, en choisissant une fable historique, Corneille définit de manière originale la logique du jeu dramaturgique en insistant sur la contingence des actions de la vie et, par ce biais, de l’Histoire. Imiter une fable historique renvoie par conséquent à connaître, voire à comprendre, la complexité non seulement des événements séparés mais surtout de la situation historique entière car celle-ci se constitue de quatre, et non pas, selon l’approche sociologique de la dramatologie, de trois dimensions : le temps y joue un rôle majeur. De plus, la fable historique souligne que les actions des hommes résultent de leurs passions, de sorte qu’un événement dit « historique » doit souvent être considéré comme le produit d’une passion subjective – et pas comme la conséquence d’un destin divin.

9Mais Corneille va encore plus loin en transposant la complexité des événements historiques dans la structure de la tragédie. La discontinuité ainsi que la contingence des actions caractérisent surtout le premier acte qui ne se concentre que sur une seule situation, celle dans laquelle se trouve Laonice. Dans la première scène, elle commence à expliquer à son frère Timagène ce qui a précédé la situation actuelle, mais elle est interrompue par l’apparition d’Antiochus, qui leur avoue, dans la deuxième scène, son amour pour Rodogune. Dans la troisième scène, Séleucus arrive et déclare pour sa part son amour pour la princesse des Parthes ; les deux princes décident alors que celui qui sera roi aura Rodogune pour femme. Après la sortie des princes, Laonice reprend son récit sur les événements et les actions de la famille de Nicanor dans la quatrième scène, avant que Rodogune n’apparaisse finalement dans la cinquième et dernière scène du premier acte en expliquant qu’elle craint la crainte de Cléopâtre6.

10Or, le jeu dramaturgique de Corneille se base sur la complexité de la fable historique et il la transpose dans la structure de la tragédie. Le récit que Laonice fait à son frère vise à établir pour le spectateur une chronologie des événements, mais, en réalité, il s’agit d’un récit discontinu qui souligne le pouvoir de la contingence sur la « continuation » des actions. Les actions intercalées dans la deuxième et troisième scène, à savoir les aveux des deux princes, ainsi que leur décision commune, suggèrent à première vue une suite heureuse de la situation actuelle, mais c’est Rodogune qui explique la règle fondamentale du jeu dramaturgique cornélien : il faut craindre la « réalité » des faits et il faut craindre toutes les (re)présentations de soi d’un acteur, surtout, quand celui-ci craint la présentation des autres. Bref, il n’y aura pas de (re)connaissance si la crainte domine la situation. Néanmoins, le principe de la crainte met en scène les mécanismes des décors et des façades, surtout ceux de la façade personnelle, et les rend visibles aux spectateurs de la tragédie. D’où résulte la logique radicale du jeu dramaturgique : il faut comprendre les mécanismes, mais aussi les dimensions des apparences, c’est-à-dire le jeu pluridimensionnel de celles-ci car, dans la vie quotidienne des cours royales, il n’existe pas de possibilité de (re)connaître quelqu’un – ni soi-même, ni un autre / ni un tiers.

Ant-agônismes changeants, jeux cachés : la pluralité des rôles des acteurs

11Aristote définit le « caractère » d’une tragédie à travers quatre éléments :

121o, la qualité de ses mœurs,

132o, la convenance avec le personnage,

143o, la ressemblance,

154o, la constance7.

16Par conséquent, l’imitation des actions de la vie sur scène vise un personnage qui ne joue pas plusieurs rôles ; en revanche, ce personnage agit selon les convenances de la vie sociale et, par ce biais, de la vraisemblance poétique. Bref, un tel personnage de tragédie agit volontairement, mais inconsciemment à cause de son habitus noble, et non pas pour d’autres raisons. S’y ajoute le fait que le caractère d’un personnage puisse changer d’une tragédie à l’autre, mais chaque changement de caractère au sein d’une seule tragédie contredit la règle de l’égalité. Le personnage d’Œdipe le montre bien : dans la tragédie Œdipe roi de Sophocle, il agit en tant que roi mythique de Thèbes, alors qu’il agit en tant qu’homme exilé et appauvri dans la tragédie Œdipe à Colone. De plus, Œdipe présente au spectateur dans cette dernière tragédie les devoirs divins de l’hospitalité, exercés par le roi d’Athènes, Thésée, et accomplis par la mort surnaturelle d’Œdipe8. Pour être plus précis : le personnage Œdipe qui agit est aussi le mari de Jocaste et le père d’Antigone etc., mais son caractère se définit dans la première tragédie par son statut royal et dans la deuxième tragédie par son statut d’exilé, cherchant l’hospitalité.

17L’approche sociologique du jeu dramaturgique, pour sa part, insiste sur le fait qu’une personne dans la vie quotidienne ainsi qu’un personnage sur scène peuvent jouer plusieurs rôles, dépendants de la situation respective, voire de la question de savoir avec qui, quand et où il interagit. Au lieu d’une homogénéité du caractère, sur laquelle l’approche poétologique de la dramaturgie insiste, la dramatologie moderne proclame l’homogénéité de la situation, pour que la présentation du Moi d’un personnage puisse être « mise en scène ». S’y ajoute le fait qu’un personnage possède une certaine conscience de la « mise en scène » de soi dans une situation spécifique, c’est-à-dire qu’il agit volontairement et consciemment, mais chacune de ces « mises en scène » vise à donner une image homogène et stable de soi au public. Par conséquent, le rôle d’une personne, voire d’un personnage, change selon les situations, mais il reste stable dans chacune d’elles car le changement d’un rôle au sein d’un rapport donné produirait une rupture dans l’image affichée :

Mes enfants, prenez place. Enfin voici le jour
Si doux à mes souhaits, si cher à mon amour,
Où je puis voir briller sur une de vos têtes
Ce que j’ai conservé parmi tant de tempêtes,
Et vous remettre un bien, après tant de malheurs
Qui m’a coûté pour vous tant de soins, et de pleurs9.

18L’apostrophe de Cléopâtre, « mes enfants » ainsi que son invitation à prendre place renvoient à première vue à une scène de plus en plus familiale : une mère accueille ses fils. Néanmoins, l’ordre de « prendre place » relève la complexité de la situation car celle-ci n’est pas du tout définie suivant la logique sociologique. La scène se déroule dans le palais royal, mais un tel palais se compose de plusieurs espaces, de salles, de compartiments, de chambres, etc., qui se définissent, chacun à sa manière, à travers la logique cérémoniale. La simple invitation à « prendre place » présuppose alors de connaître la construction spatiale aussi bien que la logique de l’espace spécifique dans lequel la situation a lieu pour suivre l’ordre de manière adéquate. S’y ajoute le fait que l’invite ait une dimension métaphorique qui renvoie à la position hiérarchique dans le système d’interdépendance de la cour syrienne. Cléopâtre est la mère d’Antiochus et de Séleucus, mais elle est encore la reine de Syrie et ses fils sont encore les princes de Syrie. D’où résulte la question de savoir quelle(s) place(s) les fils de Cléopâtre peuvent prendre et comment ils se positionnent envers leur mère, la reine. C’est un jeu dramaturgique de proximité et de distance complexe sinon compliqué (jeu que chaque acteur met en scène à sa propre manière dans chaque « mise en scène »…)

19La deuxième phrase de Cléopâtre augmente encore la complexité de la situation. Nous nous concentrerons sur le syntagme « si cher à mon amour », par lequel Cléopâtre apostrophe ses fils. Il se pose d’abord la question de savoir si Cléopâtre parle de son amour pour ses fils – genitivus objectivus – ou si elle parle de son amour de soi – genitivus subjectivus – qui intègre et / ou se base sur ses fils. Ou s’agit-il d’un discours ambigu de Cléopâtre qui permet une double compréhension du syntagme – sans que la compréhension distingue nécessairement les acteurs sur scène du public ? De plus, dans le cas où Cléopâtre se réfère à son amour pour ses fils, la question se pose de savoir de quel amour elle parle. Le concept de l’amour maternel était inconnu à l’époque antique dans laquelle la situation historique avait lieu, et il n’existe pas non plus au xviie siècle car il s’agit d’une « invention » du xviiie siècle10.

20Le champ discursif de l’amour du xviie siècle permet deux réponses à cette question en optant pour l’amour souverain d’un côté et pour l’amour paternel de l’autre11. Cependant, les deux solutions possibles produisent d’autres effets rétroactifs qui augmentent encore une fois la complexité de la situation. Dans le cas où Cléopâtre se réfère à l’amour souverain, elle se présente en tant que souveraine voire en tant que reine, mais elle n’est pas la reine de Syrie au sens propre ; par contre, elle prend actuellement la place de reine en tant que tutrice de ses fils, des princes dont l’un sera le futur roi de Syrie. Bref, elle prend la parole et usurpe la place de reine en même temps. Ce faisant, elle enlève la parole à ses fils et leur commande de se positionner comme ses sujets. De plus, dans le cas où Cléopâtre renvoie à l’amour paternel, elle se présente comme une mère qui remplit la fonction du père et suit les offices de l’amour paternel pour garantir la généalogie familiale et, par ce biais, la généalogie royale du pouvoir. Toutefois, elle produit un trouble dans le genre car elle agit de manière masculine et, pire encore, elle néglige ses fonctions en tant que mère et veuve. Bref, elle prend la position du père de famille et empêche en même temps la succession immédiate du père au fils en jouant simultanément le rôle de père et de mère des jumeaux.

21Il est remarquable que Cléopâtre joue le rôle de la mère des princes consciemment dans l’amont de la tragédie, quand elle a opté pour le mariage avec Antiochus Nicanor qu’elle a choisi « avec des yeux de mère12 ». Elle se présente encore une fois dans la situation en tant que « bonne femme » qui respecte les offices de la pensée généalogique du pouvoir car, en se mariant de nouveau, elle accepte la volonté du peuple et choisit, ce qui est plus important, un mari qui permet de transmettre l’héritage, la succession royale et le patrimoine13. Par contre, c’était Antiochus Nicanor qui ne respectait pas la pensée généalogique et qui « s’obstin[ait] à remplir ce trône relevé » au lieu de le protéger pour les héritiers légitimes, à savoir pour les fils de Démétrius Nicanor14.

22Cléopâtre change sa présentation d’elle-même au moment où elle parle de Démétrius Nicanor, sans qu’on perçoive clairement si elle change aussi de rôle ou si elle joue deux rôles en même temps :

Nicanor votre père et mon premier époux…
Mais pourquoi lui donner encore des noms si doux,
Puisque l’ayant cru mort, il sembla ne revivre
Que pour s’en dépouiller afin de nous poursuivre ?
Passons ; je ne me puis souvenir sans trembler
Du coup dont j’empêchai qu’il nous pût accabler :
Je ne sais s’il est digne ou d’horreur ou d’estime,
S’il plut aux dieux ou non, s’il fut justice ou crime ;
Mais soit crime ou justice, il est certain, mes fils,
Que mon amour pour vous fit tout ce que je fis :
Ni celui des grandeurs ni celui de la vie
Ne jeta dans mon cœur cette aveugle furie15.

23En présentant immédiatement Nicanor comme le père des princes et comme son époux, Cléopâtre se positionne médiatement comme la mère des princes et comme l’épouse de Démétrius, c’est-à-dire qu’elle joue deux rôles en même temps. Mais sa stratégie discursive va plus loin : l’apostrophe à la fin du premier syntagme ne signale pas seulement une ellipse, mais elle met aussi l’accent sur l’absence voire sur le manque des fonctions paternelles et devoirs familiaux. Démétrius était en vie, quand toute la Syrie, Cléopâtre y incluse, le croyait mort. Cette absence de l’époux provoquait par conséquent le deuxième mariage de Cléopâtre, qui serait restée veuve si le peuple ne l’avait forcée à se marier de nouveau. Il est remarquable qu’elle utilise une deuxième ellipse dans son discours pour dévoiler sa position précise dans les actions précédentes : « Passons ; je ne me puis souvenir sans trembler / Du coup dont j’empêchai qu’il nous pût accabler ». Au moins deux questions se posent : la question de savoir de quel coup de Démétrius Cléopâtre parle, et dans quelle mesure ce coup pouvait accabler les princes et Cléopâtre.

24Démétrius avait l’intention de se venger du deuxième mariage de Cléopâtre en se mariant avec Rodogune, mais cette action n’allait pas nécessairement de pair avec celle de déshériter ses fils, les princes Antiochus et Séleucus. En disant que Démétrius voulait « nous » accabler, Cléopâtre met en relief l’antagonisme existant entre Démétrius et Rodogune d’une part, elle-même et les princes d’autre part. Mais elle ne donne pas de preuve pour confirmer cette hypothèse ; par contre, en disant « passons », elle dissimule le manque de faits et les remplace par des apparences, qu’elle produit consciemment dans son discours. Bref, Cléopâtre se présente d’abord comme épouse et mère, mais elle change de rôle peu après en se positionnant comme un être hybride, jouant deux rôles en même temps, le rôle de mère et celui de père, qui se réunissent en produisant un nouvel amour, à savoir l’amour maternel. S’y ajoute le fait que Cléopâtre lie les deux rôles à un troisième rôle, celui du souverain. Elle dévoile cette stratégie visiblement quand elle déclare : « Recevez donc, mes fils, de la main d’une mère / Un trône racheté par les malheurs d’un père16. » Cléopâtre se présente comme la mère de ses fils, mais aussi comme la mère des princes, en remplaçant en même temps le père des princes pour définir la situation actuelle à sa manière.

25Or, le jeu dramaturgique de Corneille va encore plus loin ; il déploie les rôles sur scène et les combine à travers le discours de Cléopâtre de manières différentes, ou même paradoxales : une mère masculine est un paradoxe autant que l’amour maternel dans la pensée généalogique du pouvoir. Mais ces paradoxes soulignent le pouvoir de la rhétorique, du discours ainsi que de l’actio, celui de dominer une scène ou même de construire une scène selon ses idées. De plus, Cléopâtre met en relief la prise de parole, un acte souverain qui vise, ce qui est encore plus important, à constituer la souveraineté sur une scène. Bref, Cléopâtre se présente en tant que souveraine de la scène parce qu’elle joue consciemment plusieurs rôles en même temps et volontairement de diverses manières.

26Néanmoins, la souveraineté de Cléopâtre a ses limites, qui se révèlent quand elle exige de ses fils d’achever ses actions :

Je vous ai réservé votre part aux vengeances ;
Et pour ne tenir plus en suspens vos esprits,
Si vous voulez régner, le trône est à ce prix.
Entre deux fils que j’aime avec même tendresse,
Embrasser ma querelle est le seul droit d’aînesse :
La mort de Rodogune en nommera l’aîné17.

27Au début de son discours, Cléopâtre se réfère à son amour qu’elle décrira plus tard comme l’amour maternel par analogie avec l’amour paternel. Puis elle évoque sa furie, qui a provoqué la mort de Démétrius. Jusqu’ici, le personnage de Cléopâtre respecte les règles poétologiques du jeu poétique car elle agit de manière féminine en insistant sur ses passions et sa tendresse. Dans son dernier discours, elle ne dévoile pas seulement une nouvelle dimension de son caractère, son désir de vengeance, mais elle transgresse aussi visiblement l’objectif de la Poétique d’Aristote : les mœurs de la reine ne sont pas bonnes et ses actions ne sont en convenance ni avec le personnage ni avec son sexe. De plus, elle fait voir sur scène que les rôles divers d’un personnage produisent nécessairement une inégalité du caractère car le caractère d’une personne, voire d’un personnage, est le produit de son histoire et de son entourage.

28En transgressant les bornes poétologiques du caractère à travers le personnage de Cléopâtre, Corneille met en scène le pouvoir poétique du jeu dramaturgique. Il met sous les yeux du spectateur la différence systématique de la ressemblance : le Stagirite distingue la représentation d’un caractère honnête et celle d’un caractère en rapport de convenance avec le personnage car, par exemple, une honnête femme agit de manière différente d’un honnête homme18. Cependant, il présuppose l’homogénéité des actions d’une personne et, à travers l’imitation des actions de la vie, de celles du caractère agissant. Corneille, pour sa part, fait ressortir une autre dimension de la ressemblance, qui insiste sur la (dis)simulation et sur l’acte de faire (ap)paraître19. Cléopâtre apparaît sur scène en tant que souveraine de la situation car elle se présente comme mère de ses fils et comme reine des princes. Mais ses apostrophes discursives ainsi que sa stratégie rhétorique visent à l’acte performatif de dominer la scène en prenant la parole et en dissimulant son manque de pouvoir derrière ses apparences. Bref, les actions de la vie quotidienne sont aussi des actes d’imitation qui ressemblent, au moins quelquefois, à des actes performatifs au sens strict. De plus, les actions dans une situation donnée peuvent dissimuler l’intention de l’acteur (masculin et féminin) et, ce qui est plus important, elles peuvent faire partie d’une tactique qui joue avec l’attente des autres acteurs et du public pour arriver à un but contraire aux attentes des personnes présentes.

L’usage du concept de l’imitation (des Anciens) et l’aspiration à un jeu nouveau

29Selon Aristote, le concept d’imitation connaît explicitement deux dimensions, à savoir l’imitation des actions de la vie par l’acteur au théâtre et l’imitation d’une fable mythologique ou historique par l’auteur pour le théâtre. S’y ajoute implicitement une troisième dimension de l’imitation si l’on regarde l’exemplarité des auteurs, voire des œuvres dans l’argumentation du Stagirite. Sophocle ainsi qu’Euripide sont des auteurs modèles, des auteurs à imiter par tous ceux qui les suivent. Cependant, c’est Horace qui proclame l’« imitatio veterum » comme un des principes fondamentaux de la poésie. Corneille, pour sa part, se réfère à ce concept poétologique des Anciens afin de le contester. Bref, il redéfinit le jeu dramaturgique en optant pour une logique moderne de celui-ci. Corneille explique son approche poétique du jeu dramaturgique en discutant les critiques de sa tragédie ici en question qui mettent en relief que le drame porte le nom de Rodogune tandis que « toute l’action tragique » tombe sur Cléopâtre :

Pour le premier, je confesse ingénument que ce poème devait plutôt porter le nom de Cléopâtre que de Rodogune ; mais ce qui m’a fait en user ainsi, a été la peur que j’ai eue qu’à ce nom le peuple ne se laissât préoccuper des idées de cette fameuse et dernière reine d’Égypte, et ne confondît cette reine de Syrie avec elle, s’il l’entendait prononcer. C’est pour cette même raison que j’ai évité de le mêler dans mes vers, n’ayant jamais fait parler de cette seconde Médée que sous celui de la reine, et je me suis enhardi à cette licence d’autant plus librement, que j’ai remarqué parmi nos anciens maîtres qu’ils se sont fort peu mis en peine de donner à leurs poèmes le nom des héros qu’ils y faisaient paraître, et leur ont souvent fait porter celui des chœurs, qui ont encore bien moins de part dans l’action que les personnages épisodiques comme Rodogune, témoin les Trachiniennes de Sophocle, que nous n’aurions jamais voulu nommer autrement, que La Mort d’Hercule20.

30Nous nous concentrerons sur trois points : 1o, la relation entre le protagoniste et le titre d’une tragédie, 2o, le rapport entre l’imitation et la succession et 3o, la modélisation de la fable.

311o : Corneille argumente à deux niveaux divers : il explique que le titre d’une tragédie est souvent le produit des conventions d’une société spécifique. Les auteurs de l’Antiquité grecque avaient le choix entre deux possibilités. Soit ils optaient pour le nom du chœur en mettant en relief le lieu, voire la ville, de la représentation, comme dans la tragédie Les Trachiniennes de Sophocle, soit ils prenaient le nom du ou de la protagoniste, comme dans les tragédies Œdipe roi et Antigone du même auteur. De plus, le choix d’un nom d’un personnage – historique ou mythique – présuppose la possibilité de le reconnaître sans qu’il y ait aucun malentendu, ce qui n’arrive que très rarement. L’exemple du nom « Cléopâtre » le montre bien : on connaît sept reines d’Égypte de ce nom, trois autres reines du même nom, plusieurs femmes célèbres de l’antiquité et plusieurs femmes de la mythologie antique. Le choix du nom de « Cléopâtre » pour la tragédie serait probablement opportun dans le cas où le drame mettrait en scène la vie de Cléopâtre VII, reine d’Égypte, amante de Jules César et épouse de Marc Antoine ; mais ce n’est pas le cas ici. D’où résulte le problème, sinon la conséquence, que le choix du nom d’un personnage connu comme titre d’une tragédie produit plus souvent des malentendus qu’il ne sert à éclairer quelle fable – historique ou mythologique – l’auteur tente d’imiter dans sa tragédie. Bref, le titre d’une tragédie se base sur un élément du drame, certes, mais c’est assez souvent le produit d’une convention dépourvue d’une quelconque signification au sens linguistique. En prenant un nom comme titre d’une tragédie, l’auteur produit par conséquent une apparence qu’il met sous les yeux du public pour qu’il réfléchisse sur la conception dramatique de la « mise en scène ».

322o : Corneille présente Cléopâtre comme « une seconde Médée », c’est-à-dire comme une femme qui suit les traces de Médée, mais qui ne porte pas son nom. S’y ajoute le fait que la première tragédie de Corneille porte le nom de Médée, ce qui permet de distinguer la première de la seconde. La première, à savoir la tragédie Médée de 1635, se base sur une fable mythologique et réactualise la fable pour la présenter à un public de la cour et la ville. De plus, Corneille se présente à travers le choix de la fable comme un poète qui respecte l’« imitatio veterum » en réécrivant les tragédies éponymes d’Euripide et de Sénèque : l’« imitatio veterum » et l’imitation des actions de la vie vont de pair dans cette première tragédie. La « seconde Médée », par contre, agit dans une tragédie qui se base sur le vraisemblable historique et qui met l’accent sur la différence entre imitation, ressemblance et apparence. Cléopâtre apparaît comme une seconde Médée, mais elle n’en est pas une : elle porte un autre nom, la situation historique et sociale est différente et, ce qui est plus important, l’antagonisme change complètement. Or, en choisissant Cléopâtre et Rodogune comme protagonistes et antagonistes de sa tragédie, Corneille transgresse visiblement les bornes de la convenance du caractère car au lieu de deux personnages masculins de bonnes mœurs, il présente deux personnages féminins de mœurs pour le moins douteuses. La seconde Médée met par conséquent l’accent sur la différence entre les deux Médées et refuse le principe poétologique de l’« imitatio veterum » en optant pour un principe poétique de la nouveauté ou même de la modernité.

333o : Corneille soutient qu’il y a une tradition qui combine la tragédie Les Trachiniennes de Sophocle et la tragédie Hercule mourant de Rotrou, qu’il ne nomme pas explicitement. Ce faisant, il expose et dévoile en même temps sa conception du jeu dramaturgique car la tragédie de Rotrou renvoie, en fait, à la tragédie de Sophocle, mais elle est composée surtout d’après la fable littéraire d’Ovide, à savoir selon la lettre de Déjanire à Hercule des Héroïdes21. Les conséquences qui en résultent pour la logique cornélienne de la dramaturgie sont importantes. L’impossibilité de l’amour entre la femme aimante et l’homme aimé, qui caractérise toutes les lettres des Héroïdes, permet à l’auteur la « mise en scène » d’un amour élégiaque qui vise à une fin tragique. De plus, toutes les actions, surtout l’acte d’écrire une lettre, renvoient à une situation complètement en dehors de la vie quotidienne. Mais cette irréalité des actions permet de déployer les mécanismes de construction de la « mise en scène » littéraire et, par ce biais, d’exhiber pour le public le pouvoir de produire des apparences supposées être des éléments de la réalité.

34La tragédie de Rodogune porte ainsi sur la scène le pouvoir de l’imaginaire d’un amour élégiaque qui transgresse les limites de l’« imitation poétologique » des Anciens ainsi que les règles de la dramatologie sociale : elle intègre dans la logique dramaturgique une pure production d’apparences : « the world is a stage, and the stage is a world of entertainment ».

Notes

1 Aristote, La Poétique, éd. par Jean Lalo et Roselyne Dupont-Roc, Jean Lalo, Paris, Le Seuil, 1980, § 6, 9.

2 Ibid., § 9, 3.

3 Voir Erving Goffman, La Mise en scène de la vie quotidienne, Paris, Éditions de Minuit,1973, 2 vol., et Dennis Brissett et Charles Edgley, « The Dramaturgical Perspective », dans Life as Theatre : A Dramaturgical Sourcebook. Hawthorne / New York, Aldine Publishing Company, [1re éd. 1974] rééd. 1990, p. 1-46. Nous employons l’expression « mise en scène » et nous nous référons à la notion de « dramaturgie » dans le sens où Goffman les utilise.

4 Aristote, La Poétique, éd. citée, § 15.

5 Corneille énonçait déjà, dans l’avertissement au lecteur que constitue, pour les premières éditions, le texte liminaire intitulé « Appian Alexandrin », qu’il avait consciemment modifié « les circonstances de quelques incidents » pour respecter les règles de la bienséance. Voir aussi Alain Viala, « Corneille, premier auteur moderne ? », dans Pratiques de Corneille, dir. Myriam Dufour-Maître, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2012, p. 29-40. Nous citons la tragédie d’après l’édition suivante : Pierre Corneille, Rodogune, dans Œuvres complètes, II, textes établis, présentés et annotés par Georges Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1984, p. 192-273.

6 « Rodogune. – Elle a lieu de me craindre, et je crains cette crainte. », Corneille, Rodogune, éd. citée, I, 5, v. 316, p. 215.

7 Aristote, Poétique, éd. citée, § 15.

8 William Marx, Le Tombeau d’Œdipe : pour une tragédie sans tragique, Paris, Éditions de Minuit, 2012.

9 Corneille, Rodogune, éd. citée, III, 3, v. 521-526, p. 222.

10 Voir Élisabeth Badinter, L’Amour en plus. Histoire de l’amour maternel (xviie-xxe siècle), Paris, Flammarion, 1980.

11 Voir Jörn Steigerwald, « Les arts et l’amour galant : à propos de La Promenade de Versailles de Madeleine de Scudéry », Littératures classiques, 2009/3, Les Discours artistiques de l’amour à l’âge classique, dir. Kirsten Dickhaut et Alain Viala, p. 53-63, ainsi que « De la vengeance d’une femme à la tragédie de la famille : Écriture et problématisation de l’action féminine dans Médée de Corneille », Les Dossiers du Grihl [En ligne], 2017-02, URL : http://journals.openedition.org/dossiersgrihl/6787, page consultée le 30 novembre 2021.

12 Corneille, Rodogune, éd. citée, II, 3, v. 540, p. 222.

13 Voir Michel de Montaigne, « Des trois bonnes femmes », dans Les Essais, éd. par Jean Balsamo et alii, Paris, Gallimard, 2007, II, 35, p. 781-789.

14 Corneille, Rodogune, éd. citée, II, 3, v. 546, p. 222.

15 Corneille, Rodogune, éd. citée, II, 3, v. 553-564, p. 223.

16 Ibid., v. 575-576.

17 Ibid., v. 640-645, p. 225.

18 Aristote, Poétique, éd. citée, § 15.

19 Voir pour ce contexte Jean-Pierre Cavaillé, Dis/simulations. Jules-César Vanini, François La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé, Louis Machon et Torquato Accetto. Religion, morale et politique au xviie siècle, Paris, Honoré Champion, 2002.

20 Pierre Corneille, « Rodogune, reine des Parthes. Appian Alexandrin au livre des Guerres de Syrie, sur la fin », dans Œuvres complètes, éd. citée, tome 2, p. 196-197.

21 Voir Georges Forestier, La Tragédie française : passions tragiques et règles classiques, Paris, Armand Colin, 2010, ainsi que Hendrik Schlieper, « Mort et renaissance du héros tragique : Hercule mourant de Rotrou », dans European Drama and Performance Studies (10), Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 211-228.

Pour citer ce document

Jörn Steigerwald, « Corneille maître du jeu ou la dramatologie novatrice de Rodogune » dans Corneille : un théâtre où la vie est un jeu,

sous la direction de Liliane Picciola

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Revue Corneille présent », n° 1, 2021

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=1221.

Quelques mots à propos de :  Jörn Steigerwald

Université de Paderborn (Allemagne)
Institut für Germanistik und Vergleichende Literaturwissenschaft
Jörn Steigerwald est Professeur de littérature comparée à Universität Paderborn (Allemagne). Domaines de recherche : théâtre du xviie siècle, esthétique galante, pratique sociale et esthétique de la société de cour. Publications : Georges de Scudéry et le théâtre, éd. J. Steigerwald et H. Schlieper, PFSCL, 91, 2019 ; « De la vengeance d’une femme à la tragédie de la famille : Écriture et problématisation de l’action féminine dans Médée de Corneille », Les Dossiers du Grihl [En ligne], 2017-02 ; La Querelle du Cid : la naissance de la politique culturelle française au xviie siècle. Œuvres & Critiques XL, 1, éd. J. Steigerwald et H. Schlieper, Tübingen, G. Narr, 2015 ; « La dispute entre l’Arioste et le Tasse. Les appropriations de deux esthétiques antagonistes au xviie siècle en France », par J. Steigerwald et M. Roussillon, PFSCL, XL, 79, 2013.