Réception créatrice contemporaine des mythes et grands récits de l’Antiquité

dir. par Ariane Ferry et Véronique Léonard-Roques

Responsables scientifiques

Ariane Ferry (Université Rouen-NormandieCÉRÉdI) et Véronique Léonard-Roques (Université de Bretagne Occidentale, Brest, HCTI)

Comité de lecture 

Ariane Eissen (Université de Poitiers)
Ariane Ferry (Université de Rouen-Normandie)   
Chantal Foucrier (Université de Rouen-Normandie)        
Ute Heidmann (Université de Lausanne)    
Sylvie Humbert-Mougin (Université de Tours)    
Dimitri Kasprzyk (Université de Brest)     
Claire Lechevalier (Université de Caen)  
Véronique Léonard-Roques (Université de Brest)           
Andrea Oberhuber (Université de Montréal)

Genèse et perspectives du carnet de recherche

Ce carnet de recherche en ligne consacré à la « Réception créatrice contemporaine des mythes et grands récits de l’Antiquité » trouve son origine dans l’atelier éponyme proposé lors du VIIIe Congrès de la Société Européenne de Littérature Comparée / European Society of Comparative Literature (ESCL/SELC) intitulé « Littératures, échanges culturels et transmission de savoirs et de créations : passé, présent et avenir ». Placée sous la direction de Fiona McIntosh et de Karl Zieger, cette manifestation s’est tenue à l’Université de Lille du 28 au 31 août 2019.
Les premiers textes publiés dans ce carnet sont issus des travaux de mythocritique [1] effectués dans ce cadre initial, mais aussi des sollicitations que nous avons adressées à de jeunes docteurs en littérature comparée. Nous espérons que d’autres articles pourront prochainement les rejoindre pour venir renforcer ce chantier de réflexions dans une entreprise ouverte et collective de work in progress.

Comment proposer un article

Les propositions d’article (argumentaire de 2 000 signes maximum) accompagnées d’une courte bio-bibliographie sont à adresser à Ariane Ferry (ariane.ferry@univ-rouen.fr) et Véronique Léonard-Roques (veronique.leonard@univ-brest.fr).
Les articles seront évalués par le comité de lecture avant publication.

Problématique et pistes de réflexion

Alors que la voie des humanités classiques séduit de moins en moins d’étudiants dans les universités et que ce phénomène de désaffection menace à terme la transmission de savoirs philologiques accumulés depuis des siècles, mais aussi le renouvellement des interprétations sur les grands textes hérités de l’Antiquité, certains de ces textes (tragédies et épopées grecques et romaines ou récits historiques), fondateurs dans le développement des mythes littéraires, mais aussi dans la constitution d’un imaginaire héroïque et politique, n’en continuent pas moins à stimuler la création contemporaine dans nombre de genres littéraires et de productions artistiques [2].
La transmission et l’interprétation des mythes [3] et grands récits de l’Antiquité passent-elles aujourd’hui davantage par leur réécriture, leur adaptation, leur révision critique et ludique que par le travail philologique des spécialistes ? Pierre Judet de La Combe, dans une récente tribune du Monde (« Idées », 28/04/2018), constatait que, d’un côté, on pouvait observer une véritable « effervescence » contemporaine autour d’Homère dont les poèmes suscitaient l’« enthousiasme » à travers leurs recréations, mais que, d’un autre côté, les hellénistes les abordaient généralement avec une « incrédulité sourcilleuse », et il finissait par déplorer « un conformisme intellectuel pesant quand ils [ces hellénistes] répètent inlassablement depuis des décennies qu’après tout l’Iliade et l’Odyssée ne sont pas vraiment des poèmes construits, des patchworks », se méfiant de cette « poésie orale […] alors qu’elle est stupéfiante ». Stupéfiante et stimulante, notamment pour la création théâtrale contemporaine… On observe par ailleurs que, parmi les romanciers et essayistes contemporains qui fictionnalisent ou s’approprient, de manière personnelle et parfois autobiographique, cette matière antique, il y a des universitaires et des enseignants classicistes, conscients peut-être que la transmission traditionnelle est en crise et qu’elle se joue ailleurs aujourd’hui que dans les classes et amphithéâtres (Valerio Manfredi, Madeline Miller, Daniel Mendelsohn, William Marx, Sylviane Dupuis etc.)
Ce carnet propose donc une réflexion collective autour des modalités et enjeux de la transmission contemporaine des mythes et grands récits antiques et de leur réception à l’aune des changements de paradigmes socio-culturels et d’imaginaire. Car, comme l’a récemment remarqué Emmanuel Laurentin lors des Deuxièmes États généraux de l’Antiquité (Sorbonne, 8 et 9 juin 2018), l’Antiquité aujourd’hui « est d’abord le miroir de nos désirs, de nos fantasmes, c’est une grande toile tendue sur laquelle chacun peut projeter ses références » (article d’Agathe Moissenet, Le Monde des Livres, 29/06/2018).
Il accueille et accueillera des contributions sur toutes les formes d’adaptation (transmodalisation, hybridité générique et intermédialité) et de réécritures d’épisodes mythiques configurés dans la tragédie ou l’épopée (grecque / latine), mais aussi de réécritures ou de transformations (traductions nouvelles assorties de commentaires) des grands récits épiques et historiques à la source du canon occidental (Homère, Virgile, mais aussi Plutarque, par exemple).
Les articles ici rassemblés mettent en perspective les enjeux idéologiques, herméneutiques, éthiques et esthétiques de cette réception créatrice pour interroger la capacité des œuvres contemporaines à transmettre les grandes œuvres antiques et à assurer leur rayonnement. Si tout mythe littéraire vit de la transformation, de la contestation, de la révision idéologique (revisionist mythmaking [4]), mais aussi de la remédialisation de quelques textes fondateurs, les productions contemporaines qui actualisent, détournent, tronquent et manipulent ces récits peuvent peut-être parfois rendre incompréhensible toute une tradition d’interprétation. Nous proposons donc aussi d’examiner l’évaluation d’exemples de cette réception créatrice contemporaine dans des essais ou articles de presse, afin de mesurer comment évolue, sur les plans générique, poétique / esthétique, idéologique et éthique, notre rapport aux grands textes antiques.


[1] Sur la mythocritique, nous renvoyons par exemple aux travaux suivants : Pierre Brunel,Mythocritique. Théorie et parcours, Paris, Presses Universitaires de France, 1992 ; Danièle Chauvin et alii (dir.), Questions de mythocritique, Paris, Imago, 2005 ; Véronique Gély, « Pour une mythopoétique : quelques propositions sur les rapports entre mythe et fiction », SFLGC, bibliothèque comparatiste, 2006, URL : http://sflgc.org/bibliotheque/gely-veronique-pour-une-mythopoetique-quelques-propositions-sur-les-rapports-entre-mythe-et-fiction/?pdf=1591, page consultée le 12 avril 2021 ; Sylvie Parizet (dir.), Mythe et littérature, Nîmes, Lucie Éditions/SFLGC, coll. « Perspectives comparatistes », 2008 ; Véronique Léonard-Roques (dir.), Figures mythiques. Fabrique et métamorphoses, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2008 ; Ute Heidmann, Maria Vamvouri Ruffy et Nadège Coutaz (dir.), Mythes (re)configurés. Création, dialogues, analyses, Lausanne, collection du CLE, 2013 accessible en ligne : https://www.unil.ch/lleuc/home/menuinst/publications/collection-du-cle.html, page consultée le 12 avril 2021.

[2] Parmi les études récentes consacrées à cette fécondité : Emily Greenwood and Barbara Graziosi, Homer in the Twentieth Century : Between World Literature and the Western Canon, Oxford, Oxford University Press, 2007 ; Véronique Gély, « Les Anciens et nous : la littérature contemporaine et la matière antique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 2009/2 et « Partages de l’Antiquité : un paradigme pour le comparatisme », Revue de Littérature Comparée, 2012/4, no 344 ; Mélanie Bost-Fiévet et Sandra Provini (dir.), L’Antiquité dans l’imaginaire contemporain, Paris, Classiques Garnier, 2014 ; Véronique Krings et Catherine Valentini (dir.), L’Antiquité imaginée. Les références antiques dans les œuvres de fiction (XXe-XXIe siècles), Bordeaux, Ausonius, 2019 ; Fiona Cox and Elena Theodorakopoulos (eds.), Homer’s Daughters. Women’s Responses to Homer in the Twentieth Century and Beyond, Oxford, Oxford University Press, 2019 ; Claire Lechevalier et Brigitte Poitrenaud-Lamesi (dir.), Un besoin d’Homère (de la fin du XXe siècle à aujourd’hui), actes du colloque des 15 et 16 octobre 2020, Université de Caen, à paraître.

[3] Nous empruntons à Véronique Gély la définition suivante du « mythe » : « Tradition, image, scénario ou récit reconnus et répétés au sein d’une communauté humaine » (V. Gély, « Les sexes de la mythologie. Mythes, littérature et gender », dans Anne Tomiche et Pierre Zoberman (dir.), Littérature et identités sexuelles, Paris, SFLGC, coll. « Poétiques comparatistes », 2007, p. 48).

[4] Alicia Ostriker, « The Thieves of Language: Women Poets and Revisionist Mythmaking », Signs, 8, 1982.

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