Sommaire
Le numéro 4 de RMT repose sur des travaux académiques présentés lors des deux premiers colloques (juin 2018 et juin 2019) de l'ORME - Observatoire de Recherche sur les Mega-Events -, créé au sein de l'UPEM en vue du déroulement des Jeux Olympiques d'Eté à Paris en 2024.
Les universitaires Charles-Edouard Houllier-Guibert, directeur de cette revue, et Marie Delaplace, membre du comité de pilotage de l'ORME, ont coordonné ce numéro ainsi que des sessions lors de chacun des colloques, dont la session "Quel héritage en termes d’image pour les villes hôtes ou candidates des olympiades ?" spécialement proposée pour ce numéro thématique.
1Ce cinquième opus est le premier numéro thématique de la Revue Marketing Territorial, concentré sur un thème connu à l’échelle planétaire : les Jeux Olympiques (JO). Si 14 pays étaient représentés lors des premiers Jeux modernes à Athènes en 1896, ce sont 206 nations qui étaient présentes à Rio de Janeiro. La retransmission des compétitions participe de cette mondialisation, les anneaux olympiques sont ainsi considérés comme le logo le plus identifié dans le monde (Ferrand et al., 2010). Pour réaliser ce numéro, la RMT a travaillé en partenariat avec l’ORME, un observatoire scientifique qui a été créé pour appréhender l’accueil des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Les productions écrites de ce numéro thématique ont toutes comme point commun de s’intéresser à l’olympisme Manifestation d’ordre mondial, les JO qui se tiennent tous les deux ans (session d’été ou d’hiver), ont des impacts matériels nombreux sur un territoire pour certains temporaires pour d’autres permanents : équipements et d’infrastructures à construire ou à rénover, héritage à valoriser, patrimoines à préserver, création d’emplois et développement de compétences...
2Mais ils génèrent également des effets immatériels variés et contradictoires: mobilisation d’acteurs pour les obtenir ou les empêcher, appropriation ou rejet par les habitants, transformation des mobilités et modification des flux touristiques, enrichissement et endettement, visibilité médiatique via des symboles émergents ou récupérés, entrée dans l’échiquier mondial des lieux qui comptent, mise en place de nouvelles règles légales, , modification de l’image, mais aussi gentrification et exclusion sociale… L’olympiade vient affirmer un rayonnement, un soft power, une rassurance d’attraction (Demir et al., 2015). Les JO sont un catalyseur d’urbanisme et d’urbanité pour le territoire qui souhaite les accueillir. Obtenir les olympiades engendrerait des effets catalyseurs. La question des effets avant, pendant et après « l’héritage » est cependant au cœur d’une littérature controversée liée en partie à leur difficile mesure (Massiani, 2018). Selon le profil des villes hôtes ou des sites d’accueil, l’olympiade n’a pas le même effet, conduisant vers plusieurs stratégies qui parfois peuvent être un leurre, tant elles sont adossées à une ambition démesurée (Arnaud et Marais, 2013).
3Dans ce numéro thématique, il ne s’agit pas d’évaluer, de mesurer ces effets mais, et c‘est bien l’esprit de la revue, de proposer une diversité de regards disciplinaires et parfois même transdisciplinaires au service de l’analyse de la relation entre JO et territoire en se focalisant pour plusieurs d’entre eux sur les questions d’image qui intéressent tout particulièrement la ligne éditoriale de la RMT. Voilà pourquoi nous nommons ce numéro thématique : Interactions entre JO et territoires.
4Comme le veut la ligne éditoriale de la revue, ce numéro thématique est composé de quatre articles scientifiques issues de communications présentées lors des deux premiers colloques d’ORME tenus respectivement en 2018 et 2019. Trois synthèses courtes (dont une recension d’ouvrage) et un article de la rubrique « Image et territoire » viennent le compléter.
5Le premier article scientifique proposé par José Chaboche et Alain Schoeny analyse la production scientifique portant sur les dimensions territoriales et urbaines des Jeux Olympiques d’Été. A partir d’un corpus de 434 articles publiés de 1984 à septembre 2018 dans des revues scientifiques anglophones ou francophones, cet article illustre l’ampleur des interrogations concernant ce lien entre JO et territoires. Structurée en quatre thèmes (les stratégies d’accueil et d’organisation de l’événement, les projets urbains structurants et embellissants, le tourisme dont celui sportif, les héritages territoriaux) qui distinguent bien la naturelle temporelle de ces interactions, cette recension met en évidence les difficultés associées à la disjonction spatiale entre un évènement qui s’inscrit et est conçu dans une perspective mondiale et sa production qui renvoie également à des visées locales. Ils soulignent que l’image est un thème maintes fois abordé mais que la littérature sur ce sujet est belle et bien controversée. Ils révèlent également que c’est seulement depuis Beijing 2008 que les articles scientifiques pré-événementiels se sont développés.
6Marie Delaplace propose ensuite une revue de la littérature au sujet du lien entre Jeux Olympiques et Paralympiques et image des territoires hôtes lors des précédentes olympiades et soulèvent des questionnements quant aux enjeux pour Paris 2024. Le cas n’est qu’esquissé, et les questions sont plus nombreuses que les réponses puisque ces Jeux n’ont pas encore eu lieu. Elle prend soin toutefois de dissocier l’image de l’évènement ainsi que sa dimension temporelle et l’image du territoire qui l’accueille. Qu’il s’agisse d’analyses monographiques ou bien de comparaisons, elle met à jour des contradictions qui viennent interroger les moyens et les méthodes scientifiques d’un tel sujet malléable qu’est l’image. Cet état de l’art souligne la nécessité d’aborder la question de façon différente selon le contexte des JOP. Ainsi les objectifs d’image doivent être analysés d’une part au prisme du contexte parisien et, d’autre part dans le cadre de la Seine-Saint-Denis, qui accueillera de nombreux sites olympiques. Si l’identité de la capitale-monde, Paris, et sa notoriété internationale pourraient n’être que peu impactées par les JOP, il n’en va pas de même du « 9-3 » dont l’image auprès des français est encore marquée par les émeutes de 2005. L’apport symbolique des JOP pourrait être bénéfique tant pour l’extérieur que pour les habitants.
7Avec le regard transdisciplinaire qui le caractérise, Jean-Loup Chapelet propose d’évaluer la performance des Jeux Olympiques. En bilan des écrits de sa carrière de chercheur, il rappelle que le coût d’opportunité des Jeux Olympiques est probablement positif grâce à des recettes extérieures qui ne viendraient pas sans l’existence de l’événement et qui représentent donc une injection externe importante dans le circuit économique du territoire. En choisissant le mot « performance » pour parler des Jeux Olympiques, plutôt qu’« impact », « retombée » ou « succès », Jean-Loup Chappelet veut rendre son propos neutre afin d’étudier ce que produit et comment est produit, pour et sur chaque territoire hôte, ce qu’il désigne comme une politique ou un programme publics durant plus d’une décennie (de la date de candidature jusqu’aux déploiements touristiques qui peuvent en découler). Sa connaissance des olympiades de la seconde moitié du XXème siècle et du début du XXIème siècle, sa pratique effective de ces méga-événements lui ont permis d’observer l’évaluation économique mais aussi sociale et environnementale d’une telle manifestation. Relevant les difficultés de cette évaluation, il suggère la méthode du diamant olympique pour identifier les formes d’héritage, ce que d’autres appellent les « outcomes ». Cet outil d’analyse offre l’avantage de bien séparer les objectifs d’évaluation des actions réalisées pour accueillir des JO, même si sa faisabilité semble bien délicate de manière opérationnelle, ce qu’une thèse en cours essaie pourtant de réaliser.
8Enfin, Nathalie Fabry et Sylvain Zeghni s’interrogent sur les raisons pour lesquelles les villes ne veulent-elles plus accueillir les Jeux Olympiques, en se focalisant sur les candidatures de 2022 et 2024. Ils dépassent eux aussi la lecture comptable et optent pour une analyse contextuée, que l’on peut qualifier de « place-based » en évoquant l’écosystème olympique qui conduit à considérer toutes les parties prenantes dont les populations locales, cruciales pour l’impulsion du projet à travers l’acceptabilité sociale de ce qui n’est au départ qu’une intention. Ils mettent en l’avortement de ces intentions pour plusieurs villes qui ont stoppé le processus de candidature, principalement en Europe.
9Trois synthèses viennent compléter ce numéro thématique.
10Tout d’abord, Le caractère intangible associé aux JO est au cœur de l’ouvrage de Jilly Traganou « Designing the Olympics – representation, participation, contestation », dont la synthèse est rédigée par Barbara Szaniecki et Ana Helena da Fonseca, chercheuses en design. Ce qui frappe dans leur recension c’est l’importance des conflits, des débats qui existent autour du design associé aux Jeux Olympiques. C’est le cas dans les modalités de production et de choix des logos (Tokyo 1964, Londres 2012) qui oscillent entre nationalisme (le pays hôte) et universalisme (évènement planétaire). Véhiculant une expression idéologique, ces logos doivent cependant être collectivement appropriés. Il en va de même du design des infrastructures sportives, ou de celui des cérémonies.
11Fréderic Bouin présente les innovations juridiques liés aux JO de Paris 2024 pour l’urbanisme parisien contenues dans la loi du 26 mars 2018, communément appelée loi olympique. Il montre combien des mesures dérogatoires peuvent être prises dès lors que le contexte le demande. Mais il nous alerte aussi sur les possibles difficultés associées aux textes de droit spécifiquement mis en place pour ce méga-événement, tant en ce qui concerne les infrastructures temporaires et les usages qu’elles modifient que les infrastructures pérennes dont la réutilisation doit être assurée.
12Tout comme le texte précédent, le propos d’Alexandre Faure qui porte sur les JO de Tokyo, initialement prévus pour l’été 2020 mais finalement reportés du 23 juillet au 8 août 2021, présente les expérimentations mises en place dans le champ de l’urbain. L’effet catalyseur semble possible ici avec les efforts de Toyota pour profiter d’une telle vitrine médiatique. Le point commun de ces trois textes réside dans l’innovation sous-jacente recherchée dans les préparatifs d’un mega-événement (loi, mobilité, design).
13Enfin dans la rubrique « image et territoire », Anne-Marie Broudehoux analyse de manière approfondie la question de l’image. En comparant Beijing 2008 et Rio de Janeiro 2016, elle illustre comment l’invisibilité de certains pans de la ville a été produite afin de contrôler une image à vocation internationale éminemment positive. Dans ce texte, les photographies viennent démontrer le propos structuré d’une théorie de l’image organisant les images mentales, matérielles et sociale. Ce texte permet de souligner une fois encore que si la croyance sociétale sur les apports d’image est forte, les démonstrations de son existence, mobilisent des méthodologies différentes, s’ancrent dans des disciplines différentes et sont parfois controversées voire antinomiques ; ne facilitant pas l’acceptation des études d’image dans le champ scientifique.
14Pour conclure, la diversité des disciplines des auteurs de ce numéro (management public, aménagement, droit, design, architecture, SIC, géographie, STAPS) explique peut-être la variété des manières d’écrire les Jeux Olympiques dans les articles : JO, JOP, Jeux, JOE (pour l’été), Olympiades en ce qui concerne cet éditorial, rédigé par un géographe, maître de conférences en sciences de gestion et une économiste, professeure des universités en aménagement-urbanisme. Rien moins que quatre disciplines. Ce regroupement de textes dans un premier numéro thématique basé sur deux colloques d’envergure et grâce auxquels déjà, d’autres traces écrites sont publiées en anglais et en français montre toute la richesse produite par le décloisonnement disciplinaire.
Liste des autres publications liées à l’ORME 2018 et 2019
Delaplace M. and Schut P.-O. Eds, 2020, “Hosting the Olympic Games: Uncertainty, debates and controversy”, Routledge, ouvrage présentant 10 articles issus de communications présentées au colloque ORME de 2018
Collinet C. et Schut P.-O. Eds, 2020, « Les enjeux sociaux des jeux olympiques / Social impacts of Olympic Games ». Numéro spécial Movement & Sport Sciences - Science & Motricité comprenant 5 articles issus de communications présentées au colloque ORME de 2018
Demir A.Z., Eliöz M., Çebi M. et Yamak B., 2015. “The Economic Development and Tourism Effects of the Olympics”, The Anthropologits, 19-3, 811-817
Ferrand A., Chappelet JL., Séguin B., 2012. « Chapitre 3. Le Marketing de la marque olympique ». In Ferrand A., Chappelet JL., Séguin B. (dirs)., Le marketing olympique : co-création de valeur entre acteurs. Louvain-La Neuve, Belgique : De Boeck Supérieur, 77-102
Marais, M., Arnaud, C., 2013. « Le rôle structurant et légitimant du méga évènement sportif au coeur du processus stratégique territorial métropolitain, La course à l’obtention des Jeux Olympiques 2012 », colloque de l’AIMS
Massiani, J., 2018. Assessing the economic impact of mega events using Computable General Equilibrium models: Promises and compromises. Economic Modelling.
Charles-Edouard Houllier-Guibert et Marie Delaplace, « Interactions entre Jeux Olympiques et territoires » dans © Revue Marketing Territorial, 4 / hiver 2020
Le numéro 4 de RMT repose sur des travaux académiques présentés lors des deux premiers colloques (juin 2018 et juin 2019) de l'ORME - Observatoire de Recherche sur les Mega-Events -, créé au sein de l'UPEM en vue du déroulement des Jeux Olympiques d'Eté à Paris en 2024.
Les universitaires Charles-Edouard Houllier-Guibert, directeur de cette revue, et Marie Delaplace, membre du comité de pilotage de l'ORME, ont coordonné ce numéro ainsi que des sessions lors de chacun des colloques, dont la session "Quel héritage en termes d’image pour les villes hôtes ou candidates des olympiades ?" spécialement proposée pour ce numéro thématique.
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