Sommaire
Mazarinades et territoires
Premier numéro
Volume dirigé par Stéphane Haffemayer et Patrick Rebollar Published by Stéphane Haffemayer and Patrick Rebollar
- Laura Bordes Étude et classement de la collection de mazarinades de la bibliothèque Méjanes : pour de nouveaux territoires de recherche
- Léonard Dauphant La géographie commune des mazarinades, témoignage des espaces mentaux des Français du xviie siècle
- Laurent Ferri Mazarin et les mazarinades dans la littérature pour la jeunesse (1870-1914)
- Myriam Tsimbidy Les enjeux agoniques des représentations du territoire dans le Recueil de diverses pièces curieuses de ce temps (1649)
- Antonella Amatuzzi Déterritorialiser les mazarinades pour étudier la variation du français classique
- Loïc Capron Guy Patin, un lecteur parisien de mazarinades
- Virginie Cogné Quand Condé dirige et informe Paris : la circulation de l’information pour le parti des Princes, été 1652
- Baptiste Etienne Mazarinades : le duc, la duchesse et la Fronde en Normandie
- Céline Graillat Quelques collections suisses de mazarinades
- Stéphane Haffemayer Les chansons de la Fronde : enjeux de territoires (1648-1653)
- Tadako Ichimaru En tirant le fil du Japon
- Carrie F. Klaus [L]e bonet en teste, la pourpre sur les espaules : Les Dames, la justice, et les mazarinades
- Édouard Klos Les mazarinades dans un territoire à l’écart des conflits, l’exemple de la ville de Lyon
- Teresa Malinowski La Pologne dans les mazarinades
- Takeshi Matsumura Sur quelques mazarinades en proverbes
- Philippe Mauran Le Journal de Jean Vallier et les territoires : géographie d’une anti-mazarinade
- Jean-Dominique Mellot La Muse dialectale (et frondeuse ?) de l’imprimeur-poète rouennais David Ferrand (1589-1660)
- Pierre Ronzeaud Points de vue sur cinquante ans d’études sur les Mazarinades
- Bruno Tribout Les mazarinades après la Fronde : l’exemple du recueil Foppens
- Patrick Rebollar De la fouille textuelle à la cartographie des mazarinades, l’exemple du LETSAJ
Mazarinades et territoires
Le Journal de Jean Vallier et les territoires : géographie d’une anti-mazarinade
Philippe Mauran
Introduction
1L’étude des années inédites du Journal de Jean Vallier, ces années de l’angle mort (1654-1657) de l’historiographie française1, en s’éloignant des bousculades frondeuses, témoigne de l’évolution des choix individuels et affine par là-même, notre compréhension de la Fronde. Entre 1902 et 1918, la Société d’Histoire de France publia quatre volumes d’un texte du for privé qu’elle intitula « Journal de Jean Vallier, maître d’hôtel du roi (1648-1657) ». Ils couvrent la période de la Fronde, les années 1654-1657 restant inédites et donneront lieu à une édition critique sous peu. Les découvreurs de ce texte, puis ses éditeurs, voulurent en faire le témoignage direct d’un bourgeois parisien, témoin oculaire des événements qu’il relatait. À la recherche d’une intégration dans l’élite sociale parisienne, Vallier porte un regard critique sur la politique de Mazarin tout en ayant été un acteur secondaire de celle de Richelieu qu’il justifie. Christian Jouhaud2 voyait dans les Mazarinades des textes destinés à l’action, Vallier en a recopié quelques-unes : nous tenterons de démontrer que son texte se structure autour d’une volonté d’antidote vis-à-vis de ces textes militants. L’étude de la spécificité des territoires dans lesquels se construisit Jean Vallier tente ici de contribuer à l’interprétation de ces écrits.
Le Journal de Jean Vallier : une anti-mazarinade
2À la mi-année 1652, les Remarques journalières de Jean Vallier3 auraient-elles été mises sous presse, le lecteur n’aurait pu que constater sa proximité d’écriture avec Robert Arnaud d’Andilly, auteur de La vérité toute nue4… : même mise à distance de l’actualité et même usage des lieux communs en vogue sur les personnages importants. L’ambition du prince de Condé est « effrénée » pour l’un, « immodérée » pour l’autre ; la reine est présentée prisonnière de son « esprit », de son « âme » à « conserver », à « retenir », Mazarin, ce « ministre fatal à la France », ce « ministre insuffisant, méprisé et sans vigueur ». Pour l’un comme pour l’autre, le cardinal était un faible, grand dissipateur des finances publiques5. Malgré cela, d’Andilly affirmait la nécessité de se soumettre si le roi souhaitait maintenir son premier ministre ; Vallier rappelait le respect dû à la fonction. Formules pas très originales en leur temps mais qui suffisent à ce que le jugement de Vallier sur ses contemporains jansénistes ne nous surprenne pas :
à n’en point mentir, ceux que l’on appeloit jansénistes vivoient dans une si grande pureté de mœurs et dans un si merveilleux détachement des choses de ce monde qu’il étoit malaisé de ne pas déférer à leurs opinions6
3Mais quel rapport, les Remarques journalières, écriture qui semble avoir été sensible à des postures retrouvées dans certaines mazarinades, peuvent-elles entretenir avec les Mazarinades ?
4Pour répondre à cette question, il faut examiner quelle lecture cherchaient-elles à provoquer ? La forme que nous propose Henri Courteault est mutilée de tout son péritexte. Les Remarques journalières se présentaient sous la forme de registres d’une série de notices, espacées les unes des autres par une ligne blanche et repérées par une manchette, plus ou moins régulièrement interrompues de portraits gravés avec, en fin de volume, des copies de documents originaux, les « Additions7 ». Des index de noms, de lieux parfois de matières, permettaient une lecture experte et discontinue. La forme est soignée, très éloignée de la précipitation qui présidait à la production de beaucoup de mazarinades. L’objet ainsi conçu invite à une lecture réfléchie, ponctuée de pauses pour profiter des illustrations et en lire les cartouches ou pour approfondir tel ou tel point par l’étude du document d’époque s’y rapportant. C’est une lecture lente, qui favorise la méditation et se nourrit, comme l’indique le titre (Remarques), d’observations, une lecture de cabinet de travail.
5Les Remarques journalières observent le monde mais ne cherchent pas à interagir avec lui. Quand elles le font, c’est uniquement pour déchirer le voile que d’aucun aurait intérêt à jeter sur le réel. Impérieuse édification d’un public restreint dont l’éducation lui tient à cœur :
je n’ay point eu d’autre but, dans les remarques que je faictz de tant d’evenementz bizarres et differendz, que celuy de mon instruction particuliere et celle des enfans qu’il a pleu à Dieu de me donner, ausquels seulz je les destine8
6À l’occasion d’un conflit entre le Parlement et les maîtres des Requêtes, en 1656, Vallier écrit :
Je ne pretendz qu’à la simple narration des choses qui viennent à ma cognoissance sans m’ingérer que le plus rarement qu’il m’est possible, d’interposer mon jugement sur ce qui se passe ; et moings encore d’en rechercher les causes et motifz avec trop de curiosité et peu de certitude9.
7Peut-être parce qu’ancien commissaire général des camps et armées de sa Majesté en Normandie en 1637-1638, intendant avant l’heure10, il doutait de sa légitimité face à un Parlement dont il est perceptible qu’il était respectueux. Nous voyons dans cette affirmation, souvent mise en défaut dans son texte par les urgences à dénoncer les faux-semblants piégeux de l’instant, la volonté d’une transparence du récit qui, pour nous, lecteurs du xxie siècle, entre étrangement en résonnance avec le « tout historien ment » de Nicole11, rappelant les critiques de Guez de Balzac envers Tacite, accusé de faire « le monde plus fin qu’il n’est12 ». Dans ce cas, bien sûr, non, les Remarques journalières ne sont pas une forme de mazarinade, elles en sont l’exact opposé : une anti-mazarinade. À la confection des mécaniques militantes des mazarinades s’oppose la volonté de désassemblage des Remarques journalières ; les unes mettent en ébullition le monde qui les consomme, les autres témoignent de la fragmentation de la société humaine et des coups de butoir portés à son utopique harmonie.
8Afin de mieux appréhender la manière dont Jean Vallier perçoit le monde qu’il observe, nous proposons d’analyser ce qu’il considère comme « dangereux », en dehors des qualifications impersonnelles qu’il applique à l’entrée de la Gironde, à la fièvre du duc de Beaufort ou à la blessure de Molondin. Le maître d’hôtel du roi emploie 115 fois l’adjectif « dangereux » entre 1648 et 1657, selon une répartition par année qu’explicite le tableau ci-après. À titre de comparaison, Dubuisson-Aubenay ne l’utilise que deux fois dans son Journal des guerres civiles.
9Lieu commun du siècle, le peuple est dangereux, avec ses émotions, ses mouvements, « dangereux et précipité mouvement », « dangereux mouvement ». Dangereux, tous ceux qui entretiennent ces « funestes mouvements », étrangers, mauvais sujets ou l’ambition des Princes : « on peut dire avec vérité que les factions qui se forment dans un État par l’ambition des princes et par l’ignorance des peuples sont des plus dangereuses13. » La division est dangereuse et, malgré ses sympathies jansénistes, Vallier écrit : « l’on voyoit s’élever deux partis tout formés et si puissants que les suites n’en pouvoient être que très dangereuses à la religion14 » ; même chose quand la Hollande se divise entre partisans et opposants de la maison d’Orange. Mais l’union est tout aussi dangereuse quand elle consiste à regrouper les oppositions à l’autorité royale : « dangereux remède » quand, en 1652, Condé recherche l’alliance du Parlement15. D’une manière générale, toute opposition qui s’affranchit des formes traditionnelles (comme les remontrances) est dangereuse : « prendre connaissance du gouvernement présent et d’y apporter quelque réformation, prétexte non moins spécieux et plausible que dangereux et chimérique16 ». Par voie de conséquence, les libelles et les placards sont dangereux17, témoignage de la puissance de l’écriture et donc de la nécessité de son maniement expert et contradictoire. Plus étonnant, la fiscalité est dangereuse. Étonnant car notre auteur est lié à l’État de finances, dont il a été un représentant en Normandie ou en Touraine18. Pourtant il semble, là encore, proche de l’héritier de la célèbre famille robine, défenseur de l’État de justice, Robert Arnaud d’Andilly. Enfin, trois personnages sont qualifiés de dangereux : le cardinal de Retz, Olivier Cromwell et Bogdan Khmelnytsky19. Ce qui est dangereux, c’est ce qui tend à dissoudre l’harmonie de la communauté humaine, à bousculer la géométrie sacrée qui a placé l’autorité souveraine dans « son plus haut point ».
10A contrario, tout acte du détenteur de cette autorité visant à réduire ces imperfections est jugé positivement. L’arrestation des Princes en 1650 est certes dangereuse, mais appréciée ; tout autant que celle de Retz, dont Vallier dit en 1655 :
bien que les princes ne puissent rompre le noeu sacré de l’evesque avec son évesché, il est permis toutefois aux souverains, je dis souverains de alta sphera, qui n’ont que Dieu au-dessus d’eux, de séparer quelque fois, pour un temps, le prélat d’avec son épouse lorsque la tranquilité publicque le requiert ainsy20
11Et de comparer cette séparation de corps avec celle que les juges prononçaient entre les époux. Pour Vallier, la qualité du ministère est directement liée à sa contribution à la perfection de la société par une lutte sans concession contre ceux qui la contrarient : Bartet est bastonné, à moitié tondu par le duc de Candale ? Quel scandale que ce dernier puisse reparaître en Cour, sans autre procès, « tant le gouvernement present estoit mal et relasché du précédent21 », comprenons : le ministère du cardinal Richelieu. Cette obsession de la perfection, de l’unité et l’équilibre ne peut que faire soupçonner son origine eschatologique. Jean Vallier note et attend la révélation de la fin de l’Histoire, le décryptage de l’anamorphose que, patiemment, il entreprend de peindre22. Exercice d’humilité de l’homme face aux mystères divins, qui n’interprète pas les événements qu’il découvre mais les accumule pour que, de la nue confrontation, jaillisse l’évidence de la volonté divine. L’urgence de dénoncer les faux semblants et de trier les informations « dignes » de figurer dans ces « petites remarques », intrusion de la pensée analytique dans un univers dont elle aurait dû être absente, s’explique par la volonté d’en exclure la rumeur, l’information artificielle, l’alchimie attendue ne pouvant faire son œuvre avec un mélange impur. Elle tend à défendre une conception finaliste du monde. Même attention à la pollution des notices quand il dit écrire « pour la verité, sans hayne que contre la lascheté et la perfydie. ». Vallier revendique l’éthique des historiens de son temps, devenue un lieu commun.
12Deux éléments des Remarques journalières viennent abonder cette lecture, la position de Jean Vallier par rapport à la prédiction et son opinion sur la préséance des rois de France en Europe.
13En janvier 1650, il rapporte « une rencontre assez bizarre et considérable » : l’information reçue un mois plus tôt de son cousin d’Osny, intendant des finances et fortifications de la frontière en Champagne, « par forme de raillerie », de la prédiction d’un « grand désordre dans Paris le mois prochain (qui étoit celui de janvier où nous sommes) », dit-il. Se défendant d’y accorder « aucune croyance », il n’en fit pas moins le récit à ses « voisins et amis ». Ceux-ci ne purent soutenir longtemps le silence du jour que mentionnait la prédiction et Vallier finit par le donner : le 19 janvier. Vallier s’appliqua ensuite à calculer précisément la différence en heures entre la prédiction et l’arrestation des princes. Il rapporta cette opération dans ses Remarques ; Courteault l’annotant ne put qu’en constater l’exactitude. Parlant du prophète, Jean Vallier conclut : « sa science n’étoit pas entièrement fausse23 ». Cette sensibilité aux signes interroge, alors que Vallier reste silencieux sur les éclipses de 1652 ou de 1654 que ses contemporains commentèrent abondamment. Aucun phénomène naturel extraordinaire n’est relaté par Vallier ; « tempête » ou « orage » sont réservés à des opérations navales ou à des images pour qualifier les conséquences de comportements humains. Tout se passe comme si ces phénomènes n’appartenaient pas au même registre que les événements que Vallier choisit de transcrire. En fait, dénégation, raillerie, mais admiration ou silence sur les signes de la nature, renforcent notre lecture d’un refus de l’interprétation prédictive par respect du mystère incompréhensible à l’Homme, par volonté de ne pas tomber dans ces « vanités dangereuses » dont parle Dubuisson-Aubenay au sujet du sieur Petit lors de l’éclipse de 1652. L’absence d’interprétation des signes est chez Vallier l’expression de la confiance induite par une sensibilité augustinienne à rebours de la panique eschatologique des époques passées.
14Un passage des Remarques en 1654 ne peut pas ne pas nous inciter à explorer ce sentier à peine esquissé. Lors d’une visite rendue à Christine de Suède à Bruxelles, le prince de Condé reçut des honneurs d’un rang inférieur à ceux prodigués à l’archiduc. La raison invoquée en fut que l’archiduc, fils et frère d’empereur l’emportait en préséance sur Condé, cousin de roi24. Cet incident donna lieu chez Vallier à une digression très érudite sur la prééminence de la majesté royale (titulature récente) sur l’empereur. Une partie de ces arguments se retrouvent, une dizaine d’années plus tard, chez Charles Sorel25, qu’Alexandre Haran distingue comme l’un des promoteurs de la primauté du royaume de France. Primauté qui lui permettait de prétendre à l’Empire, c’est-à-dire à la direction d’une humanité unie et harmonieuse dont le programme était la remise de son pouvoir entre les mains du Christ ressuscité26. Permanence d’une croyance messianique pour le royaume Très Chrétien, ultime translatio de la prophétie de Daniel, dont l’affront fait au prince, donc au sang destiné à la réalisation de cette espérance eschatologique, malgré sa rébellion et sa condamnation à mort par contumace, permet de découvrir l’affleurement dans l’écriture de Vallier. Autre indice : Vallier consigna, en 1656, la publication de l’œuvre longuement attendue de Jean Chapelain, La Pucelle. Chapelain, s’inspirant de la prophétie de Virgile à Auguste, glorifie les successeurs de Charles VII et place en Louis XIV les espoirs de l’Europe, suggérant sa destinée impériale27. Résonnance messianique qui vibra à l’unisson de l’univers intellectuel de Jean Vallier d’autant plus « remarquable » qu’elle apparaît à l’occasion de la seule évocation de publication artistique durant toute la période d’écriture de notre auteur.
15Un passage du Journal de Vallier sur Saumur illustre cette quête de l’unité et son interprétation gauchie par les commentateurs.
Saumur, les origines
16Jean Vallier fut baptisé le 27 février 1591 à Saumur, où ses parents, François Vallier et Anne de Boudeville, s’étaient réfugiés pour fuir la Ligue à Paris. Vallier y vécut vraisemblablement ses trois premières années, François et Anne revenant dans la capitale vers 159428. La famille Vallier faisait partie à Saumur des apparents, ceux qui maniaient écriture et lecture au quotidien pour l’exercice de leur activité professionnelle. Une tradition de multi-parrainages soudait les dix enfants du patriarche Jean Vallier, grand-père de notre auteur, et de Jeanne Jaunay, tout en permettant d’utiles alliances sociales. Jean Vallier senior était marchand, membre de la « communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire et affluents descendant en icelle29 ». Il fut appelé à témoigner, en 1563, au sujet d’un acte iconoclaste commis en 1562 à l’abbaye Saint-Florent : le lieutenant François Bourneau, suivi de quatre-vingts personnes identifiées, issues des milieux auxquels appartenaient les Vallier, était venu de Saumur démonter la châsse du saint et piller l’église. Contraint d’assister à l’arrachage de plaques d’argent, Jean n’évoqua pourtant pas la participation active de son frère François, apothicaire30. Tous avaient affirmé agir au nom du roi. Des années après la crise, le registre des baptêmes de l’église Saint-Pierre montre que la plupart des participants au pillage avaient retrouvé leur place dans la bonne société saumuroise31. Jean Vallier junior garda-t-il mémoire de cet épisode ? Il ne connut que très peu son père, François, mort avant 1595 ; il perdit son grand-père et parrain en 1596 ; il n’est pas possible de savoir ce qui lui fut communiqué ou caché de la panique eschatologique du xvie siècle.
17Jean Vallier conserva des biens dans le Saumurois. Il réunit les parts de sa mère et de son frère, Charles, de la maison de la Blinière, paroisse de Vivy, avec droit de pêche sur l’Authion, issues du lot dévolu, en 1603, à feu son père dans la succession de son grand-père, Jean Vallier, sieur de la Barre32. Une quarantaine d’années plus tard, ce fut la Martinière, paroisse de Saint-Martin-[de-]la-Place, dont il prit le toponyme, qui lui revint en entier. Les dispositions prises par sa veuve révèlent les regards divergents du couple sur cette attache régionale. En août 1657, Marie Le Normant expliqua au conseil de famille la nécessité d’alléger les coûts du manoir de Saint-Martin-la-Place33. Elle modifia donc le mode d’exploitation en interrompant le bail à ferme conclu par Vallier en 1653, et lui substitua un bail à rente à partir du 1er janvier 165834. Les arguments de Marie étaient la trop grande distance depuis Paris pour collecter les fermages (il fallait quatre à cinq jours pour parcourir les 64 lieues ; d’ailleurs, Vallier avait instrumenté par l’intermédiaire d’un procureur35) et surtout, les dégâts régulièrement infligés par les crues de la Loire. En effet, si la région avait été exempte de taille jusqu’en 1645 contre l’entretien des turcies et levées de la Loire, après cette date, le rétablissement de l’impôt se fit contre le transfert de la maintenance des ouvrages. Mais les fonds furent utilisés à d’autres fins. En janvier 1649, une première crue provoqua une brèche importante en amont de la Martinière, ruinant tout le pays. En janvier 1651, une seconde crue, qui s’engouffra juste au niveau de la Martinière, anéantit tous les efforts de réparation36. Le mariage de Vallier était une étape d’un processus classique d’assimilation à l’élite parisienne. L’univers géographique de l’assimilateur ne retenait dans celui de l’assimilé que les éléments utiles à la poursuite de l’assimilation : le toponyme. Est-ce la raison pour laquelle Saumur n’occupe pas une place particulière dans l’écriture de Vallier ?
18Dans le tome 2 du Journal de Jean Vallier, Henri Courteault annote l’épisode du siège de Saumur, en 1650 :
il faut se souvenir que la famille Vallier était originaire de Saumur et qu’il y avait encore des parents, ce qui explique le développement donné par lui au récit du siège, le plus complet de tous ceux que nous connaissons après la relation officielle de la Gazette p.537-548 [sic] qui donne le texte de la capitulation.
19Mais à bien étudier le texte de Vallier, il n’existe dans sa version aucune information supplémentaire à celle donnée par la Gazette. Mieux, l’action du duc de La Rochefoucauld est implicitement critiquée dans les mêmes termes dans les deux récits : « sous quelques autres prétextes », dit la Gazette, « sous divers prétextes », dit Vallier. Il est donc fort possible que la relation de la première soit la source du récit du second.
20Rappelons les faits. À la mort du maréchal de Brézé, le gouvernement de Saumur fut dévolu à Tilladet qui l’échangea avec Comminges contre Brisach. Mais lorsque celui-ci voulut en prendre possession, un lieutenant de feu le maréchal, le sieur du Mont, opposa son refus à la restitution du château. Le 1er avril 1650, le marquis de Jerzé se serait jeté dans la place, assurant du Mont du secours du prince de Marcillac, devenu duc de La Rochefoucauld par le décès de son père dont il célébrait alors les funérailles. Le nouveau duc de La Rochefoucauld était gouverneur du Poitou et avait dans son ressort la ville de Loudun, autrefois dépendante du gouvernement général du Saumurois. Son projet de se rendre maître de Saumur, certes appuyé par la certitude d’avoir échappé de peu à une arrestation, aurait permis d’assurer une source de revenus pour le parti des princes par la juteuse contrebande de sel dont il aurait été possible de prendre le contrôle entre pays rédimé (Poitou) et pays de grande gabelle (Loudun, Saumur), sans compter l’accaparement des fruits de la taxe, lorsqu’elle aurait été rétablie37. Le duc partit le 11 avril 1650 de La Rochefoucauld avec deux mille fantassins et mille cinq cents chevaux, pour sa protection lors du transfert du corps de son père, avait-il expliqué à ses affidés. Il fut abandonné dès Mirebeau, le 17 avril, par plus de la moitié d’entre eux. Entre temps, Comminges ayant mis sous les armes les habitants de Saumur et après une violente canonnade de du Mont contre la ville, avait conclu un accommodement, pris le contrôle du château et rassemblé une troupe pour s’opposer à la dissidence du gouverneur du Poitou (29 avril)38.
21Le récit de Jean Vallier occupe trois pages de l’édition de Courteault et l’anonyme des lettres du registre BnF ms fr 25025 en parle dans toutes celles qu’il expédia de Paris entre le 1er avril et le 1er mai 1650. Vallier a ajouté un commentaire qui suscita la note déjà évoquée de Courteault :
Mais les habitants de ladite ville firent bien voir, en cette occasion, combien ils étoient affectionnés au service du Roi et prenoient peu de part aux mécontentements que la plus grande partie des peuples s’étoit mis dans l’esprit contre le ministère présent à cause des impositions extraordinaires et presque insupportables dont ils étoient accablés, sachant très bien que les remèdes que l’on prétend apporter aux maux de cette nature sont toujours pires et plus dangereux que la maladie même, et que les grands ne s’en servent jamais que pour élever leurs fortunes particulières sur la ruine de ceux qui les suivent39.
22Mais plutôt que considérer que Vallier réagit en Saumurois, nous pensons qu’il réagit en percepteur. En effet, selon le témoignage de Joan Huydecoper van Maarseven, alors en attente à Saumur d’une réponse paternelle pour continuer son voyage, « sans avoir eu aucun regardt ou respect au Roy », le sel, régi dans Saumur et ses faubourgs par le système de la vente volontaire et par celui de l’impôt dans toutes les autres paroisses des environs, avait été mis en vente librement, sans aucune considération de la gabelle40. Accepter l’injonction de prise d’armes de Comminges, c’était accepter, à plus ou moins brève échéance, un retour au statu quo ante, donc à une fiscalité contraignante. Comme évoqué un peu plus haut, entre 1637 et 1638, Vallier fut commissaire pour le roi en Normandie en charge de la subsistance des troupes et il était visiblement sensible au poids excessif de l’impôt, poids qui provoqua des émeutes historiques en 1639 dans le ressort qui lui avait été dévolu. Subordonné, alors, du secrétaire d’État à la guerre, Sublet des Noyers, il connaissait la technique de limitation de la propagation d’une émeute par la mise en arme des habitants. Vallier ne parle pas de Saumur, il parle de lui ; il exerce son expertise dans un contexte dont il connaît bien l’actualité. Ce faisant, il reproduit l’image d’un corps social uni, comme après les événements iconoclastes de 1562, où anciens pilleurs et spectateurs du pillage sollicitaient le parrainage des uns et des autres pour leur progéniture. Il en résulte un discours structuré par l’opposition entre la fidélité des Saumurois, magnifiée au prix d’un mensonge par omission (elle-même rendue possible par l’absence de répression à vocation mémorielle), et les obscurs desseins du duc de La Rochefoucauld, évoqués en arrière-plan du substantif « prétextes ». Vallier supprime même de son récit toute référence à la piété filiale du duc, pourtant bien présente dans celui de la Gazette.
Paris, les difficultés d’une ascension sociale
23Dans un espace fragmenté d’aires juridiques variées, de lieux plus ou moins fortement monétarisés, le territoire détermine le cadre des possibles qui s’offrent à un individu, c’est-à-dire à un parcours de vie, incluant une histoire familiale, et une appréhension de l’avenir donné, dans un environnement où la discipline des parentèles s’estompe. Paris était le lieu des opportunités offertes par le service de l’État et du monarque, d’une monétarisation poussée, de l’absence de droit d’aînesse dans les successions, autant d’éléments que Jean Vallier a utilisés, ou affrontés, pour tenter d’élever socialement sa lignée. Tentative qui révèle un chapelet d’échecs41.
24À Saumur, le vieux sieur de la Barre avait réuni une fortune imposante : environ 120 000 livres, partagée à parts égales, en 1603, par dix héritiers, regroupant vingt personnes. Égalité de parts qui cependant réservait, selon la coutume d’Anjou, la demeure de famille à l’aîné, fût-elle une fille42 : la seigneurie de la Barre revint donc en entier aux Ménard d’Angers, descendants de Marie Vallier. La part qui revint aux enfants de François Vallier, père de Jean, dut être partagée en quatre : Charlotte, François, Charles et Jean. François se fit moine à l’abbaye de Saint-Ouen à Rouen et donc abandonna ses biens, sans que l’on sache à qui. Charlotte Vallier, mariée en 1603 à Pierre Saver, conseiller au bailliage de Rouen, dut puiser une partie de sa dot dans cette succession, puisque dans les papiers inventoriés à son décès apparaît une promesse de 486 livres d’Antoine Vallier, contrôleur au grenier à sel de Saumur, faite à Pierre Saver le 31 mars 161543.
25François Vallier avait entamé une intégration à l’élite parisienne en épousant en 1585 Anne de Boudeville, fille de Pierre de Boudeville, receveur de la prévôté de l’Hôtel, et de Marguerite Le Sueur44. Une cousine d’Anne, Marie de Boudeville, s’était mariée, en 1579, à Mathieu Brûlart, ambassadeur en Savoie, frère cadet de Nicolas Brûlart de Sillery45. La dot reçue par François servit vraisemblablement à acquérir, en 1586, l’un des offices nouvellement créés de secrétaire du roi. L’alliance avec les Boudeville renforçait l’implantation normande puisque l’oncle d’Anne de Boudeville était seigneur de Vaux (près de Gisors46). Jean Vallier écrivait constamment « Boudeville » au lieu de « Boutteville » pour désigner François de Montmorency, futur maréchal de Luxembourg : ce fut d’ailleurs la seule revendication honorifique qu’il put transmettre. Mais François Vallier mourut trop jeune pour porter ses enfants aussi loin qu’il l’aurait souhaité : un compte rendu de tutelle, remis par Anne de Boudeville au Parlement de Paris (mais non encore retrouvé), daté de 1617, montre qu’à son décès (1595) ses enfants étaient mineurs47.
26Il fallut donc reprendre le travail d’intégration à la génération suivante, celle de Jean Vallier. En s’alliant avec Marie Le Normant, fille de Sylvestre Le Normant et Adrienne Lhermitte, il renforçait encore ses liens avec la Normandie ; son beau-père, maître des Requêtes, chef du conseil du comte de Soissons, décédé en 1619 à Carentan, étant parfois qualifié d’intendant en Normandie48. Cette alliance lui offrait aussi un cousinage avec les La Grange-Trianon, vieille famille parisienne (un prévôt des marchands en 1464) dont l’influence aurait un poids décisif dans l’accès au Parlement de Paris de Guillaume Vallier, fils de Jean. Vallier entrait, en 1623, dans un milieu essentiellement dominé par les officiers de finance, fortement marqué par le système des commissions. Les trente mille livres de la dot de Marie étaient un bon départ pour investir dans un office dont les valeurs s’envolaient. Pourquoi Jean Vallier ne l’a-t-il pas fait ? Doit-on comprendre l’élimination des Brûlart en 1624 par Richelieu ou la chambre de Justice d’octobre 1624 à mai 1625, pendant laquelle son ami François Coquille fut inquiété49, comme des éléments qui le convainquirent de la plus grande efficacité des commissions, en termes d’ascension sociale, par rapport aux offices ? Avançons l’hypothèse que la commission, émanant du roi, était plus respectueuse de l’ordre naturel que l’achat d’un office et donc plus susceptible de combler l’esprit inquiet d’un dévot dans un État moderne50.
27Malheureusement pour Jean Vallier, sa sœur Charlotte mourut jeune et donc ne put pas l’aider à son établissement. Son beau-frère, Jacques Le Normant était en 1627 aumônier sans gage de Marie de Médicis. Il en semble proche puisqu’en 1635, il partagea avec lui le loyer de l’hôtel des Lhermitte, contigu aux rues de Beaubourg et des Petits-Champs. Occupant de l’étage supérieur, Vallier réservait la place pour son cheval dans l’écurie51. Jean Le Normant, cadet dont Jacques réglait les frais universitaires pour devenir avocat au Parlement de Paris, choisit la voie des armes dans le sillage du comte de Soissons. Allié des Le Sueur, Vallier bénéficiait également d’une proximité prometteuse avec François Sublet des Noyers.
28En 1637, ces investissements semblèrent porter leurs fruits. Des Noyers avait remplacé Servien au secrétariat à la guerre en 1636 ; il s’entourait de commissaires puisés dans sa parentèle, comme le fit le clan Le Tellier après lui52 : Nicolas Le Sueur, sieur d’Osny, beau-frère de Sublet des Noyers, fut envoyé en Champagne et Jean Vallier, son cousin issu de germain par alliance, partit en Normandie en novembre 1637 pour veiller à la subsistance des armées de Flandre et de Luxembourg, alors en quartier d’hiver. Maître d’hôtel ordinaire, charge honoraire sans appointement (vraisemblablement obtenue grâce au comte de Soissons), pour laquelle il n’apparaît dans aucun état de la Maison du roi, Vallier entrait dans le monde fermé des serviteurs proches de l’appareil d’État. En août 1638, il lui fut demandé de recruter un millier d’hommes, pour l’armée de Picardie, en Haute-Normandie, territoire où il travaillait son réseau53.
29Mais ces années 1640 ne furent guère fructueuses pour Jean Vallier dans ses tentatives d’intégration des cercles du pouvoir. Le comte de Soissons mourut à la Marfée (1641) et Sublet des Noyers (164354) disparut du paysage politique au profit de Mazarin : comme une quinzaine d’années auparavant, ses réseaux perdirent de leur efficacité. Dans les registres des archives de la Guerre, les minutes le concernant disparaissent après le premier trimestre 1642, malgré une activité soutenue en 1638, au dernier trimestre de 1640 et tout au long de l’année 164155. La solidarité familiale lui permit de réunir entre ses mains l’ensemble des biens de la lignée : son frère, Charles Vallier, sieur de la Blinière, ancien lieutenant au régiment de Navarre, devenu aumônier de Gaston d’Orléans et prieur de Saint Martin de Cueilly, près de Bayeux, lui abandonna ses droits et biens, notamment sur la Martinière qu’une cousine maternelle leur avait léguée56. La charge militaire, d’une valeur approximative de 2 000 livres, passa vraisemblablement à son fils, tué devant Stenay en 1654. Ce drame renforce, d’ailleurs, l’impression d’une moindre considération des milieux dirigeants vis-à-vis de Vallier : ce fils, dont nous ignorons le prénom, combattait devant Stenay comme volontaire, état à forte potentialité de reconnaissance sociale, mais peu représentatif d’une haute faveur palatine57.
30La proximité de Jean Vallier avec les milieux dévots n’aura pas été non plus faite pour l’aider. Son beau-frère Jacques Le Normant, abbé et parrain d’un de ses fils, pour s’en être extrait et s’être rapproché de Mazarin, fut voué aux gémonies58. Mais le sieur d’Osny, lui, resta proche de Condé, mariant sa fille avec un de ses capitaines, le comte de Chastellux. Il ne conserva ses fonctions que grâce à l’appui de Le Tellier59.
31Ce sont justement ces années 1640 qui marquèrent le début de l’écriture de ses Remarques journallières… Nous pouvons déduire des indications qui transparaissent du texte de Vallier que cette écriture fut différente à ses commencements de celle qui prévalut lors de la période de la Fronde. Le premier tome des Remarques couvrait la période 1642-1647. Or une indication sur un document des « Additions » de ce premier volume porte sur la revendication de la maison de Trémoille sur le royaume de Naples, portée à Münster aux ambassadeurs français en décembre 1648 : il y a donc fort à parier qu’elle se situait en fin de volume60. Folioté 282, nous en concluons que le premier volume comprenait une cinquantaine de pages par année. Loin des 159 pages de l’année 1648 ou des 361 de l’année 1649. La Fronde a modifié l’écriture des Petites Remarques… en les nourrissant abondamment, au point de se les accaparer aux yeux de la postérité. Et lorsque Vallier écrit : « mais combien les desseings des hommes sont ilz facillement renversez par ceste providence eternelle qui s’en mocque presque tousjours61 », la philosophie stoïcienne qu’il affiche renvoie inévitablement à ces difficultés sociales et à son espérance messianique.
32Peu porté par les faveurs royales, de quoi vivait Jean Vallier ? Avant tout de rentes et c’est par les rentes que son nom fut découvert62. Opposant au cardinal Mazarin, mais peu enclin à rejoindre les frondeurs, son attitude, que les historiens du xixe siècle ont interprétée comme une modération politique de bon aloi, était dictée par sa sensibilité eschatologique et sa compréhension de son environnement économique.
33L’identification de l’auteur des Remarques journallières… se fit grâce à son activité autour des rentes de l’Hôtel de ville, au moment où le Parlement de Paris tentait de canaliser les assemblées de rentiers. Si l’on en juge par les documents retrouvés, Jean Vallier dépassait largement le seuil minimum de représentation fixé à 500 livres. Il n’est pas exclu non plus qu’il ait pu bénéficier d’informations privilégiées pour le paiement des quartiers, ce qui pourrait expliquer son rôle de prête-nom en faveur de sa belle-mère, Adrienne Lhermitte. Mais les rentes que ses enfants se partagèrent en 1659 ne suggèrent aucun passe-droit : des rentes sur les trois millions de gabelles de 1635 dont les arrérages débutèrent en 1651, sur les Aides de 1632 payées en 1650 ou sur les grosses fermes de 1643 en 165963.
34Quelques documents notariés nous permettent d’entrevoir son activité de rentier en dehors du crédit public. À l’époque de la réforme monétaire de 1640, conformément au modèle de comportements décrits par Philip Hoffman, Gilles Postel-Vinay et Jean-Laurent Rosenthal dans leur essai Des marchés sans prix pour la période de Law ou la Révolution64, dès que la stabilisation monétaire se fit jour, les emprunteurs eurent tendance à rembourser leurs dettes, laissant leurs prêteurs en mal de revenus. Ce fut le cas, par exemple, de Jean Belhomme, marchand de Sannois en 1642. L’État ne fut pas le dernier à profiter de l’aubaine : Vincent Cenamy, conseiller du roi, mais surtout banquier bien vu en Cour, dédommagea Vallier en 1641 avec des espèces dévaluées65. Époque utilisée par Vallier lui-même pour investir, toujours à Sannois, dans des terres plantées de « fraiziers66 » : l’investissement était la meilleure protection contre l’affaiblissement de la monnaie de compte67. Avec un léger décalage, lorsque la stabilisation se confirma, ce fut le retour des prêteurs sur le marché pour de nouvelles opérations générant de nouveaux revenus : ainsi Vallier en 1643 et 1644 avec une série de baux à rente et de constitution de rente68. L’échec des négociations avec l’Espagne en 1648 ne pouvait que provoquer l’exaspération des investisseurs. La colère de Vallier envers Mazarin s’explique ainsi aisément : il craignait que le prolongement de la guerre ne déprimât une fois encore le marché du crédit, comme ce fut le cas lors des désordres monétaires entre 1635 et 164069 – et n’amputât sa fortune personnelle par l’effet conjugué de l’érosion du capital et de l’inflation.
35La Fronde connut aussi les affres des désordres monétaires avec un louis d’or fluctuant entre 7 et 12 livres. Mais ce qui caractérisa cette période, ce fut l’édit du 7 mars 1653 qui la clôtura, réussissant l’abaissement des monnaies, opération qui avait déjà été tentée en 1631 mais avait alors échoué70. Il en résulta une bien meilleure position des prêteurs sur le marché, avec des taux plutôt à la hausse. Significativement, si les périodes précédentes avaient enregistré une baisse du rendement des rentes, avec la suppression d’un quartier, puis d’un demi-quartier, en 1654 il fut impossible au gouvernement de les pousser plus bas encore71. Et Mazarin lui-même dut intervenir72 ! C’est l’année qui apparaît dans le texte de Vallier comme la moins « dangereuse ». Son attention portée aux débats du Parlement de Paris, qui fournira à des générations d’historiens la citation référente de l’absolutisme de Louis XIV, s’explique ainsi par son attention aux potentielles manipulations à venir73 : une nouvelle espèce, le lis d’or, que l’on essayait d’imposer à l’économie, présentait une surestimation (exprimée en monnaie de compte) de 9,45 % par rapport à la valeur fixée en 1653 pour le louis d’or74. La condition matérielle de Jean Vallier dépendait étroitement de l’évolution de la guerre, et sa continuation, interprétée comme une volonté mazarine, la rendait chaque jour un peu plus fragile.
36Un autre trait de caractère du cardinal était perçu comme une menace pour une famille à la recherche d’une plus grande considération sociale. Vallier oppose l’action gouvernementale de Richelieu, qu’il estime, à celle de Mazarin. Il explicite son choix en considérant le second trop enclin à favoriser la négociation et par voie de conséquence à faire prime des comportements déviants75. La postérité reconnaîtra à Mazarin de n’avoir jamais fait couler le sang de ses opposants, au contraire de Richelieu. Cette assertion recouvre en fait une approche différente du don comme outil politique76 et Vallier, issu d’une lignée fidèle au service du roi depuis la Ligue, ne se reconnaissait pas dans les manœuvres individuelles jouant sur un rapport de force entre partis. Toute une stratégie d’intégration des élites parisiennes, qui résultait d’une forte cohésion familiale, était bousculée. D’autant que cette ascension vers les honneurs était loin d’être achevée pour Jean Vallier ! Comme le faisait remarquer Claire Chatelain : « la solidarité interlignagère diminue et la patrilignée se renforce, citadelle fermée77… », pas du tout une bonne affaire pour Vallier ! C’est là toute l’incommensurabilité entre la politique d’un cardinal Mazarin, chef d’un parti qui n’avait pas partie gagnée, et l’archaïque maître d’hôtel Vallier, attaché à des règles sociales antérieures au ministériat de Richelieu, auxquelles l’affirmation de la raison d’État avait porté des coups fatals78. En ce sens, 1653 ne marquait pas, pour Jean Vallier, la fin du chaos.
Conclusion
37Le territoire qui aura le plus défini la vie de Jean Vallier fut certainement Paris. Pris dans l’engrenage d’une obligation d’ascension sociale, ses choix l’amenèrent peu à peu dans une série d’impasses. Une phrase de 1661, relevée dans le compte-rendu d’un conseil de famille chargé de veiller sur les intérêts de son plus jeune fils démontre cet échec : la vente d’une série de bénéfices lui est refusée, car le bien laissé par son père était trop modeste pour assurer son avenir79. Étatiste refusant le machiavélisme, Jean Vallier apparaît désemparé face à l’évolution du pouvoir : « le pouvoir cesse d’être une autorité naturelle s’exerçant au sein de communautés naturelles. Il devient une construction artificielle qui supplante les éléments naturels de la société. À cet égard, il joue le rôle d’un agresseur de l’ordre établi80. » Cette remarque d’Étienne Thuau pourrait servir d’introduction à l’inquiétude des acteurs de la Fronde. Vallier, en catholique d’État, voulut, par son écriture, tenir à distance le militantisme bruyant des Mazarinades. Opposant au cardinal Mazarin, il composa un texte qui est exactement le négatif d’une Mazarinade, une anti-Mazarinade.
1 L’expression s’inspire du livre de David Parrott, 1652. The Cardinal, the Prince and the Crisis of the Fronde, Oxford, Oxford University Press, 2020, sans partager certaines affirmations, comme le rôle des Mazarinades ou les potentielles « restrictions on royal power implied by the frondeurs and their reform program » (p. 41).
2 Christian Jouhaud, Mazarinades. La Fronde des mots, Paris, Aubier-Flammarion, coll. « Historique », 1985.
3 Le titre original du texte de Jean Vallier est Remarques journallières et veritables de ce qui s’est passé dans Paris et en quelques aultres endroitz du royaume et ailleurs durant les années [viennent les millésimes concernés selon le tome].
4 [Robert Arnauld d’Andilly], La vérité toute nue ou advis sincere et desinteressé sur les veritables causes des maux de l’Estat et les moyens d’y apporter remede, juin 1652, 23 p., [M0_4007].
5 Ibid. , p. 15 ; Journal de Jean Vallier, maître d’hôtel du roi (1648-1657), éd. par Henri Courteault et Pierre de Vaissière (t. 1 seul) [ensuite Vallier…], Paris, Renouard, t. 3, p. 242-243 (mai 1652). Sur le respect dû au premier ministre : Vallier…, t. 2, p. 213.
6 Vallier…, t. 4, p. 250.
7 Voir les remarques de Marc Fumaroli sur l’insertion par Gomberville et Bussy, « avec un scrupule d’archiviste paléographe », de documents authentiques dans leurs Mémoires : Marc Fumaroli, « Les Mémoires du xviie siècle au carrefour des genres en prose », xviie Siècle, n° 94-95, 1971, p. 11-12.
8 Vallier…, t. V, à paraître, Bibliothèque nationale de France [ensuite BnF], ms fr 10277 f° 114-115. À la manière de Virginie Cerdeira pour le Mercure françois, il est intéressant de se demander ce qui fait événement pour Vallier ? Si l’on en juge par un échantillon de notices, il existe une relation personnelle entre lui et l’information qu’il rapporte, soit qu’il en a été témoin ou acteur, qu’il soit familier du lieu, du personnage ou que le sujet ait été abordé d’une manière ou d’une autre dans son entourage. Sur la nature de l’événement : Virginie Cerdeira, Histoire immédiate et raison d’État. Le Mercure françois sous Louis XIII, Paris, Classiques Garnier, 2021, p. 90-93.
9 Vallier…, t. V, à paraître, BnF ms fr 10277 f° 162.
10 La nécrologie de Marie Le Normant, femme de Jean Vallier, en mars 1699, dans le Mercure Galant fait cette remarque : « …avant qu’il y eust des Intendans dans les Provinces, feu M. Vallier en avoit fait les fonctions en qualité de Commissaire du Roy à Rouen, Caen et Alençon… », Mercure Galant, mars 1699, p. 144. Madeleine Foisil (La révolte des Nu-Pieds et les révoltes normandes de 1639, Paris, PUF, 1970), insiste sur le fait que Vallier n’était pas intendant.
11 Gérard Ferreyrolles, « L’influence de la conception augustinienne de l’histoire au xviie siècle », xviie Siècle, n° 135, avril/juin 1982, p. 216-241. « C’est bien peu de chose que cette science et bien loin de fournir aux hommes un sujet de vaine complaisance, elle ne devroit donner qu’un sujet de s’humilier dans la vue de leurs foiblesses, puisqu’au mesme tems qu’ils se trouvent l’esprit rempli de cette infinité d’idées qu’ils ont tirées des histoires, ils se trouvent aussi dans l’impuissance de distinguer celles qui sont vraies de celles qui ne le sont pas. » (Pierre Nicole, Essais de morale, contenus en divers traités sur plusieurs devoirs importans, Paris, Deprez, 1755, t. 1, p. 28-29). Les premiers traités de morale de Pierre Nicole parurent en 1671.
12 Étienne Thuau, Raison d’État et pensée politique à l’époque de Richelieu, Paris, Albin Michel, 2000 [éd. originale, Paris, Armand Colin, 1966], p. 50.
13 Vallier…, t. 4, p. 343.
14 Vallier…, t. 4, p. 250.
15 Vallier…, t. 3, p. 138.
16 Vallier…, t. 1, p. 42.
17 Vallier…, t. 3, p. 147.
18 Archives de la Guerre (Service historique de la Défense, Vincennes) A149 pièce 28 : commission en faveur de Jean Vallier pour faire exécuter l’arrêt du Conseil du 16 janvier 1638 ordonnant l’imposition de 55 500 livres dans l’élection de Tours, en dépit de l’opposition des commissaires des tailles.
19 Vallier…, t. 4, p. 152 (Retz) ; t. 4, p. 392-393 (Cromwell) ; t. V, à paraître, BnF ms fr 10277 f° 198 (Khmelnytsky). Bohdan Khmelnytsky (1595-1657), hetman de la sitch des Cosaques Zaporogues.
20 Vallier…, t. V, à paraître, BnF ms fr 10276 f° 383. Vallier était donc favorable à la raison d’État, ou plutôt au coup d’État, que Louis XIII illustra à plusieurs reprises.
21 Vallier…, t. V, à paraître, BnF ms fr 10276 f° 368.
22 Ne peut-on voir ici encore l’influence des Confessions de saint Augustin, qui permit l’éclosion d’une « nouvelle génération » de Mémoires ?, Cf. Marc Fumaroli, art. cit., p. 27-30.
23 Vallier…, t. 2, p. 80.
24 Vallier…, t. V, à paraître, BnF ms fr 10276 f° 254 et sq.
25 C. Sorel, Divers traitez sur les droictz et prerogatives des Roys de France, tirez des memoires historiques et politiques, Paris, [s. n.], 1666, passim.
26 Alexandre Hazan, Le lys et le globe. Messianisme dynastique et rêve impérial en France aux xvie et xviie siècles, Seyssel, Champ Vallon, 2000, p. 187, 192 et 212. Voir aussi Myriam Yardeni, La conscience nationale en France pendant les guerres de religion (1559-1598), Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1971, qui souligne que l’idée de l’élection de la France était un élément ancien de la conscience nationale.
27 Alexandre Hazan, op. cit., p. 262.
28 Registre paroissial de l’église Saint-Pierre de Saumur, Arch. Dép. Maine-et-Loir, 5 Mi 770 (vue 483 pour l’acte de naissance de Jean Vallier, 584 pour le baptême d’Anne Vallier, fille de François et Anne de Boudeville, le 9 avril 1593).
29 Les continuateurs de Delamare (Traité de police, t. IV, voir ci-dessous) rappelaient que la Loire offrait 160 lieues navigables avec 112 affluents. Sur la communauté, regroupant vingt-deux villes à la fin du xvie siècle, voir Paul Mantellier, Histoire de la communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire et des fleuves descendant en icelle, Orléans, G. Jacob, 1867 ; sur le même sujet, des remarques utiles dans L’intendance d’Orléans à la fin du xviie siècle, édition critique de Jean Boissière et Claude Michaud, Paris, CTHS, 1989, p. 72 et sq.
30 Arch. dép. Maine-et-Loire, H 1934. Olivier Christin, « Dénoncer, dévoiler, démasquer : les iconoclastes de Saumur (1562) devant leurs juges », dans Énoncer/dénoncer l’autre. Discours et représentations du différend confessionnel à l’époque moderne, dir. Chrystel Bernat et Hubert Bost, Turnhout, Brepols, 2012, p. 91-108. Cet article donne la liste des iconoclastes (François Vallier, p. 104) et des témoins (Jean Vallier, p. 106). Voir aussi Célestin Port, « Pillage de l’abbaye de St Florent », Revue d’histoire littéraire et archéologique de l’Anjou, t. 1, 1867, p. 262-271 et Patricia Guitton, Violences et intolérances à Saumur durant les guerres de religion, mémoire de maîtrise, université d’Angers, 2000.
31 Arch. dép. Maine-et-Loire, 5 Mi 770, vue 223 (25 juin 1581, Marthe Foulon, marraine de Catherine Vallier) et vue 399 (13 mai 1588, Florence Desmontilz et Pierre Jacob parrainant un enfant).
32 Arch. dép. de la Vendée 111 J 48 (Fds Frizon de Lamotte).
33 Archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 172, f°51 et sq. L’acte qui précède est le pouvoir de Marie au procureur Pierre Priollay, marchand de Saint-Martin-de-la-Place (f°45).
34 Ainsi, la rente considérée comme immeuble, était conservée dans la lignée. Bernard Schnapper, Les rentes au xvie siècle. Histoire d’un instrument de crédit, Paris, S.E.V.P.E.N., 1957, p. 208.
35 Jean-Paul Pittion a publié les comptes de voyageurs écossais à Saumur. Il retrace ainsi leur itinéraire : « Les trois voyageurs quittèrent Paris le 12 janvier 1654 et suivirent l’itinéraire normal qui devait les conduire à Saumur : en carrosse d’abord jusqu’à Orléans via Étampes. D’Orléans, ils descendirent la Loire et passèrent par Blois, Amboise et Tours et débarquèrent à Saumur le 20 janvier. » (Jean-Paul Pittion, Histoire de l’Académie de Saumur, ch. 4 : « Séjourner à Saumur : les frères Kerr », p. 2, sur le site des archives de la ville de Saumur [site visité le 20/04/2020]).
36 Le Cler du Brillet, Continuation du traité de police [de Nicolas Delamare]. De la voirie, t. IV, Paris, J.-F. Herissant, 1738. Voir « Des turcies et levées ; de l’entretien et de la réparation de ces ouvrages », p. 544. Le coût des réparations pour l’élection de Saumur fut de 490 079 livres (p. 545). Ces intempéries rappellent que l’époque de la Fronde vit une inflation du prix des céréales du fait de mauvaises récoltes récurrentes.
37 Un exemple de ce type de contrebande dans : Yves-Marie Bercé, Histoire des croquants. Étude des soulèvements populaires au xviie siècle dans le sud-ouest de la France, Paris, Genève, Droz, 1974, t. II, p. 599-600. Jean-Claude Hocquet, Le sel et le pouvoir, Paris, Albin Michel, 1985, p. 352.
38 Les références dans Bibliothèque nationale de France, ms fr 25025 sont : 1er avril 1650, 8 avril, 15 avril, 22 avril, 29 avril et 13 mai. Sur l’échange des gouvernements, voir Les Gazettes parisiennes d’Abraham de Wicquefort pendant la Fronde (1648-1652), Claude Boutin éd., Paris, Champion, 2010, t. 2, p. 759 et p. 763. Voir également, La Gazette, n° 60 (26 avril 1650) : « la Reduction du chasteau de Saumur au service du Roy avec les articles de sa capitulation », p. 537-548. Mémoires de Monsieur de Gourville, Arlette Lebigre éd., Paris, Mercure de France, coll. « Le Temps retrouvé », 2004, p. 35.
39 Vallier… t. 2, p. 110.
40 Paul Dibon, Le voyage en France des étudiants néerlandais au xviie siècle, La Haye, Martinus Nijhoff, 1963, p. 27.
41 Voir un article précieux sur l’historien et l’échec : Caroline Le Mao, « L’échec, le temps et l’histoire : réflexions autour de la Fronde parlementaire bordelaise », Histoire, Économie et Société, 2006, n° 3, p. 311-334.
42 Anaïs Dufour, Le pouvoir des « dames » : Femmes et pratiques seigneuriales en Normandie (1580-1620), Rennes, P. U. R., 2013, p. 53.
43 Mariage Charlotte Vallier – Pierre Saver, 28 novembre 1603, Archives nationales, Y//143, f° 258 t, Y//144, f° 21. Inventaire après décès de Charlotte, archives nationales, minutier central, ét. XXIV, vol. 297 f°441 (21 mai 1627) ; inventaire après décès de Pierre Saver (18 sept. 1637), archives nationales, minutier central, ét. VII, Vol. 26 [non folioté].
44 Le contrat de mariage est daté du 15 janvier 1586, chez Chantemerle, notaire à Paris. Mais je n’ai pas pu en retrouver la minute.
45 Contrat de mariage, archives nationales, minutier central, ét. LXVIII, vol. 45, 27 juin 1579.
46 Archives nationales, minutier central, ét. CXXII, vol. 1076, 17 novembre 1544, Jean de Boudeville, seigneur de Vaux, époux de Madeleine Duval.
47 Archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 175, f° 75, sentence arbitrale 8 avril 1659. Le partage des biens de François Vallier est référencé dans ces minutes en date du 2 décembre 1629.
48 Contrat de mariage Jean Vallier, archives nationales, minutier central, ét. XC, vol. 188, 23 avril 1623. Sylvestre Le Normant qualifié d’intendant, voir archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 131, f° 157, acte concernant sa veuve, Adrienne Lhermite. Sur Sylvestre Le Normant, Gaspard Thaumas de la Thaumassière, Histoire de Berry, Bourges, 1689, p. 1096. Il est intéressant de noter qu’Adrienne Lhermite et son frère, Claude Lhermite, commissaire ordinaire aux guerres, étaient les enfants de Pierre Lhermite, trésorier du grand prévôt de France et d’Anne Le Sueur : contrat de mariage archives nationales Y//118 f° 2v° (1576), inv. après décès d’Anne Le Sueur, archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 192.
49 Jean-Paul Charmeil, Les Trésoriers de France à l’époque de la Fronde, Paris, Picard, 1964, p. 123.
50 Étienne Thuau, op. cit., p 147.
51 Archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 126, f° 33 : « Compte et brief estat des deniers recues par Me Jehan Fredy adat en Parlement comme procureur de Mre Jacques Le Normant, abbé du Mont saint Martin…», très intéressant document qui nous apprend que Jacques Lenormand fut le parrain, le 2 janvier 1633, de Jacques Vallier, fils de Jean. Bail de location, archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 127 f° 57, 14 août 1635.
52 André Corvisier, Les hommes, la guerre et la mort, Paris, Economica, 1985, p. 192.
53 Archives de la Guerre, 4 août 1638, A1 48 f° 145. Madeleine Foisil fait état de l’action de Jean Vallier en Normandie : Madeleine Foisil, La révolte des Nu-Pieds et les révoltes normandes de 1639, Paris, P.U.F., 1970, p. 57, 60, 67, 87, 91, 103, 105, 109, 111-113 et 236.
54 Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, Adolphe Chéruel éd., Paris, Imprimerie impériale, 1860, t. 1 p. 23 (10 avril 1643). Brienne énonce l’hypothèse d’un coup politique de de Sublet qui pensait être rappelé.
55 Thierry Sarmant, Cédric Giraud, Benjamin Mercier et Amable Sablon du Corail, Inventaire des archives de la Guerre. Des origines au règne de Louis XIII : 1570-1643, t. II et t. III (Index général), Vincennes, Service historique de l’armée de terre, 2002 : A141(1631-1637), A143 à A146 (janvier à juin 1638), A148 (1638), A149 (1638), A161 (fin 1640), A163 à A166 (janvier à décembre 1641), A168 (premier trimestre 1642).
56 Archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 139 f°56, 6 août 1641.
57 Vallier… t. V à paraître, BnF ms fr 10276 f° 159.
58 Son épitaphe est dans l’église Saint Médéric à Paris. Tallemant des Réaux, Antoine Adam éd., Historiettes, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade »,1961 t. II, p. 129, 130 et 1020.
59 Le comte de Chastellux, Histoire généalogique da la Maison de Chastellux, Auxerre, G. Perriquet,1869, p. 170. Voir Mémoires du cardinal de Retz, Aimé Champollion-Figeac éd., Paris, Éd. du commentaire analytique du Code civil, 1837, t. II p. 344-345 (Instructions du cardinal mazarin à Le Tellier). Un autre ami de Vallier gravitait dans l’orbite de Le Tellier, via le surintendant d’Aligre : François Coquille, sieur de Macqueline, qui servit de prête-nom pour le placement d’offices vendus par Étienne d’Aligre en 1650, voir Philippe Mauran, « L’absolue nécessité de courir le monde de Jean Guidon de Chambelle », Revue d’Histoire du Protestantisme, 2021, n° 1, p. 66.
60 Le 13 décembre 1648, par François Bertaut, abbé de Saint-Thomas du Mont-aux-Malades à Rouen, selon Olivier Poncet, « Des chartes pour un royaume. Les prétentions de la famille de La Trémoille sur le royaume de Naples au xviie siècle », Annuaire-bulletin de la Société de l’Histoire de France, 2007, p. 145-172.
61 Vallier… t. V, à paraître BnF ms fr 10276 f° 167.
62 Membre de l’univers hétéroclite des rentiers, il appartenait donc à un groupe de 30 à 40 000 personnes, dont une partie indéterminée ne vivait que de cette activité rentière.
63 Archives nationales, minutier central, ét. XVI, vol. 120, f° 109, 9 décembre 1659.
64 Philipp T. Hoffman, Gilles Postel-Vinay, Jean-Laurent Rosenthal, Des marchés sans prix, Paris, Éd. de l’EHESS, 2001, p. 232 (avec la remarque p. 357 : « les acteurs n’ont pas tous un seul et même comportement. »)
65 Archives nationales, minutier central, ét. XXI , vol. 140 f° 37, 22 janvier 1642 (709 livres 15 sols) et ét. XXI, vol. 138, f° 74, 7 février 1641 (9 284 livres cinq sols) ; Vincent Cenami fut un des banquiers de Mazarin. La somme reçue par Vallier correspondait-elle à un dû pour service du roi ? Voir Claude Dulong, Mazarin et l’argent. Banquiers et prête-noms, Paris, École des Chartes, 2002, ch. II p. 65-98.
66 Archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 138, f° 148.
67 Et la chute des rendements. Il est intéressant de mettre en parallèle l’hypothèse développée pour l’envolée hors de raison, entre 1635 et 1637, du prix des bulbes de tulipe potentiellement due à l’abondance de capital du fait des subsides français aux Provinces-Unies (et à la Suède) entraînant localement la chute des rendements de prêts (cf. James E. McClure et David Chandler Thomas, « Explaining the Timing of Tulipmania’s Boom and Bust: Historical Context, Sequestred Capital and Market Signals », Financial History Review, 2017, n° 24/2, p. 121-141). Ces mêmes subsides expliqueraient aussi les désordres monétaires en France (cf. Frank Spooner, L’économie mondiale et les frappes monétaires en France 1493-1680, Paris, Armand Colin, 1956, p. 311.
68 Baux à rente de Jean Vallier à divers en janvier 1643, archives nationales, minutier central, ét. XXI, vol. 143, f° 15 ; 38 et 44 [microfilm introuvable ; information extraite des répertoires] et ét. XXI, vol. 144, f° 24 et vol. 145, f° 3 (Bail à rente, janvier 1644 et constitution de rente, juillet 1644).
69 Vallier…, t. 1 p. 21-23.
70 Cet édit prévoyait une valeur du louis d’or de 12 livres entre le 7 mars et 30 juin 1653, 11 livres 10 sols du 30 juin au 30 septembre, 11 livres du 30 septembre au 31 décembre, de 10 livres 10 sols du 31 décembre 1653 au 30 mars 1654 et enfin 10 livres à partir du 30 mars 1654. La valeur des écus d’argent suivait la même logique, passant de 3 livres 10 sols à 3 livres. Pour la tentative de 1631, voir Franck Spooner, op. cit., p. 194. La valeur de l’écu avait déjà été baissée trois fois en 1630, mais était repartie à la hausse.
71 Vallier…, t. V, à paraître, BnF ms fr 10276 f° 7 et sq.
72 Vallier…, t. V, à paraître, BnF ms 10277 f° 22-23.
73 Vallier…, t. V, à paraître, BnF ms fr 10277 f° 12 et sq.
74 Le Lys d’or avait un titre élevé (23 carats ¼, 968 pour mille) et taillait 60 pièces ¼ au marc, soit 4,01 g. L’écu d’or, frappé en 1656, titrait 23 carats et taillait 72 pièces ½ au marc, soit 3,34 g. Le Lys d’or valait 7 livres, soit 1,80 livres le g. d’or ; l’écu 5 livres 4 sols, soit 1,63 livres le même g. d’or. On retrouve cette valeur de 1,63 l./g. d’or pour les louis d’or : la valeur marchande du Lys était donc en réalité : 6 livres 6 sols 5 deniers. Le louis d’or fut ensuite porté à 11 livres (contre 10 livres auparavant) : le g. d’or fut alors valorisé à 1,79 l./g. , la valeur voulue du Lys.
75 Ce point se retrouve, considéré sous un angle différent chez David Parrott, 1652, The Cardinal, the Prince end the crisis of the Fronde, New York, Oxford University Press, 2020, p. 264-266 : l’auteur, reprenant les études d’Orest Ranum sur la courtoisie dans la politique de Richelieu, souligne une « crise de déférence » à partir des années 1650, alimentée par le comportement de Mazarin, cherchant à éteindre les oppositions par d’importantes concessions.
76 Voir Orest Ranum, Les Bienfaits, la Gratitude et l’Action politique : une analyse du don et du pouvoir dans le Testament politique de Richelieu, Paris, Pages d’Histoire, 2018.
77 Claire Chatelain, Chronique d’une ascension sociale, Paris, EHESS, 2009, p. 272.
78 Robert Descimon et Christian Jouhaud, « la Fronde en mouvement : le développement de la crise politique entre 1648 et 1652 », xviie Siècle, 1984, n° 145, p. 305-321.
79 Archives nationales Y 3947 A, 11 février 1661 : il s’agissait de Pierre Vallier, écuyer : « […] interdit de la faculté de résigner lesd[its] benéfices dont il est pourvu tant à cause du peu de bien qui luy a esté laissé par led[it] sieur Vallier, son père, que le revenu desd[its] benéfices luy est necessaire pour subsister […] »
80 Étienne Thuau, op. cit ., p. 363 ; la note 1 de bas de page offre également une intéressante résonnance avec le parcours familial de Jean Vallier.
Premier numéro
© Revue du GRHis, « Revue du GRHis », n° 1,2025
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Quelques mots à propos de : Philippe Mauran
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