Sommaire
Mazarinades et territoires
Premier numéro
Volume dirigé par Stéphane Haffemayer et Patrick Rebollar Published by Stéphane Haffemayer and Patrick Rebollar
- Laura Bordes Étude et classement de la collection de mazarinades de la bibliothèque Méjanes : pour de nouveaux territoires de recherche
- Léonard Dauphant La géographie commune des mazarinades, témoignage des espaces mentaux des Français du xviie siècle
- Laurent Ferri Mazarin et les mazarinades dans la littérature pour la jeunesse (1870-1914)
- Myriam Tsimbidy Les enjeux agoniques des représentations du territoire dans le Recueil de diverses pièces curieuses de ce temps (1649)
- Antonella Amatuzzi Déterritorialiser les mazarinades pour étudier la variation du français classique
- Loïc Capron Guy Patin, un lecteur parisien de mazarinades
- Virginie Cogné Quand Condé dirige et informe Paris : la circulation de l’information pour le parti des Princes, été 1652
- Baptiste Etienne Mazarinades : le duc, la duchesse et la Fronde en Normandie
- Céline Graillat Quelques collections suisses de mazarinades
- Stéphane Haffemayer Les chansons de la Fronde : enjeux de territoires (1648-1653)
- Tadako Ichimaru En tirant le fil du Japon
- Carrie F. Klaus [L]e bonet en teste, la pourpre sur les espaules : Les Dames, la justice, et les mazarinades
- Édouard Klos Les mazarinades dans un territoire à l’écart des conflits, l’exemple de la ville de Lyon
- Teresa Malinowski La Pologne dans les mazarinades
- Takeshi Matsumura Sur quelques mazarinades en proverbes
- Philippe Mauran Le Journal de Jean Vallier et les territoires : géographie d’une anti-mazarinade
- Jean-Dominique Mellot La Muse dialectale (et frondeuse ?) de l’imprimeur-poète rouennais David Ferrand (1589-1660)
- Pierre Ronzeaud Points de vue sur cinquante ans d’études sur les Mazarinades
- Bruno Tribout Les mazarinades après la Fronde : l’exemple du recueil Foppens
- Patrick Rebollar De la fouille textuelle à la cartographie des mazarinades, l’exemple du LETSAJ
Mazarinades et territoires
Quand Condé dirige et informe Paris : la circulation de l’information pour le parti des Princes, été 1652
Virginie Cogné
1Au printemps 1652, Condé arpente la Guyenne pour solidifier ses acquis. Bordeaux, dans un élan insurrectionnel, est très instable. L’Ormée, et surtout la « petite Fronde », proposent des idées très radicales qui imposent de la prudence aux condéens. Le prince de Condé, devenu gouverneur de Guyenne en mai 1651, confie symboliquement la lourde tâche de maîtriser Bordeaux à son frère Armand de Conti ; dans les faits, Pierre Lenet s’occupe de l’administration et Ferdinand de Marchin dirige l’armée1. En outre, Pierre Lenet prend en charge les négociations avec l’Espagne.
2Condé revient à Paris périodiquement, mais il faut attendre le mois de juillet pour qu’il y entre avec son armée. L’historien Robert Descimon observe une scission entre la haute bourgeoisie et la bourgeoisie des milices qui se tourne vers Condé dans un moment de grandes tensions sociales et de grandes misères. Le 4 juillet 1652, une foule de gagne-petits s’agite sur la place de Grève. Les bourgeois de l’Hôtel de Ville refusent toujours de se soumettre aux princes ; ils sont massacrés par la foule2. À la fin du mois, le Parlement, fidèle aux princes après le départ à Pontoise de beaucoup de ses membres, octroie le titre de Lieutenant général du royaume à Gaston d’Orléans. À l’apogée de la Fronde des princes, Condé apparaît comme sa figure dominante. Pourtant, il peine à maintenir son ascendant sur la ville et à garder la confiance des Parisiens. Après le duel entre Beaufort et Nemours à la fin du mois de juillet, tout va de mal en pis. Condé renonce à Paris en octobre et continue sa résistance grâce au roi d’Espagne.
3Dans un contexte où la maîtrise de la foule est une condition nécessaire à la stabilisation du pouvoir princier à Paris, les informations échangées au sein des membres du parti, puis distribuées de façon ciblée dans certains quartiers parisiens, méritent l’attention. Comment les nouvelles de Guyenne voyagent-elles jusqu’aux mains des lecteurs parisiens pendant l’été 1652 ? Comment les condéens organisent-ils la communication entre les membres du parti vivant à Bordeaux et à Paris ? Comment la logistique et les rapports de pouvoir impactent-ils les contenus en circulation ? Ensuite, comment les informations sont-elles transformées pour créer un discours partisan qui est distribué dans la capitale ?
4Le territoire influence le discours partisan sur deux volets : l’acquisition de l’information, d’abord, et la publication de celle-ci, au sens de rendre public. Ainsi, la nécessité pour des partisans de se tenir informés sur des théâtres d’action éloignés, comme la Guyenne, impose la mise en place d’intermédiaires et le maintien d’échanges épistolaires fréquents. Le voyage long et périlleux de l’information relève de la fiabilité des personnes placées par Condé à Bordeaux et en Guyenne, autour de la personne centrale de Pierre Lenet. Ce dernier transmet les nouvelles importantes à son maître et aux principaux membres de la faction à Paris. Lorsqu’elle est en leur possession, l’information subit sa plus grande transformation puisqu’elle est triée et morcelée pour créer des mazarinades qui répondent aux besoins des discours partisans. La production de mazarinades informatives concernant Bordeaux et la Guyenne dépend aussi des délais de communication entre les membres du parti ainsi que de la volonté d’orienter la compréhension des événements, implicite dans le travail des « bureaux de presse3 ». Ensuite, la création d’un discours partisan prend en compte l’espace parisien pour imposer des stratégies de communication dans les rues de la ville. Certains secteurs, comme le faubourg Saint-Germain, semblent être la cible de campagnes d’information plus agressives, même si rien, pour le moment, ne permet de conclure que la mobilisation et l’incitation à la violence se vivent différemment d’un quartier à l’autre pendant la Fronde.
5Cet article expliquera les modalités de l’échange d’informations entre les acteurs de Bordeaux et de Paris. Puis, il démontrera que les informations recueillies sont spécifiquement choisies puis réécrites pour la construction de mazarinades à visée percutante. Enfin, il sera question de l’utilisation des communications écrites et orales dans les quartiers parisiens, notamment dans Saint-Germain-des-Prés. Cette dernière partie présentera la méthodologie utilisée pour retrouver des traces de l’intervention des condéens.
1. La logistique derrière le réseau d’information des condéens
6La transmission des nouvelles se fait par le réseau de la clientèle du prince de Condé. Les recherches de Katia Béguin ont montré que le maintien sur trois générations d’une clientèle solide permet à la famille de se hisser dans la hiérarchie sociale et de s’y maintenir malgré la défection du Grand Condé pendant la Fronde. K. Béguin présente un microcosme qui se cristallise autour des domestiques les plus puissants de la maison. Ces derniers profitent de la distribution des charges publiques sous la responsabilité de la famille4. Donc, la participation assidue des domestiques de Louis II de Bourbon-Condé pendant la Fronde s’inscrit dans une vie au service de la famille et dans des logiques familiales à long terme. En outre, comme le signale David Parrott, l’été 1652 offre des opportunités aux contemporains pour qui rien n’est joué d’avance5. Pendant la Fronde, certains des clients de Condé interviennent de façon importante dans le réseau de communication en raison de leur position sociale et de leurs responsabilités au sein du clan. Pierre Lenet, conseiller d’État et principal secrétaire du prince, véritable pierre angulaire des communications à Bordeaux, gère l’envoi du courrier vers la capitale où Jacques Caillet, deuxième secrétaire, organise la distribution des lettres entre les partisans.
1.1. Au centre du réseau d’information en Guyenne
7Pierre Lenet sert de moteur à la communication parce qu’il prend en charge la rédaction de rapports détaillés sur les actions politiques menées par le parti, sur la situation en Guyenne et sur les négociations avec l’Espagne. Aussi, le secrétaire administre le déplacement du courrier pour la famille et les clients de Condé.
8Le prince de Conti représente le prince de Condé et agit en son nom, mais Lenet rapporte les actions du benjamin de la famille. Un simple regard dans les fonds d’archives permet de constater la différence de contenu des correspondances du frère et du secrétaire du prince. Avant de juger trop sévèrement Armand de Conti, il faut prendre en compte que Condé a détruit une partie de sa correspondance : il ne reste que trois lettres attribuées à Conti pour le mois de juillet, mais il y a fort à parier qu’il écrit à chaque ordinaire. Malheureusement, les correspondances condéennes conservées dans les fonds du Château de Chantilly et de la Bibliothèque nationale de France ne rendent pas compte de l’ensemble des échanges épistolaires de 1652. Dans la correspondance, le jeune frère utilise un ton prudent. Il ne donne pas de précision sur le déroulement de ses actions, il laisse à Lenet le soin d’entrer dans les détails :
9Vous apprendrés par les lettres de Mr Lesnet l’estat des affaires de ce pais et l’esperance que nous avons d’avoir un secours d’Espagne d’hommes et d’argent6.
10Jean Gaspard Ferdinand de Marchin, homme de guerre au service de Condé depuis au moins 7 ans7, est l’homologue militaire de Lenet. Condé accorde toute sa confiance à Marchin et le place à la tête des troupes en Guyenne. Dans ses lettres, le prince valorise son leadership militaire et sa capacité d’action dans le conflit8. Généralement, Condé ne conserve pas la trace de ses échanges avec le comte, que l’on perçoit par l’intermédiaire de Lenet. Marchin correspond avec les deux hommes pour rendre compte des affrontements de l’armée et signifier ses besoins9.
11D’autres personnes écrivent aussi à Condé sans que celui-ci n’ait gardé de traces : notamment Charles Watteville (l’envoyé du roi d’Espagne) et Anne-Geneviève de Longueville. Le prince reçoit aussi des lettres du parlement de Bordeaux dont il conserve les originaux. Cependant, il incombe à Lenet d’agir comme informateur principal de Condé à Bordeaux et de produire des rapports détaillés en écrivant assidûment au prince à raison d’environ deux lettres par semaine, écrites les lundis et les jeudis, auxquels s’ajoute parfois une autre missive.
12Lenet gère la circulation du courrier entrant et sortant pour les condéens à Bordeaux. Par exemple, le 25 juillet, il envoie dans son paquet un rapport de Marchin concernant la situation à Villeneuve10. Le courrier de Conti passe également par ses mains. Enfin, Lenet écrit plusieurs lettres de sa main destinées aux collaborateurs de Condé à Paris avec qui il maintient une correspondance régulière : Jacques Carpentier dit Marigny ainsi que Pierre et Claude Viole. Dans un paquet daté du 3 juillet, Condé demande à Lenet de transmettre une lettre destinée à Watteville s’il le juge pertinent11. Lenet ne le fait pas et préfère garder la lettre dans ses dossiers, sans s’en justifier dans une lettre ultérieure.
13Certes, les lettres pourraient passer par Conti, mais Condé choisit de laisser ce rôle à une personne de confiance. D’ailleurs, en l’absence de Lenet au printemps 1652, c’est le président à la Chambre des Enquêtes au Parlement de Paris Pierre Viole, client de la famille, principalement rattaché à Mme de Longueville qui prend en charge les communications. Condé garde la mainmise sur son courrier en le faisant passer par son agent, dont la fidélité est plus stable, du fait de son statut de client, que celle de sa fratrie. Dans son étude, Nicolas Schapira documente cette particularité du rôle des secrétaires qui effectuent « un ensemble de gestes liés aux besoins de la correspondance12 » pour rassembler le travail entre les mains d’un seul domestique. Il y a donc une sorte de centralisation des fonctions épistolaires dans les mains de Lenet.
14En plus de la gestion des échanges dans le parti, Lenet établit une forme de gestion documentaire, comme la conservation des copies de ses propres lettres en témoigne. Il archive précieusement les originaux :
J’envoye maintenant une copie de la lettre que Mr de St-Agoulin a escrit du 3 de ce mois […] et copie de celles de Mr dom Louis à V.A. et à Mr le prince de Conty[.] Je garde tous ces originaux et vous savez pourquoy13.
15Le paquet contient aussi l’original d’une lettre du roi d’Espagne. Il poursuit donc avec des instructions pour le prince qui doit lui renvoyer le papier original « pour faire obéir Mr de Vatteville et parce que je la metteray avec toutes les au[tr]es14 ». Enfin, Lenet n’hésite pas à transmettre des duplicatas de ses échanges aux personnes susceptibles d’en bénéficier pour qu’elles puissent « [agir] en conformités de icelles suivant l’intention de [Condé]15 ». Donc, en plus de produire de l’information, ce que font aussi Ferdinand de Marchin et Armand de Bourbon-Conti, Lenet organise et archive les documents tout en administrant sa circulation et sa distribution. Là encore, N. Schapira démontre que les secrétaires conservent souvent les archives de leur maître sans les posséder, ce qui limite leur pouvoir d’action auprès du seigneur, mais qui permet une distinction par rapport aux autres domestiques en tant que détenteur de la mémoire du prince16.
1.2. Avec patience et précaution
16La majorité du courrier des condéens passe par la poste ordinaire qui offre une certaine régularité, mais une partie de la correspondance voyage entre les mains de messagers recrutés parmi les clients de la famille ou des seigneurs impliqués dans les échanges. Au total, le volume des échanges semble suffisant pour que le prince soit au fait de la situation en Guyenne, mais la distance à parcourir reste le principal écueil pour l’accès à une représentation juste de l’actualité.
17Du mois de mars au mois d’octobre, au moins 562 lettres17 circulent entre Condé et ses collaborateurs, 70 lettres par mois, plus de deux lettres par jour, en moyenne. Le voyage entre Paris et Bordeaux se fait habituellement par des paquets qui rassemblent plusieurs papiers, leurs points de départ sont généralement l’hôtel de Condé et la résidence de Lenet. Par exemple, Armand de Conti et Ferdinand de Marchin écrivent à Condé le 17 juin. Ils transmettent les missives à Lenet qui y ajoute des lettres au président Viole, à l’abbé Viole et à son maître qu’il achemine à Paris le lendemain, 18 juin. Le tout arrive à Paris le matin du 23 juin (possiblement dans la nuit du 22 au 23). Ce même jour, les correspondants parisiens répondent à leurs correspondants bordelais. Claude Viole affirme qu’il a reçu sa lettre et qu’il a lu celle de son frère : « Ce matin [23 juin,] j’ay receu la vostre du 17 […] Mon frere m’as [sic.] montré celle que vous luy escrite18 ».
18Les condéens utilisent les ordinaires de la poste pour la majorité de leurs échanges comme en atteste Marigny : « Je n’ay laissé passer aucun ordinaire sans vous écrire et quand vous ne receuvez point de mes lettres dites assurément qu’on vous les a prises19 ». Dans une lettre subséquente, Lenet confirme la réception de ces ordinaires20.
19Les dates d’envoi et de réception des lettres dans les fonds de Condé et de Lenet montrent que la vitesse du courrier varie beaucoup. Plus de la moitié des lettres dont l’arrivée est attestée et datée parcourt la distance entre Paris et Bordeaux en 5 à 7 jours. Le chemin inverse prend en moyenne 9 jours. Paris et Bordeaux se trouvent à un peu moins de 600 km l’une de l’autre. Selon les observations de Stéphane Haffemayer sur les délais de publication de la Gazette, un voyage moyen de 9 jours entre les deux villes est une estimation réaliste21. Dans son étude sur les mazarinades informatives de 1652, Marion Bertrand remarque que le délai moyen pour la communication entre Bordeaux et Paris est de 7 à 9 jours22. La moyenne proposée par mes résultats cache des données plus surprenantes sur la variation du temps de voyage : certaines lettres du corpus mettent 10, 15, 20 jours pour parvenir à leur destinataire. Les témoignages retrouvés ne justifient pas ces retards, mais les difficultés rencontrées sur le chemin proposent une piste intéressante.
20En effet, le conflit amène la dévastation dans les provinces françaises, et l’historien Jean Jacquart insiste, en 1960, sur l’impact particulièrement marqué de la Fronde des princes sur les régions rurales, et ce, surtout à proximité de Paris. Cette situation affecte la circulation des individus et du matériel, limitant le ravitaillement, les communications et l’emprise des partis frondeurs sur le territoire puisque des populations affaiblies ne peuvent plus participer au recrutement et se désolidarisent, à l’occasion, pour se replier sur elles-mêmes23. Au contraire, deux messagers réalisent l’exploit de transmettre le courrier de Paris à Bordeaux en un peu plus de deux jours.
21Pendant la période qu’on qualifie de guerre civile (septembre 1651 – octobre 1652), les troupes de Condé et celles de la Cour se battent pour le contrôle de la région de la Charente et de l’Île-de-France24. Dans ces conditions, la circulation de la poste et des messagers est hasardeuse. D’ailleurs, les condéens se tiennent informés de l’allégeance des villes. En avril, Henri de La Force écrit à Condé pour l’assurer de l’appui des villes de Périgueux et de Villeneuve (Guyenne) parce que les autorités locales trouvent leur compte dans la situation25. L’espace français n’est pas garanti, il se négocie constamment entre les différents partis et la population qui l’habite. Cette situation affecte la façon de gérer les déplacements et la réalisation même de ces déplacements qui peuvent accuser un retard à cause de la météo et de l’état des chemins.
1.3. Le secrétaire auprès du prince
22Jacques Caillet est au cœur de la gestion logistique des communications condéennes à Paris. Sa fonction de secrétaire personnel du prince le met au contact de tous les secrets du parti, même ceux inconnus des autres clients, et il devient le principal narrateur des aventures de son maître pour Lenet. Le lendemain de la bataille du faubourg Saint-Antoine, Condé écrit : « Je me remets à la lettre que Caillet vous escrit pour vous faire scavoir les nouvelles de deça et sur tout ce qui se passa hier aux portes de Paris26. » De surcroît, le secrétaire couche sur le papier les lettres de son maître avec sa belle calligraphie. La formulation des phrases suggère que l’ouvrage ne se fait pas sous dictée : Condé passe une commande pour la rédaction du texte qu’il vérifie avant l’envoi. Le prince signe toutes les lettres et y ajoute généralement un post-scriptum de sa main qui traite d’informations personnelles, comme de la santé des membres de sa famille, ou qui propose une recommandation oubliée dans le texte initial. Caillet transcrit et écrit toujours les codes pour le prince. Il sait donc tout ce qui se transmet par le réseau et sa connaissance de la situation, par rapport à la correspondance, n’est pas différenciée de celle de son maître.
23À Paris, Caillet prend en charge la distribution des paquets, en plus de rédiger sa correspondance et celle du prince de Condé27. Le 8 septembre, Marigny se plaint : la distribution des lettres livrées à l’hôtel de Condé se voit retardée par l’absence du secrétaire en campagne auprès de son maître. Il précise que cette méthode retarde la répartition du courrier aux collaborateurs parisiens28. Pierre Viole se plaint à quelques reprises de recevoir son courrier après tout le monde. La situation finit par se résorber29, mais elle souligne la dépendance des partisans envers Caillet. Un peu amer, La Rochefoucauld propose un commentaire semblable :
Il ne faut pas vous estoner si je ne recoy pas vos lettres si tost que les autres bien que vous les addressées à Mr Caillet parce que ne me rencontrant pas à la reception du pacquet et ledit Sr Caillet chargé d’aultant d’affaires qu’il est. Il ne me les charge pas aussi tost30.
24Ces plaintes viennent-elles d’une exaspération causée par la lenteur des communications ? Le président Pierre Viole et La Rochefoucauld ressentent peut-être une certaine impuissance, même si le ton du second semble résigné. Sinon, ces critiques contre Caillet servent-elles à le discréditer devant l’officier le plus puissant de la famille, Lenet ? Les correspondances du corpus ne permettent pas de trancher cette question. Caillet atteste parfois de son travail pour rassurer Lenet sur la bonne circulation des échanges : « J’ay receu vostre derniere despesche du 5e du courant avec les lettres qui y estoient jointes que j’ay toutes rendues en main propre à leurs addresses31 ».
25Un certain agacement ressort des lettres de Condé par rapport à la lenteur des échanges et au décalage constant entre l’action et la réception du récit. Pourtant, l’information finit par arriver à Paris et aide le prince à imposer sa domination parce qu’il sait ce que font ses alliés, ce qui arrive dans le royaume et l’état de ces propres affaires grâce au rôle fonctionnel de Lenet et de Caillet.
2. L’objet « nouvelle » : les choix de médiatisation concernant Bordeaux
26L’axe Bordeaux-Paris crée un espace d’échange partisan entre Condé et Lenet qui fournit de la matière aux propagandistes du parti. D’abord, Lenet envoie des nouvelles de Bordeaux, mais la ville sert aussi de point de relais pour toute la Guyenne et pour les nouvelles venant d’Espagne. Puis, le bureau de presse du prince utilise le contenu de ces lettres pour composer des mazarinades32. Il profite ainsi de l’accès à des informations privilégiées.
2.1. Quelles nouvelles de Bordeaux ?
27Comme l’affirme Orest Ranum, les rapports qu’envoie Lenet servent largement à mettre en valeur ses actions et à minimiser ses échecs33. Néanmoins, ils sont, pour Condé, la principale source d’information sur Bordeaux, sur la Guyenne et sur les négociations avec l’Espagne. La production de ces rapports par Lenet et la circulation des lettres rythment l’acquisition de renseignements pertinents pour le prince dans ses choix stratégiques et politiques.
28Dans une lettre du 3 juillet, Condé exprime son « extrême desplaisir » quant aux « derniers emportemens des bourgeois de Bordeaux les uns entre les autres » ajoutant que « c’est une des choses du monde qui me donne le plus d’inquiétude34 ». Le prince parle du soulèvement du 27 juin où les ormistes prennent le contrôle de l’Hôtel de Ville et partent assiéger chez eux, dans le quartier Chapeau Rouge, les parlementaires dont les domestiques, fortement armés, repoussent les révoltés35. Cet « emportement » coûte beaucoup plus aux ormistes qu’aux membres du parlement en vies humaines36. Le reste du commentaire est codé : Condé ordonne à Lenet et à Conti d’« appaiser » l’Ormée37. Donc, à la veille du massacre de l’Hôtel de Ville de Paris (4 juillet), Condé sait que l’Hôtel de Ville de Bordeaux a été pris par les ormistes et que le déplacement de la foule vers les résidences personnelles des parlementaires était une erreur. Se pourrait-il que le prince tente de faire d’une pierre deux coups en faisant concorder la prise de l’Hôtel de Ville par la foule et le déchaînement de celle-ci contre les élites municipales pour ne pas répéter le scénario du 27 juin à Bordeaux, pour éviter un dérapage ? La question reste en suspens : d’autres personnes à Paris devaient connaître la situation à Bordeaux.
29Sur le conseil de Lenet, Conti demande aux capitaines de Bordeaux de soutenir officiellement le parti et de ne pas agir sans son accord ou celui de Condé38. Lenet ne doute pas vraiment de l’obéissance des capitaines qu’il croit fidèles au prince. Toutefois, il pense important de réaffirmer le pouvoir condéen et de garantir le respect des consignes. Le 10 juillet, le secrétaire affirme que l’Ormée est calme et que Conti a rencontré les dirigeants de la petite fronde pour s’assurer de leur soumission39. En fait, le prince de Conti négocie constamment et démontre le pouvoir du clan dans ses échanges avec la petite et la grande fronde en faisant mine de donner de l’importance à ces groupes que Condé méprise40.
30Dans toutes ces lettres, Lenet rapporte des actions politiques des ormistes, du conseil des trente et des membres du parlement qui continuent d’avoir du crédit même si le parlement n’est pas en activité41. Par conséquent, il narre aussi leurs échanges avec les condéens qui passent surtout par Conti et par lui-même. Le 15 juillet, les Bordelais sont heureux de « l’union » des princes avec la ville de Paris, mais Lenet souligne l’importance de chasser les gens « suspects42 ». La grande fronde, qui se rencontre à l’Hôtel de Ville, commence à vouloir que le « peuple » se pacifie : il est question de les « désarmer » pour une reprise du travail43 ». Le maintien des activités agricoles et commerciales est constamment souhaité, notamment pour les vendanges ; la viniculture amène des revenus importants pour la région et la guerre perturbe déjà beaucoup l’économie locale.
31Les lettres de Lenet et de Marchin offrent un portrait de la situation militaire en Guyenne : les combats, les sièges, etc. Par exemple, le 30 juin, Lenet mentionne des dissensions entre Marchin et Balthazar, un autre client de Condé, au camp de Bergerac44. Lenet reformule certains rapports de Marchin qui sont aujourd’hui perdus. Il envoie aussi à son maître des nouvelles de la gestion des troupes espagnoles à Bourg par Watteville et commente l’arrivée des forces venant d’Espagne45.
32D’ailleurs, les négociations avec l’Espagne ne sont pas très fructueuses. Le 28 juin, Lenet, informé par Watteville de l’arrivée d’une frégate, se rend à Bourg pour protester contre l’insuffisance de l’aide financière offerte46. La situation inquiète les créanciers du prince puisque des 36 000 patagons47 promis, seuls 16 000 arrivent à Bordeaux48. Le secrétaire écrit à Luis de Haro et à Saint-Agoulin, tous deux en Espagne, pour s’en plaindre49. En outre, il rappelle à Condé le respect et les marques d’attention dont il doit faire preuve pour encourager la fidélité de ses alliés. Par exemple, Lenet prend les devants, avec l’aide du président Viole, pour commander de beaux ouvrages reliés destinés au roi d’Espagne50 ou encore : « Souvenez vous aussy de remercier dom Louis des beaux chevaux qu’il a envoyés à V.A. 51 ». Enfin, le secrétaire presse Condé de négocier avec l’ambassadeur du Portugal pour qu’il fasse retirer les « dix ou douze grands gallions52 » qui menacent les forces condéennes et espagnoles.
33À l’été, Lenet et Saint-Agoulin négocient la libération du duc de Guise acceptée au mois de juillet. Le secrétaire écrit à Condé : « Monsieur de Guise sera icy pour le moins aussy tost que ce courrier, V.A. m’envoyera s’il luy plaist la lettre nécessaire à Mr de Vatteville pour le mettre hors de prison53 ». Il demande aussi des instructions pour imposer la volonté de Condé au duc de Guise.
34Le caractère radical de la Fronde bordelaise rend l’ingérence condéenne difficile, voire paradoxale. L’Ormée de Bordeaux revendique des droits républicains, notamment quant à la participation politique et militaire des citadins54. Ces demandes sont incompatibles avec la volonté de Condé qui souhaite s’imposer en maître sur Bordeaux. Toutefois, le prince désire stabiliser la violence dans la ville coûte que coûte55. Les agents de Condé réussissent à s’imposer, dans une certaine mesure. Le récit de Lenet sert à se mettre en valeur lui-même et à justifier ses actes. Appuyé par Conti, il est probable que ce prince ait aussi demandé d’être bien mis en valeur dans la narration envoyée à son frère. Deux thématiques ressortent principalement de ces rapports : l’insuffisance des ressources matérielles, humaines et, surtout, financières pour garantir le pouvoir de Condé, ainsi que l’importance de pacifier la campagne et de calmer la main-d’œuvre avant les vendanges.
2.2. Bordeaux dans le corpus du Projet Mazarinades
35Une recherche par mots clefs dans l’ensemble des 2709 pièces du corpus incluant les différentes graphies de Bordeaux identifie 242 occurrences pour l’année 165256. Le choix restrictif du mois de juillet s’impose pour favoriser une comparaison entre les informations envoyées par Lenet et les publications concernant Bordeaux. Seules deux mazarinades57 parlent sérieusement de la situation en Guyenne et informent le public sur la question : Le manifeste dv comte d’Harcovrt58 et La levée dv siege de Villenevve d’Agenois59. Ces textes font partie de deux ensembles identifiés par Moreau « Levée du siège de Villeneuve d’Agénois. — 2 juillet » et « Le comte d’Harcourt abandonne son armée » qui traitent de l’échec de la campagne du comte à Villeneuve d’Agen60 en Guyenne.
36Donc, les nouvelles concernant Bordeaux et la Guyenne arrivent par des mazarinades qui leur sont spécialement consacrées sans apparaître dans les autres. En revanche, les mazarinades de 1652 non classées dans la suite chronologique de Moreau méritent l’attention d’autant plus que ce dernier ne propose pas d’entrée pour la prise de l’Hôtel de Ville ni pour le massacre des émeutiers à Bordeaux le 27 juin. Il serait surprenant qu’aucune mazarinade n’aborde ce sujet surtout dans le contexte où la difficulté d’obtenir des nouvelles de Guyenne permet aux condéens de formuler une narration de l’actualité en tentant de contrôler les réactions du peuple parisien.
2.3. Les émotions tempérées par le récit : la fin du siège de Villeneuve d’Agen
37Les condéens goûtent avec amertume la fin du siège de Villeneuve d’Agen en août 1652 alors que leurs contemporains ne semblent pas y porter attention. Pourtant, ils instrumentalisent le récit sur un ton victorieux pour encourager le maintien du difficile effort de guerre et calmer la population citadine.
38Villeneuve se trouve à un peu plus d’une centaine de kilomètres de Bordeaux. Ville frondeuse, ses habitants résisteront au pouvoir royal jusqu’au 13 août 165361, un mois après la soumission de Bordeaux. À l’été 1652, le comte d’Harcourt assiège Villeneuve pendant deux mois avec ses hommes et fait creuser des tranchées autour de la ville. La résistance acharnée des bourgeois commandés par le marquis de Theobon leur vaut des félicitations du prince de Condé, informé de leurs exploits par Lenet et Marchin62.
39Au mois de juillet, Lenet entend quelque rumeur sur la fin du siège. Il dément tout de suite cette information en affirmant que le comte d’Harcourt aurait subi beaucoup de pertes parmi ses rangs63. Lenet écrit le 18 juillet que Ferdinand de Marchin s’est rendu sur place pour voir l’état de la ville : « Mr de Marchin est allé traite[r] le secours de Villeneufve qui est tousjours mesme estat que par ma precedente, le bruit de la levee de siege est faux64. » Marchin rédige des rapports pour le prince, mais rien n’a été conservé, il est donc difficile de connaître l’état de la ville au moment du siège. Apparemment, de fortes pluies ont mis à mal les tranchées à la fin du mois de juillet, mais Harcourt s’acharne sur Villeneuve65. Enfin, le comte d’Harcourt lève le siège le 9 août et part vers Agen66. Pour une raison inconnue, Célestin Moreau a daté cet événement du 2 juillet. Lenet annonce la nouvelle à Condé dans une lettre du 10 juillet, probablement écrite après la réception de celle de Machin.
40Le 10 août, Lenet écrit une lettre courte ; elle témoigne de la détresse, voire d’un sentiment de panique : « nous sommes aux abois67 », affirme-t-il en introduisant son propos. Lenet annonce la défaite de l’armée navale contre les vaisseaux de la cour, l’argent d’Espagne se fait toujours attendre, le duc de Lorraine a fait un arrangement avec la Cour et il n’y a pas de nouvelle du duc de Guise. La lettre se termine avec cette phrase : « J’oubliois à vous dire que le siege de Villeneufve est levé, et que nous [avons] le Co[m]te d’Harcour[t] à nos trousses68. » D’une part, la fin du siège apparaît comme une nouvelle secondaire ; il en va de même dans les lettres suivantes. D’ailleurs, en accusant réception de la lettre qui confirme définitivement la fin du siège, Condé n’y fait aucun commentaire69.
41D’autre part, la levée du siège signifie que le comte d’Harcourt risque d’errer en Guyenne avec ses soldats qui pourraient commettre des pillages et des violences. Lenet attend plus d’informations avant de confirmer l’état des choses hors de tout doute. De son côté, Condé préfère le maintien du siège qui occupe les troupes du comte. Devant l’incertitude, il commande, par un message codé, de presser une attaque contre le marquis du Plessis-Bellière avant que le comte d’Harcourt ne déplace ses soldats pour lui offrir de l’aide70. Le prince formule cette demande le 19 août et reçoit le 22 août la confirmation de la levée du siège71. Le 26 août, Condé envoie des instructions à Lenet concernant la posture qui doit être adoptée pour gérer la circulation des troupes d’Harcourt en Guyenne, cette lettre se veut plutôt rassurante sur la capacité d’action des condéens dans cette affaire72.
42La méconnaissance, puis l’incertitude de Condé concernant la levée du siège durent 13 jours, du 9 au 22 août. Les mémorialistes, même les plus volubiles, commentent peu ce qui entoure la levée du siège. Dubuisson-Aubenay rapporte le maintien du siège en date du 2 août73, alors que Jean Vallier annonce l’abandon de l’armée par le comte d’Harcourt dans la deuxième moitié du mois d’août74 (il s’agit d’un autre fait, daté du mois de juillet par Célestin Moreau). La Rochefoucauld mentionne rapidement la fin du siège, sans le dater ni le contextualiser, et il l’interprète comme une « petite disgrâce75 » pour le comte d’Harcourt. De leur côté, Pierre Lenet et Valentin Conrart ne disent rien sur le sujet. La fin du siège de Villeneuve apparaît comme un événement de peu d’importance pour les contemporains. Cet événement mineur n’a pas de retombées à moyen ni à long terme ; la majorité des mémoires écrits bien après la Fronde n’en parlent pas. Pourtant, les condéens mobilisent la résistance de Villeneuve dans le discours public.
2.4. Le récit publié pour diriger l’agressivité de la foule
43Nicolas Vivenay imprime trois mazarinades glorifiant la ténacité des bourgeois de Villeneuve pour mettre en scène la solidité de l’appui aux princes en Guyenne et la faiblesse des troupes royales. Une comparaison entre les documents contenus dans les fonds de Lenet et les mazarinades en question permet de proposer une date de publication approximative pour mieux comprendre comment ces textes s’intègrent dans le paysage médiatique parisien.
44La première mazarinade, Relation de ce qui s’est passé à Villeneuve d’Agenois76, est probablement publiée au mois de juillet 1652. Elle raconte les débuts du siège à la mi-juin, puis elle relate deux exploits des Villeneuvois et la fonte d’une cloche pour faire un canon. Je n’ai pas retrouvé ces éléments dans les sources, je ne peux donc confirmer ou critiquer ces informations. Le texte glorifie les actes des acteurs impliqués, notamment le marquis de Théobon, véritable héros de Villeneuve ; les bourgeois de la ville « qui n’ont autre but que de faire triompher les armes de Monsieur le Prince77 » ; les paysans qui mettent le feu à une maison contenant des soldats ennemis ; et un certain Peichegut, frère ou fils de Théobon. La ville est mentionnée trois fois comme actrice, toujours en soulignant son attachement à Condé, à noter que la forme générique « prince » remplace le nom propre : « Villeneuve merite des acclamations publiques, de ce qu’elle a demeuré ferme & inesbranlable dans sa fidelité qu’elle doit au Prince78 ». En outre, le texte souligne l’« épouvante », la « deroute » et les échecs fréquents contre les bourgeois villeneuvois. Tout un lexique autour du courage et de la bravoure montre une glorification des frondeurs méritants contre d’impitoyables et froussards soldats.
45Pour la deuxième mazarinade, Relation du secours jetté dans Ville-neufve d’Agenois, par le comte de Marchin79, Vivenay publie un texte adapté d’une lettre de Marchin datée du 29 juillet dont la réception est accusée le 5 août par Condé. Cette lettre n’existe plus, toutefois Marchin produit aussi une lettre pour Lenet cette journée-là. Le militaire écrit un rapport sur son passage à Villeneuve. Les contenus de la lettre et de la mazarinade se ressemblent sauf que le texte est complètement réécrit et contient des précisions chiffrées. D’abord, les qualités littéraires limitées de Marchin produisent des lettres efficaces mais ennuyeuses ; il n’est pas étonnant qu’un travail de mise en récit ait été fait. Ensuite, Marchin a possiblement écrit des précisions sur le nombre d’officiers dans chaque compagnie à Condé sans en faire part à Lenet. Sinon, Vivenay pourrait inventer des données quantitatives pour augmenter l’effet de réel. Malgré le ton optimiste sur la force de Villeneuve, le lexique opère un glissement progressif vers celui du « secours » et de la « prevoyance ».
46Guillaume de La Court, imprimeur de Condé à Bordeaux, publie la troisième mazarinade avant qu’elle ne soit réimprimée par Vivenay80 après le 19 août, et probablement autour du 22, moment où Condé reçoit la confirmation de la levée du siège de Villeneuve. Le ton change définitivement, il s’est nuancé. Beaucoup de phrases, surtout au début du texte, oscillent entre le malheur des ennemis et le bonheur paisible des frondeurs. Une phrase avec une double négation introduit le texte : « VOVS n’auriez pas de sentiment du bien public ; & vous seriez ennemy de la Prouince, si vous ne goûtiez comme vous deuez la bonne Nouuelle de la leuée du Siege a Ville-neufue d’Agenois81. » Pour parler des actes des hommes d’Harcourt comme de ceux des Villeneuvois, l’auteur mobilise le lexique du deuil : « tristesse », « affliction », « perte », « desolation », « playes », « persecution », « larmes », etc. Le texte encourage la mobilisation bourgeoise, mais il reconnaît l’effort et la nécessité de se « sur-passer82 », de continuer les efforts. Les bourgeois : « connoissent trop bien le prix de leur persecution pour s’en plaindre, & se ressouuiennent que pour moissonner en Ris, il est necessaire de semer en Larmes83. » Enfin, le texte appelle à la modération et se veut rassurant sur la ruine de l’armée du comte d’Harcourt affaiblie par le siège84.
47Les trois récits publiés par Vivenay montrent comment les condéens instrumentalisent un événement sans grande importance pour encourager la mobilisation de la population (vive ou prudente) selon leurs besoins. La distance et le peu d’information sur la Guyenne qui semble circuler à Paris permettent aux condéens de proposer leur propre narration sans qu’elle ne soit contestée par des mazarinades concurrentes. De plus, la proposition d’une datation approximative permet de souligner un changement rhétorique qui s’opère dans l’espace d’un mois.
48En somme, la maison de Condé profite de ses connaissances privilégiées sur la situation à Bordeaux pour tenter de convaincre la population de Paris que des victoires flamboyantes assurent la continuité de la Fronde. Elle joue sur deux fronts : exalter les réussites d’une part et, d’autre part, contrôler les humeurs de la foule pour encourager ou calmer la révolte.
3. Les efforts de Condé pour s’imposer sur Paris
49Hubert Carrier a largement commenté la distribution et la vente des mazarinades, quel qu’en soit le format. Le Pont Neuf a une place de choix dans ces travaux puisqu’il s’agit du principal point de vente et d’affichage des mazarinades ainsi que d’un endroit de choix pour galvaniser la foule jusqu’à l’émotion populaire85. De surcroît, Carrier identifie les crieurs de Condé qui excitent la foule pour créer des émeutes : le commandeur de Saint-Simon qui dirige les opérations, dame Anne qui est très connue de son milieu et certainement la plus influente de toutes ces personnes, Pesche et Bon Laneau86. Les trois premiers habitent l’hôtel de Condé. On retrouve ces personnages à plusieurs moments de la Fronde et dans toutes les grandes émotions populaires. Réputés pour leurs actions partisanes, on en sait peu sur les lieux où ils agissent sur la foule en amont des violences.
3.1. L’ambiance dans les rues parisiennes
50En janvier 1652, il n’y a plus d’autorité royale sur Paris et Gaston d’Orléans établit son pouvoir entouré des autres princes du sang. Beaucoup de violences sont commises dans la ville à cause de la guerre civile et des échauffourées partisanes, mais aussi à cause de la misère sociale ambiante. Les alentours de Paris sont dévastés par l’effort de guerre, les combats et le passage de troupes en repos. Aussi, la mauvaise récolte de 1651 se fait sentir dans les ventres fatigués de la guerre87.
51Le soir, les tambours battent régulièrement dans la ville pour appeler les milices à la mobilisation pour le lendemain. Ils rythment aussi le passage des milices pendant leurs déplacements dans la ville. Du 28 avril au 4 mai, Dubuisson-Aubenay affirme que les tambours résonnent tous les soirs vers 22 heures dans les différents quartiers, notamment le quartier Saint-Honoré, les faubourgs Saint-Antoine, Saint-Victor et Saint-Marceau ainsi que sur le Pont Neuf et dans les alentours88.
52Pendant tout le conflit, les contemporains ont à cœur de connaître leurs alliés et leurs ennemis. Les frondeurs publient des listes contenant les noms et les adresses des partisans présumés de Mazarin89. Dans ses actions, le peuple cible parfois des personnes politiques ou leur parenté. Lorsque des frondeurs assiègent le président Thoré dans une maison du quai des Orfèvres, Condé vient à son secours et explique aux gens présents « que ce président était bon homme et que c’étaient seulement les mazarins qu’il fallait jeter dans la rivière90 ». Faire connaître les partisans adverses permet donc de canaliser la violence, au contraire les princes risquent de perdre des alliés précieux sous la colère de la foule. Donc, les condéens doivent organiser la diffusion des informations profitables pour le parti en ciblant des quartiers de la ville pour y distribuer des mazarinades et pour envoyer les crieurs.
3.2. La difficulté de connaître la diffusion des mazarinades en 1652
53Les mémoires des contemporains, utilisés par Carrier, contiennent des informations précieuses sur la distribution des mazarinades et sur les interventions des princes. Cependant, on peut douter qu’un lien puisse être établi avec la violence de certains secteurs de la ville. Bien sûr, beaucoup d’accrochages se produisent sur le Pont Neuf ou sur les quais, mais l’incertitude persiste quant à la provenance des individus. De surcroît, beaucoup de contemporains témoignent de la violence et de l’agitation dans les faubourgs de la ville. Les références au faubourg Saint-Germain-des-Prés dans les mémoires de Dubuisson-Aubenay, du cardinal de Retz, de Jean Vallier, de Valentin Conrart et du père Berthod présentent le faubourg comme un vivier de petite criminalité où se recrute la « canaille91 ». Très sévère à l’égard de la population parisienne, la fiabilité des témoignages offerts par les mémorialistes peut être mise en doute. Dans son journal, Dubuisson-Aubenay nomme la population de quatre façons : peuple, menu peuple, populace et canaille. Ces façons de qualifier le groupe délégitiment les actions menées et la validité des réactions de la foule dans l’adversité ; si la populace émet des protestations, voire des cris en public, la canaille commet des violences et des émeutes.
54Vallier parle de « désordres » commis par la milice :
Il n’y avoit presque point d’heure au jour qu’il n’y eût quelqu’un de tué aux portes et que l’on n’y pillât divers carrosses, mais particulièrement vers le faubourg Saint-Germain, où l’insolence du menu peuple étoit plus effrénée qu’en aucun autre quartier de la ville ; car il ne falloit que dire : « Voilà un mazarin ! » pour le voir aussitôt maltraité, volé, battu et, bien souvent, assommé, sans que les Princes y voulussent pourvoir, ni que le Parlement en osât faire justice, non pas même en prendre connoissance92.
55Dubuisson-Aubenay confirme par plusieurs exemples ce que dit Vallier. En outre, il raconte que des volontaires sont recrutés pour l’armée des princes dans le faubourg93. Un mépris évident de la population amène peut-être les mémorialistes à surévaluer la violence dans certains secteurs de la ville plutôt que de présenter une vue d’ensemble. Les mémoires seraient des « auto-portraits94 ». En ce sens, ils témoignent plus de l’aversion, voire de la crainte, des mémorialistes envers le peuple et particulièrement envers la population des faubourgs.
56Les actions ciblées des princes dans les quartiers de Paris sont difficiles à cerner. D’abord, le lieutenant civil n’intervient pas auprès des colporteurs et des imprimeurs pendant l’été 1652 : malgré son désir d’imposer des peines sévères, la popularité de la Fronde à Paris le maintient dans une inaction remarquée par ses contemporains95. Dans ce cas, comment détecter la présence des agitateurs dans les quartiers de la ville ? Il faut donc se tourner vers d’autres sources. Deux cartons du baillage de Saint-Germain-des-Prés datent de 1652. Le bailli ne reçoit pas de plainte sur la vente de libelle ou sur des crieurs96.
57Bref, ce survol des possibilités pour améliorer notre compréhension de la diffusion des mazarinades dans les quartiers parisiens s’avère peu fécond. L’exploration de la justice seigneuriale à Saint-Germain-des-Prés ne permet pas d’affiner les connaissances proposées par H. Carrier sur la question. Ce chantier devra être exploré lors de futures recherches.
3.3. La communication non médiatique
58Les grands, surtout Condé et Beaufort, s’imposent dans la ville par une présence concrète. Ils interagissent avec les Parisiens, règlent en personne certains problèmes, crient même dans les rues pour mobiliser les bourgeois. Par exemple, le 10 juin 1652, la rumeur court que des prisonniers de la Conciergerie tentent une évasion97. Le Parlement se mobilise et demande à Gaston d’Orléans d’intervenir en prétextant que c’est ce que le roi aurait fait, sans succès. Le duc d’Orléans ne bouge pas. Pourtant, au Parlement, on prend au sérieux cette menace et on tente d’empêcher l’évasion : le conseiller Molé envoie chercher 15 à 20 hommes chez son père. Le prince de Condé, le duc de Beaufort et le maréchal d’Étampes arrivent sur place, affirmant qu’il s’agit d’une fausse nouvelle, ce qui attise le mécontentement98.
59Le 21 juin, Condé et Beaufort sauvent des parlementaires des émotions populaires : « Au sortir [du Parlement], Vassan, jeune conseiller, a été tiré et outragé par la canaille qui l’eut mis en pièces sans le duc de Beaufort99. » À l’occasion de cet incident, Condé part pour porter secours au président Thoré. Puis le duc se rend à la Place Royale pour s’exprimer devant la foule : il encourage le pillage des maisons des mazarins en dévoilant une liste de ceux-ci. Par cet appel à la violence assez clair, Beaufort dirige l’agressivité sur des individus désignés à l’avance. Ce n’est pas la dernière fois que Beaufort s’adresse à la foule, d’autres témoignages rapportent, entre autres, ses cris dans la rue pour la mobilisation des bourgeois du faubourg Saint-Antoine le jour de la bataille100. Beaufort attire la sympathie du peuple101, même lorsqu’il tue en duel le duc de Nemours, personnage important de l’entourage d’Orléans et de Condé.
60Ces exemples montrent que le prince de Condé et le duc de Beaufort ont conscience de leur image publique. Ils choisissent des moments propices pour tenter d’influencer la foule et ils identifient des publics pour transmettre leur message. Sans doute, Condé prend-il en compte la foule et ses réactions. Il est fort probable qu’il demande à ses crieurs d’investir les faubourgs et les quartiers chauds de la ville en 1652, mais l’état des sources ne m’a pas permis de confirmer cette hypothèse.
Conclusion
61Cet article observe les parcours de l’information en commençant par sa création jusqu’à sa diffusion dans les rues de Paris, en passant par l’échange partisan et la production médiatique. En d’autres mots, l’objet « information » subit des transformations dans son parcours à travers le territoire français : entre Paris et Bordeaux, entre l’hôtel de Condé et la rue. L’espace impose un rythme à l’information comme aux activités humaines qui y sont liées.
62L’emprise du territoire sur la communication se vit donc dans la lenteur des échanges épistolaires et, parfois, dans l’incertitude. Dans le cas étudié, il ne faut pas oublier que la structure du réseau de clientèle de Condé influe aussi sur la qualité des informations qui transitent entre les partisans. En outre, beaucoup de lettres ont été perdues ou volontairement détruites, ce qui relativise un peu les résultats présentés. Ensuite, les condéens profitent de l’éloignement entre les villes pour dicter un récit sur l’actualité de Guyenne. Le territoire sert le parti et impose l’ignorance aux Parisiens, qui ne sont peut-être pas dupes de la supercherie.
63L’utilisation de l’espace parisien par les condéens pose davantage de questions parce que les actions de communication sont plus significatives que les écrits et parce que les témoignages sur la question sont peu nombreux et imprécis. Que disent les crieurs condéens lorsqu’ils convainquent la foule de s’énerver ? Comment vont-ils chercher la confiance des personnes qui les suivent ? Comment abordent-ils les personnes : seul, en petit groupe, en foule ? Beaucoup d’interrogations restent encore sans réponse.
Bibliographie
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1 Dans ses mémoires, La Rochefoucauld explique que Condé doute des capacités de son frère et qu’il connaît les compétences de ces hommes de confiance (Cf. François de La Rochefoucauld, Mémoires [rééd. de Paris, Bossard, 1925], Paris, Cœuvres-et-Valsery / Ressouvenances, coll. « Chefs-d’œuvre méconnus / Fac-similés », 1994, p. 242).
2 Robert Descimon, « Autopsie du massacre de l’Hôtel de Ville (4 juillet 1652). Paris et la "Fronde des Princes" », Annales, vol. 54, no 2, 1999.
3 Hubert Carrier propose ce terme pour désigner les équipes travaillant à la diffusion de l’information autour du duc d’Épernon, du cardinal de Retz, du prince de Condé et du cardinal Mazarin (Cf. Hubert Carrier, La presse de la Fronde (1648-1653) : les mazarinades. La conquête de l’opinion, tome 1, Genève, Droz, coll. « Histoire et civilisation du livre », 1989, p. 88).
4 Katia Béguin, Les princes de Condé. Rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, 1999.
5 David Parrott, 1652: The Cardinal, the Prince, and the Crisis of the « Fronde », Oxford, Oxford University Press, 2020, p. 9-12.
6 Lettre de Conti à Condé le 11 juillet 1652, Château de Chantilly, Cabinet des lettres, série P, tome XII, f. 309.
7 Jean Gaspard Ferdinand de Marchin (1601-1673) est maréchal de camp dans l’armée à partir de 1645. En 1646, Condé demande une charge pour lui, qui est refusée. Cf. Katia Béguin, op. cit., p. 100 et 428.
8 Voir notamment, la lettre de Condé à Marchin le 23 juin 1652, BnF, Ms Fr 6707, f. 232.
9 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 29 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 145.
10 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 25 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 5v.
11 Lettre de Condé à Lenet le 3 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 14v.
12 Nicolas Schapira, Maîtres et secrétaires (xvie-xviiie siècles). L’exercice du pouvoir dans la France d’Ancien Régime, Éditions Albin Michel, coll. « L’Évolution de l’humanité », 2020, p. 13.
13 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 10 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 50.
14 Ibid.
15 Lettre de Lenet à Saint-Agoulin (copie) le 7 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 41.
16 Nicolas Schapira, op. cit., p. 250.
17 Ce chiffre provient des correspondances conservées à Chantilly ainsi que des papiers de Lenet et du portefeuille du prince de Condé gardés à la Bibliothèque nationale de France. On y compte 389 originaux, 78 copies et 95 mentions de lettres aujourd’hui disparues (Château de Chantilly, série P, tome XII ; BnF, Ms Fr 6707-6711 ; BnF, Ms Fr 6731).
18 Lettre de l’abbé Viole à Lenet le 23 juin 1652, BnF, Ms. Fr. 6707, f. 234.
19 Lettre de Marigny à Lenet le 4 août 1652, BnF, Ms. Fr. 6709, f. 24.
20 Lettre de Marigny à Lenet le 28 août 1652, Bnf, Ms. Fr. 6709, f. 207.
21 Stéphane Haffemayer, L’information dans la France du xviie siècle. La Gazette de Renaudot de 1647 à 1663, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 261.
22 Marion Bertrand, « Les gazetiers frondeurs : les mazarinades et la presse d’information en 1652 », Mémoire de maîtrise, Université Lumière, Lyon 2, Lyon, 2014, p. 84.
23 Jean Jacquart, « La Fronde des Princes dans la région parisienne et ses conséquences matérielles », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 7, no 4, 1960, p. 257-290.
24 Pour Jacquart, les affrontements autour de Paris visent expressément à maintenir une ligne d’approvisionnement pour la ville. C’est pourquoi Condé tente de sécuriser certains accès à la Seine. L’armée royale dirigée par Turenne doit aussi structurer son ravitaillement pour soutenir l’effort de guerre. Cf. ibid., p. 260-264.
25 Lettre d’Henri de La Force à Condé le 23 avril 1652, Château de Chantilly, série P, tome XII, f. 211.
26 Lettre de Condé à Lenet le 3 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 14-14v.
27 Marigny est parfois responsable de la distribution du courrier, mais ce n’est pas habituel : « Monsieur de St Père m’a donné ce matin votre pacquet. Je ne manqueray pas de rendre en main propres les lettres que vous m’avez adressees […] ». Lettre de Marigny à Lenet le 19 juin 1652, BnF, Ms. Fr. 6707, f. 209.
28 Lettre de Marigny à Lenet le 8 septembre 1652, BnF, Ms. Fr. 6710, f. 68-69.
29 Lettre du président Viole à Lenet le 21 août 1652, BnF, Ms. Fr. 6709, f. 144.
30 Lettre de La Rochefoucauld à Lenet le 8 septembre 1652, BnF, Ms. Fr. 6710, f. 62.
31 Lettre de Caillet à Lenet le 12 août, BnF, Ms. Fr. 6709, f. 96.
32 On peut le retrouver grâce à une recherche par mots clefs dans le corpus en ligne des RIM (Équipe RIM [Recherches internationales sur les mazarinades], cf. http://mazarinades.org/).
33 Orest Ranum, La Fronde, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Univers historique », 1995, p. 290.
34 Lettre de Condé à Lenet le 3 juillet, loc. cit.
35 Orest Ranum, op. cit., p. 287-288.
36 Ibid.
37 On comprend que le prince s’inquiète de l’instabilité de la foule ormiste et de l’emportement qui, dans la victoire, ont amené les émeutiers à diriger leur agressivité vers les parlementaires. Lettre de Condé à Lenet le 3 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 14.
38 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 4 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 23.
39 Condé reçoit cette lettre le 16 juillet. Lettre de Lenet à Condé (copie) le 10 juillet, loc. cit.
40 La représentation démographique de ces deux groupes est différente et mène à une interprétation différenciée de la révolte contre Mazarin. Leurs interprétations ne sont pas vraiment compatibles avec le pouvoir que veut s’attribuer Condé. Mais dans l’immédiat, le prince a besoin d’une pacification des groupes dans la ville. Conti sert donc de médiateur et d’autorité pour intervenir selon les demandes de l’un ou de l’autre (Cf. Orest Ranum, op. cit., p. 288-290).
41 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 1er juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 2.
42 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 15 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 66.
43 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 1er juillet, loc. cit.
44 Ibid.
45 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 15 juillet, loc. cit.
46 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 1er juillet, loc. cit.
47 Il s’agit d’une monnaie d’argent frappée pour les Pays-Bas espagnols pesant 28 g. Selon l’époque, le patagon vaut entre 48 et 60 sols français (Michel Amandry [dir.], Dictionnaire de numismatique, Paris, Larousse, 2006). Pendant la Fronde, l’Espagne offre une aide financière à Condé avec cette unité monétaire.
48 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 4 juillet, loc. cit.
49 Ibid.
50 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 10 juillet, loc. cit.
51 Ibid.
52 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 15 juillet, loc. cit.
53 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 10 juillet, loc. cit.
54 Orest Ranum, op. cit., p. 283‑286.
55 Lettre de Condé à Lenet le 3 juin 1652, BnF, Ms. Fr. 6707, f. 149 ; lettre de Condé à Lenet le 3 juillet 1652, loc. cit.
56 Pour ce faire, on utilise la suite de caractères proposée par Patrick Rebollar : « bordea.*|bo[u-v]rdea.* » (Patrick Rebollar, « Bordeaux dans les Mazarinades en ligne, approches méthodologiques », dans Écritures de l’événement : les Mazarinades bordelaises, dir. Myriam Tsimbidy, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, coll. « Eidôlon », 2015, p. 76).
57 Le résultat a été réduit en ne gardant que les textes dont le propos date, selon la « Liste chronologique des Mazarinades » de Moreau (Célestin Moreau, Bibliographie des mazarinades, tome 3, Paris, Jules Renouard et cie, 1850, p. 368-372.), du mois de juillet : ce qui isole 19 mazarinades. Toutefois, dans la majorité des cas, le nom de la ville n’est mentionné que de façon accessoire et banale. Bordeaux sert simplement l’argumentaire ou la mise en récit d’autre chose.
58 Anonyme, LE MANIFESTE DV COMTE D’HARCOVRT, SVR SON ARRIVÉE EN la Ville de Brissac. FAISANT COGNOISTRE LE DESSEIN du Cardinal Mazarin, de s’emparer de cette Forteresse, qui estoit le sujet de sa retraitte hors de France, Paris, Samuel de Larru, 1652, Référence RIM : [M0_2392].
59 Lanauze, LA LEVÉE DV SIEGE DE VILLENEVVE D’AGENOIS, ESCRITE PAR VN GENTILHOMME de ladite Ville d’Agenois, à vn Bourgeois de la Ville de Bourdeaux, Paris, Nicolas Vivenay, 1652, Référence RIM : [M0_2298].
60 Aujourd’hui, Villeneuve-sur-Lot, Lot-et-Garonne.
61 Michel Pernot, La Fronde, Paris, Éditions de Fallois, 1994, p. 337.
62 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 11 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 54v.
63 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 15 juillet, loc. cit.
64 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 18 juillet 1652, BnF, Ms Fr 6708, f. 80v.
65 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 29 juillet, loc. cit.
66 Lettre de Marchin à Lenet le 10 août 1652, BnF, Ms Fr 6709, f. 75-75v.
67 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 10 août 1652, BnF, Ms Fr 6709, f. 79.
68 Ibid., f. 79v.
69 Lettre de Condé à Lenet le 22 août 1652, BnF, Ms Fr 6709, f. 149-150.
70 Lettre de Condé à Lenet le 19 août 1652, BnF, Ms Fr 6709, f. 153-153v et 155.
71 Lettre de Lenet à Condé (copie) le 15 août 1652, BnF, Ms Fr 6709, f. 115 ; Lettre de Condé à Lenet le 22 août, loc. cit.
72 Lettre de Condé à Lenet le 26 août, BnF, Ms Fr 6709, f. 182.
73 « Villeneuve d’Agenois toujours assiégé par le comte d’Harcourt, qui y a encore six mil bons hommes, mais en perd beaucoup par la grande resistance de Theobon et des habitans excellents tireurs qui sont irrités du sac de Lauzerte. » (François-Nicolas Baudot Dubuisson-Aubenay, Journal de Mr Dubuisson-Aubenay, Bibliothèque Mazarine, Fonds général, Manuscrits Dubuisson-Aubenay, Ms 4414, p. 202).
74 Jean Vallier, Journal de Jean Vallier : maître d’hôtel du roi (1648-1657), tome 4, Paris, 1902, p. 30-33.
75 François de La Rochefoucauld, op. cit., p. 287.
76 Anonyme, RELATION DE CE QUI S’EST PASSÉ À VILLENEUFVE D’AGENNOIS, Par les genereux Exploits des Bourgeois et Habitans de ladite Ville. Soubs la conduite de Monsieur le Marquis de Theobon, avec le nombre des Morts, et des Prisonniers faits sur l’Armée du Comte d’Harcourt, Paris, Nicolas Vivenay, 1652, référence RIM : [M0_3120].
77 Ibid., p. 4.
78 Ibid., p. 3.
79 Anonyme, RELATION DU SECOVRS JETTÉ DANS VILLENEVFVE D’AGENNOIS, PAR MR LE COMTE DE MARCHIN, Lieutenant General des Armées du Roy, soubs l’authorité de Mr le Prince. Auec la prise de la Serre-Balthasar prés Bazas, Paris, Nicolas Vivenay, 1652, référence RIM : [M0_3121].
80 Il s’agit respectivement des mazarinades [M5_268] et [M0_2298]. Hubert Carrier, La conquête de l’opinion, op. cit., p. 468 ; Marion Bertrand, op. cit., p. 66.
81 Lanauze, op. cit., p. 3.
82 Ibid., p. 6.
83 Ibid., p. 7.
84 Ibid., p. 4-5.
85 Hubert Carrier, La presse de la Fronde (1648-1653) : les mazarinades. Les hommes du livre, tome 2, Genève, Droz, coll. « Histoire et civilisation du livre », 1991, p. 177-181.
86 Hubert Carrier, La conquête de l’opinion, op. cit., p. 113-119.
87 Jean Jacquart, op. cit.
88 François-Nicolas Baudot Dubuisson-Aubenay, op. cit., p. 115-121.
89 Anonyme, LA LISTE GENERALE, DE TOVS LES MAZARINS, Qui ont esté declarez & nommez, demeurans dans la ville & Faux-Bourgs de Paris. Auec leurs Noms, Surnoms & demeures, Paris, François Malaize, 1652, référence RIM : [M0_2317].
90 François-Nicolas Baudot Dubuisson-Aubenay, op. cit., p. 159-160.
91 François-Nicolas Baudot Dubuisson-Aubenay, op. cit.
92 Jean Vallier, Journal de Jean Vallier : maître d’hôtel du roi (1648-1657), tome 3, Paris, Renouard, 1902, p. 242.
93 François-Nicolas Baudot Dubuisson-Aubenay, op. cit., p. 174-175.
94 Frédéric Briot propose le terme (Frédéric Briot, « Comment croire les mémorialistes sur parole ? », dans Cardinal de Retz. Mémoires. Anthologie critique, dirigé par Pierre Ronzeaud, Paris, Klincsieck, coll. « Parcours critique », 2005, p. 134 ; voir aussi Revue des Sciences humaines, no 238, 1995, p. 53-64), mais la subjectivité des mémoires est discutée depuis longtemps (voir notamment Derek A. Watts, « Les journées des Barricades racontées par les mémorialistes », dans La Fronde en questions, Actes du dix-huitième colloque du Centre méridional de rencontres sur le xviie siècle (Marseille 28-29, Cassis 30-31 janvier 1988), Colloque préparé, textes recueillis et publiés par Roger Duchêne et Pierre Ronzeaud, Aix-en-Provence, Presses de l’Université de Provence,1989, p. 51-60).
95 Hubert Carrier, Les hommes du livre, op. cit., p. 367-368. De plus, le fonds de la Cour des Aides aux Archives Nationales ne conserve rien sur les colporteurs ou les crieurs (AN, Cour des Aides, Z/1a/864 et Z/1a/869).
96 Ce fonds ne contient pas, non plus, de référence explicite à la guerre civile dans les conflits pris en charge par la justice seigneuriale : même les insultes évoquent le monde interlope sans utiliser un lexique qui pourrait rappeler la Fronde. Cela dit, le bailli de Saint-Germain-des-Prés entend beaucoup de causes concernant la violence entre personnes (AN, Juridictions ordinaires royales et seigneuriales, Seigneurie de Saint-Germain des Prés, Z/2/3507 et Z/2/3508).
97 François-Nicolas Baudot Dubuisson-Aubenay, op. cit., p. 150.
98 Ibid.
99 Ibid., p. 159.
100 Valentin Conrart, Mémoires de Valentin Conrart, Paris, Foucault, coll. « Collection des mémoires relatifs à l’histoire de France », 1825, p. 108.
101 Le duc est réputé pour être un mauvais orateur. Le cardinal de Retz le décrit comme un personnage de peu d’esprit qui « fut l’idole [du peuple] quelque temps » (Jean-François-Paul de Gondi, Mémoires, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2003, p. 216).
Premier numéro
© Revue du GRHis, « Revue du GRHis », n° 1,2025
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/grhis/index.php?id=123.
Quelques mots à propos de : Virginie Cogné
Doctorante en histoire à l’Université du Québec à Montréal et à l’Université Rouen-Normandie, prépare une thèse sur la circulation de l’information pendant la Fronde.