Mazarinades et territoires

Premier numéro

Volume dirigé par Stéphane Haffemayer et Patrick Rebollar

Published by Stéphane Haffemayer and Patrick Rebollar

Mazarinades et territoires

[L]e bonet en teste, la pourpre sur les espaules : Les Dames, la justice, et les mazarinades

Carrie F. Klaus


Texte intégral

1Ouvrages souvent subversifs et à usage éphémère, la plupart des mazarinades, 83% selon Hubert Carrier, ont paru sans nom d’auteur1. Des propagandistes de tous les côtés de la Fronde ont pourtant inventé des locuteurs de rang, d’âge, de situation de famille, de profession, et de lieu géographique divers et ont employé ces voix pour transmettre leurs messages politiques. Parmi ces locuteurs imaginés, l’on trouve de nombreuses femmes, des filles de joie jusqu’aux grandes princesses, et en passant par des vendeuses de poisson et de fruit aux marchés parisiens, des figures légendaires comme Sainte Geneviève et Jeanne d’Arc, et même la Samaritaine, la pompe à eau sur la rive droite de la Seine, qui discute avec une nouvelle statue resplendissante d’Henri IV sur le Pont Neuf2. Dans ces pamphlets, il n’est pas toujours possible de distinguer les voix inventées des voix authentiques (terme en soi problématique), d’identifier avec certitude des actes de ventriloquie. C’est le cas d’une série de mazarinades présentées comme des lettres des dames des parlements de Bordeaux et de Paris et parues à l’automne 1650.

2Depuis janvier 1650, Louis II de Bourbon, prince de Condé, est prisonnier de la couronne avec son frère, Armand de Bourbon, prince de Conti, et son beau-frère, Henri II d’Orléans, duc de Longueville. Les femmes de sa famille, c’est-à dire sa sœur, sa mère, et son épouse – Anne-Geneviève de Bourbon, duchesse de Longueville ; Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse douairière de Condé ; et Claire-Clémence de Maillé-Brézé, princesse de Condé – participent activement, de là où elles sont, à la campagne de libelles pour la libération des princes. En avril-mai 1650, la princesse de Condé et son fils alors âgé de six ans, Henri-Jules de Bourbon, duc d’Enghien, prennent la route pour la Guyenne, où la rébellion a repris force, en large partie du fait de l’opposition des Bordelais à Bernard de Nogaret de La Valette, duc d’Épernon et gouverneur de la province. À la mi-mai, la princesse de Condé et son fils arrivent à Turenne, à deux cents kilomètres à l’est de Bordeaux, et retrouvent deux alliés, Frédéric-Maurice de la Tour d’Auvergne, duc de Bouillon, et François VI, prince de Marcillac et duc de La Rochefoucauld3. À la fin du mois de mai, ces ducs, à la suite d’une victoire sur le duc d’Épernon à Limeuil, s’approchent de Bordeaux. Le parlement de cette ville, réticent au départ, mais cédant enfin à la pression des habitants, ouvre ses portes à la princesse et à son fils à la fin du mois de mai et aux ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld début juin4. Cette décision, comme Orest Ranum le note, est l’équivalent d’une déclaration de rébellion ouverte contre le roi : « Pour tout parlement, pour toute ville, autoriser l’entrée d’un rebelle éminent dans ses murs revenait à se déclarer en état de révolte contre le roi5 ». Anne d’Autriche, régente du royaume, et son premier ministre, le cardinal Jules Mazarin, le comprennent bien.

3Après des semaines mouvementées, le parlement de Bordeaux vote à la mi-juillet l’alliance avec les partisans de Condé. Ce corps envoie par la suite une délégation vers le nord pour demander le soutien du parlement de Paris, dans son désir de faire remplacer le duc d’Épernon. Cependant, quand le parlement de Paris envoie ses propres députés pour en discuter avec la couronne, Mazarin refuse de les voir. Le cardinal et la régente prennent eux-mêmes la route vers le sud dans l’espoir de maîtriser les condéens, comme ils l’ont fait plus tôt dans l’année en Normandie et en Bourgogne6. En Guyenne, pourtant, la régente et le cardinal sont confrontés à la force unie des parlements de Bordeaux et de Paris, en plus de celui de Toulouse, qui s’est allié avec les deux autres pour demander le remplacement du duc d’Épernon. La couronne rencontre aussi les ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld – puissants, populaires, et éloquents – ainsi qu’une opposition croissante à l’emprisonnement des princes. Au début du mois d’août, Gaston de France, duc d’Orléans, dans son rôle de lieutenant général du royaume, prive le duc d’Épernon de son poste de gouverneur et envoie des médiateurs pour négocier, en échange, le départ de Bordeaux de la princesse de Condé, du duc d’Enghien, et des ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld. Le parlement de Bordeaux permet néanmoins à ces rebelles de rester, ce qui amène la couronne à assiéger la ville à la mi-août7.

4Le siège de Bordeaux, qui dure jusqu’en septembre, voit des pénuries des deux côtés, des désertions dans l’armée royale, des ravages dans les campagnes, des pendaisons et, à la différence du siège de Paris l’année précédente, des soucis sérieux pour les vendanges, dont dépend toute l’économie de la région. Le parlement de Bordeaux ouvre des négociations avec la couronne le 13 septembre, avec la médiation de représentants du parlement de Paris8. Pendant ces négociations, qui ont lieu à Bourg-sur-Gironde, à trente kilomètres au nord de Bordeaux, paraît une Lettre des dames du Parlement de Bordeaux aux dames du Parlement de Paris9. Cette lettre, datée du 26 septembre, offre un résumé des événements à Bordeaux, c’est-à-dire de l’attaque menée par Mazarin et de la résistance de la ville. Selon Sophie Vergnes, c’est un pamphlet qui a, de toute évidence, paru à Paris « dans le but d’informer un lectorat parisien10 ». Myriam Tsimbidy observe que « l’on [a] utilisé [les conflits en Guyenne] pour agir sur l’opinion parisienne11 ». Christian Jouhaud note que pendant la Fronde « un échange permanent se produit entre Bordeaux et Paris » et que cet échange, comme nous le verrons, « n’est pas en sens unique12 ».

5Qui sont les dames des parlements ? Ce sont, à priori, les épouses des membres des parlements provinciaux. Il est fort possible, bien entendu, qu’il s’agisse dans ces lettres, comme dans tant de mazarinades, de ventriloquie. Elizabeth D. Harvey a proposé, en ouvrant le champ des recherches sur la ventriloquie dans un livre sur la Renaissance anglaise il y a plus de trente ans, « que la ventriloquie est une appropriation de la voix féminine et qu’elle contribue à la mise sous silence culturelle des femmes13 ». Des travaux plus récents s’intéressent moins aux questions d’appropriation ou de mise sous silence et davantage aux raisons qui auraient motivé un auteur ou un imprimeur, homme ou femme, à se présenter comme une femme (ou comme des femmes collectives, comme dans les lettres des dames des parlements). Dans sa réponse à la thèse controversée de Mireille Huchon selon laquelle les Evvres de Louise Labé auraient été « une chimère élaborée par les soins de poètes [hommes]14 », par exemple, Leah L. Chang propose de « se passer des critères et d’approches méthodologiques qui attribuent une valeur à une œuvre d’auteur féminin uniquement s’il semble y avoir une femme historique identifiable qui est principalement responsable de l’écriture de cette œuvre » et d’« explorer le travail culturel que réalise un nom sur la page de titre15 ».

6Selon Diane Desrosiers et Jean-Philippe Beaulieu, les voix des femmes, et surtout les voix inventées des femmes, en disent long sur les rapports entre le genre et les conventions linguistiques, littéraires, et sociales. La ventriloquie, remarque Desrosiers, est « un discours fictif au moyen duquel on met en scène les paroles, accordées à son caractère, qu’une personne aurait pu prononcer dans une situation donnée16 » [nous soulignons]. Le désir de rendre crédible une voix inventée, observe-t-elle, amène un auteur à prendre en compte de nombreux aspects de l’identité du locuteur, notamment l’âge, le statut social, la profession, la nationalité et, bien sûr, le genre. Selon cette logique, les voix ventriloquées des femmes en révèlent davantage sur les attentes pour les femmes qui prennent la parole que ne le font les voix authentiques, puisque les femmes qui écrivent de leur propre voix ne doivent pas prendre la peine de convaincre les lecteurs de leur genre. Les personnes réelles n’ont pas l’obligation, à priori, de se conformer à des types fixes.

7Beaulieu, pour sa part, constate que l’acte de se présenter comme des femmes a donné à « des rédacteurs vraisemblablement masculins » de pamphlets au seizième et au dix-septième siècles « l’occasion de mettre en scène une grande variété de locutrices qui se prononcent sur les affaires publiques, selon une perspective censément conforme à leur condition et leur fonction sociales17 ». Ces mises en scène sont loin d’être anodines, selon lui. « Si la féminité évoquée reste souvent sommaire […] et caricaturale », affirme-t-il, « elle trouve désormais une place – paradoxale, mais néanmoins tangible – dans le champ politique18 ». Autrement dit,

faire advenir l’Autre féminin par le discours s’est traduit par le façonnement de modalités éthiques variées qui, sans être authentiques, ont néanmoins contribué à étendre le champ discursif associé aux femmes19.

8Les voix féminines multiples et diverses dans les pamphlets, même inventées, auraient ainsi ouvert la voie à des prises de parole, à l’oral ou à l’écrit, par des femmes dans les années qui ont suivi.

9La lettre des dames de Bordeaux est de style littéraire, avec un langage soutenu, des allusions classiques, et une variété de figures de rhétorique. C’est avant tout un récit détaillé des combats à Bordeaux – avec des informations précises sur le nombre de soldats, le nombre et le type de canons, la hauteur des murs de la ville, etc. – mais qui s’ouvre et se ferme sur le fait que ce sont des femmes qui l’écrivent. La lettre met l’emphase sur les bons rapports entre les dames de Bordeaux et celles de Paris, les ressemblances entre leurs situations respectives, et leurs intérêts communs. Ce sont des esprits semblables qui ne sont séparés que par la géographie. Les pronoms personnels nous et vous, et des mots apparentés, reviennent sans cesse aux premières pages de la lettre pour mettre en valeur cette relation. Les dames de Bordeaux remercient celles de Paris pour les « soins que vous avez pris pour nostre paix20 » [nous soulignons] et observent :

Dans ce calme que vous avez procuré nous sommes ravies d’apprendre que vous loüyez le zele & l’union qui a esté entre nous pour defendre la liberté de nostre patrie. Nous ne sommes pas moins consolées de sçavoir que la plus saine & plus grande partie d’entre vous, compatit aux maux dont la guerre que nous soustenons depuis que la vostre a pris fin nous afflige sans cesse. Peut-estre qu’apres que vostre bonté a eu poussé pour nous des plaintes ; vostre justice vous a representé que nous sommes dans l’oppression pour avoir voulu prenant les armes, arrester le cours de la vostre. Aussi n’avons nous eû qu’un Ennemy commun qui l’est de tout le Royaume, & nous sçavons toutes que les feux & les rasemens (dont son Prince imaginaire a desolé nostre Province) ne sont que les chastimens qu’il n’avoit peu achever contre vostre innocence21.

10En plus des pronoms et des adjectifs possessifs à la première et à la deuxième personne du pluriel, les dames de Bordeaux soulignent la continuité des guerres à Paris et à Bordeaux et le fait que les deux villes luttent contre le même ennemi (Mazarin), qui est d’ailleurs l’ennemi de la France entière. Elles vantent plus loin « les bons succez que vos armes ont eu entre nos mains22 », suggérant qu’elles emploient la même artillerie pour combattre cet ennemi.

11Tout aussi importante que la représentation de la relation réciproque entre les dames de Bordeaux et de Paris est l’insistance sur l’engagement militaire et la puissance des femmes que l’on voit à travers la lettre. Les dames de Bordeaux ont tardé, expliquent-elles, à exprimer leur reconnaissance envers celles de Paris parce qu’elles étaient occupées par la défense de leur ville. Même pendant la trêve pour les négociations, ce n’est qu’en « nous servant des plumes de nos Casques23 » qu’elles trouvent le temps d’écrire, disent-elles, faisant une association entre la plume d’un casque de guerre et celle que l’on trempe dans l’encre.

12La ville de Bordeaux elle-même est personnifiée comme une femme forte, qui est l’objet du désir de Mazarin. Le cardinal observe Bordeaux d’une colline voisine à l’aide d’un télescope, l’architecture de la ville la transformant en une espèce de gorgone :

Il vit non pas sans fremir, que celle qu’il vouloit captiver, bien loin de le vouloir enchainer dans ses cheveux, les avoit si herissez contre luy, que leurs bouts estoient comme des Clochers tous dressez vers les nuës. Il contempla d’un front estonné, son front hardy & majestueux, qu’un rivage formé en croissant l’avoit en l’adjustant, tantost en paüillon, tantost en serpens, à boüillons & à ondes. Enfin il jetta sa veuë sur les Arcs triomphaux de ses sourcils, sur les fenestres de christal de ses yeux, & sur cette sacrée porte du palais, qui est sa bouche, d’où sortent contre les Tyrans les Oracles de sa Justice24.

13C’est une femme dont les décrets de justice sortent de la bouche. Tremblant, mais pas pétrifié, et malgré le danger visible, le cardinal n’est pas capable de détourner ses yeux. Son regard descend jusqu’au corps de la ville-femme, où il est charmé par « son beau sein quelle ouvre sans honte à tous les Estrangers, & ses deux mammelles d’ont [sic] elle se nourrit elle mesmes25 ». Ces mamelles, qui rendraient autosuffisante la ville de Bordeaux, ne font pas partie de l’architecture de la ville, mais de sa situation géographique. Ce sont les deux rivières, la Garonne et la Dordogne, qui s’unissent dans la Gironde avant de se jeter dans la mer. Ces rivières accablent Mazarin quand il s’en approche :

mais ce fût en vain que Garonne dans son flux & reflux eslevoit & aboissoit ce sein pour l’enhardir & l’inviter amoureusement […] & quoy que son lit soit des plus mols, pourveu qu’on y repose à bouche close, il apprehenda qu’au lieu d’un excez en amour, elle luy fit faire un excez à boire26.

14La puissance de la ville et de ses environs sert à mettre en relief l’impuissance du cardinal.

15Le cas exemplaire de la femme forte, troisième volet de la représentation de la puissance féminine dans cette lettre, est la princesse de Condé. Comme S.Vergnes le rappelle,

les actions accomplies par les femmes de l’aristocratie font partie intégrante de la stratégie des partis engagés dans la Fronde, particulièrement dans le cas du parti des Princes formé autour de la famille de Condé dès janvier 165027.

16Pour les propagandistes de la Fronde à Bordeaux, la princesse de Condé est une figure clé. Vue le plus souvent comme une femme faible à la dérive dans la politique de la Fronde, « un simple outil dans les mains des partisans des princes28 », la princesse de Condé se révèle au cours de ces mois à Bordeaux comme une actrice courageuse et capable, selon S. Vergnes29. Dans leur lettre, les dames de Bordeaux mettent en lumière les contributions de cette princesse aux fortifications de la ville. « Vous trembleriez pour nous dans le doubte d’un si rude combat », disent-elles aux dames de Paris,

17« si vous ne sçaviez que les propres mains du fils & de l’Espouse du plus Vaillant Prince du monde, persecutez par nostre Ennemy commun avoi[en]t travaillé à la construction de cette Forteresse30 ».

18William Beik observe que des paysans réfugiés dans la ville de Bordeaux pendant le siège ont aussi été mis au travail pour construire des fortifications, à côté des femmes de la ville et de la princesse31. Dans cette lettre, les dames du parlement de Bordeaux s’émerveillent du fait que même le petit duc d’Enghien soit sorti de son berceau pour aider sa mère à renforcer ces murs :

Vous l’eussiez veu tantost plier sous le faix d’une hoste, chargée de terre, tantost blesser ces [sic] tendres mains, à porter des pierres que sa mere rangeoit avec du ciment destrempé de ses larmes32.

19Sachant que les dames de Paris auront du mal à croire ces propos, elles ajoutent :

Il est vray, MESDAMES, nous avons veu cette grande Princesse, cette chere niepce de ce grand Cardinal de Richelieu (duquel celuy-cy ne merite pas de se dire l’ombre) eslever les fortifications, au pied desquelles nous avons veu abatre les testes de la pluspart des officiers de quatre Regimens, avec l’espoir que nostre ennemy commun conservoit de nous perdre33.

20Comme le note Fanny Cosandey, l’évidence d’une relation proche entre mère et fils sert à justifier l’autorité d’une régente dans la France de l’Ancien régime, où le pouvoir féminin reste suspect. « La maternité » rappelle Cosandey, « préfigure la puissance féminine34 ». Même dans ce texte frondeur, l’accent mis sur la relation étroite entre la princesse de Condé et le duc d’Enghien, travaillant ensemble pour défendre la ville de Bordeaux, peut faire écho aux références à la relation entre Anne d’Autriche et Louis XIV auxquelles le public est habitué. Si les larmes de la princesse de Condé ne semblent pas, au premier abord, être une marque de pouvoir, il faut noter que s’il s’agit d’une mère qui pleure, elle pleure en construisant une muraille. L’on voit aussi de nouveau une référence à l’ennemy commun des dames de Bordeaux et de Paris.

21Le passage le plus notable du pamphlet – comme c’est souvent le cas pour les mazarinades – arrive à la fin, aux deux dernières pages. Après avoir raconté les combats à Bordeaux et loué la résistance de la ville, les dames du parlement soulèvent explicitement la question du rapport entre le genre et l’autorité, et le fait que, bien que femmes, elles osent se mêler à la vie publique. « Mais c’est trop en dire pour des femmes », admettent-elles, « si nous ne parlions pour nos maris35 ». C’est une apologie qui résonne comme une réflexion après coup, vu que les maris sont à peine mentionnés dans le pamphlet. L’on pourrait même se demander ce que ces hommes étaient en train de faire pendant que leurs femmes étaient occupées à combattre et à fortifier la ville. En exprimant leur reconnaissance pour l’aide du parlement de Paris, les dames de Bordeaux mettent en avant leur foi en un partage d’autorité entre maris et femmes au sein des parlements, notant que

22« Nous vous sommes d’autant plus obligées que ces biens nous sont venus en partie par vos entremises, & que nous sçavons, que comme vous partagez l’authorité de ce grand corps, vous baillez la Loy à ses [sic] illustres qui la baillent aux illustres mesmes36 ».

23Cette affirmation va jusqu’à poser les femmes comme la source de l’autorité juridique dans les villes.

24Ensuite, les dames de Bordeaux proposent qu’à l’avenir, les femmes devraient non seulement partager l’autorité avec leurs maris, mais également émettre des décisions elles-mêmes :

si [nos vœux] estoient exaussez vous veriez bien tost revenir ce beau siecle, auquel imitant les Dames de l’antiquité, vous prononceriez le bonet en teste, la pourpre sur les espaules les decrets de la Justice37.

25L’idée de « Dames de l’antiquité » vêtues de pourpre et prononçant des décisions juridiques se retrouve, entre autres, dans De La Noblesse et préexcellence du sexe féminin d’Henri Corneille Agrippa, un « réservoir topique dans lequel les défenseurs des femmes puisèrent jusqu’à la fin de l’Ancien Régime38 » comme le note Renée-Claude Breitenstein. Dans un passage sur les lois somptuaires, Agrippa affirme que dans la Rome antique, il « fut permis [aux femmes] de porter les robes de pourpre avec franges dorées et des ornements de pierres précieuses39 ». Il note également que Justinien et Ulpien ont tous les deux accordé des privilèges juridiques à des femmes et que « de ce vient qu’il est aussi permis aux nobles femmes de juger et d’être arbitres40 ». Le texte d’Agrippa, paru en latin en 1529 et en français en 1535, est une source pour un grand nombre de recueils de femmes illustres anciennes et modernes, véritable mode aux seizième et dix-septième siècles, dont la distinction des années 1640 et 1650 est, selon Breitenstein, l’accent mis sur la femme héroïque ou forte plutôt que sur la femme pieuse ou chaste.41 Les auteurs de mazarinades s’inspiraient largement, bien entendu, des idées qui circulaient.

26Cette lettre des dames du parlement de Bordeaux ne reste pas longtemps sans réponse. Les négociations aboutissent à une paix provisoire le 29 septembre, la couronne confirmant la destitution du duc d’Épernon et promettant l’amnistie à la princesse de Condé, à son fils, et aux ducs de Bouillon et de La Rochefoucauld s’ils s’engagent à quitter Bordeaux et à ne pas s’armer contre le roi. Les éminents rebelles repartent donc le 3 octobre. La régente et le jeune roi font leur entrée dans la ville le 5 octobre et y passent dix jours. Dans la Coppie de la Response pour les dames du Parlement de Paris, à la Lettre des dames du Parlement de Bordeaux42, qui porte la date du 15 octobre, le jour du départ de la Cour, les « dames du Parlement de Paris » répondent directement à la lettre de Bordeaux, reprenant plusieurs des mêmes termes et convenant que les deux villes ont bien un ennemi commun en Mazarin. Cette réponse est pourtant, et avant tout, un avertissement. Les Parisiennes assurent leurs correspondantes à Bordeaux qu’elles s’opposent à Mazarin, mais elles leur conseillent de bien considérer que le cardinal reste une menace et que les médiateurs n’ont négocié qu’une paix précaire. Elles évoquent le siège commandé par le cardinal de Richelieu pour le roi Louis XIII en 1627-1628, qui a mené à la capitulation de la ville de La Rochelle, bastion de la religion réformée, qui s’était déclarée république indépendante. Tout en félicitant les dames de Bordeaux pour leurs actions courageuses qui ont permis à la ville de résister à Mazarin, les dames de Paris insistent sur le fait que le cardinal est un homme à craindre, à qui « La resistance ne fait qu’acroistre le desir43 », un homme « à tout entreprendre & à tout faire44 ». Elles conseillent donc aux dames de Bordeaux d’éviter la désobéissance ouverte. Cette lettre représente sans aucun doute la petite Fronde en Guyenne, ceux qui voulaient travailler avec le parlement dans les coulisses, plutôt qu’ouvertement, pour s’opposer à Mazarin45.

27À la dernière page de cette lettre, les dames de Paris reprennent le thème de l’exercice de la justice. Elles écartent pourtant l’idée que les femmes devraient y jouer un rôle plus grand. Elles rejettent la suggestion selon laquelle elles auraient été plus efficaces que leurs maris et insistent sur le fait que leur beauté et leur intelligence leur donnent déjà une capacité d’action suffisante : « nous sçavons faire ou par les graces de la beauté, ou par la force de l’esprit, ce que nous pourrions faire par les decrets de la justice46 ». Elles préfèrent ce que l’on nommerait aujourd’hui le pouvoir souple, ou ce que Michelle Coquillat a appelé le pouvoir occulte, c’est-à-dire l’influence47. Selon ces dames du parlement de Paris, placer la justice dans les mains des femmes ne confère aucun avantage, parce que les femmes sont tout aussi faibles et corruptibles que les hommes. C’est un fardeau, d’ailleurs, qu’elles aimeraient mieux éviter. « De grace n’importunez pas d’avantage le Ciel à nous rendre ce mauvais office », implorent-elles. « Contentons-nous de vivre en l’estat qu’il a pleu de nous mettre48 ». Si ces dames n’ont pas d’affection pour Mazarin, elles défendent néanmoins les choses comme elles sont.

28Moins riche en images et en métaphores que la lettre de Bordeaux, cette première réponse de Paris ne semble pas avoir les mêmes prétentions littéraires. Il est aussi à noter que les allusions y sont plutôt chrétiennes que classiques. La lettre attribue la résistance de la ville de Bordeaux non seulement aux efforts des habitants, des frondeurs, et du parlement, mais aussi, voire plus, à Jésus-Christ, à « celuy que nous adorons, qui est le veritable autheur de tout l’Estre créé, & qui s’est franchement & de sa pure volonté, exposé à la mort, pour nous donner la vie49 ». Si Mazarin continue son offensive, « Ce sera cette Vierge sans yeux & sans oreilles, qui deffendra vos murailles, vostre ville, & tout vostre pays50 ». La Vierge semble même supérieure à la Justice, puisqu’elle est non seulement aveugle mais sourde aussi. C’est une lettre qui cherche à apaiser les choses, peut-être autant à Paris qu’en Guyenne.

29Une deuxième réponse des dames du parlement de Paris, de nature bien différente, paraît deux semaines plus tard, le 28 octobre. Ce pamphlet, intitulé La Veritable Response faite par les dames du Parlement de Paris, à la letre [sic] qui leur a esté escrite par les dames du Parlement de Bordeaux, pour les remercier de la paix51, est signé par « la Dame Du Tillet », dont le mari était greffier du parlement de Paris52. Un « Advertissement au lecteur » à la deuxième page du pamphlet (ou à la dernière, selon l’exemplaire) déclare que cette lettre-ci est la seule réponse légitime à la lettre des dames de Bordeaux :

Les Dames du Parlement de Bordeaux ayant escrit aux Dames du Parlement de Paris une Lettre de remerciement de la paix qu’elles leur avoient procurée ; comme la civilité est inseparable de ce beau sexe, les Dames de Paris leur ont fait la Response que vous allez voir, qui est fidellement extraicte de leurs Registres : Cest advis vous est donné afin que vous ne croyez pas qu’une piece qui a couru puis quelques jours soit la veritable Response de ces Dames53.

30Cet avertissement suggère que les dames du parlement de Paris ont leurs propres sessions et registres, et même une greffière à elles, la signature de la dame du Tillet donnant un caractère officiel à la lettre.

31Dans cette deuxième réponse comme dans la première, les dames de Paris soulignent leurs préoccupations partagées avec les dames de Bordeaux. Elles notent que « vos interests & les nostres [ne sont] qu’une mesme chose54 » [nous soulignons]. Elles observent qu’elles ont toutes souffert les assauts de Mazarin, les pronoms personnels et les constructions parallèles faisant saillir de nouveau les ressemblances entre leurs situations : « Il voulut nous vaincre par la faim, & à vous par la force ; Il nous ferma le passage des vivres, & à vous il fut vous attaquer jusques dans vos fauxbourgs55 ». L’on a encore une fois affaire à une lettre ayant des prétentions littéraires. Elle abonde en parallélismes et en oppositions, en images visuelles, en allitérations, et en allusions classiques. Les dames de Paris signalent leurs propres goûts esthétiques dès le début, d’ailleurs, en exprimant leur admiration non seulement pour le contenu mais aussi pour le style de la lettre qu’elles ont reçue de Bordeaux. La lettre de Bordeaux a été écrite « en des termes si beaux », remarquent-elles, « qu’en lisant des pieces si bien faites, nous avons estimé qu’il falloit desormais pour apprendre à bien parler François, quitter les bords de la Seine & du Loire [sic], & s’aller establir sur ceux de la Garonne56 ». Cette observation, qui se veut flatteuse pour les Bordelaises, renforce néanmoins la centralité de Paris et de la langue que l’on y parle, tout en rappelant que la Guyenne fait bien partie de ce royaume expansif.

32Après avoir loué la beauté des dames de Bordeaux, ces dames de Paris passent à leur travail manuel, à leurs activités militaires, et à leur capacité d’influencer leurs maris :

On ne nous a pas seulement descrit la beauté de vos charmans visages, mais encore vostre valeur, vostre generosité57 & la grandeur de vostre courage : Tantost on vous a representées occupées à travailler avec vos belles mains à vos fortifications ; tantost à repousser vos ennemis du pied de vos murailles ; & tantost à animer vos maris au combat58.

33La mention des femmes participant à la fortification de la ville se réfère directement, bien sûr, à la lettre de Bordeaux et surtout à la princesse de Condé.

34Ces dames donnent ensuite une description élaborée de ce que Mazarin aurait prévu comme entrée triomphale à Bordeaux, qu’elles disent avoir eue des ouvriers qu’il aurait engagés à Paris. Elles décrivent, entre autres, un char doré tiré par de grands singes qu’il allait faire venir des Indes, des tableaux énormes représentant les grands moments de son ministère, et une citadelle qu’il allait faire construire à Bordeaux aux dépens des habitants. Si la première réponse des dames de Paris est un avertissement, le conseil de ne pas fâcher Mazarin, la deuxième réponse devient de plus en plus menaçante envers le cardinal. Elle représente sûrement la grande Fronde, ceux qui préféraient s’unir avec les condéens dans une rébellion ouverte59. Les dames de Paris qui parlent dans cette lettre informent celles de Bordeaux que leurs maris vont bientôt condamner Mazarin, tout comme leurs prédécesseurs ont condamné Concino Concini, maréchal d’Ancre, ministre italien et conseiller de Marie de Médicis, mis à mort en 161760.

35Comme dans les deux autres pamphlets, ce n’est qu’à la fin de cette lettre qu’il est question des dames et de la justice. Dans cette troisième lettre, les dames de Paris s’accordent avec celles des deux autres en ce qui concerne l’influence qu’elles ont sur leurs maris, déclarant :

Vous pouvez bien, Mesdames, juger par le pouvoir que vous avez sur Messieurs vos maris, que nos illustres Espoux ne nous refuseront jamais un Arrest que nous leur demandons pour le bien de l’Estat avec tant d’instance61.

36Si leurs maris continuent à tarder, pourtant, elles agiront :

Mais si quelques considerations, que nous ne pouvons pas prevoir, les retenoient encor quelque temps, nous avons resolu de suivre vos advis ; & faisant revivre ce beau siecle passé, auquel (pour user de vos termes) les Dames de l’antiquité prononçoient le bonnet en teste & la pourpre sur les espaules les decrets de la Justice62.

37Le langage se réfère, encore une fois, à la lettre de Bordeaux et suggère un accord solide entre les deux groupes de femmes.

38Les dames de Paris qui parlent dans cette deuxième réponse déclarent qu’elles vont même engager les célèbres harengères des Halles (qui parlent elles-mêmes dans plusieurs mazarinades) pour assassiner le cardinal, mentionnant de nouveau le maréchal d’Ancre ainsi qu’Orphée, tué par les dames de Thrace, promettant que les dames de Bordeaux apprendront :

[…] par la première de nos Gazettes […] que nos Harangeres ont aussi bien traitté ce Ministre Italien que les Dames de Trace firent autresfois ce beau Chanteur d’Orphée63.

39Une fois que Mazarin sera mort, les dames banniront tous les Italiens de la ville de Paris, et elles écriront à leurs homologues aux autres parlements pour leur enjoindre de faire pareil : 

En suitte nous escrirons aux Dames des autres Parlements une Lettre Circulaire sur le mesme sujet, pour les exhorter de bannir dés à present tous les Italiens des limittes de leur ressort64.

40Il y avait dix parlements provinciaux à cette époque : Aix-en-Provence, Bordeaux, Dijon, Grenoble, Metz, Pau, Rennes, Rouen, Toulouse, et Paris65. Les auteurs de ce pamphlet représentent donc la Fronde comme un vaste mouvement reliant des villes à travers le royaume.

41Lues ensemble, la Lettre des dames du Parlement de Bordeaux aux dames du Parlement de Paris et les deux réponses qu’elle a suscitées offrent une vision fugitive, mais fascinante, des points de vue différents envers les façons de s’opposer à Mazarin et envers le rôle des femmes dans les prises de décisions dans les villes. Est-ce que, comme Beaulieu le propose, ces lettres contribuent à créer un espace plus large pour les femmes dans le champ politique ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. Ce que l’on peut dire avec certitude, c’est que, s’il s’agit dans la ventriloquie de paroles « qu’une personne aurait pu prononcer dans une situation donnée66 », comme Desrosiers l’avance, ces lettres démontrent ce qui était vu comme plausible en termes de participation des femmes au travail et à la propagation de la Fronde. Elles indiquent aussi que les propagandistes et les imprimeurs croyaient que le public se souciait de savoir ce que les femmes avaient à dire sur les situations politiques de leurs villes. Elles suggèrent en outre que le partage d’autorité entre hommes et femmes était vu comme possible non seulement aux plus hauts niveaux, comme entre la régente et le cardinal, mais aussi parmi les dirigeants bourgeois des villes et des provinces dont dépendaient la stabilité et même la pérennité du royaume, surtout pendant une période de crise comme la Fronde.

42Le partage d’autorité suggéré par ces lettres peut donc être considéré comme le reflet de la situation au sommet de l’État, un peu comme le suggère S. Vergnes, qui ouvre son livre sur les grandes frondeuses en constatant qu’il « n’est pas anodin que les femmes de l’aristocratie investissent la scène politique à un moment où le pouvoir royal est incarné par une femme67 ». En revanche, il peut être compris comme une contestation de l’exclusion des femmes du pouvoir. Cette exclusion est, bien entendu, constitutive de la France de l’Ancien régime dans le contexte de la loi salique et va de pair avec l’institution de la régence elle-même. Katherine Crawford observe que « La régence et son dérivé, l’exclusion politique des femmes, fonctionnaient comme des images et des récits qui structuraient le fantasme national français68 ». Crawford ajoute, pourtant, que « Comme la plupart des fantasmes, ceux produits par la régence n’ont pas été entièrement maintenus dans la pratique. La régence a toujours conservé dans son cadre le désordre, la dissolution, et la dissonance qu’elle était censée bannir69 ». Ces lettres feraient partie de cette dissonance. Derval Conroy, qui note que la question de l’accès des femmes au pouvoir « hantait la conscience collective70 » de la France tout au long du dix-septième siècle, observe que « ce n’est pas seulement le gouvernement qui est construit comme masculin mais toute autorité officielle, dans les rangs, par exemple, de la profession juridique ou du clergé, » remarquant, « Évidemment il n’y a pas de femmes juges ou prêtres71 ». Au contraire, ces lettres des dames des parlements nous montrent que si ces femmes n’existaient pas dans la réalité, elles étaient bien présentes dans l’imaginaire.

43Imaginaires ou non, ces lettres rendent visibles des alliances qui existaient en France et dont les femmes faisaient partie intégrante. L’on voit des alliances verticales, réelles ou supposées, entre des femmes de statuts divers, princesses (la princesse de Condé), bourgeoises (les dames des parlements), et du peuple (les harengères), ainsi que des alliances horizontales entre époux et entre villes et parlements séparés par la géographie. Selon la deuxième lettre de Paris, ces dernières alliances s’étendaient sur l’ensemble du royaume, de Paris à Bordeaux, et à Toulouse, et bientôt à toutes les provinces. Les voix des femmes dans ces trois pamphlets servent donc à dépeindre la résistance à Mazarin comme un phénomène concerté et omniprésent dans le territoire français.

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

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La Veritable Response faite par les dames du Parlement de Paris, à la letre [sic] qui leur a esté escrite par les dames du Parlement de Bordeaux, pour les remercier de la paix, s.l., 1650.

Notes

1 Hubert Carrier, La Presse de la Fronde (1648-1653), Genève, Droz, 1989-1991, vol. 2, p. 79.

2 Dialogue entre le Roy de Bronze, et la Samaritaine. Sur les affaires du temps present, Paris, Arnould Cotinet, 1649, [M0_1090].

3 Michel Pernot, La Fronde, Paris, Éditions de Fallois, 1994, p. 165. Voir aussi Sophie Vergnes, « The princesse de Condé at the head of the Fronde des Princes: modern Amazon or femme prétexte? », French History, vol. 22, n° 4, déc. 2008, p. 410.

4 Michel Pernot, op. cit., p. 178. Voir aussi S. Vergnes, op. cit., p. 412. Pour des informations détaillées sur la Fronde à Bordeaux, voir aussi William Beik, Urban protest in seventeenth-century France: the culture of retribution, Cambridge, University of Cambridge Press, 1997, chap. 10.

5 Orest Ranum, La Fronde, trad. Paul Chemla, Paris, Éditions du Seuil, 1995, p. 276.

6 Michel Pernot, op. cit., p. 168-172.

7 Ibid., p. 178-181.

8 Ibid., p. 184.

9 Lettre des dames du Parlement de Bordeaux aux dames du Parlement de Paris, [s. l.], 1650, [M0_2071], 18 p. Sophie Vergnes recense quarante-trois mazarinades mentionnant la participation des femmes à la Fronde bordelaise. Sophie Vergnes, « Les princesses du parti condéen dans la Fronde bordelaise au miroir des mazarinades », dans M. Tsimbidy (dir.), Écritures de l’événement : les mazarinades bordelaises, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2015, p. 53-63.

10 S. Vergnes, ibid., p. 55. Célestin Moreau croit lui aussi à la publication parisienne de cette lettre (Bibliographie des mazarinades, trois volumes, Paris, Jules Renouard, 1850-1851, vol. 2, p. 168).

11 Myriam Tsimbidy, « Introduction », dans Écritures de l’événement, op. cit., p. 12.

12 Christian Jouhaud, Mazarinades : la Fronde des mots, Paris, Aubier, 1985, p. 29.

13 « […] that ventriloquism is an appropriation of the feminine voice, and that it reflects and contributes to a larger cultural silencing of women » (Ventriloquized Voices: Feminist Theory and English Renaissance Texts, New York, Routledge, 1992, p. 12). [Les traductions en français dans le texte sont de l’auteure.]

14 Louise Labé : une créature de papier, Genève, Droz, 2006, p. 14.

15 « […] move past a set of criteria and methodological approaches that assign value to a female-authored work only if there appears to be an identifiable, historical woman who is chiefly responsible for the writing of the text » ; « explore the cultural work that [a] name is doing on the title page » (« Louise Labé, woman writer ? », Exemplaria, vol. 28, n° 1, 2016, p. 93).

16 Diane Desrosiers, « La Ventriloquie au féminin », dans D. Desrosiers et R. Roy (dir.), Ventriloquie : Quand on fait parler les femmes (xve-xviiie siècles), Paris, Hermann, 2020, p. 10.

17 « "Je la fay parler à ma mode" : Réflexions sur la ventriloquie au féminin dans la production pamphlétaire (1575-1652) », D. Desrosiers et R. Roy (dir.), dans Ventriloquie, op. cit., p. 119.

18 Ibid., p. 134.

19 Ibid., p. 134.

20 Lettre des dames du Parlement de Bordeaux aux dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 3.

21 Ibid., p. 4.

22 Ibid., p. 4.

23 Ibid., p. 3.

24 Ibid., p. 5.

25 Ibid., p. 5.

26 Ibid., p. 5-6.

27 S. Vergnes, « Les princesses du parti condéen », op. cit., p. 54.

28 « […] a mere tool in the hands of the supporters of the princes » (S. Vergnes, « The Princesse de Condé at the head of the Fronde des Princes », op. cit., p. 408).

29 Ibid., p. 411-419.

30 Lettre des dames du Parlement de Bordeaux aux dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 8.

31 William Beik, op. cit., p. 228.

32 Lettre des dames du Parlement de Bordeaux aux dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 9.

33 Ibid., p. 9.

34 Fanny Cosandey, « Puissance maternelle et pouvoir politique : La régence des reines mère, » Clio, vol. 21, 2005, p. 82.

35 Ibid., p. 17.

36 Ibid., p. 17.

37 Ibid., p. 17.

38 Renée-Claude Breitenstein, « Introduction à Henri Corneille Agrippa, De la noblesse et préexcellence du sexe féminin », dans Éloges collectifs de femmes à la Renaissance française, éd. R.-C. Breitenstein, Saint-Étienne, Presses Universitaires de Saint-Étienne, « La Cité des Dames », 2021, p. 68.

39 Henri Corneille Agrippa, « De la noblesse et préexcellence du sexe féminin » ibid., p. 124.

40 Ibid., p. 125.

41 Renée-Claude Breitenstein, « Représentation de l’histoire et parole féminine dans Les Femmes illustres ou les Harangues héroïques des Scudéry », dans Sylvie Steinberg et Jean-Claude Arnould (dir.), Les Femmes et l’écriture de l’histoire 1400-1800, Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2008, p. 341.

42 Coppie de la Response pour les dames du Parlement de Paris, à la lettre des dames du Parlement de Bordeaux, [s. l.], 1650, [M0_793], 16 p.

43 Ibid., p. 5.

44 Ibid., p. 6.

45 William Beik, op. cit., p. 225.

46 Coppie de la Response pour les dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 14.

47 Michele Coquillat, Qui sont-elles ? Les femmes d’influence et de pouvoir en France, Paris, Éditions Mazarine, 1983, p. 9.

48 Coppie de la Response pour les dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 14.

49 Ibid., p. 10-11.

50 Ibid., p. 11.

51 La Veritable Response faite par les dames du Parlement de Paris, à la letre [sic] qui leur a esté escrite par les dames du Parlement de Bordeaux, pour les remercier de la paix, [s. l.], 1650, [M0_3961 & M5_343], 8 p. On trouve une date complète sur l’exemplaire de cette lettre à la Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux (H 12074 [3]) : « le 28. d’Oct. 1650 ». L’exemplaire de la BnF (4-LB37-1656) ne donne pas le jour : « le __ d’Octobre 1650 ».

52 Un membre de la famille du Tillet occupait le poste héréditaire de greffier du parlement de Paris depuis plus de cent ans. Voir Elizabeth A. R. Brown, Jean du Tillet and the French wars of religion: five tracts, 1562-1569, Binghamton, SUNY Binghamton Press, 1994, p. 1-68.

53 La Veritable Response faite par les dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 2.

54 Ibid., p. 3.

55 Ibid., p. 4-5.

56 Ibid., p. 4.

57 L’adjectif généreux, omniprésent dans les mazarinades, indique non seulement la générosité, dans le sens moderne, mais aussi, et plutôt, le courage. Antoine Furetière donne comme première définition pour l’adjectif genereux, « Qui a l’ame grande & noble, & qui prefere l’honneur à tout autre interest » ; la deuxième est « brave, vaillant, courageux » ; et la troisième, « liberal ». (A. Furetière, Dictionnaire universel, contenant generalement tous les mots françois, tant vieux que modernes, & les Termes de toutes les sciences et des arts, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690).

58 La Veritable Response faite par les dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 4.

59 W. Beik, op. cit., p. 225.

60 Pernot observe que « les pamphlétaires ne manquent aucune occasion de prédire au cardinal qu’il subira le sort de Concino Concini, maréchal d’Ancre, abattu en 1617 pour avoir, lui aussi, aspiré au pouvoir suprême dans le royaume de France » (M. Pernot, La Fronde, op. cit., p. 234).

61 La Veritable Response faite par les dames du Parlement de Paris, op. cit., p. 13.

62 Ibid., p. 13.

63 Ibid., p. 13.

64 Ibid., p. 13-14.

65 M. Pernot, La Fronde, op. cit., p. 14.

66 Diane Desrosiers, « La Ventriloquie au féminin », op. cit., p. 10.

67 Sophie Vergnes, Les Frondeuses : Une révolte au féminin (1643-1661), Seyssel, Champ Vallon, 2013, p. 33.

68 « Regency and its offspring, female political exclusion, functioned as images and narratives that structured the French national fantasy » (Katherine Crawford, Perilous Performances: Gender and Regency in Early Modern France, Cambridge, Harvard University Press, 2004, p. 14).

69 « Like most fantasies, the ones produced by regency were not entirely sustained in practice. Regency always retained within its framework the disorder, dissolution, and dissonance it was designed to banish » (Ibid, p. 14). Voir aussi Fanny Cosandey, « La loi salique et la construction d’un espace public pour les femmes », dans A. Belton-Ruget, M. Pacaut, et M. Rubellin (dir.). Regards croisés sur l’œuvre de Georges Duby. Femmes et féodalité, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2000, p. 263-73.

70 « haunt[ed] the collective consciousness » (Derval Conroy, Ruling Women, London, Palgrave, 2016, deux volumes, vol. 1, p. 29).

71 « it is not only government that is constructed as male but all official authority, in the ranks, for example, of the legal profession or the clergy. Evidently there are no women judges or priests » (Ibid., vol. 1, p. 29).

Pour citer ce document

Carrie F. Klaus, « [L]e bonet en teste, la pourpre sur les espaules : Les Dames, la justice, et les mazarinades » dans Mazarinades et territoires,

Premier numéro

© Revue du GRHis, « Revue du GRHis », n° 1,2025

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/grhis/index.php?id=132.

Quelques mots à propos de :  Carrie F. Klaus

Professeure d’études françaises globales et titulaire de la chaire Laurel H. Turk de langues modernes à l’Université DePauw (USA), éditrice et traductrice de la Short Chronicle de Jeanne de Jussie (Université de Chicago, 2006), spécialiste des écrits des femmes de l’Ancien régime et des voix des femmes dans les mazarinades.