Atelier 1 – Réception de l’Antiquité au XVIe siècle
Délie orphique ? Réécriture et inversion du mythe d’Orphée dans Delie
Adélaïde Guillou
1Aucun poète au xvie siècle ne pouvait ignorer le mythe d’Orphée qui figure parmi les « légendes les plus tenaces de la poésie antique1 » dans la littérature médiévale comme dans la poésie renaissante. Or, à la lecture du canzionere scévien, il semblerait que celui-ci se distingue par sa rareté. Seules trois occurrences dans Delie mentionnent explicitement le célèbre chantre : l’emblème 20 « Orpheus », le dizain 316 (v. 1) et le dizain 445 où le nom d’« Orphée » (v. 8) est suivi par celui d’« Euridice » (v. 9), véritable hapax dans toute l’œuvre scévienne, où elle n’est, si ce n’est à cet endroit, jamais explicitement nommée2. En dépit de ce maigre relevé, James Helgeson, qui dans Harmonie divine et subjectivité poétique chez Maurice Scève consacre un chapitre entier à l’analyse de cette fable, affirme qu’« Orphée figure parmi les personae mythologiques les plus riches de ce livre de métamorphoses qu’est Delie3 ». En effet, même si ces manifestations du mythe sont peu nombreuses, elles n’en demeurent pas moins fondamentales : d’une part parce que chez Scève « la fréquence ne règle pas toujours l’importance d’une parole ; un rapport inverse peut tout aussi bien inférer un des sens les plus essentiels4 », d’autre part, parce que ces mentions explicites sont redoublées par un vaste réseau de références implicites, parfois à peine voilées, qui parcourent l’ensemble de l’œuvre. Mais ce qui apparaît surtout, c’est l’originalité de la réécriture scévienne : à rebours de l’analogie attendue qui associe Orphée au poète et Eurydice à la femme aimée, le poète semble procéder à une inversion à la fois surprenante et signifiante des rôles de la fable. De fait, si l’on s’en tient à la distribution traditionnelle des rôles telle qu’elle apparaît dans l’épisode le plus connu du mythe et le plus réutilisé dans le contexte de la poésie amoureuse, à savoir celui de l’amour fou d’Orphée pour Eurydice, la fable semble toute choisie à qui veut écrire un recueil d’Amours d’inspiration pétrarquiste pour exprimer la force des sentiments de l’Amant-poète. Nouvel Orphée, celui-ci chante et enchante la femme aimée qui endosse alors la posture d’Eurydice. L’épisode amoureux de la légende, telle qu’elle a été chantée par Virgile à la fin des Géorgiques5 puis par Ovide dans les livres X et XI des Métamorphoses6, fournit la matrice de cette répartition. Poète originel, civilisateur et enchanteur, véritable priscus vates, Orphée fait l’expérience quasi simultanée de l’amour et du deuil en perdant sa jeune épouse mortellement mordue par un serpent le jour de ses noces. Dévasté par cette perte, il descend dans le royaume infernal et parvient à émouvoir le roi des Enfers en personne. Ce dernier consent à lui rendre son épouse « à la condition qu’il ne jettera pas les yeux derrière lui, avant d’être sorti des vallées de l’Averne7 ». Mais, Orphée, impatient de la contempler, perd son épouse une deuxième fois en tournant le regard vers celle qui disparaît à jamais. Le récit orphique se pare alors d’une coloration élégiaque et tragique à travers cette catabase amoureuse au retour manqué : Orphée inconsolable chante sa peine dans les lieux les plus sauvages où sont amadouées les bêtes les plus féroces8. Il se détourne de la civilisation et de l’amour des femmes. Ce faisant, il provoque la jalousie et la colère des femmes du pays des Cicones qui le tuent en déchirant son corps. Ce mythe de l’amour et de la poésie est repris dans le Canzionere de Pétrarque qui fournit le modèle du genre. Bien que la Dame qui enchante le poète de sa céleste voix9 puisse prendre par endroits des caractéristiques orphiques, sa funeste disparition, dans la seconde partie du recueil, invite le poète toscan à réécrire le mythe de manière tout à fait traditionnelle. La figure de Laure se superpose alors parfaitement à celle d’Eurydice :
Or avess’io un sí pietoso stile
che Laura mia potesse tòrre a Morte,
come Euridice Orpheo sua senza rime,
Eussè-je maintenant si pitoyable style
que je puisse arracher ma Laure de la mort,
comme son Eurydice Orphée sans rimes10,
2Pétrarque reprend à son compte la distribution classique des rôles de la fable : l’Amant-poète, double d’Orphée, chante son Eurydice-Laure disparue.
3Qu’en est-il chez Scève ? Pour Fritz Schalk, dans un article qu’il consacre aux images mythologiques dans Delie et à leur manière signifiante de s’associer, le poète lyonnais reprendrait lui aussi, dès les premiers dizains de son Canzionere, l’association entre l’Aimée et la mythique dryade. Selon lui, sans qu’il soit fait de référence explicite au mythe orphique, le dernier vers du deuxième dizain – « Et de moy seul fatale Pandora » (v. 10) – évoquerait l’emblème 20 et son motto – « A tous plaisir et à moy peine11 » – dans lequel l’amant, sous les traits d’Orphée, se singulariserait par cette souffrance qui le marginalise. Il poursuit son analyse en s’appuyant sur le troisième dizain dans lequel les images du « doulx venin » (v. 1) et l’espoir d’obtenir « beatitude » « aux bas Enfers » (v. 10) renverraient à l’imaginaire orphique de la morsure d’Eurydice et de la recherche du salut dans le monde souterrain12. À l’issue de son analyse des réseaux mythologiques qui gravitent autour du mythe d’Orphée, il conclut à l’équivalence suivante : Délie-Eurydice-Proserpine et Scève-Obscurité orphique13. Si l’on peut tout à fait convenir que Délie revêt les traits d’une Proserpine impitoyable – notamment dans le dizain 316 –, elle semble toutefois ne reprendre aucune des caractéristiques d’Eurydice14. Dans Delie, un jeu beaucoup plus subtil renverse les polarités identitaires traditionnelles du mythe, telles qu’on pourra les lire plus tard, et très explicitement, chez Ronsard dans la pointe d’un sonnet pour Hélène où il proclame la toute-puissance orphique du poète : « Je seray ton Orphee, et toy mon Eurydice15. » Chez Scève au contraire s’opère un renversement que l’on pourrait paraphraser de cette manière en suivant le modèle ronsardien : « Tu seras mon Orphée et moi ton Eurydice. »
Délie orphique
4La figure de Délie est associée à la persona orphique à plusieurs reprises dans le recueil, notamment par l’intermédiaire de l’instrument et du pouvoir de la voix. Majoritairement dans le recueil, conformément à la tradition pétrarquiste de l’amante musicienne, c’est elle qui tient le luth ou la lyre, instrument de prédilection du chantre thracien que l’on retrouve également dans les bras d’Orphée dans l’emblème 20 de l’édition de 156416 :
Tes doigtz tirantz non le doulx son des cordes17, [D 196, v. 1]
Leuth resonnant, & le doulx son des cordes,
Et le concent de mon affection,
Comment ensemble unyment tu accordes
Ton harmonie avec ma passion ! [D 344, v. 1-4]
Entre ses bras, ô heureux18, près du coeur
Elle te serre en grand’ delicatesse [D 345, v. 1-2]
Quand mon Phoenix pour son esbatement
Dessus sa lyre a jouer commença [D 158, v. 7-8]
5Plutôt qu’à l’Amant-poète, l’instrument orphique est confié à Délie. À la musique de la lyre se superposent la douceur et l’harmonie de la voix de la Dame qui rappelle le pouvoir pacificateur et apaisant du chant orphique :
Me ravissant ta divine harmonie
Souventesfois jusques aux Cieulx me tire [D 157, v. 1-2]
6Jouant du luth et chantant, l’Aimée se pare du pouvoir de la lyre que Scève associe, selon Marcel Tetel, « à la sérénité et à l’apaisement spirituel19 », conformément sans doute aux théories ficiniennes sur le pouvoir régulateur et thérapeutique de la musique20. Néanmoins, comme celle d’Orphée, la lyre délienne est tout autant symbole de dissonance que d’harmonie :
Scève combine, comme la tradition le fait souvent, ces deux conceptions, celle d’une musique harmonieuse, écho à la musique des sphères, capable de faire remonter l’homme de la terre au ciel, d’accorder les discords, et celle d’une musique douée d’effets sur les passions, pouvoir de les apaiser tout autant que de les exciter21.
7Cette double dimension de la musique – bien mise en évidence par ailleurs dans Saulsaye qui oppose à la musique chaotique des satyres le chant harmonieux de la Nature – se retrouve également au cœur de Delie. Lorsque Délie chante et s’empare de la lyre ou du luth, elle ravit l’amant tout autant qu’elle le détruit. La stase harmonieuse produite par la lyre, dans Delie comme dans le mythe d’Orphée, est toujours temporaire. De fait, dans les dizains musicaux, un renversement s’opère immanquablement pour signaler le retour de la souffrance et de la discorde intérieure. Le chant délien s’apparente à un véritable carmen, dont la puissance enchaîne l’amant et renouvelle sa douloureuse dévotion. Dans le dizain 160, le « doulx chant » du vers 1 le reconduit toujours sur le chemin houleux de la passion (patior) :
En ma pensée, & là renoveller
Ma tempestueuse & longue passion. [v. 9-10, nous soulignons]
8Tel le lierre de l’emblème 17 qui attache l’amant tout autant qu’il le ruine, le chant délien l’enchante et l’enchaîne sans répit. Il n’est que de lire le dizain 158 :
L’air tout esmeu de ma tant longue peine
Pleuroit bien fort ma dure destinée :
La Bise aussi avec sa forte alaine
Refroidissoit l’ardente cheminée.
Qui, jour & nuict, sans fin determinée
M’eschaulfe l’Ame, & le Cœur a tourment,
Quand mon Phoenix pour son esbatement
Dessus sa lyre a jouer commença :
Lors tout soubdain en moins, que d’un moment,
L’air s’esclaircit, & Aquilon cessa.
9Une première lecture laisse entendre positivement que le vent froid, symbolisé par l’Aquilon (v. 10), cesse lorsque Délie, assimilée ici à la figure du Phénix, s’empare de la lyre. Or, cet air glacial, apparu en amont sous la forme de la Bise (v. 3), se trouvait investi d’un pouvoir salvateur pour l’amant qu’il soutenait en « refroidiss[ant] l’ardente » (v. 4) passion qui le consume. Les cordes de l’instrument lyrique ravivent alors les braises à peine essoufflées du « tourment » (v. 6) amoureux. La fonction faussement apaisante de cette lyre cosmique est mise en scène au détriment du poète : la clémence météorologique, en réchauffant l’atmosphère, entraînera en toute logique la réactivation, voire le redoublement, du trouble intérieur.
10Il en va de même dans le dizain 344 où la puissance du luth attise tout autant le bonheur que la souffrance de l’amant :
Si vivement l’esprit tu m’exercites
Qu’ores a joye, ore a deuil tu m’incites
Par tes accords, non aux miens ressemblants. [v. 6-8]
11Pour James Helgeson, il devient même un « heureux rival22 », en tenant cette place tant convoitée dans les bras de Délie23 :
Entre ses bras, ô heureux, près du cœur
Elle te serre en grand’ delicatesse :
Et me repoulse avec toute rigueur [D 345, v. 1-3, nous soulignons]
Tu ne sens point sa flamme dommageable,
Qui jour, & nuict, sans la toucher, me rend
Heureusement pour elle miserable. [D 345, v. 8-10, nous soulignons]
12Construit sur des antithèses qui mettent en évidence cette rivalité, le dizain s’achève sur l’adjectif « miserable », qui résonne tout particulièrement dans le contexte orphique24 puisqu’il est également employé dans le dizain 316 pour signifier l’insuffisance de l’Amant-poète qui se mesure à la lyre orphique. Alors qu’Orphée parvenait à apitoyer les dieux infernaux (v. 1-4), la lyre scévienne se révèle quant à elle impuissante :
En mon travail, moy miserable, honteux
Sans obtenir, tant soit petite grâce [D 316, v. 5-6]
13L’Amant-poète qui n’a rien obtenu – ne serait-ce que provisoirement – n’a pas, contrairement à Délie, le pouvoir d’Orphée.
14Dédaigneuse envers l’amant, l’Aimée ne s’incarne pas dans le rôle de l’Orphée amoureux mais plutôt dans celui du poète tout-puissant, entièrement tourné sur sa lyre, tel qu’il est représenté dans Argonautiques orphiques25 ou chez Horace26. C’est sous ces traits que la Dame se voit représentée en Orphée dans l’emblème 20 du recueil :
Emblème 20 : Orpheus.
Maurice Scève, Delie, object de plus haulte vertu, Lyon, Chez Sulpice Sabon pour Antoine Constantin, 1544.
Source : gallica.bnf.fr / BnF.
Localisation : BNF, Réserve des livres rares, RES-YE-1746.
15On y voit l’aède, accompagné de son instrument, au centre de la composition, dans un décor naturel, adossé à un arbre, entouré d’animaux – un lion, un bœuf, un mouton, une licorne et un oiseau –, qui forment son cercle d’auditeurs. Conformément à la distribution traditionnelle des rôles dans la poésie amoureuse et au motto qui évoque la souffrance de l’amant après la perte d’Eurydice, le lecteur est tenté d’identifier de prime abord cet Orphée à l’amant. Toutefois, Dorothy G. Coleman, qui met en perspective cet emblème avec le dizain qui l’accompagne27 (D 177), a bien montré que c’est à Délie, celle qui donne « a tous mille esbahyssementz / Avec plaisir » (v. 6-7), qu’il convient d’associer le chantre thracien, représenté sur l’impresa entouré de ses admirateurs. Comme dans le premier emblème, c’est la licorne, maintenue à l’écart, le regard fixé vers Délie-Orphée qui dédaigne l’animal en tournant la tête dans la direction opposée, qui représente métaphoriquement l’amant :
Furthermore Orpheus, drawing a unicorn into his own circle by sweetness of his songs, is akin to the mistress enchanting a unicorn. […] the unicorn in the picture is looking straight at Orpheus who has his head turned away. The unicorn/poet is at once spellbound and kept under the barrier of song and is suffering and dying28.
16Plutôt que celle d’Orphée, l’énoncé du motto « A tous plaisir et à moy peine » laisse entendre la triste voix de l’amant-licorne. Dans ce « véritable “trompe-l’œil” qui déjoue l’identification instinctive du poète à la figure mythique29 », on mesure à quel point Scève se joue des attendus de son lecteur en confiant à l’Aimée les attributs orphiques jusque dans leurs représentations visuelles.
Eurydice, figure de l’amant-poète et antithèse de Délie
17En déléguant le pouvoir orphique à Délie, l’Amant-poète se trouve naturellement préposé au rôle d’Eurydice, sans pour autant que celle-ci ne soit explicitement nommée. Comme elle, dans les dizains où le chant de l’amante se fait entendre, il se retrouve dans une posture d’auditeur, enchanté qu’il est par la voix de l’Aimée :
Et le doulx son, qui de sa bouche sort,
Me fait frémir en si ardente doubte. [D 156, v. 7-8]
Que plus j’escoute, plus a soy m’attire [D 157, v. 5]
Et tellement les oreilles concordes [D 196, v. 4]
18Par ailleurs, si l’on se rapporte au contenu originel de la fable, l’importance d’Eurydice est conditionnée par l’animal qui lui ôte la vie : sans la morsure funeste du serpent, pas de sublimation amoureuse, pas de récit ou de chant de déploration. Il en va de même dans Delie. Nul lecteur ne peut oublier que l’innamoramento du premier dizain se trouve associé au coup fatal du plus dangereux des serpents :
Mon Basilisque avec sa poignant’ veue
Perçant Corps, Cœur, & Raison despourveue,
Vint penetrer en l’Ame de mon Ame. [D 1, v. 4-7]
19La blessure infligée par ce « Serpent en moy continuel » (D 372, v. 2), rappelée à plusieurs reprises dans le recueil, évoque bien celle d’Eurydice. De la même manière que la jeune dryade, l’amant scévien, après la rencontre du serpent délien, se trouve dès le troisième dizain plongé aux « bas Enfers » (v. 10) où, réduit à un état fantomatique, il est conduit à errer :
Au Regne umbreux ma vie s’est rendue. [D 104, v. 4]
Comme Hecaté tu me feras errer
Et vif, & mort cent ans parmy les Umbres [D 22, v. 2]
20La descente aux Enfers du poète prend davantage la forme de celle d’Eurydice que de celle d’Orphée. Comme elle30, l’Amant-poète voit son corps s’abîmer et devenir une ombre exsangue :
Tu es le Corps, Dame, & je suis ton umbre, [D 376, v. 1]
Que le corps vif est jà poulsiere Umbreuse [D 82, v. 4]
Que plongeant l’Ame, & la memoire au fondz,
Tout je m’abysme aux oblieuses rives31. [D 118, v. 13-14]
21Enfin, on peut se souvenir qu’Eurydice est également l’une des figures de la mythologie préposée à mourir deux fois : la première mort est causée par le serpent, la seconde par l’impatience d’Orphée. Comme les grands suppliciés, elle est une incarnation mythique de la mort répétée. En ce sens, elle rappelle symboliquement elle aussi les fameuses morts renouvelées annoncées dans le huitain liminaire : « Mais bien les Mortz, qu’en moy, tu renouvelles » (v. 3). Définitivement installé dans les tourments mortifères de l’amour, l’amant supplicié, en multipliant ses expériences de la mort au fil des 449 dizains du recueil, revit superlativement le destin d’Eurydice.
22Plus encore, dans les dizains 316 et 445, lorsque Scève évoque le couple mythique de manière plus traditionnelle et moins voilée, il empêche le lecteur d’associer Délie à la figure d’Eurydice. Bien que le nom d’Orphée dans le dizain 316 ouvre le premier vers et que sa catabase soit discrètement évoquée, Eurydice n’est en revanche jamais nommée et sa persona s’efface au profit de celle de Proserpine.
Chantant Orphée au doulx son de sa lyre,
Tira pitié du Royaulme impiteux
Et du tourment appaisa toute l’ire,
Qui pour sa peine est en soy despiteux.
En mon travail, moy miserable, honteux
Sans obtenir, tant soit petite grace,
N’ay peu tirer de sa benigne face,
Ny de ses yeulx une larme espuiser,
Qui sur mon feu eusse vive efficace,
Ou de l’estaindre, ou bien de l’attiser. [D 316]
23Le système comparatif mis en place signale aussi bien l’échec du poète à agir comme Orphée que l’impossibilité d’associer Délie à une Eurydice charmée et désireuse de le suivre. La catabase se révèle alors impossible : tout comme le poète ne peut pas être Orphée, Délie ne peut pas être Eurydice. Il en va de même dans le dizain 445 – le seul où il soit fait mention du nom de la dyade – où se profile encore une fausse catabase :
Ainsi veult il par plus louable indice,
Que mon Orphée haultement anobly,
Maulgré la Mort, tire son Euridice
Hors des Enfers de l’eternel obly. [v. 7-10]
24Comme l’a montré Cécile Alduy32, il ne s’agit pas pour le poète de faire revivre une Eurydice-Délie – qui ne meurt pas au demeurant dans le recueil – mais bien de la sortir de l’oubli, qui n’est autre que la seule et véritable mort. Ainsi la catabase est-elle inversée : Orphée veut redonner vie à celle qu’il ne peut oublier quand Scève veut sortir de l’oubli celle qui, de ce fait, ne pourra jamais mourir. En définitive, la seule occurrence explicite d’Eurydice du recueil s’apparente davantage au monument de papier que constitue Delie plutôt qu’à la figure de l’amante délienne.
25Cette figure d’Eurydice que Scève s’approprie de manière détournée, en empêchant sa surimpression avec la femme aimée et en invitant le lecteur à l’associer à l’amant, participe ainsi à construire la persona passive et féminine de ce dernier. En effet, comme l’a montré Françoise Charpentier, à propos de l’imagerie mythologique fluviale et lunaire du recueil, le poète joue « de façon nouvelle des combinaisons du masculin-féminin33 » à travers le « déplacement des rôles sexuels34 » attendus35. La superposition de l’amant avec Eurydice s’inscrit dans la longue liste des masques mythologiques empruntés par le poète, qu’ils soient féminins – Sémélé, Lune ou Saône – ou miroirs de la masculinité écrasée36 – Endymion endormi, Actéon dévoré ou Vulcain trompé. C’est bien dans le féminin que Scève semble construire l’ethos de son amant en confiant à Délie la puissance orphique et au poète la posture d’Eurydice, lui qui rappelle encore vers la fin du recueil, ce que lui fit la blessure du serpent délien :
Ce doulx venin, qui de tes yeulx distille,
M’amollit plus en ma virilité. [D 388, v. 1]
26Toutefois, cette volonté de ne pas s’associer à Orphée ne doit pas être considérée comme un aveu d’impuissance poétique. Le refus de tenir ce rôle témoigne d’un rapport plus complexe au personnage d’Orphée et surtout à la figure du poète qu’il incarne. De fait, pour James Helgeson, l’absence d’Eurydice dans le dizain 316 engage une relecture « critique » de l’Amant-poète que fut Orphée, lui qui saborde son pouvoir pour céder à sa passion :
on aurait pourtant tort d’attribuer à l’Orphée de D 316 une efficacité absolue. […] L’impuissance d’Orphée face à son désir fatal est inscrite en filigrane dans le récit d’un Orphée dompteur. L’absence d’Eurydice dans le dizain trahit la secrète faiblesse d’une musique dont toute la puissance est sapée par un instant de désir37.
27Au contraire du Thracien, l’amant scévien garde toujours la distance nécessaire au culte de Délie et entretient ce désir toujours virtuel qui permet répétition et variation du tourment amoureux.
Le refus d’être Orphée
28Lorsque le poète se mesure à Orphée, il rappelle tout autant sa puissance que son inefficacité, lui qui échoue à ramener sa compagne des Enfers. L’impossibilité d’assimiler sans réserve la figure du poète à celle d’Orphée ne doit pas être comprise comme un aveu d’humilité ou de faiblesse mais plutôt comme le fait qu’il n’y a pas chez Scève de culte absolu à la lyre et au chant orphique ni même de volonté à devenir l’Orphée de la fable. Comme l’a observé Simone Perrier, Scève, qui n’écrit jamais « je chante38 », ne déclare pas non plus être Orphée, pas même dans le dizain 445 :
Le poète ne dit pas « Je suis Orphée » mais « mon Orphée », soit qu’il désigne le pouvoir qui l’habite, soit qu’il souligne son appropriation d’une figure qui désormais n’est plus l’Orphée des Anciens ni celui de Pétrarque, mais celui de Maurice Scève. Dans un cas comme dans l’autre il déclare la vertu de sa poésie, même s’il la rapporte ici encore, à celle de la dame : si l’œuvre est portée vers le haut par la dame, l’œuvre porte là-haut la dame39.
29Dans les deux dizains (D 316 et D 445) où l’on pourrait être tenté d’assimiler le poète à Orphée, on a pu montrer que s’opérait un écart avec la figure mythique. Paradoxalement, c’est dans la formule « Mon Orphée » (D 445) que James Helgeson voit l’aboutissement de ce processus à l’œuvre :
Dans l’expression « mon Orphée » s’effectue une distanciation du poète par rapport au personnage mythologique. « Mon Orphée » signifie à la fois le projet poétique de Scève : « ma poésie » (qui éternise la mémoire de Délie par l’évocation d’Eurydice) et le pouvoir poétique de mettre en scène, de charger de signification, à ses propres fins, un personnage mythologique : « mon poème40 ».
30Dans Delie, la dernière étape de cette appropriation intériorisée d’Orphée consiste alors en la réécriture et en l’inversion de la portée symbolique du mythe. Scève renouvelle profondément la posture orphique : contrairement à Orphée, il est celui qui chante et qui répète sa souffrance sans que la Dame n’ait besoin de mourir. Tout le recueil fait valoir le triomphe de l’amour sur le temps et sur la mort. L’Orphée scévien n’est plus celui de la fable : il est celui qui réussit là où le chantre grec a échoué. Cécile Alduy l’a bien montré : « Scève ne cesse de nier le caractère indépassable de la mort et se présente en nouvel Orphée, ramenant Délie – et Laure à travers l’entreprise avignonnaise – « Maulgré la Mort, / Hors des Enfers de l’éternel Obly (D 445)41 ».
31En somme, on peut même se demander si ce rapport d’émulation et de distanciation avec la figure d’Orphée ne pourrait fonctionner comme un contre-modèle poétique. À rebours de la parole enchantée, inspirée et harmonieuse d’Orphée, la critique a montré en effet comment le poète mettait en œuvre dans son recueil une véritable poétique du taire, du silence42 mais aussi du labeur. Dès lors, quand Orphée émeut les dieux par son chant, le poète veut quant à lui, pour reprendre les mots de Gisèle Mathieu-Castellani, leur « faire ouïr son taire43 ». Le poète oppose à l’harmonie du chant orphique la puissance poétique et émotive de ce « peu parler, ces bribes arrachées au taire, comme aux clameurs inarticulées44 ». Aussi le dissonant et les sons indistincts ont-ils chez Scève la même capacité d’action que l’harmonieux chant orphique. C’est tout particulièrement notable dans le dizain 360 :
Que mes sanglots penetrant jusqu’aux Cieulx
Esmeuvent ceulx qui en cruauté règnent. [D 360, v. 9-10]
32À défaut d’émouvoir sa Dame, les humbles pleurs du poète parviennent tout de même à attendrir les dieux infernaux. Il s’agit là d’un véritable tour de force : à l’art du chant orphique et harmonieux, il substitue le bruit du sanglot. Plus encore, à de nombreuses reprises dans Delie, le poète signale l’impossibilité de parler ou de chanter devant la divinité délienne45. Cette mise en scène du silence poétique engage indirectement elle aussi une forme de relecture critique du mythe d’Orphée, voire une forme de dépassement puisque, paradoxalement, ce silence se fait tout aussi bien entendre des Dieux :
Et y pensant mes silentes clameurs
Se font ouyr & des Cieux & du Centre [D 228, v. 9-10]
33Ainsi, selon Véronique Duché, « Delie montre l’effacement de la bouche au profit de l’œil et de la main. L’écrit se substitue à la parole46. » Délaissant les Muses47 dont on sait l’importance dans la tradition orphique, le poète scévien semble davantage un écrivain du labeur que de la fureur orphique. Si Délie inspire indéniablement le poète, c’est le travail, aussi bien souffrance continue que violence aiguisée, qui engendre le texte :
Mais mon travail sans entremesler pose
A mon souffrir, m’aiguise par ses artz [D 402, v. 7-8]
34Comme dans le dizain 316, l’Amant-poète oppose une nouvelle fois au pouvoir orphique son « travail » (v. 5). Poète de la plume, de l’écrit, du labeur, il se montre bien différent de l’Orphée musicien, chanteur et inspiré. Cultiver la souffrance, la retravailler devient la condition même de l’émergence du dizain. On comprend ainsi pourquoi la catabase est toujours discutée dans le recueil, qu’elle soit impossible (D 316) ou profondément modifiée (D 445) : avoir Eurydice, c’est arrêter d’écrire Delie.
1 Françoise Joukovsky, Orphée et ses disciples dans la poésie française et néo-latine du xvie siècle, Genève, Droz, 1970, p. 11.
2 Orphée apparaît également dans Microcosme, à la fin du chant ii aux vers 982 et 983, dans une périphrase savante mais plutôt transparente pour un lecteur cultivé du xvie siècle : « C’est qu’un autre il entend, un Lyrique ancien, / Un trop plus digne assés du charme Thracien », l’adjectif « thracien » faisant figure d’épithète homérique pour désigner Orphée. Par ailleurs, si ce mythe est très largement utilisé par Scève dans Arion, jamais Orphée ou Eurydice n’y sont explicitement nommés.
3 James Helgeson, Harmonie divine et subjectivité poétique chez Maurice Scève, Genève, Droz, « Travaux d’Humanisme et Renaissance », no 349, 2001, p. 50.
4 Marcel Tetel, Lectures scéviennes. L’emblème et les mots, Paris, Klincksieck, 1983, p. 51.
5 Virgile, Géorgiques, Livre IV, v. 454-527 dans Œuvres complètes, édition bilingue établie par Jeanne Dion et Philippe Heuzé, avec Alain Michel pour les « Géorgiques », Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2015, p. 232-236.
6 Ovide, Les Métamorphoses, texte établi et traduit par Georges Lafaye, revu et corrigé par Henri Le Bonniec, Paris, Les Belles Lettres, t. 2, 2002, [7e édition revue et corrigée], Livre X, v. 1-85, p. 122-124 et Ovide, Les Métamorphoses, texte établi et traduit par Georges Lafaye, revu et corrigé par Henri Le Bonniec, Paris, Les Belles Lettres, t. 3, 2002, Livre XI, v. 1-66, p. 2-4.
7 Ovide, Les Métamorphoses, op. cit., Livre X, v. 50-52, p. 123 : « Ne flectat retro sua lumina, donec Auernas / Exierit ualles. »
8 Virgile, Géorgiques, op. cit., Livre IV, v. 507-510, p. 236-237 : « Septem illum totos perhibent ex ordine mensis / rupe sub aeria deserti ad Strymonis undam / fleuisse et gelidis haec euoluisse sub antris / mulcentem tigris et agentem carmine quercus. » [« Pendant sept mois, dit-on, sept mois entiers, / sous un rocher aérien, près de l’onde du Strymon désolé, / il pleura, déroulant son sort sous les antres glacés, / charmant les tigres, entraînant les chênes par son chant. »]
9 Voir par exemple R 167 et R 220.
10 Pétrarque, Le Chansonnier / Canzionere, traduction et édition critique de Pierre Blanc, Paris, Classiques Garnier, « Classiques jaunes : Textes du monde », [1re éd. 1989], 2020, R 332, v. 49-51, p. 510-511.
11 Fritz Schalk, « Bemerkungen zu einigen mythologischen Dixains von Maurice Scèves Delie », [« Remarques sur quelques dizains mythologiques de la Delie de Maurice Scève »], dans Interpretation und Vergleich. Festshrift für Walter Pabst, Herausgegeben von Eberhard Leube und Ludwig Schrader, Berlin, Erich Schmidt Verlag, 1972, p. 256 : « Der letzte Vers – dem Liebenden ist Délie wie Pandora – stiftet die Beziehung zu dem Orpheus-Emblem. Und der Mythos muß nicht genannt sein, aber er kann angedeutet werden, ohne an Suggestikraft zu verlieren wie in Dixain 3 ». [« Le dernier vers – dans lequel pour l’amant Délie est comme Pandore – établit la relation à l’emblème d’Orphée. Et le mythe ne nécessite pas d’être nommé mais il peut être évoqué sans perdre sa puissance de suggestion, comme dans le dizain 3 », nous traduisons.]
12 Ibid., p. 257.
13 Ibid., p. 259 : « Aber es knüpft sich nicht nur eine Wechselbeziehung zwischen Délie-Eurydike, Persephone, sondern auch eine Korrelation zwischen Scève und der Dunkelheit orphischer Dichtung. » [« Se noue non seulement une corrélation pure entre Délie-Eurydice et Perséphone, mais également une corrélation entre Scève et l’obscurité de la poésie orphique », nous traduisons.]
14 C’est ce que remarque fort justement James Helgeson : « Dans le contexte du mythe, on s’attend à ce que Délie nous apparaisse sous les traits d’une Eurydice. Or cette Eurydice/Délie n’est jamais nommée ; en fait “les yeux” de la “benigne face” semblent reprendre la fonction que tenait le “Royaume impiteux” dans la première partie du poème ; il y a comme un télescopage entre Eurydice (la “benigne”) et la cruelle Destinée (assimilée aux Enfers) ». (James Helgeson, op. cit., p. 54).
15 Pierre de Ronsard, Œuvres complètes, Le Second Livre des Sonnets pour Hélène, édition établie, présentée et annotée par Jean Céard, Daniel Ménager et Michel Simonin, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1993, Sonnet xli, p. 399-400.
16 L’édition de 1544 fait apparaître dans les bras d’Orphée une vièle à archet : celle-ci est remplacée par une lyre en 1564, sans doute pour apporter une coloration plus classique à l’emblème et pour renforcer le symbolisme traditionnel associé à la représentation orphique.
17 L’édition de référence utilisée pour les citations de Delie dans cette étude est celle d’Eugène Parturier : Maurice Scève, Délie object de plus haulte vertu, édition critique avec introduction et notes d’Eugène Parturier, Paris, S.T.F.M., 1916 [Réimpr. 1931 ; 1962 ; 1987]. Réimpression avec introduction et bibliographie de Cécile Alduy, S.T.F.M., 2001.
18 Dans son édition de Delie, Ian Mc Farlane a bien montré que ce dizain, à la suite du précédent, s’adressait au luth et non à un livre, comme le suggère Eugène Parturier : « This dizain is the continuation of the preceding one, and, like it, is adressed to the lute. Parturier’s suggestion that the poet is adressing a book handled by Délie is clearly incorrect. », The Delie of Maurice Scève, édition de Ian D. Mc Farlane, Cambridge, Cambridge University Press, 1966, p. 458.
19 Marcel Tetel, « Le luth et la lyre de l’école lyonnaise », dans Il Rinascimento a Lione, dir. A. Possenti et G. Mastrangelo, Rome, Ateneo, 1988, p. 960.
20 Marsile Ficin, Lettres, préfacées, traduites et annotées par Julie Reynaud et Sébastien Galland, Paris, Vrin, « Philosophies de la Renaissance », 2010, « De la musique », Lettre à Antonio Canigiani : « Orphée, dans son livre des Hymnes, soutient qu’Apollon, au moyen de ses rayons vitaux, prodigue la santé et la vie et chasse les maladies. En outre, avec le son mélodieux des cordes, c’est-à-dire avec leur vibration et leur puissance, il tempère toute chose. », p. 97.
21 Nathalie Dauvois, Michèle Clément et Xavier Bonnier, Maurice Scève : Délie, Neuilly-sur-Seine, Atlante, « Clefs concours – Lettres xvie siècle », 2012, p. 158.
22 James Helgeson, op. cit., p. 60.
23 On peut rappeler, comme l’a remarqué James Helgeson, que l’adjectif « heureux » est également utilisé pour qualifier l’autre grand rival de l’amant, à savoir le mari de Délie, l’« heureux consort » du dizain 156.
24 Il fait écho au « miserabilis Orpheus » (v. 454) du livre IV des Géorgiques, op. cit., p. 232.
25 Dans cette petite épopée, Orphée, qui fait montre à plusieurs reprises du pouvoir de son chant, garantit le succès de cette expédition légendaire.
26 Horace, Art poétique, Épitres, texte établi et traduit par François Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1941, p. 222, v. 391-401.
27 D 177 : « Par ta figure, haultz honneurs de Nature, / Tu me feis veoir, mais trop a mon dommage / La gravité en ta droicte stature, / L’honnesteté en ton humain visage, / Le venerable en ton flourissant aage / Donnant a tous mille esbahyssementz / Avec plaisir : a moy nourrissementz / De mes travaulx avec fin larmoyeuse. / Et toutesfoys telz accomplissementz / Rendent tousjours ma peine glorieuse. »
28 Dorothy G. Coleman, An Illustrated Love “Canzoniere”. The “Délie” of Maurice Scève, Genève, Slatkine, Centre d’études Franco-Italien, Université de Turin et de Savoie, « Textes et Études – Domaine Français », no 2, 1981, p. 41. [« De surcroît, Orphée, qui attire une licorne dans son propre cercle par la douceur de ses chansons, s’apparente à la maîtresse enchantant une licorne. La licorne sur l’emblème regarde Orphée qui a la tête tournée. La licorne-poète est à la fois envoûtée et maintenue sous la barrière du chant : elle souffre et meurt. » Nous traduisons].
29 Xavier Bonnier, « Mes silentes clameurs ». Métaphore et discours amoureux dans Delie de Maurice Scève, Paris, Champion, « Bibliothèque littéraire de la Renaissance », no 83, 2011, p. 130, note 2.
30 Virgile, Géorgiques, op. cit., Livre IV, v. 499-501, p. 236-237 : « et ex oculis subito, ceu fumus in auras / commixtus tenuis, fugit diuersa, neque illum / prensantem nequiquam umbras et multa uolentem / dicere praeterea uidit ». [« Et, soudain, de sa vue, comme une vapeur subtile se fond dans les airs, [elle] s’éloigna et disparut ; et lui, qui étreignait en vain les ombres et voulait tant lui dire, plus jamais elle ne le revit »].
31 Comme le souligne Gérard Defaux, « Les oblieuses rives du v. 10 sont clairement virgiliennes. Voyez En., V1.7I3-715. […] Elles figurent donc la “vie morte” de l’Amant, le fait que sa vie est désormais une continuelle descente aux Enfers, au “royaume qui n’a pas de chemin pour les vivants” (En., VI.154). Il est tout à la fois un corps sans âme et une âme sans corps » dans Maurice Scève, éd. Defaux citée, t. 2, p. 157.
32 Cécile Alduy, « Scève et Pétrarque : de mort à vie », dans Les Poètes français de la Renaissance et Pétrarque, dir. J. Balsamo, Genève, Droz, 2004, p. 157-170.
33 Françoise Charpentier, « “En moi tu luis la nuit obscure” : le paysage intérieur de Maurice Scève », Europe, LXIVe année, nos 691-692, 1986, p. 86.
34 Ibid., p. 90.
35 À ce propos, Xavier Bonnier remarque également l’étonnante omission de la métaphore du cheval dans Delie, symbole sans équivoque « d’une ardeur sexuelle littéralement “débridée” » (p. 328). Cette « impasse absolue sur un terme et une famille lexicale aussi courants et malléables indique probablement une manœuvre mentale de l’ordre de l’exclusion instinctive et radicale, comme si Scève n’associait l’animal qu’à cette image de sexualité extraordinaire et préférait s’abstenir d’y rapporter qui que ce soit, et l’Amant au premier chef. » Xavier Bonnier, « Mes silentes clameurs »…, op. cit., p. 329.
36 Daniel Maira, « Les mollesses endurcies dans Delie de Maurice Scève », Réforme, Humanisme, Renaissance, no 81, 2015, p. 131 : « à l’image de l’amant victorieux, il préfère celle du soupirant transi. »
37 James Helgeson, op. cit., p. 54-55.
38 Simone Perrier, « Inscription et écriture dans Delie », Europe, LXIVe année, nos 691-692, 1986, p. 141.
39 Ibid., p. 146.
40 James Helgeson, op. cit., p. 55.
41 Cécile Alduy, art. cité, p. 165.
42 Véronique Duché, « “La bouche ouverte à demander mercy”. L’oralité de la Delie », dans Lectures de Delie de Maurice Scève, dir. E. Buron, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 156 : « Alors que Délie semble maîtriser parfaitement sa parole, paradoxalement il n’en est pas de même pour le poète. Se succèdent ainsi dans Delie autant d’autoportraits du poète bouche close inaugurés par le portrait gravé présent au seuil de l’œuvre. »
43 Gisèle Mathieu-Castellani, « Scève syntaxier », dans Lire Maurice Scève, actes du colloque international de l’Université Paris VII, 23-24 novembre 1987, réunis par Françoise Charpentier et présentés par Françoise Charpentier et Simone Perrier, Cahiers Textuel 34/44, no 3, 1987, p. 102.
44 Ibid.
45 D 8, D 130, D 226, D 227, D 228, D 359, D 364, D 381.
46 Véronique Duché, art. cité, p. 162.
47 Michèle Clément ne dénombre que trois références aux Muses dans l’ensemble de l’œuvre scévienne. Voir Maurice Scève, Œuvres complètes, t. II, Arion, Blasons, Psaumes, Saulsaye, édition critique de Michèle Clément, Paris, Classiques Garnier, « Textes de la Renaissance », no 219, 2019, p. 69, note 25.
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Quelques mots à propos de : Adélaïde Guillou
Université de Rouen Normandie
CÉRÉdI – UR 3229