6 | 2015
Madrid, traces et tracés (1950-2000)

Une ville est un discours adressé à soi-même et aux autres. Elle cumule autant de récits que de cicatrices, autant de cicatrices que d’histoires, autant d’histoires enfouies dans son sol, dans les traces laissées par des occupations antérieures, par les usages privés, les topographies sentimentales, personnelles et collectives. C’est un complexe, pour employer le langage de la chimie, autrement dit une combinaison de récits qui s’assemblent en un discours unique. Ce document recueille les travaux présentés lors de la réunion scientifique internationale « Madrid, traces et tracés », organisée par Serge Buj à l’UFR Lettres de l’Université de Rouen, le 20 février 2015, avec le soutien du Laboratoire ERIAC.

Couverture de

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Madrid, ville organique ?

Serge Buj


Résumés

L’auteur du plan d’aménagement de Madrid de 1946, Pedro Bidagor expliquait en 1942 les différentes orientations de son action en opposant ville organique et ville inorganique. Il affirmait que la ville répondait dans sa structure à des lois analogues à celles qui régissent le corps humain. L’opposition entre l’organique et l’inorganique était au centre de l’élémentaire dialectique philosophique du régime, au centre de son discours d’autojustification. Ce discours valait autant pour critiquer l’égalitarisme supposé de la géométrie et du modèle orthogonal de développement urbain que pour justifier la non-pertinence démocratique du suffrage universel. Par ailleurs, il devenait le principal argument justifiant le zonage urbain de Madrid, aussi bien en matière de spécialisation (zones résidentielles, zones d’activité, zones commerciales, etc.) qu’en matière de hiérarchisation sociale par l’habitat. Nous partirons de ce langage aux contours néoplatoniciens et de ses antécédents pour examiner ce que la ville de Madrid a vécu au cours de ses années de transformation majeure (1939-1975).

Pedro Bidagor, el autor del Plan de Ordenamiento de Madrid de 1946, justificaba en 1942 las diferentes orientaciones d su acción directiva oponiendo dos modelos de cuidad, la orgánica y la inorgánica, afirmando que en su estructura, la ciudad obedecía a leyes análogas a las del cuerpo humano. Lo orgánico vs. lo inorgánico era un concepto filosófico dialéctico central para el régimen, sobre todo en su discurso auto-legitimador. Este discurso valía tanto para criticar el supuesto igualitarismo de la geometría y del modelo ortogonal de desarrollo urbano como para descalificar la pertinencia democrática del sufragio universal. Se enarboló como argumento definitivo para justificar la constitución de zonas urbanas en Madrid, tanto en cuestiones de especialización de espacios (zonas de viviendas, zonas fabriles, zonas de comercio, etc.) como de jerarquización social por la distribución de viviendas. Partiendo de este lenguaje con perfiles neoplatónicos y de sus antecedentes, examinamos lo que se experimentó en Madrid a lo largo de los años de mayor transformación, 1939 / 1975.

Texte intégral

1Pour Le Corbusier, la ville moderne est le résultat explosif de « l’intervention subite, dans une vie rythmée jusque-là par le pas du cheval, de la vitesse dans la production et le transport des gens et des choses »1. Un discours d’urbaniste, de « bâtisseur » qui en aucun cas ne tient compte de la place de l’individu dans cet ensemble nouveau surgi au xxsiècle. Sinon de la lutte désespérée de ce dernier qui tente d’échapper à la ville malade et à sa contagion. Il en vient à considérer que « l’usure nerveuse » que la grande ville provoque a réactivé le rêve virgilien des humains : la maison individuelle, « flanquée de son jardin à fruits et légumes et de son arbre fraternel », c’est-à-dire que cette ville mal conçue (encasernement et inhumanité sont les qualificatifs négatifs dont il l’affuble) provoque une deuxième catastrophe : le mitage rurbain.

2Près de quarante ans plus tôt, Georg Simmel envisage la ville non pas sous l’angle de sa définition possible (historique, topographique, commerciale) mais d’un point de vue que l’on pourrait qualifier avec prudence de socio-psychologique : « La base psychologique sur laquelle repose le type des individus habitant la grande ville est l’intensification de la vie nerveuse, qui résulte du changement rapide et ininterrompu des impressions externes et internes »2. La notion commune de vitesse des échanges sera l’un des fondements des visions urbanistiques modernes traduites par les politiques de transport de proximité, de zonage ou de densité. Carrefour d’échanges matériels ou impressifs, la ville résulte donc de la rencontre d’une topographie et d’une extension et diversification de la notion de commerce (échange de biens et de valeurs) qui finit par devenir résidence et marché, lieu où se pratique le negotium, autrement dit où le repos n’est pas possible.

3Pour Lewis Mumford, la ville moderne est le résultat d’une longue et sinueuse trajectoire qui mène des groupements primitifs sédentaires vers les agglomérations humaines. Il ne fixe pas comme moteur essentiel à l’établissement des hommes en groupes sédentaires la commodité des rencontres des lieux de confluence des routes commerciales antiques, mais plutôt le soin qu’ils mettaient à célébrer le culte de leurs morts : « Ce culte que les primitifs rendaient à leurs morts […], les a incités, peut-être plus que tout autre besoin matériel, à se rassembler et finalement à adopter un mode de vie sédentaire »3.

4Les hommes du paléolithique comme tous les peuples apparus plus tard n’ont cessé d’élever sur des terres qu’ils finiront par revendiquer les tumuli ou nécropoles qui seront les premiers points d’ancrage urbain autours desquels, peu à peu, s’établiront des habitats permanents. Lewis Mumford exprime cette intuition ainsi : « La cité des morts est antérieure à la cité des vivants ».

5On pourrait imaginer que cette intuition relève d’une fausse perspective encouragée par l’archéologie historique et l’engouement dont elle fut l’objet au tournant des xixe et xxe siècles, puisque les vestiges que les archéologues ont mis à jour depuis lors, qui concernent les sociétés antiques ou primitives, n’ont généralement pour trait commun que d’être des lieux de sépulture et / ou des lieux d’habitat. Ainsi, faire le lien entre le culte des morts et le soin mis à préserver leurs restes dans des espaces inexpugnables destinés à résister aux outrages du temps et des hommes devenait légitime. Cependant la vision de l’établissement de la cité que propose Lewis Mumford, bien que séduisante, est peut-être une vision trop radicalement symboliste.

6Nous garderons en réserve cette théorie en tant qu’elle permet de tracer la limite entre la colonie d’animaux la plus évoluée, celle des insectes sociaux (ruche, termitière, fourmilière), et l’agglomération humaine : l’analogie existe mais s’arrête précisément dans la manifestation de ce que Lewis Mumford définit comme « le témoignage d’intérêts et d’angoisses qui n’ont pas d’équivalence animale », essentiellement traduits par le culte des morts.

7Mumford souligne que la vie fut aussi l’un des moteurs de la vie sédentaire et du regroupement : « La vie sédentaire des villages, succédant à la nomadisation des petits groupes, était beaucoup plus favorable à la parturition, à l’allaitement et à la protection des enfants »4. Ainsi il pointe une influence féminine décisive dans la constitution de la cité en enclos protecteur, influence déclinée en de multiples lieux, maison, four, étable, huche, citerne, grenier, silo, dont la symbolique systématiquement arrondie évoque le sein nourricier. Cette vision féminine renvoie à des formes rondes, des espaces protecteurs et protégés et, confusément, à une certaine chaleur.

8L’autre approche serait économiste, si l’on veut bien l’appeler ainsi. Elle repose aussi sur une intuition, celle que définit le sociologue français Henri Lefebvre. Cette intuition se développe en une formule philosophique sous forme de couple dialectique (un volet opérateur d’analyse puisqu’il est applicable en toute hypothèse). Le voici résumé : il existe un couple qui ne peut être assimilé à la mécanique cause / effet mais qui s’en rapproche, ce que Lefebvre appelle l’inducteur et l’induit. Pour le sociologue français, l’industrialisation est l’inducteur de la métropole moderne mais les induits sont multiples et souvent relatifs, dans le cas qui nous intéresse, à ce qu’il appelle « les questions concernant la ville et le développement de la réalité urbaine »5. Lefebvre souligne même que la ville préexistait à l’industrie et que cette ville préindustrielle avait été l’occasion de la construction des plus belles œuvres urbanistiques monumentales. Son utopisme pré-marxiste n’est pas sans rappeler celui de William Morris, puisqu’il associe la notion éminemment subjective de laideur à celle d’industrialisation. Chez Morris, cette laideur est associée à la société victorienne qui fait du Londres de son temps (celui de Dickens) une « étuve où cuit une humanité pressée et maussade »6. Le beau appartient aussi aux critères majeurs proposés par Raymond Unwin, l’un des premiers théoriciens de l’urbanisme moderne, proche de William Morris et de Lewis Mumford. Cependant il pense aussi la ville comme expression de la vie commune, qui doit se traduire par le plan, le tracé :

Le plan de villes doit être déterminé par la recherche de [l’] expression de la vie commune et, dans cette hypothèse, nos cités deviendront des créations artistiques dans la mesure où prévaudra chez leurs habitants la recherche de la noble fin dont parle Aristote7.

9Vitesse, ennui, entassement, nombre et laideur, voilà ce que serait la ville moderne dans ses concepts impressionnistes. Commerce et capital, richesse et laideur, ce qu’elle serait dans ses concepts historiques. Nécropole, beauté, temple et principat, dans ses concepts classiques.

Villes-capitales

10Ce dernier point nous intéresse car pour traiter de la ville ou d’une ville en particulier, les outils de compréhension que j’ai rapidement survolés sont suffisants. Mais la dimension est autre quand il s’agit de parler de capitales. Posons-nous des questions simples : pourquoi les capitales sont-elles toujours des villes ? Pourquoi l’implantation du pouvoir royal ou impérial hors des villes a-t-il souvent préfiguré le surgissement de crises politiques et de révoltes ? La ville (la métropole) a-t-elle toujours vocation à être capitale ? Fait-elle de l’espace rural un espace secondaire ou un espace dominé ?

11Le choix d’adosser le pouvoir politique aux plus grandes métropoles tient essentiellement à la découverte de la cité minoenne – Cnossos – ou de la cité grecque elle-même, telles que les grands archéologues du xixe siècle les ont pensées à partir de leurs fouilles (Heinrich Schliemann et Arthur John Evans dans le cas de la civilisation minoenne).

12Il s’agissait d’immenses ensembles cubiques distribués en pièces surajoutées formant un tout clos avec un espace ouvert régulier au centre, le tout garni de colonnades. On parle assez fréquemment d’ensembles palatiaux à propos des constructions de l’époque minoenne, pas de cités. La confusion entre l’une ou l’autre des formes existe légitimement puisqu’il s’agit toujours de séparer par la concentration et la fermeture les lieux du pouvoir des lieux de nature. Nous sommes donc ici devant une question de fond, celle de devoir opposer cette forme de penser la cité contre Aristote qui, lui, bien au contraire, considérait la Cité (ou l’Etat) comme un fait de nature :

L’Etat est un fait de nature, […] naturellement l’homme est un être sociable, et […] celui qui reste sauvage par organisation, et non par l’effet du hasard, est certainement, ou un être dégradé, ou un être supérieur à l’espèce humaine8.

13Les cités grecques ne constituaient pas des territoires fermés proprement dits, mais des cités qui s’assuraient d’un espace pourvoyeur autour d’elles, ce que la scolastique thomiste définissait comme la communitas perfecta per se sufficiens9, alors qu’elles étaient bâties elles-mêmes autour d’un lieu à la fois signe de puissance et de sacré (l’Acropole). Le lieu devait être propice à l’ostentation de cette puissance sacrée mais aussi aux besoins vivriers (eau, lieux de pêche et de cultures). La forme pensée était ilienne (Ithaque) ou presqu’ilienne (Athènes). C’est-à-dire entourée d’un espace à la fois vivrier et protecteur, la mer. Ses frontières étaient naturelles ou déterminées par la portée du regard depuis le point le plus élevé. Cette structure, ce topos, déterminait des modes de gouvernement, d’oekonomia, d’organisation domestique.

14En ce sens, les territoires iliens sont toujours nations et états par fatalité et leur condition les amène à développer des politiques particulières. Notons que dans les nations-îles, la capitale est toujours excentrée et toujours dotée d’un espace portuaire. Cette question reviendra plus loin lorsqu’il s’agira de traiter de la capitale espagnole. Elle était aussi, si nous n’oublions pas Aristote, liée par une communauté culturelle et historique avant tout. Ce qui ne fut pas forcément le cas de Babylone, qu’Hérodote présente comme un immense ensemble géométrique, par conséquent parfait, bâti autour d’une résidence royale. Steen Eiler Rasmussen évoque le portrait qu’en fait le géographe grec : « D’après Hérodote, c’était une grande ville fortifiée, régulière, édifiée autour d’une Voie Processionnelle, reliant le temple principal au Palais »10. Il nous dit que ses dimensions comme sa grandeur ont dû être révisées à la baisse, ce que montrent les fouilles archéologiques11.

15Un approfondissement de l’histoire des cités, de leur formation aux temps antiques et hauts médiévaux est essentiel pour qui veut comprendre la ville d’aujourd’hui. Même si les questions d’échelle territoriale et de densification des zones habitées semblent correspondre à un changement de nature. Athènes a-t-elle à voir avec Hong Kong ? New York est-elle une ville-cité comme le fut Rome ? L’existence d’États dont la formation n’est plus déterminée par leur centre mais bien par leurs limites a-t-elle changé les critères mêmes de l’espace urbain ? Existe-t-il des États sans capitale ? Existe-t-il un dessein urbain prédéterminé de tout temps et de toutes époques ? Y a-t-il encore entre la Cité et le Palais cette obscure et gênante identification dans le concept contemporain de Capitale ? Telles sont les questions que nous nous posons comme bien d’autres sur la forme, les dimensions, l’ouverture, la viabilité et l’image de la ville-capitale ou de la cité.

16Pour revenir à Raymond Unwin qui affirmait aussi que le town planning doit avoir pour but la création d’une cité telle qu’elle puisse exprimer, dès le premier abord, le sentiment de la vie sociale et inciter ses habitants à la poursuite « de la noble fin », il est clair que la notion de tracé se place aussi dans une perspective historique, celle des traces laissées par des communautés antérieures. Strabon, autre géographe grec mais vivant à l’époque romaine, au début du premier millénaire, lorsqu’il décrit la Péninsule, néglige son centre (la contrée des Celtibères)12. Pourtant les grandes batailles de conquêtes menées par Scipion Emilien ont laissé voir des vestiges de grandes cités, par exemple Numance, détruite par ce général romain en 133 av. J.-C. Dans le plan de cette cité, on perçoit des parcours réguliers mais à aucun moment des espaces centraux, place, forum, agora ou pnyx. On distingue plutôt une sorte d’habitat uniforme, protégé par une muraille ovoïde imposante juchée sur le sommet d’une colline aux formes arrondies.

17Ce n’est qu’à l’époque de la romanisation de la péninsule que des ensembles urbains puissants verront le jour. La ville romaine répond à un modèle immuable, un tracé universel qui ne tient pour ainsi dire pas compte du topos. Je n’insisterai que sur deux points : l’origine de l’étalonnage des surfaces est agricole, l’unité de mesure, le jugère ou yugada, correspond à la surface labourable avec un attelage de bœufs en une journée ; il se développe à l’infini par la centuriation du sol à partir de normes de largeur immuables pour les axes principaux (cardo et decumanus)13.

18C’est cette forme de town planning qui va refaire surface dès le xviie siècle et s’imposer comme le modèle parfait du développement urbain, régulier, identique, répétitif. Ce seront les plans Castro et Cerdá pour Barcelone et Madrid, mais également la norme universelle choisie pour la construction des villes et concentrations coloniales et migratoires des États-Unis. Ce seront aussi les plans des grands ensembles concentrationnaires du xxe siècle14.

Madrid, “Villa y Corte”

19À l’exception de brèves parenthèses, la Villa y Corte a incarné depuis 1561 le siège du pouvoir. La centralité géographique du lieu, si elle témoigne du besoin pour le roi d’incarner matériellement la notion de souveraineté, doit cependant être nuancée.

20En effet, les oppositions entre la polis-capitale (c’est-à-dire le lieu de résidence du pouvoir comme métaphore de ce dernier) et ses périphéries ont été permanentes ou régulières, en témoigne la seule évocation de la guerre civile dite de Succession (1700-1728) ou des guerres carlistes au xixe siècle. La centralité de la capitale n’est pas un fait général dans le monde, puisque le plus souvent le souverain, pour des raisons pratiques et matérielles choisit de s’installer là où les capacités d’entretien de sa cour sont meilleures. Dans ce cas précis, ce n’est pas le lieu qui est favorable, même s’il est correctement alimenté par les eaux de la sierra de Guadarrama, mais l’idée du centre qui prévaut, question qui se posera en France sous Henri IV (cas d’Henrichemont) ou ailleurs, plus tard et à une autre échelle (Brasilia, par exemple).

21Le choix de ce lieu central conduit à tirer une conclusion provisoire : Madrid ne peut être située à la périphérie d’aucun espace humain dans son contexte topographique puisqu’elle est centre et image de la centralité de la monarchie. Cette périphérisation subséquente de l’espace espagnol est à double effet : elle protège mais elle assiège. Il suffit de penser à ce que furent les mouvements de troupes pendant la guerre civile pour comprendre et bien mesurer le sens réversible de la centralité.

22Le royaume est là où se trouve le roi. En son Palais ou en résidence ailleurs, l’aula regia germanique étant son expression la plus réduite. Si nous reprenons la chronologie précise et inégalée du grand xvie siècle espagnol d’Alain Milhou, ce dernier rappelle que Philippe II interrompit le caractère itinérant de la Cour pour la fixer définitivement à Madrid15. Ce que rappelle aussi Bernard Bessière dans son Histoire de Madrid16. Cependant il n’y installa pas pour autant la royauté puisque, dans la foulée de sa décision, il fit construire par l’architecte Juan Bautista de Toledo et à partir de 1567, à la mort de ce dernier, par Juan de Herrera le Palais-Monastère de l’Escorial, comme le dit A. Milhou :

A la vez domus Domini (la iglesia monumental situada en el centro), domus sacerdotum (el convento confiado a los jerónimos, orden ligada al poder real u colegio-seminario) y domus regia (el palacio y el panteón)17.

23Il y voit le besoin pour les rois espagnols de se mettre à la sainte hauteur de la monarchie française, qui avait eu son roi saint, Louis IX, « Roi très Chrétien ». Mais la réunion des trois maisons, celle de Dieu, celle des prêtres et celle du roi – dont le Panthéon trace une ligne de continuité avec la cité des morts – ne s’est pas faite à Madrid, mais bien à l’extérieur de la curtis choisie par le roi. C’est l’une des différences fondamentales entre le royaume français et l’espagnol, dans le premier cas, ces trois espaces sont différenciés – Le Louvre, Notre Dame et Saint-Denis –, dans le second, ils sont réunis dans un même lieu, caractéristique commune aux capitales d’empires (Tenochtitlán, Pékin).

24En un sens nous pourrions dire que Madrid n’est pas aujourd’hui stricto sensu la capitale d’Espagne, mais le siège matériel du souverain ou de son abstraction : le pouvoir. Il est vrai que, pour ajouter à la confusion, il existe à Madrid un Palais Royal, mais il ne fut élevé que sous le règne de Philippe V, à partir de 1734, sur l’emplacement de l’ancien fortin arabo-musulman qu’aujourd’hui le Roi n’occupe pas, puisqu’il réside au Palacio de la Zarzuela à l’extérieur de la ville. Au xviie siècle, à cause de l’influence française, Cour et Palais Royal sont confondus, comme à Versailles. Et pour terminer, jamais Madrid n’eut de statut particulier (contrairement à Paris ou aux capitales des États Fédéraux) mais sa gestion était alignée et est toujours alignée sur le droit commun.

25À partir de 1939, le nouveau régime souhaita faire de la capitale une authentique métropole. Le pouvoir s’installa au Palais du Pardo qui devint la résidence de Franco, Madrid n’étant toujours que la curtis, c’est-à-dire le domaine qui fournissait les biens matériels nécessaires mais aussi les hommes et les infrastructures de service. L’ensemble dit des Nuevos Ministerios, projet datant de la fin de la dictature de Primo de Rivera dont la construction fut commencée pendant la République et achevée en 1942, devait jouer ce rôle de pôle urbain d’Etat dans la ville18. Cette construction, qui traversa trois régimes et une guerre, signifie bien plus le signe d’une certaine continuité qu’une rupture de la centralité.

26Naturellement, nous devons tenir compte du fait que cette confusion entre siège de la Royauté et capitale est extrêmement répandue, d’autant plus que l’assimilation entre les deux répond à une conception démographique et centraliste du pouvoir qui est plutôt l’expression moderne de la souveraineté, celle du naïf. Dans le système actuel, qui voit la souveraineté revenir aux représentants du peuple réunis en assemblée, les députés, même une majorité, réunis hors du siège officiel du Parlement ne peuvent légiférer. Le lieu devient l’espace sacré du pouvoir ou plutôt la conjonction entre lieu de la souveraineté et le souverain siégeant. Le coup d’état avorté de février 1981 avait ceci d’intéressant qu’il combinait un ensemble d’actions autour d’un acte central, celui de l’occupation des Cortes de San Jerónimo (ancien couvent, faut-il le rappeler) pendant un pleno du Parlement. Dix ans plus tard, à Moscou, le coup d’état de Boris Eltsine usera de la même procédure, cette fois avec succès.

27Après la guerre, il fallait reconstruire de nombreuses villes espagnoles. Villes assiégées et bombardées, qui avaient souffert des très difficiles conditions de l’état de guerre, des bombardements de zones civiles. Ce fut l’occasion de la mise en route de plans de modernisation et d’ensanche qui faisaient suite aux grands plans du xixe siècle (Plan Castro pour Madrid, Plan Cerdá pour Barcelone). La bataille sera politique, démographique, urbanistique mais aussi symbolique et culturelle.

Pedro Bidagor et le corps de la ville

28L’auteur du plan de rénovation de Madrid, Pedro Bidagor Lasarte, était avare de paroles ou de textes. Peu prolixe, contrairement à ses prédécesseurs du xixe siècle, il laissa tout de même un plan ordonné et de nombreux documents techniques, déposés sous forme de fonds d’archives au COAM. Il était intéressant de mettre en regard deux de ses articles publiés par la Revista de Estudios de la Vidal Local, le premier en 1942, le second en 1969.

29Le premier fut publié en guise de justification succincte du plan de reconstruction qui se mua bien vite en plan de développement de la capitale. Il se présentait comme un texte d’orientation ou de clarification de ce qu’il appelait lui-même « l’objet de l’urbanisme ».

30Critiquant les conditions du concours de 1929 (auquel participa Secundino Zuazo Ugalde), il considérait que son objectif était sans originalité et ne faisait que prolonger le profil longitudinal du système de voirie sans proposer une pensée cohérente qui eut pu être traduite en tracés d’aménagement :

los trabajos no pasaban de ser anteproyectos que exponían unas ideas generales de ordenación, que estaban muy lejos todavía de poder traducirse en trazados concretos para ordenar la edificación y el desarrollo de la Ciudad19.

31Sa critique englobait également tous les projets antérieurs à celui de 1929. Il pointait la méconnaissance des autorités municipales de ce qu’est l’urbanisme : une conception globale de la ville qui ne se limite pas à ouvrir des rues et des avenues le plus larges possibles et à installer des bancs publics dans les parcs. Il considérait que ces conceptions insuffisantes ne pouvaient que conduire à l’arbitraire et à la laideur («forma arbitraria y antiestética»). Bien sûr, il ne contestait pas l’intention de planifier prônée dans le texte même du Statut Municipal de Madrid de 1924. Mais il en concluait que la conséquence inévitable de ces aménagements techniques résultait d’une vision tronquée de l’espace urbain ou urbanisable, se traduisant par la multiplication et le renforcement des tracés géométriques quadrangulaires, qui ne pouvaient avoir de sens, à son avis, que dans la conception des cités-jardins (ensembles clos) sur des sols sans irrégularités ni aspérités.

32Cet apparent ordre que représentait l’ordre policé de la centuriation moderne se muait en désordre pour deux raisons que je résume :

Le mélange entre les bâtiments à usage et destination distincts : logements populaires (bloques) et résidences palatiales, activité micro-industrielle, services,

33L’absence de lieux à haute valeur spirituelle ou symbolique (édifices religieux, édifices publics ou places «de ambiente acogedor»).

34De façon imparable, son raisonnement le conduisait donc à critiquer ce qu’il présentait comme un paradoxe : la multiplication à l’intérieur d’un schéma d’urbanisation rigide du désordre né de l’initiative privée conduisant à l’effet contraire souhaité, autrement dit à un zonage spontané, désordonné (il prenait pour exemple le développement des quartiers nés au début du siècle au-delà du quartier de Salamanca, construit à partir du plan Castro de 1860 et des plans successifs ultérieurs). Pour en arriver à ce que l’on peut considérer comme la thèse urbanistique majeure de Bidagor :

Bajo el signo igualitario de la cuadrícula, perfecta representación del sistema democrático, la realidad orgánica de la vida urbana ha dado lugar a la creación de un barrio residencial; de viviendas en bloque; una ciudad jardín con palacios, conventos y grandes colegios y un barrio popular con intensa vida de tráfico y comercio. [...] El desorden producido dentro de los trazados rígidos ha llevado al Urbanismo el concepto de zonificación20.

35La rigidité géométrique, le tracé égalitaire conduit à la séparation de la vie urbaine en zones séparées, non pas seulement du point de vue de leur destination spécifique mais aussi, en matière de logement, selon la classe sociale et les revenus. Il considérait que tout ceci avait conduit à organiser la ville selon un schéma social horizontal, antagonique, favorisant la lutte des classes et, par voie de conséquence, la position hégémonique du socialisme planificateur sur le libéralisme « bavard ».

36En creux, ou en transparence, cette idée n’est pas propre à Bidagor mais elle correspond à une filiation idéologique dont le régime deviendra coutumier, celle d’une référence permanente à sa philosophie. En effet, on n’est pas loin du tout de la thèse sur laquelle repose la démonstration de Donoso Cortès dans son Ensayo sobre el catolicismo, el liberalismo y el socialismo. Critiquant le bavardage parlementaire libéral, il en fait le cheval de Troie du socialisme qui n’est lui-même qu’action, «arrojo». Il écrit en ouverture du chapitre iv du Livre III de son Ensayo :

Si hay una verdad demostrada en nuestro último capítulo, esa verdad consiste en afirmar que la escuela liberal no ha hecho otra cosa sino asentar las premisas que van a parar a las consecuencias socialistas… Esas dos escuelas no se distinguen entre sí por las ideas, sino por el arrojo…21.

37Bidagor nous dit bien que la constitution de zones existe et que rien ne peut l’empêcher parce que le corps de la ville est un corps organique, un organisme vivant qui, en tant que fait social, se développe comme le corps humain : «La ciudad como materia es a la ciudad como ente social y político, exactamente lo que el cuerpo es al espíritu humano».

38Bien sûr, la référence à Donoso Cortés est manifeste quant à la vision politique de la société et de l’Etat, mais on retrouve aussi, appliqué à l’urbanisme, un enracinement profond dans la pensée thomiste, pour laquelle le divin ou naturel est le principe unificateur de la pluralité :

Es necesario que además de que haya algo que mueva al individuo a buscar su propio bien, haya algo que lo mueva a buscar el bien común de la colectividad. Por ello, siempre que vemos una muchedumbre de cosas ordenadas a un fin, ha de haber en ellas algo que las dirija. Así, en los cuerpos celestiales, hay un cuerpo central; otros cuerpos se rigen por la ordenación de la divina providencia y otros cuerpos son guiados por la criatura racional. Y tratándose de un hombre, el alma rige al cuerpo y la razón los aspectos irascibles y concupiscibles del alma. Y aun entre los miembros del cuerpo hay uno principal que dirige los demás, sea el corazón o el cerebro. Es necesario, pues, que donde se da pluralidad se dé un principio unificador22.

39Le raisonnement de Bidagor consiste à filer cette métaphore bien connue jusqu’à nous livrer sa conception des zones : elles ne sont plus structurées horizontalement (signe de conflit, nous l’avons dit), mais sont investies d’une « mission » délivrée par la tête, seul organe qui soit doté d’autorité. Cette mission consiste à assumer des fonctions de nutrition et conservation, autrement dit des fonctions physiologiques. Les fonctions spirituelles et représentatives relèvent du mystère et, pour reprendre Thomas d’Aquin, elles répondent à l’autorité non plus du cerveau mais du cœur. Ainsi s’opère un renversement de la structure en constant mouvement de la ville, elle n’est plus conflictuelle (horizontale) mais hiérarchique (verticale) et, par conséquent, une parce qu’elle est une totalité parfaite, quasiment homologue à la « perfection céleste ». En d’autres mots, le tracé géométrique, obéissant à des normes mathématiques et à des critères de proportion chiffrée, doit être rejeté, comme la doctrine corporative de l’Etat l’affirme en niant « la souveraineté du nombre, principe de la démocratie » et « expression arithmétique de la masse humaine »23.

40Dans ce premier article, Pedro Bidagor n’est pas très explicite sur la solution technique de remplacement. Il repousse les critères techniques et esthétiques des urbanistes du xixe siècle, considérés comme utopiques et inorganiques. Alexandre Cirici Pellicer, en évoquant le plan de développement de Barcelone d’Ildefonso Cerdá en 1968, adopte une lecture politico-sociale diamétralement opposée. Tout d’abord il fait des plans orthogonaux l’exemple même de l’irruption du rationalisme dans le domaine des arts. Le plan de Cerdá tenta, avec l’envergure qu’on lui connaît, de «traducir la vida social, sus preocupaciones y sus aspiraciones». Cirici Pellicer ajoute que Cerdá avait constitué un corps de doctrine solide, abondamment documenté, dont la logique esthétique (ou donnée à voir comme telle) correspondait à de profondes aspirations démocratiques et populaires :

cuerpo de doctrina […] donde la organización lógica de una convivencia sin discriminaciones era llevada con un rigor luminoso hasta la esfera de las realizaciones prácticas, consiguiendo que la idea de una sociedad justa se tradujera en toda la inmensidad estructural formal de una ciudad24.

41Ainsi la critique ou la défense d’un urbanisme dont le mode d’occupation des sols serait géométrique ou orthogonal repose sur les mêmes critères que la critique ou la défense du régime de démocratie parlementaire, celui qui dominait dans les pays voisins. Contre le démocratisme, Pedro Bidagor plaide pour un urbanisme organique et une démocratie organique, les deux reposant sur la hiérarchie bien ordonnée des parties du corps social ou urbain. Son discours est donc en parfaite harmonie avec celui du régime et de son chef :

Para nosotros tiene más importancia lo que acentúa el valor de la personalidad humana, la plena valoración del individuo, que la democracia formalista y gárrula que lo explota. A esa democracia convencional nosotros oponemos una democracia católica y orgánica que dignifica y eleva al hombre, garantizándole sus derechos individuales y colectivos, que no admite su explotación por medio del cacicazgo y de los partidos políticos profesionales, sino que les abre cauce libre a través de las Hermandades, Sindicatos, Corporaciones u organismos provinciales y locales, en los que discurre su vida y en los que tiene pleno conocimiento25.

42Cette vision du corps social, corporatiste et hiérarchique, outre qu’elle envahit le discours officiel, présente une cohérence théorique ou, plutôt, spirituelle, pour entrer dans le lexique qui lui est propre. Elle est holistique, voire même absolue et sera reproduite maintes et maintes fois. En 1942, le point de vue de Pedro Bidagor doit l’essentiel de son esprit, en apparence, à cette vision du tout social néo-thomiste. Il en fera un élément sous-jacent de son plan de 1946 dans lequel il ne manquera pas non plus de renouveler sa critique de la forme quadrangulaire du plan Castro :

El Plan de Ensanche de 1860, de acuerdo con las ideas de la época, dispuso una cuadrícula de calles, con anchos de 15 a 30 metros para edificaciones de altura. No se tuvo para nada en cuenta que en una ciudad no sólo existen casas de pisos, sino que también se construyen casas unifamiliares, y que cuando éstas son modestas no pueden situarse en calles de urbanización costosa26.
En cuanto al ambiente de los interiores urbanos, las posibilidades existentes no han permitido el planeamiento de grandes nuevos ensanches, comparables en extensión al de 1860 […]. La actuación se ha tenido que llevar en numerosos sectores de extensión relativamente reducida, favoreciéndose, por tanto, la creación de ambientes distintos. Esta variedad se impone también por la topografía, que, si bien no ofrece grandes obstáculos, montes o ríos que detengan el desarrollo urbano, presenta un movimiento de colinas y vaguadas que disciplina forzosamente el trazado y lo compartimenta en una multitud de valles y rincones, cada uno con sus características y posibilidades determinadas, que el trazado ha de aprovechar y resaltar
27.

Vingt ans après, le désenchantement

43En 1969, autrement dit plus de vingt ans après la mise en route de son plan, Pedro Bidagor propose dans la Revista de Estudios de la Vida Local une analyse de la conjoncture urbanistique de l’Espagne28. La loi de 1924 a été remplacée en bonne partie par la loi du 12 mai 1956 sur les questions relatives à l’aménagement urbain et à la qualification des sols. Très vite, au bout de trois pages, il revient sur la question de la forme quadrangulaire des tracés des plans du xixe siècle, abandonnée dans les années vingt, dit-il, parce qu’elle n’était pas en mesure d’absorber les ensembles extérieurs (il nomme les cités-jardins, l’habitat modeste des banlieues, les secteurs industriels) par son manque de souplesse. Malgré l’objectif égalisateur des plans géométriques qu’ils soient quadrangulaires ou orthogonaux, des zones plus ou moins spécialisées se sont donc constituées de façon anarchique, ce qui amena, dit-il, à ce que la préférence soit donnée à partir des années 20 à un plan « organique ». Il réitère cette idée de fond : les plans supposent une vue d’ensemble qui va au-delà des limites strictes du término municipal ou de la comarca, ils tiennent compte de ce qu’il appelle « una concreta geografía ». Mais immédiatement il reconnaît au plan organique des défauts :

Il est facile de le contourner
Il peut être rapidement dépassé par la vitesse d’évolution de la réalité
Il est à la source d’une spéculation effrénée et de corruption

44“El resultado no es bueno, y la situación que se produce no puede ser más irritante”. Sous la plume de Pedro Bidagor, on est passé en vingt ans de la certitude à l’amertume critique, aux qualificatifs peu amènes : scandale, indiscipline, confusion… Il esquisse cependant une nouvelle approche, dont nous pouvons penser qu’elle est assez proche du Schéma directeur de l’aménagement et de l’urbanisme de la région de Paris de 1965 et de quelques-unes de ses recommandations : création de centres urbains périphériques (le développement en « doigts de gants », développement maîtrisé qui s’oppose à ce que Bidagor nomme le développement « en tâche d’huile »), de villes nouvelles, ce qu’il appelle «ciudades de descongestión», lutte contre la spéculation29. Ce plan venait lui-même rectifier le plan d’aménagement de 1960 (le PADOG) qui fut à l’origine de la création de grands ensembles de banlieue (La Défense, Sarcelles) et de la densification de certains quartiers parisiens (Belleville, Italie-Tolbiac, Front de Seine). Cette homologie dans les préoccupations et les solutions prônées est frappante et il est évident qu’une étude politique et technique des plans de développement des deux capitales serait utile pour éclairer ce qui résulte être, dans les deux cas, un demi-échec. Le seul critère qui ait prospéré c’est le zonage discriminatoire, l’enfermement plus ou moins systématique des populations privilégiées dans des zones closes (l’aménagement en 1946 des premiers 600 hectares de la cité-jardin de La Moraleja ou, plus récemment, la résidence fermée de La Finca témoignent de façon éclatante de l’éclosion et de la multiplication des closed neighborhoods ou gated communities en Espagne) et la répartition « naturelle » des groupes sociaux les plus pauvres dans d’autres zones.

45Si Pedro Bidagor pensait que la maîtrise raisonnée des plans selon un schéma naturel (ou divin) serait la solution à l’anarchie du développement urbain, il n’était pas le seul. Le ton amer qu’il adopte en 1969 ne l’empêche pourtant pas de continuer à défendre son concept central de ville organique. Il admet que le plan ne fait pas tout, mais que la propriété privée des sols, le manque de moyens dans les phases d’exécution des principes directeurs des plans (quels qu’ils soient), la recherche du profit et le profond besoin pour les plus riches de vivre entre soi oblitérait le rêve du corps parfait.

46On peut se demander si la condamnation primitive, jamais démentie, du plan quadrangulaire ne correspondait pas à une autre façon de vouloir maîtriser la nature, aussi bien des sols (il insiste souvent sur le besoin d’adapter les tracés à la topographie), que des hommes ; si elle ne correspondait pas, somme toute, à un désir plus profond, celui de revenir à un tracé courbe, féminin, protecteur, celui de la cité primitive, ou de revenir au plan banal des cités médiévales.

47Ce tracé courbe, protecteur, pouvait aussi générer une violence sociale certaine puisque la forme d’anarchie pointée du doigt par Pedro Bidagor avait, dès la fin des années quarante, pris la forme d’une émigration rurale rapide et massive que ni les lois répressives ni tous les discours dissuasifs du pouvoir n’avaient pu juguler. L’emblème de ce discours est le film Surcos de Nieves Conde qui présente la ville comme une menace, sans aucun message d’espoir, à l’opposé du discours migratoire américain de la fin du xixe siècle.

48Quand on se réfère au « Plan d’urgence sociale de Madrid » de 1957, qui fut l’une des premières initiatives du tout nouveau Ministère du Logement confié à José Luis Arrese, membre historique et idéologue de la Phalange, et, par ailleurs, diplômé en architecture, on peut lire dans le troisième attendu de l’exposition des motifs de la loi que son but était de limiter le développement non maîtrisé de la ville :

Limitar el crecimiento incontrolado de la capital; limitación que, por una parte, ha de dirigirse a impedir la inmigración de las personas, y por otra, a asfixiar en un cinturón verde la formación de suburbios infrahumanos30.

49Les ceintures de protection, même arborées, constituaient bien des barrières visant à protéger la ville de cette marée incontrôlable. Les articles 30, 32 et 33 de ce plan d’urgence en définissaient l’application : une zone verte qui limiterait le périmètre de la ville et des villes-satellites destinées à accueillir les vagues d’immigration dont on exigeait qu’elles fassent la preuve de disposer de ressources suffisantes, d’un logement adapté, d’un emploi stable pour autoriser leur installation dans Madrid et, dernier volet, la répression de toute construction non autorisée, répression des propriétaires des sols où se développerait cet habitat et expulsion de la ville de ceux qui y logeraient31. On est très loin des propos tenus au tournant du siècle par les urbanistes ou architectes qui rêvaient de bâtir une ville qui eût « les qualités et les apparences d’une ville européenne » et qui, dans le même temps, se donnât comme objectif d’offrir la plus grande cohésion sociale entre toutes les couches de la population32. Loin aussi des préoccupations hygiénistes et sociales des plans de villes rationnelles, celles du Madrid du Plan Castro ou la Barcelone du Plan Cerdá33. Il faut se protéger, protéger surtout la classe moyenne madrilène, de la violence des classes inférieures34. Mais les ceintures vertes étaient considérées dans le Plan Bidagor comme des espaces (plus exactement des anneaux) sans autre fonction que celle de délimiter le noyau central de Madrid pour doter la ville d’un critère supplémentaire à celui de ville organique, celui de ville-façade, noyau délimité par trois espaces non constructibles formant une sorte de nouvelle muraille :

Las tres vaguadas siguientes : Manzanares al O. y S., Abroñigal al E. y Pinos al N. Este límite se materializa mediante un anillo verde. El contacto de la edificación con este anillo verde conviene tratarlo en forma de fachadas generales de la Ciudad35.

50Naturellement, il serait facile de considérer la théorie anti-orthogonale de Bidagor comme un simple complément à la vision organique de la société et de l’Etat telle qu’elle était défendue par les défenseurs du corporatisme social et politique et par le régime. On devrait plutôt considérer qu’il y avait dans ce rapprochement une sorte de corroboration du « miracle intellectuel » que tenta de promouvoir le franquisme dans sa critique et son refus de la « démocratie inorganique » et sa défense d’une société parfaite. Etablir ces convergences était essentiel pour faire en sorte que les projets passent la barrière politique. Et trouver des échos hors d’Espagne confirmait la modernité de cette pensée organique du tout social.

51La construction géométrique trouvait aussi ses détracteurs dans des contextes politiques et sociaux différents. En France, par exemple, en 1964, Iannis Xenakis parle de « tradition mentale de géométrisation et de planification revivifiée par le cubisme dans les années vingt » et évoque « des combinaisons pauvres de lignes droites et de rectangles accommodées d’espaces incongrument courbes (espaces verts) »36. Ou plus de trente ans auparavant, Marcel Poète, par exemple, affirmait la validité du concept de ville comme corps vivant et stigmatisait son abandon aux « traceurs de plan » et à leurs « purs concepts linéaires » dans un ouvrage de 1929, Introduction à l’urbanisme37.

52On retrouve la présence de ce terme dans les écrits de l’architecte américain Frank Lloyd Wright qui décrit aussi cette forte opposition en défendant une sorte de planification « naturelle », organique mais qui ne délaisse pas pour autant le plan orthogonal mais favorise plutôt un mélange de fonctionnalités fondée sur une conception du beau et un sens de la continuité des espaces, abolissant les limites entre nature et ville en respectant les irrégularités du terrain et en les intégrant au maillage urbain. Il en donnera l’esquisse dans son projet utopique dénommé Broadacre-City.

Elle sera édifiée dans un tel climat de sympathie avec la nature que la sensibilité particulière au site et à sa beauté propre serait désormais une qualification fondamentale exigée des nouveaux bâtisseurs de villes38.

53Les cibles ne sont pas seulement les urbanistes géomètres du xixe siècle mais aussi, comme le suggère Marcel Poète, l’héritage controversé du Bauhaus ou du Corbusier. La défense d’un concept de ville organique contre celui de ville inorganique, du point de vue du town planning, est figurée par l’opposition entre la ligne droite et la courbe, Rome contre Numance, opposition à propos de laquelle l’architecte suisse avait défini un point de vue radical :

Une ville moderne vit de droite, pratiquement ; construction des immeubles, des égouts, des canalisations, des chaussées, des trottoirs, etc. La circulation exige la droite. La droite est saine aussi à l’âme des villes. La courbe est ruineuse, difficile et dangereuse ; elle paralyse. La droite est dans toute l’histoire humaine, dans toute intention humaine, dans tout acte humain39.

54La courbe protectrice devient donc à la fois, contre la ligne droite, la figure de la société parfaite dans laquelle le zoning, sous couvert de rationalité et d’ordre naturel, ne vise qu’à régler l’ordre social, à séparer, selon sa propre volonté, le riche du pauvre et à écarter le pauvre du vice. Ne rien changer aux pulsions humaines en les habillant de divinité, installer des barrières protectrices, fussent-elle végétales ou pas. La marée migratoire qu’a connue Madrid fut difficilement endiguée. Il fallait donc la gérer en faisant semblant de faire œuvre sociale et morale.

55Arturo Soria qui défendait un projet de ville linéaire, autrement dit de réduire le développement urbain à un schéma simple et sans limites, ne disait pas autre chose en 1894:

Preguntemos á un millonario y á un proletario cómo dispondrían su vivienda respectiva dentro del presupuesto de su renta ó jornal para estar completamente á gusto, sin ser molestados por los demás vecinos de la ciudad.
Á mí –dice el pobre– me molesta el ruido de las fiestas y diversiones de mi vecino, cuando el pan escasea en mi casa. Además, tengo que subir muchas escaleras, y mi vivienda es tan estrecha é incómoda, que más parece ataúd ó jaula, que habitación. En una choza ó casucha de un solo piso, dividida en tres ó cuatro habitaciones, en medio de un terreno de 300 ó 400 metros cuadrados, para jardín, corral y taller, viviría contento, lejos de la taberna y de peligrosas compañías [...].
El rico, á su vez, exclamará : – Me compadezco de los desgraciados, y los socorro cuanto puedo; pero me enojan y entristecen, cuando estoy alegre, la vista y el contacto de los andrajos de la miseria40.

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Notes

1 Le Corbusier, Manières de penser l’urbanisme, Paris, Gonthier, 1946.

2 Georg Simmel, Les Grandes Villes et la vie de l’esprit, Paris, Payot, 1989, conférence prononcée à Dresde en 1902.

3 Lewis Mumford, La Cité à travers l’histoire [1961], trad. Guy et Gérard Durand, Marseille, Agone, 2011, p. 7.

4 Ibid, p. 9.

5 Henri Lefebvre, Le Droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968.

6 William Morris, Nouvelles de nulle part [1890], trad. Paul Meier, Paris, Eds. Sociales, « Les classiques du peuple », 1961.

7 Raymond Uwin, Étude pratique des plans de villes, Marseille, Parenthèses, 2012, 408 p. La traduction est celle de l’édition anglaise de 1911, Town planning in practice, an Introduction to the Art of Art designing Cities and Suburbs, elle est due à Henri Sellier.

8 Aristote, La Politique, I, 1-9, trad. de Barthélémy Saint-Hilaire, Paris, Imprimerie Royale, 1837, I, p. 11.

9 Alain Milhou, Pouvoir royal et absolutisme dans l’Espagne du xvie siècle, Anejos de Criticón, 13, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1999, 137 p.

10 Steen Eiler Rasmussen, Villes et architectures. Un essai d’architecture urbaine par le texte et l’image [1951], trad. Maya Surduts, Marseille, Eds. Parenthèses, 2008, p. 23.

11 Voici ce que dit Hérodote vers 450 av. J.-C. à propos de la ville de Babylone : « L’Assyrie contient plusieurs grandes villes, mais Babylone est la plus célèbre et la plus forte. C’était là que les rois du pays faisaient leur résidence depuis la destruction de Ninive. Cette ville, située dans une grande plaine, est de forme carrée ; chacun de ses côtés a six-vingts stades de long, ce qui fait pour l’enceinte de la place quatre cent quatre-vingts stades. Elle est si magnifique que nous n’en connaissons pas une qu’on puisse lui comparer. Un fossé large, profond et plein d’eau, règne tout autour ; on trouve ensuite un mur de cinquante coudées de roi d’épaisseur sur deux cents en hauteur », Hérodote, Histoires. Livre I, Clio, trad. par Larcher, numérisation et mise en ligne par François-Dominique Fournier, I, CLXXVIII, en ligne http://remacle.org/bloodwolf/historiens/herodote/clio.html (le 28 juin 2015).

12 Géographie, III-2 [Turdétanie], trad. Amédée Tardieu, consultable à la page http://www.mediterranees.net/geographie/strabon/sommaire.html.

13 La tâche d’établir les limites de la ville est confiée à des arpenteurs : les agrimensores. Ils utilisent un appareil : la groma. La ville romaine est organisée selon le tracé de deux axes principaux : le decumanus maximus et le cardo maximus. Le forum est généralement placé au point de croisement du cardo et du decumanus. Ces deux axes délimitent un réseau de rues secondaires. L’ensemble forme un quadrillage régulier destiné à l’habitation ou l’industrie, les carrés ainsi formés s’appellent insulae. Voir Marie-Pierre Zannier, Paysages du grand domaine et normes agronomiques de Caton à Pline l’Ancien. Représentations de l’espace et « bonne mesure », thèse de doctorat dirigée par Rita Compatangelo-Soussignan, Université du Maine, Dpt. d’Histoire, 2007, 534 p., https://halshs.archives-ouvertes.fr/tel-00256683/document.

14 « Le totalitarisme s’exprime fortement à travers l’architecture. Les grands stades et les immenses places servaient à mettre en scène le charisme d’Hitler et à unifier le peuple. Mais pour mettre en place un territoire “pur”, il fallait en enlever les éléments jugés indésirables. C’est ce que le régime a fait à l’aide des camps de concentration. Ce sont les deux faces d’un même problème : les lieux de rassemblement ont entraîné les lieux d’exclusion », Chanelle Reinhardt, Habiter le lieu vide : le régime totalitaire nazi dans son rapport à l’architecture, Université d’Ottawa, 2010, 96 p.

15 Francisco Javier Delicado Martínez, «Presencia del Escorial en la Arquitectura del Levante español», dans Francisco Javier Campos y Fernández de Sevilla (coord.), El Monasterio del Escorial y la arquitectura. Actas del simposium 9-11/IX/2002, Real Centro Universitario Escorial-Santa Cristina, 2002, p. 705-722, http://dialnet.unirioja.es/servlet/articulo?codigo=2801977.

16 Bernard Bessière, Histoire de Madrid, Paris, Fayard, 1996, 384 p.

17 Alain Milhou, Pouvoir royal et absolutisme…, p. 24.

18 Inséré dans le projet de développement de la Castellana retenu comme objectif par le Concours International pour l’urbanisation de Madrid de 1929, il était dû à Segundino Zuazo architecte de la très célèbre Casa de las Flores. Voir la thèse de Lilia Paloma Maure Rubio, Secundino Zuazo : La arquitectura y el urbanismo, en España en el primer tercio del siglo xx, thèse dirigée par Carlos Sambricio, Madrid, Universidad Politécnica, Escuela Técnica Superior de Arquitectura, 1985, 483 p. : http://oa.upm.es/5419/3/LILIA-PALOMA_MAURE_RUBIO_V.1.pdf.

19 Pedro Bidagor, “Orientaciones sobre urbanismo”, Revista de Estudios de la Vida Local, 5, 1942, p. 6-12, http://revistasonline.inap.es/index.php?journal=REALA&page=issue&op=view&path%5B%5D=215.

20 Ibid., p. 9.

21 Juan Donoso Cortés, Ensayo sobre el catolicismo, el liberalismo y el socialismo. Otros escritos, intr. de Manuel Fraga Iribarne, Barcelona, Planeta, 1985, p. 174.

22 Tomás de Aquino, Opúsculo sobre el gobierno de príncipes, México, Porrúa, 2000, p. 258.

23 Maurice H. Lenormand, Manuel pratique du corporatisme, Paris, Librairie Félix-Alcan, 1938, p. 351.

24 Alexandre Cirici-Pellicer, Un segle de vida catalana, Barcelona, Alcides, 1961, I, p. 653, cité par Fabian Estapé dans Ildefonso Cerdà, Teoría general de la urbanización y aplicación de sus principios y doctrinas a la reforma y ensanche de Barcelona [1867], Barcelona, Instituto de Estudios Fiscales, 1968, III, p. 285.

25 http://www.generalisimofranco.com/Discursos/pensamiento/00002.htm (discours du 14-5-1946).

26 Planeamiento urbanístico de Madrid, Comisaría General de Ordenación Urbana de Madrid, Madrid, 1946, p. 24.

27 Ibid., p. 31.

28 Pedro Bidagor Lasarte, “La coyuntura actual del Urbanismo en España”, Revista de Estudios de la Vida Local, 162, avril-mai-juin 1969, p. 177-204.

29 Consultable sur la page  http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/le-schema-directeur-d-amenagement-et-d-urbanisme-r280.html.

30 “Se establece una comisión delegada del Gobierno para cumplimiento del Plan de Urgencia Social de Madrid”, ABC, vendredi 15 novembre 1957, p. 47-49.

31 “El Traslado de sus moradores a los términos municipales donde tuvieran su residencia anterior” (ibid., p. 49).

32 Voir l’article de José Carlos Rueda Laffond, “La imagen de la ciudad y el paisaje urbano”, Arbor, CLXIX, 666, juin 2001, p. 303-322.

33 « Le logement est sans aucun doute le premier des besoins de l’homme social, quelle que soit la classe à laquelle il appartienne, et si ce besoin mobilise une grande partie de ses revenus, comment pourra-t-il faire face aux autres besoins physiques et moraux liés à son existence ? », Ildefonso Cerdà, Teoría general de la urbanización..., II, p. 560 (Monografía estadística de la clase obrera en Barcelona en 1856 ; traduit par nos soins).

34 José Carlos Rueda Laffond, “La imagen de la ciudad…”, p. 318.

35 Cité par Julio Pozueta Echávarri, “Evolución de la consideración de los corredores verdes en la planificación : el caso de Madrid”, Revista de Urbanismo, Universidad de Chile, 20, 2009 : http://www.revistaurbanismo.uchile.cl/index.php/RU/issue/view/20.

36 Texte inédit de 1964 cité par Françoise Choay, L’Urbanisme, utopies et réalités, une anthologie, Paris, Seuil, 1965, p. 337-338.

37 Cité par Françoise Choay, L’Urbanisme…, p. 355.

38 Franck Lloyd Wright, La Ville évanescente [1932], trad. Claude Massu, Paris, Infolio, 2013, 170 p.

39 Le Corbusier, Urbanisme, Paris, G. Crès, coll. « L’Esprit nouveau »,‎ 1924, p. 10.

40 Arturo Soria y Mata, Conferencia dada en el Ateneo científico y literario de Madrid por D. Arturo Soria y Mata el día 14 de mayo de 1894, acerca de la nueva arquitectura de las ciudades, Compañía madrileña de urbanización, Ediciones del Heraldo de Madrid, mai 1894. Consultable sur : http://www.ateneodemadrid.com/biblioteca_digital/folletos/Folletos-0216.pdf

Pour citer ce document

Serge Buj, « Madrid, ville organique ? » dans « Madrid, traces et tracés (1950-2000) », « Travaux et documents hispaniques », n° 6, 2015 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Serge Buj

Normandie Univ, UNIROUEN, ERIAC, 76000 Rouen, France
Serge Buj est professeur émérite de civilisation de l’Espagne contemporaine à l’Université de Rouen, membre du Laboratoire ERIAC. Il est spécialiste d’histoire des idées politiques et sociales de l’Espagne, plus particulièrement des phénomènes de réception pendant la période franquiste. Il est codirecteur de la revue Les Cahiers de Civilisation de l’Espagne Contemporaine(ccec.revues.org).