Si l’on entend par « polygraphie » la pratique conjointe, par un même auteur, de plusieurs genres littéraires, la polygraphie antique se caractérise par un double paradoxe : en premier lieu, parce qu’elle désigne une réalité bien attestée dans les lettres grecques et latines, tout spécialement à l’époque impériale, alors que le terme même de πολυγραφία, peu usité, véhicule un sens différent. D’autre part, si la définition moderne du polygraphe est fondamentalement péjorative, renvoyant à un dilettantisme supposé, nombreux sont cependant les auteurs anciens que l’on peut qualifier de « polygraphes ». Plus généralement, l’écriture polygraphique pourrait même se révéler consubstantielle au statut d’écrivain, en étant la condition sine qua non de l’existence des Belles Lettres à travers les âges. Le volume qui suit cherche à éclairer la définition de la polygraphie antique en explorant les pratiques de différents auteurs, grecs et latins. Les contributions ici présentées montrent comment le recours à des genres littéraires différents, loin d’être un pis-aller, permet de multiplier les angles d’approche afin de ne laisser dans l’ombre aucun aspect d’une question ; on verra également que la variété inhérente à la pratique polygraphique ne fait pas obstacle, tant s’en faut, à l’élaboration d’une œuvre cohérente, marquée du sceau de l’unité.