Chanter en temps de guerre

Réécritures de chansons au front de la Grande Guerre

Éric Sauda


Texte intégral

1Durant la Première Guerre mondiale, la chanson pouvait être utilisée pour exprimer la ferveur patriotique ou la nostalgie d’une vie civile paisible, mais elle devait surtout jouer un rôle dans la vie quotidienne des soldats français. Dans cette contribution, nous proposons de décrire le départ en chanson des soldats français, puis de montrer comment couplets, refrains et rengaines ont accompagné le soldat français au front. À partir de sources primaires telles que les lettres et journaux de guerre des musiciens mobilisés, la presse civile et les journaux de tranchées, nous tenterons de comprendre le rôle des airs chantés dans le vacarme de la guerre.

Le départ en chanson

2Au début de la guerre, pour les simples soldats, la durée du trajet est longue entre la caserne et le théâtre des événements et seulement deux moyens de locomotion sont utilisés. Le chemin de fer sert à voyager d’une grande ville à une autre moindre, proche du front et le reste du chemin s’effectue à pied avec le barda. Généralement, pour les soldats de seconde classe, deux jours de voyage et de marche sont nécessaires afin de rejoindre leur cantonnement. Apparemment, ce départ à la guerre s’est joyeusement, fraternellement et musicalement bien passé1. Au fil des gares, les soldats chantent à tue-tête toutes sortes d’airs que les civils applaudissent à leur passage, comme en témoigne le célèbre violoncelliste Maurice Maréchal dans son carnet de guerre :

Le 10 août 1914
Hier, durant tout le trajet, les populations pressées aux passages à niveau et aux gares n’ont cessé de nous acclamer, les femmes envoyant des baisers, les hommes reprenant avec nous la Marseillaise et le Chant du départ2. […]

3En ces instants tragiques, les hommes aspirent à la solidarité, à la camaraderie, donc à la chanson. Tant d’airs de musique qu’ils ont en mémoire ressurgissent en ces instants bouleversants du grand départ. Et cet élan du cœur, étendu à toute l’armée, est pareillement consigné dans les écrits des non musiciens, de l’écrivain au simple soldat. Rien d’étonnant au fait de partir à la guerre avec clairon et tambour :

Dimanche 2 août 1914
Train de réservistes ; il y en a partout jusque sur les tampons des wagons. C’est miracle qu’il n’y ait pas d’accidents. Gaieté, chants, beaucoup d’anciens Chasseurs chantent la Sidi Brahim et son beau refrain : « Et si l’ennemi vers nous s’avance, Marchons, marchons, marchons, Mort aux ennemis de la France ! » retentit dans les gares3.

4C’est donc dans la liesse générale pour les soldats et les civils que se déroule ce départ en chanson. De son côté l’écrivain Pierre Mac Orlan a choisi de décrire l’événement avec ironie. Il dresse le portrait d’un chanteur navrant, dont on imagine qu’il ne représente pas un cas unique dans cette situation :

Chez quelques-uns de mes voisins, l’absorption de trop nombreux litres de vin attrapés au vol commence à se faire sentir. L’un d’eux gémit deux vers d’une chanson qu’il chantera jusqu’à Toul, tous les quarts d’heure, sur un air lamentable avec la régularité mauvaise de la douleur dans une dent cariée.
« Pour sortir en vill’ faut connaîtr’ son homme. Ne fréquentez pas l’soldat d’deuxièm’ clâ-â-sse ». Cet homme n’aura plus de crise d’enthousiasme ; l’idée fixe de ne pas fréquenter le soldat de deuxième classe, le tiendra jusqu’à l’aube4.

5Malgré l’humour de l’écrivain, on peut imaginer que bon nombre de soldats sont partis le cœur gros et l’âme résignée5. Cependant, dès que les soldats français sont installés dans leur campement, après avoir exploré le site, ils doivent attendre les ordres de manœuvre. Comme dans toute guerre, ils sont des pions placés sur un échiquier et tenus de patienter, attendant les mouvements, l’action. Et c’est ainsi que durant les premières heures du conflit, avant qu’émerge au front la pratique instrumentale, la chanson va trouver sa place dans les instants de pause.

La chanson, compagne du soldat au front de la Grande Guerre

6Après les illusions du départ, très vite, la sordide réalité des tranchées s’impose aux soldats : les offensives vaines, les camarades massacrés, les gaz, les pilonnages, les poux, les rats, le froid, la maladie… La vie dans les tranchées a ses propres règles, ses coutumes, ses rythmes. Il est peu de combattants de la guerre de 1914-1918 qui n’en firent l’expérience. La durée du séjour y est variable : le temps qu’une section meure et que vienne la relève. Trop exposés pour travailler ou attaquer l’ennemi pendant le jour, les soldats profitent de ce moment pour essayer de dormir, lire ou écrire à leur famille. La vie pénible de guerre de position, l’attente, le danger et l’isolement ont développé une certaine culture de tranchées. En 1914, 80 % de la population française est rurale et dotée d’une forte tradition artisanale. Les paysans mobilisés, lors de leurs longs séjours dans les tranchées, emploient leur temps libre en détournant le matériel trouvé sur le terrain pour se l’approprier. L’artisanat de tranchées émerge et va occuper bon nombre de Poilus durant la totalité du conflit. D’autres soldats instruits et d’origine plus aisée écrivent des poèmes, composent des chansons et souvent relatent dans leur correspondance ou dans des carnets les douloureux évènements vécus au front. Que peuvent faire les Poilus dans une tranchée lorsque l’ennemi reste invisible ? Comment trouver un peu de réconfort ? La musique, moyen de distraction commode en campagne, se mêle aux autres loisirs des Poilus durant les temps de repos.

7Yvonne Sarcey, dans une des lettres hebdomadaires qu’elle publie dans les colonnes des Annales politiques et littéraires au nom de la Croix-Rouge Française et de l’Union des Femmes de France, loue cette coexistence de la musique et des combats :

C’est bien que nos soldats trouvent le courage d’être gais, c’est bien que sous les crapouillots, les marmites et les obus, ils entretiennent leur « moral » par des beaux vers ou des chansons6.

8Lorsque artilleurs et fantassins ont terminé leur « chasse aux Boches », ils apprécient de repasser en revue le répertoire de chansons guerrières auquel ils en ajoutent de nouvelles. Une fois la provision de chansons patriotiques épuisée, ils passent volontiers aux vieilles rengaines de marche. Les Poilus se rassemblent le soir pour se chanter des airs, d’abord chacun leur tour, puis c’est un chœur qui se forme. Du point de vue de la musique non savante, la gaîté d’un petit air renforce le moral et ne ternit aucunement le sérieux que l’armée française souhaite afficher : une bravoure emplie d’enthousiasme7. C’est ce qu’affirme Henri Charles-Lavauzelle dans son ouvrage L’Élève soldat. Préparation à toutes les armes :

Belle humeur : c’est une qualité bien française. La gaieté, l’entrain, l’enthousiasme se résument en un seul mot : la belle humeur. La belle humeur française n’est jamais de mauvais aloi, elle n’est pas coutumière de plaisanteries équivoques ni de paroles grossières. C’est une qualité de l’âme et du cœur qui fait qu’au front, on n’a pas à craindre le cafard. Quand il est sain de corps et d’esprit, un bon Français est toujours de belle humeur. Voilà une qualité que ne connaissent pas les Boches8.

9Et l’idée que les soldats et civils de France vont surmonter l’épreuve de cette guerre grâce à leur enthousiasme accompagné de chansons va perdurer, comme le confirme l’article non signé « La rue chante » paru dans Le Bonnet Rouge du 9 mai 1915.

10Malheureusement, durant les premiers mois de la Grande Guerre, la musique militaire subit de lourdes pertes en musiciens et matériel musical9. Avant que les premiers instruments de fortune apparaissent au front, les Poilus, qui apprécient les séances musicales durant leur temps de repos, vont compenser cette privation grâce à leur voix. Il est indéniable que dans l’histoire de la musique au front, la simple chanson, l’art lyrique, les duos et les chorales prennent une place majeure dans les créations de spectacles au détriment de la musique instrumentale. En quelques mois avec l’enlisement du conflit, la chanson s’impose comme le cœur des activités musicales pratiquées à proximité des combats. Elle permet d’oublier l’environnement sonore, de danser, de se redonner du courage, de faire impression auprès de civils ou des régiments voisins, d’entretenir de bonnes relations entre soldats et gradés. Dans les pires conditions naturelles et matérielles, pour tromper leur ennui et supporter la vie au front (si proche de la mort), les soldats n’ont jamais cessé d’être productifs, comme le montre le personnage de Bourland, dans Les Croix de bois de Dorgelès, qui se fabrique un instrument avec un matériel de fortune.

Bourland s’est levé pour aller prendre son violon. Il l’a fabriqué lui-même avec une boîte à cigares et des cordes qu’il a demandées à Paris, et c’est à ce joujou, à cet instrument de cirque, que nous devons nos meilleures soirées. Il l’accorde – deux plaintes – et aussitôt on se tait. Musique, notre amie à tous… C’est l’Adagio de la Pathétique qu’il joue. Tout s’apaise… Musique ardente et tendre comme nos cœurs. Y a-t-il rien de pathétique dans ce long frisson ? Non… C’est comme un beau rêve déchirant. Et puis qu’importe ce qu’il joue10.

Dans la cave du fond, on faisait un concert. Un caporal jouait de l’ocarina, et, accroupis autour de lui, les camarades reprenaient la romance au refrain, avec des voix langoureuses11.

11Dans les baraquements de fortune en seconde ligne, dans les camps de prisonniers, ces hommes rivalisent d’imagination pour sortir de l’horreur de leur quotidien, du vacarme de la guerre. Le fait d’être inventif et créatif constitue une tentative désespérée de préserver son individualité et de laisser une trace. Cette parenthèse permet d’oublier le temps qui passe pour ces hommes englués dans cette guerre de position.

La réécriture de chansons

12Au début du xxe siècle, le théâtre de Georges Feydeau, d’Eugène Labiche et bien d’autres fait une large place au timbre : ils insèrent volontiers au sein de leurs pièces des airs célèbres sur lesquels ils composent de nouvelles paroles en lien avec le sujet évoqué12. Changer le sens et le caractère des paroles, tout en conservant la mélodie de chant d’origine ainsi que sa métrique est un loisir, un exercice intellectuel de fin de repas qui ne nécessite ni installation, ni matériel. La coutume s’est ancrée progressivement dans les foyers français d’avant-guerre. Entre le dessert et le café, un invité se lève pour chanter a cappella un couplet de son invention complimentant la maîtresse de maison en remerciement de son invitation. La pratique du timbre, si amplement répandue en France depuis des décennies, voire des siècles, demeure l’un des loisirs favoris des Poilus de 14. Certes, cette guerre de position aux abords des champs de batailles ne paraît pas être la situation idéale à quelque forme de création que ce soit. Des roulements incessants grondent du matin au soir, accompagnés d’explosions, de longues séquences de mitrailleuses, de passages réguliers d’avions de repérage, de déplacements de troupes13 et de défilés d’artillerie (chevaux, chariots et harnachements) qui occupent en permanence l’espace sonore. Cependant, militaires et civils proches des combats, finissent par s’y habituer complètement14. De plus, l’état de choc né de la transition entre la vie civile et le quotidien de guerrier conduit les hommes à se cramponner à certaines activités familières : lire, écrire, dessiner, chanter ou encore jouer d’un instrument fabriqué avec les moyens du bord sont des loisirs qui entretiennent le moral des hommes et leur évitent de sombrer dans la mélancolie15. Ces activités sont fortement encouragées par le commandement militaire car l’oreille des soldats peut demeurer attentive à l’environnement sonore ambiant et à ses dangers16. Ces loisirs paraissent légitimes et indispensables : après l’effort, la musique est l’art convié en priorité pour l’ensemble de ses avantages, et la réécriture de chansons devient l’un des passetemps préférés des soldats.

13Si quelques Poilus chansonniers créent les textes et les musiques de leurs chansons, la plupart préfèrent placer sur des airs connus des paroles de leur invention. L’historial de la Grande Guerre de Péronne et le musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux conservent de nombreux carnets personnels au format pochette, dans lesquels sont transcrites des chansons réécrites « sur l’air de… »

14Les timbres employés proviennent de sources variées : airs folkloriques, hymnes patriotiques et chansons plus récentes. Les airs le plus souvent choisis pour réécrire ces chansons sont : Le Clairon (paroles de Paul Déroulède, musique d’Émile André, 1875), À Saint Lazare (paroles et musique d’Aristide Bruant, 1887), Le Pendu (de Saint Germain) (paroles de Maurice Mac-Nab, musique de Camille Baron, 1888). Le Biniou (paroles d’Hippolyte Guérin, musique d’Émile Durand, 1856), L’Étoile d’amour (paroles de Charles Fallot, musique de Paul Delmet 1899), Frou-Frou (paroles d’Hector Monréal et Henri Blondeau, musique d’Henri Chatau, 1897), Quand Madelon… (paroles de Louis Bousquet, musique de Camille Robert, 1914), Sous les ponts de Paris (paroles de Jean Rodor, musique de Vincent Scotto, 1913), La Petite Tonkinoise (paroles d’Henri Christiné, musique de Vincent Scotto, 1906), Le Chant du départ (paroles de Marie-Joseph Chénier, musique d’Étienne Nicolas Méhul, 1794) et bien évidemment La Marseillaise (paroles et musique de Rouget de Lisle, 1792).

Les thèmes récurrents et le vocabulaire

15Les thèmes principaux des chansons réécrites et interprétées évoquent la situation des Poilus dans les tranchées17, les loisirs et les femmes. Ils aiment principalement les chansons qui rendent compte de leur vie quotidienne au front18 : les aviateurs évoquent leurs vols, les cyclistes leurs vélos, les cuisiniers leur roulante, les musiciens leur musique, les artilleurs leur batterie, les fantassins leur pénible vie de marcheurs, les ambulanciers leurs blessés… Viennent en seconde position, leurs actions militaires et leur souffrance d’être loin des leurs. En revanche, la chanson cocardière n’est pas le genre favori des Poilus. C’est d’abord pour eux que les soldats chansonniers réécrivent et chantent, avant d’exalter le sentiment national. Même la haine de l’ennemi est exprimée sans passion. Lorsque, dans ses chansons, le Poilu fustige l’ennemi, c’est toujours en employant des jeux de mots propres à amuser les camarades plus qu’à les galvaniser19.

16D’un point de vue linguistique, les différences de vocabulaire entre la province et la capitale influent sur la rédaction. Dans le camp français, la diversité des origines sociales et géographiques ne permet pas de trouver facilement un vocabulaire commun et compris de tous, même si durant les deux premières années de la guerre un lexique du Poilu est progressivement apparu20. Plus ou moins consciemment, un effort doit être fourni pour concevoir un outil de communication qui convienne à tous les soldats et renforce la cohésion du groupe. La solidarité entre ces hommes soumis aux mêmes peurs, aux mêmes pressions, passe par une entente, un langage collectif : l’argot des Poilus21.

C’est précisément le langage argotique des Parisiens des quartiers populaires du nord-est (Montmartre, le xviiie arrondissement, Belleville et Ménilmontant) qui est retenu. Et ce choix n’est pas hasardeux. Le vocabulaire urbain et plus précisément celui qui vient de Paris, triomphe alors dans les esprits. Parler patois, occitan ou breton ne peut avoir autant de valeur. Paysan, péquenot, bouseux, cul-terreux entrent lentement dans l’arsenal des insultes universelles des rues, des usines, des bureaux et des quais de gares – jusque dans les écoles, où ces quolibets triomphent vite. Pour les Poilus, mieux vaut parler comme Gavroche, un langage réprimandé que la langue châtiée des beaux quartiers. Le Paris populaire prête donc son argot, que les chanteurs et les comédiens (Mayol, Bruant, Dranem, etc.) ont déjà popularisé sur scène et dans les galettes de cire qui tournent en exemplaires de plus en plus nombreux. Certains mots sont directement empruntés au langage des Poilus : pinard, gnôle, bidoche, cuistot, godasses, clamser ou arroseuse (la pluie), babillarde (la lettre), moulin à café (la mitrailleuse), faire sa tombe (creuser une tranchée)22.

17En l’absence de femmes et d’enfants, le vocabulaire des chansonniers des tranchées frappe souvent par son caractère cru, volontiers vulgaire, scatologique ou pornographique.

18En compulsant et en recoupant les chansons réécrites au front, on observe souvent un effet de contraste dans les choix de composition des auteurs. En effet, écrire un texte dur, violent, cruel ou ironique sur un air doux ou langoureux ou bien faire le choix inverse, sont des pratiques courantes23. La chanson Un Poilu m’a conté24 de Maurice Doublier25, dont une version a été publiée dans le journal de tranchées Face à l’Est en 1915, est un cas de réécriture de chanson qui a retenu notre attention. L’auteur signe un nouveau texte sur l’air de « L’Étoile d’amour », poème de Charles Fallot mis en musique par Paul Delmet en 189926. Cette réécriture de chanson fait partie du recueil « Chansons d’Argonne » que l’auteur a créé et chanté au front entre 1914 et 1916. En comparant les deux textes, il apparaît que la nouvelle version, telle qu’elle a été imprimée dans le journal de tranchée, ne permet pas à un interprète autre que l’auteur, de chanter cette chanson sans buter sur des difficultés d’ordre métrique. La pratique fréquente de l’élision (par exemple (« Ceux qui leur fir’nt… », « Et les montagnes russ’s… ») témoigne des connaissances acquises par l’auteur en matière de réécriture de chanson et de son degré de maîtrise non seulement de la prosodie, mais aussi des codes typographiques de notation des élisions.

19Toutefois, si le choix de Maurice Doublier de réécrire de nouvelles paroles, Un Poilu m’a conté… sur l’air de « L’Étoile d’amour », valse lente dotée de fins de vers dont les syllabes peuvent être étirées, est susceptible d’être compliquée pour les interprètes, en revanche le problème ne se pose pas lorsqu’un auteur décide d’employer un air de marche. En effet, la métrique des paroles de ce type de chansons est plus « carrée » ou binaire, ce qui permet au marcheur-chanteur de ne pas trébucher.

20Dans les réécritures de la chanson Le Navigatore de Georges Villard (1898), devenue La Petite Tonkinoise d’Henri Christiné (1905), puis L’Anglaise d’Edmond Dardenne Bernard (1911-1913), ou un siècle plus tard Un dimanche, enregistrée par Pierre Perret (2008)27, on remarque que la répétition des syllabes (Je suis navi, navi, navi, navigatore puis c’est une Anna, c’est une Annana, une Annamite / Ma Tonkiki, ma Tonkiki ma Tonkinoise), utilisée dans la version d’origine puis dans la réécriture de Botrel, 191528 (Taratata, taratata, taratatère / Ma p’tit’ Mimi, ma p’tit’ Mimi, ma mitrailleuse), le découpage métrique placé sur la réduction de moitié de la valeur rythmique de base « la croche » produisant onze doubles croches, a disparu pour laisser place (dans le premier refrain) à l’énumération de lieux où l’interprète propose à sa conquête de copuler. Tout en respectant le découpage métrique d’origine, de manière volontaire ou non, cette réécriture fait pourtant disparaître le caractère enfantin (sorte de bégaiement) des paroles d’origine et renforce la grivoiserie du texte. Cependant, la « Mitrailleuse » de Botrel, produisant des « taratata » qui s’apparentent au fou rire, ne peut faire oublier que l’arme en question distribue la mort en rafale.

Les modes de propagation des chansons réécrites au front et la censure

21Outre l’interprétation orale, le partage et l’échange de transcriptions manuscrites constituent le premier mode de propagation des chansons réécrites. De carnet à carnet, les Poilus échangent leurs chansons en les recopiant, mutualisant ainsi leurs travaux, grâce à un procédé plutôt astucieux. Les auteurs profitent des avantages du support qu’ils utilisent pour réécrire leurs chansons : leur carnet de note qui fait partie de l’équipement militaire fourni par l’armée. Ce carnet, de format variable mais d’une taille qui permet de le loger dans la poche ou la pochette de l’uniforme, est un carnet « piqué ». Deux trous sont percés en haut et en bas au centre du bouquet de pages. Passant au travers de ces deux trous, une simple ficelle relie l’ensemble des pages. En consultant les carnets de route des Poilus conservés dans le fonds de l’historial de Péronne, nous avons constaté que des carnets contenant des réécritures de chansons avaient subi la même transformation. En effet, la ficelle qui maintenait l’ensemble a été sectionnée et remplacée par à un nouveau lien, qui, entourant l’ensemble des pages par le pourtour, transforme le carnet de route en un carnet « aléatoire » dont les doubles feuilles deviennent interchangeables. Cette nouvelle ligature permet alors de faire glisser les doubles pages afin que les soldats puissent se les échanger.

22Ensuite, c’est par l’intermédiaire des journaux de tranchées publiés au front à partir de septembre 1914 (Le Petit Colonial), que se diffusent les chansons. On ne dénombre pas moins de 474 titres de journaux de soldats entre 1914 et 191929. Le Rigolboche, Bochofage, Le Périscope, Marmita, Le Poilu, Le Canard poilu, et le plus célèbre d’entre eux, Le Crapouillot30, publient tous un grand nombre de chansons. Typographiés ou rédigés manuellement, ces journaux sont édités en masse grâce aux multicopistes ou polycopieuses. Ces nouveaux procédés de reprographie contribuent à la rapide propagation de réécritures de chansons.

23Mais la presse des tranchées n’est pas l’unique moyen de publication de ces œuvres. En effet à partir de 1915, le Grand commandement prend l’initiative de créer des « journaux de liaison » entre Poilus dont les rédactions sont souvent situées dans les villes proches des zones de combats. Les journaux de liaison sont des périodiques rassemblant des articles issus des journaux de tranchées qui rendent compte de certaines activités des Poilus et dont les feuilles sont avant tout destinées aux soldats mobilisés et parfois aux civils. Leurs rédacteurs, qui effectuent un collectage en vue d’une mutualisation des différents articles écrits par des Poilus pour des Poilus, sélectionnent des réécritures de chansons. Ils privilégient les chansons à caractère patriotique31, celles qui évoquent les souffrances des soldats et les chansons sur l’absence de l’être aimé32, ce qui à l’évidence constitue une forme de censure.

24Parallèlement, de l’aveu même des secrétaires de l’état-major, qui ont en charge la restitution aux familles des effets personnels des soldats morts à la guerre, la destruction de carnets de chansons jugés indignes d’être restitués s’avère monnaie courante. Afin de sauvegarder l’image héroïque et vertueuse du combattant qui s’est sacrifié pour sa patrie, on préfère détruire des carnets dont on craint qu’ils ne ternissent l’aura de leurs auteurs33. Sous le coup donc d’une double censure ces traces musicales ont trop souvent été jetées aux flammes.

25Les envois postaux participent eux aussi à la circulation des réécritures de chansons34. Les soldats mobilisés ont des échanges épistolaires entre eux mais la Poste permet également aux œuvres de sortir des zones de combats pour être acheminées jusque dans la population civile35. De plus, des éditeurs de cartes postales et des éditions musicales entreprennent de vendre des cartes postales sur lesquelles sont imprimées au recto des chansons de Poilus36. En outre, durant les quatre années de guerre, la presse des tranchées organise une multitude de concours afin de distraire les Poilus et d’entretenir leur moral. Des concours de journaux de tranchées, des concours de dessins et de croquis, des concours de cagnas et de balcons fleuris, des concours sportifs mais aussi et surtout nombre de concours de créations de chansons et de réécriture de chansons37. Parfois ce sont les rédacteurs des périodiques eux-mêmes qui organisent ces concours, dont le règlement prescrit l’usage de timbres, et l’écriture de nouvelles paroles « sur l’air de », pour permettre la participation du plus grand nombre.

Avec la bienveillante approbation du colonel, Grenadia organise un concours de chansons. […] Or le 41e n’a pas encore sa chanson de guerre. […]
Article 1 : le concours de la chanson de guerre du 41e est ouvert entre soldats, caporaux et sous-officiers du régiment. Chaque chanson ne devra pas être composée de plus de six couplets, avec refrain.
Article 2 : les chansons devront être sur un air connu et entraînant38.

26Conformément à sa ligne éditoriale, annoncée dans son sous-titre : Grenadia. Organe du 41e en campagne, journal gai, le journal précise : « pour la chanson du régiment, l’air doit être gai et les paroles joyeuses… » Si le concours organisé par le journal Grenadia parvient à élire et récompenser des premiers prix, en revanche ceux organisés par Le Cafard muselé (journal de liaison) et Le Temps buté (journal de tranchées) devront être abandonnés, la guerre et ses combats ne permettant pas toujours de réaliser une entreprise pacifique.

27En conclusion, l’exercice de réécriture de chanson « sur l’air de… », art praticable par tous, a offert de nombreux avantages pratiques car il pouvait être partagé dans le retranchement intime d’une cagna ou être plus largement diffusé à tout un régiment. Le phénomène, ayant pris de l’ampleur de jour en jour, s’est rapidement répandu à l’ensemble du front français.

28Dans un premier temps la circulation de réécritures de chansons au front est née grâce au « bouche à oreille ». Durant les marches, les temps de repos et à la veillée, les inventions des Poilus sont chantées aux abords des champs de bataille. Puis, de carnet à carnet, les soldats se sont échangés leurs travaux en vue de transcriptions manuscrites. Ensuite la presse des tranchées a publié elle aussi de nombreuses réécritures de chansons que les soldats des autres régiments ont découvertes. Grâce aux envois postaux, les œuvres ont conquis le grand public dans le civil. En dernier lieu, quelques auteurs dotés de relations professionnelles issues du milieu de la musique populaire dans le civil, ont vu leurs œuvres créées sur les scènes parisiennes par des artistes connus39. Cependant, avant de devenir des succès auprès d’un auditoire, la chanson et l’exercice intellectuel qu’implique sa réécriture, ont rassemblé les hommes et leur ont offert une parenthèse où durant plus de quatre années, s’est logée la paix des âmes, à l’abri du tumulte et des horreurs de la guerre.

Bibliographie

29Baconnier, Gérard, Minet, André, Soler, Louis, La Plume au fusil. Les Poilus du Midi à travers leur correspondance, Toulouse, Privat, 1985.

30Buffet, Eugénie, Ma vie, mes amours, mes aventures. Confidences recueillies par Maurice Hamel, Paris, Figuière, s. d. [c. 1925].

31Castex, Henri, Verdun, années infernales. Lettres d’un soldat au Front (août 1914-septembre 1916), Paris, Imago, 1996.

32Destemberg, Jean-Daniel, Les Chemins de l’histoire, 1914-1918. La Marne, Verdun, le Chemin des Dames, Moulins, Demars, 1999.

33Duhamel, Georges, Vie des martyrs : 1914-1916, Paris, Mercure de France, coll. « Les Libertés françaises », 1917.

34Ferro, Marc, Brown, Malcolm, Cazals, Rémy et Mueller, Olaf (dir.), Frères de tranchées, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2006.

35Gumplowicz, Philippe, Les Travaux d’Orphée. Deux siècles de pratique musicale amateur en France (1820-2000) : harmonies, chorales, fanfares, Paris, Aubier, 2001.

36Robine, Marc, Il était une fois la chanson française. Des trouvères à nos jours, Paris, Fayard, coll. « Chorus », 2004.

37Sauda, Éric, « La chanson au Front durant la Grande Guerre », dans Music and War from French Revolution to WWI, dir. Étienne Jardin, Turnhout, Brepols, 2016.

38Sauda, Éric, François Gervais, musicien au Front de 1914 à 1919. Affirmation identitaire, sociale et artistique, thèse de doctorat en musicologie, sous la direction de Michèle Aten, université Paris-Sorbonne, 2010 (non publiée).

39Watkins, Glenn, Proof through the Night. Music and the Great War, Berkeley, University of California Press, 2003.

Sitographie

40Journaux de tranchées, BNF, corpus Gallica : https://gallica.bnf.fr/selections/fr/html/journaux-de-tranchees

41Journaux de tranchées : liaisons entre poilus, BNF, corpus Gallica : https://gallica.bnf.fr/selections/fr/html/journaux-de-tranchees-liaisons-entre-poilus

42La Contemporaine, Musée des mondes contemporains (Nanterre) : https://argonnaute.parisnanterre.fr

43Dubé, Paul et Marchioro, Jacques, Du Temps des cerises aux Feuilles mortes. Le site consacré à la Chanson française de la fin du second Empire aux années Cinquante, http://www.dutempsdescerisesauxfeuillesmortes.net/.

44Le Musée de la Sacem : https://musee.sacem.fr/index.php/ExhibitionCMS/ExhibitionCMS/ComplexExhibitions?id=461

Notes

1 Voir Éric Sauda, « La chanson au Front durant la Grande Guerre », dans Music and War from French Revolution to WWI, dir. Étienne Jardin, Turnhout, Brepols, 2016, p. 45. Sur la musique pendant la première Guerre mondiale, voir aussi Regina M. Sweeney, Singing our way to victory, French cultural politics and music during the Great War, Middletown, Connecticut, Wesleyan University Press, 2001.

2 Sur la musique au front pendant la Grande Guerre, voir La Grande Guerre en musique. Vie et création musicales en France pendant la Première Guerre mondiale, éd. Florence Doé de Maindreville et Stéphan Etcharry, Bruxelles / Bern / Berlin / Frankfurt am Main / New York / Oxford / Wien, Peter Lang, 2014.

3 Jean-Daniel Destemberg, Les Chemins de l’histoire, 1914-1918. La Marne, Verdun, le Chemin des Dames, Moulins, Demars, 1999, p. 34.

4 Pierre Mac Orlan, Les Poissons morts, Paris, Librairie Payot et Cie, 1917, p. 23.

5 Soigneusement étudié par Jean-Jacques Becker à partir de sources très diverses, le sentiment moyen des Français se situe « à peu près à égale distance de la concentration et de l’enthousiasme, amalgamant en quelque sorte la résignation et le sens du devoir », Jean-Pierre Rioux dans le collectif 14-18 : Mourir pour la patrie, Paris, Seuil, Société d’Éditions scientifiques, mai 1992.

6 Yvonne Sarcey, « Croix-Rouge Française – Union des Femmes de France. Hôpital Temporaire-Auxiliaire no 123 fondé par “l’université des Annales”. [Lettre hebdomadaire. 1.] Une invitation au Camp et le Théâtre à la Guerre », Les Annales politiques et littéraires, no 1700, 23 janvier 1916, p. 91, vol. 1.

7 Voir l’article « La Gaîté » paru dans le journal de liaison Le Cafard muselé, 1er avril 1917.

8 Charles-Lavauzelle et Cie, L’Élève soldat. Préparation à toutes les armes. Brevet de préparation militaire élémentaire. Tous les brevets de spécialité. Ouvrage honoré d’une souscription du Sous secrétariat d’état de l’éducation physique et de la Préfecture de la Seine et inscrit au Bulletin Administratif du Ministère de l’instruction publique, Paris-Limoges-Nancy, Paris, 1932 (97e éd.), p. 145-146.

9 Voir l’article « Tambours, Clairons, Musique en Tête », Lectures Pour Tous, 15 mars 1916 : « Le terrain est labouré par la mitraille. Les musiciens, s’empressant auprès des blessés, posent leurs sacs et leurs instruments sur le revers de la route. Quelques instants après, le chef de musique est avisé que le moment de sonner la charge est arrivé. La plupart des instruments ont été déchiquetés, broyés par les obus. […] En 1915, un poilu, s’adressant à un journaliste, lui disait : “Notre-régiment n’a pas de musique et je vous assure que ça nous manque dans les défilés, les revues, les remises de décorations ; nous avons l’air de parents pauvres, sans compter que les habitants des localités où nous prenons notre repos ne savent trop que penser de nous : un régiment sans musique ça ne leur paraît pas normal.” Cet hommage de leurs camarades doit être pour les tambours, clairons, fanfaristes et musiciens la récompense la plus douce, en attendant celle à laquelle ils aspirent : jouer Sambre-et-Meuse ou la Sidi-Brahim dans les rues de Colmar, de Strasbourg et de Metz ! »

10 Roland Dorgelès, Les Croix de bois, 1919, dans Les grands romans de la guerre 14-18, éd. François Rivière, Paris, Omnibus, 1994, p. 320.

11 Ibid., p. 330.

12 Voir l’article Vaudeville, dans L’Encyclopédie de la musique.

13 Roland Dorgelès, op. cit., p. 283 : « Après les mitrailleuses […], passèrent les caissons cahotants du train de combat, la voiture à viande, l’ambulance aux roues ferrées et, à la queue du régiment, les voitures de compagnie, cavalcade burlesque de limonières, de pataches et de tape-culs ramassés au hasard des marches et des contremarches, de Charleroi à Reims, antiques guimbardes aux essieux grinçants ».

14 Henri Barbusse, Le Feu, dans Les grands romans de la guerre 14-18, op. cit., p. 48 : « Depuis plus de quinze mois, depuis cinq cents jours, en ce lieu du monde où nous sommes, la fusillade et le bombardement ne se sont pas arrêtés du matin au soir et du soir au matin. On est enterré au fond d’un éternel champ de bataille ; mais comme le tic-tac des horloges de nos maisons, aux temps d’autrefois, dans le passé quasi légendaire, on entend cela que lorsqu’on l’écoute. »

15 « […] On mange et on boit à côté des morts, on dort au milieu des mourants, on rit et on chante dans la compagnie des cadavres. Et que faire, mon Dieu ! Vous savez bien que l’homme ne peut subsister sans manger, sans boire, sans dormir et aussi sans rire et sans chanter », Georges Duhamel, Vie des martyrs, Paris, Mercure de France, coll. « Les Libertés françaises », 1917, p. 217-218.

16 Voir Éric Sauda, « L’incongruité de la coexistence des activités musicales avec la violence des combats au front durant la Grande Guerre », dans Atas y Congresso de História Contemporanea 2012, actes du colloque d’histoire contemporaine de l’Université Nouvelle de Lisbonne, 2012, p. 340-347.

17 « Laissons la parole au programme, éloquent dans sa concision : 1re partie, Au cantonnement : Les Poux, La Visite, Les Feuillées ; 2e partie, Aux tranchées : Vauquois, Les Sapes, Les Corvées, Les Cuistots ; 3e partie : Le Renfort et Défilé du 31e. Le Judec, accompagné par Reynaldo Hahn, détaillait avec art les chansonnettes d’actualité qui agrémentaient la revue. Celle-ci est d’ailleurs, à notre connaissance, une primeur sur le front, ce qui double le mérite des innovateurs, nos bons amis Simon et Ronal. ». L’Écho des Gourbis, no 16, mai 1916.

18 Voir Le Foyer du soldat (Marche), sur l’air de « Ce que c’est qu’un Drapeau », paroles d’Edgard Favart, musique de Louis Diodet et Xavier Lamareille, 1910. Nouvelles paroles de M. Jorjy, chanson parue dans le journal de liaison Le Cafard muselé : organe des foyers du soldat, 1er juin 1917 ; Les Bains Douches, sur l’air de « L’encombrement », paroles et musique de Léon Xanrof, 1890. Paroles du sergent Outhwaite, dit Bouc, 18e régiment territorial. Chanson parue dans Le Petit écho du 18e régiment territorial d’infanterie, février 1915 ; La Ballade des Boyaux, sur l’air d’« Encore un baiser veux-tu bien ? » dont le titre est en fait « Petit chagrin », paroles de Maurice Vaucaire, musique de Paul Delmet. Nouvelles paroles du sergent Labrunie 12e Cie, 18e régiment territorial. Chanson parue dans Le Petit écho du 18e régiment territorial d’infanterie en janvier 1915 ; Le Toto, sur l’air « Musique de chambre » (non précisé), auteur Jorjy ou Jorgy, chanson parue dans Le Cafard muselé, 15 juin 1917 ; Le dernier voyage, sur l’air « Son camarade fit la même chose que lui ! », paroles d’Étienne Chicot, musique d’Antoine Queyriaux et Georges Antoine. Nouvelles paroles du sergent Outhwaite, dit Bouc, 18. R.T.I. Chanson parue dans le journal Le Front le 1er juillet 1916.

19 Voir Les Deux Poux, sur l’air « Le Pendu (de Saint Germain) », paroles de Maurice Mac-Nab, musique de Camille Baron, 1888. Nouvelles paroles de J. Darier, 1915, chanson parue dans La Première ligne, organe […] du 3e d’artillerie coloniale, no 21, 15 mars 1916 ; « Le Défilé héroïque » (revuette) paru dans Le « Petit Écho » en Campagne, 1er mai 1915 ; Le Kaiser à son vieux Bon Dieu, sur l’air « Dans la tranchée… », Paroles et musiques de Théodore Botrel, 1915, Nouvelles paroles d’un auteur anonyme. Chanson parue dans Le « Petit Écho » en Campagne, 16 août 1915.

20 Voir « Le vocabulaire de la guerre » paru le 16 novembre 1916 dans le journal de liaison Le Front.

21 Voir L’argot dans les chansons des soldats de la Grande Guerre, Łukasz Szkopiński, Université de Łódź, 2018.

22 Claude Ribouillault, « L’art chansonnier des poilus de la Grande Guerre… », Chroniques allemandes, no 10, 2003, p. 128.

23 Voir Romain Benini, « Timbre et intertextualité », dans Fille du peuple ? Pour une stylistique de la chanson au xixe siècle, ENS Éditions ; et « Les timbres conservés ou singés… », dans « L’art chansonnier des poilus de la Grande Guerre… », art. cité.

24 Un Poilu m’a conté…, sur l’air de « L’Étoile d’amour », paroles Charles Fallot, musique Paul Delmet, 1899. Nouvelles paroles de Maurice Doublier, chanson publiée dans le Bonnet Rouge, septembre 1915. Un Poilu m’a conté est à nouveau publiée dans le journal de tranchées Face à l’Est, janvier-février 1916.

25 Maurice Doublier, tué sur le front d’Argonne le 16 avril 1916. Il fut syndicaliste et un des animateurs de La Muse rouge. Il compose durant son temps de combattant, des chansons qu’il interprète au front. Cependant il réécrit aussi des chansons sur des airs connus qui font souvent office de rapport d’actualité. Marc Robine, « Chansonniers de la paix, tués par la guerre », dans Il était une fois la Chanson française (des origines à nos jours), Paris, Fayard/Chorus, 2004, p. 59-61 : « Bon nombre de ces chansonniers, mobilisés, trouvèrent la mort dans les tranchées. Clovys dédiera une émouvante complainte à Maurice Doublier et Léon Israël morts au combat. » Voir les chansons de Maurice Doublier parues dans le quotidien parisien, Le Bonnet Rouge : Aux Meurissons, A la Branière, Le Joueur de Flûte, Un Poilu m’a conté.

26 Voir la biographe de Paul Delmet dans L’Encyclopédie de la musique.

27 Un Dimanche, « Les Dieux paillards, CD 1 », sur l’air de « La Petite Tonkinoise », nouvelles paroles d’Edmond Dardenne Bernard (1911-1913), interprète Pierre Perret. Sortie 12 novembre 2008.

28 L’Anglaise, sur l’air de « La Petite Tonkinoise », parole d’Henri Christiné, musique de Vincent Scotto, 1915. Nouvelles paroles d’Edmond Dardenne Bernard, Paris, 1911-1913. Texte paru dans le recueil Anthologie hospitalière et latinesque, tome 2, Recueil de chansons de salle de garde anciennes et nouvelles, entre-lardées de chansons du Quartier latin, fables, sonnets, charades, élucubrations diverses, etc., 1913.

29 Voir la rubrique Journaux de tranchées, sur le site internet Gallica de la BNF.

30 Revue fondée au front en 1915 par Jean Galtier-Boissière et dirigée par lui-même, de 1915 à 1965. Créée dans un esprit de propagande patriotique, elle devint au sortir de la guerre, une revue culturelle d’avant-garde puis en 1930 une revue satirique, publiée sous forme de numéros spéciaux.

31 Berceuse, sur l’air de « Ferme tes jolis yeux », paroles de Virgile Thomas et René de Buxeuil, musique de René de Buxeuil, 1913. Nouvelles paroles d’un auteur anonyme, chanson parue dans le journal de liaison, Le Cafard muselé : organe des foyers du soldat, 1er juin 1917. Tenez bon, nous les aurons, sur l’air de « Quand Madelon… », paroles Louis Bousquet, musique Camille Robert, 1914. Nouvelles paroles du Sergent G. Morin. Chanson parue dans le journal de tranchée Le Petit Écho du 18e régiment territorial d’infanterie en octobre 1916.

32 Voir Si j’avais des galons, sur l’air de « Si j’avais des millions » dont le titre est en fait « Hâtons nous », chanson de Pierre Jean de Béranger (février 1830) réécrite sur l’air de « Ah ! si madame me voyait » d’Antoine Romagnési, 1825. Nouvelles paroles du Caporal A. Huguet du 18e territorial. Chanson parue dans le journal de tranchée Le Petit Écho du 18e régiment territorial d’infanterie en décembre 1916. Chansons de route, sur l’air de « Quand Madelon… », paroles de Louis Bousquet, musique de Camille Robert, 1914. Nouvelles paroles de l’adjudant G. Labrunie du 18e R.I.T., parue dans Le Petit Écho du 18e régiment territorial d’infanterie, octobre 1917.

33 « C’est ainsi qu’il trouva, dans les poches d’un cadavre, une carte de femme qu’on ne pouvait absolument pas faire parvenir à la famille, et, une autre fois, une collection de chansons telles qu’après conciliabule on décida de les brûler. Purifions la mémoire des martyrs. » Georges Duhamel, Vie des martyrs, op. cit., p. 130.

34 En moyenne annuelle pour 1915, 1916, 1917 et 1918, 2,4 milliards de correspondances sont reçues et expédiées par les troupes au front. Voir Sébastien Richez, « Communiquer entre le front et l’arrière : Au temps du “courrier facile“ ».

35 Voir Chanson des poilus de la 6e, air « Sous les ponts de Paris », créée dans les tranchées de 1re ligne du 5 au 7 avril 1915 par Guyot et envoyée dans une lettre par Marcel Garrigue à sa femme.

36 Les deux principaux éditeurs des cartes postales de chansons de poilus sont les éditions musicales et cartes postales, Henry Wykes, (H-J-W) fondées en 1908, situées au 166 puis 157 rue de Montmartre à Paris, et les éditions musicales ENOCH et Cie, fondées en 1853, situées au 30 rue Meslay à Paris.

37 « Un concours des Auteurs du Front », Le Temps buté. Organe des gas [sic] hilarants du 309e territorial, no 7, 1er septembre 1916, p. 4 : « Le Carnet de la Semaine organise pour les auteurs du front un concours de poésies, chansons, sketches, saynètes et scènes de revues. Poilus du 309e qui possédez des talents inconnus, poètes, comédiens, dramaturges en bleu horizon, vous pouvez tous concourir. Le Temps buté fournira les conditions d’admission sur simple demande (inutile d’employer la feuille timbrée à 0 fr. 60). »

38 « Concours de Chansons. La Chanson du Guerre du 41e », Grenadia. Organe du 41e en campagne, journal gai, no 7, 29 novembre 1916, en Une du journal.

39 Voir le cas de Maurice Doublier cité plus haut.

Pour citer ce document

Éric Sauda, « Réécritures de chansons au front de la Grande Guerre » dans ,

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude »,

URL : https://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/2031.html.

Quelques mots à propos de :  Éric Sauda

Docteur en musicologie Paris Sorbonne