Chanter en temps de guerre
La Résistance qui chante de Paul et Edmée Arma. Un témoignage de chansons engagées écrites sur un air connu pendant l’Occupation
Déborah Livet
1Nous sommes en 1945 lorsque Paul Arma décide à la fin de la Seconde Guerre mondiale de faire publier un livre composé de textes et de chants de Résistants écrits pendant la période de l’Occupation. Ce tapuscrit, organisé et réalisé par le compositeur et sa femme Edmée, révèle une réalité bien présente en ces temps de conflit : l’utilisation d’airs connus pour s’exprimer, un témoignage de luttes mais aussi d’espoirs.
2Paul Arma est né le 22 octobre 1904 en Hongrie sous le nom d’Imre Weisshaus. Il étudie à l’Académie Franz Liszt de Budapest de 1920 à 1924 où il reçoit les enseignements de Béla Bartók. Après une tournée en Italie, il part aux États-Unis en 1927 pour se produire en tant que pianiste et faire découvrir au public américain des œuvres d’avant-garde avant de ressentir la nécessité, en 1930, de rejoindre le continent européen. Dans ses Mémoires à deux voix, il écrit :
Aucune infidélité de ma part, mais, en 1930, se précise en moi, l’impérieuse nécessité de songer moins à mon propre avenir qu’à celui des hommes menacés, en Europe, par le totalitarisme. Il devient impérieux pour moi d’abandonner le rôle privilégié que je joue, seul sur une scène, pour rentrer dans le rang et combattre la menace qui guette le monde dont je fais partie. […] Ma foi, en quelque chose de plus humain, de plus juste, m’oblige à être fidèle à moi-même, à mon idéalisme, malgré les désillusions, les déceptions qui, certes, ne manquent jamais dans ce cas1.
3Il revient d’abord à Paris, puis retourne en Hongrie avant de s’installer en Allemagne, au Bauhaus, où il organise des conférences musicales. C’est pendant ces années qu’il compose de nombreux chants de masse. En 1933, le Bauhaus est fermé par les nazis et Paul Arma, menacé de mort par la gestapo le 16 mars 1933, est contraint de fuir. Il arrive en France quelques semaines plus tard, change d’identité et adopte ce pseudonyme de Paul Arma, nom qui lui permet de continuer à composer alors que l’on recherche Imre Weisshaus.
4À Paris, en 1937, il crée et dirige les Loisirs Musicaux de la Jeunesse dont l’ambition est, pour tous les jeunes épris de liberté et de fraternité, un rapprochement sous le signe de la musique universelle. C’est dans ce contexte qu’il rencontre sa femme, Edmée, alors institutrice et passionnée comme lui de folklore. Le couple s’intéresse aux chansons traditionnelles françaises mais aussi étrangères et tous deux vont faire publier d’importants recueils de chants et de danses de tous les pays. Au total, sont édités plus de cinq-cents titres à destination des enfants, des jeunes mais aussi d’un public averti avec des chœurs harmonisés.
5Pendant l’Occupation, Edmée et Paul Arma s’intéressent plus particulièrement au folklore de la Résistance en recueillant plus de mille chansons créées dans la clandestinité. Il s’agit d’un folklore vivant, spontané, inventé pour s’exprimer et se sentir libre. Le compositeur recopie la musique tandis que sa femme transcrit les textes2. Cette liberté revendiquée par Paul Arma sera présente tout au long de sa carrière dans ses choix et son attachement politique dès 1931 au parti communiste allemand (KPD) puis à son arrivée en France en 1933, à l’Association des Écrivains et Artistes Révolutionnaires (AEAR). Il compose pendant cette période de nombreux chants de lutte qui témoignent de son engagement.
6À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Paul Arma propose une série de dix émissions radiodiffusées intitulées « La Résistance qui chante » en déclarant dans celle du 20 octobre 1945 :
Qu’on en finisse avec la Résistance qui pleure, car la vraie, car la seule Résistance, c’est celle qui chante comme l’avenir, comme un matin de soleil, comme la jeunesse qui vient, qui chante les lendemains ; la vraie Résistance, c’est celle des hommes de demain3.
7Après un appel lancé sur les ondes et dans la presse de janvier à juillet 1945, Paul Arma et sa femme recueillent d’autres chants en plus de ceux déjà collectés et au total on comptabilise près de mille-trois-cents textes et chants recueillis par le couple. Voici un extrait de l’article qui est publié dans les journaux de l’époque suite à l’appel passé sur les ondes :
Ces chants de lutte et de résistance qui vous montent aux lèvres, envoyez-les-nous de partout, de tous les pays, dans toutes les langues, pour que nous en fassions un florilège qui accompagnera la victoire sur le fascisme.
De France et de tous les pays, envoyez-nous les chants de délivrance que vous avez chantés dans les maquis et dans la lutte, que vous avez créés vous-mêmes, Français envahis, Européens brimés par les nazis, peuples coloniaux victimes des fascismes, prisonniers et internés qui chantiez dans les camps !
Envoyez-nous tous ces chants de libération anciens et nouveaux (paroles complètes et mélodie) à l’adresse suivante […] et dites comment et dans quelles circonstances ils ont été créés et si vous le pouvez, dites-nous qui en sont les auteurs et tout autre détail susceptible de nous intéresser4.
8Environ un tiers de ces chansons sont écrites sur des compositions musicales originales mais toutes les autres utilisent un air connu. La majorité des auteurs de ces chants ne sont pas musiciens, il est plus facile pour eux d’utiliser une mélodie déjà existante qui a également l’avantage d’être connue de tous et de ne pas attirer l’attention.
9La première partie de cet article s’intéressera aux chansons patriotiques qui ont inspiré les Résistants. Nous verrons ensuite comment les chansons traditionnelles enfantines et issues du folklore régional sont utilisées et nous terminerons par toutes les chansons à succès de l’époque : musiques de films, de cabarets et musiques connues de tous et appréciées des Résistants.
Les chants patriotiques, quand la guerre rappelle la guerre
10Les chants à la verve patriotique occupent une place importante dans ce folklore de la Résistance. Ils permettent à la fois d’utiliser des mélodies connues et donc chantées facilement mais aussi de ne pas attirer l’attention. Elles s’inscrivent dans la longue tradition des chants de lutte, dont certains sont encore connus, comme Le Temps des cerises sous la Commune.
11On trouve notamment la Marseillaise (1792), très peu utilisée car interdite et trop reconnaissable, Le Chant du départ (chant révolutionnaire de 1794, exécuté pour la première fois après la bataille de Fleurus pour célébrer la victoire des armées de la République, reprise pendant la Première Guerre mondiale pour exalter les soldats partant au front), La Chanson de Gavroche (1817), Prends ton fusil Grégoire (ou Monsieur d’charette, composée en 1853 pendant la guerre de Vendée), Le Temps des cerises (chanson écrite entre 1866 et 1868, associée à la Commune de Paris en 1871), Le Régiment de Sambre et Meuse (chant patriotique de 1870), Alsace et Lorraine écrite en 1871 au lendemain de la guerre franco-prusse, L’Internationale (chant révolutionnaire de 1871), La Marche lorraine (composée en 1892), Aux Bat’d’Af (chanson d’Aristide Bruant de 1911 en référence aux bataillons d’Afrique), Les Partisans (ou Chant des partisans russes, écrit à la suite de la révolution de 1917), Quand Madelon, un chant populaire datant de 1914 et qui fut peut-être le plus utilisé par les Résistants avec La Carmagnole, chanson révolutionnaire du Piémont créée en 1792 au moment de la chute de la monarchie.
12Il existe plusieurs versions de La Carmagnole parmi les nombreux textes recueillis. L’une parvient jusqu’à Londres malgré l’ordonnance allemande du 18 décembre 1942 qui stipule : « Quiconque aura confectionné ou distribué des tracts sans y être autorisé sera puni de la peine des travaux forcés et, dans les cas particulièrement graves, de la peine de mort. » Pourtant, cette Gaulloise sur l’air de La Carmagnole, citée ci-dessous, continue de circuler à cette époque, comme de nombreux chants :
1. Marseillaise est défendue (bis)
On n’peut la chanter dans les rues (bis)
Celui qui la chant’ra
En prison il ira
Refrain
Français ! nous la chant’rons !
Vive de Gaulle, vive de Gaulle
Français ! nous la chant’rons !
Vive de Gaulle est sa légion
2. La croix d’Lorraine est défendue (bis)
On n’peut la porter dans les rues (bis)
Celui qui la port’ra
Fusillé il sera
Refrain
Amis ! nous la port’rons !
Vive de Gaulle, vive de Gaulle
Amis ! nous la port’rons !
Vive de Gaulle et sa légion.
3. C’salaud d’Hitler avait promis (bis)
D’bouffer l’Angleterr’ notre amis (bis)
Les Boch s’sont embarqués
Ils se sont tous noyés
Refrain
Mais l’Angleterre tient bon
Avec de Gaulle, avec de Gaulle
Mais l’Angleterre tient bon
Avec de Gaulle et sa légion
4. Tous les Allemands sont des cochons (bis)
Ils ont notre huile et notr’ savon (bis)
Ils bouffent notre jambon
Notr’ pain, notr’ saucisson
Refrain
Mais nous vivons quand même
Vive de Gaulle, vive de Gaulle
Qu’ils bouff’nt, qu’ils en crèvent
Vive de Gaulle et sa légion
5. À force d’toujours aboyer (bis)
Les Italiens s’sont fait schlaguer (bis)
Sur mer, en Albanie,
Au Soudan, en Lybie.Refrain
I’r’çoivent de fameux « gnons »
Vive de Gaulle, vive de Gaulle,
Ils filent comm’ des poltrons
Vive de Gaulle et sa légion
6. Jamais nous ne nous lasserons (bis)
Et nous résisterons (bis)
Refrain
Les Boch’s nous haïssons
Vive de Gaulle, vive de Gaulle
Les Boch’s nous haïssons
Vive de Gaulle et sa légion
7. Nous n’somm’s ni traitres, ni vendus (bis)
Ceux de Vichy seront pendus (bis)
La collaboration
C’est de la trahison
Refrain
Nous n’somm’s pas des félons
Vive de Gaulle, vive de Gaulle,
Nous n’somm’s pas des félons
Vive de Gaulle et sa légion
8. Et malgré toutes nos souffrances (bis)
Gardons fermement l’espérance (bis)
Qu’importent les privations
Et même l’occupation
Refrain
La Franc’ nous sauverons
Avec de Gaulle, avec de Gaulle
La Franc’ nous sauverons
Avec de Gaulle et sa légion
9. Un jour viendra qu’on les aura (bis)
Et tous ces Boch’s on les chass’ra (bis)
Allons n’vous en fait’s pas
La Franc’ ne mourra pas
Refrain
En attendant t’nez bon
Vive de Gaulle, vive de Gaulle
En attendant t’nez bon
Avec de Gaulle et sa légion
13Louis Petiot écrit cette chanson un jour où il vient d’apprendre la molestation de patriotes ayant arboré l’insigne de la croix de Lorraine et écouté la Marseillaise à la radio de Londres. Il se met par bravade ou par protestation à chanter La Carmagnole dont il change tout naturellement les paroles. Il la fait taper à la machine à écrire en une vingtaine d’exemplaires qui sont distribués à des patriotes sûrs. Il la confie ensuite à un ami qui se charge de la faire ronéotyper en deux mille exemplaires à Reims et réussit lui-même à la faire passer en zone libre d’où elle parvient jusqu’à Londres.
14Un autre exemple de chanson écrite sur le thème de La Carmagnole est celle d’un instituteur de Bazoches-sur-Hoëne dans l’Orne, également membre du groupe Libération de Mortagne. Albert Charron écrit les paroles de Carmagnole FFI dédiée « à la mémoire des camarades de la Résistance qui ont combattu, qui ont souffert, qui sont morts pour nous rendre cette liberté que nos aînés, sous la Révolution, avaient, eux aussi, su conquérir au prix de leur sang » :
1. Monsieur Laval avait promis (bis)
De livrer la France aux nazis (bis)
Mais son coup a manqué
Grâce à nos bons français
Refrain
Faisons la chasse aux Boches,
Vive le son ! Vive le son !
Faisons la chasse aux Boches,
Vive le son du canon.
Nous les retrouverons,
Leurs comptes nous réglerons !
2. La France acclame avec ferveur (bis)
De Gaulle, son libérateur ! (bis)
Nos braves FFI
Ont délivré Paris !
3. Nos prisonniers, nos déportés, (bis)
Brisant leurs chaînes, leurs barbelés, (bis)
Vont enfin se venger
De leurs maudits geôliers !
4. Tous fraternellement unis, (bis)
Nous relèverons le pays. (bis)
Qu’elle deviendra belle,
Notre France immortelle !
15De nombreuses autres chansons patriotiques plus récentes sont reprises par les Résistants pendant l’Occupation comme Au-devant de la vie qui devient la chanson du Front Populaire en 1936 (paroles de Jeanne Perret sur une musique de Dimitri Chostakovitch), La Chanson du maquis, Le Chant des marais (1933), Lily Marleen (chanson popularisée par Lale Andersen en 1938 écrite à partir d’un poème d’Hans Leip datant de 1915), mais aussi Maréchal nous voilà, écrite à la gloire du maréchal Pétain sur des paroles d’André Montagnard et une musique de Charles Courtioux et André Montagnard. Connue de tous, Maréchal nous voilà est souvent reprise par les Résistants qui trouvent grâce à cette chanson un moyen de se moquer du maréchal en détournant les paroles et en utilisant une mélodie qui n’attirait pas l’attention des soldats allemands avec cet air chanté à la gloire de Pétain !
16Maréchal nous voilà n’est pourtant pas une chanson originale puisqu’elle avait elle-même été inspirée de la chanson La Margoton du bataillon du compositeur d’origine juive Casimir Oberfeld, déporté à Auschwitz en 1943. Pendant l’Occupation elle est chantée par presque tous les écoliers français et inspire de nombreux Résistants. Même des enfants écrivent de nouveaux textes sur ce timbre, notamment « Trois petits Résistants bien français : Francine, Emy, Henry de Saint Cézaire des Alpes Maritimes » qui écrivent Gloire à la Résistance. Dans une lettre accompagnant leur chant, ils précisent à propos du texte : « Nous prions ceux qui liront cette chanson de ne pas s’offusquer pour la musique. Il nous semblait faire une niche à Pétain, en faisant de sa chanson un chant de gloire à la Résistance. » Les trois premiers couplets sont écrits dans la clandestinité pendant l’Occupation et à la Libération, les trois écoliers y ajoutent le quatrième :
1. Une lueur immense, vient de nous éclairer.
Les petits gars de France, sont prêts à résister.
À côté de de Gaulle ils battront les nazis
Et la France liée retrouvera la vie.
Refrain
Gloire à ceux du Maquis, Gloire à la Résistance toute [sic] entière
Leur effort, lavera la nation de ses impuretés.
Gloire à ceux du Maquis,
Qui nous ont redonné la confiance,
Le pays renaîtra, dans l’honneur et la prospérité.
2. Ils ont lutté sans cesse afin de se grouper
Soutenus par de Gaulle, et par les Alliés,
En nous donnant leur vie, leur génie, et leur foi,
Ils sauvent la patrie et notre liberté.
3. Quand des voix nous répètent, au sujet du travail,
Français levons la tête, résistons à Laval
Nous brandissons l’emblème, de la révolution
Et jetons les infâmes hors de notre nation.
4. Enfin la France est libre, libre du joug nazi
Grâce à la Résistance, grâce à nos maquisards,
Souhaitons à la France, l’union de ses enfants,
Une paix éternelle, et la fin des méchants.
17Cet air est également une source d’inspiration importante dans les maquis et même dans les camps de prisonniers, comme le rapporte Roger Tabar, détenu dans le stalag VIII-C à Sagan5 :
Nous aussi, les prisonniers de guerre […] nous faisons de la résistance. Tous les prisonniers n’étaient pas des admirateurs de Pétain et des collabos […] unis dans les mouvements de Jeune Europe ou autres cercles, et je suis bien sûr qu’on voyait moins de francisques à la boutonnière (seul insigne autorisé par les Allemands dans ces camps qu’on devait en voir dans certains quartiers « bien-pensant » de Paris. La résistance que nous faisions ? Que d’actes de sabotage, minimes en apparence mais ajoutés les uns aux autres, ils formaient un tout et retardaient ainsi le travail que nous donnaient les Allemands. C’était aussi la démoralisation des Allemands, tâche à laquelle excellaient les Français. Nous chantions aussi, chansonnettes satiriques, chansons réalistes, complaintes exhalant notre peine et notre rancœur. La dernière qu’on chantât dans le Kommando, je la composai l’après-midi du 6 juin 1944, deux heures après avoir appris avec joie et ferveur le débarquement allié en Normandie6, sur un air qui n’éveilla pas la méfiance des Allemands : « Maréchal, nous voilà7 ! »
18Un souffle d’espérance écrit par Roger Tabar témoigne de l’humour du prisonnier qui reprend cet air de Maréchal nous voilà bien connu de tous avec ces nouvelles paroles :
1. Un souffle d’espérance
Un espoir insensé
Passe à travers la France
Depuis quatre ans blessée
On voit poindre à l’aurore
De ce beau mois d’été
Un mot que tous adorent
C’est le mot Liberté.
Refrain
Aujourd’hui, les voilà,
Les Tommies, les amis de la France,
Courageux, audacieux,
Ils arrivent pour chasser tous les schleus.
2. C’est l’heure de l’échéance
Qui va bientôt sonner,
Nos ruines et nos souffrances
Ils vont nous les payer.
Finis tous leurs mensonges
Finie l’occupation,
Adieu les mauvais songes
C’est la Libération.
3. Requis dans ton usine,
Prisonnier dans ton camp,
Ton calvaire se termine,
Fait retentir tes chants.
Le dénouement est proche
Les rôles sont renversés,
Ton cauchemar le Boche
Sera bientôt passé.
19On trouve aussi à la Libération cette chanson écrite sur le même timbre par madame Albentosa, alors que le maréchal Pétain a quitté Paris. Elle rapporte dans une lettre conservée aux archives de la ville de Thionville que Maréchal, les voilà ! écrit « pendant la libération de Paris est la marque triomphante des armées de Leclerc et de De Lattre, modeste hommage à ces héros que nous admirons et au général De Gaulle que nous vénérons » :
1. Une flamme sacrée
Monte du sol natal
Et la France délivrée
Te maudit, Maréchal,
Tu as gagné la haine
De toute la nation
Ô, toi, le chef suprême
De la collaboration
Refrain
Maréchal, les voilà
Ceux qui luttent pour l’honneur de la France
Devant eux, comme un rat
Tu as fui, illustre renégat.
Maréchal, les voilà
Ils nous ont redonné l’espérance
La patrie renaîtra
Grâce à eux, Maréchal, les voilà.
2. A la patrie, d’un geste
Quelque peu théâtral
Tu fis don de tes restes
Où sont-ils, Maréchal ?
Ceux qui sont morts dans l’ombre
Ceux qui furent torturés
Au fond d’un cachot sombre
Sans avoir parjuré.
Refrain
Maréchal, les voilà
Ceux qui ont tout donné à la France
Qui sans bruit, sans éclats
Ont chassé l’Allemand pas à pas
Maréchal, les voilà
Tous les héros de la Résistance
La gloire un jour luira
Sur leur vie ou leur obscur trépas.
3. Tu as prêché sans cesse
L’abaissement commun
Dans ta triste vieillesse
Tu as souillé Verdun
Voulant ternir la flamme
De l’orgueil national
Tu fis un pacte infâme
Avec le traître Laval.
Refrain
Maréchal, le voilà
Le plus grand des soldats de la France
Tout l’Empire à sa voix
A repris le chemin du combat
Les soldats de Leclerc, de De Lattre
Et de la Résistance
Maréchal, les voilà.
Ceux qu’il faut saluer chapeau bas.
20La guerre rappelle la guerre, et toute l’histoire de cette nouvelle guerre s’exprime dans ces chansons. Cet ainsi qu’est organisé le tapuscrit de Paul et Edmée Arma dans lequel ces textes de Résistants sont réunis et présentés par ordre chronologique pour suivre de manière historique les événements grâce aux nombreux textes et chansons.
Les airs traditionnels, entre folklore régional et chansons enfantines
21Les airs traditionnels enfantins sont également très prisés, car facile à retenir et à modifier grâce à leur mélodie souvent courte et leur ambitus restreint. C’est notamment le cas de Cadet Roussel, Au clair de la lune et J’ai descendu dans mon jardin, toutes trois utilisées pour évoquer ou plutôt se moquer du personnage de Mussolini comme nous pouvons le constater avec ces paroles :
Mussolini Cadet Roussel |
Pauv’Mussolini Au clair de la lune |
Disparu J’ai descendu dans mon jardin |
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22Dans Cadet Roussel, Geneviève Bianquis explique comment le 17 décembre 1940, les Grecs repoussent l’agression italienne avec l’aide de la RAF de la base de Malte et envahissent l’Albanie. Elle évoque aussi le pacte tripartite signé en octobre par le Japon, l’Allemagne et l’Italie.
23Avec l’air d’Au clair de la lune, madame Mellet se moque quant à elle de Pauv’Mussolini en expliquant comment, à partir de septembre 1940, les Italiens sont repoussés en Libye par les Anglais8.
24Enfin sur l’air de J’ai descendu dans mon jardin, le 29 août 1943, Mussolini démissionne9 et Janine Rousseau écrit Disparu sur le timbre de cette célèbre comptine.
25Ces trois chansons sur Mussolini d’après des thèmes traditionnels enfantins ont été écrites par des femmes. Nombreuses sont celles qui participent à des actions de Résistance pendant l’Occupation. Même si elles sont sous-représentées et n’exercent pas le plus souvent le rôle de dirigeantes dans la Résistance, certaines femmes le seront quand même comme Berty Albrecht, Lucie Aubrac et Marie-Madeleine Méric. Elles ont souvent des rôles essentiels mais sont en retrait comme France Péjot, Hélène Viannay, Agnès Humbert. Certaines participent également au combat, c’est le cas de Jeanne Bohec ou des « demoiselles de Gaulle » comme Sonia Vagliano-Eloy. Des musiciennes exercent également leur influence dans leur domaine comme Anna Marly, Germaine Tillion ou Joséphine Baker, sans oublier toutes ces femmes sans visage, citées comme telle par Marianne Monestier dans son livre Elles étaient cent et mille10.
26On trouve aussi la chanson traditionnelle Malbrough s’en va-t-en guerre qui sert de base à une chanson écrite à la prison de Fresnes, intitulée Emploi du temps. Elle raconte comment, dès six heures du matin, les prisonnières sont réveillées, interrogées, puis prennent leur café, font la « chasse aux puces », vont se promener, etc. Cela n’empêche pas l’autrice d’utiliser l’humour : « Une surveillante passe, voulez-vous du papier (de toilette) ? / Une demi-feuille pour quatre, mais oui c’est bien assez. »
27Cette chanson qui relate la vie à la prison est rapportée en juin 1945 par une rapatriée de Ravensbrück qui avait occupé à Fresnes, un an auparavant, la cellule située à côté de celle de Denise Sauvageot, autrice de cette chanson qui sera déportée quelques jours avant la libération de Paris.
28Ce timbre sert également à un inspecteur de police de Privas pour protester contre les nombreux départs des Français en écrivant une marche en dialecte vivarois au mois d’août 1943. Elle retentit alors très vite dans toute l’Ardèche sous l’intitulé Le Chant de la Relève. Le dialecte ardéchois est sans doute utilisé ici pour s’adresser à une minorité d’hommes qui refuse de partir et de s’éloigner de leur région, ils parlent leur dialecte et ne peuvent donc être compris de tous. Elle permet en sus de protéger le chanteur contre l’ennemi en utilisant une chanson connue de tous.
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29De nombreuses chansons traditionnelles issues du folklore régional sont également utilisées par les Résistants comme C’était Anne de Bretagne (chanson du début du xixe siècle), Les Allobroges (hymne savoyard composé en 1856), Margoton (air dauphinois), Matéo (chanson corse d’Édouard Barno popularisée par Tino Rossi). Mais on trouve aussi des chansons à l’origine plutôt patriotique comme Auprès de ma blonde (marche militaire du xviie siècle devenue une chanson traditionnelle), Le Chant des adieux (d’après une ancienne mélodie celte composée vers 1750, très connue en Écosse) ou encore Sur la route de Dijon (marche militaire du xviie siècle qui devient très populaire au xixe siècle).
30Un des lieux privilégiés où sont interprétées ces chansons sur des airs connus est le maquis. Ce lieu de Résistance est très présent dans ces textes, évoqué et chanté sur l’air traditionnel savoisien Les Allobroges dans L’Hymne des maquisards. Ce texte est écrit en juillet 1944 au maquis de la Montagne de Lure dans les Basses-Alpes par Lucien Martin, Adjoint-Chef du Ier Bataillon Colonial de Pionniers à Aix-en-Provence. Il l’envoie à Paul Arma suite à l’appel lancé sur les ondes et il raconte dans une lettre écrite le 7 mai 1945 comment lui est venue l’idée de ce chant :
[…] alors que le soir, autour d’un feu de bois invisible du dehors, nous passions nos longues soirées à raconter des histoires et chanter.
Je m’aperçus, à la flamme qui animait mes camarades lorsqu’ils chantaient des chants patriotiques, qu’il leur en manquait un, qui les exalterait davantage encore en parlant d’eux-mêmes et qui proclamerait leur foi dans la Victoire.
C’est ainsi que je songeai à écrire un chant sur l’air des Allobroges, air qui avait déjà inspiré un chant durant la Grande Guerre 14-18 et qui s’intitulait « Courage Ardennais », chant qui avait bercé mon enfance.
Je fis ce chant très rapidement (il est loin d’être parfait !) essayant de relater en trois couplets l’histoire des maquisards : l’occupation non acceptée, la guérilla au maquis et enfin un couplet d’espérance et de foi en l’avenir.
Ce chant fut adopté d’emblée par mes camarades. Ils le chantaient tous les soirs, le fredonnaient en marchant et à la Libération, le troisième couplet se réalisa entièrement lorsqu’ils défilèrent à Saint-Auban et à Digne. Quand, par la suite, nous sommes allés sur le front des Alpes, ils le chantaient toujours. Et maintenant que nous sommes dispersés, je sais qu’à chaque occasion, l’un ou l’autre le chante encore, et peut-être avec un peu de nostalgie, car tant que chacun de nous vivra, ce chant nous rappellera, non pas la dureté de la vie du maquis, mais la saine, la chaude, la forte camaraderie qui nous unissait tous, quelles que soient nos origines ou nos opinions.
[…] Comme vous voyez, ce n’est peut-être pas un chant grandiloquent, mais il sort du cœur, et s’il n’est pas très littéraire, j’ai eu la joie de l’entendre chanter avec la fougue non théâtrale qui accompagne les sentiments profonds et sincères exprimés par ceux qui avaient offert la plus belle chose à la Patrie : leur Vie11 !
Les « classiques » revisités : airs d’opérettes, chansons de cabaret, musiques de film
31Nous retrouvons les chansons de maquis grâce aux musiques pour le cinéma comme La Maquisarde écrite sur le timbre de la chanson éponyme du film de René Clair À nous la liberté ! (1931), musique de Georges Auric. La chanson originale du film prône la liberté en remettant en question le travail et toutes les lois imposées aux hommes, un air facilement identifiable et modifiable qui permet d’évoquer la liberté à plus grandes échelles face à la guerre avec cette reprise :
1. La Liberté qui brillait sur la France,
Par l’ennemi en a été bannie.
Depuis ce jour, une chère espérance
A refleuri dans nos cœurs insoumis…
C’est la revoir dans la Victoire !
À Garçons de France, la vie est belle
Mais ne vaut pas d’être vécue
Si nous ne sommes pas rebelles
À l’idée d’être des vaincus !
Toujours, si l’on en croit l’Histoire,
Toujours, nous avons triomphé.
Toujours, l’Honneur fut notre Gloire,
À nous, à nous, tous les Français (bis)
2. Nous descendrons du cœur de nos montagnes
Hors de chez nous bouter les occupants
Pour retrouver nos villes et nos campagnes
Sans Italiens, miliciens, ni Allemands.
Écoutez bien notre refrain…
Gars du Maquis, la France est belle,
Mais nous devons la libérer
De ces vampires dont la séquelle
Veut de tout bien la dépouiller.
Toujours, si l’on en croit l’Histoire,
Toujours, nous avons triomphé.
Toujours, l’Honneur fut notre Gloire
À nous, à nous, tous les Français (bis)
3. Quand nous aurons comblé nos espérances,
Et reconquis notre chère Nation,
Fiers de son cœur, de son indépendance,
Nous travaillerons à la Révolution,
Pour son renom nous combattrons.
Français, nous voulons faire la France
Flambeau pour les autres pays,
Avec pour base la conscience
Qu’un trop grand nombre avait bannie.
Toujours fidèles à notre Histoire,
Toujours, nous saurons triompher.
Toujours l’Honneur sera la Gloire.
À nous, à nous, tous les Français (bis)
32À propos de cette chanson composée en Chartreuse en 1943 par un jeune réfractaire, l’abbé Goues-Pierre écrit dans une lettre adressée à Paul Arma conservée à Thionville :
C’est à cette époque (printemps 1943) que se composait là-haut, dans la montagne, cet hymne de La Maquisarde qu’il faut avoir entendu chanter, à la nuit tombante, par une centaine d’hommes rassemblés autour des couleurs, hâves, plus ou moins guenilles, mais farouches et généreux, pour comprendre tout ce que le peuple de France, pouvait avoir au cœur de détermination, d’idéal et d’enthousiasme. Ce texte n’est pas du « chiqué ». Il n’a pas été composé par quelque poète en chambre, c’est sur le terrain même, et par ces jeunes qu’il fut écrit. C’est bien toute l’âme de ces combattants sans uniforme qui s’exprime dans ce chant.
33D’autres musiques de film sont utilisées pour évoquer les restrictions alimentaires, un thème qui revient souvent dans ce folklore pour exprimer les difficultés générées par la guerre. Le refrain de la chanson C’est pour mon papa, tirée du film Le Roi des Resquilleurs, musique de Casimir Oberfeld (le même compositeur qui inspira Maréchal nous voilà !) transformée en L’Entrecôte Bercy par Georges Picard, employé à la Compagnie Parisienne d’Électricité.
Refrain
L’Entrecôte Bercy, c’est pour les Nazis !
Les quarante-cinq grammes pour les Gars de Paname…
Côte de porc, saucisson et poitrine,
C’est fini ! Adieu la bonne cuisine…
34On retrouve également de nombreuses chansons à succès chantées par des femmes, chansons plutôt mélancoliques, tristes, et qui n’ont rien de patriotiques, mais qui serviront, telle la chanson Les Poupées de minuit, d’air connu pour évoquer Les Jeunes du maquis par Marius Imbert dans les maquis du Var. Elle est écrite en l’honneur des maquisards qui campaient sur les flancs du Mont Aurélien et qui prirent une part très active au débarquement allié dans le sud de la France.
35Membre de la guérilla sous les ordres du lieutenant-colonel Gouzy, Marius Imbert avait comme mission le ravitaillement de ses camarades maquisards. Il composa cette chanson à Pourcieux, petit village du Var, situé entre Saint Maximin et Trets, au commencement de l’hiver 1943. Dans son esprit, elle avait un double but : d’abord, rendre hommage à ceux qui préféraient la souffrance et quelquefois la mort, plutôt que la servitude allemande ; ensuite, faire comprendre aux paysans qu’ils n’avaient rien à craindre des gens du maquis, mais qu’il fallait, au contraire, les soutenir par tous les moyens.
36On retrouve cette mélancolie dans Premier rendez-vous, qui reprend la chanson à succès Nouveau rendez-vous, chantée et popularisée par Danielle Darrieux dans le film éponyme. Ce texte remanié par Jean Francoeur symbolise l’opération Husky, le débarquement des troupes britanniques, américaines, françaises et canadiennes en Sicile, déclenché le 10 juillet 1943.
37Jeanine Rousseau, dactylographe, évoque quant à elle les bombardements intensifs sur Berlin du 30 décembre 1943 avec une chanson tout aussi douce que Le Clocher de mon cœur composée par Johnny Hess et popularisée par Eva Busch en 1940, transformée par Jeanine Rousseau sous l’intitulé Quand il pleut (sous-entendu, des bombes).
1. Sur le terrain que la lune éclaire,
Les bombardiers ronronnent joyeux,
Attendant le signal pour partir au feu,
Ah, qu’il est doux le ron ron
Des bombardiers anglais.
2. Ils décollent et fonçant vers l’attaque,
Ils survolent les pays occupés,
Réveillant les pauv’rs gens qui sont alertés,
Mais, qu’il est doux le ron ron
Des bombardiers anglais.
3. Sur leurs postes de D.C.A. s’agitent
Les Boches voulant défendr’ leur Führer
Et qui deviennent aussitôt blancs à faire peur.
Ah, qu’il est doux le ron ron
Des bombardiers anglais
4. Mais soudain, les pilotes aperçoivent
Ce Berlin qui ravive leur ardeur.
Et où ils vont bientôt donner du bonheur,
Ah qu’il est doux le ron ron
Des bombardiers anglais
5. Les bombes des Alliés s’éparpillent,
Faisant luire de fameux incendies
Comm’ c’est drôle, on croirait des millions d’bougies…
Ah, qu’il est doux le boum boum
Qui tombe sur Berlin.
6. Berlinois et nazis en colère,
De représailles, menacent les Alliés
Leur promettant aussi d’un jour se venger.
Mais… quand pourront-ils faire boum boum
Ça laisse à désirer.
7. Ça coûte cher, mes pauvres vieux d’faire la guerre
Vous n’aviez pas avant d’commencer
Que les Nations Unies pouvaient riposter.
Pauvr’ Hitler, t’as fait boum boum
À ton tour d’y passer
38Mais c’est l’espoir aussi qui demeure dans de nombreuses reprises, comme avec la chanson à succès de Rina Ketty, transformée en Attendons par Gisèle Boutrie en juin 1941 à Berck, en zone côtière interdite. Sortie en 1938, J’attendrai n’est pas une création originale. C’est en réalité une adaptation du titre italien Tornerai écrit par Nino Rastelli, elle-même inspirée du chœur à bouche fermée à la fin de l’acte II de Madame Butterfly de Puccini. Rendue très populaire en France, cette chanson est souvent reprise par de grandes vedettes de la chanson française, devenant un véritable hymne lors des premières semaines de la Seconde Guerre mondiale. Sa popularité explique la démarche de Gisèle Boutrie qui écrit de nouvelles paroles sur cette mélodie très connue à l’époque :
1. Le temps nous pèse
Toujours l’ennui
Notre beau rêve
Est bien fini
Les émissions que nous aimons
Maint’nant ne nous parviendront
Nos récepteurs sont confisqués
Et les nouvelles sont déformées
Oui mais un jour, tout va changer
Refrain
Attendons, le jour et la nuit
Attendons toujours nos amis
Attendons, car le soir il fait noir
Et ils peuvent venir les faire fuir
En les pourchassant tout le temps
Nous les verrons un jour
Repartir et s’enfuir
Pour toujours
Nous avons faim
Et nous n’aurons bientôt plus rien
Avec les cartes, on manque de tout
On n’se croirait plus chez nous.
Nous n’voulons pas collaborer
Et la misère va continuer
Oui mais un jour, tout va changer !
Refrain
Ils viendront pour nous libérer
Ils viendront un jour les Alliés
C’est l’espoir qui est en nos cœurs
De bientôt les voir en vainqueurs
Nous ne vivrons plus sous le joug
Tristement, sans ravitaillement
Car enfin nous serons délivrés !
39Le tapuscrit de La Résistance qui chante ! a été déposé dans sa version intégrale au Musée de la Résistance de Thionville en 1988, soit un an après la mort de Paul Arma, par sa femme Edmée. Le Musée a fermé et ce sont aujourd’hui les archives de la ville de Thionville qui détiennent le tapuscrit ainsi que les lettres citées dans cet article qui ont été envoyées à la suite de l’appel fait sur les ondes en 1945.
40En 2004, Sylvain Chimello, conservateur aux archives de la ville, a écrit un ouvrage intitulé La Résistance en chantant à partir de la documentation déposée à Thionville. Je le remercie pour nos échanges et pour son travail qui ne concerne pas l’intégralité du document de Paul et Edmée Arma, mais qui a permis de le faire renaître et découvrir au grand public. Une version condensée du tapuscrit avait été réalisée par les auteurs. Elle appartient toujours à la famille, comme les nombreux chants copiés par le couple avec précision. Un grand merci également à Robin Arma, sans qui cet article n’aurait pas été possible. Ce répertoire a pris naissance et a existé pendant et après la Seconde Guerre mondiale et, sans Edmée et Paul Arma, nous n’aurions sans doute pas aujourd’hui connaissance de toutes ces chansons, véritable témoignage de mémoire et d’histoire : « Car on chante, pendant ces années tragiques, et on écrit pour se gausser, pour se venger, pour oublier, pour évoquer, pour expliquer, pour exalter, pour patienter. Ainsi un folklore prend naissance, issu comme tout folklore, de la crainte et de l’effort des hommes, de la misère et de l’espoir, de la haine et de l’amour, de la peine et de la joie ».
41Ces chants de la Résistance n’étaient pas uniquement des chants de maquisards et de partisans, c’étaient également ceux des Parisiens qui ne pouvaient manger à leur faim, des hommes dans l’incapacité de partir au combat, des femmes et des enfants subissant jour après jour les sévices de la guerre. Parodies, pastiches, mais aussi appels à la vengeance, l’histoire de la Seconde Guerre mondiale se trouve dans ces chants. Les Résistants n’en oubliaient pas la musique, les chansons, véritables témoignages d’espoir qu’ils souhaitaient préserver d’une manière ou d’une autre. Car la culture était bien là, essentielle, malgré la période incertaine et tragique qu’ils connaissaient, chanter pour ne pas oublier de combattre, de rire, de se souvenir, mais surtout de vivre.
1 Edmée et Paul Arma, Mémoires à deux voix : unissons nos voix (1935-1945), archives privées Robin Arma.
2 Edmée et Paul Arma, La Résistance qui chante ! (Folklore de la France occupée), tapuscrit original, don d’Edmée Arma au musée de la Résistance et de la Déportation de Thionville en 1987, conservé depuis la fermeture du musée aux Archives de la ville de Thionville. Toutes les chansons citées dans le présent article proviennent de ce tapuscrit.
3 Sylvain Chimello, La Résistance en chantant 1939-1945, Paris, Éditions Autrement, 2004, p. 17.
4 Article paru au mois de mars 1945 dans plusieurs journaux : Arts, La Bulgarie nouvelle, La Tchécoslovaquie nouvelle, Marseillaise, etc.
5 Roger Tabar est cité dans le livre de Bruno Giner, Survivre et mourir en musique dans les camps nazis, Paris, Berg International éditeurs, 2011, p. 90.
6 « Le matin du 6 juin 1944, la radio clandestine placée sous l’avant-scène des Fol’s Sag’s a annoncé le Débarquement plusieurs heures avant que la nouvelle de l’événement tant attendu ne soit officiellement diffusée dans le camp. » Agnès et Georges Elias, Artistes au Stalag, La Crèche, Geste Éditions, 2015, p. 167.
7 Roger Tabar, Lettre au Service du « Folklore de la Résistance », s. l. n. d., archives de la ville de Thionville.
8 « Ses [Mussolini] colonies sont autant de tremplins vers la Somalie britannique, l’Égypte et la Grèce, et il y disperse ses meilleures troupes […]. Partout il attaque. Partout il est repoussé. 130 000 hommes sont capturés en Libye en décembre 1940, 90 000 en Afrique orientale en avril 1941 ! » Jean Lopez (dir.), Infographie de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Perrin, 2018, p. 105.
9 « Réuni à la demande de Dino Grandi, le Grand Conseil du fascisme adopte dans la nuit du 24 au 25 juillet, par 19 voix contre 7, une motion demandant au roi de reprendre l’ensemble de ses pouvoirs militaires et constitutionnels. Le 25 juillet, en fin d’après-midi, Victor-Emmanuel III demande sa démission à Mussolini, qui est arrêté à sa sortie de l’audience royale. Le maréchal Badoglio lui succède à la tête du gouvernement. » Alberto Bianco et Philippe Foro, L’Italie de Mussolini à Berlusconi, Toulouse, Éditions Milan, 2005, p. 29.
10 Patrick Rotman, « Les femmes dans la Résistances », cité dans Résistances 1940-1945, Paris, Arte Éditions / Éditions du Seuil, Paris, 2022, p. 178. « Nous ne devons pas oublier toutes celles, innombrables, qui, en marge des réseaux, n’ayant même pas, pour soutenir leurs efforts, l’appui d’un chef ou de camarades engagés dans la même action, ont risqué en solitaires leur vie et leur liberté pour que d’autres, qui ne se souviennent même plus de leur nom ou qui ne l’ont jamais connu – et qui d’ailleurs, eux-mêmes, n’ont pas donné le leur – soient sauvés. » Marianne Monestier, Elles étaient cent et mille, Paris, Fayard, 1972, p. 255.
11 Lucien Martin, Lettre à Monsieur le Directeur des Services du « Folklore de la Résistance », Aix-en-Provence, 7 mai 1945, archives de la ville de Thionville, s. l., p. 1.
© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude »,
URL : https://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/1940.html.
Quelques mots à propos de : Déborah Livet
Université de Rouen Normandie
Laboratoire HisTeMé (UR 7455)