Combats politiques et sociaux

« C’est quoi une goguette ? »
Conversation d’Annie Legouhy, Patrice Mercier et Clémence Monnier avec Judith le Blanc

Judith le Blanc, Annie Legouhy, Patrice Mercier et Clémence Monnier


Texte intégral

« C’est quoi une goguette ?
Tu prends une chanson, Ouais …,
Tu gardes la musique, Ouais …,
Tu vires les paroles, Ouais,
Tu écris tes propres paroles à la place, Ouais, Et tu la chantes1 ! »

1Judith le Blanc : Pour cet entretien sur la goguette en tant que genre musical qui cristallise l’esprit de toute une époque, j’ai invité à converser Clémence Monnier, autrice-interprète des « Goguettes en trio (mais à quatre) », Annie Legouhy, « grande-chambellane-de-la-goguette-des-z’énervés », et Patrice Mercier, éminent auteur de goguettes connu notamment pour ses « mélodies chroniques ».

2Annie, tu es l’un des piliers de la « goguette-des-z’énervés-du-lundi-au-Limonaire », maintenant hébergée par la Péniche El Alamein. Peux-tu revenir sur l’histoire de cette tradition et de ce lieu mythique de la goguette que fut le Limonaire ?

3Annie Legouhy : Au départ, c’était au Picardie, un bistrot d’Ivry-sur-Seine où un certain nombre d’activités étaient organisées : les ateliers d’écriture de chansons d’Allain Leprest, l’atelier guitare, la chorale « Le Gros Cœur » avec Christian Paccoud2. Ce dernier, en 2000 ou 2001, a ensuite proposé de relancer une goguette à l’instar de celle qu’il avait organisée auparavant dans les années 90 au bistrot « La folie en tête » à Paris dans le 13e arrondissement. La fréquence y était là aussi d’une fois par mois avec à peu près les mêmes gens qu’au Picardie. Stan [des Goguettes en trio] s’y rendait déjà assidûment. C’est ainsi que la goguette eut lieu mensuellement au « Picardie » et Christian Paccoud accompagnait les goguetiers à l’accordéon. Puis, en 2005, nouveau changement : comme on était copains avec Le Limonaire, il fut décidé que nous y déplacerions la goguette du Picardie et qu’elle se tiendrait désormais chaque semaine, le lundi jour de fermeture de ce cabaret. Nous l’avons appelée « La-goguette-des-z’énervés ». Paccoud m’a dit : « Annie t’es Chambellane ? » et j’ai dit « Ok ». Noëlle, la patronne des lieux, nous confia les clés pendant 11 ans ! Stan ayant appris qu’une nouvelle goguette avait fait son apparition au Limo, c’est naturellement qu’il a, lui aussi, refait son apparition3.

4JlB : D’où vient cette appellation de « chambellan » ou « chambellane » pour le maître ou la maîtresse de cérémonie des goguettes ?

5AL : Comme au xixe siècle et début du xxe, on a décidé de reprendre le même vocabulaire : le chambellan ou chambellane pour celui ou celle qui ferait office de « maître de cérémonie » (en clair : qui prend les inscriptions, qui organise les passages, et qui anime un peu cette scène ouverte), et le « Prédisent » de la goguette pour le patron du bistrot.

6JlB : La goguette-des-z’énervés est un moment ponctué par des rituels collectifs comme le petit dialogue avec le public qui redonne la définition d’une goguette. Est-ce que vous pouvez le rappeler ?

7AL : Toutes les goguettes avaient plus ou moins un rituel, celui-là permet d’expliquer, de faire comprendre tout de suite la dimension satirique et de motiver les gens à écrire. Dans une émission sur France 3 Bourgogne, Claude Duneton et Christian Paccoud avaient fait connaître certains de ces rituels. Dans certaines goguettes, il fallait même un code pour entrer ou un signe distinctif…

8JlB : Toutes les goguettes commencent aussi par l’« hymne de la goguette », un hymne aux accents un peu paternalistes dans la lignée d’un socialisme teinté de bonnes intentions…

   Hymne de la goguette

Accourez à la goguette,
Joyeux faiseurs de chansons,
Dans un coin l’amour vous guette,
Et le peuple attend vos leçons ;
Mais faites qu’il utilise
Les instants qu’il y perdrait,
Et que l’ouvrier s’instruise
Aux refrains du cabaret.

9Est-ce qu’on sait de qui est cet hymne et de quand il date ?

10AL : C’est de Charles Gille, goguettier président et fondateur de la « goguette des animaux ». Elle date probablement des années 1820.

11JlB : La goguette-des-z’énervés a vu ses cousines se multiplier. Il existe aussi le festival d’Anères dans les Pyrénées… Pouvez-vous présenter ce festival ?

12AL : Un copain du Limonaire y présentait des séances de ciné-concert et avait déjà créé un festival de cinéma muet à Anères (65), et un jour il m’a proposé, parce que c’était le vœu d’une élue locale, de réhabiliter un théâtre de verdure à Nestier. On a préparé le dossier du projet – à Anères ils ne voulaient pas d’un second festival, mais Sylvain m’a dit : « Je les connais, ils seront là ». On a attendu un an. Puis j’ai motivé des gens pour aller à Anères présenter une goguette un samedi. On avait rassemblé une dizaine de goguettiers de Paris et nous sommes partis. Stan était du voyage et a eu la bonne idée d’amener son cahier de goguettes. Lors de l’atelier d’écriture préalable à la soirée, les gens ont commencé à feuilleter le recueil de Stan, à chanter toutes les chansons les unes après les autres (il était inscrit : « à chanter sur l’air de… »), puis, l’inspiration venant, ils et elles se sont mis à écrire et ça a marché. Nous avons pu présenter un spectacle de goguette à Anères. C’était en 2007, et ils ont dit : on recommence l’année prochaine. Les trois ou quatre premières années, j’avais peur qu’il y ait peu de monde, donc l’idée a été de commencer avec un mixte de chanteurs et de goguettiers, puis au fil des années, il y avait beaucoup de candidats pour tenir la soirée, on a tout naturellement enlevé les chanteurs et laissé les goguettes. Le festival dure trois soirs, entre le 18 et le 24 août et se termine le 24 août par un « 24 heures de chansons ».

13Clémence Monnier : Ce 24 heures est né parce qu’une année, il pleuvait tellement qu’on avait décidé de chanter 12 heures sans chanter deux fois la même chanson et on s’était dit, l’année prochaine on fait 24 !

14JlB : A-t-on une idée du nombre de goguettes actuellement actives sur le territoire français ? On en trouve à Montreuil (« La Goguette des Vénères4 »), à Bordeaux (« En goguette Simone »), à Redon…

15CM : Il y a aussi celle de Toulouse, celle d’Anères, « La goguette du Maquis » à Vareilles (89)5.

16JlB : On a l’impression que la goguette est plutôt une tradition de gauche, mais la chanson « sur l’air de » a également toujours eu le vent en poupe dans la culture de droite. Je pense aujourd’hui notamment aux succès des parodies de Sandrine Sarroche6. Finalement, qu’est-ce qui différencie les chansons d’une Sandrine Sarroche de celles des Goguettes en trio ?

17CM : Les gens de droite et de gauche écrivent des goguettes, mais ne font pas passer le même message. Par exemple la Clé du Caveau au xviiie siècle était un lieu plutôt élitiste et conservateur. Le mot goguette est apparu chez des marchands de vin, où derrière la boutique il y avait une grande salle et c’était un lieu plutôt ouvrier et populaire. Philippe Darriulat en saurait plus sur le sujet7. Mais rien ne différencie, pour ce qui est de l’artisanat du mariage texte / musique, les goguettes de Sandrine Sarroche des nôtres.

18JlB : Patrice, quand as-tu commencé à écrire tes premières goguettes ? Quel rôle a joué le Limonaire dans ta vie de chansonnier ?

19Patrice Mercier : Dans mon parcours à la télé, avec « Action discrète », ça m’est arrivé d’écrire des parodies, qu’on peut assimiler à des goguettes, sur du Sardou par exemple. Fin 2013, j’ai découvert les scènes ouvertes du Limonaire, et ça a été déterminant dans mon parcours de scène, puisqu’avec mon spectacle de goguettes, j’ai fait deux fois Avignon, près de 150 dates en tout, ce qui est bien pour le niveau de diffusion qui est le mien.

20JlB : Comment choisis-tu les musiques sur lesquelles tu écris ?

21PM : En général je choisis par goût et par culture personnelle. Mais à partir du moment où tu commences à aller sur scène, tu essayes de choisir des chansons qui sont connues du plus grand nombre. Au début j’ai pu chanter sur des choses moins connues, sur du Leprest par exemple. Parfois ça m’est arrivé d’être étonné que le public ne connaisse pas des chansons de Nougaro ou de Jonasz, dont l’œuvre connue du très grand public peut se résumer à une poignée de chansons. Par exemple, une chanson comme « Super nana » de Michel Jonasz n’est pas si connue, même si ça peut faire bondir… ceux qui la connaissent… Mais les jeunes sont surprenants : j’ai animé un atelier d’écriture de goguettes en 2021 à l’Université de Beauvais, et à la fin, je donne un exercice sur un sujet d’actualité de leur choix à partir du journal du jour, et ils avaient choisi comme chanson support « Je te donne » de Goldman, « Les Démons de minuit » et « Le Coup de Soleil » de Richard Cocciante… ils avaient entre 19 et 27 ans…

22JlB : C’est difficile de parodier des chansons moins mélodiques, comme le rap par exemple… Les années 80 sont des années à tubes.

23PM : Les rappeurs comme Jefe n’ont pas un répertoire qui se prête à l’exercice de la goguette… mais d’autres si, comme Orelsan ou Bigflo et Oli.

24JlB : Est-ce qu’il faut nécessairement aimer les musiques sur lesquelles on chante ?

25AL : Les gens choisissent des chansons qu’ils pensent qu’ils vont chanter facilement ou qu’ils aiment. Jérôme Setian, Pierre Sangra et Sylvain Fusée des « Excellents » font des chansons en jouant sur les langues étrangères, comme « La chiasse m’a mis la diarrhée » sur « Lasciatemi cantare » ou « Mon ciré en skaï il est dément » sur « Lucy in the sky »… Duneton disait qu’on écrit toujours avec une musique en tête…

26CM : Je préfère chanter sur des musiques que j’aime ; mais ce qui compte le plus, c’est d’être à l’aise. Après, quand l’idée est bonne, ou que la chanson est caricaturale, comme notre idée du jour « Quand Elisabeth Borne Borne Borne Borne » sur « Quand la musique est bonne », on prend !

27JlB : Dans la composition de vos goguettes, c’est le texte ou la musique qui prime ?

28CM : C’est plutôt le texte, puisque la musique d’une goguette préexiste : la valeur ajoutée d’une goguette, c’est finalement le texte.

29JlB : Dans tes « mélodies chroniques », Patrice, façon géniale de nommer tes chansons, tu abordes des sujets de société comme l’écologie8, le diktat des régimes (« À bas les carbonaras »), Didier Raoult (« Raoult est entré dans nos vies » sur « Les loups sont entrés dans Paris »), ou l’euthanasie dans « Je l’aide à mourir » sur « Je l’aime à mourir » de Francis Cabrel, où l’euthanasie apparaît implicitement comme un acte d’amour. Dans ces exemples on voit à quel point le génie de la goguette réside dans une sorte de frottement intertextuel, de parenté sonore ou de familiarité assonantique. On voit aussi que si on ne connaît pas les paroles de la source originale, on loupe quelque chose, on passe à côté du sens délivré par le feuilletage intertextuel implicite…

30PM : C’est sûr que quand on chante sur Pierre Perret, [Patrice chante l’air du « Zizi »], si tu n’as pas la référence, tu ne peux pas te marrer. Il te reste quand même l’humour du texte même, indépendamment de sa référence.

31JlB : Qu’est-ce qui définit une bonne goguette ?

32CM : Une bonne goguette s’écrit assez vite ; si tu galères, c’est que ton angle est mal trouvé. Quand je suis arrivée en 2009 à la Goguette au Limonaire, le ton était beaucoup plus militant et énervé, beaucoup plus premier degré, et puis ça s’est rajeuni. Aujourd’hui, le ton est beaucoup plus humoristique et second degré.

33PM : Pas forcément : c’est ce qui distingue la goguette de la parodie. Une bonne parodie doit être drôle. Avec la goguette, on se donne le droit de ne pas être drôle… Voir par exemple la goguette de Valentin Vander « Pourquoi les gens qui meurent ». J’ai entendu d’excellentes goguettes militantes qui avaient été écrites sans la moindre intention comique. Ma chanson sur Trump, « Quand on n’a que le mur », n’est pas drôle. La goguette dépasse le spectre parodique. Ma chanson « Les Trépassantes » n’est en rien comique. Par ailleurs, dans le droit, la parodie doit répondre à certaines règles – dont l’intention comique – pour être qualifiée comme telle et entrer dans le champ de « l’exception de parodie » – sujet très intéressant puisqu’il détermine notre droit à détourner des chansons sans l’autorisation de leur auteur ou de leur autrice… mais ça va devenir technique…

34JlB : Comment expliquer le succès actuel des goguettes comme mode d’expression ?

35AL : Les gens ont besoin de lieux d’expression ; les scènes ouvertes leur donnent cette possibilité et l’actualité est une source d’inspiration intarissable. On a souvent plusieurs goguettes sur le même sujet…

36CM : Et parfois on ne se nourrit pas de l’actualité ou pas de l’actualité politique ; ça dépend des goguettiers. Par exemple Aurélien [Merle] a été très inspiré par Macron, alors que Stan a été plus inspiré par Sarkozy ou Hollande. En période d’élection, il y a toujours beaucoup de grain à moudre.

37JlB : Est-ce que vous vous définiriez comme engagés ?

38CM : Engagés, oui ! Mais pas militants. Les gens nous disent « vous dites tout haut ce qu’on pense tout bas », et ensuite quand ils nous disent ce qu’ils pensent, on ne pense parfois pas du tout comme eux ! C’est pour ça qu’on touche un public aussi large. Il y a même des complotistes qui pensent qu’on pense comme eux. Parce que chacun peut se retrouver dans nos chansons. Dans le groupe, on ne pense pas forcément tous la même chose, et plus ça va, plus on trouve un style homogène ou consensuel. Un jour de janvier 2023, on était en concert à La Ciotat, et un mec au premier rang a crié « Vive Marine ! », et après j’ai voulu aller le voir, et lui dire, comment pouvez-vous penser qu’on aime Marine ? Quand on a chanté « Macron-Le Pen », sur « Göttingen » de Barbara entre les deux tours, on a même eu des messages sur les réseaux de gens désolés qu’on appelle à voter Macron…

39JlB : Quel est l’impact des réseaux sociaux sur la diffusion et l’audience des goguettes aujourd’hui ? Je pense bien sûr notamment au succès des « Goguettes en trio » pendant le « temps béni de la pandémie »…

40CM : On peut mesurer ça très précisément puisqu’on a une chaîne YouTube9, on a des statistiques : ça fait dix ans qu’on existe, à peu près autant que notre chaîne YouTube. Suite au buzz sur YouTube, de « T’as voulu voir le salon », en 24 heures il y eu deux millions de vues, on l’a mis un après-midi et dès le lendemain, on était au journal de TF1, sur Arte et France 3. Ensuite, ça a été l’effet boule de neige et l’enchaînement des interviews, des émissions, etc. et ça a explosé : ça a été aussi le fait qu’on existait déjà, les gens ont découvert les goguettes d’avant et les goguettes d’après… Grâce à la pandémie, on a aussi développé l’art du clip parce qu’on était chacun chez soi et on a enlevé nos costumes rouge et noir avec cravate…

41JlB : Les Goguettes en trio, comment se répartissent les rôles en interne ?

42CM : Tout le monde écrit mais on n’écrit que très rarement à plusieurs mains. Au départ, c’était très cadré, ça s’appelait « Les Goguettes en trio », moi je n’étais que pianiste accompagnatrice. Mais très vite, on s’est appelé « Les Goguettes en trio (mais à quatre) », et au fur et à mesure, j’ai commencé à chanter, on est tous polyvalents : tout le monde chante, tout le monde joue de la musique et il y a beaucoup de chansons à plusieurs voix.

43JlB : Quelles sont vos années de prédilection pour le choix des timbres ?

44CM : On a surtout pioché dans les années 1980 et 1990 mais on a aussi eu envie de renouveler le stock et de toucher un public plus jeune. Aurélien a repris le tube « J’adore », et Valentin a fait « La ruinance » sur l’air de « La kiffance » de Naps.

45JlB : Comment passe-t-on de l’écriture d’une chanson à un spectacle ?

46PM : En 2019, au théâtre Vitez, on a eu une résidence pour créer « Mélodies Chroniques ». L’idée était d’avoir un habillage pour casser la simple routine du tour de chant avec des chansons qui s’enchainent. On a enlevé le pied de micro pour sortir du concert solo piano-voix et libérer le mouvement. On a imaginé ce courrier des lecteurs, j’ai une lettre qui introduit le sujet, j’en profite pour glisser quelques blagues, Missonne (la pianiste) est ma directrice musicale, et elle intervient, elle n’est pas juste l’accompagnatrice, on interagit. La mise en scène est assez classique, volontairement un brin désuète. On a une scénographie avec un faux piano, fabriqué par des élèves d’une école des métiers du bois. Avec mon dernier spectacle « Les Cousins jumeaux », je bascule encore un peu plus dans la catégorie « théâtre musical »…

47CM : Ça a été progressif. Yéshé Henneguelle, notre metteur en scène, la première fois qu’il est venu nous voir au Maquis de Vareilles, on avait encore nos feuilles et nos pupitres… À partir de 2019, pour notre spectacle, on avait un scénographe, un créateur lumière, un vrai habillage scénique. Pour chaque chanson, un tableau nouveau. Cette année, on nous a demandé de collaborer à la réécriture d’un opéra-comique en vaudevilles du début du xviiie siècle, L’Île des Amazones de Lesage et d’Orneval. Il s’agit d’essayer de remplacer les vaudevilles anciens (inconnus aujourd’hui du grand public) par des goguettes, de manière à ce que l’effet parodique et la connivence avec le public soient recréés. Marco Horvat en est le directeur artistique et Léo Cohen-Paperman le metteur en scène. On ne sait pas encore exactement sous quelle forme les « Goguettes en trio » apparaîtront – et si elles apparaîtront – dans la mise en scène, mais c’est pour nous une expérience stimulante car nouvelle et assez inattendue !

48JlB : La goguette est sortie des petites salles confidentielles et des bars pour gagner L’Olympia, Les Folies Bergère, le Casino de Paris… sans pour autant que vous arrêtiez de chanter à la goguette-des-z’énervés-du-lundi, dans des petits lieux comme L’Anecdote dans le 12e. Est-ce important pour vous ne pas perdre le lien avec ce lieu où tout a commencé ?

49AL : Une fois, j’ai fait un petit rappel musclé parce qu’il n’y avait pas assez de monde le lundi. Valentin m’a dit qu’il avait failli en pleurer. Parce que tout est parti de là. Il a fait une goguette là-dessus et un autre type a repris les mots de mon mail pour les mettre en goguette. Valentin est arrivé à 19 ans à la goguette et j’ai mesuré à quel point c’était important pour lui.

50CM : Quand on vient à la goguette – moi j’y vais à peu près une fois par mois – ça nous redonne un coup de fraîcheur, de légèreté. On en perd forcément maintenant que c’est notre métier. Avant on écrivait une goguette, et si elle n’était chantée qu’une seule fois, ce n’était pas grave. Mais quand on monte un spectacle, on n’est pas tout seul, on est obligé de fixer les choses, c’est une grosse machine. Aujourd’hui on n’a plus besoin d’écrire toutes les semaines, alors que le lundi, on est obligé d’écrire pour chanter. Après, dans chaque spectacle, on essaye de garder « l’esprit goguette », et on change des choses à chaque fois, parfois quelques vers seulement, mais ça peut suffire à recréer cette fraîcheur et cette spontanéité.

52AL : Il y a eu une période où les chansons des « Goguettes en trio » étaient rodées à la Péniche… ou au Limo… enfin plus exactement lors de nos lundis de goguette…

53CM : …par exemple on a écrit récemment avec Stan « On dirait la Nupes » (sur « Le Sud » de Nino Ferrer) et comme elle a marché sur la Péniche, qui est un bon baromètre, on l’a intégrée dans le spectacle des dix ans.

Notes

1 Invention de présentation d’Annie Legouhy en forme de petit rituel de début de goguette. (De la même façon, elle introduit rituellement l’après goguette par la formule suivante : « …et maintenant fromage, dessert, et le bar est ouvert ! ». Voir le site https://remuemeningesaneres.org/pages-goguettes/ qui contient les enregistrements effectués pendant la fête des goguettes à Anères – « Anères de goguette » – qui a lieu tous les ans au mois d’août depuis 15 ans.

2 Voir le site de Christian Paccoud : http://parlerdebout.free.fr.

3 Sur la Goguette du Limonaire, voir http://parlerdebout.free.fr/goguettedeszenerves.html ; http://lesgoguettesdulimo.blogspot.com ; http://limonaire.free.fr/ : on trouvera sur ce dernier site de nombreuses goguettes depuis 2005 et un bon nombre de peintures du peintre Rom (Romain Chabin), qui apportait un tableau par semaine sur l’actualité. C’était sa goguette en peinture.

4 https://lesinstantsvoles.com/goguette/.

5 Voir la préface de Philippe Meyer au livre des Goguettes en trio (mais à quatre) : Satiriquement correct, 10 ans de goguettes, 10 ans d’actualité, Éditions Contrepied, 2022, qui recense les lieux de la goguette.

6 Voir l’émission que lui a consacrée France Musiques.

7 Philippe Darriulat, La Muse du peuple : chansons sociales et politiques en France 1815-1871, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

8 Sur Macron et Hulot : https://www.youtube.com/watch ?v =Sr-iUBTgCpY.

9 https://www.youtube.com/@Goguettesentrio-maisaquatre-.

Pour citer ce document

Judith le Blanc, Annie Legouhy, Patrice Mercier et Clémence Monnier, « « C’est quoi une goguette ? »
Conversation d’Annie Legouhy, Patrice Mercier et Clémence Monnier avec Judith le Blanc » dans ,

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude »,

URL : https://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/1934.html.