Usages religieux et spirituels

Parodie et prophétie. Les Poésies et Cantiques spirituels de Jeanne-Marie Guyon à Lausanne (deuxième moitié du xviiie siècle-premier tiers du xixe siècle)

Clément Duyck


Résumés

L’étude de la réception des Poésies et Cantiques spirituels (1722) de Jeanne Guyon par le groupe religieux vaudois des « Âmes intérieures » permet de saisir la fonction sociale et spirituelle qu’a pu revêtir la pratique du chant sur timbre. Après avoir mis en lumière l’intérêt porté au contenu prophétique de cette poésie, l’article s’efforce de mettre en lumière le contexte dans lequel ces cantiques étaient pratiqués, et les dispositifs techniques nécessaires à leur performance musicale.

Texte intégral

M. de F[leischbein] avait traduit entre autres les Poésies et Cantiques spirituels de Mme Guyon et le père d’Anton, doué pour la musique, adapté sur ces textes des mélodies au rythme le plus souvent rapide et joyeux.
De temps à autre, quand il se retrouvait parmi les siens après une longue séparation, sa femme consentait à chanter avec lui l’un ou l’autre de ces cantiques qu’il accompagnait à la cithare. Cela se passait en général peu de temps après le plaisir des retrouvailles et de telles heures furent probablement les plus heureuses de leur vie conjugale1.

1La réception vaudoise des quatre volumes de Poésies et Cantiques spirituels sur divers sujets qui regardent la vie intérieure, ou l’Esprit du vrai christianisme de Jeanne-Marie Guyon (1648-1717), parus à Amsterdam en 17222, constitue un cas bien documenté des usages du chant sur timbre en contexte religieux entre la deuxième moitié du xviiie siècle et le premier tiers du xixe siècle3. Alors que les cantiques de Jeanne Guyon rassemblés après sa mort s’inscrivent dans une pratique repérée du cantique spirituel catholique français sur air profane aux xviie et xviiie siècles4, l’usage de ces volumes par de lointains disciples, nourris dans le protestantisme calviniste, implique, comme nous souhaiterions le montrer, un investissement technique conséquent, qui permet de saisir la fonction sociale et spirituelle qu’a pu revêtir la pratique du chant par ce groupe religieux millénariste.

Les écrits de Jeanne Guyon chez les « intérieurs » de Lausanne

2Jeanne Guyon est une figure bien connue de l’impossibilité de la mystique dans le contexte du catholicisme gallican de la fin du xviie siècle5. Une fois veuve, cette catholique française se lance avec succès au début des années 1680 dans une carrière officieuse de direction spirituelle et d’écriture de livres d’oraison, de spiritualité et d’exégèse biblique, qui la mène à Paris où elle se trouve mêlée avec son ami Fénelon à l’affaire du quiétisme6. Condamné par le Saint-Siège en 1687 puis en 1699, le « quiétisme », dont Guyon a été considérée comme une représentante, est, entre autres griefs, accusé de promouvoir une contemplation passive visant à l’« anéantissement » plutôt qu’une vie active et méritoire, et d’encourager, à travers le « pur amour » (c’est-à-dire un amour de Dieu délié de tout espoir de récompense), à l’indifférence au salut et au péché7. Emprisonnée de 1695 à 1703, Jeanne Guyon doit ensuite se retirer à Blois jusqu’à sa mort en 1717. Durant cette retraite, elle entre en relation avec plusieurs disciples de l’Europe protestante8, notamment Pierre Poiret (1646-1719), inlassable ouvrier de la défense et du dépaysement de la mystique hors du monde catholique, qui dirige depuis 1713 l’édition de ses œuvres complètes en 39 volumes9.

3L’œuvre de Jeanne Guyon rencontre tout au long du xviiie siècle un écho important auprès de plusieurs formations religieuses protestantes d’Europe et d’Amérique10, parmi lesquelles le petit groupe mystique vaudois auquel on a donné le nom d’« Âmes intérieures ». Ce groupe, formé autour de Jean-Philippe Dutoit (1721-1793), ministre de l’Église réformée de Lausanne, et de son ami Jean-François Ballif (1726-1790), régent au Collège de Lausanne, s’apparente à ces formations piétistes radicales des espaces protestants, qui tendent à faire passer l’établissement de la piété personnelle avant les appartenances confessionnelles11. La découverte des écrits de Jeanne Guyon en 1753 précipite la décision de Jean-Philippe Dutoit de se consacrer à ce qu’il appelle l’« intérieur ». Remarqué pour ses talents de prédicateur avant de se mettre en retrait de ses fonctions ecclésiastiques, Jean-Philippe Dutoit agrège autour de lui un petit nombre d’adeptes d’une piété millénariste accordant une place considérable aux écrits et à la spiritualité « quiétiste » de Jeanne Guyon. Le recrutement de membres issus de la bonne société lausannoise contribue à lui attirer une certaine hostilité de la part des notables lausannois et des autorités bernoises. Auteur lui-même d’une œuvre pastorale et théologique, éditeur de 1767 à 1790 des œuvres complètes et augmentées de Jeanne Guyon, il correspond à partir de 1762 avec un autre adepte de Jeanne Guyon, Johann Friedrich von Fleischbein, comte de Hayn (vers 1700-1774), qui devient son directeur spirituel et soutient financièrement certaines activités du groupe. Ce grand promoteur des écrits de Jeanne Guyon en Allemagne, dont il a traduit une partie des cantiques12, anime alors à Pyrmont une communauté religieuse qui s’efforce de vivre selon les principes du « quiétisme » guyonien13. Sous la houlette de Jean-Philippe Dutoit et de Johann Friedrich von Fleischbein, les « intérieurs » produisent une synthèse du protestantisme et du catholicisme (certains adeptes pratiquant le culte des saints et de la Vierge), à quoi s’adjoignent les spéculations théosophiques de Jean-Philippe Dutoit. Après la mort de ce dernier en 1793, le groupe accroît son rayonnement sous la conduite du chevalier Charles de Langalerie (1751-1835), notamment auprès des élites locales. La conversion de certains « intérieurs » au catholicisme nouvellement autorisé dans le canton de Vaud contribue à la désagrégation progressive du groupe à partir des années 182014, dont le dernier membre serait décédé en 189615.

Poésie et prophétie

4Dans la documentation relative à l’existence active du groupe, les références et citations des Poésies et Cantiques spirituels de Jeanne Guyon manifestent la place éminente accordée à ce corpus, au même titre que des écrits en prose de la même autrice aux références plus attendues. L’entrée que Jean-Philippe Dutoit consacre aux « Cantiques » dans son Explication des termes mystiques par ordre alphabétique témoigne de l’admiration dans laquelle il tient ses poèmes : « Je ne crois pas qu’apres les Pseaumes et Cantiques contenus dans l’Ecriture Sainte, il y ait rien d’aussi parfait sur la terre en ce genre, que les Cantiques de Madame Guyon en 4 Volumes16. » Outre des « poésies » non lyriques et des emblèmes dans le quatrième volume, le recueil des Poésies et Cantiques spirituels comprend 776 cantiques spirituels composés sur environ 175 timbres profanes issus de vaudevilles, d’airs de cour, de ballets ou d’opéras de compositeurs tels que Lully, Campra, Lalande, dont les titres ou incipits sont rappelés en tête de chacun des cantiques. Présentés dans la préface du recueil comme le produit d’une effusion inspirée, à la manière « dont les Saints Prophétes, les Evangelistes, les Apôtres & autres Saints qui ont été possédés de l’Esprit de Dieu, ont composé les Ecrits qu’ils ont laissés17 », ces cantiques ont été adressés à ses correspondants ou visiteurs en vue de leur direction spirituelle. Dans chacun des trois premiers volumes du recueil, la distribution des cantiques suit la logique d’une progression spirituelle au cours de laquelle l’âme, après avoir réformé son « intérieur » sur les bases du « pur amour » de Jésus et de l’« anéantissement », devient un instrument de la volonté divine capable de travailler à la conversion du prochain pour préparer le règne de Jésus-Christ, selon une perspective eschatologique affirmée dans les poèmes finaux des trois premiers volumes et dans certaines sections du quatrième18.

5Fréquemment allégués dans la direction spirituelle de Johann Friedrich von Fleischbein et de Jean-Philippe Dutoit19, parce qu’ils « sont comme Techniques, & instruisent absolument sans aucune exception de tous les états par où il faut que l’ame passe ici bas pour sa Purification et son union avec Dieu20 », les Poésies et Cantiques spirituels retiennent également l’attention des deux maîtres pour leur sens prophétique, conformément au mythe charismatique qui leur est attaché, consigné dans plusieurs mémoires biographiques21. Pour Jean-Philippe Dutoit comme pour Johann Friedrich von Fleischbein en effet, les écrits comme l’histoire de Jeanne Guyon permettent de rendre lisibles les signes contemporains de l’avènement du règne de mille ans de Jésus-Christ. Dans sa Philosophie divine (1793), Jean-Philippe Dutoit juge que la condamnation du quiétisme en 1699 par Innocent XII a produit une rupture dans l’histoire universelle de l’Église, qui l’a coupée de la tradition jusque-là ininterrompue de « l’esprit intérieur » et du « pur amour », et l’engage sur la voie d’une décadence sans remède. Partant, Jean-Philippe Dutoit prophétise la destruction prochaine de l’Église dans ses trois communions, qui précipitera l’avènement d’une nouvelle « Eglise pure et sainte », dont les « intérieurs », fidèles aux principes de Jeanne Guyon, se considèrent comme les dépositaires22. Comme l’écrit Johann Friedrich von Fleischbein dans une plaquette intitulée De la dîme, que Jean-Philippe Dutoit fait traduire et imprimer à Lausanne en 1766 pour demander une contribution financière à ses disciples,

Les Saintes Écritures, & Madame Guyon, après elles, annonçent pour ces tems où le Règne de Jesus-Christ commencera à se manifester, de grandes tribulations & même des persécutions contre les intérieurs, (Madame Guyon, Vol. III. des Cantiques, Cant. 206. & Vol. I. Cant. 193.) Elle dit, qu’ils seront sans feu, sans domicile, errans & vagabonds23, semblables en ce point aux Saints de l’ancienne Loi dont parle St. Paul, Hébr. XI24.

6Il se constitue de la sorte un corpus de poèmes et de cantiques retenus pour leur message prophétique, recopiés25, commentés26, annotés dans le recueil de 1722 conservé à Lausanne, signalés comme « prophéties » dans les marges ou les pages de garde27, sélectionnés pour être traduits en allemand28, ou encore inclus dans des réseaux hypertextuels par des renvois de pagination.

Une activité domestique

7Cet usage pastoral et exégétique des Poésies et Cantiques spirituels de Jeanne Guyon s’articule lui-même à une pratique musicale domestique. D’après une lettre que Sara Genus, disciple de Jean-Philippe Dutoit, écrit en 1766 à Johann Friedrich von Fleischbein pour le convaincre de l’accueillir avec son mari Théodore sous sa direction spirituelle, les cantiques de Jeanne Guyon sont tour à tour lus, chantés et interprétés, sous la conduite conjointe de leurs deux maîtres :

Puisse le beau Cantique que v[ou]s m’indiquez lu cette matin[ée] qui n’est qu’amour et obeiss[ance] se realiser en nous tous. Nous l’avons chanté tous ces jours avec notre cher Dir[ecteur] et plusieurs autres. Comme je sais un peu de Musique, je fais aller des airs, qui ne vont pas mal. Nous les aimons beaucoup de même que tous les autres de Mad. G[uyon] qui font notre unique lecture. J’ai regret de ne les avoir pas connu [sic] plûtôt, je [illisible] plus [illisible] que je ne suis ; Mais quoiqu’un peu tard (ayant presqu’atteint notre 36me année) je n’ai pas moins de gr[âce] a rendre a mon D[ieu] de nous les avoir fait con[naître] et tout à la fois notre cher du T[oit] p[ou]r nous les expl[iquer] ce qui me parait une provid[ence] marquée29.

8Son mari Théodore note quant à lui dans la lettre qui accompagne celle de sa femme : « Nos Dames chantent souv[ent] des Cant[iques]. Je les entens avec pl[aisir] mais comme je ne suis doué ni de voix ni d’or[eille] je ne peux être des leurs que d’esprit et d’union30. »

9Ces remarques se justifient sans doute par le fait de montrer des dispositions favorables à la direction de Johann Friedrich von Fleischbein. Elles n’en offrent pas moins de saisir dans quel cadre de tels cantiques étaient pratiqués. Cette activité répétée (« souvent », « tous ces jours ») et exclusive (« notre unique lecture ») prend place dans le cadre domestique d’une petite communauté familiale et religieuse au sein de laquelle s’effectue l’encadrement pastoral de « notre cher Dutoit », qui chante avec les Grenus et leur « explique » les cantiques. Cette direction spirituelle vise à faire en sorte que le cantique se « réalise » en ceux qui le chantent, la participation à l’inspiration de Jeanne Guyon devant produire une conformation aux principes religieux d’« amour » et d’« obéissance ». Cette situation d’énonciation est sur ce point analogue à celle qui est décrite dans la préface des Poésies et Cantiques spirituels, Jean-Philippe Dutoit tenant dans cette scène la place occupée par Jeanne Guyon auprès de ses visiteurs :

[Jeanne Guyon] écrivoit même quelquesfois sur son lit malade cinq ou six Cantiques par jour sur des airs diferens, qu’elle distribuoit dans le moment aux Amis qui la venoient voir, & qu’elle engageoit à chanter avec elle : & souvent ils y découvroient les dispositions de leurs ames, chacun selon son état & dégré31.

10Le chant a en outre une fonction sociale marquée. La « réalisation » collective du cantique, que Sara Grenus espère « en nous tous », permet à ses chanteurs de se saisir en tant que membres d’un groupe religieux dont cette activité doit produire l’amélioration spirituelle. De même, Théodore Grenus, qui est incapable de chanter les cantiques, juge utile de préciser qu’il « les enten[d] avec plaisir » et considère qu’à ce titre il peut « être des leurs » « d’esprit et d’union32 ». Un tel usage des cantiques de Jeanne Guyon n’est pas sans faire penser à la fonction que jouaient dans l’Allemagne luthérienne aux xviie et xviiie siècles les Gesangbüchen dans la dévotion privée et la sociabilité familiale, outre leur usage liturgique33. Cette activité singularise en revanche les pratiques musicales des « intérieurs » par rapport aux pratiques réformées ordinaires du chant religieux à Genève et dans le Pays de Vaud, ancrées dans le corpus textuel et mélodique figé du Psautier genevois et de quelques cantiques eux-mêmes chantés sur des airs de psaumes34.

11Si chanter dans la Suisse romande de 1766 des cantiques spirituels prévus pour des airs profanes français de la fin du xviie siècle et du début du xviiie siècle est une pratique originale, c’est aussi ce qui devait faire sa difficulté, du moins si l’on en juge par la faible pénétration du répertoire d’opéra dans le Pays de Vaud35. Cette activité demande à tout le moins une certaine compétence musicale, dont Théodore Grenus dit être dépourvu ; Sara Grenus écrit quant à elle que sa connaissance de la musique lui permet de « fai[re] aller des airs, qui ne vont pas mal ». Il s’agit, quoi qu’il en soit, d’une activité musicale que l’on peut caractériser par son intensité, si l’on entend par là la régularité de la pratique et l’investissement technique nécessaire à sa mise en œuvre.

« Faire aller des airs, qui ne vont pas mal »

12On pourra se faire une idée plus précise des opérations qu’il a fallu accomplir pour « faire aller des airs » sur les cantiques de Jeanne Guyon en se penchant sur les annotations manuscrites portées sur l’exemplaire du recueil des Poésies et Cantiques spirituels de 1722 conservé à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne. Ce volume a selon toute vraisemblance appartenu à Johann Friedrich von Fleischbein avant de rejoindre la bibliothèque de ce que Georges-Antoine Bridel a appelé l’« oratoire » des Âmes intérieures, installé dans l’ancienne chambre occupée par Jean-Philippe Dutoit à Lausanne36, les annotations datant d’une période qui s’étend au moins jusqu’à 176437.

13Ces annotations ont pour principal objet de faciliter l’usage musical de ces quatre volumes. Des tables manuscrites d’une sélection de timbres figurant sur les pages de garde avant de chacun des volumes, suivie pour chaque entrée de renvois à la numérotation des cantiques du volume correspondant, complètent la « table » imprimée « des airs de tous les cantiques contenus dans ces quatre volumes » à la fin du quatrième volume38. Cette table est elle-même enrichie d’indications manuscrites de timbres de substitution et de renvois internes à la pagination propre de deux ensembles manuscrits de partitions dans les pages de garde arrière du troisième (deux airs sur une page) et surtout du quatrième volume (44 airs notés sur 18 pages), permettant de la sorte une double circulation à l’intérieur des volumes. Ce dernier cahier, assorti de sa propre table des airs, constitue l’ensemble le plus intéressant des annotations portées sur les quatre volumes. Chaque air comprend quatre types d’information : le nom de l’air, tel qu’on peut le retrouver en tête des cantiques imprimés de Jeanne Guyon et dans la table générale des airs ; l’indication du volume et de la page du cantique correspondant ; la partition de l’air, en clef d’ut première, sur les paroles du premier couplet du cantique visé39.

14Si l’on excepte un cantique spirituel de Jean-Joseph Surin40 et un autre cantique dont nous n’avons pas su identifier la référence41, les airs notés dans les deux cahiers s’appuient tous sur des cantiques de Jeanne Guyon. Le rapport entre le nom des timbres et les mélodies notées se traduit en revanche par un certain flottement. Sous une même indication de timbre peuvent être compris des airs distincts : on compte par exemple cinq airs différents sous le timbre de « Taisez-vous ma musette », dont un seul correspond à la retranscription donnée par Christophe Ballard42. Nous n’avons ainsi pu retrouver dans le cahier manuscrit que treize airs dont les mélodies correspondent au timbre par lequel elles sont couramment répertoriées, soit dans les recueils des Ballard, soit dans le répertoire de Coirault43. De plus, certains airs sont présentés comme des innovations explicites, à l’exemple du timbre « On n’aime plus dans nos forêts. Nouvelle mélodie44. » Enfin, le cahier de partitions propose de chanter les cantiques de Jeanne Guyon sur six timbres allemands issus d’airs profanes et luthériens45 proposés en substitution du premier timbre indiqué, à la manière des timbres choisis par Johann Friedrich von Fleischbein pour sa traduction allemande des cantiques de Jeanne Guyon46. On peut donc supposer que ce cahier de partitions était particulièrement destiné aux disciples allemands d’origine luthérienne de Johann Friedrich von Fleischbein.

15Si l’origine de l’essentiel des mélodies reste à identifier, ce flottement dans l’association d’airs définis aux timbres sur lesquels les cantiques de Jeanne Guyon ont été explicitement écrits montre les limites d’une pratique de la parodie musicale « sur l’air de… », qui repose, comme le signale Anne Piéjus au sujet du cantasi come, « sur la connaissance des originaux », et demeure « tributaire d’une identité sociale, culturelle ou géographique, qui garantit la circulation des “métasources” musicales, ou le bon fonctionnement d’une mémoire collective active, dans son double mouvement de mémorisation et de remémoration en temps voulu47 ». Or le caractère défaillant des associations entre timbres et airs indique que de telles conditions n’étaient pas assurées chez les « intérieurs » d’Allemagne ou de Suisse. Ils ont au contraire été obligés à une forme de bricolage, consistant soit à substituer de nouveaux airs à ceux des timbres programmés dans le recueil, soit même à « faire aller » des paroles sur des airs disponibles, à l’image des chevilles ajoutées aux paroles du cantique « Aimer purement non obstant ses foiblesses », pour permettre de le chanter sur l’air proposé sous le titre de « La memorable entrée redressé en y ajoutant quelques mots48 ». Le flottement dans les références parodiques des cantiques peut laisser penser que nulle sacralité n’était attachée au respect littéral des airs ou des paroles employés par Jeanne Guyon. En revanche, un tel déploiement d’efforts pour assurer le fonctionnement musical des cantiques de Jeanne Guyon et faciliter leur usage traduit l’importance qu’a pu revêtir pour ces « intérieurs » l’acte même de les chanter.

16Le sens d’une telle exigence de performance musicale peut être éclairé par le choix du corpus retenu dans le cahier de partitions du volume IV. Outre les maximes de l’anéantissement du « moi » et de l’acceptation heureuse des souffrances du pur amour, qui se rapportent au contenu considéré comme quiétiste de la spiritualité de Jeanne Guyon, ce corpus se distingue par sa dimension eschatologique, en écho au sens prophétique prêté à la poésie de Jeanne Guyon. Il en est ainsi dans le premier air noté, qui reprend la première strophe du cantique de Guyon intitulé « Vœux pour l’avancement du pur amour » :

Ah, quand verrai-je ton saint Nom
S’exalter en magnificence ?
Quand verrai-je dans ta Sion
Eclater ta toute-puissance ;
Et retentir dans l’Univers
Tes louanges par de saints airs ?
[…]
Quand tous épris de ta beauté
Feront un concert uniforme,
Qu’on chantera ton équité ;
Qu’on ne verra plus aucun homme
Qui ne soit dans l’empressement
De te servir uniquement.

On verra lors le pur amour
Régner avec ta seule gloire
La nuit, plus claire qu’un beau jour,
Se passera dans la mémoire
De ce qu’on doit à tes grandeurs :
Ah, sois l’amour de tous les cœurs.
[…]
Helas, quand viendra-t’il ce tems,
Qui n’est encor qu’en mon idée !
Je le désire cependant ;
Et mon ame n’est possédée
Que de ce chaste & doux plaisir
De te voir aimer & benir49.

17En chantant un tel cantique, le fidèle fait part de son « désir » de voir retentir la louange universelle de Dieu qui avancera le règne du pur amour, et ce faisant, participe lui-même à la production de cette louange. Il intègre ainsi la communauté des « cœurs » qui célèbrent l’amour divin. Tout en soutenant l’espoir suscité par le charisme prophétique de Jeanne Guyon, il semble possible de supposer que de tels cantiques remplissent une fonction charismatique, au sens wébérien, dans la mesure où l’adhésion par le chant à l’autorité prophétique de Jeanne Guyon a pour effet de légitimer l’existence d’un groupe consacré à la louange divine. Les cantiques à vocation didactique ne peuvent eux-mêmes être détachés de cette visée pratique : le cantique offre son « je » à celui qui le chante, qui se l’incorpore en vue de devenir soi-même un prophète du pur amour.

18Cette pratique du chant parodique guyonien s’est maintenue tardivement chez les Âmes intérieures. Un recueil manuscrit de huit cantiques sans notation des airs, probablement postérieur à 181850, adapte les paroles de cantiques de Jeanne Guyon à des timbres récents moyennant de lourdes interventions textuelles tout en maintenant la référence précise au recueil. Un mode d’emploi explique ainsi que pour chanter l’air « Lise entens tu l’orage » de Charles-Pierre Colardeau51 sur tel cantique de Jeanne Guyon, « on ajoute la pr[emière] ½ du 2e couplet et lon recomence a la 2 de ½ par le 2d couplet et C 13152 » (c’est-à-dire le cantique 131 du volume III). De même, pour adapter les paroles du cantique « Bonheur à aimer Dieu53 » au schéma strophique de l’« Hymne de Pleyel », c’est-à-dire l’hymne révolutionnaire « à la liberté » composé par Pleyel sur des paroles de Rouget de Lisle en 179154, il faut réduire de deux vers chaque couplet et en intervertir deux autres55. Le refrain, quant à lui, est plus simplement démarqué des paroles de Rouget de Lisle, à l’exception du premier vers qui substitue l’« Amour fidèle, passion sainte » à la « Liberté sainte ! Liberté sainte ! » du poète révolutionnaire. Pour acrobatiques que soient ces concessions aux airs à la dernière mode, ces parodies de parodies n’en ont pas moins permis aux cantiques de Jeanne Guyon de continuer à être chantés durant les premières décennies du xixe siècle.

19Les différents dispositifs techniques mis en œuvre par les « intérieurs » pour assurer le fonctionnement du chant « sur air de… » des cantiques de Jeanne Guyon révèlent le fossé entre un corpus de textes poétiques dont le sens religieux a été considéré comme pertinent, en particulier pour son caractère millénariste, et des airs qui ont, pour des raisons chronologiques ou géographiques, été méconnus ou jugés périmés. Les dispositifs élaborés pour combler ce fossé manifestent à la fois la valeur de ces textes, l’intensité de la pratique religieuse qui leur est liée, et la fonction qu’ils pouvaient revêtir dans la construction sociale de l’identité et de la légitimité religieuse de ce groupe, pour qui le fait de chanter les cantiques de Jeanne Guyon a constitué un moyen de participer à l’inspiration fondatrice d’une maîtresse spirituelle. En ce sens, la portée des opérations interprétatives des textes poétiques guyoniens ne recouvre pas celle de leur usage musical : la mise à jour des airs et les bouleversements textuels qui en découlent montrent que le fait d’être en mesure de chanter ces cantiques prime sur le respect des textes et des timbres figurant dans le recueil de Jeanne Guyon. Cette actualisation des airs et des textes permet aux lecteurs-chanteurs de participer à l’inspiration attachée à cette poésie, dont le mythe de la création spontanée est pris comme le signe évident du caractère sacré. Ils manifestent de la sorte leur appartenance à une communauté élue, capable d’affronter l’Apocalypse. De tels usages musicaux font ainsi se rencontrer, sous l’enseigne prophétique de la mystique de Jeanne Guyon, les pratiques catholique et luthérienne du cantique spirituel. Dans le contexte religieux vaudois, cette rencontre suffit à produire un espace de la dissidence, en écart par rapport aux pratiques spirituelles ordinaires et autorisées56.

Notes

1 Karl Philipp Moritz, Anton Reiser. Roman psychologique [1785-1790], trad. Georges Pauline, Paris, Fayard, 1986, p. 29.

2 Poésies et Cantiques spirituels sur divers sujets qui regardent la vie intérieure, ou l’esprit du vrai christianisme ; par Madame J. M. B. de la Mothe Guion, Cologne, Jean de La Pierre [i. e. Amsterdam, Henri Wettstein], 1722, 4 vol. in-8o. Nous utiliserons désormais l’abréviation PC suivie du numéro romain du volume, et nous référerons toujours à l’exemplaire conservé à la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne (BCUL) sous la cote TG 192 POE/1-4.

3 Nous nous appuyons dans cette étude sur les archives conservées dans le fonds des « Âmes intérieures » à la BCUL. Tous les documents manuscrits auxquels nous nous référerons sans précision d’origine proviendront de ce fonds. Sur l’histoire du fonds, voir Georges-Antoine Bridel, « Communication présentée à la Société d’histoire de la Suisse romande le 3 novembre 1926 à Lausanne (salle du Sénat) sur l’Oratoire des Âmes intérieures », tapuscrit (BCU Lausanne, cote TP 1254 C/2) ; Françoise Schilt, Autour de Jean-Philippe Dutoit-Membrini, ministre vaudois (1721-1793). Introduction et rapport de travail, Lausanne, BCU-Bibliothèque des Cèdres, 1989 ; Guillaume von Wyss, Inventaire du fonds des Âmes intérieures, Lausanne, BCU Lausanne, département des manuscrits, 2005.

4 Voir, entre autres, Jean-Yves Hameline, « Le cantique sur vaudeville à l’époque de Montfort et de Pellegrin », dans Ethnologie française, nouv. série, t. 11, no 3, 1981, p. 251-256 ; Herbert Schneider, « La parodie spirituelle de chansons et d’airs profanes chez Lully et ses contemporains », dans Manfred Tietz et Volker Kapp (dir.), La Pensée religieuse dans la littérature et la civilisation du xviie siècle, actes du colloque de Bamberg, Paris / Seattle / Tuebingen, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1984, p. 69-91 ; Thierry Favier, « Plaisir musical et parodies spirituelles : les visages multiples de la réminiscence », dans Manuel Couvreur et Thierry Favier (dir.), Le Plaisir musical en France au xviie siècle, Liège, Mardaga, 2006, p. 115-127 ; Benjamin Pintiaux, « Dispositifs de l’écriture parodique dans les Cantiques spirituels et les Noëls de l’abbé Pellegrin », dans Anne-Madeleine Goulet et Laura Naudeix (dir.), La Fabrique des paroles en France à l’âge classique, Wavre, Mardaga, 2010.

5 Marie-Louise Gondal, Madame Guyon (1648-1717). Un nouveau visage, Paris, Beauchesne, « Textes dossiers documents », 1989 ; Joseph Beaude et al., Madame Guyon. Rencontres autour de la vie et l’œuvre de Madame Guyon, Grenoble, Jérôme Millon, 1997.

6 Louis Cognet, Crépuscule des mystiques. Bossuet-Fénelon [1958], Paris, Desclée de Brouwer, 1991.

7 Jacques Le Brun, Le Pur Amour de Platon à Lacan, Paris, Seuil, 2002, p. 117-211 ; Ghislain Waterlot, « La mort de l’âme à elle-même dans la mystique de Madame Guyon », dans Chantal Connochie-Bourges, Jean-Raymond Fanlo (dir.), Fables mystiques. Savoirs, expériences, représentations du Moyen Âge aux Lumières, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2016, p. 213-222.

8 Voir J. Guyon, Correspondance, éd. D. Tronc, Paris, Honoré Champion, 2003-2005 ; M.-L. Gondal, op. cit., p. 47-70 ; Xenia von Tippelskirch, « Traductions mystiques : Madame Guyon et Wolf von Metternich, une direction spirituelle à distance », dans Chantal Connochie-Bourges, Jean-Raymond Fanlo (dir.), op. cit., p. 259-271 ; G. D. Henderson (éd.), Mystics of the North East, Aberdeen, Third Spalding Club, 1934 ; Michael B. Riordan, « Mysticism and Prophecy in Early Eighteenth-Century Scotland », dans The Scottish Historical Review, vol. 98, no supplément, 2019, p. 333-360 ; etc.

9 Marjolaine Chevallier, Pierre Poiret (1646-1719). Du protestantisme à la mystique, Genève, Labor et Fides, 1993 ; ead., « Madame Guyon et Pierre Poiret », dans J. Beaude et al., Madame Guyon, op. cit., p. 35-49 ; Dossier : Pierre Poiret, dans Revue de théologie et de philosophie, vol. 153, no 1, 2021.

10 Voir notamment Jean Orcibal, « Les spirituels français et espagnols chez John Wesley et ses contemporains » [1951], dans Études d’histoire et de littérature religieuses. xvie-xviiie siècles, dir. J. Le Brun et J. Lesaulnier, Paris, Klincksieck, 1997, p. 163-220 ; Patricia A. Ward, Experimental Theology in America : Madame Guyon, Fénelon and Their Readers, Waco, Baylor UP, 2009 ; Hans-Jürgen Schrader, « Madame Guyon, le piétisme et la littérature de langue allemande », dans J. Beaude et al., op. cit., p. 82-129 ; Jean-Marc Heuberger, « Les commentaires bibliques de Madame Guyon dans la Bible de Berleburg », Revue de théologie et de philosophie, no 133, 2001, p. 303-323.

11 Voir, parmi une abondante littérature, la synthèse de Martin Brecht, Klaus Deppermann, Ulrich Gäbler et Hartmut Lehmann (dir.), Geschichte des Pietismus, t. 3, Martin Brecht, Klaus Deppermann (dir.), Der Pietismus im achtzehnten Jahrhundert, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1995. Sur Jean-Philippe Dutoit et les Âmes intérieures, voir Jules Chavannes, Jean-Philippe Dutoit. Sa vie, son caractère et ses doctrines, Lausanne, 1865 ; André Favre, Un théologien mystique vaudois au xviiie siècle. Jean-Philippe Dutoit (1721-1793), Genève, Albert Kündig, 1911 ; Georges-Antoine Bridel, « Communication présentée à la Société d’histoire de la Suisse romande le 3 novembre 1926 à Lausanne (salle du Sénat) sur l’Oratoire des Âmes intérieures », tapuscrit, BCU Lausanne, cote TP 1254 C/2. Deux articles de synthèse ont été récemment publiés : Sarah Besson-Coppotelli, « Le cercle lausannois des Âmes intérieures », dans Passé simple, no 61, janvier 2021, p. 19-21 ; Adrien Bastian, « Les Âmes intérieures : portrait d’un mouvement religieux », dans Revue historique vaudoise, t. 130, 2022, p. 203-217. Nous remercions les responsables de la revue Passé simple et de la Revue historique vaudoise d’avoir bien voulu nous communiquer ces deux articles.

12 J. Guyon, Poetischer Versuch, einiger geistlichen Gesänge, aus der Madame Guion Cantiques spirituels ausgezogen, paraphrasirt, und in Teutsche Oden gebracht, s. l., 1744-1764.

13 On lira une évocation de la communauté de Pyrmont, et du rôle qu’y jouent les cantiques de J. Guyon, au début du roman Anton Reiser. Roman psychologique [1785-1790], trad. Georges Pauline, Paris, Fayard, 1986, p. 29-31, de Karl-Philipp Moritz, qui a lui-même été élevé dans cette communauté. Voir H.-J. Schrader, art. cité.

14 Hypothèse formulée par G.-A. Bridel, art. cité, p. 9, et reprise par A. Bastian, art. cité, p. 214.

15 G.-A. Bridel, art. cité, p. 10 ; Georges Rochat, « La fin d’une secte », dans Gazette de Lausanne et journal suisse, 97e année, no 251, 23 octobre 1896, n. p.

16 Ms. TS 1031/3, s. v. « Cantiques », p. 113.

17 PC I, « Préface », p. vi.

18 Sur le dispositif éditorial des PC, voir Clément Duyck, « Usages de l’inspiration dans les Poésies et Cantiques spirituels de Jeanne Marie Guyon », dans Littératures classiques, no 102, 2020, p. 143-155.

19 Voir, par exemple, la « Lettre d’un homme profondément versé dans les voyes intérieures à un jeune artisan qui luy avoit demandé des Instructions sur ce sujet » (ms. TG 875/2), ou la traduction française d’une lettre de J. Fr. von Fleischbein (Lettre du 17 février 1764, ms. TS 1019 A).

20 J.-Ph. Dutoit, Explication des termes mystiques par ordre alphabétique, op. cit., p. 113.

21 Histoire des dernières années de la Vie de Mde Guyon […], ms. TP 1154, p. 37 et 44-45 (après 1756), extraits repris par D. Tronc dans son édition de J. M. Guyon, La Vie par elle-même et autres écrits biographiques, Paris, Honoré Champion, 2014, t. II, p. 1020-1023 ; Supplement à la vie de Madame Guion faite par elle-même, ms. TP 1155/2, p. 36-37 et 42-43 (après 1767) ; Recueil de divers traits sur les dernières années de Madame Guyon, ms. TP 1155/1, p. 1-2 et 8-9 (après 1774). Cf. PC I, « Préface », p. iv-vii.

22 J.-Ph. Dutoit, La Philosophie divine, appliquée aux lumières naturelle, magique, astrale, surnaturelle, celeste et divine […], s. l. [Lausanne], 1793, t. II, n. 1, p. 159-162 et n. 2, p. 268-270. Voir aussi les opuscules que J.-Ph. Dutoit consacre aux signes annonciateurs de l’Apocalypse : Le Signe du fils de l’homme, 1783 (ms. TG 196/5) ; Notte sur le Règne de mille ans […] de Jesus-Christ sur la terre (ms. TG 196/6).

23 « C’est alors que les Bien-aimés, / Afligés, mais tranquiles, / Seront, des méchans condamnés, / Sans feu, sans domiciles, / Errans, paisibles, vagabonds : / Ce sera la le sort des bons. » (PC I, cantique 193, p. 322).

24 De la dixme que les ames intérieures doivent donner, s. l. n. d. [Lausanne, 1766], p. 7.

25 « Madame Guion Poesies spirituelles », ms. TS 1019.

26 « Remarques de Mr de Fleischbein sur 4 poemes de Mad. Guyon », ms. TG 875/6.

27 Voir par exemple PC III, page de garde de reliure avant : « M. Guion n’a pas vecü assez long tems pour qu’elle ait pu voir le commencement du Regne de J. C. p. 245. 307. » ; et plus bas : « propheties. Cant : 162. 163. 178. 164. 165. » De même, l’« Exemplaire de Mr de Fleischbein » (selon l’indication manuscrite qui y figure) des Poetischer Versuch, op. cit., conservé à la BCU de Lausanne (cote 1220 A), fait-il précéder plusieurs références de pages sur la reliure de garde avant de l’indication « Prophezeiung » (prophétie). Nous nous référerons désormais uniquement à cet exemplaire.

28 Les numéros de cantiques prophétiques soulignés dans la note précédente comportent la souscription allemande « übersetzt » (« traduit »). Nous remercions Laure Gallouët pour l’aide qu’elle nous a apportée dans le déchiffrement et la traduction des annotations manuscrites allemandes.

29 « Copie de la lettre de Mad. Grenus à Mr de Fleischbein, datée de Copet du 24me d’oct. 1766 », ms. TG 875/02. Nous développons entre crochets les mots abrégés dans la copie. Sur la famille genevoise Grenus, lire J. Chavannes, Jean-Philippe Dutoit, op. cit., p. 51-57 et A. Favre, Un théologien mystique vaudois au xviiie siècle. Jean-Philippe Dutoit, op. cit., p. 44.

30 « Copie de la lettre de Mr. Grenus à Mr de Fleischbein », ms. TG 875/02.

31 PC I, p. v.

32 « Copie de la lettre de Mr. Grenus à Mr de Fleischbein », op. cit.

33 Patrice Veit, « Piété, chant et lecture. Les pratiques religieuses dans l’Allemagne protestante à l’époque moderne », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. 34, no 4, 1990, p. 624-641. Voir aussi, du même, « Musique et cantiques protestants », dans Yvon Belaval, Dominique Bourel (dir.), Le Siècle des Lumières et la Bible, Paris, Beauchesne, 1987, p. 289-315, et « Le Chant, la Réforme et la Bible », dans Guy Bedouelle, Bernard Roussel (dir.), Le Temps des Réformes et la Bible, Paris, Beauchesne, 1989, p. 659-681.

34 Dans la version modernisée de Conrart et Pictet adoptée par l’Église de Genève en 1698, puis de Lausanne en 1720, auquel s’adjoignent une cinquantaine de cantiques du même Benedict Pictet pour les jours de fête et de communion. Voir Jacques Burdet, La Musique dans le pays de Vaud sous le régime bernois (1536-1798), Lausanne, Payot, 1963, p. 227-244 ; Henri Vuilleumier, Histoire de l’Église réformée du Pays de Vaud sous le régime bernois, Lausanne, La Concorde, 1927-1933, t. IV, p. 104-117. Sur la chanson protestante de langue française, voir aussi Edith Weber, La Musique protestante de langue française, Paris, Honoré Champion, 1979, et Anne Ullberg, Au chemin de salvation. La chanson spirituelle réformée (1533-1678), Uppsala, Uppsala Universitet, 2005.

35 J. Burdet, op. cit., p. 455-466.

36 G.-A. Bridel, art. cité, p. 2.

37 Parmi les centaines de renvois manuscrits dans l’exemplaire des PC de la BCUL aux traductions allemandes correspondantes de J. Fr. von Fleischbein, plusieurs font référence aux traductions comprises dans la Fünffte Continuation des Poetischen Versuchs de 1764 (Poetischer Versuch, op. cit., p. 383-413).

38 PC IV, p. 319-329.

39 La numérisation de ces volumes, publiée sur Google Livres, est accessible depuis le catalogue en ligne de la BCUL.

40 PC IV, cahier de partitions, p. 4, sur l’air « La Trompete ».

41 Ibid., p. 1, sur l’air « Les dieux comptent nos jours ».

42 Ibid., p. 7 (les quatre autres occurrences se trouvent aux p. 13 et 16). Voir Christophe Ballard, Brunettes ou petits airs tendres, avec les doubles, et la basse-continue ; meslées de chansons à danser, Paris, 1704, t. II, p. 26-27.

43 Mélodies en vogue au xviiie siècle. Le répertoire des timbres de Patrice Coirault, révisé, organisé et complété par Marlène Belly et Georges Delarue, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2020.

44 PC IV, cahier de partitions, p. 1.

45 Comme Banise (M. Hoffmann), ibid., p. 10 ; Schleuss dich auf, du Tor der Freuden (G. P. Telemann), p. 11 ; ou les cantiques Ringe recht durch Gottes Gnade (p. 10) et Befiehl du deine Wege (p. 18).

46 J. M. Guyon, Poetischer Versuch, op. cit. Voir le « Melodien-Register » entre les p. 352 et 373, qui conclut le recueil de traductions de 1746.

47 A. Piéjus, « Le cantasi come à l’épreuve de la modernité », dans Judith le Blanc, Herbert Schneider (dir.), Pratiques du timbre et de la parodie d’opéra en Europe (xvie-xixe siècles), Hildesheim / Zürich / New York, Georg Olms, 2014, p. 18 et 19.

48 PC IV, Sect. II, cantique 57, p. 88-89 (qui présente des inserts manuscrits de mots afin d’adapter le schéma strophique) et sa notation dans le cahier de partitions, p. 3. L’air auquel le timbre fait référence chez J. Guyon est répertorié dans Mélodies en vogue au xviiie siècle. Le répertoire des timbres de Patrice Coirault, op. cit., M 169.

49 PC III, cantique 207, p. 320-321, air « On n’aime plus dans nos forêts ».

50 . Si l’on considère que l’air parodié de « L’orage d’Atala » (Cantiques, ms. TG 875/1/1, n. p.), fait référence à l’opéra de Giovanni Pacini adapté du roman éponyme de Châteaubriand en 1818. De même, on trouvera aux p. 9-10 de ce recueil le timbre « L’encens des fleurs », incipit du poème « La Suissesse au bord du lac » du poète français Ulric Guttinguer mis en musique vers 1811 par Jacques-Nicolas Goulé (La Suissesse au bord du lac. Romance Mise en musique avec accompagnement de piano ou harpe, Paris, Mme Duhan & Cie, s. d. [vers 1811]). Sainte-Beuve note en 1836 dans que cette chanson est « devenue tout à fait populaire à Lausanne et aux environs ; il y a quinze ans, toutes les demoiselles vaudoises la chantaient dans sa primeur » (« M. Ulric Guttinguer. Arthur, roman, 1836 », dans Portraits contemporains, éd. M. Brix, Paris, PUPS, p. 718, n. 7).

51 Que l’on trouvera par exemple dans La Clef du caveau à l’usage de tous les chansonniers français […], Paris, Capelle et Renand, 1811, au numéro 362.

52 Ms. TG 875/1/1, n. p. [p. 2].

53 PC II, cantique 85, airs « Un berger tendre & sincére. ou ; Branle de Mets », p. 104-105 (seules les strophes 3 à 6 sont reprises).

54 Hymne à la liberté, s. l. [Strasbourg], Ph. J. Dannbach, 1791.

55 Cantiques, ms. TG 875/1/1, p. 4-5.

56 Voir, entre autres, Bridget Heal, Anorthe Kremers (éd.), Radicalism and Dissent in the World of Protestant Reform, Göttingen/Bristol, Vandenhoeck & Ruprecht, 2017 ; Sophie Houdard, Adelisa Malena, Xenia von Tippelskirch (dir.), Langages dissidents. Performances et contestations religieuses à l’époque moderne, dans Études Epistémè [en ligne], no 31, 2017.

Pour citer ce document

Clément Duyck, « Parodie et prophétie. Les Poésies et Cantiques spirituels de Jeanne-Marie Guyon à Lausanne (deuxième moitié du xviiie siècle-premier tiers du xixe siècle) » dans ,

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude »,

URL : https://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/1899.html.

Quelques mots à propos de :  Clément Duyck

Univ Paris Est Créteil
LIS, F-94010 Créteil, France