Sommaire
1Depuis la décision intergouvernementale initiale des Villes européennes de la culture en 1985, le programme des Capitales a beaucoup évolué. De l’idée de villes phares parce que déjà capitales ou capitales culturelles (Athènes, Florence, Amsterdam, Copenhague), on est passé à des villes moyennes et non détentrices a priori d’un capital culturel connu ou promu : Glasgow 1990, Anvers 1993, Thessalonique 1997, Weimar 19991. Il est intéressant de constater qu’au fil des années et des expériences, le programme des Capitales européennes de la culture (CEC) a progressé dans ses attendus et dans son rapport à la pratique : tout d’abord, leur périmètre s’est agrandi et Lille 2004 en a montré l’exemple à travers une programmation transfrontalière France-Belgique. Puis ce fut le tour avec Luxembourg 2007 et Grande Région… Les six enjeux majeurs des CEC, en cette décennie, résident dans une approche systémique. Il s’agit de savoir comment les habitants sont associés à l’événément et comment les effets à long terme sont prévus dans la candidature. Il est aussi question de régénération urbaine par la culture et des partenariat les plus appropriés pour les villes. Depuis la création du programme, l’Union européenne a émis plusieurs recommandations et décisions au sujet des CEC. Voici la dernière en date issue de la Décision de l’Union publiée en 2014.
« (…) Il importe que les villes détentrices du titre cherchent à renforcer les liens entre, d’une part, leurs secteurs culturels et créatifs et, d’autre part, des secteurs tels que ceux de l’éducation, de la recherche, de l’environnement, du développement urbain ou du tourisme culturel. En particulier, le bilan des capitales européennes de la culture à ce jour prouve qu’elles disposent du potentiel nécessaire pour servir de catalyseur du développement local et du tourisme culturel. (…) ».
2L’ensemble des domaines concernés au-delà de la culture, confère aux CEC des responsabilités accrues pour la période 2020-2030. Il y est aussi question d’un accompagnement plus étroit des candidates, en particulier pendant la deuxième phase de préparation. En même temps, cette Décision reconnaît les nombreuses contraintes liées à l’exercice d’une année culturelle. Une façon de reconnaître que malgré l’enthousiasme des impétrantes, l’année culturelle est un exercice de haut vol, d’abord souvent situé dans un équilibre instable entre le culturel et le politique2. Une phrase de la Décision a retenu notre attention : « Les villes candidates devraient examiner la possibilité, le cas échéant, de chercher à utiliser un soutien financier au titre des programmes et fonds de l’Union » 3. Il est aussi fait mention du fait que le programme des CEC doit s’inscrire sans la droite ligne du programme Europe créative4. En résumé Interculturalité, participation des enfants, écoresponsabilité, éducation et fomation à la culture européenne de projets liée à la recherche, dialogue interculturel, inclusion sociale tels sont les critères essentiels d’une politique culturelle des CEC, selon l’Union européenne. Comme le faisait remarquer Robert Palmer en 2004, beaucoup d’attentes face à peu de moyens en particulier dans le cas de l’Europe centrale et orientale.
3Ces prises de position prennent acte de l’évolution des CEC, et ceci fait, renforcent les attendus de toute Capitale européenne de la culture pour les années 2020-2030 en lien notamment avec le développement global du territoire, comme l’envisageaient les objectifs du colloque « Les enjeux du label CEC pour le développement territorial », organisé les 10 et 11 janvier 2023, par l’Université de Rouen Normandie, en coopération notamment avec la Revue Marketing Territorial et l’Université catholique de Louvain. Outre la dimension systémique des CEC, les investissements immobiliers dans ces villes, leur écoresponsabilité et leur capacité inclusive, se pose la question de la part de ces investissements par rapport à l’immatériel (la programmation, et ce de façon disproportionnée).
4Le premier objectif qui s’est dégagé des travaux du colloque de Rouen, est celui d’inclure l’analyse des activités des CEC dans une approche systémique comprenant l’urbanisme, les différentes formes de mobilité, l’emploi, le social, l’économie, la formation, une approche qui rappelle celle du Fonds européen de développement régional (FEDER). Même si Glasgow CEC 1990 a eu le mérite, la première, de mettre en évidence l’enjeu de la régénération urbaine, nous avons aussi constaté qu’en termes d’aménagement urbain, n’existait pas de coïncidence stricte entre l’année culturelle et lesdits aménagements. A Casa da Musica, magnifique auditorium de Porto, est née un an après Porto CEC 2001. À Novi Sad, CEC 2022, le chantier du quartier créatif n’est pas terminé, non plus que celui des stations culturelles appelées à figurer dans les quartiers excentrés de la ville et qui rappellent beaucoup l’objectif des Maisons folies de Lille 2004 par leur fonctionnement. La gare de Mons, dessinée par l’architecte Santiago Calatrava, n’est toujours pas achevée en 2023. Par contre à Saint-Denis, candidate pour 2028, les infrastructures de transport et d’immobilier étaient déjà programmées dans le cadre du Grand Paris et des Olympiades.. Et l’on pourrait multiplier les exemples. Cependant, dans le cas de Matera 2019, par défaut du gouvernement italien, la question des transports ferroviaires et de l’accès à la ville restait problématique.
5Ce qui est véritablement en jeu, c’est le nombre d’investissements par rapport à la programmation. De ce point de vue, Pécs CEC 2010 (Hongrie) par exemple, ne se révèle pas un modèle à suivre5. Comme le recommandent Beatriz Garcia et Tim Cox dans leur rapport au Parlement européen rédigé en 2013, l’équilibre entre immatériel et matériel doit être examiné avec soin. Il y va de la crédibilité des CEC et de leur avenir en termes de politique culturelle.
6Quant au second objectif, sans doute le plus difficile, la participation des habitants dépend de beaucoup de facteurs : est-ce que la ville a déjà investi dans cette préoccupation ou surgit-elle de la candidature ? Comme nous le savons, Timisoara, Saint-Denis, Mons et Lille sont multiculturelles de longue date. Sont-elles pour autant interculturelles ? Cela pose la question de ce qui se tisse et de ce qui reste après l’année culturelle : la mobilisation des habitants, des autorités locales régionales, nationales et européennes. Les ambassadeurs, les ateliers de sensibilisation et de travail, les rencontres entre habitants et artistes… sont autant d’initiatives pour répondre à cet enjeu. Nous sommes également sensibles au slogan « Une ville à hauteur d’enfant » lancé à Montpellier/Sète. Il y faut un travail assidu. En cela, nous saluons les initiatives de Montpellier/Sète, de Timisoara, de Rouen et de Saint-Denis, laquelle a créé une Assemblée des enfants parmi ses huit collèges de soutien et de conseil à la candidature. Notons également que compte-tenu des 134 nationalités présentes à Saint-Denis, Périfééries2028 avait inclus dans sa première programmation, nombre d’associations représentatives des communautés vivant à Saint-Denis : Maison Amazigh berbère, Amicale des Bretons, associations portugaises, association des Malien.n.e.s de Saint-Denis, La Voix des Rroms, associations algériennes...
7Plutôt que de s’orienter vers la mise en place d’infrastructures liées à la culture, la fondation Matera-Basilicate 2019 a préféré fonder ses projets sur la citoyenneté active et la démocratie participative. Ainsi, deux plateformes de développement de compétences ont été créées, la Open Design School et l’I-DEA, dont l’objectif est de se servir de la culture, de l’innovation, de la connaissance et des relations internationales, pour mettre en valeur l’identité du territoire et inverser le flux migratoire. Matera et la Basilicate souffrent encore de la forte émigration de leur population : on estime à 650 000 les lucani à l’étranger et à 600 000 les lucani en Basilicate6.
8Eleusis (Grèce), la plus petite Capitale européenne de la culture (30 000 habitants) est la première ville de banlieue à bénéficier du label ; elle a souhaité promouvoir la conscience collective de l’espace public dans une cité où l’accès au front de mer est empêché et où les immeubles des grandes industries coexistent, brutalement, avec des habitats traditionnels. Elle a ainsi fait appel aux chercheurs. C’est au travers de marches, initiées par l’universitaire Dimitra Kanellopoulou, et relayées par l’architecte Patrick Bouchain, le dramaturge Alexandros Mistriotis et Eleftérios Kechagioglou, directeur du Plus petit cirque du monde à Bagneux, qu’habitants et artistes ont découvert un espace d’expression collective, dans des lieux réputés « inaccessibles ».
9Le troisième objectif est désormais l’écoresponsabilité de toutes les candidatures. L’articulation entre la nature et le bâti, la végétalisation et l’agriculture urbaine en sont des marqueurs essentiels, répondant aux idéologies territoriales actuelles (Houllier-Guibert, 2011). À ce titre, nous pouvons citer par exemple les retrouvailles entre les deux rives de la Seine à Rouen. Ladite cité a entrepris des coopérations en matière de décarbonation avec les villes de Hanovre (RFA), Skopje (Macédoine du Nord), et les ports fluviaux et maritimes de Kaunas (Lituanie, CEC 2022), Aveiro (Portugal, candidate pour 2027), Norwich (Royaume-Uni) et Trondheim (Norvège). Comme l’a indiqué une élue de la ville de Rouen en janvier 2023, « la candidate de Rouen, c’est le fleuve ». Leuwarden CEC 2018 (Pays-Bas) a conçu un projet repris par Novi Sad CEC 2022 (Serbie) : créer un rendez-vous d’arbres itinérants, transportés par des plates-formes dédiées. Ces arbres sont déplacés sur toutes les manifestations en cours. Novi Sad attendait, en 2022, des arbres originaires d’Italie. Timisoara 2023 a fait construire un monument végétal sur l’une des grandes places de la ville. On peut monter en son sommet et contempler la cité de là haut. Rijeka 2020 avait dessiné un projet autour du thème de l’eau, le port, les sources d’eau fraîche, tout ce qui, selon le dossier, avait déterminé le destin des habitants. Une façon d’alerter sur le problème du dérèglement climatique. Malheureusement, à cause du Covid, elle a manqué d’opportunités pour mettre en oeuvre ce projet et l’ensemble de sa programmation. Clermont-Ferrand propose une démarche artistique pour relier les ouvrages du Massif central en contact avec l’eau. Au fil de « grandes traversées », l’IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique/musique) captera les ondes de plusieurs lieux musicaux dans la région. Les marcheurs et marcheuses pourront ainsi contempler des beautés naturelles et des ouvrages musicalement soulignés7.
10Le quatrième objectif est l’éducation et la formation professionnelle, ainsi que la recherche. En deçà et au-delà de l’année culturelle, la capacité de formation et d’acquisition de savoir-faire est un des acquis de la candidature, quels que soient les résultats. En effet, elle représente un formidable accélérateur d’éducation, de formation et de recherche à différentes échelles. En termes de coordination et de gestion, pour peu que les villes candidates se soient préoccupées en amont de cet aspect. Beatriz Garcia et Tim Cox (2013) recommandaient notamment que les équipes exécutives restent en place au moins six mois après l’année culturelle, de façon à diffuser leur savoir-faire auprès des équipes locales et des acteurs culturels. Cette recommandation a malheureusement été très peu suivie.
11Par ailleurs, la mise en place de projets Erasmus +, Fonds social européen, voire FEDER ou Interreg, permet de tester en amont, les capacités administratives et les ressources à mobiliser pour s’engager dans un programme « grandeur nature » lors de l’année culturelle : par exemple, G 1 000 YES entre Saint-Denis et Molenbeek, un quartier de Bruxelles, afin.de permettre à ces jeunes de participer à la vie civique et de se responsabiliser en tant que citoyens politisés. Il s’agit d’inclure des jeunes qui ont peu accès aux ressources européennes (programme Erasmus +).
12Le périmètre retenu reste un cinquième objectif, discuté et fondateur de la légitimité de la candidature. Comme nous l’avons vu, l’option d’élargissement de la candidature aux villes et villages environnants est bienvenue, implicitement recommandée et doit être officialisée par les autorités locales (commune, département, région). Lors du premier texte de la Commission européenne sur les Villes européennes de la culture, la question était déjà évoquée : il s’agissait « d’ouvrir aux peuples européens des aspects particuliers de la ville, de la région ou du pays concerné », Dès 1985, la définition du périmètre de la candidature est cruciale. La plupart des candidatures associent désormais une ville avec d’autres communes ou tout ou partie d’un département ou d’une région : après Lille 2004, et Luxembourg et Grande Région en 2007, Essen-la-Ruhr en 2010, avait frayé la voie. Et aujourd’hui Rouen Seine Normandie, Saint-Denis Plaine Commune, Timisoara et le Banat (CEC 2023) prennent le relais. Le soutien des autorités locales et régionales apparaît dans ce cas décisif.
13Comme il a été relevé par le programme d’études CECCUT8, la question des frontières peut aussi être pertinente dans le cas des CEC. Depuis Lille 2004 positionnée dans son réseau transfrontalier, l’idée « d’Eurocapitale de la culture » fait son chemin, comme on le constate à Gorizia (Italie) et Nova Gorica (Slovénie), CEC en 2025, ou encore à propos de la coopération transfrontalière d’Esch/Azette 2022 (Luxembourg) avec huit communes françaises de la Communauté de Communes Pays Haut Val d’Alzette : Aumetz, Audun-Le-Tiche, Boulange, Ottange, Rédange, Russange, Thil et Villerupt. Un jury commun a été instauré pour accueillir les projets présentés, de part et d’autre de la frontière.
14La question de la centralité des événements par rapport à la périphérie des villes ou leur quartiers excentrés a été posée de longue date. Copenhague1996 en avait fait son cheval de bataille, situant des événements un peu partout dans ses quartiers périphériques. Malheureusement, la signalétique était parfois illisible et n’a pas permis de mettre à profit cette bonne intention. À l’instar des Maisons folies, Novi Sad CEC 22 a prévu une série de « stations culturelles » dans les quartiers excentrés de la cité.
15Parmi les principaux objectifs des villes, le partenariat européen et international est essentiel : dans beaucoup de cas, les partenariats demandés entre les villes désignées la même année, se sont traduits par des résultats inaboutis : Luxembourg et Sibiu (Roumanie), Marseille-Provence-Côte d’azur et Košice (Slovaquie), Mons et Pielsen (République tchèque).
16Bien sûr, il existe des exceptions comme Turku et Tallinn, en 2011, de part et d’autre du golfe de Finlande et distantes de 179 kilomètres : programmation et communication communes en matière de mode, de sport et d’architecture, réalisation de promenades et de pistes cyclabes, avec un objectif commun « Facing the sea »9… Sans doute cette coopération intéressante trouve-t-elle une partie de ses fondements dans l’espace nordique-baltique, intégré depuis la fin de la guerre froide. Pourtant San Sebastian (Donostia), et Wroclaw ont aussi mené des initiatives interconnectées en 2016 : événements de culture basque à Wroclaw, invitation d’artistes polonais à Donostia, le tout sous le signe d’échanges européens. Nous citons ici des exemples trop rares. Au-delà des mariages arrangés, les capitales devraient avoir les moyens de se rapprocher des villes et des régions dont elles sont les plus proches par affinité et préoccupations communes. Dans l’ensemble, il semblerait que les unions libres soient plébiscitées. Rouen travaille avec ses jumelles, Saint-Denis s’est rapprochée d’Eleusis parce que cette dernière rencontre les préoccupations d’une ville de banlieue soucieuse de diffuser sa modernité mais aussi ses trésors (le culte de Denis d’une part, la mythologie antique d’autre part). Il semblerait aussi plus pertinent de s’affranchir de la symétrie Est/Ouest qui perpétue la coupure entre les deux Europe et de consacrer une alliance beaucoup plus libre entre les villes nominées. L’introduction de villes de pays candidats à l’Union européenne (Serbie, Macédoine du Nord) représente un pas décisif dans ce sens, ainsi que des contacts avec des villes de la rive sud de la Méditerranée comme ce fut le cas avec Marseille-Aix-en-Provence-Côte d’Azur 2013.
17C’est le dernier objectif et l’un les plus délicats à réaliser. En effet, les moyens sont tous concentrés sur l’année phare, il reste alors reste peu de place pour prendre le relais et pérenniser certaines expériences. Et si nous avons peu d’exemples de cette continuité, il reste qu’ils existent et doivent être salués. La Zinekee Parade est née à Bruxelles CEC 2000 et elle s’est installée dans la paysage bruxellois. Les Maisons folies de Lille2004 continuent de fonctionner à de rares exceptions près. C’est aussi parce que Lille a poursuivi l’expérience avec Lille 3000, visant à inviter des artistes d’Europe et d’au-delà. Par ailleurs, la candidature, si elle est bien préparée, est inséparable d’une réflexion culturelle à long terme. Nous nous référons ici à l’expérience du réseau culturel européen Next10, qui regroupe des villes candidates au label, expérimentant le label ou y aspirantes et même celles exclues du label. Ce réseau qui réunit plus de 26 villes en Europe, pose à juste titre la question de la refondation des politiques culturelles en préparation de la candidature ou à son issue, y compris en cas d’échec à l’accession du titre. Ici le lien entre formation professionnelle et recherche est mis en avant à travers les différents forums que Next organise.
18La préparation de la candidature représentant la nécessité de regarder les politiques culturelles urbaines dans un contexte européen, permet de poser, en grand, un regard sur des questions qui n’apparaîtraient pas au quotidien. Par exemple, Bordeaux, finaliste malheureuse en 2013 a, par la suite, organisé le festival international des arts et cultures Evento pour capitaliser toutes les potentialités qui s’étaient manifestées durant la candidature. Liverpool CEC 2008 a prouvé sa capacité à préparer l’événement en amont, tout en investissant l’avenir (au moins dans un premier temps), notamment avec un système de bourses pour les artistes locaux. En outre, Liverpool s’est dotée d’une évaluation rigoureuse sur l’impact de l’année culturelle11. La Commission européenne a loué Liverpool CEC 2008 comme une réussite en termes de bénévolat, d’implication de la communauté et de soin apporté à la recherche.
19La question de la refondation des politiques culturelles (locales, régionales, nationales) est l’un des enjeux majeurs déclarés des CEC, s’ajustant avec celle des droits culturels, relayés par la municipalité de Saint-Denis (93) en 2017, et aussi par la région Nouvelle-Aquitaine, quels que soient les résultats effectifs.
20Le programme « Capitales européennes de la culture » a prouvé sa pertinence et sa capacité d’évolution, compte-tenu des nombreuses candidatures déposées par pays. De plus, la Décision de l’Union européenne de 2014 a confirmé les nouveaux objectifs du programme relevant d’une approche systémique. Il reste que si l’Union européenne tient à dénationaliser le programme des CEC, elle devrait accorder des moyens financiers plus substantiels à cet événement et non le seul prix Melina Mercouri d’un montant de 1,5 millions d’euros. En effet, entre la symbolique nationale et la dimension internationale, un espace reste à combler : celui du partage européen, trop peu lisible, comme le Parlement européen l’a constaté. Au-delà de la promotion des villes par elles-mêmes et de la projection internationale, l’exercice des CEC pourrait rappeler les valeurs propres à l’Union européenne : démocratie, accueil, écoresponsabilité, inclusion culturelle et sociale. Depuis 1985, la mondialisation culturelle s’est invitée dans le jardin européen. Et de plus en plus de villes aspirent non seulement à figurer sur la carte de l’Europe mais aussi sur l’agenda mondial. Comment résoudre cette double implication ? Les réponses des relations extérieures de la Commission européenne sont attendues sur ce sujet.
21Pour les candidates, la coopération régulière dans le cadre de réseaux européens et internationaux (L’Agenda 21 de la culture, Eurocités, Trans Europe Halles, le Réseau européen des centres culturels de rencontre, Next) représente un gage d’ancrage européen et une plus-value en matière de connaissance fine du territoire européen ainsi que des impacts de la culture à une échelle multiscalaire en termes de design urbain, de ressources cognitives et de dynamique territoriale.
22Le titre de CEC a fait florès. On compte aujourd’hui des capitales de la culture américaines, arabes, africaines, islamiques, de l’Asean ou d’Asie du sud-est12. Certes toutes avec des modèles, des attendus et des types de financement différents. Il n’empêche : si en 2023, le programme des CEC veut conserver sa force d’entraînement, il doit faire valoir sa spécificité : des cités distinguées pour leur usage concret de la démocratie, des villes engagées dans le développement durable et les politiques de long terme, des cités qui symboliseront le titre au-delà de l’année culturelle, des villes intelligentes pour les Européens et des villes d’accueil pour le monde, une marque européenne en quelque sorte.
Autissier Anne-Marie, « Capitales européennes de la culture : des priorités contradictoires et une visibilité inégale », in Sociétés n°140, 2018/2, pp.33-42
Garcia Beatriz, « Learning from Glasgow 1990. Interrogating the European Cultural title as impulse for cultural and creative development”, in Impacts 2008, The Liverpool model, European Year of creativity and innovation, 2009
Garcia Beatriz, “From Glasgow 1990 to Liverpool 2008. Retracing two decades of culture-led regeneration initiatives and their long term legacies”, in Revitalising built environments: Requalifying old places for new uses, Impacts 2008, Istanbul, 14-15 octobre 2009
Giroud Mathieu et Grésillon Boris, « Devenir capitale européenne de la culture : principes, enjeux et nouvelle donne concurrentielle », in Cahiers de géographie du Québec, Vol.55, septembre 2021, pp.237-259
Gravari Barbas Maria, « Tourism imaginaries at the Disciplinary Crossroads. Place, practice, Media », in Gravari Barbas Maria et Bourdeau Nelson (dir.), Routledge, 2016.
Grésillon Boris, « Marseille-Provence 2013, analyse multiscalaire d’une capitale européenne de la culture », in Eduscol, La France des territoires en mutation, 4 novembre 2013
Houllier-Guibert Ch-Ed, 2010, « Les politiques de communication rennaises pour un positionnement européen. Image de la ville et idéologies territoriales », revue L’information géographique, vol.74, pp.89-99
Kanellopoulou Dimitra, « Représenter la ville. Athènes vue, dessinée et imaginée », in Confins n°36, 2018
Perrin Thomas, Tursie Corina, “Assessing the social and cultural impacts of the European Capital of Culture programme in cross-border regions. A research agenda”. Eastern Journal of European Studies, 2020, 11 (special issue), pp.77-98
Rapports
European Capitals of culture : success strategies and long-term effects, Beatriz Garcia et Tamsin Cox, Rapport au Parlement européen, 2013
Rapport CECCUT, Capitale européenne de la culture et cohésion urbaine transfrontalière. Guide de bonnes pratiques et boîte à outils pour l’évaluation, LISER, 2021
Rapport de la Commission européenne, A guide for the cities preparing the bid, Bruxelles, 2020
European Cultural Capitals, Report 2, Robert Palmer et Greg Richards, Association for Leisure tourism and Leisure Association n°2, 2009
1 Rappelons qu’à compter de 1999, une base légale a été créée pour intégrer les Capitales européennes de la culture aux activités culturelles de la Commission. C’est aussi le moment où les Villes européennes de la culture deviennent des Capitales européennes de la culture.
2 Décision n°445/2014/UE du Parlement européen et du conseil du 16 avril 2014, instituant une action de l’Union en faveur des capitales européennes de la culture pour les années 2020 à 2033 et abrogeant la décision n°1622/2006/CE
3 Autrement dit Erasmus +, originellement programme de formation universitaire ou associations mais ouvert aux acteurs culturels, « Citoyenneté, égalité droits, valeurs », le FSE, le FEDER, sans compter d’autres programmes y compris ceux consacrés à la coopération avec des pays tiers pour celles ou ceux qui se lancent dans l’aventure.
4 Europe créative, héritière de CULTURE 2000 puis de CULTURE est le programmle dédié aux activités artistiques et aux inbdustries créatives. Il compte trois volets, un volet Culture, un volet Média et un volet transectoriel consacré aux innovations et aux partenariats en matière de journalisme et de madias. (source / Relais Culture Europe).
5 Au total 94 millions d’euros apportés par les fonds de cohésion de l’Union européenne, pour des équipements dont l’avenir reste incertain quant à leur fréquentation (source : Budapest Observatory).
6 Les "Lucani" sont un peuple indo-européen qui a rejoint l’actuelle Basilicate au 5ème siècle avant JC. Pour cette raison, la région qui leur correspond s’appelle "Lucania" à partir de l’époque romaine. La Basilicate s’appelait alors à nouveau "Lucania" pendant la période fasciste (source : Passione italiana)
7 Clermont-Ferrand était l’une des quatre villes candidates pour la CEC 2028, appelées à poursuivre la sélection avec Bourges (la lauréate), Montpellier/Séte et Rouen.
8 L’objectif de ce projet consiste à analyser trois fondements interconnectés de l’initiative CEC (sentiment d’appartenance, inclusion sociale et développement urbain) comme moteurs de l’intégration et de la cohésion communautaire dans les espaces transfrontaliers de l’Union européenne. Le projet CECCUT souhaite susciter et encourager des interactions entre chercheurs, acteurs publics et représentants de la société civile concernés par ces thématiques.
9 Pendant toute la période soviétique, l’accès au littoral était interdit à Tallinn.
10 Créé par des opérateurs culturels roumains de Cluj (Roumanie) et cofinancé au titre d’Europe créative en tant que réseau.
11 Les évaluations sont devenues obligatoires, mais, à l’époque, ce n’était pas encore le cas.
12 Initiative intergouvernementale du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud. Des villes sont désignées chaque année, une pour la Corée du Sud et le Japon, deux pour la Chine.
Anne-Marie Autissier, « Un nouveau cap pour les Capitales européennes de la culture ? » dans © Revue Marketing Territorial, 11 / été et automne 2023
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=965.
Agrégée de lettres modernes en 1970, maître de conférences en sociologie de la culture et des médias, à l’université Paris 8 à partir de septembre 1998, puis HDR en 2011 à l’université de Grenoble, Anne Marie Autissieur est chercheure au CRESPPA, émérite depuis le 1er septembre 2018.