11 / été et automne 2023
Les enjeux du label Capitale Européenne de la Culture pour le développement territorial

Villes moyennes et labellisation CEC. Quels effets ?

Marina Rotolo


Résumés

Cet article propose d’analyser les effets de la labellisation sur la fabrique urbaine dans les villes moyennes. Notre regard porte plus spécifiquement sur le lien entre politique culturelle et production de la ville, sous le prisme du label Capitale européenne de la culture. Six anciennes CEC sont étudiées : Weimar 1999 (Allemagne), Avignon 2000 (France), Bruges 2002 (Belgique), Salamanque 2002 (Espagne), Guimarães 2012 (Portugal), et Mons 2015 (Belgique). Par ces explorations, nous entendons faire dialoguer ces six cas au regard de trois thématiques : les acteurs de la fabrique urbaine, la représentation de la ville et les projets d’aménagement.

This article analyses the effects of the European Capital of Culture label on the urban fabric of medium-sized cities. We look more specifically at the link between cultural policy and the production of the city, via the European Capital of Culture label. Six former ECOC are studied: Weimar 1999 (Germany), Avignon 2000 (France), Bruges 2002 (Belgium), Salamanca 2002 (Spain), Guimarães 2012 (Portugal), and Mons 2015 (Belgium). We intend to bring six cases into dialogue with each other as regard three themes: the actors of the urban fabric, the representation of the city and the development projects.

Texte intégral

1Issu du monde de l’entreprise, le processus de labellisation a progressivement été introduit dans le domaine de l’action publique, en employant des méthodes de marketing urbain (Devisme et Dumont, 2006). Cette transformation de l’utilisation d’un label pour le monde marchand à un outil de politique urbaine, révèle l’idée de labellisation en tant que mode de pensée et processus d’action (Dumez, 2011). À partir des approches développées dans les trois disciplines que sont les sciences politiques, la géographie et l’aménagement, nous considérons que le processus de labellisation génère des conséquences sur la fabrique urbaine dans trois domaines : les acteurs de la fabrique urbaine (Fournier, 2014 ; Pinson, 2009), la représentation de la ville (Boltanski et Esquerre, 2017 ; Nobili, 2005) et les projets d’aménagement qui en découlent (Di Vita et Morandi, 2018 ; Basso, 2017).

2Dans le cas des Capitales européennes de la culture1, on note la circulation de « modèles urbains gagnants » (Navez-Bouchanine et Valladares, 2007) et l’institution de bonnes pratiques qui, pour les municipalités, correspondrait à un savoir-faire méthodologique apportant des apprentissages salvateurs pour gérer le développement urbain. Ces bonnes pratiques sont véhiculées par des experts culturels européens et par des nouvelles méthodes d’administration des territoires fondées sur des actions exemplaires (Bourdin et Idt, 2016 ; Arab, 2007 ; Vivant, 2007). Notre première hypothèse interroge les limites du label à « donner à la ville une capacité d’action collective » (Pinson, 2006), en analysant les périmètres des coalitions mises en place, les groupes qui diffèrent et les conflits qui émergent sous couvert d’un programme culturel unique.

3L’utilisation du label culturel européen vise avant tout à proposer une image urbaine attractive, qui peut s’appuyer sur des éléments architecturaux singuliers mais aussi sur le récit historique qui y est adossé. Nous formulons la deuxième hypothèse selon laquelle la labellisation CEC vise à créer une nouvelle représentation des villes en quête d’attractivité. Pour le géographe Boris Grésillon, un tel événement est appréhendé par les acteurs politiques et économiques comme une opportunité d’action durable sur le territoire avec une organisation qui « va bien au-delà du montage d’évènements culturels, créatifs et festifs. Il s’agit aussi d’aménagement du territoire, de politique de transports en commun, de tourisme et de capacité d’accueil, d’attractivité d’un territoire » (Grésillon, 2011, p.105). Les politiques de planification urbaine corrélées au label CEC nous conduisent à établir une troisième hypothèse sur les transformations spatiales induites par la labellisation, celle d’une fragmentation urbaine, accentuée par la création d’une ville à deux vitesses, entre régime ordinaire et « régime extraordinaire » (Bensa et Fassin, 2002).

4Afin de questionner les modalités de transformation de la fabrique urbaine sous le prisme de la labellisation, nous analysons six villes ayant obtenu le label CEC. Par ces explorations, nous ne souhaitons pas statuer sur des cas uniques mais les faire dialoguer au regard des thématiques comme les acteurs de la fabrique urbaine, la représentation de la ville et les projets qui en découlent ; afin de servir de grille d’analyse en faveur d’un dialogue des cas d’étude.

5L’objectif du traitement par cas est de connaître et d’analyser une particularité non pas au moyen d’une généralité normée, mais au moyen d’une autre singularité. C’est pour cette raison que nous mettons en relation la situation dans six anciennes CEC. L’intérêt de ce raisonnement inductif n’est pas de classer les villes selon des typologies ; il s’agit de se démarquer des études comparatives focalisées sur les succès et les échecs des CEC. En effet, ces recherches ont eu tendance à valoriser certaines villes, notamment des métropoles, au détriment d’autres CEC restées dans l’ombre. Le rapport de Guillaume Ragonnaud en 2010 cite largement les exemples de Glasgow 1990, Lille 2004 et Liverpool 2008 comme des succès de régénération urbaine fondée sur la culture (Ragonnaud, 2010). Dans la même perspective, l’étude de Beatriz Garcia pour le Parlement européen examine les stratégies de réussite et les retombées visibles à long terme du titre CEC sur les plans culturel, économique, social et politique (Garcia et Cox, 2013). Nous souhaitons faire dialoguer des CEC jusque-là plutôt marginalisées dans les rapports comparatifs : Weimar 1999 (Allemagne), Avignon 2000 (France), Bruges 2002 (Belgique), Salamanque 2002 (Espagne), Guimarães 2012 (Portugal), et Mons 2015 (Belgique). Deux critères principaux ont dicté cette sélection : des villes moyennes et des villes dont certains monuments ou quartiers sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Ce deuxième critère vise à comprendre dans quelle mesure le site patrimonial influence le programme culturel et comment il est intégré, exclu ou instrumentalisé dans la stratégie de renouvellement urbain. Plus largement, notre objectif est de comprendre de quelle manière le patrimoine est mobilisé dans les discours autour de la transformation de l’image urbaine. 

6Afin de définir plus précisément cette catégorie de ville moyenne (Léo et Philippe, 2008), nous nous appuyons sur les écrits de Gisela Cortesi et d’Enrica Lemmi (Cortesi et Lemmi, 1995). Les deux chercheuses ont identifié comme caractéristiques communes pour les villes moyennes des dynamiques démographiques semblables, une position intermédiaire dans un réseau national et une faible capacité d’attraction2. Ce choix de cas d’étude se justifie par l’hypothèse d’un effet singulier du label dans un contexte hors métropoles, privilégié jusqu’alors par la recherche : « Porter le précieux label, l’assumer avec fruit, représente pour une ville, surtout si elle est de taille moyenne, la plus intense expérience culturelle possible » (Denuit, 2018 : 85).

7Située dans le land de Thuringe en Allemagne, la ville de Weimar a une population de 60 500 habitants en baisse depuis 1980 (Prossek, 2012). L’expression de « petite cité »(Guionnet, 1999) revient à de nombreuses reprises pour caractériser la ville allemande, lieu emblématique de résidence des poètes et penseurs comme Goethe, Friedrich Schiller ainsi que du compositeur Franz Liszt. Nommée CEC dix ans après la chute du mur de Berlin, Weimar est à cette époque durement frappée par la désintégration économique de l’ex-RDA. Le land de l’ex-Allemagne de l’Est doit se reconstruire en redéfinissant une stratégie de développement économique.

8En France, la municipalité d’Avignon avec ses 85 937 habitants (Denuit, 2018) est une ville dont la superficie est comparable à celle de Weimar. Surnommée « la cité des papes » en raison de la présence de la papauté de 1309 à 1423, la ville provençale voit sa population augmenter de manière continue jusqu’en 1970. On note ensuite une baisse démographique significative jusqu’au début des années 2000, Cette stagnation de la population est synonyme d’une perte d’attractivité de la commune d’Avignon au profit des communes périphériques où vont s’installer les habitants.

9Le contexte économique difficile est également présent dans la ville belge de Mons avec une décroissance forte caractérisée par un taux de chômage élevé (20%) et une sous-qualification d’une partie de la population. Totalisant une population de 94 400 résidents, Mons est qualifiée de ville moyenne (Leloup et Moyart, 2014) et connaît un fort déclin démographique dans les années 1980. Cette tendance s’inverse dans les années 2000 avec un retour des habitants dans le centre-ville. Poursuivant cette dynamique de réinvestissement du centre historique, l’année CEC en 2015 vise à générer des retombées importantes en matière économique, touristique et médiatique.

10Au cœur d’enjeux similaires, la municipalité de Guimarães envisage le label culturel comme un outil de développement économique pour palier le déclin de son industrie textile (Koefoed, 2013). Depuis 1990, la ville portugaise voit son économie fragilisée par la forte concurrence avec les produits asiatiques, dans le cadre de l’ouverture au marché européen. Aussi densément peuplée que les trois villes citées précédemment, elle est également qualifiée de « middle city » (Bernardino et al. 2018). Après une croissance progressive de la population entre 1980 et 1999, le début de la décennie 2000 est marqué par un net déclin. En 2012, année de la Capitale européenne de la culture, la ville voit sa population diminuer de 2,8%, alors que la dynamique régionale est en hausse.

11Pour ces villes, dont la base industrielle évolue ou disparaît, le titre de CEC est perçu par les acteurs politiques et économiques comme une opportunité afin de mettre en place des « ctivités de remplacement » (Garcia et Cox, 2013), sous le prisme de la culture et du tourisme.

12Pour Bruges et Salamanque, CEC en 2002, les dynamiques économiques et démographiques sont sensiblement différentes, car elles sont déjà inscrites dans les réseaux touristiques internationaux. Avec une population de 116 836 habitants (Palmer, 2004), Bruges est la plus grande ville de la province de Flandre occidentale et la troisième de la région flamande. Étant la ville la plus touristique de Belgique, elle convoite des touristes « haut de gamme », susceptibles de rester plus longuement sur le territoire augmentant ainsi l’impact économique (De Liu, 2014). Dans une dynamique similaire, les acteurs politiques de Salamanque ambitionnent d’ajouter une dimension supplémentaire à la ville patrimoniale, sur le chemin de pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle. Capitale provinciale, son évolution démographique reste stable depuis trois décennies avec plus de 150 000 habitants (Palmer, 2004). Pour ces deux villes, l’objectif est d’ajouter une nouvelle carte à leur jeu afin de conforter leur rôle à l’échelle internationale.

1. Les acteurs de la fabrique urbaine : une gouvernance partagée

13Dans le processus de labellisation des CEC, de nouveaux acteurs intègrent les procédures de décision. À l’échelle européenne, il s’agit d’experts culturels qui interviennent dans l’évaluation des dossiers de candidature lors de l’audition devant la commission européenne et qui sont mobilisés pour suivre la mise en œuvre du projet durant les cinq ans de préparation à l’événement. À l’échelle locale, une structure opérationnelle est mise en place afin de développer le programme culturel. Ses missions sont la gestion du budget alloué au programme, la sélection des artistes qui se produiront lors de l’année CEC, le développement d’une stratégie de communication, l’implication des habitants ainsi que la création de partenariats culturels européens. La plupart des villes étudiées fait le choix d’une structure autonome, sous la forme d’une fondation ou d’une association pour mener à bien le projet CEC. Elle est le plus souvent composée d’un conseil d’administration où siègent les institutions locales, secondées par une équipe de travail opérationnelle3.

14À Weimar, il s’agit de l’organisme « Weimar 99 GmbH » dont le conseil d’administration est géré à 51% par la région, 25% par l’État fédéral et 24% par la ville. Bruges a fait de même avec l’association « Bruges 2002 », tout comme Mons et la « Fondation Mons 2015 » ainsi que Guimarães avec la « Fundação Cidade de Guimarães ». A contrario, la ville dAvignon a décidé de gérer le projet au sein même de la mairie en créant un pôle spécifique intitulé « Mission Avignon 2000 ». Sans conseil d’administration, cette organisation fait partie du service d’actions culturelles de la ville et s’en réfère au maire et à son conseil municipal pour toutes les décisions administratives ainsi que pour la programmation de l’année CEC. Enfin, Salamanque a établi un consortium indépendant privé pour organiser le programme culturel et gérer dans le même temps les nouveaux équipements de la ville.

15Un même constat est dressé pour la majorité des CEC étudiées : celui de conflits et de tensions entre acteurs institutionnels et acteurs opérationnels du programme culturel. Dans certains cas, le projet politique est directement lié à des intérêts étatiques (Weimar, Avignon, Guimarães), tandis que pour d’autres la présence nationale est moins visible et se traduit dans des stratégies impliquant de nouveaux acteurs privés. Afin d’apporter des éléments de réponse, nous faisons l’hypothèse d’une gouvernance urbaine singulière à l’œuvre dans les villes moyennes face au processus de labellisation. Dans les villes moyennes, la labellisation représente une opportunité de développement économique et de modernisation des infrastructures pour les acteurs politiques. Il s’agit pour ces derniers de créer des infrastructures manquantes sur le territoire et de profiter de la visibilité de l’événement pour solliciter des financements. Mais cette ambition locale se heurte à la vision défendue par les experts culturels à l’échelle européenne et par la Fondation en charge de l’événement. Cette divergence de visions provoque des conflits à deux niveaux. D’une part, on assiste à des incompréhensions quant aux attendus de la CEC entre les acteurs institutionnels locaux et les acteurs opérationnels du programme culturel ; ces frictions mènent, d’autre part, à une certaine méfiance des habitants, plus ou moins directement incités à participer aux projets de l’année culturelle et qui ne perçoivent pas les transformations en termes d’infrastructures sur le territoire.

1.1. Le contrôle à distance des institutions nationales et européennes

16Malgré un discours reposant le portage local des candidatures, la labellisation demeure un enjeu fondamental à l’échelle nationale. À travers la politique culturelle européenne, l’État-nation agit « à distance » au sens d’Epstein (2005) pour rendre visible certaines villes en marge des réseaux globalisés et faire la démonstration d’une action politique nationale sur des territoires fragiles ou en décroissance. La ville de Weimar en est un exemple, tout comme Avignon en 2000.

17Dans le cas de Weimar, il s’agit pour l’Union européenne de faciliter l’intégration des anciennes villes de la RDA et d’encourager leur développement quelques années après la chute du mur de Berlin. Dans ce cadre politique, les empreintes historiques de l’ex-Allemagne de l’Est et de l’ex-Allemagne de l’Ouest marquent l’initiative de la CEC avec des tensions entre une initiative privée occidentale placée aux postes clés de l’organisme « Weimar 99 GmbH » (Fabbri, 1999) et un « esprit de l’Est » persistant chez les acteurs politiques locaux qui restent méfiants face à ces transformations radicales. La confrontation de points de vue se devine dans les relations parfois houleuses entre l’équipe opérationnelle chargée de la mise en œuvre du programme culturel et les autorités publiques siégeant au conseil d’administration. Par la présence de nouveaux acteurs, venus principalement de l’ouest de la République fédérale d’Allemagne, l’équilibre politique préexistant à la labellisation CEC est bouleversé. Ce trouble se lit également à l’échelle des institutions culturelles de Weimar qui se sentent menacées par la nouvelle structure de pouvoir représentée par « Weimar 99 GmbH » (Palmer, 2004).

18L’implication de l’État dans le processus et la mise en œuvre de la labellisation CEC, est tout aussi notable pour Avignon en 2000. Sa situation est singulière puisque la gestion du programme culturel est directement intégrée aux services de la mairie. En 1997, un directeur général est néanmoins recruté à l’extérieur de la municipalité pour diriger une petite équipe en charge du projet. À la suite de différends avec la mairie, il démissionne un an plus tard et n’est pas remplacé. C’est la structure « Mission 2000 en France » mise en place par l’État qui prend le relais et soutient le projet (Cogliandro, 2001). Placée directement auprès du Ministre de la culture, la mission est chargée de proposer un programme national des célébrations de l’an 2000. Régulé par une expertise nationale, le titre de CEC échappe au contrôle de la municipalité qui se retrouve au second plan de la manifestation.

1.2. L’appui des acteurs économiques privés à Salamanque et Mons

19La figure centrale de l’État au cœur du projet CEC se retrouve également à Salamanque sous une forme différente. Les relations tendues entre le directeur et le conseil mixte privé/public ralentissent la mise en œuvre du projet et génèrent des retards. Les premières lignes du programme ne sont approuvées par le Consortio Salamanca 2002 qu’à la fin de l’an 2000. Afin de soutenir l’initiative et d’accélérer le processus, le gouvernement espagnol introduit une législation pour offrir des allégements fiscaux aux entreprises qui souhaitent promouvoir l’événement. Prenant la forme de mécénat, 42 entreprises se constituent en tant que sponsors et apportent 50% des parts dans le budget des 30 millions d’euros du consortium constitué pour la CEC ; celle-ci devient une prestigieuse opportunité publicitaire pour les entreprises locales et régionales en échange de subventions.

20L’intégration de nouvelles forces issues du monde entrepreneurial s’observe aussi à Mons avec un projet politique municipal qui s’accompagne d’une stratégie économique aux origines de la candidature. Le maire Elio di Rupo, développe un projet de long terme pour lequel la préparation à la candidature commence dès 2004. Dès cette époque, il rédige une note intitulée « Mons 2015, vers un projet de ville, ensemble » et prend conseil auprès de la ville voisine de Lille, CEC en 2004 (Leloup et Moyart, 2014). Au-delà du projet culturel, et en appui avec les fonds régionaux européens, une vision économique se dessine et s’adresse au secteur des hautes technologies comme Google, Microsoft ou IBM que la ville tente d’attirer au même moment dans l’idée de créer une vallée technologique qualifiée de Digital Innovation Valley. Le slogan de la ville en 2015 « Où la technologie rencontre la culture » reflète cette stratégie de combiner culture et développement économique qui ne manque pas de créer une divergence d’opinions entre les acteurs de la vie socio-économique (notamment en termes d’emplois ou de formations), les acteurs politiques et les acteurs culturels locaux. En 2012 est créé le club « Mons 2015 Entreprises » rassemblant les entrepreneurs locaux désireux de soutenir le projet. Tous types d’acteurs privés (commerçants, professionnels libéraux) peuvent s’affilier au club pour un montant de mille euros, une contribution qui donne ensuite la possibilité d’organiser des évènements et de profiter du nouveau réseau (KEA European Affairs, 2016).

1.3. L’exclusion des acteurs associatifs locaux à Avignon et Guimarães

21Au cœur de ce nouveau dispositif de gouvernance urbaine, les associations locales et les habitants tentent d’élever leurs voix et de se positionner en tant que forces vives du territoire. Cependant, malgré l’exigence de participation citoyenne promue par la commission européenne, la dynamique participative est considérée dans plusieurs CEC comme une façade sans réelle appropriation des projets culturels (Vanneste, 2017). À Mons, le monopole exercé par la Fondation provoque, après la nomination, une impression d’opacité quant aux activités programmées pour 2015 (Leloup et Moyart, 2014). Ce manque de transparence, justifié le plus souvent par le « secret » artistique, fait écho à la création d’un projet en comité restreint, à l’inverse d’un processus partagé. Cette expertise en décalage avec le contexte local se note dans la communication mise en place, jugée par les habitants comme élitiste et visant un public de connaisseurs. Cette impression sera rééquilibrée par divers appels à participation et à projets notamment en 2012.

22Certaines villes revendiquent ce parti pris. En Allemagne, la structure Weimar 99 GmbH développe un programme artistique prestigieux afin d’attirer les touristes étrangers plutôt que de travailler sur la notion plus large de culture, définie au début de la candidature (Roth et Franck, 2000, p.232). De la même façon, Salamanque se positionne en faveur d’un projet d’exception, avec 70% d’actions culturelles européennes et 90% de projets professionnels par opposition à des projets « amateurs/communautaires ». Ce manque d’appropriation par une expertise locale moins savante mène à des conflits entre associations culturelles et structures chargées de l’année CEC. Le mécontentement porte sur la programmation culturelle, la gestion de l’événement et l’instrumentalisation de la démarche participative. À Avignon, face à cette mainmise de l’organisme en charge du projet, des critiques sont formulées ; le projet géré par la Mission nationale 2000 est considéré comme top-down, et fait l’objet d’un rejet d’une partie des acteurs locaux. Le coût de l’exposition4 et son déficit final d’environ 4,5 millions d’euros accentuent la polémique d’un projet national sans lien avec le territoire (Palmer, 2004).

23Cette contestation va au-delà des critiques pour la ville portugaise et mène à la démission du président de la Fondation Guimarães 2012. Malgré l’annonce de la part de la Fondation d’un ancrage local, les habitants lui reprochent un manque de communication et un décalage par rapport au discours officiel d’inclusion. Le « Centro Cultural Vila Flor », qui abrite l’équipe de coordination de Guimarães 2012, est considéré comme une forteresse excentrée qui témoigne de la volonté d’exclure la population (Koefoed, 2013). L’exclusion de certaines associations culturelles dans le programme provoque un mouvement intitulé « La capitale est à nous » afin de confronter le directeur de la Fondation avec les associations locales (Remoaldo, P. et al. 2014). Le conflit devient visible entre organisateurs de l’événement, habitants et associations locales qui dénoncent un manque d’implication dans les activités culturelles officielles. Par la participation factice qu’elle organise, la Fondation est perçue par les habitants comme un organisme en dehors des réalités locales qui ne répond pas aux espoirs suscités par le titre de CEC. À travers des campagnes pour ou contre la structure de gestion au pouvoir, une participation politique et civique de la population locale émerge. Face à une contestation de plus en plus forte, l’équipe de direction initiale est remplacée un an avant l’année CEC (Bernardino et al., 2018).

24Ces cas d’étude montrent que la labellisation peut révéler des tensions et difficultés locales. Dans ce jeu d’acteurs à échelles multiples, la mise en œuvre du programme culturel met en lumière la volonté d’acteurs en dehors de l’échiquier politique de s’impliquer dans la transformation de la ville. On remarque également une possible fracture sociale entre une expertise savante internationale et des expériences locales qui peinent à s’insérer dans la nouvelle dynamique culturelle.

2. La représentation de la ville : une nouvelle image à créer

25Initialement peu nombreux dans le programme CEC, les acteurs des villes moyennes ont progressivement adopté ce dispositif de reconnaissance pour être visibles sur la scène internationale. En 1999, lorsque la ville de Weimar devient Capitale européenne de la culture, elle est malheureusement connue pour être située à proximité de l’ancien camp de concentration de Buchenwald et non pour être une destination culturelle attrayante. L’objectif pour la municipalité mais aussi pour le land de Thuringe est de promouvoir la ville grâce à son patrimoine artistique, récemment inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi qu’à travers l’événement culturel européen. Ces deux dimensions, culturelle et patrimoniale, sont revendiquées en tant qu’argument touristique pour une ville en quête d’une nouvelle identité. Le slogan « Goodbye & Hello5 », choisi par la société « Weimar 1999 Kulturstadt Europas GmbH »6 pour l’année culturelle européenne, témoigne de cette dialectique entre passé et présent. L’attention portée à la mémoire historique (Goodbye) est conjuguée à une dimension prospective (Hello) à partir de l’événement CEC. Pour les organisateurs allemands, il n’est pas question de se détacher du passé mais au contraire de faire de Weimar une « ville de la mémoire » (Vernet Straggiotti, 1999, p.98). L’année CEC est l’occasion d’interroger le passé de la ville et de faire le récit d’une histoire douloureuse tout en contribuant à une mémoire européenne en formation (Grésillon, 2011, p.160).

26La volonté des acteurs chargés de l’année CEC de transformer l’image urbaine à destination d’un nouveau public de visiteurs est transversale à l’ensemble des villes étudiées. Cette nouvelle représentation se fonde notamment sur la réinterprétation du patrimoine UNESCO et de l’histoire de la ville. Un récit accompagne la formation de cette représentation, qui sélectionne certains fragments de l’histoire, met en valeur certains espaces urbains et en oublie d’autres afin de développer une image globalement attractive. Deux stratégies sont observées dans les cas d’étude : d’une part, la création d’une rhétorique fondée sur l’idée de modernité à travers l’innovation artistique dans le cadre de la CEC ; d’autre part, la promotion de l’authenticité caractérisée par la mise en valeur d’éléments historiques et de pratiques locales. Dans le premier cas, le patrimoine est considéré comme un décor au service d’une mise en scène urbaine tandis que dans le second cas, le patrimoine est doté d’une valeur centrale autour duquel gravitent les projets culturels.

2.1. Guimarães et Bruges entre authenticité et modernité

27Pour Guimarães, la stratégie de communication souligne les spécificités relatives à la petite dimension de la ville médiévale et à la simplicité des modes de vie de sa population. Le directeur de la fondation chargée de gérer le projet mentionne ces deux caractéristiques :

« Nous sommes les premiers à inaugurer un cycle au niveau de la culture européenne : après les capitales, les grandes villes, c’est au tour des villes moyennes d’organiser l’évènement. En ce qui nous concerne, il s’agit d’une ville moyenne et modeste. Mais qu’importe ! Guimarães n’est pas New-York ».

28Afin de développer l’attractivité de la ville portugaise, un vaste plan de communication est mis en œuvre avec plus de 85 heures de présentation télévisée, 110 voyages organisés pour la presse, 500 visites de la ville effectuées par des journalistes internationaux, 16 000 affiches posées ou encore 850 000 prospectus distribués (Bernardino et al., 2018). Véritable campagne publicitaire, l’image proposée est celle d’une petite cité affirmant son ancrage local par la mise en place de laboratoire de design en lien avec le tissu industriel de la région. Le slogan « Guimarães, tu en fais partie ! »7 sous la forme d’un cœur ouvert insiste sur l’implication de la population dans la mise en place du programme culturel, pensé comme « concret, réaliste et accessible ». Il vise à se détacher des évènements promus jusqu’alors par les métropoles culturelles sous la forme d’expositions ou de concerts par des artistes de renommée mondiale.

29En faisant du patrimoine matériel et immatériel une des valeurs centrales de l’année CEC, le centre historique est décrit par la Fondation Guimarães 2012 comme un vecteur de lien social, caractéristique des échanges propres aux petits bourgs. Cette image stéréotypée devient l’argument touristique pour effectuer une visite à Guimarães, qualifiée d’authentique, sous deux aspects : l’importance du tissu urbain médiéval et les pratiques liées à sa situation de petite ville portugaise. L’inscription du centre historique sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO apparaît comme l’un des principaux facteurs d’attraction (Remoaldo et al., 2014). À ce « centre charmant » (Hudec et al., 2019) s’ajoute une deuxième dimension mettant en valeur le « capital humain » (Garcia et Cox, 2013). L’artisanat et le tissu associatif local sont présentés comme les atouts de la destination portugaise qui revendique son statut de ville moyenne. En arrière-scène de ce discours, on peut y lire le contexte d’austérité budgétaire imposée au Portugal après la crise économique de 2008. La notion d’authenticité est détournée et réinvestie par les décideurs locaux pour faire face au manque de financement à disposition. En profitant de la visibilité européenne acquise grâce au titre de CEC, la ressource patrimoniale vient servir une stratégie de développement touristique et enrayer l’émigration massive de cette région du Portugal.

30À l’inverse, dans des villes à l’économie florissante générée par le tourisme, l’enjeu est de bouleverser la représentation conventionnelle du patrimoine et de proposer d’autres imaginaires du lieu. C’est le cas à Bruges, pour qui la labellisation culturelle est l’occasion de renverser l’image d’une « Venise du Nord » véhiculée par les guides touristiques. À travers des installations artistiques insolites, l’association « Bruges 2002 » propose une vision différente de la cité historique (De Liu, 2014) : une ville qui ne se réduit pas à son passé commercial portuaire ni à son cœur préservé d’architecture médiévale (Lucchini, 2006). Pour les experts culturels, l’innovation artistique est pensée comme un moyen de transformer le regard sur la ville, par des projets considérés comme avant-gardistes et peu conventionnels. Dans cette perspective, des projets socio-artistiques sont développés dans des environnements habituellement peu impliqués dans les actions culturelles (prison, logements). Le projet Dogtroep situé en milieu carcéral évoque la vie des détenus du complexe pénitentiaire à travers des représentations théâtrales tandis que le projet Wijk-Up8 vise à transformer les habitations ordinaires en musées. Afin de relayer ce changement d’image, la communication de l’année culturelle est sous-traitée à des agences spécialisées dans l’évènementiel, pour faire du titre CEC l’élément central d’une nouvelle représentation urbaine.

2.2. Renverser une image négative : la ville de Mons

31Ce désir de renversement de l’image est également l’une des principales motivations de Mons en 2015. Pour cette ville absente des destinations culturelles internationales mais aussi nationales, l’obtention du label revêt une fonction symbolique de reconnaissance. La presse internationale ne manque pas de mettre en avant cette mutation en insistant sur la métamorphose d’un territoire stigmatisé par son passé minier :

« Mons, la fierté retrouvée du Borinage » dans Le Monde (Carpentier, 2015.)

« Mons : from medieval to ultramodern » dans The Independent (Sweeney, 2014)

32Contrairement aux deux villes précédentes, l’image proposée ne s’appuie pas seulement sur un patrimoine à révéler ou à transformer mais s’apparente à une renaissance qui se détache de l’histoire du site. La ville est présentée par le président de la Fondation Mons 2015 comme une métropole culturelle en devenir tandis que le maire souligne le début d’une nouvelle ère. Dans ce nouveau récit fondateur, la mémoire ouvrière est convoquée sur un registre nostalgique avec des expositions qui portent sur les habitudes et les coutumes pittoresques des mineurs, davantage que sur les luttes sociales ou les pollutions causées par les sites industriels (Fevry, 2017, p.43).

33Cette quête de transformation de l’image est visible sur l’ensemble des cas d’étude. La notion d’authenticité se place au centre des discours de certains experts culturels, tandis que la dimension de changement est transversale aux villes qui ambitionnent de renverser une image négative ou stéréotypée.

3. Les projets d’aménagement : la circulation de modèles urbains

34Afin de correspondre à la nouvelle image urbaine voulue par les acteurs politiques et économiques du territoire, des stratégies de rénovation urbaine sont mises en place. Les montants liés aux aménagements varient d’une ville à l’autre : Weimar se place en première position (411 millions d’euros), suivie de Mons (170 millions) puis Bruges (68,8 millions), Salamanque (46,5 millions), Guimarães (42 millions) et enfin Avignon (8 millions). Trois stratégies se distinguent dans le processus de rénovation de la ville : la construction de mégaprojets portant sur les infrastructures du territoire (transports, équipements publics, centre-ville), la création de quartiers culturels dédiés à l’art et la mise en place de petits projets qualifiés « d’acupuncture urbaine » (Douay et Prévot, 2016).

3.1. Valoriser le centre historique : Weimar, Avignon et Mons

35À Weimar, la rénovation du centre historique s’accompagne d’un vaste programme comprenant le réaménagement de la gare ainsi que la création de nouveaux bâtiments culturels, d’édifices scolaires et hospitaliers. À partir de 1996, les travaux de construction concernent la salle de congrès, la maison des jeunes, les rues, places, parcs et archives de la ville. Dans le centre-ville, les maisons de Goethe, Schiller et Liszt, inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, sont rénovées et embellies (Fabbri, 1999). Cette restauration du centre historique, focalisée sur les musées et les monuments, est vivement critiquée au motif de « générer une gentrification du centre-ville, sans aucune prise en compte des quartiers périphériques » (Autissier, 2018, p.38). En effet, la réhabilitation d’anciens bâtiments en lieux culturels ainsi que la création de nouveaux équipements mènent au surinvestissement de certains espaces, principalement situés dans le centre. Cette concentration de projets sur un même périmètre accentue le phénomène de fragmentation urbaine et conduit à l’exclusion d’espaces en marge du processus de labellisation. Par ailleurs, la centralité des programmations de l’année culturelle amène à des aménagements qui valorisent certains lieux existants et en écartent d’autres.

36Ce reproche est adressé à Avignon pour son projet culturel focalisé dans le noyau historique de la cité des Papes. Sachant que seule 20% de la population avignonnaise réside dans la vieille ville, le programme écarte a priori une grande partie des résidents. Aussi la ville privilégiant la mise en place d’évènements sur un périmètre restreint, la fragmentation urbaine est-elle également sociale. De manière similaire, le surinvestissement du centre-ville est observé à Mons où des différends apparaissent quant à la localisation des évènements et la dynamique spatiale engendrée par l’année capitale. Le périmètre d’action prévu dans le dossier de candidature avec l’intégration des dix-huit communes entourant l’ancienne cité minière n’est respecté que dans un deuxième temps de la programmation (Leloup et Moyart, 2014). Le cœur physique de l’année 2015 se limite au centre décisionnel des acteurs chargés de la mise en œuvre de la manifestation et aux équipements culturels préexistants comme le théâtre du Manège9. Cette polarisation des investissements sur le centre-ville est renforcée entre autres par le projet Eurogare, que remporte l’architecte international Santiago Calatrava en 2006. À travers ce mégaprojet10, on retrouve l’ambition affichée de Mons de devenir une métropole et de s’écarter de l’image d’ancienne terre minière. Cette volonté de mutation de l’image urbaine se retrouve dans le centre-ville avec des opérations de « théâtralisation des rues » (Denuit, 2018, p.66) qui agrémentent les façades des bâtiments publics et privés d’inscriptions poétiques11. Par la programmation de projets de cirque et de théâtre de rue qui se développent dans l’espace public, l’ambition de la ville belge est de modifier la perception par les habitants de leur espace quotidien et de proposer aux visiteurs étrangers une image festive et attrayante de Mons.

3.2. En quête de bâtiments culturels iconiques : Bruges et Salamanque

37Poursuivant le mythe de la ville créative (Landry, 2000 ; Sechi, 2016), chaque ville semble concourir au meilleur musée pour attirer les amateurs d’art : Weimar et le premier nouveau musée d’art contemporain dans les Länder de l’est12, Avignon qui inaugure le musée d’art contemporain Yvon Lambert dans un ancien hôtel particulier et pour la ville portugaise de Guimarães un centre culturel « Vila Flor ». À Bruges, l’année culturelle est l’occasion de construire de nouveaux équipements, tels que le « complexe musical Concertgebouw », dessiné par Paul Robbrecht et Hilde Daem ainsi que le pavillon de Toyo Ito caractérisé par une structure en aluminium perforé et en verre. Maintenu après l’année CEC, le pavillon vise à prouver que la ville, avant tout connue pour son patrimoine, a aussi une vocation dans les arts contemporains (Calmes, 2002). De même, le nouveau centre international de musique situé à l’entrée ouest de la ville rejoint cette volonté de façonnement d’une nouvelle image de la cité historique. Par ses imposantes dimensions13, il vise à magnifier la prouesse technique du projet et apporter une modernité architecturale à la ville reconnue à l’échelle européenne pour son « patrimoine de carte postale » (Denuit, 2018, p.48).

38La création de ces nouvelles infrastructures dédiées à l’art et au spectacle conduit à l’implantation de quartiers culturels (Vivant, 2009) qui concentrent l’essentiel de la programmation de l’année CEC. Tandis qu’à Bruges ces espaces sont centralisés dans le cœur historique, Salamanque met l’accent sur la création de quartiers culturels à l’intérieur et à l’extérieur du périmètre patrimonial, avec un programme intitulé « Edificios 2002 »14. Certaines de ces infrastructures sont directement liées à l’héritage architectural comme la rénovation d’un théâtre (le Teatro Liceo) et la reconversion d’un ancien monastère en galerie d’exposition (la Sala de exposiciones Santo Domingo). En parallèle, un nouveau quartier culturel prend forme à l’est du centre historique, sur l’emplacement de l’ancienne prison provinciale construite en 1930. La réhabilitation du bâtiment conduit à la création du premier musée d’art contemporain de Salamanque qui fait face au nouveau centre des arts du spectacle bâti en 2002.

39En termes d’image, l’enjeu pour la municipalité est double : d’une part, la ville met en avant son passé de ville historique en misant sur les monuments classés ; d’autre part, en s’implantant sur un ancien site symbolique, elle s’adresse à un public international à travers la promotion d’œuvres artistiques contemporaines. L’obtention de la reconnaissance UNESCO en 1988 puis du titre de CEC, poursuit une stratégie de promotion, pensée largement en amont par les acteurs politiques à destination d’un tourisme culturel15. Afin de poursuivre cette mutation, la ville se dote d’un important auditorium de 6000 places à l’entrée nord de Salamanque. La mise en place de ces trois polarités culturelles distinctes amplifie le phénomène de fragmentation urbaine, qui touche à la fois le centre historique et les quartiers limitrophes.

3.3. Des micro-projets de régénération urbaine à Guimarães

40Présentées par les municipalités comme des alternatives pour faire face à ces stratégies de mégaprojets, des méthodes dites « d’acupuncture urbaine » (Lerner, 2007) se développent dans certaines CEC. À Guimarães, le projet de cluster culturel de Couros, ancien quartier des tanneurs au sud du centre historique, prévoit la création de nombreux espaces publics dans une démarche participative avec les habitants. La rénovation du quartier est envisagée par la Fondation Guimarães 2012 comme un modèle urbain alternatif afin de promouvoir l’engagement citoyen et de transformer cet espace en un lieu de connaissance et de créativité qui génère une valeur économique, sociale et culturelle. Prenant la forme de constructions temporaires prévues pour durer le temps de l’année CEC (Koefoed, 2013), cette pluralité d’expériences artistiques est emblématique du concept « d’urbanisme tactique » (Garcia et Lydon, 2015) qui repose sur trois principes : l'intervention à petite échelle, le court terme et le low-cost. Dans un contexte de crise économique en Europe, la ville portugaise voit son budget CEC initial largement réduit, ce qui l’oblige à développer des solutions alternatives fondées sur l’expérimentation urbaine16. Dans cette perspective naît le projet de régénération urbaine citoyenne « CampUrbis » qui vise à impliquer la population dans l’appropriation de nouveaux espaces publics. À cette initiative viennent se greffer d’autres programmes comme un institut du design, un centre pédagogique de la science et un pôle de formation supérieure17. L'objectif est de créer un attrait pour le quartier, en le présentant comme un lieu de rencontres ouvertes et de socialisation. Dans la même dynamique, le projet « Pop-up culture » développe une série d'événements de plus petite envergure reliant les citoyens, l’art et la créativité, et la durabilité urbaine, culturelle et économique pour l’avenir de Couros.

41Ces projets éphémères posent néanmoins question quant à leur impact réel sur les espaces de la ville et à leur caractère alternatif. Présentés comme des solutions rapides, inventives et peu coûteuses, ils tendent à reproduire des espaces publics stéréotypés dans une vision ludique de la ville. L’animation de places, la végétalisation de rues, l’installation de mobilier temporaire, d’espaces de rencontre et de discussion, deviennent des typologies d’intervention répétées en temps de crise et d’austérité budgétaire (Douay et Prévot, 2016). Le plus souvent localisées dans des quartiers en périphérie du centre historique, ces actions mènent à une nouvelle fragmentation de la ville. Elles créent des quartiers « tests », pensés comme des laboratoires urbains temporaires, éventuels vecteurs de pratiques nouvelles qui restent en marge des transformations profondes de la ville-centre.

42Malgré le discours d’inclusion porté par les villes CEC, une grande partie des projets structurants demeure localisée dans le centre historique. Les projets issus de la labellisation CEC favorisent ainsi l’émergence d’une ville vitrine. Cette identité mono-orientée laisse de côté des espaces périphériques exclus d’un processus de transformation pérenne, en reléguant au second plan les habitants de ces quartiers ainsi qu’une partie de l’histoire. Le phénomène de fragmentation urbaine est dès lors accentué par la création d’une ville à deux vitesses, entre l’ordinaire et l’extraordinaire.

Conclusion

43L’analyse de ces six cas d’étude permet de relever différents effets induits par la labellisation culturelle que l’on peut classer selon trois domaines : les jeux d’acteurs, les représentations et les aménagements.

44Impliqués dans un réseau international, les architectes et les experts mobilisés pour le processus de labellisation bouleversent les rapports de pouvoir préexistants. Le jeu d’acteurs est ainsi doublement reconfiguré : à l’échelle institutionnelle par l’arrivée d’un nouvel organisme en charge de la gestion de la CEC ; à l’échelle citoyenne par l’injonction européenne à la participation des habitants. À travers le transfert de bonnes pratiques (Arab, 2007) relatives à la conception et la gestion des projets urbains, un rapport de domination s’instaure entre les acteurs locaux et les experts de l’année CEC. D’un côté, le rôle du sachant (expert) est perçu par les acteurs politiques comme une perte de pouvoir et d’autorité ; de l’autre, les experts se positionnent comme les garants d’un apprentissage de nouvelles connaissances, puisque convoqués en tant que porteurs de savoirs techniques. Cette réorganisation des rapports de force est à l’origine de ruptures mais aussi d’alliances et de partenariats qui se déclinent à l’échelle locale et régionale.

45Afin de se distinguer et se singulariser parmi d’autres villes, les acteurs s’emparent du label culturel comme une image de marque à même de promouvoir leur territoire. Cette dynamique de valorisation passe par la création d’une image de ville vibrante et créative, destinée à attirer un nouveau public de visiteurs. Ce parti pris repose sur un modèle économique fondé notamment sur le tourisme culturel (Origet du Cluzeau, 1998) et considéré comme une ressource importante pour de nombreuses villes CEC. Comme nous l’avons analysé, l’élaboration de cette nouvelle image attractive repose sur un point commun : le patrimoine. Celui-ci peut être utilisé comme une valeur clé du nouveau récit grâce à la création d’une image authentique, ou au contraire, placé au second plan pour valoriser une image de métropole contemporaine. La labellisation CEC participe ainsi à une économie de l’enrichissement (Boltanski et Esquerre, 2017) qui génère de nouvelles formes de mise en valeur à travers des récits tout autant que de la production matérielle de biens (objets, souvenirs) et de bâtis.

46Troisième domaine affecté par la labellisation, la planification urbaine accompagne la transformation de l’image de la ville. La construction de projets inaugurés pour l’année CEC vise à symboliser les mutations spatiales induites par le label culturel. Alors que la ville de Salamanque se dote d’un nouvel auditorium, Bruges investit dans une salle de concert contemporaine, tout comme Mons qui mise sur le réaménagement de sa gare. Dans cette dialectique entre programmation culturelle et planification urbaine, des modèles circulent. Ces derniers correspondent aussi bien à des stratégies globales d’aménagement de la ville (mobilité, flux, polarités), qu’à des interventions architecturales spécifiques (musée, salle de spectacle, espace polyvalent). Derrière ces modèles voyageant d’une CEC à une autre, se lit en filigrane le concept de ville créative (Landry et Bianchini, 1995). Malgré des outils destinés à penser la ville dans sa globalité (plan stratégique, plan régulateur), la planification urbaine liée à l’événement CEC engage un rayonnement limité à certaines polarités. Celle-ci demeure fragmentée, tel un archipel d’îles qui dialoguent difficilement ensemble.

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Notes

1 L’acronyme CEC sera employé dans l’article afin de désigner les « Capitales européennes de la culture »

2 La dimension démographique moyenne est de 73.780 habitants. Les villes moyennes se situent dans une position intermédiaire pour ce qui concerne la fonction administrative et commerciale. De nombreux chefs-lieux de province sont donc compris dans la catégorie typologique des villes moyennes. Au-delà des critères de catégorisation, les villes moyennes connaissent des trajectoires économiques, sociales et politiques extrêmement variées. Elles présentent également des situations spatiales très diverses en fonction de leur insertion dans un contexte régional plus ou moins favorable (Cortesi et Lemmi, 1995).

3 Cette équipe est habituellement constituée d’un directeur général assisté par un directeur artistique puis des chefs de projets, assistants de production, experts en communication, juristes et comptables.

4 L’exposition totalise un tiers du budget global de l’année. Cependant, ce coût n'est pas inclus dans le budget d'Avignon 2000 car il relevait du budget de l'État.

5 Traduction littérale de « au revoir et bonjour ».

6 Il s’agit de la structure qui coordonne les manifestations de l’année culturelle.

7 En portugais le slogan est « Guimarães Tu Fazes Parte », en anglais « You’re a part of it ».

8 L’expression signifie « réveille-toi ». Le projet se situe dans trois quartiers périphériques de la ville (Sint-Jozef, Sint-Pieters et Zeebrugge). Le logement est ouvert au public et propose des installations artistiques à partir de la collaboration entre l’habitant et l’artiste.

9 Le théâtre est inauguré en janvier 2006. Située en plein centre-ville, la nouvelle salle de 600 places est construite à partir de l'ancien manège de la caserne militaire. Le projet est conçu par l’architecte liégeois Pierre Hebbelinck.

10 Le budget initialement de 37 millions d'euros en 2006, est passé à 253 millions en 2015. Il s’agit du budget le plus élevé pour les gares dans le sud du pays après la gare de Liège, bien qu'en nombre de voyageurs par semaine, la gare de Mons arrive loin derrière la plupart des villes wallonnes.

11 Il s’agit du projet « La phrase » qui vise à remettre les textes du patrimoine littéraire montois, et notamment des poètes, au cœur de la ville. Des artistes ont été invités à le faire en écrivant dans la rue, en passant par le geste, par l’encre et la typographie.

12 Le Monde. 1999. « ALLEMAGNE : l'ouverture d'un musée d'art contemporain a marqué l'accession de Weimar au titre de capitale européenne de la culture pour 1999 », publié le 6 janvier 1999.

13 L’édifice mesure environ 120 mètres de long, 50 m de large et 35 m de haut.

14 La mairie investit 61 millions d’euros dans ce programme (Rapport du Tribunal de Cuentas. 2005. N° 699. Informe de fiscalizacion del consorcio Salamanca 2002 y de las inversiones del programa edificios 2002).

15 Le projet de CEC est envisagé par la municipalité depuis les années 1980. Afin d’accéder au titre, la rénovation du centre historique était perçue comme une étape préalable, tout comme l’inscription en 1988 de la ville sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. La commune espagnole investit dans un nouveau centre de conférence, piétonnise le centre-ville et restaure un certain nombre de monuments au cœur du périmètre UNESCO. Une fois la reconnaissance patrimoniale obtenue, il s’agit d’ajouter une dimension artistique contemporaine à travers le label CEC.

16 Initialement fixé à 115 millions d'euros, le budget pour Guimarães 2012 est réduit à environ 25 millions d'euros (Koefoed, 2013).

17 2011. Présentation à la mairie de Guimarães. Projecto Campurbis. Revitalização da área urbana de Couros em Guimarães.

Pour citer ce document

Marina Rotolo, « Villes moyennes et labellisation CEC. Quels effets ?  » dans © Revue Marketing Territorial, 11 / été et automne 2023

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=938.

Quelques mots à propos de :  Marina Rotolo

Maîtresse de conférences associée à l'ENSA de Bretagne et chercheuse permanente à l'UMR AUSser, Marina Rotolo est docteure en architecture, et membre permanente de l’équipe de recherche IPRAUS / AUSser à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville. Ses recherches portent sur les processus de labellisation patrimoniale et culturelle, notamment sur les villes Capitales européennes de la culture. Architecte HMONP, elle continue d’exercer auprès des CAUE sur des missions de concertation et de sensibilisation à l’architecture.