Sommaire
1Au japon, l’évolution de la robotique, d’un robot industriel vers celui de service destiné à un usage individuel ou collectif, grâce à l’amélioration de son degré d'autonomie, le rend polyvalent, flexible et interactif avec des individus. Les robots quittent les « caged environment » (Haidegger et al., 2013) tels les laboratoires, les sites d’expérimentation ou de fabrication et ils s’introduisent dans des environnements urbains et sociaux. Se déplaçant et interagissant avec ses utilisateurs, ils partagent un espace dynamique et cohabitent avec des acteurs sociaux, deviennent eux-mêmes un acteur social, participant alors à la création de sens donnés aux espaces. La pandémie de Covid-19 accélère plus que jamais le domaine de la technologie de l’information et du numérique, y compris la robotique sur laquelle on compte beaucoup pour répondre aux contraintes causées par la crise sanitaire. L’attente sur le développement des robots serviables dans la vie quotidienne, semble être accentuées au sein de la société japonaise. Cela dit, l’industrie robotique japonaise a été encouragée avant 2020 par le gouvernement qui misait déjà sur elle pour affronter des problèmes caractéristiques des pays développées tels que la baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population1 (Ministère de l’économie, 2019). Cette attente est mondialement partagée. La commission européenne publie un rapport d’analyse sur les dix domaines de la technologie2 qui contribueront à la lutte contre la pandémie au moyen de leurs applications innovantes (Kritikos, 2020). Par exemple, l’usage potentiel des robots dans le secteur de la santé publique consisterait à effectuer des tâches comme la désinfection des hôpitaux, la gestion des déchets dangereux, la livraison de la nourriture et des médicaments, l’assistance du personnel de la santé... afin de prévenir la transmission du virus (Kritikos, 2020).
2Ce présent texte offre un aperçu de la robotique japonaise la plus récente en se focalisant particulièrement sur le robot dont l’utilisation est destinée au « grand public » dans l’« espace public ». Ces deux aspects permettent de se démarquer des autres catégories d’études en robotique puisqu’ils mènent dans une direction bien spécifique. Les termes « grand public » et « espace public » sont définis ici d’une manière globale. Le premier désigne des utilisateurs ordinaires d’un robot qui ne sont pas particulièrement formés à son utilisation. Le second peut désigner un lieu en libre accès pour tous, cela inclut des centres commerciaux, des halls de gares, des galeries marchandes, des parcs, des places ou des supermarchés, ou bien un lieu semi-public dont l’accès est, dans une certaine mesure, limité aux personnes autorisées tels que des restaurants, des musées, des aéroports, ou des hôpitaux. Le robot de service dans un espace public est un tout nouveau champ d’étude en robotique. Le service offert engendre une nouvelle relation à l’espace ainsi qu’à son interprétation. Le robot peut attirer l’attention et offrir une nouvelle expérience du service ainsi qu’une nouvelle perception de l’espace, toutefois, son dysfonctionnement pourrait arriver d’une manière inattendue et l’aspect opaque d’une machine intelligente qui capte constamment des données extérieures peut susciter une certaine méfiance chez les utilisateurs. Les effets d’un tel robot dans un espace public est encore inconnu. Le texte, en illustrant quelques cas de la robotique japonaise, examine la spécificité du champ d’étude en proposant plusieurs axes de recherche qui lui sont propres pour mieux comprendre un potentiel impact d’usage d’un robot dans un espace public.
3La robotique est souvent divisée en deux catégories : la robotique industrielle et la robotique sociale. La première spécialise un robot destiné à être utilisé dans des applications d’automatisation industrielle (ISO, 2012), tandis que la seconde s’investit dans l’étude sur les robots avec lesquels chacun peut engager une interaction de manière personnelle, souvent comme un partenaire, dans des domaines variés tels que l’éducation, la santé, le travail collaboratif, et les tâches ménagères (Breazeal et al., 2016). La robotique sociale vise à développer un robot qui peut agir de manière sociale en le dotant de la capacité d’interagir et de communiquer de façon variée avec l’ensemble d’un public qui n’est pas spécialiste de la robotique. Un robot de service déployé dans un espace public (magasin, musée, aéroport, gare) pour des multiples fonctions, contribue à aider le commerçant, à renforcer la main d’œuvre, à informer le passant, à faciliter un accès, etc. On retrouve par exemple :
Le robot livreur qui transporte et distribue des marchandises des restaurants, des hôpitaux, des maisons de retraite, des hôtels. Il pallie la pénurie de main-d’œuvre et améliore l’efficacité car il est capable de travailler 24 heures sur 24.
Le robot guide qui fournit des informations ou aide à conduire des utilisateurs à un endroit demandé, en se déplaçant dans un espace partagé et en interagissant avec eux (Bartneck, 2020).
Le robot nettoyeur qui est bien connu aujourd’hui, grâce à la commercialisation à grande échelle d’un robot aspirateur à domicile. Un type similaire de petit robot de nettoyage mobile est notamment utilisé dans l’industrie hôtelière.
Le robot de sécurité qui surveille la criminalité et alerte les autorités humaines s’il détecte quelque chose de suspect dans différents endroits tant extérieurs qu’intérieurs (Bartneck, 2020).
Le transport routier de personnes qui mène vers un campus ou un aéroport, sous forme d’un véhicule ou une navette autonome. Ce type de robot véhicule soutient ou étend les systèmes de transport public traditionnels en fournissant des modes supplémentaires de mobilité partagée et en répondant au problème de gestion du premier et du dernier kilomètre du transport public (Jones, 2021).
4Le défi pour ces robots de service consiste à naviguer dans un environnement dynamique tout en tenant compte à la fois de la présence humaine (piétons, conducteurs de voiture, cyclistes) mais aussi des animaux des compagnie, et de l’aménagement des espaces dont le mobilier urbain. L’ingénierie robotique à l’usage public consiste à concevoir un système qui permet à une machine de capter des informations dans son environnement, réagir et prendre des décisions, puis se déplacer de manière autonome. Cela implique des domaines des techniques robotiques comme la locomotion, la perception, la cognition et la navigation (Rubio et al., 2019). L’étude de la locomotion se focalise sur le mécanisme, la cinématique, la dynamique et le contrôle qui génèrent la capacité de mouvement d’un robot d’un endroit à un autre. La perception s’inscrit dans le domaine de l’analyse des signaux et se spécialise dans la vision par ordinateur et la technologie de capteurs grâce auxquelles un robot peut ‘voir’ le monde extérieur. La cognition correspond à l’analyse des données d’entrée des capteurs du robot pour prendre les mesures correspondantes à son objectif. En tenant compte de ces techniques, un robot peut naviguer grâce à un algorithme de planification de son trajet et de localisation dans un environnement. S’ajoute à cela le cadre de la téléopération qui est un système autonome dépendant d’un opérateur humain. Les actions et les mouvements du robot sont générés par un opérateur à distance pour interagir physiquement avec des objets ou environnements et communiquer avec des personnes sur place (Melchiorri, 2013).
5Le secteur du service à la clientèle est un des domaines les plus prometteurs pour l’usage d’un robot dans un lieu public. Le « sekkyaku robotto » en langue japonaise désigne un robot de service à la clientèle utilisé dans la restauration, le commerce et la vente, ou l’hôtellerie en tant que serveur, vendeur ou réceptionniste.
6Au sein de l’Henn-na Hotel 3, un hôtel entièrement robotisé qui a été inauguré en 2015 dans un parc d’attractions Huis Ten Bosch (préfecture de Nagasaki), de nombreux robots travaillent de manière à ce que le client ne soit en interaction avec aucun humain lors de son séjour (Reis et al., 2020). Les robots réceptionnistes en forme humanoïde, zoomorphique, ou les hologrammes des figures de dessin animé japonais accueillent les clients, le robot porteur ; le robot nettoyeur et le robot concierge effectuent leur tâche à l’hôtel. Cette optimisation robotique vise à réduire le coût du personnel ainsi que celui de l’entretien et de l’énergie. Cela ne veut cependant pas dire que les employés humains n’existent pas. Ils travaillent dans les coulisses de l’hôtel à l’abri du regard des clients. Ils managent l’ensemble de la gestion de l’hôtel, complètent les tâches difficiles à accomplir pour le robot, et interviennent en cas de problème de communication entre le client et le robot. Le concept est original mais l’entreprise reconnaît que le service fourni par les robots, notamment par celui d’un robot réceptionniste, est loin d’être à la hauteur de l’hospitalité offerte par l’être humain car la capacité de communication et d’interaction du robot est limitée. Cependant, le robot peut servir et traiter des clients de façon uniforme et égale tandis que cela peut varier dans le cas d’êtres humains. L’hospitalité excessive qui est souvent demandée au personnel humain dans le domaine du service est ainsi exclue en cas de service effectué par le robot (Osawa et al., 2017). L’utilisation d’un tel robot contribuerait ainsi à atténuer une charge mentale et émotionnelle, autrement dit un « travail émotionnel » (Hochschild, 1985) par lequel le personnel contrôle et gère ses propres sentiments en face de clients exigeants, ce qui est beaucoup exercé dans ce que l’on nomme l’ « hospitality management ».
7La start-up japonaise Ory Laboratory entreprend un projet robotique innovant. La compagnie offre un robot avatar Orihime-D qui remplace la présence d’une personne par un robot humanoïde grâce à un système de téléopération. À partir de ses expériences d’enfance où il ne pouvait pas aller à l’école à cause de sa santé fragile, le fondateur de la start-up Kentaro Yoshifuji, a développé un projet pour intégrer les personnes hospitalisées ou isolées à cause de leur maladie ou de leur mobilité réduite. Expérimenté en 2018 dans un café, les robots avatars sont télécommandés depuis le domicile des personnes souffrant de sclérose latérale amyotrophique (une maladie qui paralyse le corps). Des robots appelés « pilotes », utilisent le mouvement de leurs yeux afin de manipuler leur remplaçant à distance qui servent les clients. En 2020, la chaîne de restauration rapide MOS Burger a expérimentalement introduit ce système inventé par Ory Laboratory. Le but était non seulement d’encourager l’intégration sociale des personnes handicapées physiques mais aussi de répondre à la mesure de la distanciation sociale exigée par la pandémie. L’aéroport d’Haneda met en place un robot humanoïde MORK, dont le système d’opération est similaire à celui de l’Orihime-D, qui réceptionne des passagers au bureau d’information. Le robot avatar, par le système de téléopération, semble prendre son essor pour fournir une solution alternative de communication sans contact et sans face-à-face dans le domaine du service à la clientèle.
8De même qu’un robot réceptionniste, l’aéroport d’Haneda a introduit un fauteuil roulant robotisé créé par la compagnie Whill, capable de chercher et transporter de manière autonome des passagers jusqu’à la porte d’embarquement. Ce dispositif gratuit peut répondre au manque de main-d’œuvre et aussi à la forte demande de service résultant de l’augmentation du nombre d’utilisateurs âgés. Le robot contribue aussi à la distanciation sociale car il ne nécessite pas d’accompagnant. Dans le même aéroport, un robot de diffuseur de désinfectants CL024 a également été mis en place en 2020. Il intègre un système de SLAM (Simultaneous Localization and Mapping) qui lui permet de construire une cartographie de son environnement et de se localiser. Il peut ainsi indépendamment se déplacer dans l’espace de l’aéroport. Plusieurs robots avec des fonctionnalités différentes sont déployés à titre expérimental à Haneda Innovation City, un complexe de commerces et de bureaux connectés directement à l’aéroport. Les robots de logistique et de transport des marchandises ainsi que des personnes y circulent d’un site à l’autre.
9Le secteur de la santé publique est un des domaines majeurs pour le développement du robot au Japon. Les ministères japonais de l’économie et de la santé définissent ensemble six domaines prioritaires pour maintenir l’autonomie des personnes âgées grâce à l’assistance robotique (ministère de l’économie et ministère de la santé, 2012). Cela inclut :
L’aide au soulèvement pour les soignants
L’aide à la mobilité des personnes âgées
L’aide aux toilettes
Le système de surveillance et de communication
L’aide pour prendre les bains
Le système de collecte des informations et du traitement des données.
10En 2020, afin d’accélérer le développement à l’implémentation des robots d’assistance dans le secteur, le ministère de la santé établit des bureaux de consultation sur 11 sites du Japon et un laboratoire expérimental réparti sur 6 sites dans le pays (Bureau pour le développement et la promotion des robots de soins des personnes âgées, 2020). En outre, le développement de robots d’accompagnement des patients et des personnes âgées est aussi fortement attendu en matière de divertissement, réadaptation, ou communication à distance avec la famille.
11Les robots de service dans l’espace public sont de plus en plus acceptés au Japon mais leur application reste encore, pour la plupart, au stade de l’expérience. Sa place dans le quotidien n’est toujours pas évidente. Il s’avère que la robotique sociale rencontre une difficulté de commercialisation. Par exemple, les robots d’assistance à domicile tels qu’Anki, Jibo et Kuri, vendus entre 500 et 900 $US, ont cessé leur production et quitté le marché. Cet échec provient de multiples causes, telles que le manque de besoin réel, l’immaturité du développement technologique conduisant à des expériences insatisfaisantes pour l’utilisateur, ou bien encore l’écart entre la promesse excessive du produit et sa capacité réelle. Hoffman (2019) souligne qu'en l'absence de certains éléments incitant à prolonger l'usage d'un robot à long terme, se pose la question de leur longévité et donc de leur obsolescence.
12Une étude ethnographique a permis d’observer les attitudes des passagers vis-à-vis du robot humanoïde Pepper, installé sur l’espace service client à la gare de Stockholm (Thunberg et Ziemke, 2020) afin qu’il réponde aux questions des passagers sous la forme d’une peuvent communication verbale (chatbot). Une catégorisation des comportements a été établie à partir de quatre situations identifiées : « inaccoutumé », « souci et peur », « connexion émotionnelle » et « divertissement ». Tout d’abord, les passagers, attirés par l’écran d’une tablette attachée au robot, vont immédiatement aller la toucher, c’est le syndrome pointer finger, au lieu de communiquer verbalement avec le robot. De même, beaucoup de passagers n’ont pas compris que Pepper était un robot mais pensaient qu’il s’agissait d’un distributeur de numéro pour la file d’attente. Les chercheurs ont également observé que certains passagers sont soucieux de la sécurité des données personnelles que le robot pourrait collecter et garder, d’autres anthropomorphisent le robot et éprouvent une connexion émotionnelle avec lui, ou bien considèrent le robot comme un outil de divertissement sans pour autant lui octroyer un usage fonctionnel. L’étude conclut ainsi que la véritable fonctionnalité du robot a été difficilement identifiée par les passagers de la gare. De nombreux aspects sur l’introduction d’un robot de service dans l’espace public, mais plus globalement d’un robot social, demeurent actuellement méconnus. Aussi se pose la question de savoir de quoi faut-il tenir compte pour progresser dans ce domaine de la robotique sociale ?
13Six axes de recherche sur la robotique dans l’espace public sont ici proposés, sous la forme de pistes à explorer.
14L’aspect d’ingénierie est bien évidemment primordial pour l’avancée du domaine de la robotique dans l’espace public. Il est important de développer davantage les capacités d’un robot pour qu’il puisse comprendre son environnement et repérer sa localisation non seulement pour se déplacer librement, mais aussi pour pouvoir partager l’espace avec les autres agents mobiles tels que les personnes, les animaux de compagnie ou bien les autres robots. Le système de téléopération serait aussi une des méthodes prometteuses.
15Augmenter la capacité de communication d’un robot avec un être humain est un des plus grands défis dans le domaine de l’étude de l’interaction homme-robot. Concevoir des modes de communication efficaces et adéquats pour interagir de manière naturelle et intuitive (Bartneck, 2020) repose essentiellement sur la question de la communication verbale et non-verbale, l’usage d’un espace personnel appelé kinésique (Birdwhistell, 1970) et le design d’un robot. Le concept de l’affordance (Norman, 1988) est une référence pour l’étude de l’interaction homme-machine. Il porte sur la relation entre les propriétés d’un objet et les capacités de l’utilisateur qui définit comment l’objet pourrait être utilisé. Les caractéristiques sensorielles d’un objet comme la forme, la couleur et le matériau, peuvent susciter intuitivement sa fonctionnalité et son utilisation possible pour les utilisateurs et définir la possibilité d’interaction entre l’utilisateur et l’objet. Il est ainsi indispensable de bien concevoir l’apparence d’un robot telles que sa forme et sa matérialité afin de faciliter la compréhension de la fonction d’un robot par les usagers, et ainsi permettre l’interaction.
16Il serait préférable de définir les espaces de l’utilisation des robots et créer alors une classification. Le terme « espace public » est encore utilisé de manière globale dans le domaine de la robotique. L’usage d’un robot dans un espace ouvert comme un parc ou bien dans un espace semi-ouvert comme un restaurant où se trouvent uniquement des clients, amène à s’interroger différemment à propos de la fonction d’un robot. La fonctionnalité, l’autonomie et le mode de communication d’un robot peuvent varier selon les caractéristiques du lieu concerné. Il serait ainsi bénéfique de borner des espaces d’application et de les catégoriser. La méthode du marketing territorial proposée par Vincent Gollain (2020) peut être particulièrement utile non seulement pour définir l’efficacité des robots mais aussi pour augmenter l’attractivité et la convivialité des espaces.
17La question de l’identification par les passants de l’appartenance du robot lorsqu’il se déplace dans l’espace public est ici posée. L’évidence sur la propriété d’une telle machine dans un lieu ouvert permettrait d’intervenir rapidement en cas d’accident éventuel. La question du vandalisme doit être également prise en compte en cas d’utilisation par de nombreuses personnes anonymes afin d’éviter que le robot ne soit volé ou abîmé trop vite. Un système de contrôle qui protège fait partie de de l’approche marketing public d’un tel service.
18Le contexte d’implémentation d’un robot afin de faciliter sa présence, son utilisation et l’interaction proposée dans la vie quotidienne, montre que tous les lieux ne se valent pas. La mise en place d’un robot de service dans des lieux comme l’aéroport international qui est un espace cosmopolite et de transit ou bien encore un lieu comme Haneda Innovation City qui est un complexe futuriste, serait plus favorable à l’implémentation de nouvelles technologies car le caractère particulier des lieux correspondrait à ce que l’image d’un robot offre dans l’imaginaire. La mise en scène des robots dans la vie quotidienne peut renforcer l’acceptabilité sociale dans cette époque actuelle.
19Le robot est conçu et fabriqué pour être appliqué à l’environnement tel qu’il est mais des réaménagements peuvent faciliter son utilisation. Au Japon, un phénomène appelé « runbaraizu (roombalize) » signifie que l’utilisateur d’un aspirateur autonome Roomba doit ranger la chambre pour que le robot puisse réaliser aisément sa tâche. Lors de la construction d’une maison, l’aménagement peut être conçu pour l’usage d’un tel robot ménager. Dès lors, le cadre environnemental compte tout autant que la compétence du robot.
20Pour que le robot soit mieux accepté par ses utilisateurs et participe positivement à la construction sociale des lieux, une des approches de l’étude de l’interaction homme-machine centré sur l’utilisateur s’appelle « human-centered design ». Cette méthode focalise les propriétés humaines telles que les besoins, les capacités, les perceptions, les traits psychologiques, les limitations, et l’environnement dans lequel un produit est utilisé, comme autant de priorités dans la recherche. Une approche centrée sur la société « society-centered approach » (Abe, 2022) peut tout à fait recouvrir la même importance dans la mesure où le développement d’une certaine technologie est fortement lié aux problèmes spécifiques de la société. Ces deux approches contribuent à examiner l’impact positif et négatif de l’implémentation d’un robot sur l’expérience dans l’espace et la perception d’un lieu. Le robot de service participe fortement à la construction du sens des lieux par sa nouveauté d’ordre technologique ainsi qu’une nouvelle pratique de service. Le champ d’étude sur le sujet du robot de service dans l’espace public reste relativement jeune, qui doit être développé par une collaboration interdisciplinaire.
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1 Le gouvernement japonais appelle son pays « Kadai Senshin Koku » qui signifie « un pays développé avec des défis nouveaux ». Ces défis désignent la baisse du taux de natalité, le vieillissement de la population, infrastructure vieillissante, problèmes environnementaux, etc. qui se répandent dans des pays développés. Le terme a été pour la première fois utilisé par le ministre Yoshihiko Noda lors du sommet de la coopération économique pour l’Aise-Pacifique en 2011.
2 Cela inclut Intelligence Artificielle, Blockchain, la technologie sur l’Open Source, la télémédecine, l’impression 3D, la technologie sur l’édition génomique, la nanotechnologie, la biologie de synthèse, les drones, et la robotique.
3 « Henn-na Hotel » signifie littéralement « un hôtel étrange » en japonais, mais aussi « un hôtel du changement » selon la compagnie de l’hôtel.
4 Il a été fabriqué par la compagnie japonaise Cyberdyne (Cyberdyne, 2020), mondialement connue pour son produit HAL (Hybrid Assistive Limb), un exosquelette intelligent pour l’aide à la mobilité personnelle.
Naoko Abe, « Le robot de service dans l’espace public à travers quelques cas au Japon » dans © Revue Marketing Territorial, 10 / hiver 2023
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=880.
Chercheuse associée à l’université de Sydney (Australie) depuis 2018, Naoko Abe est docteure en sociologie de l’EHESS. Spécialisée dans l'interaction sociale et le mouvement humain, ses recherches relient la robotique et l’urbanisme. Sa thèse s’est déroulée en coopération avec la RATP.
Dans le cadre d’une meilleure traduction francophone, Charles-Edouard Houllier-Guibert a contribué à la relecture et l’amélioration du texte.