Un visage alternatif de la vie théâtrale à Bordeaux : lieux de spectacle utopiques à la fin du xviiie siècle

Louise de Sédouy


Texte intégral

1L’étude des lieux de spectacle offre un vaste champ de recherche pour qui s’attache à la matérialité des spectacles. L’emplacement géographique de ces bâtiments dans les villes est révélateur de l’importance donnée à la vie théâtrale dans une cité donnée ; certains établissements sont établis dans des centres urbains névralgiques, à la croisée des grands axes de passage et de commerce, quand d’autres lieux sont construits en périphérie. Ces stratégies de localisation, souvent dépendantes de facteurs économiques ou politiques, mettent également en évidence des lieux de grande envergure ou des places fortes, alors dédiées aux plaisirs et aux loisirs ; à Bordeaux, c’est le cas par exemple de la place des Quinconces, où se succèdent, depuis le début du xixe siècle, de nombreux espaces de spectacle (Taillard, 1989).

2L’enveloppe extérieure d’un théâtre témoigne en général des mouvements architecturaux de son temps et permet au chercheur de comprendre certains enjeux de divertissements. L’étude de l’architecture du Casino des Quinconces (1893-1936) permet par exemple d’envisager que le public y vient, non pas uniquement pour les revues à grand spectacle qu’on y donne, mais aussi pour apprécier son ambiance ou les dernières inventions à la mode. En 1893, le journal La Petite Gironde évoque par exemple une scène en plein air, assortie d’un kiosque à musique militaire, et surtout éclairée à la lumière électrique, invention moderne qui fait fureur et qui fait spectacle1. Les espaces, tant la scène que la salle, les loges, les magasins de décors ou les halls d’entrées, offrent une matière à analyser, révélant notamment le contexte spatial des œuvres jouées, mais aussi les usages sociaux de bâtiments théâtraux. Des espaces qu’il s’agit de comprendre par diverses méthodes et outils, dans un but scientifique, comme Paul François le délimite très bien dans sa thèse :

« Restituer ces espaces est loin d’être anecdotique. À l’échelle urbaine, cela permet de mieux appréhender la compétition entre ces différents théâtres qui devaient séduire les potentiels spectateurs, mais aussi la relation entre les lieux de vente, les lieux de spectacle. À l’échelle des théâtres, cela permet de renseigner de manière inédite les conditions matérielles de la représentation » (François, 2021).

3Parmi tous ces lieux, nombre d’entre eux sont restés à l’état de projet et n’ont pas été réalisés, pour des raisons financières ou politiques : il s’agit d’une part de lieux utopiques. Yann Rocher recense et présente quatre-vingt-dix projets de salles de spectacles dans son ouvrage Théâtres en utopie, qui couvre une période allant de l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui). D’autre part, il s’agit de projets avortés, qui, eux, laissent plus de traces. Ces projets sont en général à l’initiative d’architectes isolés ou sont des réponses à des concours pour la plupart du temps irréalisables. C’est là l’un des sens premiers d’« utopique ». Une tendance utopiste se développe particulièrement à la fin du xviiie siècle, dans plusieurs domaines, des romans de fiction jusqu’à la construction de bâtiments. Étymologiquement, l’utopie appartient au domaine des espaces : le mot est construit à partir du grec ou, qui signifie non, et topos, qui signifie lieu, c’est-à-dire le non-lieu, le lieu qui n’existe pas. Et toutes les utopies, voire les dystopies, ont en cela de commun que leur conception passe par la production d’images. La création de lieux de spectacles n’échappe pas à cette règle : c’est sur elles que le chercheur peut principalement se baser, à défaut d’autres sources (Clavel, 2021). De ces lieux illusoires ne restent malheureusement que peu d’autres traces ; en effet, les projets non concrétisés ne laissent ni études approfondies d’ingénieurs, ni correspondance, ni même encore de livrets de comptes. Ils ne demeurent plus que dans un ou deux plans, ou dans quelques rares élévations, perdues dans les archives.

4S’ils n’ont pas été bâtis, s’ils n’ont pas existé ailleurs que sur quelques plans et dans la tête de leur concepteur, quel est alors l’intérêt de les étudier aujourd’hui ? Pourquoi est-il utile de s’intéresser à des projets qui semblent inconcevables en leur temps ? Comment nous aident-ils à appréhender les tendances architecturales et parfois les pratiques et les usages sociaux de leur époque ? Et quel autre visage Bordeaux aurait-elle pu avoir si ces édifices avaient vu le jour ? Autant de questions qui se posent lorsqu’il s’agit de s’intéresser aux cas de deux projets bordelais, celui de Louis Combes (1778) et celui d’Alexis-Honoré Roché (1793).

Penser plus grand, penser plus haut : enquête sur deux lieux de spectacle audacieux

5À la fin du xviiie siècle, à une époque de grands changements urbains pour Bordeaux, plusieurs édifices théâtraux sont pensés et dessinés dans divers contextes ; une partie d’entre eux demeure irréalisée. C’est le cas d’un théâtre imaginé en 1793 par A.-H. Roché, mais aussi d’un projet de L. Combes, en 1778, qu’il présente pour un concours au tout début de sa carrière. Deux projets ambitieux, difficiles à concrétiser pour des raisons certainement différentes.

6La Bibliothèque Municipale de Bordeaux comporte dans ses réserves un ensemble de plans d’un projet urbain, imaginé par Louis Combes en 17782. Ce projet va au-delà d’une unique salle de spectacle, il s’agit ici d’un wauxhall, espace hybride imposant dédié à la flânerie, aux jeux et aux plaisirs. Ce type de lieux, importé d’Angleterre, apparaît en France dans la seconde moitié du xviiie siècle, suite à la multiplication de formes spectaculaires hybrides. Ces espaces, destinés à toutes les couches de la société, sont de grands complexes de loisirs et de plaisirs (on y trouve des salles de bal, de spectacle, de concert, de parade, des jeux de bague ou de boule, des jardins, galeries, fontaines...) mais aussi des espaces commerciaux (multiples boutiques et échoppes, espaces de restauration et buvettes...). Le Wauxhall dessiné par Combes se compose en grande partie de jardins, d’espaces verts, de longues rangées d’arbres ou de colonnades, de fontaines et de quelques bâtiments clos. Le tout légèrement surélevé, accessible par de grands escaliers et donnant sur la Garonne. Les deux versions du projet comportent quelques similitudes mais se différencient par de nombreux points : la version 159/44 (fig. 1 gauche) comprend par exemple moins de bâtiments clos. Parmi eux, figurent cependant deux théâtres quasi similaires (fig. 1 droite).

Figure 1. Wauxhall de L. Combes, version 159/44 et un agrandissement du Théâtre

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Elle est constituée de 7 cercles concentriques de verdure et de galeries (ouvertes et fermées), encadrés d’une enceinte carrée. Sur ce plan, aux quatre coins de la structure, entre le 2e et le 3e plus grand cercle, figurent 4 établissements clos.

7La version 159/43 (fig. 2 haut) compte deux salles de spectacle, un théâtre et ce qui ressemble à un cirque. Cette version est celle pour laquelle Combes décide de dessiner une élévation (fig. 2 bas) et c’est à partir d’elle que nous baserons nos suppositions suivantes.

Figure 2. Wauxhall de L. Combes, version 159/43 et son élévation del. carton 159/42

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8Si aucune échelle n’est donnée sur ce jeu de plans, on peut cependant émettre plusieurs hypothèses : premièrement, on peut estimer la hauteur du bâtiment central à une vingtaine de mètres (soit la taille de la façade principale du Grand Théâtre, dont la construction est déjà bien avancée en 1778 : même époque, même type de colonnade, surmontée de statues monumentales similaires, un rapprochement prudent peut s’imaginer). De ce fait, par un rapport d’échelle3, et avec toute la précaution nécessaire quant à ces mesures hypothétiques, il est possible d’estimer ce bâtiment principal à presque 200 mètres de diamètre. Un lieu conçu pour impressionner par ses dimensions et ses espaces, comme par ses ornements. Les deux digues descendant vers la Garonne en sont également un très bon exemple : gardées par deux ensembles de statues disposées sur l’eau, puis par quatre sphinx (peut-être des lions), il est facile de se représenter que les entrées par le fleuve devaient faire sensation. Les quatre bâtiments disposés aux coins du plan, qui auraient dû abriter les deux lieux de spectacle, mesureraient quant à eux entre 35 et 40 mètres de côtés (en comparaison, l’actuel Grand Théâtre mesure 88 mètres sur 47). Des établissements de taille raisonnable et bien plus modeste que celui de Roché, certainement destinés à des spectacles de moins grande ampleur. Mais les dimensions les plus impressionnantes seraient certainement celles de l’esplanade complète : autour de 600 mètres de côté. Une structure imposante, prévue pour l’espace des Quinconces, où trône encore à cette époque le Château Trompette : « à partir de 1770, il devient flagrant que les inconvénients causés par l’inutile forteresse la condamnent à disparaître » (Coustet et Saboya, 2000). Le bâtiment ne sera cependant jamais construit, pour des raisons que nous ignorons. Proposé dans le cadre d’un concours d’émulation, il est envisageable que le projet de Combes n’ait pas satisfait ses évaluateurs. Reste aussi la possibilité que ce projet soit conçu, dès ses premières esquisses, comme un lieu véritablement utopique, pensé comme un exercice de sa formation, pensé pour ne pas être créé :

« De tels édifices, délibérément invivables ? Ont-ils jamais été conçus pour se trouver un jour réalisés ? La notice consacrée à l’œuvre de Combes distingue, à juste titre, les deux courants entrelacés mais rarement confondus dans sa carrière créatrice : “architecte de dessin et architecte bâtisseur” » (Suffran, 1997).

9En leur temps, ces salles auraient eu un impact considérable sur la vie théâtrale bordelaise : les salles du Wauxhall, espaces hybrides particulièrement en vogue dans ces années-là (Beaucé et Triolaire, 2017), auraient permis de donner des spectacles à plus petite échelle que ceux qui seront joués au Grand Théâtre par la suite. De « petits spectacles » sont déjà donnés à la Foire, qui se situe, jusqu’en 1831, sur la place Royale (actuelle place de la Bourse), avant de s’installer sur la place des Quinconces. Mais ces espaces forains sont réduits, éphémères, construits pour quelques semaines, et en général de mauvaise fortune. Les salles de Combes auraient peut-être offert des conditions de développement plus favorables à ces spectacles jugés mineurs, et auraient pu aider à leur émancipation à travers le temps. Si l’esplanade des Quinconces avait été aménagée avec les jardins et les bâtiments de Louis Combes, les foires marchandes ne se seraient peut-être pas déplacées dessus. Habités par des théâtres fixes ou luxueux, il est alors à parier que les Quinconces d’aujourd’hui n’auraient pas le même visage, empreints d’une aura commerciale et de divertissement directement héritée des Foires des xviiie et xixe siècles.

10La Bibliothèque municipale de Bordeaux conserve également trace du projet de l’architecte Roché, sous forme d’un unique plan à deux feuillets. Le document présente le plan d’un bâtiment vu du dessus (fig. 3) et comporte également un feuillet accolé en son centre, qui, une fois rabattu, présente une seconde version de la salle et des vestibules.

Figure 3. Plan du Théâtre de Roché, 1793, Bordeaux, Bibliothèque municipale - Delpit 26/8

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11Ce théâtre est pensé pour un emplacement stratégique dans la cité : au bas du plan est indiqué « allées du Jardin Public ». À son ouverture en 1756, le Jardin Public, nouvel espace de verdure et de fontaines, est idéalement placé d’un point de vue commercial et social, comme le souligne Jean-Pierre Bériac :

« L’emplacement choisi pour son installation le situe au contact d’un nouvel accroissement urbain, les Chartrons, quartier de la bourgeoisie du négoce. […] Cette création revêt donc un sens social très marqué. Le règlement du jardin le confirme puisqu’il en interdit l’accès aux gens de livrée, porteurs de chaises, et mendiants. Rien de commun, non plus, avec nos jardins publics contemporains, largement ouverts aux enfants, il y est interdit ”de jouer aucune espèce de jeux, comme la paume, le volant, la clef, sous les péristilles ou ailleurs”4. Resterait, bien sûr, à connaître comment on l’appliquait » (Bériac, 1989).

12La situation du Jardin Public est donc bien loin de préoccupations théâtrales, mais en 1793, lorsque Roché conçoit son plan, les mentalités et les réglementations ont changé, et dans les jardins privés comme publics, « on bascule du jardin, verger, potager au jardin de plaisance »5. À la veille de la Révolution, tantôt abandonné aux malfrats ou aux prostituées, tantôt exploité comme lieu de rassemblement politique, le jardin est en période de transition. L’espace est alors propice aux rêveries et le projet de Roché est annonciateur de la destination que prendra le jardin au siècle suivant : un lieu de grands croisements, grandiose et éclatant, dédié aux loisirs, aux plaisirs, à la détente. Des usages qui s’inscrivent directement dans le prolongement du quartier Tourny, où l’activité théâtrale est particulièrement prolifique depuis de nombreuses années. Ce plan présente l’avantage d’être doté d’une échelle et de plusieurs mesures, mais sa véritable originalité réside dans de petits dessins, crayonnés sur la droite et en bas du document. Certains, à peine visibles à l’œil nu, semblent avoir été ajoutés en brouillons ; on y voit, là encore, un schéma de la salle vue du dessus, mais aussi une vue en perspective de la scène depuis la salle, et d’autres griffonnages non-identifiables. Ces ajouts permettent, à partir d’un seul document, de visualiser plus clairement les idées de l’architecte. Enfin, le dessin le plus travaillé (à l’aquarelle semble-t-il, avec quelques ombres, voir fig. 4) est une représentation de la façade du bâtiment vue de l’extérieur, avec son « Grand Péristyle à couvert » et une série de dix colonnes. Par un rapport d’échelle, il est possible d’estimer l’élévation totale du bâtiment à environ 70 mètres de haut.

Figure 4. Élévation dessinée par Roché en bas à droite de son plan

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13Cette hauteur considérable permet d’imaginer que l’architecte prévoyait d’y donner des pièces à grand spectacle, avec une machinerie et une cage de scène imposantes. Toutes les hypothèses restent cependant ouvertes sur ce type de spectacles, dont il n’est fait mention nulle part sur le plan de Roché. De même, il semblait prévoir a minima quatre étages de galeries, un facteur supplémentaire pour justifier une telle hauteur. Malgré cela, la hauteur de ce bâtiment de 57 mètres (jusqu’au haut de la coupole, sans la statue), paraît démesurée. À titre de comparaison, le Grand Théâtre culmine seulement à une trentaine de mètres au-dessus du sol (sans compter les dessous de scène). Techniquement parlant, il est possible à la fin du xviiie siècle, de construire une coupole si haute6, mais il est étonnant d’imaginer de telles dimensions pour un théâtre. Ce type d’architecture est représentatif des volontés d’élévation de l’époque néo-classique, mais ce genre de coupole est plutôt dessiné pour des musées, des palais, ou des bâtiments religieux, que pour des théâtres. Le Panthéon de Paris, par exemple, construit de 1764 à 1790, 110 m de long pour 82 m de large, est surmonté d’un dôme haut de 83 m (laïcisé par la suite pour être dédié aux « grands hommes »). Ou encore l’église Sainte Geneviève à Paris, pour laquelle Pierre Patte précise :

« Une coupole étant d’ordinaire un morceau de décoration destiné à faire l’ornement d’une ville et à annoncer de loin sa magnificence, la forme n’en saurait être absolument arbitraire ; et ce n’est qu’autant que l’on parvient à lui donner un aspect gracieux sans sortir du caractère convenable à sa destination, c’est-à-dire un temple, que l’on réussit » (Patte, p. 8, 1770).

14Les dimensions de ce théâtre sont peut-être cause de sa non-construction, de par la non-adéquation entre son architecture et sa fonction, mais aussi certainement pour le coût qu’une telle bâtisse demanderait. Autant de raisons qui, dès lors, participent à le qualifier d’utopique. Un projet irréalisable en l’état également parce qu’il est trop peu approfondi : les deux feuillets de cet unique plan indiquent peut-être que Roché n’a pas étudié son projet assez longtemps pour en choisir une seule version, la plus efficace ou souhaitable7. S’ajoutent certainement à cela des raisons politiques : un bâtiment de cette envergure, prévu pour un emplacement si stratégique dans la ville (le Jardin Public, lieu de croisement touristique, commercial et de divertissement) demanderait pour sa construction un soutien de la cité ou de l’Etat. Or, à notre connaissance, il n’existe aucune trace d’échanges avec les institutions à propos de l’éventuelle construction du Théâtre de Roché. Malgré cela, Roché poursuivra ses explorations en matière d’architecture théâtrale, puisqu’il dessinera plus tard au moins deux autres théâtres, en 1816 et en 1821, dont la Bibliothèque municipale de Bordeaux conserve également des exemplaires, mais dont l’emplacement dans la ville n’est pas précisé.

15Les deux architectes imaginent donc des structures susceptibles d’impressionner par une image extérieure prestigieuse, ou inédite pour des théâtres, qui contrastent pourtant avec un type de salle intérieure plus conforme. Ces lieux, le théâtre que Roché dessine en 1793 et le projet de Combes en 1778, auraient certainement participé au rayonnement de la ville de Bordeaux, à travers ses arts et sa culture. Ils sont aussi l’occasion de visualiser un visage alternatif de Bordeaux. Ces deux projets ouvrent la porte à une multitude d’hypothèses et il est intéressant de se demander ce que la construction de ces lieux aurait changé. Mais au-delà de ces questionnements, ces structures utopiques nous renseignent sur les tendances architecturales et les tendances des usages d’une époque. Depuis les années 1760-70, les wauxhalls fleurissent en France : l’architecte Lenoir propose vraisemblablement le premier wauxhall français, à Bordeaux même, quelques années plus tôt, fin 17688, il est aussi l’auteur du Wauxhall d’hiver de la Foire Saint-Germain, construit à Paris en 1769. Le wauxhall de Combes se serait ainsi inscrit dans la directe lignée de cet engouement pour les espaces hybrides de divertissement. Les bâtiments utopiques mettent donc en évidence la manière dont leurs concepteurs sont sensibles aux loisirs en vogue, parfois même désireux d’outrepasser certains courants architecturaux d’une époque. Cette propension au rêve n’est cependant pas une tradition spécifique à la fin du xviiie siècle. Par la suite, d’autres projets sensationnels seront pensés pour Bordeaux, comme pour ailleurs. Cyprien-Alfred Duprat dessine par exemple en 1913 un « Cirque-Théâtre-Salle des fêtes », palais monumental destiné aux plaisirs bourgeois, prévu pour les allées d’Orléans, encore une fois sur la place des Quinconces. Cet édifice ne verra jamais le jour, tout comme, quelques années plus tard, dès 1936, le projet de Théâtre du Peuple de Roger Henri Expert, prévu pour accueillir plus de 5 000 spectateurs, place André Meunier. Mais les différentes politiques culturelles ont finalement orienté la ville vers d’autres horizons, vers d’autres constructions et n’ont pas permis de réaliser ces idées.

L’oubli et le prestige

16Les études sur les spectacles en province se développent progressivement depuis quelques décennies, mais peu d’entre elles portent sur des lieux qui ne laissent pas beaucoup de traces derrière eux. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que les projets utopiques ne fassent l’objet de presque aucune recherche. L’oubli est facilement justifiable pour les deux lieux utopiques décrits plus haut : ils sont demeurés, par définition, à l’état de projet de papier et très peu de gens ont vu leurs rares plans et esquisses. La projection de la construction de ces bâtiments permet pourtant d’interroger sur des possibles : le Château Trompette aurait-il été détruit plus tôt si Combes avait mené à bien son projet ? Le Grand-Théâtre aurait-il eu plus de difficultés économiques si le théâtre de Roché lui avait fait concurrence dans le Jardin Public ? Comment répondre à ces questions sans connaître l’existence de ces lieux de spectacle ? Comment évoquer des projets qui n’ont pas été construits, et qui n’ont certainement pas été diffusés à grande échelle ? Il est à supposer que seuls les ingénieurs, les architectes ou les juges des concours où ils ont été présentés en avaient connaissance. Dans le cas de Roché, il est fort probable qu’il n’ait pas même dépassé le cadre de son créateur. Si ces deux bâtisses avaient été construites, elles auraient indubitablement attiré l’œil, et leur postérité irait au-delà des recherches des historiens ou des architectes. Ces oublis questionnent aujourd’hui notre mémoire collective, sa transmission et sa sélectivité quant aux lieux de spectacles.

17Les théâtres utopiques ne sont pas les seuls à avoir été oubliés. Hormis le Grand Théâtre, qui a bénéficié d’un soutien institutionnel de visibilité (comme le théâtre Français lorsqu’ils ont obtenu le statut de théâtres officiels de Bordeaux en 1806, grâce au décret napoléonien), les établissements que les Bordelais fréquentent aujourd’hui ne sont plus les mêmes que ceux qui précèdent le début xxe siècle. Il est facile de constater que les lieux anciens de spectacle, parmi ceux qui ont perduré jusqu’à nous, ne bénéficient d’aucun prestige à nos yeux, quand ils n’ont pas été totalement oubliés. On se souvient uniquement des lieux remarquables par leur architecture (souvent néo-classique) et non des bâtiments qui se fondent dans la masse. C’est le cas par exemple du théâtre Molière, dont ne demeure plus aujourd’hui qu’une façade, rue du Mirail (l’intérieur est un garage appartenant à un particulier), totalement tombé dans l’oubli. Les bâtiments qui n’ont pas été démolis ont subi plusieurs mutations, jusqu’à devenir des cinémas, de grandes enseignes commerciales, des habitations… Dans la même démarche que pour les lieux utopiques, il eut été aussi utile de se demander pourquoi tant de lieux existants sont tombés dans l’oubli. Nous en avons pour le moment recensé plus d’une centaine pour Bordeaux (catalogue à paraître), depuis le début du xviiie siècle, jusque dans les années 1960-70. Parmi ces lieux, de nombreux ont aussi connu plusieurs mutations, parfois jusqu’à une dizaine de transformations en deux siècles. Ces espaces auraient pu être réhabilités et tout de même connus comme étant d’anciens lieux de théâtre, et pourtant ce n’est pas le cas. Qu’est-ce que ce constat nous dit de ces lieux de spectacles ? Peut-être, entre autres, que les bâtiments construits ne sont pas assez accrocheurs ou spécifiques pour attiser la curiosité des passants, on ne reconnaît pas toujours un théâtre à sa façade.

18Une configuration théâtrale différente dans Bordeaux aurait aussi donné une autre vision des quartiers dans la ville. L’exemple du quartier Saint-Paul est significatif : outre le Musée d’Aquitaine, le quartier est aujourd’hui majoritairement commercial, et ne compte que quelques lieux de spectacle privés. Si les théâtres de Mayeur et Molière avaient subsisté jusqu’à nous, cette zone serait riche de deux salles de spectacle supplémentaires, nombre significatif en regard du peu de théâtres présents dans ce quartier aujourd’hui. Qui plus est, si l’on tient compte des jauges de ces anciens théâtres (tab. 1), il semble évident que ces quartiers brasseraient aujourd’hui un nombre important de spectateurs. Ainsi la vie théâtrale du quartier Saint-Paul en serait d’autant plus active et son image serait sans doute plus tournée vers la culture que vers le commerce.

Tableau 1. Jauges de divers théâtres anciens et contemporains du quartier Saint-Paul à Bordeaux, comparés au Grand-Théâtre de Bordeaux

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19Enfin, cette méconnaissance de certains théâtres de province s’explique par une histoire politique. Le choix de Napoléon de ne valoriser qu’une ou deux troupes par ville de province (deux pour Bordeaux) a nécessairement établi une hiérarchie institutionnelle des lieux de spectacle, et de ce fait, influé sur leur postérité. Il a ainsi été préféré la mise en valeur de troupes et de lieux qui, en leur temps, mettaient en avant une culture principalement canonique, conventionnelle : le Théâtre Français et le Grand Théâtre, établissements aujourd’hui prestigieux, en opposition à des lieux oubliés comme le Théâtre Mayeur, ou le Théâtre Molière. Ces deux derniers lieux donnaient à voir, entre autres, des vaudevilles, des parades, des opéra-bouffons, des pantomimes, qui sont des pièces courtes, comiques ou légères, et aujourd’hui peu représentées sur nos scènes contemporaines, ce sont des formats oubliés. De nos jours, ces deux lieux ont été transformés respectivement en magasin et en garage de particulier, et ne sont aucunement valorisés par la ville (absence de plaque explicative ou de mise en valeur patrimoniale). Une hiérarchisation ancienne des lieux de spectacle, qui touche donc encore, dans une certaine mesure, le patrimoine bordelais. En plus d’une différenciation par les genres de spectacles qui y étaient donnés, l’implantation territoriale jouait et joue encore un rôle non-négligeable dans le prestige et la postérité des lieux de spectacle. Les édifices que l’on souhaite représentatifs de la ville et de sa culture sont mieux situés dans la cité, en général vers le centre ou des places à grand passage, près du fleuve. Cette volonté d’ériger une vitrine culturelle pour les étrangers, commerçants et autres touristes, résulte d’une politique d’ouverture et d’une volonté d’attraction de personnes extérieures. De ce fait, la valorisation des théâtres canoniques met en exergue, par contraste, des lieux plus à la marge, en périphérie ou en banlieue, parfois dans des quartiers plus populeux. Il est en tout cas certain que ces lieux écartés du centre, aux dimensions moins imposantes, sont et étaient plus dissimulés dans la ville, peut-être destinés à un public plus local. C’est l’exemple du Théâtre Napoléon9, actif entre 1865 et 1871, et d’une multitude de petits théâtres de poches perdus dans la ville.

Conclusion

20Pour des raisons parfois techniques, mais économiques ou politiques la plupart du temps, certains projets architecturaux de lieux de spectacle ne verront jamais le jour. Parmi ces projets avortés, il est utile de s’intéresser à des théâtres utopiques, puisqu’ils sont malgré tout des témoins de nos sociétés passées et présentes. Ces structures imaginaires sont comparables avec les lieux qui existent déjà à l’époque de leur concepteur : il est ainsi possible d’observer les tendances architecturales d’un temps donné. De même, il n’était pas rare que ces projets d’antan soient pensés pour être fort luxueux, selon certains à raison : « Une nation, un siècle qui ne sait pas pourvoir au luxe général des édifices, ne peut faire aucun progrès dans la carrière du bonheur social » (Fourier, 1849). Les utopies, dans leur sens large, ont pour but de convaincre qu’une autre forme de société est possible, il en va de même pour les théâtres :

« Si l’on comprend bien que les caractéristiques de l’habitat […] peuvent avoir une influence directe sur nos comportements humains et nos façons de vivre ensemble, alors la relation entre architecture et utopie apparaît évidente. Imaginer une société idéale, c’est donc d’abord imaginer l’architecture idéale d’un lieu »10.

21En s’inscrivant dans les modes de leur époque (espaces hybrides, grandes colonnades ou monuments aux dimensions prodigieuses) les deux architectes étudiés ici répondent à différents besoins : Combes tente d’apporter une solution pour combler un espace urbain vaste, dans un quartier en pleine expansion, sur l’esplanade où se dresse encore le Château Trompettes, devenu obsolète. Il répond également aux envies de la population la plus aisée, qui s’intéresse de près à la mode des wauxhalls. Quelques années plus tard, Roché s’inscrit dans une mouvance architecturale où les projets monumentaux de ce type se multiplient, à l’orée de la Révolution. L’emplacement qu’il prévoit pour son théâtre en aurait fait un projet stratégique, ouvert sur un pan nouveau de la ville et pourtant en directe concurrence avec le Grand Théâtre, et les autres théâtres du quartier. Ainsi, Alexis-Honoré Roché ou Louis Combes racontent sans le savoir, à travers la production d’images, des évolutions possibles de la société, de la ville et du théâtre. Ces bâtiments inconcevables témoignent des envies et des besoins de transformation à une période donnée, et ces lieux rêvés ne sont pas imaginés seuls : ils s’accompagnent toujours, selon Maïté Clavel, d’une « situation idéale ». Ces fictions architecturales décrivent toute une organisation artistique et sociale, souvent en contradiction avec ce qui existe déjà. Des modes de pensée innovants, qui se transmettent par l’espace et dont les objectifs sont divers : dans les deux cas étudiés, impressionner, mais aussi fournir un modèle différent de cadre de travail pour les artistes, ce qui aurait influencé la création et l’expérience du spectateur.

« En utopie comme dans les sociétés “concrètes”, les sociétés produisent les espaces dont elles estiment avoir besoin, et en retour, ceux-ci la caractérisent. L’organisation des espaces, les constructions, “parlent” des priorités, des valeurs, des hiérarchies de la société tout entière. Les formes, les volumes, les agencements utopiens traduisent une volonté de faire se correspondre deux aspects d’une même société : l’organisation collective et l’organisation spatiale » (Clavel, 2018).

22Aujourd’hui encore, il est parfois utopique d’entreprendre l’édification de bâtiments si somptueux et si grands, pour des raisons politiques et économiques, potentiellement similaires à celles de la fin du xviiie siècle. Dans ces cas, la valorisation des villes par les espaces culturels, semble être une moindre préoccupation des instances gouvernantes. Quelques structures monumentales demeurent néanmoins, mais sont rarement dédiées exclusivement au spectacle. Pensons ici, par exemple pour Bordeaux, à la récente construction de la Maison de l’Économie Créative et de la Culture en Aquitaine (MECA), un bâtiment imposant, œuvre architecturale, prévue pour faire rayonner la culture sur l’une des régions les plus grandes de France, et notamment la culture artistique. La Cité du Vin, construite quelques années auparavant, remplit ce rôle pour la culture vinicole et des caractéristiques similaires sont notables : architecture monumentale et remarquable, donnant sur le fleuve et de grands axes de circulation, budget conséquent (plus de 50 millions d’euros pour la MECA)... Autant de critères qui font de ces deux bâtiments des flagships culturels bordelais, à la fois “figure de proue” (Cusin, 2014) et symbole de l’image de la ville, à l’échelle nationale et internationale. Cependant, la MECA a été pensée non pas comme un lieu de diffusion artistique, mais comme un lieu de création et de support à la création, regroupant non plus uniquement des formes spectaculaires mais aussi plus largement, des formes artistiques (le FRAC, Fond Régional d’Art Contemporain et l’agence artistique ECLA, Ecrit, Cinéma, Livre, Audiovisuel). Il s’agit là d’une politique plus courante aujourd’hui : regrouper diverses disciplines et institutions dans un même lieu pour réduire les coûts, construire un seul bâtiment-vitrine, plutôt que trois. Cependant, aujourd’hui, la stratégie en matière d’architecture dédiée au spectacle reste la même qu’à la fin du xviiie siècle : construire grand, construire impressionnant, ouvrir sur le fleuve, pour que la culture rayonne loin.

Projet d’Expert, prévu pour être bâti sur la place André Meunier en 1936, plans conservés au Centre d'Archives de l'IFA, Fonds Expert, dossier 296 AA 20/9.

Bibliographie

BÉRIAC, Jean-Pierre, « Les jardins des Bordelais au xviiie siècle » In : Jardins et vergers : En Europe occidentale (viiie-xviiie siècles) [en ligne]. Toulouse : Presses universitaires du Midi, 1989.

BÉRIAC, Jean-Pierre, « Les jardins des Bordelais au xviiie siècle » In : Jardins et vergers : En Europe occidentale (viiie-xviiie siècles) [en ligne]. Toulouse : Presses universitaires du Midi, 1989.

BEAUCE Pauline et TRIOLAIRE Cyril, « Les Wauxhalls de province en France. Nouveaux espaces hybrides de divertissement et de spectacle d’une ville en mutation », Dix-huitième siècle, vol.49, n°1, 2017, pp.27-42.

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Archives

Projet de Louis Combes, 1778, Bibliothèque Municipale de Bordeaux, Fonds Jules Delpit, Del. Carton 159/42 à 159/44.

Projets de Alexis-Honoré Roché :

- 1793 : Projet de salle de spectacle sur les allées du Jardin Public, Del. Carton 26/8, Fonds Jules Delpit, Bibliothèque Municipale de Bordeaux, en ligne

- 1816 : Plan d'une salle de spectacle, Bordeaux le 6 juin 1816. Plume et lavis, 900 x 625 mm. Del. Carton 160/21, Fonds Delpit, Bibliothèque municipale de Bordeaux, en ligne

- 1821 : Esquisse du plan d'une grande salle de spectacle sur les inventions de celle de Naples (plan), Périgueux le 11 juin 1821. Plume et lavis, 778 x 600 mm. Del. Carton 160/20 (1), Fonds Delpit, Bibliothèque municipale de Bordeaux.

Projet de Théâtre-Cirque-Salle des Fêtes de Duprat, Fonds Cyprien Alfred-Duprat 11, 26 Fi 18 à 32, Archives Bordeaux Métropole, présentant encore une fois deux versions du projet.

Notes

1 Voir notre communication, « Les revues à Grand Spectacle du Casino des Quinconces au début du xxsiècle », présentée le 8 mars 2021 lors de la journée d’étude L’image de la star et le jeu d’acteur : interactions avec les pratiques du costume en Nouvelle-Aquitaine, Université Bordeaux Montaigne.

2 Dans le Fonds Jules Delpit, aux cotes Del. Carton 159/42 à 159/44, se trouvent plusieurs dessins sur papier, rehaussés de couleurs, plume et lavis : deux plans vus du dessus, qui présentent chacun une version différente du projet, ainsi qu’une élévation de l’une de ces versions.

3 Pour ces calculs, nous nous sommes appuyés sur la version du projet 159/43, puisque c’est la seule des deux dont Combes a dessiné une élévation.

4 Registre de la Jurade, t. 1, p. 155.

5 Idem.

6 Entre 1420 et 1436 se construisait par exemple la coupole de Santa Maria del Fiore, dite de Brunelleschi, à Florence, qui s’élève à plus de 54 mètres du sol.

7 À première vue, une rapide observation de son plan conclurait à deux étages différents pour les deux feuillets, mais il apparaît finalement évident que les deux espaces ne peuvent correspondre, ni par des escaliers, ni même dans leur structure. Il s’agit en réalité de deux versions incompatibles du rez-de-chaussée.

8 L’établissement commence à être construit, mais ne voit finalement jamais le jour.

9 C’est l’héritier du Théâtre Mayeur, situé sur le fossé des Carmes, actuel cours Victor Hugo.

10 Anonyme, « Utopies architecturales, entre rêve et réalité », L’Influx, 12 mai 2017 [en ligne]

Pour citer ce document

Louise de Sédouy, « Un visage alternatif de la vie théâtrale à Bordeaux : lieux de spectacle utopiques à la fin du xviiie siècle » dans © Revue Marketing Territorial, 9 / été 2022

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=854.

Quelques mots à propos de :  Louise de Sédouy

Doctorante contractuelle et monitrice en études théâtrales, Louise de Sédouy est aussi directrice artistique de la compagnie de théâtre 10 Secondes et des Brouettes, à Bordeaux. Sa thèse de recherche, dirigée par Sandrine Dubouilh et Pauline Beaucé, s’intitule « Une autre fabrique du spectacle en province : lieux [oubliés] et pratiques marginales. Le cas de bordeaux (XVIIIe-XXe siècles) ». Elle s’attache ainsi à proposer un contexte spatial à des performances, pour envisager leur création et parfois leur réception. Il s’agit ici d’envisager l’histoire du théâtre sous un autre angle en articulant les espaces oubliés (la scène, la salle, les bâtiments, leur emplacement dans la ville), avec les pièces qui y étaient données et les usages qui se développent autour de la représentation.