Le sens de la ville aux prises avec la recherche : essai de recension sémiotique

Lucile Berthomé et Didier Tsala-Effa


Résumés

Est-il possible de proposer une recension sur le sens de la ville ? Ce qui paraît incontestable, c’est que le sens de cette dernière, devenue phénomène urbain, est aujourd’hui plus que jamais incertain, tout devient insaisissable. Pour questionner le sens de la ville, il convient de voir quels niveaux de pertinence sont à l’œuvre dans cet objet. L’originalité de cette approche sémiotique est d’envisager la ville non uniquement dans sa matérialité, c’est-à-dire en tant que dotée d’une physicalité ou d’une physiologie, mais de manière syncrétique, à travers les pratiques évidentes qui suscitent sa part sensibilisée : d’un côté, pour la part phénoménologique, les manifestations de la ville en tant qu’événement ou en tant que fait perçu, de l’autre côté, pour la part conjoncturelle, la ville, en tant que concept à élaborer.

Is it possible to propose a review of the meaning of the city? What seems indisputable is that the meaning of the city, which has become an urban phenomenon, is now more uncertain than ever, and everything is becoming elusive. In order to question the meaning of the city, we need to see what levels of relevance are at work in this object. The originality of this semiotic approach is to consider the city not only in its materiality, that is to say, as endowed with a physicality or physiology, but in a syncretic way, through the obvious practices which give rise to its sensitised part: on the one hand, for the phenomenological part, the manifestations of the city as an event or as a perceived fact, and on the other hand, for the conjunctural part, the city as a concept to be developed.

Texte intégral

1La ville est un objet d’étude difficile à appréhender. A la croisée de plusieurs disciplines, elle semble renfermer un je ne sais quoi supplémentaire, à la fois perceptible et insaisissable, si bien qu’il n’y aurait d’autres possibilités de la décrire que de manière fragmentaire. Pourtant, un virage homogène semble être apparu dans les années 1970, avec la dialectique implosion / explosion théorisée par Lefebvre, à partir des hypothèses sur l’existence d’une urbanisation planétaire. Le philosophe réactive ainsi les thèses de la sociologie urbaine, engagée dans les années 1920 à partir de l’héritage marxiste, qui alerte sur le développement des villes comme source d’inégalités sociales (Durkheim, 1893, 1897 ; Weber, 19211 ; l’Ecole de Chicago, 1925). Il signale, pour le redouter, le danger de la mutation de la ville industrielle vers la ville urbanisée, sans limite : la mégalopole, la ville tentaculaire, faite d’artères, de foules et de fourmilières, annoncée par Perec (1974). Dès lors, tout se joue à la croisée de nombreuses disciplines qui, soit trouvent une dynamique nouvelle, soit rejoignent le mouvement pour interroger ce même sujet. Il s’agit de la géographie urbaine, de la géographie phénoménologique, de la psychologie de l’espace, de la sémiologie de l’espace, de l’urbanisme et de la ville du marketing notamment. Système complexe, la ville, désormais, « interdit toute définition statique et descriptive » (Bonello, 1996). Paradoxalement, ces disciplines se déploient au moment même où la littérature scientifique annonce, année après année, si ce n’est la complète disparition de la ville, du moins son total changement, sa dilution ou encore sa désintégration (Benali, 2006) au seul profit de l’urbain (Augé, 1992 ; Choay, 1994) : ville globale (Saskien,1991), ville urbaine (Augé, 1992 ; Choay, 1994), ville générique (Khoolas, 1995), après-ville (Jousse et Paquot, 2005), ville en réseau (Castels, 2009). En somme, tout devient insaisissable, incertain. Comme le note Lussault (1997), « partout monte et se déploie une plainte que les villes ne font plus sens ». À la suite des alertes de Lefebvre, ces disciplines, de façon plus pragmatique, s’orientent vers une saisie différenciée. Elles interrogent la ville non plus uniquement en tant que lieu générique, où l’on habite, circule, où l’on travaille et où l’on a des loisirs, soit les quatre fonctions formalisées par Le Corbusier dans La Charte d’Athènes2, mais bien comme un espace sensibilisé, a posteriori, par les humains. « Qu’est-ce que le cœur d’une ville ? l’âme d’une ville ? » s’interroge Perec (1974) ; notion remployée des années plus tard par Martouzet (2014) lorsqu’il développe le concept de « ville aimable3 » : « Les villes ont des odeurs, des couleurs, des ambiances, des tonalités, des résonances ; certains diraient que chacune à une âme... ».

2L’analyse de cette part sensibilisée, devenue partie intégrante des définissables de la ville, a donné lieu à une production scientifique plus qu’abondante, avec divers effets d’hétérogénéité. Difficile, évidemment, d’élaborer une bibliographie exhaustive des productions pour en cerner le fond éditorial complet. Mais difficile aussi de cartographier avec précision les thématiques ou les contenus multiples qui sous-tendent les partis pris effectifs de ces disciplines ; à coups sûrs, on en ferait trop, ou peut-être courrait-on aussi le risque d’en faire moins. Demeure toutefois la question de la recension de ces publications : comment procéder ?

3A bien considérer cette saisie différenciée, une fois la perspective fonctionnelle mise de côté, il convient de voir quels niveaux de pertinence sont à l’œuvre. L’originalité d’une telle approche reviendrait à envisager la ville non uniquement dans sa matérialité, c’est-à-dire en tant que dotée d’une physicalité ou d’une physiologie, mais de manière syncrétique, à travers les pratiques évidentes qui suscitent cette part sensibilisée. Il va de soi que ces pratiques sont multiples, a minima, en conformité avec les types d’expériences auxquelles la ville soumet désormais du fait de ses transformations. On peut le voir, ces expériences sont fondamentalement phénoménologiques, traduisibles donc par les odeurs, les couleurs, les ambiances, les tonalités, les résonances (Martouzet, 2014), mais aussi les affects (Feidel, 2010) : l’âme de la ville (Perec, 1974 ; Martouzet, 2014) en somme. Mais ces expériences peuvent être aussi strictement conjoncturelles, au gré d’interactions in situ ou calculées : c’est le cas les villes reconnaissables entre toutes. « Paris n’est pas Berlin, Tours n’est pas Marseille » (Martouzet, 2014).

4Cette typologie peut servir de base à un essai de recension : d’un côté, pour la part phénoménologique, les manifestations de la ville en tant qu’événement ou en tant que fait perçu, de l’autre côté, pour la part conjoncturelle, la ville, en tant que concept, à élaborer. Pour un sémioticien, le modèle qui vient à l’esprit est celui des plans d’immanence proposés par Jacques Fontanille (2006, 2008, 2015). Ce modèle aborde les niveaux de pertinence des formes signifiantes, en les inscrivant, par intégration à l’intérieur de diverses ontologies successives : les textes-énoncés, les objets, les scènes pratiques (expérience phénoménologique), les stratégies et les formes (expérience conjoncturelle), comme autant de plans d’immanence. Soit la représentation ci-après, proposée par Jacques Fontanille. Il nous paraît possible d’en déduire un système pertinent pour examiner la complexité du sens de la ville telle qu’envisagé par les différentes disciplines.

Tableau. La hiérarchie des plans d’immanence

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D’après Fontanille (2018) Niveaux de Pertinence et plans d’immanence in Pratiques sémiotique, pages 17 à 78.

1. La ville signe et texte

5Il s’agit de la ville métaphorisée et stylisée, celle envisagée par les écrivains (Sansot, 1971 ; Calvino, 1972 ; Perec, 1974, 1982 ; Gracq, 1975...), celle étudiée également par les sémiologues, les linguistiques et les théoriciens du sens (Barthes, 1967 ; Greimas, 1979 ; Mondada, 2000 ; Lamizet, 2007 ; Fontanille, 2008, 2014). En général, elle est abordée comme un dispositif énonciatif, parsemé de signes :

« La ville comme texte peut aussi relever d’une approche qui considère qu’elle se donne à voir comme un texte, qu’elle est construite, planifiée, régulée en étant parsemée de signes, et que le rapport que les usagers et citadins établissent avec la ville est un rapport de décodage (Lynch, 1960), ou bien de lecture interprétative voire de consommation spectaculaire (Zukin, 1995) » (Mondada, 2000, p.34)

6Deux modalités sont ici à l’œuvre. Elles traduisent les sémioses, c’est-à-dire les formes signifiantes, induites par l’interaction que les habitants ou usagers entretiennent avec la ville : opèrent-ils un décodage ou à l’inverse jouent-ils un rôle de générateurs de sens pour informer la ville ?

1.1. La ville à décoder

7Pour la première modalité, décoder la ville, c’est la considérer comme quelque chose d’autre, une présence latente, comme un lieu composé de virtualités. Nous retrouvons ici la ville avec “un supplément d’âme” (Perec, 1974). De ce point de vue, celui qui parcourt la ville est un lecteur modèle (Eco, 1985). Il la vit comme définitivement construite, faite de multiples signifiés, un « étant », un modèle ou une forme schématique à reconnaître. C’est alors sa compétence de lecteur, c’est-à-dire sa capacité à actualiser ces virtualités qui est sollicitée. En l’occurrence, on comprend pourquoi il est parfois difficile de caractériser les signifiés d’une ville. Ces signifiés sont instables (Barthes, 1967) et hétérogènes, il faudrait une encyclopédie (Eco, 1985) au lecteur pour lui permettre de décoder les virtualités d’un espace collectif déjà institué. C’est la ville résiduelle faite de réminiscences d’actes passés ou d’une mémoire collective partagée (Sansot, 1971, p.41).

« Certes un paysage n’existe que dans un échange vivant avec ceux qui l’habitent et la vivent comme une totalité. Mais d’où vient cette vie ? N’appartient-elle pas d’abord et en propre, au paysage lui-même qui communique son génie à ceux qui le fréquentent ? » (Sansot, 1983, p.70).

1.2. La ville à sémantiser

8Il en est tout autrement de la deuxième modalité. Celle des signifiants disponibles, qui attendent, car, dira Barthes (1967), si « les signifiés passent, les signifiants demeurent ». En d’autres termes, si la ville existe, c’est dans la mesure où elle met à disposition le nécessaire pour y faire des choses : c’est la ville définie pour susciter une performance. Quant à ceux qui la pratiquent, ils l’envisagent d’abord comme espace d’accueil ; ce sont des lecteurs-usagers. Fabbri (in Hammad, 2013) illustre ce processus à travers une métaphore qu’il emprunte au jeu du Tarot : la ville, à la manière de ce jeu, serait un paradigme aux multiples chaînes syntagmatiques, se composant et se recomposant, « à chaque instant, par les pas de ses habitants » (Sansot, 1971, p.136) qui, en la « martelant », lui donneraient sa forme et son sens.

9La ville est perpétuellement resémantisée et réappropriée par des pratiques distinctes : la stratégie, « de l’ordre du contrôle » incarnée par les organisations urbanistiques de la ville politique ; et la tactique, « les relectures et les réappropriations quotidiennes » (Certeau et al., 1990 in Diamanti, 2015) qui chargeraient l’espace d’un nouveau sens.

10Référant à la combinatoire spécifique4 (Lussault et Stock, 2007), ces auteurs intègrent l’usager comme un catalyseur de signes éparpillés qui, autrement, n’auraient pu être saisis ensemble. Hammad évoque la « force des choses » (Hammad, 2013 in Landowski, 2010), une force difficilement intelligible5, insaisissable, tel un genius locati (Butor, 1958 ; Lussault, 1997) ou une puissance génératrice (Sansot, 1971, p.77 ; Musso, non-daté).

11On parle alors de praxis énonciative6 (Diamanti, 2015) et d’énonciation piétonnière7 (De Certeau, 1990). Le sens de la ville est corrélé au rôle performatif (Mondada, 2000) des usagers, qui ne sont pas de simples lecteurs, mais deviennent, pour certains, des auteurs (Perec, 1974). La ville n’est pas simplement un « tissu de signes », mais un « tissu de non-dits » (Musso, non-daté) prenants sens par la coopération active des habitants (ou au contraire pas leur non-coopération) qui l’actualiseraient. La ville, ouverte, interprétable, exposerait des mots, ici des signes, auxquels le lecteur donnerait sens.

« Machine paresseuse qui exige du lecteur un travail coopératif acharné pour remplir les espaces de non-dit ou de déjà-dit restés en blanc » (Eco, 1985, p.29).

12Parfois, lecteurs, parfois auteurs, souvent les deux concomitamment, les habitants entreprennent un travail sémiotique, reconnaissant, interprétant, et actualisant les formes urbaines. Ils donnent ainsi sens à la ville qui, sans eux, cesserait « de battre pour devenir machine à dormir, à travailler, à obtenir des profits ou à user son existence » (Sansot, 1971, p.139). Autrement dit, de vivre.

2. La ville-objet

13La deuxième ontologie induite par les recherches disciplinaires est celle de la ville comme objet. C’est la ville dotée d’une « morphologie, d’une fonctionnalité et d’une forme extérieure identifiable, dont l’ensemble est "destiné" à un usage ou une pratique plus ou moins spécialisés » (Fontanille 2008, p.21). Il s’agit de la troisième strate du modèle de Fontanille, celle des propriétés sensibles et matérielles. Ce niveau de pertinence s’intéresse à une « chose solide ayant unité et indépendance et répondant à une certaine destination »8. C’est le cas typique de la ville comme offre à consommer. Elle est « découpée en caractéristiques objectives et mesurables, comparables » (Mons, 1989), mises en scène par une charte identitaire, des campagnes communicationnelles, des discours de marque, des slogans... Il faut la rendre attractive et désirable (Edouard, 201 ; Houllier-Guibert, 2019) quitte à la dépouiller, jusqu’à renier y compris ses aspérités les plus manifestes (Lussault, 1997, p.525). Tout est fait ainsi pour produire « une pure surface » (Mons, 1989). C’est le domaine précis du marketing territorial. En tant que champ théorique, le marketing territorial « traite le territoire comme un produit commercialisable » (David-Gélinas, 2016), la ville devient ainsi un espace-objet (Chombard De Lauwe,1970 in Stébé et Marchal, 2019). Le marketing territorial émerge dans une société surmoderne où la ville éclate et se dissémine (Lefebvre, 1968 in Stébé et Marchal, 2019), perd en signification (Lussault, 1993 ; Khoolas, 2000 ; Paulet 2000 ; Paquot, 2003) quand elle ne meurt pas tout simplement (Choay, 1994). Les discours endogènes produits par des instances politiques cherchent ainsi à configurer (dans le sens de donner figure) ou à reconfigurer la ville pour la rendre reconnaissable. Ainsi se justifient par exemple les grilles marketing mises en place par les municipalités. Ces dernières auraient le triple objectif de « donner aux administrés le sens de la ville » (Lussault, 1998), d’attirer toujours plus de touristes et de nouveaux habitants, et, au final, de faire exister la ville, en tant que (produit) désirable sur la scène nationale ou internationale9 (Ashworth et al., 1990). Le mouvement de métropolisation donne le la de ces pratiques.

14D’un point de vue proprement théorique, plus encore que le discours exogène imposé par un « corpus d’images flottantes » (Mons, 1989), la matérialité de la ville se voit transformée par un « processus d’investissement » (Lussault et Stock, 2007) : c’est la ville mise en récit pour être marchandisée. On parle de ville façonnée par la praxis (Lussault, 1997) et les discours, qui la produisent pour la faire entrer dans une dynamique de coopétition (Fernandez et Leroy 2010 in Houllier-Guibert, 2019). A titre d’exemple, en septembre 2021, la ville de Limoges lance son opération séduction « Osez Limoges ». L’utilisation d’un lexique promotionnel « opération », et stratégique « objectifs » ainsi que le déploiement d’une boutique dans la capitale, révèle ce besoin d’appartenir à ce réseau globalisé : tout en se distinguant, il est aussi nécessaire de s’assurer de sa conformité dans un monde en réseaux.

3. La ville-scène pratique

15Il s’agit de la ville à vivre, entrevue non plus en elle-même, en tant qu’événement, mais par le prisme des interactions qu’elle permet. C’est la ville érotique de Barthes (1967), lieu de rencontre, habitée, pratiquée quotidiennement, en somme, concrètement expérimentée. Deux branches de la sociologie urbaine se consacrent à cette description : d’un côté, Lefebvre (1968) qui se focalise sur les usages quotidiens, l’espace tel qu’il est perçu et vécu par les citadins, et de l’autre « un courant soucieux de mettre à jour les forces cachées, les logiques sous-jacentes, les ressorts qui président à l’édification de la ville. » (Stébé et Marchal, 2010). Dans un cas comme dans l’autre, la ville apparaît comme un lieu où se déploient des usages et des pratiques, tantôt envisagée comme un environnement, tantôt comme une forme conservant « (...) tout l’acquis de la société, de même que son élan » (Stébé et Marchal, 2010). Nous retrouvons ici l’esprit d’un Jean-Marie Floch (1990), sociosémioticien, analysant les pratiques des usagers dans le métro. Floch étudie les trajets en métro comme des textes et affirme, étude qualitative à l’appui, que les « voyageurs vivent aussi eux-mêmes le métro comme un texte ». Il en ressort quatre pratiques qu’il relie à quatre comportements typiques des voyageurs : les arpenteurs, les pros, les somnambules et les flâneurs. Tandis que les arpenteurs « recherchent et apprécient les trajets discontinus (...) les parcours ; les pros réalisent ou cherchent à réaliser des enchaînements (...), maîtrise technique qui caractérisent les véritables performances (...) ». Les somnambules se caractérisent par la continuité ; ils réalisent des trajectoires alors que les flâneurs « sont les amateurs de promenades, c’est-à-dire de trajets où les non-continuités sont valorisées » (Floch, 1990). Cette lecture à travers les scènes pratiques est également celle de certains ethnologues et anthropologues, tel Hayot qui envisage la ville non uniquement comme une traversée, un parcours, mais comme le partage de moments, la familiarisation avec des « petits riens », des « spécificités », qui en font l’essence. Interactions inévitables et multiples que Lussault (1997, p.529) nomme une identité en acte. Le sens de la ville est donc toujours en production, c’est-à-dire ouvert, dynamique. La forme signifiante ne serait pas uniquement une affaire d’affordances, c’est-à-dire de potentialités d’action, mais aussi de social : « élargir la question de savoir qui produit la ville en en posant une autre : comment est habitée la ville ? » (Hayot, 2002).

16Cette lecture ethnologique appuie celle de l’anthropologue Agier, pour qui le sens de la ville est conditionné par un échange entre la ville, en tant que « social, symbolique et spatial », et les relations sociales qui s’y déploient (Agier, 2015). Habiter10 la ville, ce serait entretenir une double relation avec les autres d’une part, et avec la ville (multiple) d’autre part. L’intérêt est donc de saisir les conditions des pratiques par lesquelles ce double enrichissement se produit. Ces pratiques sont de l’ordre du ressenti ou du sensible, elles procèdent de « processus cognitifs, affectifs, symboliques et esthétiques » (Chombard de Lauwe, 1979 in Stébé et Marchal, 2019), à la manière de Choay qui, dès 1965, parle de « l’expérience de la ville », du fait de l’éprouver, de la ressentir à travers des sensations là où Fontanille (2015, p.44) parle de médiation proprioceptive. Enfin la littérature des années 2000 réactive ce sujet (en 2004 Howes parle de Sensual Culture) en interrogeant spécifiquement les données du problème. Quel est le point d’origine de ce ressenti ? Pour y répondre, des chercheurs, dans la lignée de Simmel, Benjamin ou Kracauer (Thomas, 2009) adoptent une posture immersive, instaurant un corps-à-corps avec la ville, ses signaux, ses aspérités, ce qui permet de mieux en saisir l’ambiance, de mieux « la ressentir et d’en décrire les effets » (Thomas, 2009)11.

17Ces dernières années, des projets comme Où Atterrir ? de Bruno Latour12 et Les Sentiers Métropolitain13s remettent au cœur du sens de la ville, du territoire, l’individu et son expérience intime. Le même mouvement est à l’œuvre dans la littérature scientifique (Martouzet, 2007, Gwiazdzinski, 2016 ; Torchin, Feildel, 2017 ; Cariou et al., 2018). Du fait de cette expérience, la signification de la ville émerge pour une durée limitée, quelque part entre les usagers, leurs perceptions, leurs ressentis et leurs environnements. Et quand elle opère, la forme signifiante se situe dans « une scène, un décor où se jouent des comportements et où se prennent des attitudes spécifiques » (Iazykoff, 2006, p.75) : ce sont ces interactions qui définissent la dynamique des villes.

4. La ville-stratégies

18Au-delà des pratiques, comme les urbanistes et les politiques l’ont bien compris, la ville peut également être modelée, planifiée et organisée en vue de stratégies. Celles-ci agissent comme « (...) de nouveaux ensembles signifiants plus ou moins prévisibles, que ce soit par programmation des parcours et de leurs intersections, ou par ajustement en temps réel » (Fontanille et Zinna, 2005, p.200). En général, il s’agit de préfigurer ce qui peut l’être au bénéfice de l’attractivité. Les sites comme TripAdvisor se calquent sur cette logique en construisant des parcours qui soulignent des points d’intérêts identifiés au préalable pour leur capacité à incarner ou symboliser la ville. La découverte est programmée pour permettre une saisie globale et cohérente de la ville qui apparaît alors comme « une totalité ordonnée, agencée par l’agir urbanistique » (Lussault, 1998). Mais ce qui est vrai pour le tourisme, l’est aussi pour d’autres formes d’attractivité. C’est le cas de la politique pour laquelle la ville devient un « objet-enjeu » (Lussault, 1998). La politique municipale, par exemple, s’en servirait pour rendre visible sa performativité, transformant ainsi la ville en un « matériau d’élection » configuré « idéologiquement et physiquement, par des instances politiques » (Lussault, 1998).

19Les stratégies peuvent aussi être mobilisées pour « produire des espaces de plus en plus conditionnés » (Thibaud, 2010, p.11), ce qui permet de maîtriser les pratiques urbaines. Autrement dit, toute contingence est évacuée au profit d’une maîtrise de l’environnement. L’idée serait de donner à voir (ici, à sentir et ressentir) une ville lisible a priori, en prenant appui sur ses potentialités, ses odeurs, ses bruits, ses aspérités par exemple : c’est donc naturellement que les stratégies politiques vont s’y intéresser. Par des biais implicites, l’usager est conduit vers une perception qui peut aller jusqu’à le rendre étanche à toute autre ambiance urbaine (Thomas, 2009) au profit des seuls espaces conditionnés.

20La phénoménologie de la ville s’efface ainsi au profit d’une gestion de la complexité. Comme l’écrit Bonello (1996), « ce n’est pas la fin des villes, mais la disparition de l’urbanité (...) », la fin d’une manière de vivre la ville, de la ressentir et de la pratiquer spontanément. Pour Rouay-Lambert (2015), cette perte de signification serait imputable à un décalage entre l’objet envisagé et l’objet réel car : « ce n’était déjà plus de la ville dont il était question, devenue obsolète dès les années 1960, mais d’un nouveau phénomène qui la dépassait : l’urbain » qu’il s’agirait d’organiser par des outils et des scènes prédicatives. Barthes (1967), notamment, soulignait à ce propos l’écart entre la forme première des villes, « exclusivement signifiante », et les conceptions urbanistiques qui, jusque dans les années 1970, n’ont accordé « qu’une place réduite aux problèmes de signification ».

21Dans une société surmoderne (Bonicco, 2009) foisonnante de signes, les stratégies pourraient se révéler pertinentes pour « gérer les conjonctures, les successions, les chevauchements et la concurrence entre les pratiques » (Fontanille et Zinna, 2005, p.200). Si dans la ville-texte on a pu parler de tactique pour décoder la ville, à l’inverse on peut ici voir les stratégies (Certeau et al., 1990 in Diamanti, 2015) comme des manières de réguler ou de réduire sa complexité.

5. La ville : une forme de vie

22Les formes de vie constituent le dernier niveau du modèle des plans d’immanence. Elles interrogent « la régularité de l’ensemble des solutions stratégiques adoptées pour ajuster des scènes prédicatives entre elles » (Bertrand et Costantini, 2007, p.11) : qu’est-ce qui se répète, qu’est-ce qui permet l’intégration de l’ensemble des niveaux précédents les uns par les autres, aussi bien les figures, les textes énoncés, les objets et les pratiques spécifiques ? (Fontanille, 2015, p.201). Comme nous l’expliquions dès le prélude de cet article, la ville semble, a priori, irréductible à un modèle tant sa complexité, voire son opacité, en sont constitutives :

« A première vue, l’image que nous avons des villes s’oppose à toute idée de modèle. Chaque ville est unique. Sa localisation en un site particulier, les éléments de sa situation qui la mettent en relation avec un environnement spécifique, les moments de l’histoire où se sont trouvées réunies les conditions de son développement lui confèrent une originalité irréductible ». (Pumain et al., 1989, p.3)

23Dans quelle mesure serait-il alors possible de parler de formes de vie urbaines ? Les plans de la ville, macrostructures, pourraient-ils par exemple être l’un des invariants14 organisateurs de la ville ? C’est la position de nombreuses propositions. Rouay-Lambert (2015) établit une corrélation « entre les plans de villes et les structures sociales des sociétés ». Ces plans, mis en pratique par des stratégies urbanistiques (partie 4) façonneraient de ce fait, les formes de vie (partie 5), contraindraient les scènes-pratiques (partie 3) et imposeraient des lectures (partie 1) d’une ville-objet (partie 2). À ce sujet, Mumford (1964), dans une analyse sémiotique spatio-urbaine, distingue l’esprit romain, « organisateur, méthodique, monumentalisme » qui construisait des villes rectangulaires immédiatement entourées de murs d’enceintes ; de l’esprit grec, privilégiant « la circonférence » et n’édifiant l’enceinte de protection « que longtemps après l’installation des premiers groupements » (Dagonet, 2006, p.51). Le plan d’une ville traduit des philosophies différentes et par là même devient un « agent de définition des situations » (Dagonet, 2006, p.61).

24Bien évidemment, par une telle argumentation, le risque est de parvenir à un déterminisme spatial. Ce serait privilégier la seule cohérence induite par les formes de vie. Or reste la dynamique qui fonde cette cohérence, car là se situe le sujet. En suivant Fontanille, qui lui-même prend appui sur les propositions de Wittgenstein, une forme de vie n’est d’abord que l’éthique constitutive de toute expérience, dans ses caractères propres. En ce sens, elle peut être présente explicitement ou implicitement à n’importe quel niveau d’immanence. Dès lors, pour la ville, ce qui apparaît intéressant devient l’impensé ou encore le non-visible qui émerge de toute forme ou de tout plan typique stabilisé, grec ou romain par exemple. Merleau-Ponty appelle « réserve invisible » (Merleau-Ponty, 1988, p.119, in Mons, 2002, p.12) un tel impensé. Dans le cas présent, cela se rapproche de la notion d’Informe proposée par Medam et reprise par Mons (2002, p.71) pour désigner, par exemple ces « friches urbaines qui, adoucies par le foisonnement végétal, deviennent de véritables parcs informels pour les populations avoisinantes » (Lévesque, 1999, p.53). Dagognet (1989), à ce propos, parle de résidu : une part qui, tout en faisant partie du système de la ville, serait comme en décalage avec la structure par laquelle elle se donnerait à voir. Il en serait ainsi par exemple des détours, des dérives, des non lieux... qui, tout en n’étant pas prévus dans les plans, en contraindraient pourtant l’organisation et la manière dont la ville se donnerait concrètement à vivre. Ce serait la part dédiée à la ville-fantôme, pour paraphraser l’expression paysage-fantôme de l’architecte-paysagiste Vignal qui désigne ce surplus qui, à chaque fois, bien qu’inattendu dans la planification d’un paysage, en réalité en contraindrait souvent l’aménagement. Dans le même sens, Vignal propose l’expression « Reliquat de la planification », entendue comme « paysage de l’entre-deux, du péri, du second plan dans les opérations d’aménagement...qui souvent lui tournent le dos »15.

25Par l’accumulation de ces différents plans d’immanence, les formes de vies révèlent la dynamique des villes, issues de formes de vie ajustées continuellement « en fonction des interactions qu’ils ont entre eux (les individus) et des conditions intervenant dans l’environnement de la ville » (Pumain et al., 1989, p.4). Le cadre urbain n’est pas envisagé uniquement comme un contenant, mais comme l’expression d’une manière de vivre, avec des traditions, des rituels organisés.

Conclusion

26Est-il seulement possible de proposer une conclusion sur le sens de la ville ? Question pour le moins rhétorique. Ce qui est incontestable en revanche, c’est, comme le notait déjà Lussault en 1998, que le sens de la ville est plus que jamais incertain. Le problème du sens de la ville n’est pas celui d’un manque, mais au contraire, d’une « fluidité symbolique encombrante », « d’un trop plein » (Mons, 2002, p.41) qui s’attache à une forme de la ville figée, ne correspondant plus à sa réalité matérielle. Les politiques, les planificateurs, les communicants, toujours en quête de lisibilité, aspirent à cadrer le « potentiel du phénomène anomalique » (Mons, 2002, p.167) de la ville. Mais ce phénomène est-il anomalique ? Les initiatives et expérimentations récentes, comme le projet Ou Atterrir ? de Bruno Latour, qui implique les habitants dans la redéfinition de leur territoire à travers des attachements, et Les Sentiers Métropolitains, randonnées périurbaines co-créées par des citoyens, artistes, et architectes, repensent l’urbain à travers des signes, jusqu’alors ignorés ou volontairement écartés des stratégies politiques et de branding. Ces signes (tags, zones périurbaines, bruits, supermarchés, arbre), non-signifiants, deviennent alors, par le regard et l’interaction avec les individus, des indices du phénomène urbain.

27Face à la ville produite, stabilisée servant une finalité pratique, les récentes recherches et initiatives répondent par un retour vibrant à la finalité poétique (Landowski, 2010) celle déjà appelée de leurs vœux par Sansot et Gracq16. Plus que jamais, la ville, devenue phénomène urbain, doit puiser à nouveau son essence dans sa substance intrinsèque, son entropie interne (Pumain et al., 1989, p.24) sa matière noire (Mons, 2002, p.173), pour s’inventer (Chalas, 2000) et se donner à saisir dans son ipséisité , c’est-à-dire dans son essence, sa singularité absolue (Heidegger, 1985 ; Ricoeur 1990). Bien sûr, pas plus qu’en 1983, nous :

« ne savons pas si toutes ces spontanéités font sens (…) Il n’empêche que nous en retirons l’impression d’un bruissement sympathique qui donne chaleur aux choses et sans lequel le jeu des formes et des volumes - si savant soit-il - demeurait un vain spectacle, un exercice cérébral. » (Sansot, 1983, p.72).

28Peut-être est-ce finalement cela la ville, à l’image de celle narrée par Diderot, tout à la fois « une planche encyclopédique, un lieu archéologique, un lieu sociopolitique, et enfin un lieu initiatique et poétique » (Coutel, 2006, p.13). Et c’est pourquoi le modèle des plans d’immanence proposé par Fontanille nous a semblé un outil capable de révéler les différentes ontologies de la ville, leurs sémioses singulières, mais aussi leurs relations internes. Les formes de vies sont à la fois conscientes, issues de volontés politiques, et inconscientes, modelées par les vies, les parcours, les imaginaires des habitants. Passée au prisme de la sémiotique, la ville laisse transparaitre un urbain complexe dont le sens émane de virtualités latentes qu’il s’agit de rendre saisissables. À la fois présentes et non advenues, sa signification, et son existence même, ne serait-elles pas à chercher dans une « ville invisible » (Mumford, 1964) : une ville qui « ne cesse pas de s’autodétruire et donc de se renouveler » (Dagonet, 2006, p.58) ?

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Annexes

« Hors des sémiotiques-objets, point de salut ! », à charge pour nous de définir ce que sont ces « sémiotiques-objets », et de fixer des règles pour délimiter les champs expressifs. Quant à l’appel au contexte, dans ces conditions, il n’est que l’aveu d’une délimitation non pertinente de la sémiotique-objet analysée, et, plus précisément, d’une inadéquation entre le type de structuration recherché et le niveau de pertinence retenu. Sur ces questions, la recherche est en cours, et nous avons proposé de fixer provisoirement à six les différents champs ou niveaux de pertinence pour l’analyse sémiotique : 1- signes et figures ; 2- textes-énoncés ; 3- objets et supports ; 4- pratiques et scènes, 5- situations et stratégies, 6- formes de vie. La disposition relative de ces six champs est encore en discussion : avons-nous affaire à une hiérarchie linéaire ? à un système d’englobement ? à un réseau où toutes les interactions sont possibles ? Un des critères qui devra être pris en compte, pour justifier un choix qui s’avérera décisif pour l’avenir de la sémiotique, est celui de l’ouverture de chacun de ces champs à tous les autres : un texte-énoncé peut accueillir l’inscription et la mise en séquence d’une pratique, une pratique peut condenser et symboliser l’ensemble d’une forme de vie, et une forme de vie englobe de toute évidence aussi bien des figures typiques ou emblématiques, que des textes, des pratiques et des « styles stratégiques ».

Fontanille, J. (2008). Pratiques sémiotiques, PUF

Notes

1 Voir aussi : Oliver Frey, « Sociologie urbaine ou sociologie de l’espace ? Le concept de milieu urbain », SociologieS, en ligne.

2 Le Corbusier (1957), La Charte d’Athènes, avec un discours liminaire de Jean Giraudoux, Paris, Les Éditions de Minuit.

3 Martouzet (2014), (sous la dir.), La ville aimable, Tours, Presses universitaires François-Rabelais.

4 « Un espace est urbain en raison même d’une combinatoire spécifique de réalités sociales données et il se distingue d’un autre, urbain ou non, car les réalités et la combinatoire sont différentes. » (Lussault et Stock, 2007, p.241)

5 La preuve, ni Landowski ni Hammad ne la définissent clairement.

6 « Cette dernière sera définie comme l'émergence d'une relation intersubjective, perceptible et sensible à l'environnement. Nous considérerons donc la praxis énonciative comme une activité relationnelle d'appréhension de l'espace. Elle sera alors informée par le contexte et par l'encyclopédie (Eco 1984, 1999, 2007), mais aussi par les affordances et la préhension affective du corps mouvant dans l'espace (Gibson 1986; Lefebvre 1986) » (Diamanti, 2015, p.10).

7 Pour De Certeau la marche est un acte énonciatif : « Les cheminements des passants présentent une série de tours et de détours assimilables à des "tournures" ou à des "figures de style" » (De Certeau, 1990, p.151).

8 Définition “d’objet” proposée par Le Robert

9 Voir « Vers un cœur de ville métropolitain » sur Youtube : « construire un cœur d’agglomération à l’échelle d’une métropole européenne », adjoint au maire de Nantes, tourisme, patrimoine, archéologie

10 Augoyard parle de « manière d’habiter » in Jean-Christophe Sevin, Dimitri Voilmy. Une pensée de la modalité. Entretien avec Jean-François Augoyard. ethnographiques.org, Association Ethnographiques.org, 2009, Ethnographier les phénomènes sonores. Voir aussi : Olivier Lazzarotti, « Habiter », notion à la une de Géoconfluences, décembre 2013. Ou encore Olivier Lazzarotti, « Habiter le monde », Documentation photographique, n° 8100, juillet-août, 2014, 64 p., Paris, La Documentation française.

11 Voir ici les travaux interdisciplinaires et internationaux proposés dans Thibaud (dir.), (2009), Variations d’ambiances, Processus et modalités d’émergence des ambiances urbaines, [Rapport de recherche] 67, Ministère Recherche : FNS ACI ; CRESSON. 2007.

12 « Où Atterrir ? » est un projet impulsé en 2020 par Bruno Latour regroupant un consortium d’experts dans l’optique d’accompagner les citoyens à la redéfinir leur territoire grâce à des processus d’enquêtes et des méthodologies artistiques.

13 « Les Sentiers Métropolitains » sont des randonnées périurbaines cocrées par des collectifs d’architectes, d’artistes et de citoyens dont l’objectif est de donner à voir les espaces périphériques, les zones périurbaines jusqu’alors exclus des représentations de la ville.

14 « La forme circulaire de nos grandes villes, sauf lorsqu’elle a été modifiée par des facteurs géographiques particuliers, est circulaire ou étoilée (Mackenzie, 1921) » Iazykoff (1996), L’école de Chicago, Naissance de l’écologie urbaine (textes présentés par Y.Grafmeyer et I. Joseph), in La ville, voies d’accès, p.70

15 Voir le manifeste du collectif SOC.

16 Voir par exemple le Gaubert (2021), Philosophie du marcheur, essai sur la marchabilité en ville, L’esprit des villes, Terres Urbaines.

Pour citer ce document

Lucile Berthomé et Didier Tsala-Effa, « Le sens de la ville aux prises avec la recherche : essai de recension sémiotique » dans © Revue Marketing Territorial, 9 / été 2022

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=844.

Quelques mots à propos de :  Lucile Berthomé

Doctorante et chargée de TD au Centre de Recherches en Sémiotique à l’Université de Limoges, la thèse de Lucile Berthomé interroge les significations et représentations de la ville devenue phénomène urbain. Après plusieurs années de travail en agence de communication, elle s’intéresse aujourd’hui au branding des villes et à son impact sur leurs singularités.

Quelques mots à propos de :  Didier Tsala-Effa

Professeur de sémiotique et communication à l’Université de Limoges, Didier Tsala-Effa fut directeur du Master de Sémiotique et Stratégies de 2014 à 2019. Il est aujourd’hui membre du comité de direction du Laboratoire VieSanté. Ses recherches portent sur la sémiotique des discours et des ritualités du quotidien.