Le marathon de Paris : un positionnement sportif et culturel au service de l’attractivité de la capitale

Olivier Bessy


Résumés

Les marathons connaissent une aura toujours plus grande aujourd’hui, aussi bien du côté des participants que des territoires concernés. Certains sont devenus structurants et développeurs des territoires et participent ainsi à des degrés divers à des stratégies de marketing territorial visant à améliorer l’attractivité touristique des lieux, parfois en mettant en exergue l’identité et la culture locales. L’objectif dans cet article est d’éclairer comment le marathon de Paris fabrique sous des formes plurielles et symboliques de l’urbanité événementielle à forte valence culturelle et sportive permettant d’améliorer l’attractivité touristique de la capitale. Nous montrerons ainsi comment les dimensions culturelles et sportives sont mobilisées par cet événement à travers, notamment, l’interprétation du tracé du parcours et des animations proposées, mais aussi l’analyse des représentations des acteurs et des participants.

Marathons enjoy an ever greater aura today, both on the part of the participants and the territories concerned. A part of them have become structuring and development for the territories and participate to varying degrees in place marketing strategies. Sometimes they follow a unique process of differentiation that highlights local identity and culture. The objective in this article is to shed light on how the Paris marathon manufactures, in plural and symbolic forms, event urbanity with a strong cultural and sporting valence, making it possible to improve the tourist attractiveness of the capital. We will thus show how the cultural and sporting dimensions are mobilized by this event through, in particular, the interpretation of the layout of the course and the proposed animations, but also the analysis of the representations of the actors and the participants.

Texte intégral

1Les marathons organisés dans les grandes capitales européennes (Londres, Madrid, Paris…) connaissent une aura toujours plus grande aujourd’hui, aussi bien du côté des participants que des territoires concernés. Un premier facteur explicatif bien connu repose sur l’engouement renouvelé pour la course à pied favorisé par des modalités d’engagement à géométrie variable et les bénéfices symboliques retirés (Bessy, 1994, 1995, 2012 ; Bessy et Lapeyronie, 2000, 2009 ; Dorthier, 2016 ; Segalen, 2004 ; Yonnet, 1985). Le second est à rechercher du côté de la production de symboles territoriaux (Di-Méo, 1998) associé au besoin d’intensifier l’ambiance urbaine (Castells, 1973 ; Devisme, 2005 ; Pradel, 2017), mais aussi à la construction de nouvelles territorialités sportives (Lefebvre et Roult, 2013) liée au double enjeu de développement et d’attractivité touristique que représentent ces événements. En dépit de leurs caractères éphémères et banals1, les marathons progressent ces dernières années en nombre de villes organisatrices mais aussi en nombre d’inscrits à ces courses qui drainent des milliers de coureurs (60 000 inscrits et 47 687 arrivants au marathon de Paris 2019).

2Un tel phénomène de société nécessite un changement d’approche qui oblige à sortir du périmètre sportif mais aussi à ne pas se limiter aux retombées économiques (Bessy, 1995 ; Lapeyronie, 2010) et politiques (Chappelet, 2004). Les marathons peuvent être alors interprétés au travers d’un prisme beaucoup plus large qui est celui de la « ressource territoriale »2, en se posant la question de savoir comment les marathons contribuent au développement touristique des territoires sur lesquels ils sont implantés grâce au jeu convergent des acteurs responsables, en interaction avec les partenaires et les médias impliqués ? La nouveauté est que ces événements et notamment les plus célèbres sont devenus structurants et développeurs des territoires sur lesquels ils sont implantés (Bessy, 2010, 2012). Ils participent à des degrés divers, selon leur niveau de notoriété, à de véritables stratégies de marketing territorial (Chamard, 2014).

3Cette nouvelle approche territoriale s’impose par l’ouverture au plus grand nombre de ces épreuves réservées il y a peu de temps encore aux athlètes confirmés, mais aussi par le tracé au cœur des hauts lieux patrimoniaux qui favorisent une itinérance culturelle, à la découverte des villes concernées. La mobilité des coureurs versus l’immobilité du patrimoine permet l’immersion des participants dans ce qui peut être considéré comme une scène urbaine facilitant de multiples interactions entre coureurs et entre coureurs et spectateurs (Segalen, 1994). Tout cela débouche sur la sublimation d’une véritable expérience sportivo-touristique à travers la mise en spectacle de soi-même et sur la construction d’une urbanité événementielle qui permet le rayonnement culturel de la ville à l’international. C’est particulièrement vrai pour les grandes capitales européennes qui obéissent à un processus singulier de différenciation mettant en exergue l’identité et la culture locales.

4Affublé de tous les superlatifs et notamment de celui « de plus beau marathon du monde », car couru dans « la plus belle ville du monde » (Gargaud et al., 2005), le marathon de Paris est un laboratoire d’analyse particulièrement intéressant puisqu’il fabrique, sous des formes plurielles et symboliques, de l’urbanité événementielle à forte valence culturelle permettant d’améliorer l’attractivité touristique de la capitale. Nous montrerons de manière diachronique à travers l’évolution du positionnement de l’événement et synchronique par le biais d’indicateurs actuels, comment la dimension culturelle est mobilisée par cet événement à travers, notamment, l’interprétation du tracé du parcours et des animations proposées, mais aussi l’analyse des représentations des acteurs et des participants ? Nous terminerons en éclairant les limites du rôle du marathon dans l’attractivité touristique de la capitale française. Tout d’abord, nous évoquerons le primat accordé à la logique économique en lien avec l’histoire de la ville et son souci permanent d’affirmer sa puissance en tant que ville monde. Ensuite, nous aborderons la gestion très marchande du groupe Amaury Sport Organisation3. Enfin, nous analyserons le processus d’homogénéisation et de standardisation des marathons, lié à la culture performative de masse (Ehrenberg, 1991), présente dans la course à pied et à laquelle le marathon de Paris n’échappe pas.

1. Le cadre de référence et la méthodologie

5Les grandes métropoles dépendent moins aujourd’hui des politiques publiques institutionnelles où l’Etat était le chef d’orchestre et l’impulseur. Avec les lois de décentralisation, elles sont devenues plus indépendantes quelles que soient les secteurs avec des avantages (liberté d’action) et des inconvénients (multiples tensions). La culture en est un bon exemple. Après les années 1960 durant lesquelles le patrimoine français et parisien a été réhabilité, dans le cadre d’une institutionnalisation de la culture prônée par André Malraux, on assiste durant les années 1970-90 à la transformation de Paris sous l’impulsion des trois Présidents en exercice4. La ville joue alors le rôle de « centre de commandement culturel » (Saez, 2021) avec une dimension culturelle centrale dans la construction d’une stratégie de marketing territorial.

6Depuis le début des années 1990, la politique culturelle des grandes villes est progressivement rentrée dans un champ de tensions entre : autonomie/hétéronomie, global/local, public/privé, gouvernement/gouvernance. Sa définition comme sa mise en œuvre deviennent de plus en plus complexe et nécessitent l’élaboration concomitante de trois stratégies aux valeurs potentiellement contradictoires : la ville créative, la ville participative et la ville globale.

1.1. Les stratégies de développement des villes

Tableau 1. Synthèse des 3 stratégies culturelles des capitales (d’après Guy Saez)

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7Ce cadre de référence permet de comprendre comment les grandes villes développent aujourd’hui leur politique touristique en travaillant la dimension culturelle. La ville de Paris en est un bon exemple que l’on peut illustrer à travers la politique événementielle de la capitale et notamment le concept de « Paris est une fête »5 qui regroupe une grande diversité culturelle. Ces événements comme le Printemps des Rues, la Fête de la Musique, les Nuits Blanches, Paris-Plage, FestiWall… sont organisés dans des lieux ordinaires (les parcs, les jardins, les rues, les places, les bords de Seine, les canaux…), plus ou moins aménagés de façon permanente ou éphémère, sous l’impulsion de différents organismes publics et privés et au caractère identitaire traditionnel ou innovant. Tous ces événements sont le reflet d’une ville créative soucieuse de son image, mais aussi d’une ville participative soucieuse d’impliquer les parisiens en tant que citoyens dans une démarche de développement durable, ou encore d’une ville interculturelle ouverte sur le monde qui hybride les cultures, les lieux et les publics.

Illustration 1. La carte « Paris est une fête » (d’après Guy Saez)

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8Dans ce contexte, quelle est l’originalité du Marathon de Paris et quel Paris reflète-t-il ? Un Paris créatif et capitaliste ou bien participatif et civique, global et inter-culturel ? L’organisation d’un marathon dans une ville, a fortiori dans une capitale comme Paris, s’apparente à une « dramaturgie moderne » qui s’inscrit dans une nouvelle figure de la spatialité où la société urbaine se donne à voir (Augustin, 2013). Elle peut être ainsi considérée comme une animation sociale de l’espace public générant une fréquentation importante des lieux en termes de flux qui contribue à mettre en valeur le territoire urbain concerné et à construire de la centralité (Ascher, 1997). À ce propos, le caractère itinérant et la durée relativement longue de l’événementiel marathon fabrique une dimension plus qualitative de la centralité en augmentant le potentiel d’interactions entre les participants d’une part, et entre les participants et les spectateurs, d’autre part. Ce type d’animation s’inscrit dans la requalification des villes historiques dont la centralité urbaine est questionnée par des polarités périphériques. Cette centralité qualitative s’inscrit dans l’exigence d’affirmation identitaire des espaces urbains et la montée du besoin de manifestations fusionnelles (Devisme, 2005) observables chez nos contemporains à la recherche d’espaces-temps toujours plus récréatifs, conviviaux et expérentiels (Frochot, 2016). Les marathons travaillent ainsi l’image d’une urbanité événementielle intense qui contribue à sublimer la dimension touristique en lien avec les relations sociales tissées sur le moment et l’immersion prolongée dans le patrimoine (Gravari-Barbas, 2013). Ils participent dans cette logique aux nouvelles formes de l’organisation urbaine, de l’altérité et de l’invention de soi.

9L’organisation d’un événement et la construction d’un parcours de marathon obéit à de multiples contraintes et s’inscrit dans un écosystème complexe qu’il est nécessaire de prendre en compte afin de bien pouvoir évaluer la part représentée par la dimension culturelle, en synergie avec les dimensions sportives, économiques, environnementales et politiques. Il a été difficile de recueillir des données auprès des organisateurs peu enclins à diffuser des informations car assez récalcitrants à toute forme d’investigation sociologique à propos de l’événement.

1.2. Les outils mobilisés

10L’objectif de la méthodologie déployée était de capter le maximum de données concernant la place de la dimension culturelle du marathon, dans la construction touristique de l’événement.

11Notre recherche repose sur une bonne connaissance de Paris, de son identité culturelle et de son évolution sur le plan urbanistique et touristique. Elle s’inspire, ensuite, des données secondaires fournies par le site internet et les contenus des forums, les articles parues dans les revues spécialisées (Jogging International, VO2 Run…) et par l’ouvrage intitulé « Marathon de Paris, j’ai 30 ans » (2006) qui compile les informations historiques concernant les trente premières éditions. Il convient de citer aussi l’utilisation de la lettre d’informations du Marathon de Paris (du n°1 au numéro 25). S’ajoutent deux observations participantes réalisées en 2004 et 2006 en tant que coureur/finisher ainsi que dix entretiens réalisés auprès des acteurs locaux occupant des responsabilités sportives, touristiques et politiques et cinquante auprès de marathoniens ordinaires. Enfin, un travail particulier a été réalisé sur le parcours du marathon de Paris (MDP) en lien avec le paysage culturel de la ville. Nous avons utilisé les données fournies par OPEN STREET MAP qui sont extraites des données captées par ce logiciel à 100 mètres de chaque côté du parcours, afin d’identifier les hauts lieux patrimoniaux6 mais aussi les tags ou points d’intérêts culturels (sites/attractions7, musées/théâtres, œuvres d’art8). Cet outil permet d’éclairer la densité culturelle (en quantité et en qualité) propre au parcours parisien et de rendre visible ces données sur carte grâce à un travail de superposition.

1.3. Le recueil de données

12Le recueil des données a eu lieu entre le 6 et le 8 avril 2018 pendant la 42ème édition du MDP. L’objectif était d’interviewer des acteurs qui ont une bonne connaissance du Marathon et des participants aux profils sportifs et sociaux divers. Un guide d’entretien semi-directif assez court et commun aux coureurs et aux décideurs a été élaboré. Il comprend des questions sur le projet de participation au MDP, sa définition à partir de 5 mots clés, les représentations associées (sportives, culturelles, économiques, environnementales), l’organisation et l’animation, la cohérence entre le concept et l’image de la ville, l’originalité par rapport aux autres marathons et le profil sociologique et sportif des personnes interviewées.

13Pour les décideurs, nous sommes venus à Paris le 15 mars 2018 pour rencontrer deux responsables9 d’Amaury Sport Organisation (ASO) qui est depuis 1998 l’entreprise organisatrice du MDP, mais aussi Patrick Aknin ancien organisateur, ainsi que Dominique Chauvelier, une figure importante du MDP (ancien champion de France sur la distance et responsable des meneurs d’allure pendant l’épreuve). Puis, nous avons profité les vendredi 6 et samedi 7 avril 2018 du Marathon Expo10, Porte de Versailles, pour questionner un échantillon de spécialistes du marathon (fédérations, associations, anciens champions, organisateurs de courses, équipementiers, distributeurs, média…). Nous avons au total réalisé 10 entretiens. Concernant les participants, nous avons interrogé cinquante personnes pour un tiers lors du Marathon Expo11 et pour les deux autres tiers au départ et à l’arrivée du marathon le dimanche 8 avril. Sans construire de quota précis nous avons veillé à interroger une population la plus représentative de la population mère en respectant les proportions de genre, d’âge et de niveaux de course.

Tableau 2. Synthèse des caractéristiques générales (2019)

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2. Devenir une référence internationale

14Cette partie s’appuie sur l’ouvrage « Marathon de Paris, J’ai 30 ans », écrit à l’occasion des 30 ans de l’événement sportif, en 2006, par le magazine L’Equipe en collaboration avec ASO. Elle vise à montrer comment le marathon de Paris a progressivement évolué vers un marathon touristique en devenant un outil de marketing territorial pour la capitale.

2.1. 1976-1980 : un marathon au départ confidentiel

15Paris ne dispose à ses débuts que d’une épreuve confidentielle qui s’inspire du modèle fédéral de compétition. La première édition créée en 1976 tient lieu de championnat de France. Durant les trois premières éditions, il regroupe seulement entre 100 et 175 participants (que des hommes) pour un nombre d’arrivants qui fluctue entre 87 et 148. Le parcours consiste alors à réaliser quatre boucles dans le bois de Boulogne, sans entrer dans Paris et le marathon se déroule dans l’indifférence générale. Il faut attendre 1979, pour que le parcours évolue en faisant le tour des 20 mairies d’arrondissement, en partant et en arrivant à la Mairie de Paris. Il permet de découvrir le patrimoine local. Le succès est immédiat avec 2 500 coureurs au départ et 1953 arrivants qui ne tarissent pas d’éloges sur l’ambiance de la course. Georges Salzenstein, fondateur de l’AFCF12, se souvient : « C’était un 24 juin, les rues étaient bondées, les gens avaient envie de faire la fête. Il y avait des animations devant chaque mairie : c’était un spectacle permanent. On se demandait chaque fois ce qui allait nous y attendre. Je n’ai jamais ressenti un tel courant de sympathie entre spectateurs et acteurs »13.Cet engouement est lié au changement de concept qui s’inscrit dans le processus de renouvellement de l’offre marathonienne répondant à une masse de coureurs en croissance14.

16Tour électoral des 20 mairies de Paris ou véritable épreuve en prise avec l’identité culturelle de la ville dans le but d’attirer le maximum de participants, la question est posée à l’époque. Les critiques vont bon train, à l’image du journal Libération15 qui tout en félicitant le maire de Paris à l’époque, pour avoir mis sur pied une authentique épreuve populaire dans un climat d’amateurisme et de fête, se demandait s’il ne s’agissait pas d’une basse manoeuvre politicienne. Le phénomène s’amplifie en 1980, avec 5 724 arrivants, sur le même parcours et dans une ambiance toujours plus festive. Mais malgré ce succès populaire, les critiques relatives à un parcours trop difficile et pas assez roulant (présence de côtes) mais aussi liées aux embouteillages monstrueux provoqués par l’événement en plein centre de la capitale, se font plus virulentes. Géré à l’époque par le Stade Français, le marathon de Paris est pris entre deux logiques : la logique fédérale de compétition et la logique culturelle de découverte, montrant s’il est besoin que tous les nouveaux marathons et Paris en particulier, ne s’émancipent pas tous de la même façon, et à la même vitesse, des normes fédérales.

2.2. 1981-1989 : la compétition avant le tourisme

17L’orientation change en 1981 avec un objectif favorisant davantage la performance associée à un parcours plus roulant (plat et en bord de seine,) et une temporalité différente (passage du samedi soir au dimanche matin à partir de 1986) donnant ainsi aux athlètes la possibilité de réaliser des temps mais diminuant l’ambiance pour les autres. Certes le patrimoine est bien présent dans ce nouveau parcours qui traverse le cœur historique parisien en empruntant les bords de Seine, mais il est peu mis en avant par les organisateurs dans une perspective touristique. Le succès est au rendez-vous puisque 7 003 marathoniens vont jusqu’au bout pulvérisant le record de participation de l’épreuve. Mais la greffe ne prend pas vraiment car hormis l’édition 1984 qui permet de passer le cap des 10 000 arrivants, les effectifs régressent en 1985 (7 726 arrivants) et stagnent entre 7 000 et 8 500 arrivants jusqu’en 1989. En revanche, la course devient de plus en plus rapide (2h 25 5s en 1980, contre 2h10 49s en 1985). Cette stagnation des effectifs montre que l’orientation majoritairement compétitive du marathon de Paris n’est pas en adéquation avec la demande du moment. Il semble que l’événement n’ait pas encore trouver son positionnement par rapport à l’identité culturelle de la ville et à l’évolution des attentes des coureurs.

2.3. 1990-1999 : un positionnement entre performativité et culturalité

18L’objectif de Patrick Aknin, lorsqu’il prend les rênes de l’événement16, est de mieux positionner l’épreuve sur le plan marketing afin de la développer nationalement mais aussi à l’international. « A la demande Guy Drut, j’ai pris en charge le Marathon de Paris en 1988. Ce n’était pas le boulot qui manquait car en 1987, il y avait eu 8 450 arrivants et presque autant de mécontents. La priorité a donc d’abord été de se placer au service des coureurs. Puis, je me suis attaché à rendre le parcours plus performant afin d’attirer les étrangers. Je n’ai cessé de courir après un chrono sous les 2h 10 et il est finalement arrivé en 1998, ma dernière année à la tête de l’épreuve ». (Patrick Aknin, ITW, 7 avril 2018). La dimension culturelle du marathon est aussi davantage travaillée par les organisateurs sur les trois registres patrimonial (parcours), hédonique (animation) et humain (organisation) afin d’intensifier l’expérience vécue par tous les participants et de renvoyer une image attractive et de contribuer ainsi au rayonnement de Paris dans le monde entier. De 1990 à 1999, sur un parcours à la fois sportif et patrimonial, le nombre d’inscrits (de 10 000 à 20 000) et d’arrivants (de 9 110 à 18 244), double. En même temps, le MDP se court de plus en plus vite (de 2h 13’ en 1990 à 2h 08’ en 1999) grâce à l’arrivée sur la course de nombreux coureurs étrangers (kenyans et éthiopiens) qui pulvérisent chaque année le record, donnant une image internationale à l’épreuve. Longtemps considéré comme un marathon lent, Paris joue d’égal à égal avec les plus grands marathons à la fin des années 1990 en se gagnant en moins de 2h 10’ (2h 09’ en 1998 et 2h 08’ en 1999).

19Ce nouveau positionnement doit être mis en perspective avec le triple processus de massification, diversification et personnalisation de la demande (Bessy et Lapeyronie, 2000) mais aussi avec la sensibilité plus exacerbée des territoires à vouloir communiquer et rayonner par l’événementiel sportif (Bessy, 1994, 2000, 2014). C’est l’époque où le nombre de marathoniens ne fait qu’augmenter (de 30 000 à 60 000 en France) en lien avec une offre qui s’enrichit de nouvelles significations et attire des pratiquants amateurs de tous niveaux. Ces nouveaux marathons reposent sur des valeurs différentes : le plaisir de la participation plus que la recherche d’une place ou d’un temps de référence et la mise en scène de soi-même. C’est durant la décennie 1990 et à l’occasion de ses 20 ans plus particulièrement que le Marathon de Paris prend son envol en commençant à devenir une référence dans le milieu grâce à un positionnement métissé entre performativité et culturalité.

2.4. 2000-2012 : une dimension touristique qui contribue au rayonnement de Paris

20En 1999, Amaury Sport Organisation (ASO) prend les commandes de l’événement et travaille avec Michel Lainé17 qui est le nouveau président du MDP. ASO amène dans l’organisation toute son expérience en matière d’événementiels et poursuit la professionnalisation de l’épreuve afin d’en faire un marathon reconnu internationalement mais aussi et surtout un événement sportivo-touristique. ASO s’attache aussi les services de marathoniens experts à l’image de Dominique Chauvelier (quadruple champion de France) qui crée en 1999 le concept de régulateur d’allure et le met au service du MDP. La dimension touristique est très fortement présente avant, pendant et après l’épreuve. De nombreuses animations mais aussi des packages et des visites sont proposés par l’organisation aux inscrits en lien avec Paris Tourisme et les musées parisiens. Le tracé du parcours synonyme de musée à ciel ouvert et les nombreuses animations présentes sur tout le circuit au départ et à l’arrivée, contribuent à faire du marathon un des meilleurs ambassadeurs de Paris. « Venez réaliser votre défi personnel dans la plus belle ville du monde » est la phrase qui résume le mieux la ligne de conduite d’ASO selon Thomas Delpeuch (ITW Mars 2008). Les effets ne se font pas sentir tout de suite car on observe en 1999 une stagnation des inscrits autour de 20 000 et des arrivants autour de 17 000. Il faut attendre l’année 2000 pour voir le MDP exploser avec un nombre d’inscrits (30 000) et d’arrivants (27 596) qui progresse de 30%. Les chiffres régressent pour les arrivants les deux années suivantes avant de repartir pour finir par franchir la barre historique des 30 000 arrivants en 2006 (30 739 exactement). L’effet de la date anniversaire des 30 ans de l’événement a certainement joué en faveur du MDP qui devient le second au monde en matière d’arrivants après New-York. Les années suivantes, le nombre d’arrivants fluctue au gré de facteurs externes (concurrence) et internes (météo, degré de satisfaction…). Sur un parcours qui ne change pas, le rythme s’accélère encore, renforçant l’aura du MDP car il devient ainsi plus attractif pour les traqueurs de records et de performances. Le MDP bat tous ses records que ce soit sur le plan quantitatif (nombre d’arrivants) ou qualitatif (rythme de course). Il rentre dans le top 5 des grands marathons au côté de New-York, Londres, Chicago et Berlin. « Paris est la plus belle ville du monde, elle mérite d’avoir le plus beau marathon du monde » déclarait à ce propos Fred Lebow, le père et l’organisateur du Marathon de New-York. Cette évolution très sensible montre que durant la décennie 2000 le MDP a franchi un cap en termes d’offre de course. Tout en continuant à créer les conditions d’une compétition de haut niveau, il s’est mieux adapté au nouveau profil sportif et sociologique des participants, en recherche d’expérience tout autant que de performance. Il fait ainsi cohabiter l’élite et la masse pour être toujours plus attractif.

2.5. 2013-2018 : un rayonnement mondial

21Ces six dernières années se caractérisent par un souhait des organisateurs (ASO) de permettre à un public toujours plus nombreux de courir dans la plus belle ville du monde mais aussi de rivaliser avec New-York voire de devenir le plus grand et le plus beau Marathon du Monde. La patrimonialisation croissante du parcours, la scénarisation et la personnalisation des animations mais aussi tous les dispositifs innovants liés à la gestion des flux (système des SAS et des départs décalés en fonction des temps prévus) sans oublier les outils modernes de communication développés vont dans ce sens.

« Le MDP permet au grand public de courir dans la plus belle ville du monde. J’ai couru dans d’autres grandes villes, seule Paris propose un marathon en plein centre-ville. Partir des Champs-Elysées au son des Charriots de feu qui dit mieux ? Cette course est un musée à ciel ouvert, avec des vues imprenables sur Notre-Dame, La Conciergerie et la Tour Eiffel… Le parcours est tout simplement magique ». Edouard Cassignol (ASO, ITX mars 2018)

22Il est intéressant d’observer comment la notion de durabilité a fait son entrée dans les objectifs et les discours tenus sur le marathon par les organisateurs et le partenaire titre au logo vert (Schneider Electric). Comme s’il fallait compenser le gigantisme de l’événement mais aussi s’inscrire dans l’ère du temps et les exigences politiques et environnementales locales : un marathon durable dans une ville durable. Un dépliant édité par l’organisation intitulé Run Green schématise le parcours sur fond vert et explique comment : « La vague verte va déferler dans les rues de Paris ».

« Nous visons à devenir aussi neutre que possible en matière de production de déchets et d’émission de CO2. Notre objectif est qu’il n’y ait plus aucune bouteille en plastique au sol après la course et ce dès 2019. Cela passe par le recyclage des bouteilles d’eau, l’augmentation des bacs de collecte après les zones de ravitaillement et un gros travail de d’éducation auprès des coureurs. Nous souhaitons aussi agir sur les transports en multipliant les véhicules électriques et de deux roues. Enfin, l’organisation s’est engagée à compenser 85 % en 2018 et 100 % en 2019 des 26 500 tonnes de C02 produits par le MDP par un projet de reforestation au Kenya. Paris veut être le premier marathon neutre en carbone ». Edouard Cassignol (ASO, ITW mars 2018)

23La progression constante des effectifs (de 38 690 en 2013 à 42 095 en 2018) lié à l’engouement renouvelé en France et à l’étranger (35 % autres pays) comme la présence du gotha mondial, montrent que la recette ASO marche et que le MDP connaît une notoriété de plus en plus forte à l’international.

2.6. Aujourd’hui : un marathon de référence mondiale

24De 1976 à 2019, en 43 éditions18, le MDP est devenu, avec New-York et Londres, le marathon qu’un coureur à pied se doit de faire dans sa vie. La progression exponentielle des coureurs mais aussi des étrangers (de 3 % au début des années 1980 à 35 % aujourd’hui), sans oublier celle du nombre de spectateurs dans les rues de Paris (de 50 000 au début des années 1980 à 250 000 aujourd’hui) en sont de bons indicateurs. Il en est de même de la rapidité croissante de la course, une accélération qui favorise sa médiatisation et par conséquent son attraction pour les meilleurs spécialistes mais aussi pour l’amateur anonyme qui rêve de participer à la même course que l’élite. Le succès exponentiel du Marathon de Paris s’explique par la conjugaison de deux objectifs que se sont fixés avec de plus en plus de force les différents organisateurs : attirer l’élite internationale en favorisant une course rapide (organisation, parcours, lièvre…) et offrir à la masse une scène urbaine magnifique à travers un parcours animé qui investit les hauts lieux patrimoniaux de la capitale.

Graphique 1. Evolution du nombre de participation sur 43 éditions

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3. Un récit au service d’une ambition touristique

25Si la dimension sportive est évidente, porter une dimension culturelle est autrement plus originale. Comment a- t-elle été mobilisée et mise en valeur par les organisateurs du marathon pour participer au rayonnement touristique de la capitale ? La question reste entière car si à ses débuts le MDP a profité de l’aura de la capitale française pour grandir, son engouement et la dynamique urbaine qu’il génère, ne contribuent-ils pas au renforcement de l’attractivité touristique de la capitale à travers le monde entier ? Pour éclairer ce double récit, nous avons mobilisé quatre indicateurs : le tracé du marathon, l’animation sur le parcours, les représentations des coureurs et celles des différents acteurs concernés par le marathon.

3.1. Un parcours mixte à forte valence culturelle

26Le décodage du parcours parisien révèle un tracé qui concerne à la fois le cœur historique de la capitale (pour 13 km), les faubourgs parisiens et les deux enclaves vertes des bois de Vincennes et de Boulogne (pour 29 km) (carte 2).

Illustration 2. Le zonage du parcours du marathon de Paris

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3.2. Un parcours à forte densité patrimoniale

27Longue de 13 km et constituée de trois tronçons (5 km du départ au 5ème, 7 km du 22ème au 29ème et 1 km du 41ème à l’arrivée), cette partie du parcours traverse la zone cœur à fort capital culturel. Elle représente un peu moins du tiers du parcours mais elle concentre tous les hauts lieux patrimoniaux (26) de renommée mondiale (L’étoile, Les Champs-Elysées, La Concorde, Le Louvre, Notre-Dame, les Tuileries, La Tour Eiffel…) de part et d’autre de la Seine qui est le berceau de Lutecia, mais aussi 47 points d’intérêts (14 sites et attractions, 10 théâtres et musées et 23 œuvres d’art), sur les 58 recensés sur la totalité du parcours. Elle est aussi très spectaculaire car elle offre de très belles perspectives urbaines. Elle est donc qualitativement importante car historiquement constituée et symboliquement forte en lien avec la notoriété mondiale de Paris. Elle contribue ainsi à la singularité voire à l’unicité du parcours parisien en laissant des traces fortes dans l’expérience vécue des marathoniens et en fabriquant des images à forte valence culturelle et touristique.

Illustration 3. La zone cœur du Marathon de Paris

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28Reste que les organisateurs pourraient renforcer la dimension culturelle de l’événement en pénétrant des quartiers aujourd’hui ignorés par le parcours tels que la « Place Vendôme », « le Palais Garnier et le quartier de l’Opéra » « La Bourse », « le Marais », « le quartier latin », les « Iles St Louis et de la Cité ». 

3.3. Un parcours en zone périphérique

29Cette partie s’étend sur 29 km soit les deux-tiers du parcours. Elle comprend une zone de transition de 14 km et une zone verte de 15 km, se caractérise par une faible densité culturelle avec seulement 11 points d’intérêts, par opposition à la précédente. Elle concerne les arrondissements périphériques et le Paris extra-muros avec les deux bois de la ville.

  • La zone de transition de 14 km est constituée de trois tronçons (4 km, 3km et 7 km) qui permettent de faire le lien entre l’hypercentre et les deux bois. Le premier tronçon à l’est de la ville, du 5ème au 9ème km, assure le raccord entre la place de la Bastille et le bois de Vincennes. Le second tronçon s’étire du 19ème au 22ème et permet de revenir dans le centre historique de la capitale. Le troisième tronçon va du 29èmeau 36èmekm et permet d’atteindre le bois de Boulogne. Elle comprend seulement 7 points d’intérêts (3 sites et attractions, 3 théâtres et musées et 1 œuvres d’art) ce qui n’en fait pas une partie du marathon qui enrichit l’expérience du coureur.

  • La zone verte de 15 km est articulée autour de deux tronçons (10 km et 5 km) et comprend seulement 4 points d’intérêts (3 sites et attractions et 1 théâtre et musée), ce qui est très peu en proportion du nombre de km. Le premier tronçon du 9ème au 19ème km fait le tour du bois de Vincennes et le second tronçon du 36 ème au 41ème km traverse une partie du bois de Boulogne. Si le passage par les bois permet aux participants de respirer un peu mieux et de donner une image verte de la ville en accord avec le nouveau positionnement durable, peut-on considérer aussi qu’ils font partie du patrimoine parisien ? De même, le Château de Vincennes pour le premier tronçon et l’architecture innovante de la Fondation Louis Vitton pour le second, juste avant l’arrivée, viennent donner une note culturelle. Le parcours a été modifié en 2018 pour incorporer cette nouvelle attraction parisienne.

30Le marathon de Paris se court sur un parcours à forte valence culturelle notamment dans la partie tracée dans la zone cœur de la capitale (13 km), mais aussi dans la partie tracée en zone périphérique qui, si elle offre moins de points d’intérêts culturels remarquables, n’en reste pas moins constitutive d’un événement touristique.

3.4. Une animation variée et scénarisée

31L’ambiance, la musique, la fête, le partage, l’émotion font partie des mots les plus souvent cités par les participants (tableau 3), témoignant de l’importance de l’animation dans un événement de ce type surtout dans les endroits ordinaires sans patrimoine. Paris a beau être magnifique, son marathon se doit d’être animé pour intensifier l’expérience vécue par les participants afin qu’ils conservent une trace positive en eux et qu’ils en parlent dans leur entourage. L’animation du MDP fait partie intégrante du concept et le structure en amont comme pendant. « Pas un seul marathon au monde n’offre la même animation que nous. Paris est devenu une vraie fête populaire » dixit Edouard Cassignol (ASO, ITW mars 2018).

32Avant l’épreuve, le Marathon expo, le Breakfast Run et la Pasta Party géante y contribuent largement. Durant le marathon l’animation est particulièrement scénarisée et l’émotion est palpable chez les participants qui crient de joie, chantent, sourient, versent quelques larmes et redoublent de selfies. Tout commence au départ avec un rituel qui passe par 5 étapes observées lors du 42ème MDP, le dimanche 8 avril, sur l’avenue des Champs-Elysées, juste sous l’Arc de Triomphe. Durant ce rituel tout est pensé et ordonnancé pour faire monter la pression, pour rendre chacun important et unique :

  • Etape 1 : vous rentrez dans votre SAS de départ et une première musique entraînante retentit.

  • Etape 2 : un échauffement en musique est proposé.

  • Etape 3 : arrive le Clamping, (cérémonial inspiré des supporteurs du football) durant lequel tous les coureurs tapent en cadence dans leur main.

  • Etape 4 : un duo prend alors la parole et harangue la foule : « Are you ready. Dont be afraid. Il est trop tard pour avoir peur. Il est trop tard pour reculer. Vous êtes au départ du 42ème Marathon de Paris. Vous allez le faire. Vous allez terminer. Vous allez aller jusqu’au bout de vous-même. Vous serez finisher du 42ème MDP. C’est votre course, votre défi, votre jour ».

  • Etape 5 : un compte à rebours est entamé puis la musique des charriots de feu et un nuage de confettis forment le départ

33L’animation se poursuit tout au long du parcours qui comprend 70 points d’animation offrant une diversité culturelle en matière musicale mais aussi théâtrale. Cette animation est naturellement complétée par les 250 000 spectateurs qui soutiennent tout au long du parcours les coureurs (orchestres et chants improvisés, musiques variées, démonstrations diverses, tape dans les mains, encouragements par le prénom…). « Il n’y a pas de passage à vide contrairement aux autres grands marathons. A Paris, c’est l’énergie du public qui vous porte. La foule est toujours là pour aider à aller de l’avant » (Philippe Rémond, Champion de France, ITW avril, 2008). Le croisement des données propres au parcours et à l’animation révèle que la création d’une urbanité événementielle par le MDP est une réalité à l’image de celui de New-York. Cette donnée est confirmée par un très grand nombre de participants (50 000 en 2017) qui viennent à Paris pour s’immerger dans une ville musée et contribuer aux multiples animations proposées, participant à l’attractivité touristique.

3.5. Un imaginaire marathonien pluriel

34Il s’exprime à travers des représentations variées que nous avons cherché à éclairer à partir de déclarations et entretiens réalisés auprès des coureurs et acteurs concernés par le marathon de Paris. L’analyse des représentations dévoile 65 mots utilisés pour signifier le MDP, soit une variété du vocabulaire mobilisé en lien avec la diversité des profils sociaux et sportifs des participants (tableau 3). 220 citations montrent un riche imaginaire basé sur des représentations sportives (55 citations), culturelles (110 citations) ou hybridant le sportif et le culturel (25 citations) et économiques (30 citations). L’organisation en général citée 20 fois et l’animation en général citée 10 fois doivent être ajoutées au total des citations, soit 250 au total.

Tableau 3. Résultats des sondages sur les 5 mots clés associés au MDP (échantillon 50 personnes)

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35La représentation culturelle est importante car elle totalise 34 mots et 110 citations si l’on regroupe le registre du patrimoine (8 mots, 41 citations), le registre hédonique et festif (12 mots, 35 citations) et le registre humain en lien avec les notions de partage et de convivialité (14 mots, 34 citations). Le registre patrimonial (41 citations) alimente le plus la représentation culturelle du MDP en cohérence avec la densité et la beauté des monuments, places, avenues, musées et bâtiments existants dans le centre historique mais aussi avec l’image de la ville essentiellement construite sur des fondements culturels. Il est intéressant d’observer que les registres hédonique (35 citations) et convivial (34 citations) participent aussi à cette représentation culturelle. C’est plus particulièrement vrai du registre hédonique qui peut être considéré, à travers l’ambiance festive déclarée, comme une conséquence de la forte patrimonialisation du parcours. C’est en partie le cas aussi du registre convivial appréhendé à travers les multiples relations sociales tissées sur le moment et qui participent à un besoin de vivre des manifestations fusionnelles (Devisme, 2005) ou l’individualité se nourrit de l’effervescence du collectif en phase avec « l’individualisme de masse » décrit à propos de ces grands événements participatifs (Bessy, 1994, 1995, 2010). La complémentarité de ces trois registres contribue à créer une urbanité événementielle intense qui cristallise la dimension culturelle du MDP.

36Cependant, il est intéressant d’observer qu’au-delà la représentation culturelle majoritairement déclarée par les participants, la représentation sportive (15 mots et 55 citations), liée à la difficulté, à la performance, à l’énergie, à l’effort, à la volonté, reste présente. Tout se passe comme si les marathons quelle que soit leur géographie culturelle, et c’est le cas de Paris, étaient aussi pensés pour favoriser la confrontation à soi ou aux autres, en réponse à une demande de record chez les participants, soucieux de leurs performances. En effet, le culte de la performance19 (Ehrenberg, 1991) est aujourd’hui présent dans les pelotons (Bessy et Lapeyronie, 2009), ce qui n’est pas sans influencer aussi le tracé du parcours (grandes avenues, pas ou peu de dénivelé…). L’analyse de la distribution des temps montre un peloton constitué seulement de 1 126 coureurs sous la barre des 3h, sur 40 172 ; et 85 % d’arrivants en plus de 3h 30, ce qui confirme bien la présence de coureurs centrés davantage sur la représentation culturelle que sportive. De plus le pourcentage de femmes décroît avec l’augmentation du rythme de course.

Graphique 2. Histogramme des arrivants par demi-heure (MDP, 2018)

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37Selon nos résultats et au vu de notre expérience dans ce milieu, nous pouvons donc affirmer qu’une catégorie de marathoniens est très largement sous l’influence d’une ou l’autre des représentations. Cependant, un double imaginaire à la fois culturel et sportif est présent chez de nombreux participants (25 citations) à travers des mots tels que image de soi, prestigieux, grand événement, magique, aventure humaine. Il s’exprime chez les mêmes coureurs dans une certaine forme de métissage propre à notre société transmoderne (Corneloup, 2016). Durant ce marathon, chacun cherche ainsi à vivre une expérience unique qui se nourrit de multiples représentations, à la hauteur de l’engagement financier, temporel et physique consenti mais aussi des effets symboliques attendus en lien avec le caractère prestigieux de cet événement. La dimension culturelle paraît aujourd’hui majoritaire au service de l’attractivité touristique du MDP.

38L’analyse des entretiens confirme cette tendance. On peut ainsi identifier trois cas de figure : la priorité touristique, le défi sportif et la cohabition sportivo-culturelle.

3.5.1. L’expérience touristique

39Les déclarations de plus de la moitié des cinquante participants interrogés illustrent bien cette catégorie qui parle davantage des lieux traversés, de culture, d’ambiance, de voyage et de tourisme, que de performance.

« Le parcours met en valeur Paris. Il est majestueux, monumental, exceptionnel à l’image de la ville et des nombreux sites chargés d’histoire traversés. C ‘est l’âme de la course ». Nicole (49 ans, de Saumur, NL, 3h20)

« Tu te sens au cœur de la ville et de ses plus ses célèbres monuments. Tu les vois d’une autre manière car ils sont débarrassés des voitures. La ville est à toi. Tu te sens transporté, comme dans un rêve ». Loïc (26 ans, de Belgique, Licencié, 2h18)

« Tu vois tellement de monuments historiques que tu as l’impression de traverser l’histoire en courant. Le parcours est indécent de beauté. On est comme dans un film. J’ai ressenti beaucoup de partage et d’émotion avec les autres ». Jim (37 ans, de Dunkerque, Association Uni Run, 2h43)

« Je suis venu participer à cet événement pour profiter au maximum de Paris. Mes motivations sont en priorité culturelles. Les éléments culturels présents sur le marathon permettent de visiter la ville sous un autre angle. C’est une tendance qui séduit de plus en plus de coureurs. ». Jean-Michel (49 ans, de Pau, 4h15)

« Je visite les capitales européennes en courant les marathons du 1 avril au 1 octobre. J’ai fait Vienne, Venise, Berlin, Istanbul, Budapest et Madrid durant les cinq dernières années. Courir est un prétexte, ce qui compte c’est le lieu traversé et c’est pour cela que je choisi de beaux marathons qui se déroulent dans de belles villes à visiter. Voilà pourquoi je viens de terminer celui de Paris ». François (48 ans, de Dôle, 4h30)

40Ces extraits d’interviews montrent le motif premier de la venue pour la majorité des coureurs présents à l’événement. Il est essentiellement culturel et touristique. Le MDP est avant tout un moyen de découverte de la capitale française au même titre que d’autres capitales européennes ou moniales.

41Du côté des décideurs, les fédérations, les associations, les anciens champions, les journalistes et tours opérateurs se retrouvent sur la même longueur d’onde.

« C’est Paris en tant que lieu qui a lancé le marathon, car Paris fait tout simplement rêver ». Olivier Guy (FFA)

« Le marathon a un fort ancrage culturel grâce à son parcours et c’est ce qui lui permet de faire rayonner Paris dans le Monde entier ». Pierre Poussard (AFCF)

« Paris c’est magique. Il n’y pas un plus beau marathon que Paris car tous les ingrédients sont réunis (parcours roulant et beau, ambiance populaire, joie de vivre et de partager). La richesse de l’expérience vécue en vaut la peine. C’est le Marathon à faire une fois dans vie ». Dominique Chauvelier

« Le Marathon de Paris est vraiment grandiose. Il est en osmose avec la ville, avec sa population. Il profite de la ville, de son histoire, de son identité, de son image ». Quentin Guillon (Journaliste à Run Magazine)

« Le marathonien aujourd’hui il aime en premier voyager et en second courir, contrairement à hier. C’est une évolution notable que l’on observe partout dans le monde. C’est pour cette raison que les villes peuvent aujourd’hui davantage rayonner en tirant partie de cette nouvelle façon d’être un touriste en lien avec cette nouvelle façon de courir et de se comporter ». Héléna Olsson de (Agence Sport Travel de Barcelone)

3.5.2. Un défi sportif 

42De nombreux participants interviewés ont exprimé ce type d’objectif. Ils sont plus nombreux, plus le temps réalisé est rapide. Interviewé juste avant le départ, Nicolas (37 ans, non licencié), fait partie d’un groupe de 8 personnes qui sont venus ensemble de Lille pour courir leur premier marathon et leur premier « Paris ». Ils travaillent tous chez Décathlon et ce projet a germé au sein de leur entreprise. Il déclare : « C’est un défi personnel dans un défi d’équipe car on veut tous finir en réalisant leur meilleur temps possible / à nos capacités respectives. On s’est entraîné ensemble pour remplir cet objectif. On est conscient de la difficulté mais on est motivé ».

« Je visais un temps de référence et je voulais être dans les cinquante meilleurs. C’est fait. Je ne pensais qu’à une seule chose : courir le plus vite possible ». José (de Nogent sur Marne, 33 ans, licencié, 2h37)

« Je viens pour courir, pour améliorer ma performance de l’année dernière [à Rennes] (4h30). Alors, vert ou pas, on s’en fout. De même, les beaux monuments, ce n’est pas ma motivation principale ». Sandrine (45 ans, licenciée)

« La dimension sportive est pour moi plus importante que la dimension culturelle ; j’ai du mal à apprécier le patrimoine traversé. Je me prépare toute l’année afin de réaliser une performance qui a du sens pour moi (3h30). C’est la première fois ici à Paris. Je suis venu avec 8 autres copains du club et on a tous le même objectif ». Ivan (Castille de la Manche, 45 ans, 3h32)

« Je suis venue avec mon copain depuis la Belgique. C’est mon troisième marathon après Bruxelles et Versailles. Je débute dans l’activité et j’ai besoin de me concentrer avant tout sur la course pour pouvoir finir (autour de 5h). C’est dur pour moi, c’est un vrai défi sportif ». Jennifer (, 34 ans, de Liège 5h12, marathonienne débutante

43Le défi sportif peut être prioritaire quel que soit le niveau du coureur. Il n’est pas réservé aux compétiteurs ou aux performers de bon niveau. Il est présent aussi chez les marathoniens peu expérimentés mais qui souhaitent par-dessus tout finir.

3.5.3. Les deux registres culturels et sportifs

44Cette double représentation s’exprime aussi bien chez les coureurs comme chez les acteurs concernés par le marathon. Delphine (45 ans, de Bayonne, non licencié, 4h13) se retrouve dans cette catégorie. En tant qu’ancienne sportive de Haut-niveau (rugbywoman), elle se fixe comme objectif de faire une fois dans sa vie un marathon, forcement en mode performatif mais dans un lieu renommé.

« Quand je me suis lancé le défi de faire un marathon, j’ai pensé tout de suite à Paris car j’avais envie de souffrir dans un bel endroit, un endroit qui me fasse vibrer. Dans le même temps, je me suis préparé pour le terminer en 4 heures. Je me suis pris au jeu de l’entraînement et pendant la course j’étais sur mon chronomètre et mes temps de passage. C’était important pour moi de faire un temps qui ait du sens par rapport à mon vécu de sportive et à mes ressources. Même si ce marathon reste un one shot dans ma to do list ».

« Les coureurs viennent en priorité pour se dépasser par rapport au défi sportif qu’ils se sont lancés de finir un marathon ou de le courir en moins de tant de temps, mais aussi de se comparer entre eux. C’est le chrono qui domine. Il n’en reste pas moins que la dimension culturelle est présente car les coureurs de l’extérieur profitent du parcours du marathon pour découvrir les plus beaux endroits de Paris. Ils sont là pour vivre une expérience personnelle et unique qui n’est pas seulement balisée par la performance mais enrichie par l’univers hédoniste dans lequel se déroule la course et qui stimulent les sensations. C’est une chose que les coureurs aiment partager dans une espèce de communion » Patrice (38 ans, de Nantes, non licencié).

« Le Marathon de Paris c’est un mélange de sport et de culture. Sport car 42 km : ce sont des sacrifices, du travail, de l’énergie et de la culture car cet événement concentre les symboles de la ville en mettant en valeur les lieux les plus emblématiques » Raymonde (46 ans, de Bordeaux)

« La dimension culturelle oui bien entendu est importante, je n’y suis pas xinsensible mais ce n’est pas ce qui m’a fait venir en priorité ici à Paris avec les potes du club. Pendant la course, je suis concentré sur mon rythme, sur mon prévisionnel temporel (temps de passage à chaque km) / autant que je souhaite faire (moins de 3h). Je reste après pour visiter car je sais que Paris vaut le coup d’œil » Patrick (47 ans, de Nice, 2h56)

« C’est un événement sportif en priorité car le sport est très développé en France. Mais c’est aussi un événement touristique car il fait venir de nombreuses personnes du monde entier (Allemagne, Canda, USA, GB, Italie, France, Portugal, Suisse…) à Paris pour la première fois, curieuses de voir à quoi ressemble la capitale française. Les gens vivent une bonne expérience et parlent en bien de Paris ce qui contribue à sa notoriété à l’extérieur » Sylvie, directrice adjointe de Paris Tourisme.

45Cette hybridation des représentations et des modes d’engagement entre sportivité et culturalité est une tendance montante dans la mesure où si la performance auto-référencée a du sens pour de nombreux marathoniens, elle est davantage magnifiée dans un lieu renommé à haute valence culturelle et touristique.

Conclusion

46Le MDP propose un écrin patrimonial, une ambiance et des conditions de course favorables à toutes les formes d’engagement (de la plus performative à la plus hédoniste). Il devient incontournable pour de nombreux coureurs qui viennent y chercher un sublime graal : courir 42k 795m dans la plus belle ville du monde. Cet événement s’inscrit principalement en cohérence avec la ville globale et interculturelle qu’est Paris car il porte un récit culturel à fort gradient touristique, marqué par la construction d’une urbanité événementielle principalement structurée autour des dimensions patrimoniales, hédonistes et conviviales. La dimension cosmopolite et symbolique du marathon, lié au caractère multiculturel des participants, convoque le Monde dans la ville et contribue à son rayonnement touristique. Le Marathon de Paris présente aussi un caractère sportif, visible dans le tracé du parcours (grandes avenues, absence de dénivelé, kilométrage important en dehors de la zone cœur, zones vertes…) et l’analyse des mots qui nous renseignent sur les représentations des coureurs. Il correspond au processus d’homogénéisation et de standardisation des marathons lié à la culture performative de masse (Ehrenberg, 1991). Il est à signaler également que l’enjeu économique devient important au fil des années. Il répond au Paris créatif et libéral car le marathon innove chaque année dans les services offerts aux coureurs en lien avec ses partenaires. Le gigantisme du MDP et sa gestion privée (ASO) génère des effets négatifs auprès des coureurs qui risquent à moyen terme de dissuader certaines personnes de s’inscrire. Ce serait une dérive selon quelques participants (9 mots et 25 citations) à travers les critiques suivantes : « prix trop cher du dossard », « un marathon qui respire trop l’argent », qui est « trop business », « trop mercantile », qui est en train « de perdre son âme » avec « des sponsors hors sport » à l’image de Schneider Electric et un « Marathon Expo trop centré sur le fric ». Pour Quentin de Bordeaux : « Le Business est trop présent dans ce marathon et plus particulièrement au Marathon Expo. J’ai ressenti une sensation de dégoût presque lorsque j’ai découvert, il y a 5 ans, pour la première fois ce salon du running. J’ai eu une impression lourde et repoussante de me trouver là que pour consommer, être obligé presque d’acheter, avec la multiplicité des gros stands de marque, des vendeurs tous habillés pareils ». A l’inverse, l’aspect économique est envisagé positivement par une minorité qui parle de marketing et évoque les retombées pour Paris en matière de tourisme sportif (5 citations). Le MDP est dans cette logique une opération réussie de marketing territorial à l’international. En revanche, le Paris participatif et citoyen est absent dans les représentations et les discours des participants, en décalage avec les annonces faites sur la prise en compte de l’environnement faites par les organisateurs et notamment le partenaire principal (Schneider Electrique). Le MDP n’est pas aujourd’hui considéré comme une épreuve éco-responsable par les coureurs et si des actions sont initiées, elles sont peu remarquées. La synergie avec Paris comme ville civique est loin d’être atteinte. En avril 2018, ASO déclarait : « Avec 55000 inscrits, 43 537 au départ et 42 000 à l’arrivée, la gestion des flux devient le point le plus complexe. Accueillir 5 000 coureurs de plus mais au détriment de la sécurité et du confort des participants notamment au niveau des zones de départ et d’arrivée, n’est pas dans notre projet ». Et pourtant dès l’année suivante en 2019, le nombre d’inscrit passait à 60 000, jamais autant de monde était présent sur la ligne de départ (49 155). Alors quel avenir pour le marathon de Paris ? La question reste posée car les enjeux environnementaux vont être de plus en plus prégnants en lien avec la généralisation d’événements éco-responsables en transition qui ne se contenteront pas de faire du « greenwashing ».

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Notes

1 On peut constater une faible « héroïsation » des marathoniens explicable dans la modestie de la littérature, de la filmographie et du nombre de champions connus en lien avec leur turn-over.

2 Elle est définie comme : « Une caractéristique construite d’un territoire spécifique et ce dans une optique de développement » par Gumuchian & Pecqueur (2007)

3 Amaury Sport Organisation (ASO) est une entreprise qui organise de nombreux grands événement sportifs (Tour de France, Roland-Garros…) et depuis 1998 le marathon de Paris.

4 C’est ce qu’on appelle : le « Paris des Présidents » : Georges Pompidou et le Centre Beaubourg, Valéry Giscard d’Estaing et le Musée d’Orsay et François Mitterrand en tandem avec Lang avec l’Opéra Bastille, la Pyramide du Louvre et la Fête de la Musique.

5 En référence avec le titre d’un ouvrage d’Ernest Hemingway.

6 Par haut lieu patrimonial nous entendons un espace où la densité patrimoniale est importante en volume comme en qualité.

7 Dans l’appellation sites et attractions sont regroupés : les places, les fontaines, les ponts, les parcs et jardins, les édifices religieux, les pavillons, les ambassades et autres bâtiments institutionnels, politiques ou religieux

8 Dans œuvres d’art sont regroupés les statues.

9 Il s’agit d’Edouard Cassignol, directeur des épreuves Grand Public et de Thomas Delpeuch, responsable logistique du MDP chez ASO.

10 Marathon expo est le plus grand salon du running de France qui se déroule chaque année les trois jours précédents le Marathon et qui regroupe toute l’économie de la course à pied.

11 C’est un lieu propice car passage obligé de tous les coureurs qui viennent récupérer leur dossard et qui sont disponibles car pas encore dans leur épreuve. Il est bien entendu que nous avons choisi des personnes qui avaient déjà couru au moins une fois le MDP.

12 L’AFCF, sigle pour nommer l’Association Française des Coureurs de Fond, a été créée en 1979 et a contribué à amener bon nombre de coureurs à participer à différents marathons dans le monde, dont celui de New-York, en particulier.

13 Extrait de l’ouvrage « Marathon de Paris. J’ai 30 ans », L’Équipe/AS0, 2006, p32

14 On comptabilisait 2 000 marathoniens en France en 1975, contre 12 000 en 1980.

15 « La traversée de Paris en short », in Libération du 25 juin 1979.

16 Le MDP est géré alors par l’Association pour la Promotion des Manifestations Sportives Parisiennes (APMSP) en lien avec la Ville de Paris et le Stade Français.

17 Michel Lainé est à cette époque Maire Adjoint aux sports de la ville de Paris sous la mandature de Bertrand Delanoë.

18 Le MDP n’a pas été couru en 1991 en raison de la Guerre du Golfe.

19 Hormis quelques compétiteurs (10% des participants en moyenne) qui privilégient une performance normo-référencée (une place, un temps de référence), il est important de préciser que pour la très grande majorité des coureurs, il s’agit d’une performance auto-référencée, définie comme l’optimisation de ses propres ressources à un temps T, c’est à dire réalisée pour soi-même dans un temps qui ne prend de sens que pour l’individu concerné.

Pour citer ce document

Olivier Bessy, « Le marathon de Paris : un positionnement sportif et culturel au service de l’attractivité de la capitale » dans © Revue Marketing Territorial, 8 / hiver 2022

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=767.

Quelques mots à propos de :  Olivier Bessy

Sociologue du sport, des loisirs et du tourisme, Olivier Bessy est Professeur d’Université au Collège Sciences Sociales et Humanités de l’Université de Pau. Il y dirige le master tourisme en tant que membre du laboratoire TREE (UMR CNRS 6031) où il développe des recherches sur la problématique de la transition sociétale et de l’innovation touristique dans les territoires urbains et montagnards. Olivier Bessy s’intéresse aux pratiques récréatives, aux aménagements et aux événements. Ses travaux portent aussi sur l’éclairage de la diffusion de la culture des loisirs et des sports extrêmes dans la société et plus particulièrement sur la course à pied.