Situer l’événementiel comme levier d’action du marketing des territoires : définition, délimitation, combinaison

Charles-Edouard Houllier-Guibert


Texte intégral

1Dans le cadre d’un travail d’HDR, nous avons proposé un schéma théorique qui analyse l’événementiel, pensé de manière ample, avec la focale du marketing des territoires, en ce qu’il contribue au développement local. Les différentes catégories d’événement (fêtes, mega-event, congrès, événement médiatique, commémoration, anniversaire de territoire, compétition sportive, festival…) sont à envisager comme autant de leviers d’action du marketing des territoires qui se structure au travers des enjeux renforcés d’image et d’identité via des actions et dispositifs récemment assumées d’attractivité des territoires en tant que politiques publiques (Houllier-Guibert, 2019 ; Edouard, 2019). L’approche critique n’est pas abordée ici afin de se focaliser sur l’apport du marketing territorial. Nous nous basons sur les définitions les plus communément admises afin d’aboutir à l’articulation de ce type d’activité avec le marketing des territoires qui est étudié, par le prisme de la combinaison des 4 leviers qui le composent.

1. Le cadrage définitionnel de l’événement en tant que levier du marketing des territoires

2La définition scientifique qui circule le plus à propos de l’événement est la suivante : « occurrence à un endroit et à un temps donnés, d’un ensemble spécial de circonstances » (Getz 2008 p.18). Il est admis qu’il peut transformer l’image d’un territoire et impacter son attractivité par les multiples retombées tant économiques, touristiques, sociales qu’urbaines. Par exemple, des études sur les méga-événements montrent que les impacts immatériels constituent souvent les principaux bénéfices économiques pour les territoires d’accueil (Rodriguez, 2016). Les capitaux immatériels sont devenus des facteurs stratégiques pour la création de valeur future et sont désormais considérés comme les facteurs clés de la croissance économique et de la compétitivité. Plus largement, il suffit de lire les autres articles de ce numéro thématique de la RMT pour le constater. S’adjoint l’idée de Célébration, envisagée comme un moment particulier d’émotion et de communion fédératrice (pour le sport surtout). L’événement dispose d’une dimension mémorielle matérielle mais aussi immatérielle et se compose alors de :

  • Une organisation préalable

  • Une limite dans le temps et le lieu

  • Une médiatisation (l’événement en question n’est ni privé ni caché)

  • Une performance (sportive, culturelle, échange sociale, intellectuelle, performance…)

  • Des retombées matérielles et symboliques

3Les événements peuvent être classés selon le but poursuivi ou le secteur particulier qu’ils représentent que ce soit le domaine du sport, des arts, du tourisme, des affaires (Bowdin et al., 2006 ; Getz, 2008). Trois familles d’événements viennent recouvrir l’essentiel des milliers d’événements publics organisés dans le monde : les événements sportifs, culturels et d’affaire.

4- L’événement sportif est une manifestation médiatisée, parfois puissamment (Gratton et al., 2000), lié à la performance, l’exploit ou la compétition. Les trois types d’événements les plus suivis au monde médiatiquement (Jeux olympiques, Coupe du monde de football et championnats de F1) invitent à accueillir et organiser spatialement ces expériences parmi lesquels les marathons, les championnats internationaux, les manifestations dans les stades ou arénas. L’événementiel rend attractif les lieux tout en utilisant l’image des territoires, en même temps qu’il la modifie partiellement. Les événements sportifs se décrivent à partir de plusieurs variables significatives : la fréquence, le niveau et la nature de la compétition, son poids économique, son coût, sa localisation, le statut de l’entité porteuse. En tant que fait social où l’on se rassemble dans une sorte de célébration collective pour assister à un spectacle sportif (Jay et Piquet, 1985), l’événement peut être fabriqué localement à partir d’initiatives associatives ou institutionnelles. À l’opposé, l’événement peut se déplacer dans des villes différentes, sélectionnées et alors qualifiée d’hôtes, prenant parfois la forme d’un label, comme ceux de l’Union européenne par exemple1. Toute une série d’événements moins médiatiques mais tout autant sportifs, viennent rythmer les sociétés locales, notamment avec la jeunesse (UNSS, championnats départementaux), ce qui donne l’occasion de dissocier les activités où l’individu pratique un sport, de celles où l’on va visiter un lieu sportif ou voir un spectacle sportif (Pigassou et al., 2003).

5- L’événement culturel est assez polymorphe. Ceux qui se distinguent par l’art, présent pendant l’événement (création/diffusion), renvoient à une définition restreinte de la culture, entendue comme secteur d’activité, excluant par là-même les événements d’ordre religieux, traditionnel ou encore folklorique (Arnaud, 2012, p.128). Les géographes s’intéressent aussi à divers types d’événements populaires, basés sur les identités locales comme les nombreuses fêtes de la Pomme ou du boudin (Marcilhac et Moriniaux, 2018). Les événements culturels sont souvent récurrents et se copient entre eux avec des raisons d’être assez proches. Les années 1980 ont confirmé leur potentiel économique et surtout d’attraction ponctuelle et les festivals apparaissent comme les plus faciles d’entre eux à créer, favorisés par de nombreux facteurs en France (Brennetot, 2004) : la massification de l’accès à la culture, le temps de loisirs de plus en plus important ainsi que les budgets afférents, l’amélioration de l’accessibilité au territoire. En outre, la décentralisation culturelle a amené les collectivités locales à vouloir chacune créer ce type de manifestation. La relation entre la ville et ses habitants inclut toute taille d’événements, notamment à partir de l’idée de célébration, ce qui vient atténuer les frontières catégorielles. Ainsi, l’événement festif urbain réunit « toutes sortes de manifestations liées au domaine de la culture et des loisirs, organisées à une échelle urbaine, ayant la capacité d’attirer l’attention des acteurs territoriaux externes et de mobiliser la population interne d’un territoire par une rupture flamboyante avec le quotidien, par l’originalité de sa mise en scène, sa temporalité éphémère et son ambiance festive maitrisée » (Miranda et Cermakova, 2009).

6- L’événement d’affaires rassemble des activités un peu plus éloignées de la célébration car le plus souvent privées avec des visées de commerce. C’est l’individu en tant que professionnel qui est concerné à propos de nombreux formats que l’expression MICE (Meeting, Incentive, Conferencing ou Congress, Exhibition ou Events) recouvre, avec des buts variés comme la rencontre commerciale, scientifique, sociale ou politique. Les congrès et les incentives (voyages de stimulation pour les collaborateurs d’une même entreprise) contribuent à l’allongement de la saison touristique des lieux d’accueil tandis que les foires et les salons remplissent des hôtels moins concentrés spatialement autour des parcs d’exposition en périphérie urbaine. À partir de la définition d’un tourisme de réunion qui rassemble des personnes liées par des intérêts communs (scientifiques, corporatistes, ludiques) qui s’informent, débattent par le biais d’une rencontre (Christofle, 2004, p.16), c’est moins la périodicité qui fait l’événement que la notion d’échange. Organisés par une entité privée ou publique, les événements professionnels sont aussi fréquentés par les lobbyistes et les décideurs de toute corporation, qui viennent s'informer de l’état des opinions au sein d’un groupe professionnel. L’ICCA2 retient la définition de « réunion régulière d’une base représentative des individus appartenant à un unique groupe professionnel, culturel, religieux ou autre ». Certaines manifestations sont organisées par des associations ou des organisations sans but commercial afin de rencontrer des participants d’horizons variés toujours pour échanger des informations. Parfois une médiatisation (locale ou extra-locale l’accompagne), ainsi, quel que soit le type d’organisateurs, certains événements tels les sommets politiques (Coop, G7-8 ou 20) ou des événements célèbres comme Davos offrent une notoriété importante pour le territoire hôte.

7Enfin, en sus de ces trois catégories, des exemples viennent complexifier la délimitation, comme l’exemple des Manifestations républicaines de 2015, liées aux attentats du journal Chalie Hebdo, qui ont généré une forte médiatisation et une expression territoriale symbolique (Houllier-Guibert, 2016). Ni sportif, ni culturel, ni économique, ces rassemblements spontannées font Evénement en ce qu’ils marquent l’histoire par une célébration basée sur la spontanéité. Dès lors que ces événements reposent sur une dimension symbolique, tant par le choix des lieux de rassemblement, que par les angles photographiques de leur médiatisation, alors on entre bien dans un marketing des territoires qui cette fois repose sur la mise en valeur des lieux de condensation (Debarbieux, 1995) par les journalistes.

2. La quête d’attractivité d’événements tellement variés

8Ces trois types d’événements forment l’essentiel de ce qui existe, principalement dans les villes, notamment les plus importantes. Lorsque Getz dit que l’événementiel touristique contribuent à l’attraction des touristes, au marketing des territoires, l’animation des lieux et prend la forme d’un catalyseur pour le développement local (2012, p.15) ; on est bien sur la question des effets, tant étudié et pourtant difficilement cernable de manière précise. Le tableau 1 recense une variété particulièrement ample des événements intéressants pour un territoire en termes d’effet d’image. La temporalité est la condition particulière de ces phénomènes qui ont une complexité forte que plusieurs thèses ont approchée (tableau 2).

Tableau 1. La diversité des événements au travers d’exemples récents

Image 10000201000003C500000215BAF93272.png

9La littérature s’est intéressée au lien entre l’attractivité et les événements culturels tels que les festivals (Brennetot, 2004 ; Soldo et al. 2013) ou les capitales européennes de la culture (Garcia 2004 ; Werquin, 2006 ; Liefooghe, 2010 ; Leloup et Moyart, 2014 ; Le Corf, 2016). Enfin, des clusters culturels3 contribuent aux villes créatives (Scott, 2000 ; Paris et Veltz, 2010) et peuvent être confortés par des événements. A titre d’exemple, les récentes thèses soutenues en science de gestion ou en géographie montrent bien l’amplitude possible de sujets qui combinent développement local et événementiel, de manière éparse, ce qui augure d’une difficulté à rassembler l’ensemble de ces travaux dans un champ identifié.

Tableau 2. Exemples de thèses rédigées en français, se focalisant sur l’événementiel

Image 1000020100000327000002A27433A6E3.png

10En acceptant qu’un événement est « une manifestation qui, concernant principalement un secteur d’activité (sport, culture, économie), a des répercussions territoriales de tous ordres (création de valeur, effet d’image, facteur de cohésion sociale, divertissement) et, à un titre ou à un autre, un impact international (venue de touristes étrangers, effet d’image, réplication de l’événement à l’étranger) bénéfique pour le pays ou le territoire d’accueil » (Augier, 2009, p.4), nous retenons les éléments suivants afin de situer l’événement comme un levier du marketing des territoires, générateur d’interactions diverses. Cette liste d’élément repose sur la typologie d’événements culturels réalisée par Miranda et Cermakova (2009) à partir de trois villes françaises ; associée au travail à de Bessy et Suchet (2015) à propos de quatre événements cette fois sportifs. On observe alors deux axes basés les enjeux de conception et d’organisation (stratégie touristique, accès du public, échelle de médiatisation) ainsi que les effets spatiaux d’un événement (types d’espace, emplacement, nombre et liaisons entre les sites). Il ressort :

  • Le plus souvent, plusieurs sites constituent l’événement, l’un d’eux étant central, sur des espaces symboliques (celui central renforce la connaissance des sites secondaires). Certaines villes dédient des espaces à plusieurs manifestations au fil de l’année, devenant alors des équipements singuliers pour lesquels les aménagements urbains s’adaptent en tant qu’espaces récréotouristiques. Événement et centralité sont très liés.

  • Les sites d’accueil (square, rue, quai, parc, place…) essaient plus ou moins de faire une rupture avec l’espace urbain grâce à des ambiances lumineuses ou musicales, parfois des délimitations physiques, réinvestissant des sites historiques ou des quartiers d’habitat ou d’affaires désertés à certaines heures, réenchantant l’atmosphère de lieux qui offrent une expérience particulière aux usages habituels de l’espace dédié.

  • L’accès à l’événement est mixte, avec des tarifs sociaux (forfaits, pass…) et une grande part repose sur la gratuité de l’espace public ou plus rarement du lieu de congrès. L’événement est fédérateur, inclusif au sein d’une société de l’anomie.

  • La médiatisation renforce le rayonnement afin de consolider le caractère démocratisant ou commercial de l’événement et de manière quasi-systématique, valoriser le territoire d’accueil. L’événement contribue à l’image du territoire hôte, montrant un dynamisme basé sur la célébration, le partage, l’expérience.

11Plusieurs chercheurs s’accordent pour considérer l’événement comme un levier du développement territorial qui « contribuent au développement culturel des communautés humaines dans lesquelles ils se déroulent [... et] participent au développement économique et social des collectivités qui les accueillent » (Dechartre, 1998, p.2). Nous pouvons ajouter la condition de la temporalité, inhérente à l’événement. Chaudoir (2007) utilise l’expression de la « ville événementielle » à travers la temporalité des événements et leur caractère éphémère dans l’espace urbain. Gravari-Barbas et Jacquot (2007) examinent l’événement comme un outil de maîtrise du temps urbain en ce que la plupart des acteurs locaux ont tendance à vouloir pérenniser ses effets en matière d’image mais aussi d’urbanisme. Marais et Arnaud (2013), par une approche managériale, corroborent cette quête de maîtrise, en diagnostiquant l’épaisseur temporelle qui se réfère à un processus lent et parfois incrémental de décision et de mise en place de l’événement ; ainsi qu’une épaisseur spatiale qui correspond aux lieux investis, le plus souvent centraux nous l’avons déjà dit, au regard de l’aire urbaine considéré comme lieu d’accueil sur le plan international.

12À l’éphémère qui dure en matière d’image et la centralité réenchantée ponctuellement, nous pouvons ajouter d’autres effets qui, par leur intrication, montrent une complexité étudiée par Bihay (2018) avec l’exemple de la Fête des Lumières de Lyon. Dans son article il combine les apports de l’événement au travers de ce qu’il appelle la triple configuration territoriale (tangible, réticulaire, symbolique) ainsi, la manifestation événementielle génère des phénomènes co-existants :

  • La production d’effets de cohésion de la société locale

  • L’apport de développement économique avec une mise en œuvre importante de savoir-faire et de compétences qui peuvent s’exporter (via des groupements d’intérêt économique), ou avec le développement de relations entre industrie et recherche

  • Une notoriété internationale, avec un effet sur l’image de la ville

13Une partie de ces événements utilisent des emblèmes territoriaux (Lussault, 2003) qui génèrent et rappellent leur ancrage local. Que ce soit pour des Jeux olympiques ou pour des fêtes qui portent le toponyme dans leur nom, bien des monuments sont utilisés comme élément illustratif qui localise et met en exergue l’identité locale. Par exemple, le championnat mondial de Basket qui se tient à Istanbul en 2009 utilise les géosymboles de la ville, la candidature parisienne au JOP transforme le chiffre 4 en tour Eiffel, la cathédrale d’Evreux est enserrée par Goldorak et ses acolytes, les architectes Perret et Niemeyer viennent composer le fanion des 500 ans de la ville du Havre.

Figure 1. Les monuments identitaires pour incarner les événements et les situer

Image 100002010000046A0000038A60344CE8.png

14La plupart des auteurs distinguent les événements suivant leurs envergures (Getz, 2008) en différenciant les méga-événements des événements locaux et régionaux mais ici, nous nous intéressons à l’ensemble du spectre d’un événementiel qui a plusieurs facettes. Pour autant, on peut souligner l’omniprésence des festivals qui « constituent des événements ponctuels mais demeurent inscrits dans la continuité de la récurrence. Ils se déroulent chaque année presque à chaque fois au même moment, ce qui leur confère un passé susceptible d’être fixé en mémoire. Enfin, le festival reste attaché, sauf exception, à un site, une ville ou un village voire un département, qui lui sert de support et avec lequel s’opère une identification réciproque » (Brennetot, 2004, p.32). Dans son article, Brennetot fait ressortir une occupation pleine et entière de l’espace français par le phénomène festivalier : « il est rare de devoir parcourir plus de trente kilomètres pour atteindre une ville ou un village où se tient au moins un festival dans l’année ».

3. L’inscription de l’événementiel parmi les autres leviers du marketing territorial

15Les enjeux habituels de l’événementiel (gouvernance, effets économiques et d’image, temporalités, ancrage territorial) combinés à la variété des événements, sont des arguments d’amélioration du territoire dans sa dimension identitaire et génératrice de lien social. Dans l’esprit d’un marketing des territoires qui cherche à rendre attractif les lieux ou à renforcer le sentiment d’appartenance, l’événementiel se définit ici en tant qu’actions, projets, dispositifs ou stratégies de développement, principalement portés par la sphère publique, à visées plus ou moins ambitieuses, rarement mesurables. Les événements sont aussi gérés par les acteurs privés (Bourbillières, 2017). D’emblée, nous ne parlons pas de l’événementiel en tant que phénomène isolé. Pour approfondir l’analyse, il est intéressant d’observer que l’événementiel fonctionne souvent avec un ou plusieurs des autres leviers du marketing des territoires, catégorisés dans le cadre d’une HDR (Houllier-Guibert, 2021) :

  • L’aménagement et les opérations d’urbanisme (transitoire, de renouvellement urbain, de revitalisation commerciale…) le plus souvent.

  • La promotion du territoire et différentes formes de publicité, quasiment toujours.

  • Le réseautage notamment en tant que condition nécessaire à l’obtention d’un label.

  • Et pour les deux autres axes qui forment le marketing territorialisant4, on peut aussi entrevoir des liens. Mais nous nous cantonnons ici au marketing des territoires.

16Nous présentons succinctement les quatre formes de production du marketing des territoires, l’événementiel en dernier, qui peuvent parfois s’imbriquer par le prisme du choix stratégique de l’entité porteuse de l’initiative. Soulignons que la catégorie de la mise en réseau, concerne une partie des éléments des autres catégories, en contribuant à mettre en relation au sein des territoires (incubateur, tiers lieux, cluster, RTO…) ainsi qu’avec d’autres territoires (lobbying, benchmark, parrainage, jumelage…) et vient alors élargir le spectre étudié : si les trois autres vecteurs visent la fabrication de l’image des territoires, le découpage en quatre formes, dont le réseautage, concerne plus largement le marketing des territoires dont les enjeux d’image ne sont qu’un des objectifs. Ainsi, chacun d’entre eux est défini comme suit :

  • Le marketing des territoires produit par le réseautage concerne des rencontres diplomatiques, de benchmarking, de jumelage, de mise en relations professionnelles sur des secteurs spécifiques, de la coopération décentralisée ou encore un travail de visibilité sur des salons avec parfois de la prospection. Une institution publique qui a son stand au MIPIM5, au salon de l’agriculture, au salon nautique ou bien qui participe au colloque mondial sur les smart cities ; agit pour développer le territoire, certes au sein d’un événement, mais dans le but de réseauter. Appartenir à des réseaux de ville (eurocités, villes et pays d’art et d’histoire, villages fleuris) permet de cumuler des compétences afin de valoriser son territoire, comprendre des enjeux (touristique, économique…) en faveur de la dynamique locale ou internationale. Le réseautage est le levier le plus invisible pour l’habitant du territoire car sa médiatisation est moindre ; il est aussi le plus difficile à circonscrire.

  • Le marketing des territoires produit par l’aménagement concerne des opérations d’envergure diverse, depuis le projet urbain de réaménagement d’une gare, jusqu’à la mise en place de mobilier urbain dans les espaces centraux. Les questions d’appropriation des lieux (jardins éphémère, requalification temporaire de friche, place making dans les quartiers), dont l’esthétisation des lieux (plan lumière, mise en ambiance, street art), sont des actions souples ou ponctuelles qui parfois peuvent appartenir à la catégorie de l’événementiel, ce que vient questionner l’urbanisme transitoire. Les équipements culturels ou sportifs (arénas, stades, mobiliers urbains d’activités sportives…) contribuent à l’attraction mais aussi à la rétention des flux récréatifs grandissant avec le renforcement des mobilités. L’accompagnement à la consommation dans les centre-villes, sur les fronts d’eau, les zones commerciales, sont des démarches pas toujours publiques et souvent mixtes, qui façonnent l’espace urbain. Les opérations de revitalisation urbaine modernisent voire embellissent la ville, avec parfois des aménités favorables à l’image des territoires tels le Miroir d’eau de Bordeaux, l’Ombrière de Marseille ou les abri-vents de Dunkerque ou bien plus rayonnant encore, les flagships (Ethier, 2015). Les espaces modernisés servent aisément d’écrin à l’événementiel, comme par exemple l’aménagement des quais de Seine qui permet d’organiser chaque été l’opération Rouen-sur-Mer, inspirée de Paris-Plage. Dans d’autres configurations, les chercheurs décrivent comment l’événementialisation empreinte de marchandisation a transformé le centre-ville de Leeds (Spracklen et al. 2013, p.167) lorsque l’accueil d’événements devient un instrument urbanistique pour la revitalisation d’anciens sites industriels, en les transformant en lieux d’activités de loisirs (gratuites ou bon marché) en spectacles commercialisés (chers) et en espaces privatisés. Spracklen et al. 2013 dénoncent une crise de la pensée dans les politiques et la planification urbaines : « soumission aveugle à la croyance dans le pouvoir de transformation qu’auraient les événements, volonté de confier les espaces publics aux firmes événementielles privées, et espérance naïve quant aux retombées socio-économiques qui confine au cynisme face à une population qui peine à payer les factures ». La propension aux travaux critiques est forte à propos de ce levier, conduisant vers la dénonciation de la ville néolibérale.

  • Le marketing des territoires produit par la promotion correspond à l’idée première que chacun se fait du marketing territorial. Il s’agit d’opérations comme les campagnes publicitaires, les fabrications de destinations touristiques, mais aussi les marques Territoire et d’autres actions matérielles (goodies et objets divers renforçant le sentiment d’appartenance) qui ne sont pas toujours portées par les acteurs publics6. Les ambassadeurs sont un dispositif qui a toute sa place dans la catégorie promotion notamment quand ils sont attachés à la marque Territoire créée, en tant que support de pérennisation de la démarche marketing (Houllier-Guibert et al., 2018). Mais d’autres types d’ambassadeurs, plus discrets, concernent la catégorie « réseautage », là encore les frontières sont poreuses. Des liens avec l’événementiel existent quand par exemple, Rennes est mise en valeur dans une campagne publicitaires en 2006, à partir de son événement phare qu’est le festival de musique Transmusicales. La promotion du festival est diffusée en affichage à travers la stratégie de communication globale de la ville, le festival tenant le rôle d’aménité urbaine. Lorsque Le Mans réalise une campagne publicitaire basée sur la course des 24h du Mans, allant jusqu’à regretter d’avoir une image du territoire enfermée entre les Rillettes et une course automobile (Urbanisme, 2003), l’événement sert bien une opération de promotion. La Fête des Lumières de Lyon fait marque de référence et même expertise à travers le monde sur la thématique des illuminations (Bihay, 2018) lorsque d’autres villes veulent aussi une fête équivalente. Avignon et son festival de théâtre, Cannes et le cinéma, les villes ne sont cependant en rien restreintes à un événement, quel que soit son rayonnement. Mieux vaut une image thématisée sur un événement phare que pas d’image forte.

  • Le marketing des territoires produit par l’événementiel concerne diverses formes de manifestations. Selon Getz, la définition d’un grand événement se concentre souvent sur un secteur d’activité (économie, sport, culture) qui a des répercussions territoriales de tous ordres (création de valeur, effet d’image, cohésion sociale, divertissement, visibilité et attraction internationale) bénéfiques pour le territoire d’accueil, voire pour l’ensemble du pays (Getz, 2008). Au risque de nous répéter, il y a tout un spectre d’événements variés tant dans la récurrence, l’envergure, la visibilité, le budget et le mode de financement, le rayonnement ; avec même des formes de labellisation dont l’événementiel est la visibilité (annuelle le plus souvent). L’accueil de congrès ou d’événements phares sont des politiques d’attraction pour certaines métropoles qui essaient de déployer une dynamique sur toute l’année. La mise en place d’infrastructures pour accueillir des événements (complexes sportifs, Zénith), correspond au levier de l’aménagement mais pour de l’événementiel. Là encore, les frontières sont poreuses et c’est tout l’intérêt du schéma que nous proposons ci-après.

4. La combinaison de l’événementiel avec les autres leviers du marketing des territoires

17Le schéma vient combiner les quatre leviers du marketing des territoires. Il propose d’atténuer l’orientation habituelle de l’analyse qui consiste à identifier un seul levier, afin de plutôt accepter que dans la plupart des cas, le marketing des territoires recouvre une multitude d’actions et de discours épars, qui s’organisent en s’étalant vers d’autres types de discours ou d’actions. Les numéros 1 à 4 hiérarchisent : c’est bien la promotion (1) qui est perçue comme le levier au cœur du marketing des territoires, ce qui est bien moins le cas du réseautage (4).

Figure 2. Les quatre domaines d’action pour produire le marketing des territoires

Image 10000201000006230000049A12574554.png

source : Houllier-Guibert, 2021

18La liste des exemples numérotés vient dissocier ceux qui sont une opération simple (de 1 à 4) puis des dispositifs plus complexes de la valorisation du territoire. Par exemple, les clusters créatifs (3+4) reposent à la fois sur le levier Aménagement, ce que le quartier de la création nantaise incarne (Michel, 2017), mais aussi sur le levier Mise en réseau, ce qui est bien l’objectif de ce type de lieu. L’inauguration de la tour la plus haute du monde, située à Dubaï (1+2+3), est bien une soirée événement (feu d’artifice, spectacle musical, déplacement de la famille royale… 2) dont les retombées médiatiques de rang mondial affirment une forte publicité de la ville (1), à propos d’un projet urbain d’envergure (3) qui offre un panorama exceptionnel de la ville (1). Enfin, l’exemple le plus complet est le déménagement de la maison de la Bretagne au sein du quartier Montparnasse (3), en tant que lieu vitrine (1) de la région mais aussi organisateurs de petits événements pour réseauter entre bretons (4), lors d’un événement d’envergure qu’est la Breizh touch en 2007 (2), le tout médiatisé avec une campagne de promotion de la région notamment (1). Ces situations restent rares, tandis que la double ou triple combinaison sont plus récurrents.

19Nous concluons ainsi sur la recommandation à tenir compte de la complexité de ce qu’est le marketing des territoires, objet d’étude bien souvent simplifié une fois la définition donnée. L’événementiel, l’un des leviers les plus aisément identifiables, les plus faciles à circonscrire, est en réalité empreint de plusieurs types de discours et d’action qui s’imbriquent dans d’autres catégories. Cette porosité des leviers d’action va dans le sens d’un état d’esprit de l’action publique, qui repose sur des choix, des discours, des opérations plus ou moins importantes, qui viennent tous se combiner pour « faire du marketing territorial ». En ce sens, nous proposons aux observateurs de penser le marketing en dépassant la compréhension des dispositifs, tenant compte alors de l’agrégation des actions qui forment un état d’esprit qui permettrait une synergie.

Bibliographie

Augier Philippe, 2009, « Pour une politique gagnante des grands événements. Les grands événements, outil stratégique et levier de croissance pour la France », rapport remis au Président de la République, 79 p.

Bessy Olivier et Suchet André, 2015, « Une approche théorique de l’événementiel sportif », Mondes du Tourisme, 11, en ligne

Bihay Thomas, 2019, « Événements culturels et reconfiguration créative du territoire local : le cas emblématique de la Fête des Lumières » Revue Marketing Territorial, 3 / été, en ligne

Bourbillères Hugo, 2019, « Résumé de thèse : Impacts territoriaux des événements sportifs parisiens (2013-2016). L’approche par les dynamiques locales », Revue Marketing Territorial, 3, été, en ligne

Bowdin Glenn, Allen Johnny, O’Toole William, Harris Rob et McDonnell, Ian, 2006, Events Management, Oxford: Elsevier, second edition, 536p.

Brennetot Arnaud, 2004, « Des festivals pour animer des territoires », Annales de géographie, n°635, Armand Colin, Paris, 29-50

Chaudoir Philippe, 2007, « La ville événementielle : temps de l'éphémère et espace festif », Géocarrefour, vol.82/3, en ligne

Debarbieux B., 1995, « Le lieu, le territoire et trois figures de rhétorique », L’espace géographique, 24-2, 97-112

Dechartre Philippe, 1998, « Evénements culturels et développement local », rapport remis au CESER France, 271p.

Edouard Jean-Charles, 2019, « L’attrait des petites villes, une chance pour redynamiser leur centralité ? », Belgeo, 3, en ligne

Chaudoir Philippe, 2007, « La ville événementielle : temps de l’éphémère et espace festif », Géocarrefour [Online], vol.82/3, en ligne

Christofle Sylvie, 2004, « Stratégies métropolitaines et tourisme de réunions et de congrès international en France », Hommes et Terres du Nord, 16-27

Ethier Guillaume, 2015, Architecture iconique : les leçons de Toronto. Québec : Presses de l'Université du Québec, 312 p.

Garat Isabelle, Gravari-Barbas Maria, 1999, L’inscription territoriale et le jeu des acteurs dans les événements culturels et festifs,rapport de recherche villes et festivals : synthèse, DEP Ministère de la Culture et de la Communication & UMR ESO, 67 p.

Getz Donad, 2008, “Event TourismDefinitionEvolution, and Research”, Tourism Management, 29, 2008, 403-428

Getz Donald, 2012, Event Studies : Theory,Research and Policy for Planned Events, Londres ; New York : Routledge, 480p.

Gratton Chris, Dobson Nigel et Shibli Simon, 2000, « The economic importance of major sports events: a case study of six events », Managing Leisure, vol.5, 1, 17-28

Gravari-Barbas Maria et Jacquot Sébastien, 2007, « L’événement, outil de légitimation de projets urbains : l’instrumentalisation des espaces et des temporalités événementielles à Lille et Gênes ? » Géocarrefour, vol.82, 3, 153-163

Houllier-Guibert Charles-Edouard, 2012, « De la communication publique vers le marketing des territoires : approche microsociologique de la fabrication de l'image de marque », Gestion et management public, vol.1/2, 2, 35-49

Houllier-Guibert Charles-Edouard, 2016, « La symbolique des lieux urbains en France lors des attentats de janvier 2015 », EchoGéo, en ligne

Houllier-Guibert Charles-Edouard, Luisi Graziella, Albertini Therese  et Bereni Delphine, 2018, « La mobilisation des ambassadeurs dans le management d’une marque territoire (MT) : approche exhaustive » Revue Marketing Territorial, 1 / été, en ligne

Houllier-Guibert Charles-Edouard, 2019, « L’attractivité comme objectif stratégique des collectivités locales », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, janvier, 1, 153-175

Le Corf Jean-Baptiste, 2016, « Le récit métropolitain, composante de la communication touristique. Les cas de Marseille et d’Istanbul face au label “capitale européenne de la culture”, Revue du Gerflint, 5/15, 143-161

Leloup Fabienne, et Moyart Laurence, 2014, « Mons, capitale européenne de la culture en 2015 : deux modèles de développement par la culture », Revue d’Économie Régionale & Urbaine, 5, 825-842

Liefooghe Christine, 2010, « Lille 2004, capitale européenne de la culture ou la quête d’un nouveau modèle de développement », Méditerranée, 114, en ligne

Lussault Michel, 2003, « Emblème territorial », in Lévy J. et Lussault M., Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Belin, 305

Marais Magali, Arnaud Charlène, 2013. « Le rôle structurant et légitimant du méga évènement sportif au coeur du processus stratégique territorial métropolitain, La course à l’obtention des Jeux Olympiques 2012 », colloque de l’AIMS

Marcilhac Vincent et Moriniaux Vincent, 2018, « La « touristification » de lieux ordinaires au travers des fêtes gastronomiques », Bulletin de l’association de géographes français, 95-4, 544-567

Michel Basile, 2017, Les quartiers créatifs : une dynamique de club. Analyse croisée des quartiers des Olivettes (Nantes), du Panier (Marseille) et Berriat (Grenoble). Thèse de doctorat en géographie, Université d’Angers

Miranda Monica et Cermakova Eva, 2009, L´impact de l´événementiel dans le développement touristique des villes: typologies, effets spatiaux et représentation des territoires. Bulletin de l'Association de géographes français, Association des Géographes Français, 389-397

Paris Thomas et Veltz Pierre (dirs), 2010, L’Economie de la connaissance et ses territoires, Paris, Editions Hermann

Pigassou Charles, Bui-Xian Gilles et Gleyse Jacques (2003) « Epistemological Issues on Sport Tourism : Challenge for a New scientific Field », Journal of Sport Tourism, vol. 8, 1, 27-34

Perlstein Jay et Piquet Sylvère, 1985, « La communication dans l'événement : Sponsoring et mécénat », Revue Française du Marketing, 105, 5, 27-40

Pradel Benjamin, 2013, « Sous les pavés, Paris-Plages », Métropolitiques, en ligne

Pradel Benjamin, 2012, « L’urbanisme temporaire : signifier les espaces-enjeux pour réédifier la ville », in Espaces de vie, espaces-enjeux : entre investissements ordinaires et mobilisations politiques, PUR, 245-257

Rodrigues Mauricio, 2016, “Mensuration et évaluation des impacts et héritages de projets de mega événement dans le cadre du capital immatériel”, Thèse en sciences de gestion de l’université Paris Saclay etde l’uiversidade federal do Rio de Janeiro, en ligne

Scott Allen, 2000, The Cultural Economy of Cities, Londres, Sage Publications, 246p.

Soldo Edina, Arnaud Charlène et Keramidas Olivier, 2013, « L'évènement culturel en régie directe, un levier pour l'attractivité durable du territoire ? Analyse des conditions managériales de succès », Revue Internationale des Sciences Administratives, vol.79, 4, 779-799

Spracklen Karl, Richter Anna et Spracklen Beverly, 2013, "The eventization of leisure and the strange death of alternative Leeds", City, 17(2), 164-178

Urbanisme, 2003, hors-série n°18, synthèse du colloque Territoires en quête d’image

Werquin T., 2006, « Impact de l’infrastructure culturelle sur le développement économique local : élaboration d’une méthode ex-post et application à Lille 2004 capitale européenne de la culture », thèse de doctorat en sciences économiques, université de Lille 1, 260 p.

Notes

1 Pendant un an, les villes sont capitales européennes de la culture, capitales vertes ou bien par le conseil de l’Europe capitale de la jeunesse. Une association internationale décerne le statut de capitale européenne du sport mais aussi américaine et mondiale.

2 L'Association internationale des congrès et des conventions, fondée en 1963 par un groupe d'agents de voyages sert à échanger des informations sur les congrès et conventions internationaux. Elle classe les plus importants lieux de congrès au monde

3 Il se caractérise par une concentration d’acteurs et d’activités culturelles allant de la production à la présentation et à la consommation dans une zone géographique déterminée (Mommaas, 2004).

4 Dans le cadre d’une HDR, l’acception large du marketing territorial se compose du marketing des territoires (quatre leviers) et du marketing territorialisant (2 leviers que sont la commercialisation et l’ancrage territorial, non étudiés ici).

5 Le marché international des professionnels de l’immobilier

6 Par exemple, des commerçants dans plusieurs centres urbains ont ouvert des boutiques qui vendent des objets variés basés sur la fierté de la ville ou bien du département ou de la région, dès lors, ce type d’action concerne le levier « commercialisation » du marketing territorialisant. Ce n’est pas l’objet de ce texte mais nous le précisons pour comprendre la catégorisation générale des six leviers du marketing territorial.

Pour citer ce document

Charles-Edouard Houllier-Guibert, « Situer l’événementiel comme levier d’action du marketing des territoires : définition, délimitation, combinaison » dans © Revue Marketing Territorial, 8 / hiver 2022

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=766.

Quelques mots à propos de :  Charles-Edouard Houllier-Guibert

Maître de conférences à l’université de Rouen, Charles-Edouard Houllier-Guibert est chercheur en Stratégie et Territoire, au laboratoire NIMEC. Il a rédigé une HDR sur le Marketing territorial dans laquelle il situe l’Evénementiel comme l’un des leviers activables pour valoriser le territoire.