6 / hiver 2021
la médiatisation des villes en décroissance

Villes en décroissance, Shrinking Cities, Schrumfende Städte, Ciudades en decrecimiento, sémantique et traductions face à un nouveau régime urbain

Emmanuèle Cunningham Sabot, Beatriz Fernández et Sarah Dubeaux


Résumés

Le texte se veut une invitation à réfléchir sur la relation imparfaite entre les concepts et leurs traductions (Smith 1996) et permet d’ouvrir un espace fertile de réflexions concernant la terminologie utilisée dans le cas des territoires en décroissance. En introduction, un rappel explique brièvement comment nous comprenons le processus (process) de décroissance urbaine comme matérialisation d’un nouveau régime urbain rendant la hiérarchie urbaine plus complexe et instable, et quelles peuvent être les formes (pattern) prises par ce processus urbain, formes que nous verrons à la fois variées et complexes. L’ensemble amène à nous interroger sur les métaphores et les termes utilisées dans les différentes langues pour nommer et décrire le processus. Finalement, afin d’alimenter la réflexion et nous inscrire dans un débat ouvert, nous proposons une traduction possible à l’intraduisible que Cassin définit « non pas comme ce qu’on ne traduit pas, mais comme ce qu’on ne cesse pas de (ne pas) traduire ».

The text is intended to stimulate a reflection on the imperfect relationship between concepts and their translations (Smith 1996) and to open up a debate on the terminology used in the case of shrinking territories. As an introduction, a reminder briefly explains how we understand the process of urban shrinkage as the materialization of a new urban regime that makes the urban hierarchy more complex and unstable, and what can be the forms (patterns) taken by this urban process, forms which can be at the same time both varied and complex. This leads us to question the metaphors and terms used in different languages to name and describe the process. Finally, in order to nourish this reflection and to inscribe ourselves in an open debate, we propose a possible translation for the untranslatable that Cassin defines as "not as that which we do not translate, but as that which we are forever not suceeding in translating." Some terms being language specific, it becomes a choice betwen either a process of never ending translation or else quoting the term within the limits of its original language.

Texte intégral

1Les villes ont toujours connu des pertes de population à la suite de catastrophes naturelles, lors de crises de civilisation ou du fait de mutations économiques. Cependant, la mondialisation soumet les villes à de nouvelles dynamiques, parfois antagonistes : accentuation de la métropolisation, périurbanisation, concurrence accrue, réorganisation du système productif, changement climatique..., le tout dans un contexte de profond changement démographique. En effet, les villes peuvent perdre leur rôle de pôles attractifs de croissance et les crises économiques récurrentes accentuent ces dynamiques régressives. Tant et si bien que si le taux d’urbanisation dans le monde n’a jamais été aussi fort, paradoxalement, la croissance urbaine n’a plus rien de certain.

2Une ville en décroissance peut être définie comme « un espace urbain qui a connu une perte de population, un retournement économique, avec des impacts sociaux, symptômes d’une crise structurelle » (traduction de Martinez-Fernandez et al., 2012).

3Cette formulation, shrinking Cities, ne constitue pas un terme à la mode, plaqué sur des phénomènes anciens et connus (Cunningham Sabot, 2012), mais décrit et qualifie un processus de villes en décroissance en partie inédit dans ses fondements avec des manifestations spatiales, sociales, économiques et environnementales, variées. Alimentée par différentes dynamiques qui peuvent se manifester à plusieurs échelles, se superposer voire se combiner dans le temps. La décroissance territoriale n’est un processus ni simple, ni unique. Elle fait progressivement l’objet de travaux de recherche, notamment de la part d’un réseau international de chercheurs (le SCiRN) formé depuis désormais plus de 20 ans. L’on retrouve cinq facteurs majeurs de décroissance identifiés dans la littérature ; ils sont d’ordre :

  • Politique, entendu à la fois comme des changements de systèmes, tel la Réunification allemande (Hannemann, 2003) ou la chute de l’URSS pour les pays de l’Europe de l’Est et des réformes politiques menées à des échelles extraterritoriales (Haase et al, 2013). Par exemple, la réorganisation française des différentes cartes administratives (justice, santé, armée) bouleverse des territoires pour certains déjà en décroissance (Rochette et al., 2019, Baudet-Michel et al. 2019)

  • Environnemental, tant par rapport aux événements comme les catastrophes naturelles que plus globalement les effets du changement climatique

  • Démographique, puisque dans un certain nombre de pays la baisse du taux de natalité et l’allongement de l’espérance de vie induisent vieillissement de la population voire un non-renouvellement, ce sont notamment les théories d’une « seconde transition démographique » (Van de Kaa, 1987)

  • Économique avec en particulier les villes ayant subi le choc de la désindustrialisation avec des conséquences socio-spatiales très prégnantes, (Rousseau, 2011 ; Miot, 2012 ; Fernandez, 2013)

  • Urbanistique, observant aujourd’hui une évolution profonde de la structure et de la répartition des habitations via deux processus à l’œuvre, la métropolisation et la périurbanisation. La périurbanisation repose bien sur une croissance économique et un étalement urbain, pouvant vider la ville centre ou les centres-villes

4Ces cinq macro-tendances, causes de décroissance territoriale, se cumulent, s’imbriquent et s’enchevêtrent, tissant des liens, sous forme de boucles d’actions et de rétroactions, ayant à leurs tours des impacts sur le système urbain, brouillant voire bouleversant sa hiérarchie. Elles affectent certains territoires dans leurs dimensions sociales, spatiales, économiques et environnementales et conduisent à l’avènement d’un nouveau régime urbain, où la croissance des villes n’est plus aussi certaine que celle imaginée dans une période où la croissance urbaine était la règle. Ce nouveau régime urbain s’inscrit non plus dans un paradigme de croissance, mais dans celui de la complexité et donc de l’incertitude. Même si les facteurs ou manifestations peuvent différer selon les contextes (Bernt, 2016), le processus est toujours structurel, au sens économique du terme. Il affecte la structure du système urbain sur le temps long. Ainsi, ce processus est fortement ancré dans le processus de mondialisation ; consacrant cette nouvelle ère urbaine dont la caractéristique est justement la multiplication des espaces en décroissance à toutes les échelles. Dès lors, les territoires en décroissance résultent d’un processus de globalisation à la fois destructeur et créateur (Cunningham et al. 2013), qui bouleverse les espaces de régulation traditionnels à toutes les échelles (Aglietta, 1974 ; Boyer, 1986 ; Lipietz, 1993). Les territoires en décroissance juxtaposés à la croissance sélective de certains autres espaces ne seraient que les effets manifestes de la glocalisation1 qui renforce la compétition urbaine sur le marché des territoires, menée par les coalitions de croissance (Logan et Molotch, 1996).

« Les espaces en décroissance peuvent se comprendre comme les produits dérivés d’un système urbain complexe en évolution, où la « glocalisation » - processus à la fois destructeur et créateur de par ses composantes dialectiques, spatiales, économiques, sociales, et environnementales - bouleverse les sphères de régulation traditionnelles, et bouscule le système urbain, rendu instable » (Cunningham Sabot, 2012).

5En conséquence, ce système urbain devenu complexe et en évolution peut se lire comme un nouvel ordre urbain et a créé, de fait, un nouvel objet de recherche nécessitant une nouvelle dénomination. Et lorsque le phénomène est international, protéiforme, complexe, le voyage du concept s’appuie sur des essais de traduction les plus adaptés dans chaque langue (Debarbieux, 1999). Cassin (2016) explique que le fait de traduire nous heurte de plein fouet au signifiant. En termes de recherche, les villes et territoires en décroissance posent effectivement un défi sémantique autant que scientifique. Alors que les travaux sur les shrinking Cities débutent aux États-Unis et en Allemagne dès les années 1970, d’autres pays, pourtant confrontés au processus, comme la France ou l’Espagne accusent un certain retard. Le cheminement sémantique du vocabulaire lié à la décroissance fut similaire dans les deux pays qui partagent la même étymologie latine. Cependant, si le terme métaphorique existe depuis plusieurs décennies en anglais et en allemand (shrinking Cities, schrumpfende Städte), les traductions française et espagnole se cherchent.

6Cet article2 vise ainsi à éclairer et contribuer à la dénomination de l’objet d’étude en français et en espagnol à partir d’une réflexion sur les bases conceptuelles et théoriques des contextes tant historiques, linguistiques que spatiaux d’émergence des termes. Tout d’abord, nous examinerons l’émergence du concept et l’évolution du débat en nous appuyant sur une approche historique et sur une vision de la décroissance comme un processus structurel. Nous interrogerons ensuite les implications des termes utilisés et leurs temporalités. Enfin, nous réfléchirons aux traductions françaises et espagnoles, conscientes de « la tâche nécessaire et impossible de la traduction » (Derrida, 1985) et privilégierons une dénomination (villes en décroissance, ciudades en decrecimiento), tout en montrant les limites de cette dénomination.

1. Du déclin urbain aux shrinking Cities : un siècle de débats

7Depuis quarante ans, les villes en décroissance font l’objet de multiples dénominations. Cette diversité reflète tant le caractère global du phénomène que la variété de ses formes et processus ou même leurs perceptions par les différents chercheurs ou acteurs locaux. Les travaux sur la terminologie de la ville montrent que les mots participent à la construction de la réalité (Topalov et al., 2010). Nous faisons ainsi l’hypothèse que les termes utilisés pour qualifier la décroissance urbaine ont autant marqué l’imaginaire collectif que les modes d’intervention sur ces espaces.

8Le débat sur la décroissance urbaine mérite d’être situé dans une trajectoire historique plus longue afin d’éclairer le choix sémantique et ses implications. Aux États-Unis, le terme urban decline est retrouvé3 dans un rapport du gouvernement américain (National Ressources Committee, 1937). Le concept de déclin s’inscrit alors dans un débat plus large, depuis la fin du XIXe siècle, relatif à la dégradation des quartiers ouvriers des villes industrielles et sur les moyens de l’enrayer (Fernández 2013).

9En effet, au tournant du XXe siècle émerge dans les cercles réformistes et hygiénistes européens comme américains un nouveau vocabulaire (slum, blight, degradation) lié à la détérioration des espaces urbains. Walker souligne (1938, p.421) l’emboîtement de causes socioéconomiques, spatiales, mais aussi un manque de planification, qui entraînent un déclin urbain. Elle propose plusieurs « lignes d’attaque », ce qui introduit une question nouvelle : l’interdépendance des processus de croissance et de décroissance à l’échelle métropolitaine. Cet aspect a été, paradoxalement, négligé par les politiques urbaines états-uniennes ultérieures. Les recherches de Beauregard (2006) soulignent les liens entre le déclin des villes industrielles et le double processus de périurbanisation résidentielle et de décentralisation de l’industrie, favorisé par les politiques fédérales (transport, logement...). Après la Seconde guerre mondiale, « the decline of cities was widespread » (Beauregard, 1993, p.2) et le vocabulaire s’étoffe. Les termes decay, decline, blight, degradation, deterioration, degeneration, decadence..., utilisés par les urbanistes mais aussi dans la presse, renvoient autant à l’idée de propagation qu’à celle d’obsolescence. Cela aboutit dans les années 1960 à un sentiment fort de « villes en crise », euphémisme pour évoquer un problème racial (Ibid), mais aussi social et économique. Collant aux deux dimensions, que sont le sentiment d’une crise des villes et la réalité du déclin urbain dans les grandes métropoles, l’appellation urban decline connaît alors un essor dans les années 1960-19804 . La dichotomie centre/périphérie de la ville états-unienne et la forte ambivalence des Américains à l’égard des villes constituent deux éléments ici fondamentaux mais moins prégnants en France ou en Espagne.

10C’est dans ce contexte de crise qu’un tournant s’opère dans la perception du déclin urbain aux USA : d’une déviation temporaire de la trajectoire de croissance expérimentée par les villes américaines depuis leur fondation, vers un phénomène de décroissance inéluctable et irréversible. Plusieurs études l’ont ainsi décrit en s’appuyant sur des modèles économiques, notamment la théorie du cycle du produit. Les phases de développement du produit industriel (innovation, croissance, maturité, stagnation ou déclin) permettraient d’expliquer l’évolution des villes, dont le déclin serait l’étape ultime. Si les limites de cette approche furent exposées ultérieurement (Friedrichs, 1993), l’énoncé d’urban decline (et ses connotations) s’est imposé de manière durable. La sémantique du terme anglais decline renvoie d’ailleurs à l’idée de persistance, car il désigne « a gradual and continuous loss of strength, numbers, or value » (Oxford dictionary, 2020). La continuité dans le temps long était donc une condition inhérente au phénomène, de même que son irréversibilité.

11D’autres termes sont apparus pour définir cette nouvelle perception, comme urban distress ou même cities under stress (Burchell et al., 1981). Là encore, le langage est à la fois indicateur et porteur de significations. Ces formules renvoient à une ville passive voire souffrante et semblent relever d’un avenir inéluctable, lié exclusivement aux dynamiques externes et non maitrisables, voire implicitement à l’impossibilité de s’en sortir.

2. L’émergence d’une métaphore : shrinking Cities, schrumpfende Städte

12La métaphore des shrinking Cities apparaît à la fin des années 1970 ( Weaver 1977 ; Thornbury 1978 ; Breckenfeld 1978) qualifiant le double processus de périurbanisation et de relocalisation industrielle dans la périphérie qui entraîne, aux Etats-Unis, le déclin des villes-centre (Beauregard, 2006). La métaphore fut toutefois utilisée antérieurement par Walker (1947) commentant les écarts entre les recensements de 1910-1940 : The cities are not growing. They are shrinking. Cette première utilisation revêt pourtant un aspect pragmatique : un constat à partir de données statistiques s’adressant à une audience grand public, et seule, la décroissance de population est mise en avant. Selon le dictionnaire Oxford5, to shrink possède deux sens : le premier, imagé, est « rétrécir » avec l’image d’un vêtement qui rétrécit au lavage dans une eau trop chaude ; à cette dimension spatiale, le deuxième sens ajoute l’idée d’une quantité dénombrable décroissante.

13Le terme allemand, Schrumpfende Städte (Göb 1977), apparaît en même temps avec la même métaphore de rétrécissement à la fois spatial et quantitatif ( Brandstetter et al. 2005 ; Florentin et al., 2009) pointant une prédominance des causes démographiques dans les recherches ouest-allemandes des années 1980. Toutefois, deux sociologues de l’ex-Allemagne de l’ouest (Häußermann et Siebel, 1988) ajoutent une dimension inédite dans ce débat naissant : l’irréversibilité de la décroissance urbaine pensée comme structurelle (et non plus conjoncturelle) et sa représentation en tant qu’opportunité, pour peu qu’elle soit accompagnée des politiques publiques adaptées. Leur approche de la Schrumpfung n’est pas purement démographique mais montre les causes industrielles ou économiques voire urbanistiques, en pointant des phénomènes de périurbanisation. Si le débat est quasi inexistant côté RDA, le processus est bien réel cependant. Les villes pâtissent d’une faible croissance démographique et d’une politique urbaine anti-centres-villes tournée vers la création de villes nouvelles (Kress, 2008).

14Häußermann et Siebel furent peu écoutés, la plupart des responsables publics et des chercheurs restant persuadés du caractère éphémère de cette décroissance. De fait, un an plus tard, avec la chute du mur et les départs massifs de jeunes ménages vers l’ouest, une partie des villes occidentales retrouvent la croissance démographique qui leur faisait défaut. En revanche, le terme et le débat s’exportent à l’Est de l’Allemagne, avec l’effet catalytique de la Réunification (Hannemann, 2003). Le phénomène reste encore pensé comme un dysfonctionnement temporaire, résultant des décennies du régime communiste, et qui devrait s’autoréguler. La politique consiste alors à attendre le retour de croissance et se traduit par une forte périurbanisation. Ce n’est qu’à la suite d’un rapport alarmant sur la situation du logement en ex-RDA (Pfeiffer et al., 2000) que le phénomène devient objet de recherche. Face au million de logements vacants et à un autre million à venir à l’horizon 2030, des politiques de restructuration régionale voient le jour. Il s’agit en particulier d’une Internationale Bauaustellung (IBA) portée par le Bauhaus de Dessau dès 2003 et du programme fédéral de restructuration urbaine Stadtumbau, d’abord initié à l’Est en 20026 puis prolongé à l’Ouest dès 2004.

15Ainsi, sur le plan sémantique, la riche littérature américaine a fait figure d’avant-garde, mais l’Allemagne réunifiée reste pionnière en associant les premières expériences empiriques de politiques urbaines ou d’aménagement à de réels débats scientifiques sur le phénomène (Glock et Häußermann, 2004).

3. Du constat métaphorique à l’action

16Dans un premier temps, les politiques de restructuration urbaine en Allemagne financent surtout des démolitions visant à retendre le marché immobilier (Bernt, 2007), en particulier les immeubles des nouveaux quartiers de la RDA. En sus, éclosent des tentatives pour réinventer une politique urbaine et un modèle propre aux villes en décroissance, le plus abouti est celui de Lütke-Daldrup (2001) à Leipzig : la ville perforée. Ce modèle réinterroge celui de la ville compacte. Il organise les démolitions à l’échelle de la ville, en incorporant des espaces devenus vacants mais dont la signification change. S’opère ainsi un glissement sémantique d’espaces en friches (brachfläche) à des espaces libres (freifläche ou freiräume), où d’autres types de projets portés par des habitants, acteurs associatifs et culturels peuvent intervenir via des baux précaires encouragés par la ville. Ce modèle reste toutefois inabouti, puisant ses références dans les mêmes objets que les villes en croissance (classes créatives, développement durable...) sans restructurer durablement la forme de Leipzig qui, entre-temps, a renoué avec la croissance (Dubeaux, 2017).

17Outre Atlantique, en 2009, un débat médiatique initie une variation polysémique du terme shrinking Cities inexplorée jusqu’alors. Les multiplications de saisies immobilières frappent les villes déjà en décroissance, ces dernières font l’objet d’attention de tous les médias et institutions américaines7. L’on assiste à un glissement du sens initial, ajoutant une dimension d’action en cours. En effet, en anglais la forme progressive d’un verbe, utilisant le morphème ing pour donner shrink-ing, exprime toujours une action en train de se faire : comme si l’action prenait le pas sur le constat, comme si la forme (pattern) s’effaçait devant la nécessité d’un processus à enclencher. Et d’ailleurs, l’action de démolition devient dans les médias la solution à la décroissance urbaine. En effet, l’année 2009 consacre le passage de la dénomination à l’action : “An effort to save Flint by shrinking it(Streitfeld en avril 2009), ”US cities may have to be bulldozed in order to survive” (Leonard en juin 2009). Puis Glaeser (2009) poursuit avec “Buldozing Americas’s Shrinking Cities”. Ces articles ouvrent la voie à d’autres termes médiatiques pour qualifier les stratégies de réduction mises en œuvre : right-sizing, down-sizing, inéluctablement associés à la question cruciale : How to shrink a city ?

18Les shrinking Cities sont présentées comme des villes où les aménageurs prônent une contraction active, sous forme de réduction drastique du bâti, le plus souvent menée à coup de bulldozers. Ou bien ce sont des villes où les édiles et urbanistes se demandent « comment planifier » cette réduction, avant la mise en action des bulldozers. Ce passage de la métaphore à l’action, aux USA, crée une nouvelle légitimité et actualité au terme shrinking Cities par rapport à celui d’urban decline. Cette légitimité ne se dément pas lors de la parution des résultats du recensement de 2011 aux Etats-Unis, montrant une accentuation de la décroissance et une aggravation des inégalités dans les villes déjà concernées, où une nouvelle vague d’articles replace les shrinking Cities sur la sellette médiatique.

19Ce passage de la métaphore à l’action semble rejoindre les recherches des psychologues Thibodeau et Boroditsky (2011) qui illustrent combien le pouvoir des métaphores influence les façons de penser et d’agir. Après avoir donné à lire un texte similaire sur la criminalité en ville, ils interrogent les lecteurs en leur demandant de faire des propositions de politiques à mettre en place pour améliorer la situation. Ils démontrent que les politiques préconisées varient suivant la métaphore utilisée dans le texte fourni : selon que le criminel en cause est dévoilé comme un animal bestial ou bien comme un virus. Avec l’animal bestial, les lecteurs proposent majoritairement la capture et l’enfermement du fautif, c’est-à-dire la forme la plus dure de répression ; une politique que l’on qualifierait de réactive. Seuls, 25% d’entre eux optent pour des réformes sociales. Alors qu’en présentant le criminel comme un virus, 44% des lecteurs sont enclins à rechercher les causes profondes du processus et proposent des mesures de prévention, d’éducation..., que nous considérons comme proactives. Ce néologisme est utilisé sciemment avec pour sens : créer ou contrôler une situation plutôt que de simplement y réagir après coup8. Ainsi, chaque dénomination métaphorique influence un certain diagnostic à partir duquel des solution-stratégies sont préconisées, et qui deviennent privilégiées, sans questionnement sur leur recevabilité sociale.

20Si la métaphore du virus n’est pas étrangère aux discours sur la propagation du déclin (Fernandez, 2019), le glissement de sens de la métaphore des shrinking Cities à la mise en action des bulldozers n’est pas anodin non plus. En effet, il existe bien une dimension performative de la métaphore puisque cette dernière peut induire une réaction-solution en chaîne, évidente au problème ainsi dénommé. En effet, les politiques de démolitions furent les premières stratégies mises en place pour lutter contre la décroissance urbaine en Allemagne, aux États-Unis, comme en Angleterre, témoignant d’une approche économique qui cherche à résoudre la perte de valeur immobilière en réduisant l’offre. Ainsi, la manière dont les espaces sont perçus et dénommés peut influer sur la manière dont on va agir sur eux, de manière soit réactive, soit plus proactive.

4. La métaphore interrogée

21À ce stade de la réflexion, il convient d’ajouter qu’après plus de trente ans de débats, les métaphores allemande et anglaise ne font pas consensus. Côté allemand, un nouveau concept apparaît celui de Peripherisierung (périphérisation) (Kuhn, 2015). Il est défini « comme un processus où interagissent affaiblissement économique, pertes migratoires et dépendance politique - au sens de perte de pouvoir », et il contient « une ambition interprétative nouvelle » (Roth, 2016 : 2). L’apparition de ce nouveau vocable renforce la réalité politique de la décroissance urbaine est-allemande. Cette réflexion adopte la thèse d’une « dés-économisation » (Hannemann, 2003) de l’Allemagne orientale à la suite des modalités de la Réunification.

22La métaphore shrinking Cities ne donne pas plus satisfaction outre-Atlantique puisqu’elle fut débattue jusqu’à faire l’objet d’un vote lors de la 110e American Assembly à l’issue duquel le terme de legacy Cities fut plébiscité, sans convaincre pour autant certains chercheurs spécialistes car ce dernier terme véhicule la métaphore de l’héritage, passé donc révolu, et un côté obsolète (110th American Assembly, 2011, p.1).

23Cette controverse sémantique renvoie à une question plus complexe et semble témoigner de la difficulté à accepter des trajectoires divergentes de la croissance, voire à pouvoir envisager des voies alternatives au paradigme dominant de croissance. Morrison explique : « (not growing) It’s un-American. It seems like you're doing something wrong » (Aeppel, 2007). À la suite de nos échanges avec les acteurs locaux, il semble qu’en France et en Espagne, ce paradigme dominant de croissance éclipse également la possibilité d’envisager d’autres alternatives.

24Dès lors, notre approche sur le temps long permet aussi de souligner les différences entre les deux pays pionniers où le débat est né. Les termes schrumpfende Städte et shrinking Cities, en apparence synonymes, révèlent deux manières d’envisager la décroissance dans la pratique, montrant que ce processus mondial, témoin d’un nouvel ordre urbain, possède une dimension profondément ancrée dans la réalité locale. Mais les temporalités dans la pensée de la décroissance en France et en Espagne diffèrent de celles des pays précurseurs. Comment donc nommer en français et en espagnol ces objets de recherche importés ?

5. La tâche nécessaire et impossible de la traduction

25En France et en Espagne, le chantier de la traduction reste ouvert et discuté. Si en France, la diversité de terrains alimente la recherche d’une dénomination appropriée ; en Espagne, ce sont les conséquences de l’explosion de la bulle immobilière et de la crise qui stimulent le débat.

26En France, la diversité polysémique est remarquable. S. Buhnik (2015) décrit l’apparition et l’utilisation du terme « rétraction urbaine » dans le contexte japonais. Des francophones spécialistes de l’Allemagne ont souvent traduit l’expression allemande par villes « rétrécissantes », « en rétraction » ou « en contraction » (Zepf et al. 2008 ; Florentin et al. 2009 ; Roth, 2011). Dumont et Chalard (2008) à la suite de Benko, Lipietz et Amin (1992) parlent de communes « perdantes ». Dans nos propres recherches nous avons eu l’occasion d’utiliser la formule « villes en déclin » (Fol et Cunningham Sabot 2010 ; Fernandez, 2013), à l’instar d’autres recherches portant sur les villes industrielles (Béal et al. 2010). Cependant, notre participation au groupe de recherche SCiRN9, s’interrogeant sur la dimension mondiale du processus, la diversité de ses causes et la variété des stratégies mises en œuvre (Pallagst 2017), ainsi que la confrontation de la décroissance à l’échelle régionale, nous ont conduit à privilégier l’utilisation du terme « décroissance » (Baron et al. 2010 ; Cunningham Sabot, 2012) ; formulation que nous préconisons désormais.

27Le numéro sur « Espaces en dépeuplement » (2015-2016) témoigne de la diversité terminologique. Décroissance, mais aussi dépopulation, déprise, dépeuplement, déclin, rétraction, désurbanisation et dévitalisation sont utilisés pour décrire ce processus dans des contextes territoriaux variés. Il semble que la littérature française tende à établir le terme décroissance urbaine pour décrire le processus, sans avoir encore atteint de consensus pour dénommer les villes atteintes (Béal et al., 2017 ; Béal et al., 2019 ; Delpirou, 2019).

28En Espagne, la littérature, moins riche, est surtout liée aux anciennes villes industrielles en crise. C’est pourquoi la formule « déclin urbain » (declive urbano) reste plus répandue (Prada, 2012 ; Fernández, 2013). Depuis les années 2000, la construction disproportionnée de logements, puis l’explosion de la bulle immobilière et crise espagnole vient pourtant dessiner une nouvelle forme urbaine en inadéquation avec cette dénomination, promouvant le terme médiatique de « villes fantôme » (ciudades fantasma) souvent mobilisé par la presse. Par ailleurs, la tradition académique espagnole conserve certaines expressions dans sa langue originale, ce qui a contribué à la diffusion du vocable anglais shrinking Cities. Sa traduction en espagnol, ciudades menguantes (villes en diminution10) est sporadiquement utilisée dans la presse pour parler des cas allemands ou américains. Enfin, le terme « dépopulation » (despoblación) reste limité au contexte rural, comme dans la revue académique Ager.

6. Les choix : villes en décroissance, ciudades en decrecimiento

29Après réflexion et confrontation avec des acteurs urbains, ces dénominations le plus souvent métaphoriques semblent peu satisfaisantes pour qualifier les villes françaises ou espagnoles. Tout d’abord, l’approche sur le temps long permet de souligner combien le terme « déclin » (declive) renvoie à un destin inéluctable, voire irréversible, et ajoute une stigmatisation au pathos. L’effet est identique avec l’adjectif « perdant » et la métaphore « ville fantôme ». L’étymologie du terme déclin renforce cette hypothèse puisqu’il vient du latin declīvis (1/ qui est en pente, 2/ en décadence). Déclin désigne « le fait de se terminer, de décliner, état de ce qui diminue de valeur, de grandeur, d’éclat, de puissance » (Larousse, 2020).

30Le terme declive urbano en espagnol renvoyant également à un processus inéluctable, il nous a conduit à mobiliser la notion de réversibilité11 (Fernández, 2013) en nous appuyant sur les recherches de Lynch (1990) sur la perception des sociétés sur la dégradation. La réversibilité, à l’instar des recherches développées en parallèle en France par Scherrer (2013), n’est pas conçue comme un retour en arrière, mais au contraire, comme une réorientation de la trajectoire de la ville, une ouverture aux futurs possibles. La décroissance urbaine est donc envisagée comme une étape d’un processus plus long, étape à laquelle la ville à la possibilité de s’ajuster. La réversibilité renvoie à cette capacité des villes à s’adapter aux changements, mais aussi à la nécessité de repenser une action publique souple, capable de réorienter ses décisions pour les adapter à un futur incertain au sein de ce nouveau régime urbain (Fernández, 2013).

31En ce qui concerne la rétraction (retracción), le terme vient du nom latin retractio (raccourcissement, retrait, ou, au sens figuré, hésitation). Comme celui de rétrécissement (mengua en Espagnol), il ne possède donc pas la richesse et l’épaisseur du terme décroissance, et sont tous deux des traductions trop littérales des métaphores anglophone et germanique. Ces terminologies insistent, tout d’abord, sur les effets visibles spatiaux qui ne sont pas les premières caractéristiques des villes atteintes en France (Wolff et al., 2013) ou en Espagne, à l’inverse des cas caractéristiques aux USA (Détroit). Pour les villes en décroissance espagnoles, la métaphore peine à décrire la réalité car les effets de la bulle immobilière, des dynamiques démographiques et de l’urbanisation demeurent contradictoires. Même si la population a bien diminué, les villes ont augmenté dans leur dimension spatiale (surface urbanisée, parc immobilier...), et ce, au même rythme que les autres villes. Seules, quatre des trente villes espagnoles avec les plus grandes pertes de population entre 2001 et 2011 (Eibar, Villablino, Badía del Vallès et Mieres) ont vu leur parc immobilier se réduire. En revanche, d’autres affichent des pertes de population supérieures à -1,5 % annuel et sont déjà en décroissance avant 2001, mais elles ont vu augmenter leur parc de logements de plus de 18 % (Aller ou Cangas del Narcea)12. La métaphore de la rétraction ne reflète donc pas les dynamiques spatiales de ces villes qui, en fait, s’agrandissent, s’étendent.

32En outre, sur le plan sémantique, le verbe rétrécir en français et en espagnol possède des nuances par rapport à l’anglais et l’allemand. Rétrécir (encoger) possède deux sens. Le premier, comme en anglais to shrink, est « diminuer un tissu, un vêtement en longueur ou en largeur » (Larousse, Diccionario RAE, 2020) En revanche, le deuxième, « diminuer l’étendue, la capacité ou la portée de quelque chose » renvoie, à la différence de l’anglais et de l’allemand, à une réduction des aptitudes ou des caractéristiques inhérentes. Certes plus nuancée que pour le mot déclin, cette connotation interroge la marge de manœuvre des villes, leurs capacités à s’adapter, la possibilité de « réversibilité ». In fine, garder une continuité en optant pour une traduction reprenant la métaphore initiale du rétrécissement, peut induire les effets relatés par les psychologues Thibodeau et Boroditsky, c’est-à-dire l’adoption de politique de démolition, qui relève plus d’une politique de réaction, d’après coup, telles que celles mises en place aux USA et en Allemagne. Ces réactions politiques par la démolition occultent la possibilité d’une politique plus proactive envers le phénomène, et ne permettent pas d’envisager des politiques adaptées et réfléchies, plus localisées, pour s’adapter à la situation nouvelle.

33Enfin, le terme « déprise » est clairement définit dans le dictionnaire comme « abandon progressif d’une région rurale (culture, élevage) (Larousse, 2020) et renvoie pour beaucoup à une déprise rurale (Cornu 2001). Faut-il oser le néologisme « déprise urbaine » quand le processus évoqué ne relève pas exclusivement de l’abandon ? La formule pourra paraître absconse quand il sera question de « villes en déprise » et correspond peu à la réalité espagnole ou française.

34Ainsi, pour l’ensemble des raisons évoquées, l’énoncé « villes en décroissance » (ciudades en decrecimiento) nous semble le moins mauvais pour relever ce défi de la traduction. Nous privilégions ce terme qui donne la primauté au processus (process) plutôt que la forme (pattern), car « une même idée peut être exprimée dans deux langues différentes par des termes qui, d’un point de vue morphologique, n’apparaissent pas les plus proches » (Debarbieux, 1999). Nous proposons ainsi, plutôt qu’une traduction littérale des termes anglais et allemand, une traduction qui passe par un changement d’échelle temporelle permettant d’inscrire le processus dans un temps plus long, celui de l’évolution urbaine et de relier ainsi l’étape de décroissance tant à la croissance antérieure qu’aux évolutions possibles à venir. En effet, la tournure grammaticale de la forme progressive, très spécifique à la langue anglaise, « shrink-ing », comme la forme d’adjectif verbal « schrumpf-ende » en allemand, ancrent l’esprit dans le présent et dans l’action en train de se faire comme le démontrent les psychologues Von Stutterheim, et al. (2012), à l’opposé d’une dimension historique et future, en fait globale, qu’il nous semble essentielle de garder pour pouvoir envisager des politiques proactives.

7. Les implications du choix terminologique

35Si le choix de « villes en décroissance » semble a priori plus approprié, il faut pour autant examiner ses implications car le terme « décroissance » n’est pas anodin. Il possède des connotations variées : verte radicale, altermondialiste... Enfin, « le mot décroissance (…) désigne désormais un projet alternatif complexe, et qui possède une incontestable portée analytique et politique » (Latouche, 2015, p.208). Si le terme s’est récemment diffusé, surtout depuis la crise, l’idée de décroissance n’est pas nouvelle chez les économistes (Jany-Catrice et Méda, 2016).

36La première remise en question de la croissance se trouve dans le rapport Meadows et al (1972) Limits to Growth, commandé par le Club de Rome. L’équation à résoudre d’une croissance économique sans fin, ajoutée à la croissance démographique, le tout sous contrainte de ressources limitées y est clairement posée. Georgescu-Roegen (1971) s’est posé en premier critique de cette économie orthodoxe (c’est-à-dire fondant son raisonnement sur la croissance économique illimitée). En soulignant les liens intimes entre la loi de l’entropie et le processus économique, l’auteur souligne l’impossibilité d’une croissance économique infinie dans un monde fini. Le développement ne saurait ainsi se poursuivre sans une réorientation radicale, la décroissance semble alors nécessaire. C’est à partir des années 2000 que le terme entre dans le débat politique. En 2003-04 la diffusion reste restreinte (les mouvements écologiste et altermondialiste, la confédération paysanne), puis le terme entre dès 2007 dans les campagnes électorales nationales italienne et française. La décroissance, fondée sur des arguments écologiques, prend d’abord de l’ampleur en France avec la revue écologique « La décroissance, le journal de la joie de vivre », avant de s’exporter timidement dans le monde anglophone avec la notion de economic degrowth ou plutôt zero growth. Curieusement, il peine à trouver une traduction en allemand, où « aucun terme ne s’est jusqu’à présent imposé » dans un pays pourtant à l’avant-garde des questions écologiques et sur les villes en décroissance (Blanc Bodet, 2011).

37Le cas espagnol reste singulier. La crise fut le catalyseur du débat ou plutôt, l’a rendu public. Avant 2008, l’emploi du terme decrecimiento (surtout chez les écologistes) ou l’utilisation de la notion proche « d’autolimitation » (Riechmann, 2005), restent occasionnels. C’est depuis l’explosion de la bulle immobilière que les publications se succèdent : trois ouvrages de Latouche sont traduits en 2009 et Carlos Taibo, devenu ensuite un des théoriciens majeurs de la décroissance en Espagne, publie son premier ouvrage. En 2009, la revue El Viejo Topo13 consacre un numéro spécial sur la décroissance. La première question posée aux intervenants : « comment expliquez-vous le "boom" du discours sur la décroissance ? » témoigne de la diffusion remarquable du débat. Cette dernière serait liée à la « crise systémique actuelle qui englobe toutes les sphères de la réalité » (El Viejo Topo, 2009, p.58) et donc à la recherche de modèles alternatifs. Depuis 2009, la décroissance continue à se diffuser, comme témoigne le nombre de publications. À la différence de la France, il s’agit d’un discours plutôt porté par les politologues que par les économistes, mais toujours abordé dans une perspective de changement de modèle, voire d’une sortie du capitalisme.

38Le terme de décroissance se révèle donc riche en connotations. Nous pourrions rester en dehors de certaines, qui proposent la décroissance comme projet de société (projet politique) et suggérons par la formule « villes en décroissance », ciudades en decrecimiento, de retenir son sens strict : « action de décroître », « diminuer progressivement en intensité, en quantité… » (Dictionnaire Larousse, 2020) ; une définition qui rejoint d’ailleurs le deuxième sens du verbe to shrink. Il s’agit donc de dresser un constat statistique de faits : les villes en décroissance sont celles connaissant de manière structurelle, des indicateurs démographiques et économiques en baisse, avec des effets sociaux indiscutablement liés et des effets spatiaux plus ou moins visibles selon les cas et les échelles considérées, selon la définition proposée au début de cet article. Enfin, l’adverbe « progressivement » du Larousse est essentiel. Pour les villes en décroissance, il renvoie à un processus qui se déploie dans le temps, un emboîtement de dynamiques globales et de sentiers locaux qui laisse des possibilités de réversibilité, plutôt qu’à un phénomène soudain, extérieur et subi.

39Cette terminologie n’insiste pas sur les effets de forme (pattern) physiques, les aspects urbanistiques, moins à l’œuvre en France et antinomiques en Espagne (où la décroissance démographique coexiste avec la croissance spatiale), et recentre l’intérêt sur les éléments structurels, démographiques et socioéconomiques du processus. En resituant ce dernier dans un temps plus long, le terme possède aussi l’avantage de ne pas obérer le futur de la ville. À la décroissance, conçue comme une étape (possible) d’une évolution plus longue, peut succéder la croissance (ou non), alors qu’il est plus difficile de remonter la pente d’un déclin perçu comme inéluctable.

40Cette préférence pour une appellation en marge de la métaphore initiale, reposant sur le deuxième sens du terme anglophone, comme le virus plus éthéré que l’animal bestial, a aussi une ambition prospective et une visée proactive. Elle se veut une invitation, voire une incitation, à réfléchir sur les stratégies économiques et d’aménagement à mettre en place dans ces villes. Si les solutions classiques de démolitions furent et sont souvent les premières envisagées, c’est peut-être lié à la dénomination elle-même, appelant fortement cette solution-réaction au problème, à l’instar de l’étude de Thibodeau et Boroditsky. Comme le terme décroissance économique possède « un pouvoir fort d’interpellation et de questionnement » (Bayon et al., 2010, p.15), le terme villes en décroissance pose, de fait, la question de la croissance urbaine. Il permet ainsi de réfléchir globalement sur ce processus dual, croissance et décroissance, et d’interroger leur interdépendance à différentes échelles afin d’envisager des politiques proactives.

41L’appellation « villes en décroissance » rejoint ainsi la question de l’adaptabilité (Brandstetter et al., 2005) et de la réversibilité en interrogeant l’avenir de ces villes. Peut-il se chercher en dehors du paradigme dominant de la croissance urbaine (Pallagst, 2005) ? Comme le note Serge Latouche (2015, p.209) « la décroissance n’est pas l’alternative mais une matrice d’alternatives » qui passerait, pour les villes en décroissance, par l’ouverture d’un champ de possibles pour faire autrement, en mettant en place des politiques urbaines et des stratégies proactives, et non plus réactives, ce qu’autorisent, voire encouragent, les dénominations « villes en décroissance » et « ciudades en decrecimiento ».

42Ainsi, la version métaphorique à tendance performative n’insiste finalement que sur la forme au sens de la géographie physique (morphodynamique), que nous considérons comme impropre en France comme en Espagne. « Ville en décroissance » et « ciudades en decrecimiento » permettent d’associer une description insistant moins sur la forme (pattern) que sur le processus (process), tout en n’induisant aucune solution a priori ; vigilance qui nous semble primordiale dans le champ des études urbaines, où les liens entre théories et actions (publique, privée, communautaires ou autres) se sont toujours hybridées, bien plus que dans d’autres sciences sociales, et sont même la particularité de la construction de ce champ disciplinaire (Scherrer, 2010).

43Cette proposition de traduction française et espagnole confirme ainsi cet « intraduisible corps des langues » dont parlait Derrida : « s’il y a bien entre texte traduit et texte traduisant un rapport d’« original » à version, il ne saurait être représentatif ou reproductif. La traduction n’est ni une image ni une copie » (1985, p.10). Enfin, notre motivation de ce choix terminologique en français et espagnol, décroissance, (plutôt que d’autres termes comme déclin, contraction, rétrécissement, ou rétraction), à dessein en marge de la métaphore utilisée dans les pays où le phénomène fut identifié de plus longue date, trouve sa place dans la démarche de « compliquer l’universel » prônée par Cassin (2016), face à ce qu’elle dénonce comme une pathologie de l’universel. En effet, son Eloge de la traduction exhorte au relativisme et à la résistance, en donnant à la traduction le rôle intellectuel essentiel d’un savoir-faire avec les différences. Et il nous semble donc que le terme « décroissance » donne plus à réfléchir, dans une période particulièrement incertaine depuis le Covid 19, sur l’analyse de la situation et les politiques à envisager, que les autres termes utilisés en français.

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Notes

1 En effet, le global n’existe que par les multiples espaces locaux, et le local n’existe que par rapport au global. Comme l’économie et l’espace sont intégrés, ils sont, à la fois localisés et globalisés. Les anglophones usent du terme « glocal » parachevant sémantiquement cette réalité économique et spatiale. Le processus auquel il renvoie s’appelle donc glocalisation (Swyngedouw, 1997). Si le terme n’est guère heureux en français, il permet de saisir cette dialectique complexe, économique et spatiale entre le local et le global dont Lipietz (1993, 13) fut un précurseur, dialectique qui joue un rôle clef dans le cas des villes en décroissance.

2 Ce texte a bénéficié de la relecture attentive et constructive d’évaluateurs/trices que nous remercions, ainsi que du soutien financier du programme ENSUF 2016 ERA-NET COFUND 3S RECIPE.

3 Urban decay et urban blight furent utilisés plus tôt encore. Si le caractère péjoratif de decay (pourri) ou de blight (mildiou, puis en dernier sens : quartiers paupérisés) est plus forte que celle contenue dans decline, l'espace qualifié reste plus limité, car ces phénomènes ne concernent dans leurs premières utilisations que quelques espaces bâtis, et les termes ne renvoient pas à un phénomène urbain général, à l’inverse d’urban decline.

4 Plus de 200 occurrences de1960 à 1980 dans GoogleScholar.

5 1/ « to become smaller, especially when washed in water that is too hot » ; 2/ « to become or to make something smaller in size or amount ».

6 L’IBA est un dispositif spécifique à l’Allemagne existant depuis 2001 qui a pour objectif de répondre à des problématiques locales à travers la mobilisation d’acteurs locaux, nationaux voire internationaux sur un temps limité. La première édition, centrée sur Darmstadt, visait à organiser une croissance urbaine jugée exponentielle, d’autres éditions sont aujourd’hui bien connues comme celle d’Emscher Park (1989-1999) qui se focalisait sur la désindustrialisation de la Ruhr. Celle de Dessau (2002-2010) fut portée par le Bauhaus et a eu la particularité de clairement se centrer sur le phénomène de décroissance démographique. L’édition s’est attachée à analyser et travailler sur 19 villes (petites et moyennes) de la région de Saxe-Anhalt afin d’expérimenter de nouvelles réponses urbaines face au phénomène de décroissance. Le programme Stadtumbau est un programme fédéral bénéficiant de financements de l’Etat, des Länder et des collectivités locales avec pour objectif d’organiser et de financer une restructuration urbaine. Les deux programmes différent (Nelle, 2015) dans le sens où s’ils visent tous deux à diminuer la vacance (de logements), à l’Est, il s’agit aussi de sauver des bailleurs de la banqueroute en finançant de nombreuses démolitions. A l’Ouest, les objectifs tiennent moins à la préservation du système d’acteurs.

7 Des émissions de radio (KQED Forum on Shrinking Cities, 10/07/09) articles (Fairbanks 2008; Leonard 2009; Inskeep 2009; Streitfeld 2009), réunion « d'experts en Shrinking Cities » en Juillet 2009 à la Brooking Institution, afin de réfléchir aux actions à privilégier à l'échelle fédérale.

8  Creating or controlling a situation rather than just responding to it after it has happened, Oxford dictionary

9 SCiRN Shrinking Cities International Research Network, regroupant une cinquantaine de chercheurs spécialistes de « shrinking cities », dont les 3 auteures.

10 Shrink en espagnol donne le verbe encoger, qui ne peut être adjectivé. Le mot le plus proche est menguar (adjectif : menguante, du lat. vulg. minuāre, pour minuĕre) qui a deux sens ; 1/ « diminuer, réduire », 2/ « s’affaiblir »

11 Du latin, revertere, retourner. Terme polysémique, un de ces sens, selon le Larousse est « orienter quelque chose ou quelqu’un dans une position inverse »

12 Instituto Nacional de Estadística, recensements 2001, 2011.

13 Revue critique qui regroupe les mouvements sociaux émergents durant la « Transition espagnole », les défenseurs de l’environnement et la gauche marxiste. Depuis 1993, la revue veut renouveler le discours critique en mêlant l’économie, le social, la culture, la science, la politique et la philosophie.

Pour citer ce document

Emmanuèle Cunningham Sabot, Beatriz Fernández et Sarah Dubeaux, « Villes en décroissance, Shrinking Cities, Schrumfende Städte, Ciudades en decrecimiento, sémantique et traductions face à un nouveau régime urbain » dans © Revue Marketing Territorial, 6 / hiver 2021

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=585.

Quelques mots à propos de :  Emmanuèle Cunningham Sabot

Emmanuèle Cunningham Sabot est professeure d'études urbaines et d'aménagement du territoire à l'École normale supérieure (ENS) de Paris. Elle a développé son expertise en tant que chercheuse à l'Université de Glasgow, l'Université de Strathclyde et l'Université de Californie à Berkeley. Diplômée en économie et en urbanisme, elle s'intéresse aux dynamiques territoriales et stratégies de régénération urbaine, et en particulier aux conséquences socio-spatiales de la mondialisation. Elle étudie également le rôle de la gouvernance en matière de développement territorial. Ayant obtenu plusieurs bourses et participé à de nombreux contrats européens de recherche, centrés sur les villes et territoires en décroissance, elle participe aussi activement à la création de documentaires, afin de sensibiliser un public plus large autour de la thématique des villes et territoires en décroissance.

Quelques mots à propos de :  Beatriz Fernández

Enseignante-chercheure à EHESS, Beatriz Fernández est membre du laboratoire Géographie-cités (UMR 8504).

Quelques mots à propos de :  Sarah Dubeaux

Docteure en géographie et aménagement, Sarah Dubeaux travaille actuellement sur les dynamiques de revitalisation du territoire d'Ambert-Livradois-Forez dans le cadre du programme Popsu Territoires aux côtés de Yoan Miot, la communauté de commune et le Parc du Livradois Forez. Parallèlement, elle est chargée de mission auprès du fonds de dotation "Lifti" (Laboratoire d'initiatives foncières et territoriales innovantes) pour lequel elle co-anime le comité stratégie foncière, se charge de la relance de la revue études foncières et de la co-organisation des Assises nationales du foncier et des territoires. Elle prolonge donc son positionnement, entre recherche et acteurs de l'aménagement et du foncier ; et élargit ses thématiques et terrains : de l'Allemagne, à la grande ville moyenne qu'est le Havre en passant par le rural de moyenne montagne, elle travaille sur la décroissance territoriale, en particulier sur les imbrications entre logiques nationales et développement local, à travers le questionnement des instruments et des mécanismes d’aménagement. À cela s’ajoute la question du foncier dans toute sa diversité, et notamment la question des friches et espaces vacants, de leur création, appropriation et des imaginaires qui y sont attachés. Par exemple, elle développe un regard critique sur ce nouvel urbanisme transitoire ou temporaire à travers un questionnement plus large des temporalités urbaines et des stratégies foncières.