6 / hiver 2021
la médiatisation des villes en décroissance

Etre représentée et se présenter : comparaison de la couverture médiatique et des discours institutionnels des villes

Victoria Pinoncely et Norma Schemschat


Résumés

Du fait de la couverture médiatique négative qu’elles subissent, les villes en décroissance sont fréquemment stigmatisées, ce qui augmente a priori l’importance du marketing territorial. Cet article s’intéresse à leur représentation médiatique et aux politiques d’image qu’elles développent via leurs sites web à l’échelle communale et intercommunale. Nous étudions trois villes françaises afin de comprendre si et en quoi ces discours médiatiques et institutionnels sont liés, et ce que cela révèle du rôle du marketing territorial dans leur stratégies face à la décroissance. Nous constatons que si Saint-Étienne et Guéret s’efforcent de transformer les éléments négatifs de leur image (respectivement déclin industriel et éloignement géographique) en atouts potentiels d’attractivité, Nevers développe un discours plus mimétique. Malgré cette diversité, dans les trois cas analysés, la croissance plutôt que l’acceptation de la décroissance reste le paradigme dominant dans les stratégies de marketing territorial des villes étudiées.

Through continuous negative media reports, shrinking cities are frequently stigmatized, which a priori increases the importance of territorial marketing. This article is interested in their media representation and in how these cities represent themselves through their institutional websites at the city and inter-municipal levels. We look at three French cities in order to understand the extent to which media and institutional discourses are interrelated, and what they reveal about the role of territorial marketing as their strategy to tackle shrinkage. We find that whereas Saint-Étienne and Guéret strive to transform negative elements of their image (industrial decline and geographical remoteness respectively) into potential strengths for attractiveness, Nevers’ discourse is not as distinctive. Despite these differences, aspiration to growth rather than acceptance of shrinkage prevails in the territorial marketing strategies of the three cases examined.

Texte intégral

1Face à la mondialisation et aux transformations post-industrielles, certaines villes luttent pour garder leurs habitants alors même que d’autres territoires ont connu une croissance importante. La décroissance urbaine constitue une « crise structurelle » caractérisée par plusieurs symptômes : un déclin démographique, un ralentissement économique, la réduction des opportunités d’emploi et des difficultés sociales (Martinez-Fernandez et al., 2012 : 214). Ce déclin démographique, économique et social (Fol et Cunningham Sabot, 2010) est aujourd’hui considéré comme « l’une des faces cachées de la mondialisation » (Florentin et Paddeu, 2013 : 2) et est un phénomène globalement reconnu, faisant l’objet d’un intérêt croissant dans les travaux de recherche en urbanisme et sciences sociales (Audirac, 2018 ; Cortese et al. 2014 ; Béal et al. 2020).

2Les causes de la décroissance urbaine sont souvent décrites comme la conjonction de plusieurs facteurs, tels que les cycles de développement économique, les processus de périurbanisation ou bien des facteurs démographiques (Fol et Cunningham Sabot, 2010). Visible de manière spectaculaire dans certaines grandes villes comme Détroit, aux nombreuses friches, logements abandonnés et bâtiments industriels vides, la décroissance n’est pas un phénomène marginal : entre 1990 et 2010, 20 % des villes européennes y ont fait face (Wolff et Wiechmann, 2018). Dans leur étude portant sur la décroissance en France, Wolff et al. (2013) concluent qu’elle est relativement limitée par rapport à d’autres pays européens plus touchés, concernant environ 20 % des aires urbaines françaises entre 1975 et 2008. La décroissance en France concerne principalement les villes de petite et moyenne taille1 (74 % des aires urbaines en décroissance ont moins de 50 000 habitants) et celles des anciennes régions industrielles (le Nord, la Lorraine et certains pourtours du Massif central) (ibid.).

3Alors que ces villes ont des difficultés à attirer des entreprises ou de nouveaux habitants et à les garder (Cauchi-Duval et al., 2016 ; Cauchi-Duval et al., 2017), les effets de la décroissance conduisent souvent à une « stigmatisation » (Béal et al., 2017) nourrie par une médiatisation négative, ce qui augmente, a priori, l’importance du marketing territorial. Dans un contexte de compétition mondialisée entre les villes (Gomez, 1998 ; Gordon, 1999) pour attirer les investisseurs et les entreprises, donc créer des emplois pour de nouveaux arrivants (Paddison, 1993), les décideurs des villes en décroissance s’emploient à améliorer l’image de celles-ci via des campagnes de marketing urbain. En se penchant sur l’exemple de Glasgow, Paddison (1993) souligne que les politiques de marketing urbain visent à améliorer l’image post-industrielle de la ville vers une image de ville créative, en s’efforçant de lui donner plus de visibilité. Dans ce contexte, « les politiques d’image [sont considérées comme] des politiques à visée concrète, guidées par des contraintes pressantes liées aux mutations récentes du capitalisme » (Rousseau, 2013 : 1), amenant des difficultés. Premièrement, alors que des villes vulnérables doivent désormais assurer par elles-mêmes leur développement local (tout comme d’autres villes plus florissantes), elles héritent cependant d’une structure économique urbaine souvent postfordiste de plus en plus obsolète dans un contexte d’avènement d’une société post-industrielle fondée sur l’information (Rousseau, 2008). Deuxièmement, les « villes perdantes » telles que définies par Rousseau, font face non seulement à un problème « objectif », c’est-à-dire des taux élevés de chômage ou de précarité, un déclin démographique prononcé, une faible qualification de la population, mais aussi à un problème « subjectif » via la construction de ces villes estimées comme répulsives par divers prescripteurs sociaux (journalistes, hommes politiques, artistes) (ibid.). Wacquant et al. (2014) parlent dans ce contexte d’une « stigmatisation territoriale ».

4Ce travail2 examine trois villes emblématiques de la décroissance urbaine en France qui sont régulièrement « égratignées par les médias »3 : Guéret, Nevers et Saint-Étienne. Comment ces villes sont-elles représentées dans les médias et quelle image et identité cherchent-elles à véhiculer à travers leur communication en ligne ? Comment ces deux discours sont-ils liés ? En suivant une approche exploratoire et interprétative, il s’agit d’apporter un éclairage sur la manière dont les villes en décroissance sont représentées par les médias et d’appréhender comment elles se présentent elles-mêmes, leurs politiques d’image et leurs stratégies de marketing territorial face à la décroissance. A l’instar des travaux de Rousseau et de Florentin et Paddeu, nous ne souhaitons pas alimenter l’image négative et souvent réductrice des villes en déclin transmise par les médias grand public, mais comprendre la relation entre la représentation4 médiatique et la manière dont les trois villes étudiées se positionnent elles-mêmes à travers leur communication institutionnelle. L’analyse sera décomposée en deux étapes5 : premièrement une étude du champ médiatique à travers une analyse thématique d’articles de journaux (en ligne), puis l’étude de la communication en ligne des villes (dans leurs politiques de production d’image et de formation d’un discours identitaire) par le biais d’une analyse de contenu des sites web institutionnels basée sur les thèmes identifiés lors de la première étape.

1. La place du marketing territorial dans les politiques d’attractivité et d’image des villes en décroissance

5Les phénomènes qui ont conduit à la décroissance urbaine en Europe ont évolué en parallèle d’un changement de paradigme économique mondial (Brenner 2004). Alors que les années 1960 ont été marquées par la généralisation de l’État keynésien, qui a fait de la lutte contre les inégalités socio-économiques entre régions et villes l’un de ses principaux buts ; à partir des années 1970, les politiques ne régulent plus la croissance économique sur l’ensemble du territoire national. En valorisant le développement économique par la concurrence, les politiques urbaines des années 1980 ont fait de la compétition territoriale l’alpha et l’oméga de toute politique territoriale (ibid.).

6Les stratégies urbaines ont évolué vers une forme d’ « entrepreneurialisme urbain » (urban entrepreneurialism) (Harvey, 1989), approche par laquelle les acteurs urbains sont obligés à exploiter les avantages naturels ou existants des villes pour améliorer l’offre touristique, culturelle et de loisir, capter plus de centres de décision, afin de pourvoir aux besoins de leurs citoyens, mais aussi à ceux d’investisseurs et de touristes potentiels, et également pour attirer de nouveaux emplois et habitants (Borja et Castells, 1997). Cette compétition territoriale mondiale (Harvey, 2000 ; Castells, 2000 ; Sassen, 2001) a accentué les inégalités territoriales puisque certaines villes, grâce à leurs avantages locaux, réussissent dans la course à la croissance tandis que d’autres « décrochent » (Martinez-Fernandez et al., 2012).

7Dans ce contexte, le marketing urbain est mobilisé pour améliorer la position économique, politique et culturelle des villes (Kavaratzis, 2004) et constitue une stratégie pour de nombreuses villes en transformation économique ou sociale (Kavaratzis et Ashworth, 2007). Afin de se positionner plus fortement dans un monde où la compétition est omniprésente, les villes ont de plus en plus recours à l’image de marque pour obtenir leur part de capital, des visiteurs et d’entreprises (Kavaratzis, 2007). Plus largement, les décideurs de villes développent un discours identitaire en parallèle de politiques d’image nourries par le marketing territorial. Lussault (1997) a souligné l’émergence d’un registre de l’action urbaine fondé sur l’identité.

Cette dernière « constitue un outil de choix pour les opérateurs politiques en quête de légitimité sociétale et ce d’autant plus qu’il est aisé de présenter comme une donnée extérieure aux personnes et intérêts privés, en même temps que non limitée au présent de l’action » (Lussault, 1997. : 530).

8La fonction du discours identitaire autour des villes est à la fois à visée interne (cohésion du territoire, validation des choix idéologiques et politiques) et externe, dans une optique de positionnement au sein du système urbain concurrentiel (Faye et Vignolles, 2016), et les approches diffèrent en fonction de la taille de ville (ibid.) : là où les grandes villes s’alignent sur un registre entrepreneurial, les petites et moyennes villes misent souvent soit sur le développement d’une identité de proximité, soit sur l’identification de leurs caractéristiques rurales ou urbaines (Mainet, 2011).

9Alors que les collectivités urbaines sont des acteurs sociaux produisant un discours identitaire, deux registres s’opposent : le registre interprétatif du discours identitaire fournit une identité « clé en main », souvent éloignée des réalités et des perceptions urbaines pour les cibles du discours, alors que le registre constructif est fondé sur les propres valeurs, normes et intérêts d’une identité concrète, sur une histoire singulière et un futur choisi pour se positionner (Ferry, 1994 et Pourtois, 1993 dans Faye et Vignolles, 2016). La formation du discours se situe souvent sur un continuum entre les deux, car

« le registre constructif ne peut totalement ignorer les attentes des cibles et les offres concurrentielles comme le registre interprétatif ne peut ignorer les réalités et les perceptions des attributs fonctionnels » (Faye et Vignolles, 2016 : 984).

10Notons que les politiques de marketing territorial dans les villes en décroissance s’inscrivent dans des stratégies plus globales face à la décroissance. Farke (2005 : 179) a proposé quatre étapes de perception du phénomène : s’acharner à l’ignorer ; l’observer sans l’accepter ; l’accepter dans une certaine mesure ; et enfin l’accepter pleinement. Danielzyk et al. (2002 : 25) quant à eux, offrent une typologie des stratégies des villes confrontées par le déclin : « le déclin comme cercle vicieux », des « stratégies d’expansion », des « stratégies de maintien » et la « planification du déclin ». Pallagst et al. (2017) ont développés un modèle pour montrer que les stratégies appliquées dans les villes en décroissance dépendent du niveau d’acceptation du phénomène, qui, selon Florentin et Paddeu (op. cit. : 2), « met du temps à être identifié, et surtout à être accepté. »

2. Le rôle des médias et de la communication en ligne dans la construction d’image des villes en décroissance

11Forme de « marketing sans but lucratif » (Proulx et Tremblay, 2015 : 22), le marketing urbain est divisé entre une approche axée sur le marketing et une approche fondée sur l’urbanisme (Oguztimur et Akturan, 2016). Nombreux chercheurs (souvent géographes et aménageurs) portent un point de vue plus critique ou bien s’opposent à la transformation de la ville comme un produit à vendre (Boland, 2013). Rochette et Houllier-Guibert (2018) ont défini le but du marketing territorial comme « la génération de connaissances nouvelles afin de contribuer à combler un déficit de connaissances sur divers thèmes ». Les auteurs ont souligné que « le domaine de la réception de l’image des territoires permet une posture plus critique que ce que l’étude du marketing territorial cherche à faire » (ibid.). Chamard (2018, s.p.) a appelé à ce que la recherche académique sur le marketing territorial rende « intelligible les mécanismes d’action de l’attractivité et de l’hospitalité des territoires ».

12Houllier-Guibert (2008) a développé un cadre théorique qui identifie trois vecteurs de production de l’image : le bouche à oreille6 ; les politiques de promotion des lieux, et les médias de masse. Les politiques de promotion des lieux sont « éminemment positives, maîtrisées par ceux qui gèrent le territoire concerné, dont les moyens sont en réalité faibles en matière de rayonnement » et souvent mimétiques dans leur forme (Houllier-Guibert, 2011). Enfin pour les médias de masse, « les journalistes tiennent le rôle d’intermédiaire et canalisent l’information d’une manière subjective, combinée à la déontologie de leur métier qui vise l’objectivité » (Houllier-Guibert, 2019).

13Oguztimur et Akturan mentionnent deux domaines clés du city branding : le premier est la communication de marque (brand communication) qui comprend les études sur les médias, la publicité et les récits liés aux villes. Les villes sont comprises par le monde extérieur à travers des récits médiatiques, qui ne peuvent être contrôlés que dans une certaine mesure par les municipalités. Le deuxième domaine porte sur la communication en ligne à travers les sites web des municipalités, qui est un terrain d’étude peu mature (ibid). L’importance du marketing urbain via internet pour exprimer l’avantage compétitif d’une ville, la qualité particulière d’un lieu, son histoire, son mode de vie et sa culture, est soulignée par plusieurs auteurs (Björner, 2013). Dans les villes de petite taille en France, « […] les caractéristiques historiques et géographiques influeront fortement sur la stratégie de marque. » (Alaux et al. 2015 : 64) et la communication des petites et moyennes villes françaises est souvent axée soit sur la qualité de vie et l’habitabilité, soit sur un certain degré de réaffirmation des caractéristiques urbaines (Mainet, 2011 : 5). En dehors de leur dimension première visant à promouvoir une image positive, les supports promotionnels des villes (dont font partie leurs sites internet) révèlent explicitement ou implicitement les enjeux et faiblesses du territoire et les préoccupations des acteurs locaux (Mainet, 2011).

14Les dénominations pour parler de production d’image vont donc de city marketing (marketing urbain), à territorial marketing (marketing territorial), à city branding (Oguztimur and Akturan, 2016). Le sens du dernier terme est cependant plus restreint : le « city branding » a été défini comme la manifestation symbolique de l’information liée à une ville afin de créer une connotation positive autour de celle-ci (Lucarelli et Berg, 2011), de sa marque, le logo de la ville et son slogan, ainsi que des qualités qui lui sont attribuées (Sáez et al., 2013). Dans notre travail de recherche, nous utilisons le terme « marketing territorial » pour refléter l’échelle d’analyse utilisée (cf. infra).

15A la lumière des travaux de Houllier-Guibert et Oguztimur et Akturan, nous essayons d’apporter un éclairage sur la manière dont les villes en décroissance sont représentées par les médias ; et la façon dont elles se présentent elles-mêmes à travers leurs stratégies de marketing territorial face à la décroissance, à travers l’image et l’identité qu’elles cherchent à véhiculer en ligne.

3. Méthodologie

16Pour répondre à notre question de recherche, nous appliquons différentes méthodes qualitatives : l’analyse thématique des représentations médiatiques, et l’analyse de contenu des sites web. Avant de présenter celles-ci, la section suivante traitera de notre sélection d’études de cas.

3.1. Quelles villes et échelles étudier ?

17Guéret, Nevers et Saint-Étienne, par leurs tailles de population, leurs localisations et leurs histoires différentes, peuvent apporter différents angles de compréhension sur le traitement des villes en décroissance dans les médias et sur la façon dont ces villes se présentent par le biais de leurs sites web.

Saint-Étienne

18Préfecture de la Loire, Saint-Étienne a longtemps été connue comme étant la ville française de l’arme, du cycle et du ruban et un important centre d’extraction houillère. La désindustrialisation a frappé la ville à partir des années 1970, menant à une base économique fragilisée et une importante perte de population. Depuis le pic démographique de 223 000 habitants en 1968, Saint-Étienne a enregistré une perte de plus de 50 000 habitants (Béal et al., 2020). Les traces des activités industrielles sont encore visibles dans la ville. Bien que définie depuis 2018 comme une métropole de droit commun, pour certains chercheurs, Saint-Étienne ne porte pas un enjeu véritablement métropolitain (Davezies et Talandier, 2014) et est plutôt une ville intermédiaire satellisée dans un contexte régional en périphérie de la métropole d’envergure qu’est Lyon (Nadou, 2010). La part des cadres dans la population active stéphanoise est faible comparée à d’autres villes de la région : 13 % en 2015 pour son aire urbaine, comparé à 19 % dans les aires urbaines françaises en général et près de 22 % à Lyon et 25 % à Grenoble (Béal et al, 2020).

Nevers

19Emblématique des villes moyennes en décroissance (Guéraut, 2018), l’ancienne capitale provinciale du Nivernais est aujourd’hui préfecture du département de la Nièvre (Delpirou, 2019). Depuis 1975, où elle comptait 45 480 habitants, la population de Nevers est tombée à 32 990 habitants en 2017. Le déclin de la ville est en partie dû à une faible diversification de son économie. La ville est marquée par un maigre tissu industriel (Dumont et Chalard 2010 : 7) et une dominante administrative (Berroir et al. 2019). Le déclin démographique de Nevers a commencé au milieu des années 1970 et s’est accentué dans les années 1990 (ibid.). Avec un centre fortement dévitalisé où 20 % des commerces locaux sont vacants, les taux de chômage et de pauvreté sont plus élevés dans le centre-ville que dans ses environs : alors que le taux de chômage dans le centre de Nevers s’élevait à 22 %, il se situe à 15 % dans l’aire urbaine en 2015.

Guéret

20Située dans ce que Béteille appelait péjorativement « la diagonale du vide » en 1981, Guéret est la préfecture du département de la Creuse, un des départements français les plus touchés par la décroissance. En raison de la forte émigration des jeunes qui aspirent à faire leur vie ailleurs à cause d’une faible activité économique, la ville connaît depuis un demi-siècle un déclin constant, qui se traduit par de forts taux de vacance et un vieillissement de la population. Un habitant sur deux vit seul et le revenu médian est inférieur par rapport au reste de l’agglomération. Cependant, les habitants de la ville « portent sur leur cité un regard parfois acéré mais qui repose toujours sur un profond attachement à leur territoire et un désir d’être acteur et d’accompagner son développement » (Savourey, 2018 : 17). En 2012, près de la moitié des 11 041 emplois recensés étaient en rapport avec l’administration publique, la santé, l’éducation et le travail social ; le secteur public étant le plus grand employeur de Guéret, la ville « vit au rythme des horaires de ses administrations publiques » (ibid. : 15).

Tableau 1. Évolution démographique Saint-Étienne, Nevers et Guéret

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Source : Insee, séries historiques du RP, exploitation principale – 2006, 2011, 20167

21Ces villes ont en commun d’avoir fait face à une décroissance démographique au cours des dernières années (Tableau 1) à l’exception d’une très légère hausse de population entre 2011 et 2016 dans le cas de Saint-Étienne, qui a toutefois perdu une part significative de sa population dans les dernières décennies. De plus, et comme identifié dans un article paru dans La Montagne en octobre 2017, ces villes ont été particulièrement « malmenées » dans les médias nationaux (Bastide, 2017).

22En termes de taille, compétitivité sur le plan national, trajectoires de décroissance et localisation géographique, les trois cas sélectionnés sont représentatifs du phénomène de décroissance urbaine en France. Alors que Saint-Étienne représente les grandes villes post-industrielles qui ont connu un déclin en raison des processus de restructuration économique, Nevers et Guéret ont été choisies pour représenter les variétés de villes de petites et moyennes tailles. En suivant les travaux de Mainet et d’Alaux et al., nous incluons ces types de villes afin de contribuer à la recherche sur le marketing territorial à ce niveau de la hiérarchie urbaine car les « petites villes ont été négligées par les recherches sur le “city branding” » (Alaux et al., 2015 : 66). Alors que de plus en plus de petites et moyennes villes s’engagent dans des activités de marketing territorial, leurs stratégies diffèrent-elles de celles des métropoles ?8 Par le choix de ces cas nous recherchons les premiers indicateurs des effets d’échelle potentiels.

23Quant à l’échelle étudiée, Houllier-Guibert (2009) a souligné la difficulté pour les acteurs locaux de choisir l’échelle idéale pour un discours sur le développement métropolitain ; et à toute taille de ville, différentes échelles peuvent être prises en compte dans la fabrication de la territorialité et la production d’image9. Nous avons pris en compte le territoire politique qui a la responsabilité de promouvoir le territoire via des actions de communication ou marketing (ibid.). Cela correspond pour nos études de cas à l’échelle municipale et intercommunale, et donc à des entités administratives possédant un site web. Saint-Étienne a le statut de métropole depuis le 1er janvier 2018, alors que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de Guéret (Grand Guéret) et Nevers sont des communautés d’agglomération. Étant donné les compétences complémentaires de ces deux niveaux administratifs, il nous semblait nécessaire de considérer ces deux échelles et d’étudier les sites web des EPCI également, du fait de leurs compétences de développement économique. Toutefois, des sites spécifiques voués à l’attraction touristique n’ont pas été traités, car nous souhaitons prendre en compte des politiques d’attractivité pérennes, les territoires en décroissance cherchant essentiellement à attirer de nouveaux habitants.

3.2. Analyse des représentations des villes

24Afin d’identifier les images que les villes aspirent à projeter via leurs sites internet, et dans quelle mesure ces dernières font écho aux représentations médiatiques, notre analyse se fait en deux temps.

Analyse thématique des représentations médiatiques

25L’analyse thématique est largement utilisée pour étudier, identifier et faire émerger des thèmes dans un ensemble de données et aide à les décrire de manière plus détaillée (Braun et Clarke, 2006). Suivant le modèle avancé par Oguztimur et Akturan, ce type d’analyse comprend plusieurs étapes afin d’être systématique et reproductible : une étape de familiarisation avec les données étudiées ; une étape de codage des premiers résultats de la revue médiatique ; une étape de classement de ces codes en thèmes ; et une étape finale de formulation plus définie des thèmes contre lesquels les résultats seront attribués (Tableau 2).

26Les articles de presse nationale et locale étudiés ont été rassemblés à travers Google et Google News ainsi qu’à travers les archives des journaux français les plus lus10, afin de couvrir différentes tendances politiques. La recherche via Google et Google News a aussi conduit à des articles de la presse locale, ainsi que de la presse nationale11 ; nous nous sommes limitées aux dix premières pages de résultats. Les termes de recherche utilisés étaient le nom de la ville associé au mot « décroissance », puis « déclin ». Ces termes ont été choisis car, sans être trop larges sémantiquement (par leur caractère péjoratif), ils sont souvent utilisés dans les médias pour parler des villes en difficulté, et correspondent à une image négative que les villes s’évertuent à changer. Tous les articles trouvés ont été pris en considération12 et analysés pour comprendre la manière dont les villes en décroissance sont représentées dans les médias. L’analyse thématique des articles suit un processus inductif, dans lequel les textes lus contribuent à l’identification de schémas thématiques13.

Analyse de contenu des sites web des études de cas

27Les thèmes identifiés servent de catégories pour la deuxième partie de l’analyse, durant laquelle les sites internet des études de cas sont décryptés à l’aide d’une analyse qualitative de contenu14.

28Afin d’évaluer les politiques de représentation choisies par les villes (au sens de Hall, 1997) nous avons analysé les sites officiels des trois villes, ainsi que ceux des communautés d’agglomération et celui dédié à l’attractivité de la SEM (Saint-Etienne Métropole), en nous appuyant sur les thèmes identifiés dans les représentations médiatiques. Nous n’avons pas analysé les pages sur les fonctions communes à toutes les villes, comme les élections, l’accueil des nouveaux arrivants ou les grands projets d’urbanisme. Nous avons aussi utilisé, lorsqu’il y en avait un, l’outil de recherche sur les sites web pour les mots « décroissance » et « déclin ».

29Dans un premier temps, l’analyse de contenu évoque la présence ou l’absence des schémas thématiques identifiés dans les médias sur les sites. Ensuite, si les thèmes sont présents, nous examinons leurs discours. Enfin, nous dégageons d’autres thèmes qui émergent de l’analyse des sites. Nous avons utilisé cette méthode afin de développer une interprétation de thèmes aussi proche que possible de celles des représentations médiatiques (Mayring, 2000) et d’évaluer dans quelle mesure les discours institutionnels et médiatiques sont liés.

4. Résultats : les représentations médiatiques et institutionnelles

30L’analyse thématique de la couverture de presse a permis d’identifier quatre thèmes majeurs pour les villes de Saint-Étienne et Nevers et cinq pour Guéret (tableau 2). Les thèmes identifiés se recoupent presque entièrement : les facteurs démographiques, les facteurs économiques et sociaux, le développement économique ou local et la reconstruction de l’image sont apparus comme des thèmes majeurs dans tous les cas. Pour Guéret, « l’ancrage local » a émergé comme cinquième thème. Tous les thèmes sont fortement connectés et il est parfois difficile de les séparer de façon catégorique, compte tenu de la nature complexe et multidimensionnelle du processus de décroissance urbaine.

Tableau 2. Résultats de l’analyse thématique des cas de Saint-Étienne, Nevers et Guéret

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Sources : auteures

4.1 Saint-Étienne : de la « ville noire » à la « ville du design »

Analyse thématique : représentation de Saint-Étienne dans les médias

31La couverture médiatique de Saint-Étienne se révèle souvent passéiste (France Inter, 12/05/2016) et négative. Un des exemples le plus frappant de la couverture médiatique négative de la ville a été un article du Monde publié en décembre 2014, qui avait créé un tollé, de son titre « A Saint-Étienne, le centre-ville miné par la pauvreté » et vocabulaire utilisé comme « sentiment de grisaille, presque poisseuse » ou « capitale des taudis », à l’accumulation dans son écriture d’adverbes de lieu (ici, là, ailleurs) pour décrire un bâti en ruine, donnant une image de délabrement de quartiers entiers. Cet article amène les Stéphanois à utiliser le hashtag #stephanoisfiers sur les réseaux sociaux (France Bleu Loire, 2014), se réappropriant en quelque sorte ce buzz négatif (Houllier-Guibert, 2019).

32Plusieurs thèmes émergent dans la couverture médiatique de la ville (tableau 2). La couverture médiatique des changements de population à Saint-Étienne, de manière peu surprenante pour une ville en décroissance, est centrée sur le déclin démographique et le vieillissement de la population : la perte de « 50 000 habitants en 40 ans » (France Inter, 12/05/2016) est qualifiée d’« hémorragie » (L’Express, 05/03/2013) même si certains articles soulignent une légère hausse récente de population. La question démographique émerge également dans la presse régionale, que ce soit pour aborder la question de la décroissance (Le Progrès, 30/12/2014) ou le regain de population et le maintien de Saint-Étienne comme 13ème ville de France (Le Progrès, 27/12/2019).

33Le deuxième thème qui émerge nettement est le déclin industriel avec une importante perte d’emplois liée aux fermetures d’usine et de mines, et la « crise industrielle, minière, sidérurgique, textile, mécanique » de la ville (France Inter, 12/05/2016). Le thème fait partie de plusieurs titres : « 30 ans de désindustrialisation » (France TV Info, 04/04/2017) ou « Que faire pour stopper le déclin industriel de la Loire ? » (Le Progrès, 15/06/2011). Les luttes sociales et la solidarité entre ouvriers sont quelquefois évoquées, avec un discours sur le chômage et les faibles niveaux de qualification qui domine. Les bas coûts de l’immobilier sont soulignés, et Saint-Étienne est présentée dans un article de BFM Info (14/06/2019) comme « la grande ville la moins chère » de France. La mention d’un « âge d’or industriel » souligne aussi l’existence d’« une reconversion industrielle » ou d’un « rebond industriel », mais le discours sur les difficultés prévaut, comme le montre cet extrait de l’Express (op. cit.) :

« Pénalisée par les cicatrices encore visibles d’un âge d’or révolu, la préfecture de la Loire tente lentement de se défaire de l’image austère dont elle pâtit. Une entreprise de longue haleine ».

34En termes d’image, la ville est décrite comme souffrant d’un déficit d’attractivité, mais aussi de son pendant, à savoir un regain d’attractivité grâce aux prix bas (BFM La Tribune Auvergne Rhône Alpes, 18/01/2017). Dans les représentations médiatiques de la ville on observe une opposition entre le déclin d’une part (« comment exister à nouveau quand on a tant brillé ? » L’Express, op. cit.), et sa renaissance d’autre part, à travers une continuation dans la tradition d’innovation où le savoir-faire de la ville est souligné (« Nous avons le savoir-faire, il faut le faire savoir » dixit l’ancien maire Maurice Vincent dans l’Express), l’obtention du label de ville créative de l’UNESCO, et son positionnement comme ville du design.

Analyse de contenu des trois sites stéphanois

35Le site de la ville et celui de l’intercommunalité parlent peu de la perte de population. Les facteurs économiques et sociaux sont en revanche évoqués sur le site de la ville, notamment la désindustrialisation. Saint-Étienne a pour particularité d’utiliser, si ce n’est le terme de décroissance, le terme de déclin sur son site communal, en cherchant à en faire un atout et en le mettant en récit. Le déclin est aussi mentionné pour évoquer que « l’économie commence à se redresser avec une tertiarisation mais aussi un redéploiement de son tissu industriel ». On peut noter l’importance du préfixe « re » dans le vocabulaire utilisé, reflétant la terminologie utilisée par la presse.

36Les supports de communication de la SEM s’inscrivent dans un registre résolument entrepreneurial (Harvey, 1989), que ce soit sur le site de la métropole ou son site dédié à l’attractivité, qui vise à attirer de nouveaux habitants et entreprises et offre une comparaison avec d’autres métropoles françaises dans une logique de compétition interurbaine. Ces sites s’emploient à mettre en avant les avantages comparatifs stéphanois en termes de poids économique et d’attractivité auprès des entreprises et investisseurs. Devenue une métropole comptant plus de 400 000 habitants depuis le 1er janvier 2018, le site dédié à l’attractivité évoque ce chiffre comme « un marché à taille critique », le comparant à Brest, Metz et Clermont-Ferrand (selon des critères qui ne sont néanmoins pas définis). Le site évoque des « opportunités d’emploi et de carrière pour tous », et compare encore favorablement le taux de chômage (11,8 %) à d’autres villes (Lille et Montpellier). Pour les entreprises, le site de la métropole évoque des « coûts salariaux attractifs », et un « accès à une main d’œuvre disponible et qualifiée », cherchant à faire de la fragilité économique de la ville une force (Figure 1).

Figure 1. Capture d’image du site dédié à l’attractivité de la SEM

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Source : http://www.saint-etienne-attractivite.fr/fr, consulté le 20/06/2020

37Quant au développement économique, le site de la SEM souligne l’« écosystème favorable à l’innovation alliant économie et recherche » et les 12 M€ consacrés à l’innovation dans les startups et petites et moyennes entreprises (PME) durant la période 2015-2020. De manière générale, la ville est présentée comme « un territoire d’excellence », actif avec la volonté de « redessiner l’avenir économique de la métropole ».

38Le registre de compétition interurbaine s’applique aussi à la volonté d’attirer de nouveaux habitants. Alors que les médias évoquent les bas coûts immobiliers, le comparateur de la SEM met en avant les « coûts attractifs sur l’immobilier » et pour les habitants le « pouvoir d’achat attractif et un bas coût d’accès à une propriété immobilière et ou des logements » en se comparant cette fois à de plus grandes villes comme Bordeaux et Nantes quant au coût par m2 en maison. La plaquette de la SEM « Vivre ici » (ciblant ouvertement les cadres) met en avant les sites naturels autour de la ville, alors que le comparateur pour les nouveaux habitants sur le site de l’attractivité de la SEM, souligne les équipements sportifs et culturels d’une grande métropole ; le pouvoir d’achat attractif ; les nombreuses infrastructures pour répondre aux besoins des enfants ; et « une vie peu stressante dans un environnement apaisé ». La métropole s’y présente de manière plus affirmée : « Saint-Étienne, une ville d’avenir qui vous veut du bien. Changez de monde, changez de vie ! » ou « N’attendez plus, quittez Paris et faites le choix de Saint-Étienne Métropole ». Ces éléments correspondent à une évolution du discours sur l’attractivité de la qualité de l’environnement économique vers la qualité des lieux dans un sens beaucoup plus large (culture, urbanisme, développement local, image) (Edouard, 2019).

39Concernant l’image de la ville, le design est une partie clé de son identité qui est reflétée dans les médias analysés, et du logo de la ville : « Ville de Saint-Étienne : l’expérience design » (figure 2). Le design est présenté comme un « réel moteur pour le développement [du] territoire ».

Figure 2. Première page du site municipal, incluant le logo

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Source : https://www.saint-etienne.fr/, consulté le 12/12/2020

40Le site de la ville souligne le caractère essentiel du design dans l’identité de la ville : « Saint-Étienne est la capitale du design, ça vous étonne ? Pourtant, ça fait 200 ans qu’elle invente. » Le message se veut clair : le design à Saint-Étienne « a une particularité unique au monde : il s’intéresse à la société, aux attentes des citoyens dans un monde en constante évolution », ce que la ville présente comme une forme de « design sociétal ». De plus, le design est présenté comme un moteur clé du « re-décollage économique » local. Face à ses difficultés passées, la ville aurait su rebondir grâce à sa tradition industrielle d’innovation pour le futur : « le design change Saint-Étienne et Saint-Étienne change le monde ! ». « Design Tech », la « marque de fabrique » stéphanoise au sein des métropoles françaises labellisées « French Tech », est décrite comme « un vecteur de développement et d’attractivité économique, essentiel dans la stratégie de redynamisation du territoire stéphanois ». La ville met également en avant son label de « ville Créative Unesco Design », unique en France, et affirme que cela « représente une reconnaissance internationale majeure pour Saint-Étienne, [...] un facteur déterminant dans le changement d’image de la ville, pour son développement culturel, social et économique ». La Cité du Design de Saint-Étienne est par ailleurs un exemple du choix de la culture et de la création comme alternative au déclin15, pratique courante pour les villes post-industrielles (Mortelette, 2014).

41Le lien est clairement établi entre l’invention et l’innovation dont Saint-Étienne a fait preuve par le passé et le design ; les inventions passées sont mises en exergue sur la page de la politique économique de la ville : « confrontée au déclin des activités manufacturières traditionnelles, Saint-Étienne, terre de créateurs et d’inventeurs a su orienter sa reconversion vers de nouveaux axes économiques et pôles d’excellence ». Pour Mortelette, le design est présenté comme historique et naturel à Saint-Étienne et non pas comme un positionnement stratégique tiré du chapeau des décideurs, ce qui permet de légitimer institutionnellement ce positionnement. Cela correspond à un discours identitaire tel que défini par Lussault (1997), où un passé glorieux est invoqué pour donner du sens à des projets futurs, et où l’identité est la clé de résolution d’une crise citadine.

42Cependant, l’exemple stéphanois est intéressant car, selon la typologie de Farke (op. cit.) le phénomène de décroissance est reconnu dans une certaine mesure par le vocabulaire de déclin utilisé, alors que pour la majorité des élus et techniciens locaux, la rhétorique de la croissance est un élément central dans la manière d’envisager le territoire (Mortelette, 2014 ; Pallagst et al., 2017). Le terme de croissance est absent du site municipal16, mais la métropole n’accepte pas pour autant pleinement la décroissance, avec un site dédié à l’attractivité pour les nouveaux habitants et entreprises et une communication ouvertement entrepreneuriale (Harvey, 2007). Selon la distinction entre identité interprétative et identité constructive articulée par Faye et Vignolles (2016), la ville essaie d’identifier ses attributs réels (et perçus) et de combiner identité héritée et identité projetée dans l’élaboration de son discours identitaire plutôt qu’une démarche marketing mimétique fondée sur l’idéologie territoriale actuelle (Houllier-Guibert, 2011).

4.2. Nevers : Entre « la ville morte » et « la belle endormie »

Analyse thématique : Nevers dans les médias

43L’analyse thématique de la presse présente Nevers comme lourdement frappée par la décroissance, mais aussi porteuse d’une forte identité défendue par ses habitants, comme on peut l’observer dans les réactions du public aux rapports négatifs décrits plus bas. Quatre thèmes dominent dans la couverture médiatique de la ville (tableau 2).

44La représentation majoritaire est celle d’une ville en souffrance face au phénomène de décroissance. Au sentiment de clivage entre métropole et périphérie s’ajoute celui d’une nostalgie liée à la perte d’un tissu industriel. La désindustrialisation a entraîné un déclin économique dont les effets socio-économiques sont dépeints dans les articles. Un certain nombre sont consacrés au changement démographique (par exemple Le Journal Du Centre 19/11/2014 ; 30/03/2015 ; 02/01/2017).

45Un article du Monde résume les effets de la décroissance à Nevers en citant le maire de la ville :

« On dit de Nevers qu’elle est agréable, un peu comme on dit d’une personne qu’elle est gentille. Mais la ville a dormi depuis 20 ans. Sa population est passée de 50 000 à 36 000 habitants en 40 ans. Le taux de vacance commerciale atteint 20 %, tout comme la proportion de logements vides. La zone piétonne n’a pas été rénovée depuis 35 ans » (Le Monde, 21/03/2016).

46L’analogie entre le fait de qualifier une personne de « gentille » et une ville d’« agréable » sous-entend qu’elle ne présente pas de particularité la rendant réellement attractive. La description par le Maire des effets typiques d’une ville en décroissance (bâtiments vacants, déclin de la population et centre qui n’a pas été rénové depuis des décennies), vient confirmer cette interprétation. Par contre, le maire semble rejeter la notion de Nevers comme « ville morte » et affirme plutôt que la ville « a dormi ». Cela implique une volonté et une croyance dans la capacité de la ville à « se réveiller ».

47Concernant les facteurs économiques et sociaux, la perte de l’industrie traditionnelle et d’entreprises locales ainsi que le fort taux de chômage sont aussi mentionnés par un des articles les plus négatifs sur la ville, qui a causé une contre-réaction des élus locaux ainsi que de certains habitants. Cet article décrit en effet la ville sans aucun ménagement :

« À Nevers, il flotte comme un criminel parfum de gâchis. Rétrospectivement on se dit que la chronique de cette mort annoncée s’est écrite depuis longtemps et à la vue de tous. Comme si tout le monde – des pouvoirs publics aux habitants en passant par les commerçants – avait regardé la lente descente aux enfers de leur ville, bras ballants, en pensant très fort : “ Jusqu’ici tout va bien.” Le réveil est brutal » (Paris Match, 01/12/2018).

48En parlant d’une « mort annoncée », l’auteure suggère que les fonctionnaires ont délibérément laissé le déclin économique et social de la ville se poursuivre. Les photos adjacentes donnent une image sinistre de la décroissance urbaine et de l’activisme des Gilets Jaunes : en utilisant la photo d’un groupe local d’activistes dans une rue sombre entourée de commerces vacants, un lien entre le mouvement populaire et la décroissance urbaine est établi. En cela, la photo rassemble visuellement les problèmes de la France en dehors des métropoles et a priori celle des villes en décroissance : le désenchantement grandissant de leurs habitants et l’existence d’une déconnexion spatiale entre métropoles et périphérie. Cette représentation est encore accentuée par un commentaire du maire : « Nous sommes au cœur de la France et pourtant c’est le bout du monde ».

49Renforçant cette image sinistre, l’article mentionne que les permis de construire les plus importants concernent la création de trois EHPAD et l’agrandissement d’un crématorium, suggérant un caractère vieillissant des habitants (la moitié de la population étant de fait, âgée de 45 ans et plus17) et ajoute à l’imaginaire collectif de Nevers comme ville manquant de dynamisme.

50La déconstruction des images négatives des reportages constitue un autre thème majeur. L’article de Paris Match a provoqué plusieurs contre-réponses : quelques jours après sa publication, la rédaction du Journal du Centre (04/12/2018) a mis en avant sa propre vision de Nevers en mettant en exergue les meilleurs côtés d’une ville « accessible », qui « se transforme » et « regarde vers le futur ». Selon les journalistes, « À Nevers, tout n’est pas rose. Mais tout n’est pas gris »18. Le fait que la rédaction d’un journal local se réunisse pour écrire un article visant à « sauver » l’image de leur ville est en soi notable.

Analyse de contenu des deux sites nerversois

51Malgré l’importance du déclin démographique de Nevers dans les médias, les facteurs démographiques restent peu présents sur les deux sites internet. Il en va de même pour des facteurs économiques et sociaux, tel le chômage, par exemple. Concernant le développement économique ou locale (tableau 2), les politiques de « dynamique commerciale » bénéficiant du programme Action Cœur de Ville19 font échos aux problèmes auxquels fait face le centre-ville. L’attractivité commerciale est définie comme un enjeu politique majeur depuis 2014. Sont présents des mesures pour dynamiser le commerce tels un encouragement à la création de boutiques éphémères dans les locaux commerciaux, des taxes sur les friches commerciales, et un dialogue avec les acteurs de l’immobilier commercial pour amener à la réoccupation de locaux vacants.

52Le site municipal met en avant « une politique de revitalisation pérenne et un projet de redynamisation global du cœur de ville de Nevers qui est actuellement mis en place via un ensemble de leviers à activer : urbanisme, habitat, commerce, mobilité et accessibilité, numérique, animation... », et semble plus tourné vers les préoccupations des Neversois en montrant que la municipalité agit en faveur de son centre-ville20. Par contraste, le site de l’agglomération est orienté vers l’extérieur et l’attractivité avec le dispositif « Welcome in Nevers » qui favorise l’installation d’habitants et d’entreprises sur le territoire, et comprend une charte pour l’accueil des actifs et des porteurs de projets économiques.

53Alors que les médias ont mis l’accent sur la perte d’industrie, le site intercommunal contient des informations sur les parcs d’activité qui « bénéficient d’un environnement privilégié et de disponibilités pour répondre aux besoins d’entreprises nouvelles ou en développement », dont un pôle tertiaire, et sur le « tissu économique riche et diversifié » de la ville (spécialisations dans les transports, la conception et la production de biens d’équipements, la chaudronnerie, la métallurgie et la mécanique). Pour les entreprises, il est mentionné que le « budget est résolument orienté en direction de l’investissement, du développement économique et entrepreneurial ».

54Le vocabulaire utilisé est volontariste et éminemment positif, axé sur l’investissement (en se comparant à d’autres villes) et les ressources du territoire neversois :

« À l’opposé des collectivités qui renoncent aux investissements, Nevers Agglomération a choisi d’investir près de 107 millions d’euros sur la mandature. Des engagements politiques forts pour le territoire, ses habitants et ses forces vives. Des solutions pour implanter votre entreprise. Pour votre projet industriel, artisanal, commercial ou tertiaire, trouvez dans l’agglomération de Nevers la solution foncière ou immobilière correspondant aux besoins de votre entreprise ».

55Pour de potentiels nouveaux habitants, le territoire intercommunal est décrit comme « loin des encombrements citadins », avec « un environnement de qualité où dominent verdure, eaux, forêts et prairies » et offrant « toute la chaleur et la convivialité d’une ville et d’une agglomération à taille humaine ». En cela, Nevers s’inscrit dans la lignée de nombreuses autres villes françaises de petite et moyenne taille en soulignant son caractère de proximité. Le site de la ville met également en avant ses nombreux labels (Ville et Pays d’Art et d’Histoire ; Ville Amie des Enfants), et souligne la culture à Nevers : Le patrimoine local est mis en avant, ainsi que le statut de capitale de la faïence. Un autre accent est mis sur la variété des festivals culturels et la place du sport et des loisirs, qui contribuent également à une image attrayante (Edouard, 2019), à la haute qualité de vie.

56L’exemple neversois correspond en cela aux fonctions du discours identitaire des villes identifiées par Faye et Vignolles comme à la fois interne (répondant à des inquiétudes locales) et externe (cherchant à attirer de nouveaux acteurs) au sein du système urbain concurrentiel. Toutefois, ce discours se caractérise par son mimétisme (Houllier-Guibert, 2011) ; si ce n’est pour les marqueurs de lieux, la communication ne fait pas vraiment référence à des caractéristiques et atouts typiquement locaux et pourrait s’appliquer à n’importe quelle ville de petite et moyenne taille faisant face à des difficultés. De plus, certains éléments du discours externe (par exemple « à l’opposé des collectivités qui renoncent aux investissements ») manquent de preuve pour vraiment convaincre. Concernant son image, comme beaucoup de villes, le site intercommunal se réfère à la position géographique au « cœur de la France » entre Paris et Lyon, et met en avant son « territoire bien connecté » comme « destination de choix pour développer un projet et vivre en famille ». Cette connectivité est néanmoins relative, la ville étant desservie par une ligne Intercités et non pas par le TGV ; être au cœur de la France n’implique pas automatiquement d’occuper une position centrale dans le pays.

4.3. Guéret : Ville en déclin ou « eldorado vert » ?

Analyse thématique : Guéret dans les médias

57Souvent mentionné avec le département de la Creuse, le cas de Guéret montre une représentation majoritairement négative et stéréotypée d’une ville et de sa région. Néanmoins, une part non négligeable d’articles a donné la parole aux habitants alors que ceux-ci semblent partager la même volonté d’offrir une vision plus positive de leur ville. Cinq thèmes récurrents sont identifiés (tableau 2).

58Le déclin démographique dans la ville et la région est traité de façon objective, en se basant majoritairement sur les nouvelles données fournies par l’INSEE. Cependant, la quasi-totalité des articles portant sur ces nouveaux chiffres sont écrits sous un angle fataliste, considérant que le développement négatif était à prévoir : « Sans surprise, la Creuse continue à perdre des habitants » (La Montagne 18/01/2018). La décroissance est couverte de façon implicite à travers la description d’autres sujets comme la désertion des centres-villes (Le Monde, 23/03/2018) et des transports en commun qui laissent transparaître une certaine omniprésence du problème. Un exemple de cette situation peut être relevé dans un article du journal local Le Populaire du Centre (23/02/2018) dépeignant la réalité des petites lignes ferrées de la région :

« Sur la voie en face, le train pour Limoges s’apprête à partir, plein à craquer. Dans le nôtre, direction Felletin, personne, le jour et la nuit ».

59Ces rapports sont traités de manière plus subjective et donnent une idée de la façon dont la décroissance influence la vie quotidienne des habitants : en se promenant dans le centre avec ses commerces vides, mais aussi seul dans les transports publics.

60Le thème des facteurs économiques et sociaux présente une grande variété de sous-thèmes : les plus récurrents sont la fermeture d’usines et d’entreprises ainsi que le chômage, particulièrement quant à la mi-2017, un employeur local, s’est retrouvé en situation de risque de faillite. Dans ce contexte, La Croix (24/05/2017) a publié un article sur la région, « qui compte 400 000 vaches pour 120 000 habitants […] », et donne la parole à un petit groupe de travailleurs locaux affectés par la situation :

« Le tissu industriel se maintient, […] mais pas de quoi absorber le choc d’une liquidation de cette ampleur. […] On n’est pas à Bordeaux ou en région parisienne. […] Dans un petit bassin d’emplois comme le nôtre, on ne retrouve pas du travail comme ça ».

61À ce témoignage, les personnes interrogées ajoutent un sentiment de résignation : « On a eu une vie agréable ici, […]. S’installer ailleurs, on n’en a pas les moyens et d’ailleurs, qui voudrait de nous ? » Compte tenu du fait que Guéret se trouve dans ce que la « diagonale du vide », la dernière partie de la phrase (« qui voudrait de nous ? ») peut être interprétée comme un rare exemple dans le corpus de textes analysé, dans lequel l’auto-perception de la population locale et la représentation de la région dans les médias semblent converger sémantiquement.

62La remarque qui semble peu pertinente au premier abord, dépeignant la région comme trois fois plus peuplée par des bovins que par des humains, peut être considérée comme un exemple supplémentaire de la façon dont la dépopulation accompagne implicitement les autres thèmes identifiés : le positionnement explicite de Guéret et de la Creuse en opposition avec les métropoles (ici Bordeaux et Paris) met l’accent sur les difficultés rencontrées par la population locale et les drames personnels que la fermeture d’entreprises peut provoquer. L’article met en lumière l’interconnexion des thèmes identifiés : la décroissance a des conséquences socio-économiques importantes.

63Ces dernières sont combattues par des instruments pour le développement local : développement du secteur du tourisme (vert notamment), mise en place d’infrastructures facilitant le travail à distance et investissements dans des secteurs novateurs (avec l’exemple atypique du cannabis thérapeutique). Mais le sentiment d’isolement au sein de la population persiste : « Pour les Creusois, malgré la fierté des paysages, et malgré des villages soudés, l’impression de déconnexion est parfois pesante » (Le Figaro, 16/07/2017). Les effets psychologiques du déclin deviennent palpables à travers le récit partagé par la population dans l’abandon ressenti face aux difficultés rencontrées, principalement envers le gouvernement :

« Finalement, c’est “débrouillez-vous” et, en plus, en pressant le mouvement, on vous soutiendra après » (Le Populaire du Centre, 18/12/2017).

64Alors que la plupart du corpus donne une image plutôt maussade de Guéret et de la Creuse, un nombre considérable d’articles plus positifs donne la parole aux habitants et acteurs politiques de la région (Le Populaire du Centre, 18/12/2017 ; Le Figaro, op. cit.)21. Combattre la décroissance et dépasser le sentiment d’abandon, est ressorti comme un thème individuel que nous avons classé sous la dénomination « ancrage local » dans lequel nous avons intégrés les articles mettant en avant des témoignages locaux qui contestent la mauvaise image donnée à la ville en mettant l’accent sur les avantages que la région a à offrir, par ceux qui y vivent. Des travaux récents montrent que cette forme d’ancrage, caractérisé par une certaine loyauté envers le lieu, se trouve souvent dans des villes en déclin (Ročak, 2020).

65Lié à cette dynamique mais plus orienté vers une tentative active d’amélioration de l’image de la ville, les articles regroupés sous le thème « image » se concentrent principalement sur le riche héritage culturel et naturel de Guéret et du département. Un des exemples les plus remarquables est un reportage de prospective sur Guéret et la Creuse en 2040, publié dans le journal local Le Populaire du Centre (03/01/2019) : l’article dépeint une région prospère en raison notamment d’un climat peu impacté par le réchauffement climatique. En 2040, comme nous le décrit l’auteure, le changement climatique aura forcé nombre d’habitants des départements voisins à migrer vers la Creuse, ce qui résoudra le problème actuel : le déclin démographique appartiendrait au passé grâce aux « réfugiés climatiques ». L’auteure envisage la région dans vingt ans :

« La technologie nous dépasse déjà et annonce des lendemains connectés, une transition énergétique et des transports autonomes. Côté environnement, j’imagine une Creuse devenue un eldorado vert pour les citadins et les réfugiés climatiques […] »22.

66La référence dans le texte aux avancées technologiques pourrait être lue comme une opportunité pour un lieu si déconnecté physiquement des centres contemporains d’activité économique : dans une époque où le travail à distance devient possible, des lieux comme Guéret pourraient en effet bénéficier de nouveaux habitants de par ses atouts environnementaux.

Analyse de contenu des deux sites guéretois

67Non pas sans rappeler la proposition utopiste de Guéret comme « eldorado vert » en 2040 proposée par l’auteure du Populaire du Centre (03/01/2019), la ville et sa communauté d’agglomération sont présentés comme dynamiques, accueillantes et créatives, tout en mettant l’accent sur la richesse naturelle environnante, élément clé de leur représentation en ligne.

68L’analyse du site municipal met en évidence un positionnement sur l’environnement naturel. L’internaute est accueilli par un message clair et central : « ville oxygène » (figure 3). Ceci est également vrai pour la page d’accueil de l’intercommunalité, avec un blog web qui invite l’utilisateur à « s’aérer » et qui redirige sur la page web sur les activités de plein air.

Figure 3. Le positionnement des sites web publics de Guéret en 2020

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Sources : https://www.ville-gueret.fr/, et https://bit.ly/3rbaEpr, consultés le 20/12/2020

69Les deux photos montrent de vastes paysages verdoyants et des personnes pratiquant des activités sportives. L’image d’un loup, disparu dans d’autres régions, suggère une faune intacte et unique. Dans l’imaginaire collectif, le loup solitaire dans les bois forme également un contraste frappant avec les métropoles surpeuplées où la nature est rare et où il devient de plus en plus difficile d’avoir de l’espace entre les habitants.

70Une rhétorique similaire autour des éléments naturels se retrouve sur le site intercommunal qui encourage de potentiels nouveaux arrivants à commencer leur vie et projets professionnels dans la région :

« Entre Marche et Berry, le territoire offre un paysage vallonné et bocager, sillonné par les vallées de la Creuse, de la Petite Creuse et de la Gartempe encadrant l’agglomération creusoise, Guéret. Les prés d’élevage, les cultures cloisonnées de haies encore très vives, les grandes forêts de feuillus, notamment le massif forestier de Chabrières, la ville de Guéret, constituent une mosaïque de paysages pour un territoire qui a su garder sa dimension humaine ».

71Guéret se présente comme incorporée dans le contexte naturel de la Creuse. En jouant la carte de l’air frais et de la nature préservée, face aux métropoles polluées, les acteurs publics invitent les visiteurs potentiels : « Toute l’année, venez prendre l’air, vous amuser ou pratiquer une activité sportive ». Cette stratégie est courante pour les petites villes : ni rurales ni urbaines, elles se positionnent souvent soit sur les caractéristiques rurales, mettant l’accent sur la qualité de vie en opposition aux métropoles, soit comme urbaines en mettant l’accent sur leur taille humaine (Mainet, 2011). De toute évidence, la première stratégie s’applique au cas de Guéret qui présente une image de paradis naturel ayant pour but d’attirer touristes et habitants mais également entreprises et investissements extérieurs.

72Une photo imposante accueille les porteurs de projet sur une page qui leur est dédiée et les invite à lancer leur activité au sein de la ville. La main tendue sur une des photos semble signifier : Guéret aidera ceux qui souhaitent soutenir la ville. En parallèle à ce projet de ville accueillante pour les investisseurs et entrepreneurs, le site internet met l’accent sur la revitalisation du centre-ville à travers les programmes Guéret 2040 et Action Cœur de Ville. Notons que les deux sites web ne comportent aucune mention explicite du déclin démographique. Cependant, comme nous avons pu le relever dans certains articles de journaux, ce déclin est, de façon implicite, intégré à d’autres thèmes. Par exemple dans le contexte de l’Action Cœur de Ville qui se donne pour mission de « conforter et d’amener de nouveaux habitants dans le centre-ville en favorisant la réhabilitation du bâti et le renouvellement urbain dans le centre ancien de Guéret ».

73Dans l’ensemble, Guéret est imaginée comme une ville qui, par sa relation avec la nature environnante, a su conserver son authenticité et offrir une qualité de vie qui n’existerait plus dans les métropoles. En même temps, les décideurs semblent soucieux d’attirer de nouveaux résidents et porteurs de projets ; créer l’image d’un « eldorado vert » semble être la principale stratégie des acteurs publics pour atteindre cet objectif, en promouvant l’idéal d’un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ainsi, bien qu’il semble que les décideurs à Guéret reconnaissent implicitement la décroissance urbaine, les acteurs publics visent ouvertement à construire un avenir économique plus prospère grâce à des concepts tels que le télétravail ou au projet de devenir la première région de France à cultiver du cannabis thérapeutique. La question que l’on peut se poser est donc de savoir si l’objectif du marketing territorial de Guéret ne trahit pas une volonté de renouer avec la croissance passée, ce qui impliquerait que la décroissance n’est acceptée que dans une certaine mesure selon la typologie de Farke (2005). Selon la distinction entre identité interprétative et identité constructive (Faye et Vignolles, 2016), Guéret essaie de mettre en avant ses attributs réels (et perçus) et de combiner identité héritée et identité projetée (dans l’élaboration de son discours identitaire) en s’appuyant sur l’offre d’un environnement de vie « sauvage » et de qualité.

74La mise en place de son image d’une « ville oxygène » confirme aussi les conclusions d’Alaux et al. (2015 : 75) d’après lesquelles une forte identité territoriale peut aider les acteurs locaux des petites villes à établir une marque Territoire qui les aide à se distinguer des autres lieux. Dans ce contexte, Mainet souligne :

« Malgré tout, les stratégies promotionnelles témoignent de dénominateurs communs, notamment le constant balancement entre références rurales et urbaines. La petite ville se compare systématiquement aux autres niveaux territoriaux, soit pour s’en rapprocher, soit pour s’en démarquer » (Mainet 2011 : 6).

75Dans le cas de Guéret, la démarcation est faite face aux concurrents urbains en se positionnant explicitement en termes de ruralité et de proximité.

Discussion conclusive

76Cet article a analysé comment les villes de Guéret, Nevers et Saint-Étienne sont représentées dans les médias, quelle image et identité elles véhiculent à travers leur communication en ligne, et comment les discours médiatique et institutionnels sont liés. Indépendamment de leur taille, les trois villes sont confrontées à des reportages négatifs dans les médias, le facteur « subjectif » des villes perdantes décrit par Rousseau. La presse nationale brosse un portrait bien plus négatif que la presse régionale et cette observation vient confirmer l’hypothèse selon laquelle ces lieux sont confrontés à une stigmatisation de la part des médias nationaux (Wacquant et al., 2014) tout en laissant entrevoir une contestation à l’échelle locale dans les trois cas étudiés.

77Les thèmes qui ont émergé de l’analyse des représentations médiatiques concernent principalement les effets de la décroissance (déclin démographique ; déclin économique ; redéveloppement économique ; problèmes d’image) et se recoupent largement, sans effet d’échelle. Toutefois, les sous-thèmes médiatiques varient de manière significative sur les causes de la décroissance. Par exemple, en termes de déclin économique, les représentations pour Nevers et Guéret portaient essentiellement sur le centre-ville et les fermetures de commerces, ou l’éloignement des métropoles, alors que pour Saint-Étienne, celles-ci portaient sur le déclin industriel.

78Quant à la construction de leur image à travers leurs propres sites web, l’analyse montre plusieurs éléments clés. Parmi les similarités, l’attraction de nouveaux investissements, entreprises et habitants, prend une place importante quelle que soit la taille de la ville, confirmant l’idée que les villes post-industrielles et les villes de petite et moyenne taille sont très investies dans l’amélioration de leur image. Toutefois, pour Saint-Étienne (et sans doute dû à sa plus grande taille) la concurrence avec d’autres villes est centrale. Sur le site dédié à l’attractivité de la métropole, un comparateur fait apparaître de manière très visible un langage rhétorique et visuel de compétition territoriale. Dans les cas de Guéret et Nevers, cette volonté de compétition est moins présente ; les villes se présentent comme agréables à vivre, vertes, à taille humaine. Cela correspond à une évolution du discours des petites villes pour se distinguer d’autres échelons territoriaux (Edouard, 2019), bien que la capitale forézienne évoque aussi l’environnement naturel de la métropole comme un atout. Pour les petites et moyennes villes en décroissance, on pourrait se demander si derrière des politiques d’attractivité ne se cache pas surtout une volonté de maintenir les habitants et entreprises existantes (Alaux et al., 2015).

79Bien qu’il soit difficile de qualifier la manière dont les représentations médiatiques contribuent à la construction du discours identitaire des villes sur leurs sites web, notre analyse suggère des recoupements entre les thèmes abordés, et ceci particulièrement quant à l’image des villes (tableau 2). Le déclin démographique et économique n’est pas mentionné de manière explicite sur les sites web, à l’exception notable de la ville de Saint-Étienne ; sur les sites de Guéret et Nevers, la décroissance est le plus souvent sous-entendue (une rhétorique de « revitalisation » pour Guéret et de « redynamisation » pour Nevers). Les élus stéphanois se sont en effet saisis du terme de déclin, mais ce n’est que pour mieux montrer la manière dont Saint-Étienne peut « rebondir », faisant le lien entre l’invention et l’innovation dont la ville a fait preuve par le passé et le design, partie essentielle de sa nouvelle identité urbaine. Cela correspond à un discours identitaire tel que défini par Lussault (1997), où un passé glorieux est invoqué pour donner du sens à des projets futurs. Sur le plan médiatique du moins, elle semble avoir réussi à transmettre cette image car cette identité transparaît dans les représentations de la ville dans les médias.

80Nous avons également mobilisé la typologie de perception de la décroissance présentée par Farke dans notre analyse, sur la base du discours identitaire développé sur les supports institutionnels des villes étudiées. Si Saint-Étienne a perdu le plus de population en terme absolu parmi les trois villes étudiées, la décroissance est observée mais seulement acceptée dans une certaine mesure (évoquant un déclin). Pour la majorité des élus et techniciens locaux, la rhétorique de la croissance reste un élément central dans la manière d’envisager le territoire, avec un site dédié à l’attractivité pour les nouveaux habitants et entreprises et une communication ouvertement entrepreneuriale. Nevers est un entre-deux, jouant sur le même registre de discours entrepreneurial que Saint-Étienne (mais sans doute avec un budget de communication moins significatif), tout en effleurant un début de stratégie fondée sur la qualité de vie a l’instar de Guéret (mais de manière moins systématique). La décroissance n’est pas acceptée à Nevers et peut même être considérée comme largement ignorée (Farke, 2005) : le terme de la décroissance est absent de la communication institutionnelle, alors que c’est la ville qui entre 2006 et 2016 a perdu le plus d’habitants parmi ces trois cas. La décroissance n’est pas explicitement mentionnée à Guéret non plus, même si la vision de l’avenir est davantage axée sur la qualité de la vie que sur le développement économique ; toutefois, les acteurs publics veulent quand même construire un avenir économique plus prospère grâce à l’image d’une « ville oxygène ».

81Selon la distinction entre identité interprétative et identité constructive (Faye et Vignolles, 2016), Saint-Étienne et Guéret tentent d’identifier leurs attributs réels (et perçus) et de combiner identité héritée et identité projetée (d’où le « re »23) dans l’élaboration de leur discours identitaire, en s’appuyant sur une tradition d’innovation industrielle pour le cas stéphanois et l’offre d’un environnement de vie sauvage et de qualité pour le cas guérétois. Dans le cas de Guéret, il semble que les acteurs locaux exploitent l’image négative de la ville et de l’ensemble du département et s’emploient à la transformer en avantage comparatif : son caractère rural fait de Guéret le lieu idéal pour ceux qui aspirent à une vie plus « oxygénée ». La perte d’habitants ne veut pas dire qu’une collectivité devrait se résigner ; mais là où le discours de Saint-Étienne et Guéret s’ancrent dans un régime constructif, le discours identitaire de Nevers se positionne davantage sur un régime interprétatif (Faye et Vignolles, 2016) avec une identité « clé en main » de ville volontariste qui en devient toutefois assez banale car les attributs spécifiques à la ville ne sont pas exploités. Boland (2008) a notamment évoqué le piège de recopier des politiques promotionnelles locales qui disparaissent dans des images et discours similaires, et précise que les images rattachées aux villes devraient être uniques et distinctives, alors que l’on assiste à une « uniformisation du mode de présentation des villes » (Lussault, 1997 : 525).

82Si nous avons considéré des communes et intercommunalités en décroissance, il serait également intéressant de mieux comprendre les politiques d’image à différentes échelles, du centre-ville au département (Houllier-Guibert, 2009) : il est révélateur à cet égard que les problématiques de Guéret soient qualifiés de creusoises.

83Matthey (2014) a évoqué l’idée que faire de l’urbanisme, c’est raconter une histoire, mais que cela ne devrait pas se cantonner à cela. Si l’on pense le marketing territorial comme une stratégie urbaine, il s’agit de comprendre les avantages que les histoires des villes peuvent avoir, mais aussi leurs limites. Les acteurs des villes en décroissance ont certes la capacité de façonner un discours et une image qui peuvent être relayés dans les médias, mais ces derniers peuvent choisir de ne présenter qu’une image négative de ces villes. Elles ont la possibilité de tenter d’utiliser les signatures du déclin ou d’autres atouts culturels ou naturels comme des forces pour l’attractivité, mais alors que les décideurs dépensent de plus en plus de ressources pour les mettre en avant comme des lieux pour vivre, travailler et investir, il est aussi important de reconnaître qu’il existe de nombreux facteurs qui dépendent de forces économiques et démographiques plus structurelles et sur lesquelles il est parfois difficile d’agir. Cela pourrait permettre de mieux cerner les domaines dans lesquels le marketing territorial peut être utile aux acteurs des villes en décroissance. Enfin, une analyse plus poussée pourrait se pencher sur le lien entre la représentation des villes en décroissance et l’identité territoriale de leurs habitants et la mesure selon laquelle les politiques de marketing territorial pourraient permettre, à défaut d’attirer de nouveaux habitants et entreprises, de maintenir les acteurs existants sur le territoire et de protéger la qualité de vie des habitants.

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Notes

1 Ce qui rend l’étude des villes en décroissance en France encore plus importante, car « plus de la moitié des habitants résident aujourd’hui dans des villes petites et moyennes, cette autre France urbaine, en dehors des métropoles. » (Taulelle, 2010 : 150)

2 Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union européenne dans le cadre de la convention de subvention Marie Skłodowska-Curie n° 813803.

3 « Saint-Étienne “capitale des taudis”, “la bouse ou la vie” à Guéret... Ces villes égratignées par les médias » (Bastide, 2017).

4 Selon Stuart Hall (1997), la représentation peut être comprise comme un ensemble de systèmes de langage et de codes faisant partie du processus de construction d’un sens commun dans chaque culture.

5 Les auteures tiennent à remercier les deux évaluateurs anonymes et Sylvain Lecire pour leurs précieux commentaires sur une version antérieure de ce texte.

6 Le chercheur souligne que le bouche à oreille est le plus difficile à mesurer des trois vecteurs, et il ne sera pas l’objet de cette étude.

7 Bien que Saint-Étienne Métropole n’ait été créée que le 1er janvier 2017, les chiffres de l’INSEE pour l’intercommunalité 2020 prennent en compte cette entité géographique pour les années précédentes à sa création.

8 Cependant, les auteurs de précédents travaux sur ces villes s’accordent sur le défi que représente une définition d’une ville petite et moyenne. Pour les petites, par exemple « L’INSEE lui-même […] retient souvent la limite de 3 000 habitants. Les géographes, quant à eux, retiennent plus fréquemment le seuil des 5 000 habitants. » (Mainet, 2011 : 4)

9 L’auteur explique que la production d’image à l’échelle européenne peut prendre en compte différentes limites selon le caractère patrimonial de l’image (centre-ville), économique et financier (unité urbaine), les formations supérieures (commune ou unité urbaine) ou encore les grandes zones de loisirs et de commerces (intercommunalité ou aire urbaine) (Houllier-Guibert, 2009)

10 Parmi lesquels L’Humanité, Libération, Le Monde, Le Figaro, et Les Echos.

11 Par exemple La Montagne, Le Journal Du Centre et les antennes France Bleu pour la presse locale, et La Croix, La Réforme, RTL, Le Monde Diplomatique, et BFM pour la presse nationale.

12 Certains ont été publiés sous un format audio ou vidéo et retranscrits sur le site du média d’origine. Dans de tels cas, nous avons cité des transcriptions.

13 « Une analyse inductive est menée par les données et comprend un processus de codage du data sans essayer de le faire rentrer dans un cadre préexistant, ou dans les préjugés du chercheur » (Braun et Clarke, 2006)

14 Une analyse de contenu qualitative est une approche empirique qui consiste à analyser de manière méthodologique et contrôlée des textes dans leur contexte (Mayring, 2000).

15 La ville met aussi en avant une approche de « Smart City », de ville connectée, dimension pourtant absente des discours médiatiques sur la ville (contrairement à ville créative et ville design), à l’aide d’un bloc web en première page du site de la ville. Cela est sans doute dû au fait que l’idée de « ville intelligente » est une idéologie territoriale (Houllier-Guibert, 2011) moins ancrée dans le temps que celles de ville créative et design dans la capitale forézienne.

16 Cependant, il est intéressant de noter qu’en tapant « décroissance » sur la barre de recherche de la Ville de Saint-Étienne, le site nous a demandé si nous ne cherchions pas plutôt le terme de « croissance ».

17 Dossier Complet, Commune de Nevers, INSEE 2020, en ligne.

18 « Nevers, c’est la qualité de vie d’une ville de province, son calme. Sans pollution, sans bouchons. Moins stressante, moins oppressante qu’une métropole où l’on s’entasse à 5 dans 60 mètres carrés car les logements sont chers. La beauté de son patrimoine, de son territoire. Sa proximité avec le fleuve royal. Sa riche activité culturelle. Ses loyers abordables. Ses nombreuses animations tout au long de l’année, pour peu qu’on s’y intéresse. […] » (Le Journal du Centre 04/12/2018)

19 Action Cœur de Ville est un programme lancé en 2017 par le Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Il fournit plus de 5 milliards d’euros de fonds pour répondre aux problématiques des villes moyennes : manque d’attractivité, logements vacants et dégradation du centre-ville. Voir : https://bit.ly/3oYUq0D, consulté le 17/06/2020.

20 Le site souligne les actions du Fonds d’Intervention pour les Services, l’Artisanat et le Commerce (FISAC) et le fait que Nevers fasse partie des dix villes et collectivités retenues à l’échelle nationale par la Caisse des Dépôts et Consignations afin de développer une attractivité nouvelle de leur centre-ville.

21 Voir par exemple : « À aucun moment ni le président de la République ni le gouvernement n’ont parlé d’une quelconque enveloppe pour la Creuse. » (Valérie Simonet, Présidente du Conseil départemental in Le Populaire du Centre, 18/12/2017)

22 Notons que ces formes d’imaginaire des zones rurales sont devenues plus fréquentes depuis le début de la crise sanitaire en 2020 (Heinrich Böll Stiftung, 2020 en ligne.

23 Plus largement, le préfixe « re » prend une place essentielle dans le vocabulaire des cas étudiés, que ce soit dans les médias ou sur leurs sites institutionnels ; mais cela s’applique plus à des termes économiques que démographiques.

Pour citer ce document

Victoria Pinoncely et Norma Schemschat, « Etre représentée et se présenter : comparaison de la couverture médiatique et des discours institutionnels des villes » dans © Revue Marketing Territorial, 6 / hiver 2021

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=580.

Quelques mots à propos de :  Victoria Pinoncely

Doctorante en géographie et aménagement à l’Ecole normale supérieure et membre du réseau européen RE-CITY, ses travaux de thèse portent sur le développement historique des villes en décroissance. Victoria Pinoncely s'intéresse plus particulièrement à l’étude de la "dépendance au sentier", qui met en lumière l'importance d'étudier les conditions présentes des villes à l’aune de leur évolution historique. Avant de rejoindre l’ENS, elle a exercé au Royaume-Uni en tant que responsable d’études et urbaniste.

Quelques mots à propos de :  Norma Schemschat

Doctorante en géographie et aménagement à l’Ecole normale supérieure de Paris et membre du réseau RE-City, Norma Schemschat s’intéresse aux pratiques d’inclusion et d’exclusion des groupes sociaux, aux discours stigmatisants auxquels des lieux et des individus sont confrontés, et aux implications sociales de la planification urbaine. Ses travaux de thèse portent sur le sentiment d’appartenance des réfugiés dans les villes en déclin en Allemagne, en France et aux États-Unis, et sur le rôle que peuvent jouer les villes en décroissance dans l’accueil des réfugiés.