0 / printemps 2018
le marketing territorial comme champ de recherche

Le numéro 0 de RMT regroupe un ensemble de textes commandés aux auteurs afin de circonscrire ce que recouvre le marketing territorial. Il n'y a pas d'évaluation en double-aveugle comme pour les autres numéros de la revue.

Les deux dernières rubriques sont entièrement rédigées par le rédacteur en chef sur ce numéro 0 car il s'agit de montrer les formats possibles pour les prochains numéros, ouverts à toute discipline et tout croisement disciplinaire.

De nombreuses disciplines pour étudier le marketing territorial

Charles-Edouard Houllier-Guibert


Texte intégral

1Ce numéro 0 de la revue Marketing Territorial est un regroupement de textes qui n’ont pas été évalués. L’idée a été d’inviter plusieurs auteurs, issus de plusieurs disciplines, à s’exprimer sur l’objet marketing territorial. Cette production montre, d’emblée, l’éventail de possibilités, d’angles d’étude, d’approches disciplinaires mais aussi de méthodes, pour appréhender le marketing territorial, expression encore insuffisamment définie par la communauté scientifique. La rubrique des articles longs accueille une pluralité de positionnement scientifique mais sa taille confinées à quatre places empêche certaines approches d’être présentes. Nous n’avons pas ici l’avis des chercheurs en science politique (Christian Le Bart, Max Rousseau…) ou celle des marketeurs qui se sont intéressés à la dimension consommatoire de l’identité territoriale (Eric Rémy, Christine Delfosse…). Le prochain congrès de l’AFM (association française de marketing) qui se tient au Havre en mai 2019, interroge la question du territoire. Ce sera peut-être l’occasion de publier des articles dans la revue Marketing Territorial. Pour l’heure, les quatre textes commandés sont issus des SIC, du marketing public, du management public et de la géographie :

  • Dans le cadre de la rédaction récente et en cours de deux HDR, Corinne Rochette et Charles-Edouard Houllier-Guibert s’intéressent à la dimension épistémologique du marketing territorial. C’est un travail inédit à propos d’une expression souvent malmenée par les chercheurs et bien peu théorisée. Les auteurs constatent la prédominance de l’approche constructiviste en soulignant que le positivisme est peu compatible avec ce que recouvre ce champ d’étude. Les méthodes de travail sont essentiellement qualitatives mais l’invitation aux travaux quantitatifs pourraient rendre plus solides ce champ encore mal considéré car se limitant trop souvent aux études de cas et de surcroît uniques.

  • Camille Chamard situe distinctement le marketing territorial dans le champ du management public afin de discuter le caractère contradictoire des deux termes qui composent cette expression. Ce chercheur en gestion invite à mieux circonscrire le rôle du marketing territorial qu’il installe comme un mode d’accompagnement à la transformation des actions publiques locales et plus largement à la mutation du territoire. Ainsi, son propos fait écho au récent article qu’il vient d’écrire dans le revue GMP et dans lequel il élabore l’outil CEATT (Chamard et Schlenker, 2017).

  • Jean-Baptiste Le Corf se focalise sur les effets de l’évolution des TIC sur la communication territoriale qui devient, par certaines voies, marketing. Il observe un pan déjà étudié depuis plus d’une décennie qu’est la démocratie participative, renforcé par les outils du numérique afin de fabriquer le territoire. Il s’agit là de faire marketing en ce que la production de l’espace se base sur les attentes de la population. L’ancrage de l’auteur dans les sciences de l’information et de la communication permet d’identifier une série de textes déjà existants à propos d’une discipline qui s’intéresse à la communication publique, à la prise en compte de l’habitant en tant que citoyen ou usager du territoire (mais pas trop consommateur, ce qui est davantage dévolue aux sciences de gestion) et à la gouvernance ou encore l’intelligence territoriales. Ce texte cerne la place des SIC pour étudier le marketing territorial, via différentes voies proposées en fin d’article.

  • Le propos de Bernard Pecqueur se concentre sur ce qui génère le développement local, objectif central du marketing des territoires. Les jeux d’acteurs tiennent une grande place dans son texte, à travers les coalitions de croissance, amenant à qualifier ce qu’il entend par territoire. Cette approche confirme bien le tournant actoriel (Séchet et al. 2008) dans lequel sont inscrits aujourd’hui les géographes. Notons qu’à aucun moment, B. Pecqueur n’utilise l’expression « marketing territorial » ce qui confirme bien le rejet des géographes, déjà identifié par ailleurs (Houllier-Guibert 2011), à propos de ce terme. Pour autant, il s’agit bien de traiter de cluster, d’économie des proximités, de ressource territoriale, d’ancrage territorial, autant de concepts aujourd’hui mobilisés pour étudier le marketing et qui contribuent, en plus de l’étude de l’image si souvent étudiée par les géographes, au diagnostic territorial pensé sur le plan stratégique afin de construire une offre.

2Nous invitons d’autres géographes à s’intéresser à cet objet et plus largement, nous invitons tous ceux qui ont envie de rédiger un article portant, de près ou de loin, sur le marketing territorial, à faire une proposition ; sans s’efforcer d’appartenir exclusivement à une catégorie disciplinaire, laquelle contraint souvent à rédiger dans des supports sélectionnés, afin d’étoffer le CV et répondre aux pratiques normatives mises en place suite aux classements des revues.

3Etre une revue classée est une bonne chose, mais construire des hiérarchies dans les classements crée par définition des castes. Le label du classement n’est-il pas suffisant, sans pour autant déployer les actuels rangs chiffrés ou lettrées dont on peut interroger la pertinence et l’évolution ? Pour son lancement, la revue Marketing Territorial n’est pas classée et doit attendre trois années de publication pour postuler à OpenEditions.org. Pour que cette revue puisse prétendre au label du classement, nous sollicitons aussi les chercheurs à rédiger sous un second format, en plus des articles académiques.

4En effet, à côté des articles longs spécifiquement commandés pour ce numéro, le format court des rubriques Synthèses et Image et Territoire, rassemble des textes conçus exceptionnellement par un seul auteur qui est le rédacteur en chef de ce numéro. L’idée est de montrer aux lecteurs mais aussi aux futurs contributeurs, l’éventail des possibilités de ces deux rubriques. Bien souvent, lors de la création d’une nouvelle revue, les intentions appellent à des formats originaux qui ne trouveront pas d’écho dans la production scientifique qui s’ensuit. Ainsi, nous montrons, à travers les quatre textes de ce numéro 0, ce que recouvre l’idée de compte-rendu d’événement, celle de compte-rendu d’ouvrage (proche de ce qui se fait ailleurs, mais c’est un format insuffisamment présent autour du développement local, de la stratégie, de l’aménagement, de la géographie économique, du marketing spatialisé…), celle du texte libre qui est l’occasion de donner son point de vue à partir d’une focale spécifique (ici l’utilisation de l’expression marque Territoire au regard des marques territoriales). Enfin, la rubrique Image et Territoire fait un lien strictement géographique avec le symposium de Corfou car en réalité, l’étude du belvédère est réalisée à une date antérieure à la tenue de l’événement scientifique de 2018 sur le place management.

5Pour ce numéro 0, les deux fois quatre textes ont été produits dans les circonstances d’une création de revue qui vise à mobiliser plusieurs disciplines, des auteurs qui ne se connaissent pas mais qui couvrent un large spectre de ce que peut être le marketing territorial. Tout n’est pas dans ce numéro de lancement, d’autres auteurs pourront, dans les prochains numéros, proposer un cadre définitionnel, une approche critique ou bien constructive du marketing territorial. Il est temps, à travers les prochains numéros, de ne plus se satisfaire d’études de cas (qui restent les bienvenues) mais de penser autrement le marketing territorial, en tant qu’appui au développement local qu’il soit social ou économique, en tant que processus critiquable qui dénonce les enjeux de domination ou bien en tant que transformation des pratiques ou des modes de pensées tant des décideurs, des modes de consommation que des formes de productions de l’espace ou de l’identité.

Bibliographie

Chamard C. et Schlenker L., 2017, « La place du marketing territorial dans le processus de transformation territoriale », Gestion et management public, vol.6 / 1,(3), 41-57

Houllier-Guibert C.E., 2011, « La fabrication de l’image officielle de la ville : gouvernance, idéologies, coopération territoriale et rayonnement », Cahiers de géographie du Québec, vol.54, n°154, avril, 7-35

Séchet R., Garat I. et Zeneidi D. (dir.), 2008, Espaces en transactions, Presses universitaires de Rennes (coll. Géographie sociale) 359 p.

Pour citer ce document

Charles-Edouard Houllier-Guibert, « De nombreuses disciplines pour étudier le marketing territorial » dans © Revue Marketing Territorial, 0 / printemps 2018

Le numéro 0 de RMT regroupe un ensemble de textes commandés aux auteurs afin de circonscrire ce que recouvre le marketing territorial. Il n'y a pas d'évaluation en double-aveugle comme pour les autres numéros de la revue.

Les deux dernières rubriques sont entièrement rédigées par le rédacteur en chef sur ce numéro 0 car il s'agit de montrer les formats possibles pour les prochains numéros, ouverts à toute discipline et tout croisement disciplinaire.

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=254.

Quelques mots à propos de :  Charles-Edouard Houllier-Guibert

Maître de conférences en Stratégie et Territoire