Sommaire
1 / été 2018
numéro varia
- Éditorial
- Charles-Edouard Houllier-Guibert Une diversité de toutes sortes
- Articles
- Charles-Edouard Houllier-Guibert, Graziella Luisi, Therese Albertini et Delphine Bereni La mobilisation des ambassadeurs dans le management d’une marque territoire (MT) : approche exhaustive
- Benoit Faye Identification, logiques et efficacité des identités projetées par les villes intermédiaires françaises
- Adraa Ismaili Capital de marque territoriale et décision de localisation des entreprises. Cas de la province de Kénitra (Maroc)
- Cerise Thorel Pratiques consommatoires à l’échelle de la rue. Etude ethnographique de la rue Cauchoise à Rouen
- Synthèses
- José Ignacio Vila Vázquez Résumé de thèse : Les flagship projects et leur impact territorial dans les villes européennes. Analyse comparative de quatre cas à Paris, Santiago de Compostela, Porto et Oslo.
- Clément Marinos Résumé de thèse : réseaux locaux d’entreprises et développement territorial en ville moyenne, le cas de la Bretagne Sud.
- Eliane Kuvasney, Carolina Moretti-Fonseca, Nataliia Moroz, Damien Petermann et Marcos Vinicius Torres Retour sur les activités du projet junior IMAGO - Image(s) de la ville
Pratiques consommatoires à l’échelle de la rue. Etude ethnographique de la rue Cauchoise à Rouen
Cerise Thorel
Ce travail de recherche a pour objectif de mettre en lumière les pratiques de consommation à l’échelle de la rue. Pour ce faire, une méthodologie ethnographique a été mise en oeuvre et a permis le recueil d’un corpus composé de données discursives, d’observation et photographiques. Les résultats obtenus montrent la prévalence des concepts de proximité et d’attachement au lieu commercial dans les pratiques de consommation mais également une analogie entre le lieu commercial et la rue commerçante.
This research work aims to highlight consumption practices at the street level. To do this, an ethnographic methodology was implemented and allowed the collection of a corpus composed of discursive, observation and photographic data. The results obtained show the prevalence of the concepts of proximity and attachment to the commercial place in consumer practices but also an analogy between the commercial place and the shopping street.
1Ce travail s’inscrit dans un courant de recherche revendiquant une perspective socioculturelle et interprétativiste, la Consumer Culture Theory. Il vise à appréhender les comportements de consommation à travers une démarche compréhensive et contextualisée qui repose sur une approche inductive. L’objectif est de favoriser l’émergence de thèmes inhérents à une rue commerçante du centre-ville rouennais, la rue Cauchoise. Afin de comprendre les phénomènes de consommation d’une rue de centre-ville et d’accéder à la richesse du terrain, nous avons adopté une démarche de type ethnographique, telle que définie par Mariampolski (2006) à la fois en tant qu’orientation méthodologique de recueil des données basée sur « le contact direct et l’observation du consommateur dans un contexte naturel d’acquisition et usage d’un produit » (p.6) et en tant que « principal outil analytique pour classer et expliquer les dynamiques de consommation » (p.6). Il s’agit ici de mobiliser une méthodologie immersive afin d’appréhender sa rigueur et sa variété de données dans la compréhension des pratiques de consommation. Ainsi, cette recherche s’intéresse aux pratiques consommatoires au sein de la rue et tente de mettre en lumière les processus sous-jacents à la consommation de proximité. Comment le rapport des parties prenantes à la rue influence-t-il les pratiques consommatoires de proximité ? Cet article s’articule autour d’une première partie définissant la méthodologie appliquée, d’une deuxième partie exposant les résultats et d’une troisième partie les discutant à la lumière de la littérature en sciences de gestion.
1. Méthodologie de recherche
1.1. Une recherche ancrée en CCT en tant qu’approche inductiviste
2La CCT s’appuie sur « les aspects socioculturels, expérientiels, symboliques et idéologiques de la consommation » (Arnould et Thompson, 2005, p.868), constituant « un champ interdisciplinaire comprenant les approches et les perspectives macro, interprétative et critique du, et sur, le comportement du consommateur » (Belk et Sherry, 2007, p.13). Outre la prise en considération des pratiques de consommation dans un contexte socioculturel plus large, ce mouvement de recherche questionne l’agentivité du consommateur et l’atténuation de la frontière entre consommateur et producteur, acheteur et vendeur, client et marchand, à travers une prise de pouvoir grandissante de l’individu dans l’appropriation, la conception et le partage de ce que le marché propose. Arnould et Thompson (2005) identifient quatre programmes de recherche dans le courant de la CCT :
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Les projets identitaires du consommateur qui s’intéressent aux processus de co-construction et co-production du sens de soi par le consommateur influencé par le marché (Belk 1988 ; McCracken 1986 cité par Arnould et Thompson 2005). Les consommateurs sont conçus comme des producteurs de projets identitaires qu’ils portent grâce aux ressources symboliques offertes par les cultures de consommation.
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Les sous-cultures de marché qui visent à étudier la façon dont les consommateurs, conçus comme des acteurs sociaux, peuvent produire leurs propres mondes culturels empreints de solidarité et de culture communautaire.
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L’étude socio-historique de la consommation qui incite à étudier le comportement du consommateur en intégrant l’influence des interactions entre structures institutionnelles et sociales, systèmes de croyances, pratiques, et expériences.
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Les stratégies interprétatives des consommateurs qui s’intéressent aux stratégies et actions mises en place face aux prescriptions idéologiques dominantes.
3Ces quatre programmes ne doivent pas être considérés comme exclusifs mais comme interreliés voire concomitants. Cet article s’inscrit dans les deux premiers programmes, en reposant sur une démarche qualitative réalisée dans un environnement naturel visant à la compréhension en profondeur d’un phénomène et du sens que les acteurs en donnent (Paillé et Mucchielli, 2010). La perspective inductive de cette recherche analyse et interprète des données brutes recueillies sur le terrain qu’est la rue, afin d’en « faire émerger des thèmes fréquents, dominants ou signifiants inhérents aux données brutes sans la contrainte imposée par les méthodologies structurées » (Thomas, 2006, p.238). Cette perspective permet de répondre aux enjeux réels de notre terrain en laissant les acteurs définir ces enjeux.
1.2. Le terrain : Le choix de la rue Cauchoise
Illustration. Le bas de la rue Cauchoise débouche sur la place du Vieux Marché
4« Selon le code civil français, la rue appartient au domaine public. Elle ne peut donc faire l’objet d’aucun droit de propriété et est déclarée « res communis », chose commune.
Si la rue appartient au domaine public, peut-on cependant parler d’un espace public ? Toujours selon l’angle juridique, l'espace public fait référence à l’ensemble des espaces de passages et de rassemblement. Certains auteurs opèrent une distinction entre l’espace et le lieu (Tuan, 1977 ; Sherry, 1998 ; Visconti et al., 2010) et mettent en opposition la notion d’espace faisant référence à quelque chose d’anonyme et la notion de lieu évoquant le sens particulier d’un site. Low et Altman définissent le lieu comme « un espace auquel une signification a été donnée à travers des processus individuels, collectifs ou culturels » (Low et Altman, 1992, p.5 cité par Debenedetti, 2005). Il a par la suite été défini par Augé (1992) comme « identitaire, relationnel et historique » (p.100) en opposition à « un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu » (Augé, 1992, p. 100) ».
Source : Thorel, 8 mai 2018
5La rue Cauchoise, située en cœur de ville de Rouen, s’est imposée comme terrain de recherche pour ses caractéristiques managériales fortes. Elle relie la place du Vieux Marché, place hautement touristique où se trouvent le bûcher de Jeanne d’Arc, de nombreux restaurants et un marché couvert, et les boulevards formant une sorte de ceinture englobant le centre-ville. Elle est entièrement piétonne mais est coupée en deux par une rue traversante, la rue de Fontenelle, ouverte à la circulation. C’est historiquement la rue comptant le plus de commerces et de sociétés de services indépendants de la ville (près de 60), tous indépendants. On n’y trouve cinq coiffeurs, trois boulangeries, quatre épiceries et de nombreux restaurants cependant, elle souffre d’un turnover important.
1.3. Constitution du corpus : une démarche ethnographique
6L’ethnographie est une méthode de collecte de données de différentes natures (Oliver de Sardan, 2008). Il s’agit de collecter des observations, des entretiens, des documents tels que des photographies, vidéos... afin de recueillir des données variées sur le terrain investigué et d’en obtenir une description dense et détaillée. Dans le cadre de la recherche en marketing, Arnould et Wallendorf (1994) proposent l’expression d’« ethnographie orientée marché centrée sur le comportement d’individus constituant un marché pour un produit ou un service ». (p.484), qui distingue quatre caractéristiques principales :
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La collecte de données dans leur cadre naturel
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La participation expérientielle longue de la part du chercheur, notamment à travers l’observation participante
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Les interprétations du chercheur crédibles aux yeux des acteurs
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Le recours à des sources de données multiples
7Cette démarche ethnographique se révèle à travers une immersion sur le terrain et un corpus varié composé d’observations participantes et non participantes (Arnould et Wallendorf, 1994), d’entretiens ethnographiques (Beaud et Weber, 2010) et de prises de notes visuelles (Dion, 2007) in situ. Chacun des entretiens a été, une fois retranscrit, soumis à l’enquêté afin d’obtenir ses retours et remarques et d’en assurer la fiabilité.
1.3.1. Investir le terrain : approche par observation
8Les observations représentent les données principales en ethnographie (Olivier de Sardan, 2008). Selon Beaud et Weber (2010), « l’observation ethnographique repose sur l’enchainement de ces trois savoir-faire fortement imbriqués : percevoir, mémoriser, noter ». Elles peuvent être de différentes natures, participantes ou non participantes. Selon Arnould et Wallendorf (1994), l’implication du chercheur est une des caractéristiques principales de l’ethnographie de marché. « Le chercheur se frotte en chair et en os à la réalité qu’il entend étudier. Il peut ainsi l’observer, sinon « de l’intérieur » au sens strict, du moins au plus près de ceux qui la vivent, et en interaction permanente avec eux » (Olivier de Sardan, 2007, p.3). Dans le cas de l’observation non participante, il s’agit d’observer des comportements in situ, dans leur milieu naturel, sans prendre part au déroulement des événements (Lapassade, 1991). Nous avons eu recours à l’observation non participante, en nous rendant très régulièrement rue Cauchoise, et dans une moindre mesure à l’observation participante, notamment au travers de moments passés en terrasse d’un bar de la rue accompagnée ou non d’enquêtés et lors de soirées organisées chez un de nos interrogés. Dans les deux cas, nous prenions des notes détaillées. Ce travail d’observation a été complété par une prise de notes visuelle (Dion, 2007), enrichissante pour la collecte d’information à la fois par sa dimension authentique et par son caractère « éternel ». En effet, contrairement à la mémoire du chercheur, la photographie permet une image figée dans le temps d’un évènement ou objet et offre ainsi la possibilité au chercheur de la consulter autant que nécessaire. Ces photographies ont été prises au cours des séances d’observation ainsi que lors de passages spécifiques dans la rue Cauchoise.
1.3.2. Echanger avec le terrain : approche par entretiens
9L’ensemble de cette collecte s’est accompagnée d’entretiens avec quatre habitants, trois commerçants et une passante de la rue Cauchoise, chacun pendant une heure trente en moyenne, entre décembre 2016 et juin 2017. Nous avons eu recours aux entretiens ethnographiques définis par Beaud et Weber comme des entretiens qui « ne sont pas isolés, ni automatisés de la situation d’enquête. Les interrogés sont resitués dans leurs milieux d’interconnaissance. [...] Ils prennent place et sens dans un contexte dont vous ne négligerez pas la dimension historique et locale. [...] Ils s’appuient sur des observations préalables et, en retour, guident les observations à venir ». Enfin, « c’est une interaction personnelle où chacun s’engage fortement et c’est aussi une interaction solennelle avec une minimum de mise en scène, de cérémonial » (p.155, 2010). L’objectif n’était pas de s’attacher à une certaine représentativité mais bien une singularité des propos et de faire de chaque entretien un évènement particulier qui se joue autour d’une relation personnelle entre l’enquêteur et l’enquêté (Beaud et Weber, 2010). Toutefois, pour s’assurer d’une rigueur méthodologique, nous avons suivi un protocole strict de conduite des entretiens en trois parties.
10Avant l’entretien, la prise de contact avec l’enquêté. L’échantillon a été constitué par connaissance et par effet boule de neige. Certains des interviewés nous ont été présenté par l’intermédiaire d’une connaissance commune puis ils nous ont eux-mêmes présentés d’autres interviewés. Nous avons procédé à une prise de rendez-vous par message, laissant ainsi aux interviewés toute latitude quant au choix de l’heure et de l’endroit afin de favoriser leur confiance et leur implication. Cependant, en les informant que nous travaillons sur la rue Cauchoise, nous orientions d’une certaine façon le choix du lieu. Ainsi, tous les entretiens se sont déroulés au domicile des habitants, dans les boutiques des commerçants ou en terrasse d’un bar de la rue pour l’interviewé habitué, où l’entretien peut même devenir une situation d’observation (Beaud et Weber, 2010).
11Pendant l’entretien, après nous être présenté à travers le sujet de recherche, nous demandons à l’interviewé s’il accepte l’enregistrement à l’aide d’un magnétophone, condition essentielle à l’entretien ethnographique, en nous engageant à respecter l’anonymat. Après son accord, nous lui proposons de se présenter et d’introduire son rapport à la rue Cauchoise. Nous n’utilisons pas de guide d’entretien afin d’éviter tout enfermement dans le sujet.
12Après l’entretien, l’interviewé est remercié et nous rédigeons les premières impressions concernant le déroulement de l’entretien, le lieu, l’atmosphère... Puis vient le travail de transcription, que nous envoyons à l’interviewé afin de recueillir ses éventuels commentaires ou échanger avec lui.
13S’agissant ici d’une étude exploratoire, nous n’avons pas cherché à atteindre la saturation théorique (Kaufmann, 2011) mais à ouvrir les pistes de recherche qui pourraient être approfondies par la suite.
14Une analyse thématique manuelle du corpus l’a transformé « en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé » (Paillé et Mucchielli, 2010, p.164), permettant de « procéder systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l’examen discursif des thèmes abordés dans un corpus, qu’il s’agisse d’un verbatim d’entretien, d’un document organisationnel ou de notes d’observation » (Paillé et Mucchielli, 2010, p.162). Elle s’est faite selon cinq étapes :
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Première écoute des entretiens puis transcription
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Prise de connaissance du corpus et appropriation des données
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Codification des données, menée une première fois pour chaque entretien puis une seconde à la lumière de la globalité des données discursives
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Catégorisation des codes afin d’amener l’analyse à un niveau de compréhension en regroupant les codes
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Mise en relation des catégories grâce à l’identification des divers liens existants entre les catégories et les dimensions et propriétés de ces relations (durée, intensité...)
2. Résultats : des pratiques consommatoires variées
2.1. Des pratiques de proximité
15Consommer dans sa rue peut répondre à plusieurs préoccupations. Certains choisissent d’y consommer par facilité afin de limiter les déplacements ou le temps dédié aux achats. D’autres consomment près de chez eux dans un souci de valorisation des commerces qui les entourent, de faire vivre économiquement la rue ou bien de renforcer des liens déjà établis. Dans les deux cas, le choix du lieu de consommation se fait dans un but stratégique et pragmatique.
Figure 1. Codage thématique de l’influence de la proximité sur le comportement de consommation des répondants
2.1.1. Des pratiques pragmatiques
16Les personnes interrogées confient consommer dans leur rue avant tout par souci « pratique » et le terme revient à de très nombreuses reprises. Il semble que la praticicité soit un atout majeur dans leur choix de lieu de consommation, elle peut répondre à deux critères : la facilité et la sérénité. Si la facilité est un des critères essentiels de sélection d’un lieu commercial, elle recouvre la fois des facettes de distance, de variété de l’offre et d’amplitude horaire.
« Par exemple ce midi j’avais envie de manger assez rapidement, j’avais juste à sortir, en 10 min j’avais fait mes courses et je pouvais rentrer chez moi donc c’était… c’est génial quoi. Comme je suis déjà allée chez Maxime le coiffeur, mais c’est pareil c’est parce que c’est juste à côté, et que finalement je prends rendez-vous, en 5 min j’y suis et en 5 min je suis rentrée et j’ai pas perdu de temps à aller chercher un coiffeur à l’autre bout de Rouen ». Juliette 23 ans
17La distance prime sur le prix et Solène 24 ans reconnait aller « au Marché U alors que je devrais aller à Lidl mais on y trouve tout ici et finalement ce n’est pas si cher que ça ». Les interrogés voient en la fermeture tardive des commerces de la rue un avantage certain et considèrent cela comme un atout pratique lié à la rue.
« L’avantage de la rue c’est que t’as toujours un truc d’ouvert. Moi je finis à 20h donc pour faire des courses c’est un peu compliqué mais c’est toujours ouvert jusqu’à minimum 21h voire un peu plus donc c’est l’avantage ». Gaetan 28 ans
18L’assurance de la disponibilité des produits ou services est également importante, les interrogés sont satisfaits de la large gamme de produits ou de services qui s’offre à eux, notamment à travers des épiceries bien fournies ou une multitude de restaurants.
« Les gens viennent de loin pour aller chez Momo (NDLA une épicerie). Parce qu’ils savent qu’il y a du choix ». Roland 44 ans
2.1.2. Une démarche relationnelle
19Si la facilité semble être un enjeu majeur dans le processus de sélection des lieux de consommation, son implication sociale l’est également. Les consommateurs choisissent aussi les commerces selon une démarche engagée dans un but d’entraide et de valorisation de la rue ou bien selon des affinités.
« Faudrait que j’y aille de temps en temps histoire de les faire vivre un peu ». Roland 44 ans
« Si j’ai un truc à acheter et si je peux l’acheter rue Cauchoise, ça va être rue Cauchoise. Déjà rien que quand il fallait faire bosser une agence de com, j’ai commencé par aller voir le Perroquet Bleu, j’ai vu que c’était sérieux, je n’en ai pas fait d’autres. Je me suis dit allez je bosse avec eux, on est sur la même rue, on a tout intérêt. Et puis après il fallait faire l’adhésif, Franck me dit c’est pas la peine de courir plus loin il y a Xprime je suis allée chez Xprime. Tant qu’à faire, autant faire bosser les gens de la rue ». Fabienne 60 ans
« C’est une rue à part, il y a un soutien mutuel ». Solène 24 ans
20Les échanges sont au cœur des pratiques tant commerciales que de voisinage, avec une recherche de contact. Qu’il soit recherché ou non, le lien social entre tous les acteurs de la rue semble établi et se manifeste sous différentes formes, que ce soit un échange de regards entendus, un « bonjour poli », ou la naissance d’une réelle amitié.
« Tout le monde se sourit, tout le monde se dit bonjour ». Juliette 23 ans
« Les gens discutent assez facilement dans la rue, entre eux ». Gaetan 28 ans
21Juliette 23 ans, souligne le fait qu’elle a créé des relations avec la gérante d’une boutique de prêt-à-porter de la rue qu’elle apprécie particulièrement :
« La personne qui gère le magasin est super sympa, à chaque fois elle conseille bien, on a parlé plein de fois, ses filles sont dans mon ancien lycée je crois donc c’est aussi un petit peu du relationnel ».
2.2. Des pratiques villageoises
22Les interrogés comparent la rue Cauchoise à un petit village dans la ville pour décrire un microcosme où les gens se rencontrent, se connaissent, échangent et où la diversité a toute sa place. Les relations entre les différents acteurs semblent être au cœur de la notion de vitalité et signifier le dynamisme de la rue. Que l’on se connaisse de vue ou que l’on se connaisse bien, le sentiment de savoir avec qui l’on vit peut être rassurant pour certains.
« On se connait tous, c’est un mini village la rue Cauchoise ». Solène 24 ans
« Tout le monde se connait, c’est vivant ». Pauline 34 ans
« Oui c’est pour ça que c’est village, c’est les mêmes têtes. Ça a un côté rassurant ». Gaetan 28 ans
23Cela peut s’avérer plaisant mais peut également avoir des effets perçus négativement :
« Puis il y a les bars, les terrasses, quand on passe il y a toujours une tête qu’on connait, c’est vachement bien ». Pauline 34 ans
« Bon après tout se sait, un peu ambiance gossip, on va dire que c’est le mauvais côté ». Solène 24 ans
24Ce réseau de connaissances renforce les liens entre consommateurs et commerçants et créé des échanges qui vont au-delà de l’aspect marchand, dans lesquels les consommateurs ne sont plus seulement clients mais participent également à la gestion des commerces.
« Le soir il y a toujours des clients pour aider les serveuses à ranger les chaises, et avec un peu de chance on a le droit à un petit shooter. Non mais il y a un vrai échange en fait ». Solène 24 ans
25La mixité sociale au sein de la rue est également abordée, elle se retrouve à la fois chez les personnes fréquentant la rue mais également dans l’offre commerciale multiple et variée.
« Il y a des vieux, il y a des jeunes, des bébés, des moins jeunes, des étudiants, (…) des gens handicapés, des gens qui marchent avec des cannes, et puis il y a des petits bouts de bonhommes, c’est vraiment très très mélangé ». Fabienne 60 ans
« Il y a des squatters, des dealers, de tout ». Pauline 34 ans
26Les interrogés mettent l’accent sur l’étendue de l’offre commerciale que propose la rue Cauchoise tant en termes de commerces que de services. La mixité sociale au sein de la rue trouve écho dans les commerces qui l’occupent et des profils différents peuvent se satisfaire de l’offre commerciale.
« C’est vraiment une rue quartier où on trouve tout ce qu’on veut aussi bien pour le loisir que pour l’alimentaire ». Roland 44 ans
« Il y a tout ici qui se mélange, un disquaire rock, un disquaire rap, un disquaire métal, il y en a pour tout le monde ». Solène 24 ans
27Cependant, les interrogés mettent l’accent sur un point essentiel. Selon eux, pour qu’un commerce réussisse dans la rue, il doit correspondre à un certain schéma à la fois en termes de prix et de manière de se comporter.
« Il y a de la place pour tout tant que c’est populaire. Ce sont des codes à maitriser, enfin surtout une essence, (…), il faut comprendre le truc. Si t’arrives en décalé… ». Solène 24 ans
« Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée, je parle des commerces de bouche et restaurants, il y en a tellement en centre qu’il faut vraiment que ce soit abordable ». Pauline 34 ans
2.3. Des pratiques de familiarité
28La familiarité, définie comme un « haut degré de simplicité, d’intimité, dans les relations sociales ou dans les rapports particuliers qui unissent des personnes non apparentées1 » (CNRTL, 2017) est également une forme de pratique que l’on retrouve sur le terrain de la rue Cauchoise.
Figure 2. Codage thématique de l’influence de la familiarité sur le comportement de consommation des répondants
La rue évoque une sorte de prolongement du foyer pour les interrogés qui n’hésitent pas à en parler comme de leur domicile. Néanmoins, ils ont conscience que la rue est également le « chez soi » d’autres personnes l’ayant autant investi, ce qui en limite l’appropriation. Ce sentiment du « chez soi » est relatif car si l’on s’y sent comme dans son propre foyer, c’est également le « chez les autres ».
« C’est des familles au Sacre, ce sont des clans tout le monde se connait c’est les mêmes, les mêmes piliers de bar et du coup t’as pas envie de rentrer dans ce truc-là, c’est leur vie ». Pauline 34 ans
29Une certaine forme de routine peut apparaitre au sein de la rue et implique une baisse d’attention et d’intérêt pour l’environnement. La courte distance qui sépare les habitants des commerces amenuise l’aspect « exceptionnel » de certaines sorties. Ainsi, si elle est un vrai atout pour les commerces d’alimentation, elle peut devenir un frein dans le choix d’un lieu de restauration par exemple.
« C’est dommage d’habiter dans cette rue là pour ça, parce que c’est bizarre d’aller au resto en bas de chez soi ». Juliette 23 ans
30De même, si les interrogés se plaisent dans leur rue, ils ressentent également le besoin d’en sortir occasionnellement, comme de leur foyer. Ils sont à la recherche d’une certaine évasion du quotidien, notamment pour les activités de loisirs.
« Je pense que t’as toujours besoin de sortir, tu passerais toute ta vie dans la rue à force ça doit être lassant. Ça fait du bien aussi de sortir un petit peu, d’aller voir d’autres quartiers, d’autres rues ». Gaetan 28 ans
« Je n’ai jamais franchi les boutiques parce que c’est pas que je ne m’y intéresse pas mais ça fait tellement partie du quotidien que t’as envie d’aller un petit peu plus loin quand même, sortir de ça ». Pauline 34 ans
31La question de la pudeur est aussi soulevée et il semble que si le fait de connaitre tout le monde permet de se sentir à l’aise et chez soi, cela créé également un certain besoin d’intimité. Ainsi, certaines activités ne peuvent se faire qu’en dehors de la rue :
« Il y a un truc que je ne ferai jamais dans cette rue c’est mon footing, jamais. Je connais trop de monde et je ne sais pas courir donc par pudeur… ». Solène 24 ans
« J’ai un coiffeur qui a très bonne réputation juste en face de chez moi et tout le monde me dit que c’est super mais en fait, le fait que ce soit très près, c’est comme si j’allais chez mon voisin, et après il m’a coupé les cheveux bon bah salut… Je ne sais pas, j’ai besoin d’une sorte d’intimité sur les choses comme ça ». Pauline 34 ans
3. Discussion : retour sur la littérature et mise en perspective
32La mise en place d’une approche ethnographique de la rue Cauchoise permet l’émergence de thématiques et de catégories permettant d’apporter des éléments de compréhension de pratiques consommatoires à l’échelle de la rue. L’analyse des résultats met en évidence une pratique de proximité, une pratique villageoise et une pratique de familiarité, chacune reposant sur les concepts de proximité et d’attachement. Cette discussion confronte ces pratiques observées à la littérature en sciences de gestion, avec la typologie de proximité de Gahinet (2004) puis la théorie de l’attachement au lieu commercial développée par Debenedetti (2007) afin de mettre en lumière des points de contacts entre les processus de proximité et d’attachement qu’ils soient liés au lieu de vente ou à la rue commerçante.
3.1. La proximité
33La notion de proximité, large et multiple, recouvre bien des réalités et s’accompagne de plusieurs définitions (géographiques, sociologiques ou encore marketing). Cependant, si le commerce de proximité (Badot et Lemoine, 2010 ; Labbé-Pinlon et al., 2016) ou la consommation locale (Catherine Hérault-Fournier et al., 2012 ; Merle et Piotrowski, 2012) ont été étudiés en sciences de gestion, notamment dans le contexte du commerce alimentaire, la consommation de proximité reste à ce jour peu investiguée. La consommation de proximité, non pas dans une démarche purement commerciale mais bien dans une double dimension marchande et non marchande, peut ici être considérée comme une pratique d’absorption qui peut être visuelle, relationnelle, auditive, temporelle... Gahinet (2014) propose une synthèse pluridisciplinaire de la proximité et met en évidence deux dimensions : matérielle c’est-à-dire une proximité spatiale, géographique ou de contact selon les disciplines ; et immatérielle c’est-à-dire une proximité relationnelle, sociale, organisée, affective selon les disciplines. Puis Gahinet s’appuie sur la typologie des commerces alimentaires de Bergadaà et Del Bucchia (2009) comprenant la proximité d’accès, la proximité fonctionnelle, la proximité relationnelle, la proximité identitaire et la proximité de processus afin de proposer une adaptation comprenant quatre types de proximité : la proximité physique, la proximité fonctionnelle, la proximité relationnelle et la proximité identitaire.
Figure 3. Les dimensions de la proximité appliquées au commerce alimentaire (Gahinet 2014)
La proximité physique fait référence à la distance entre le consommateur et le lieu de consommation et repose sur l’accessibilité. Il ne s’agit pas uniquement d’un nombre de mètres ou de kilomètres qui peuvent être relativisés par la topographie d’un terrain (quelques kilomètres d’un chemin de montagne sont plus laborieux à parcourir que cette même distance sur une surface plane) mais également des infrastructures à disposition permettant de rejoindre la destination. Des commerces desservis par des transports en commun peuvent être perçus comme plus proches que d’autres situés à une distance moindre mais plus difficilement accessibles. De même, le recours à ces infrastructures dépend des capacités financières des consommateurs qui pourront ou non accéder au service et donc au point de destination (Torre, 2009). De plus, la proximité d’accès ne fait pas nécessairement référence au lieu d’habitation mais, comme le soulignent Dion et Michaud-Trevinal (2004), elle peut également être définie à partir d’un lieu de travail ou de loisir. En effet, il est essentiel de prendre en compte les distances mais aussi les temporalités des consommateurs qui, plus que jamais, courent après le temps et rentabilisent chacun de leur déplacement (Marzloff, 2004). Le temps est aujourd’hui considéré comme une denrée rare et les individus doivent faire face à des choix et réduire leurs activités chronophages (Bergadaà, 1988) tout en optimisant les activités qu’ils choisissent de conserver, ce que renforce l’importance de la proximité physique dans les pratiques consommatoires.
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La proximité fonctionnelle repose également sur la notion d’efficacité et de temps passé à la tâche. Afin d’être le plus efficient possible, le consommateur recherche un commerce offrant un large assortiment de produits ou de services pour limiter les points de vente mais prend aussi en compte le temps d’attente aux caisses, les facilités de stationnement...
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Pour ce qui est de la proximité relationnelle, il ne s’agit pas ici de traiter le marketing relationnel à partir de stratégies mises en place par une entreprise pour établir une relation avec les clients, salariés ou fournisseurs (Christopher et al., 2013). Gahinet (2014) évoque cette proximité de la relation marchande en l’étendant à l’ensemble des acteurs gravitant autour de l’espace commercial afin de traiter de la relation entre les commerçants et leurs pairs, les passants... Cette proximité relationnelle peut prendre plusieurs formes et créer une atmosphère propice à l’émergence d’une dynamique entrainant des affinités et des comportements de soutien et d’entraide. Elle peut générer un ou plusieurs réseaux de cohésion favorisant les échanges, les liens de confiance et donc la coopération des acteurs.
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La proximité identitaire vue par Gahinet (2014) représente non plus le lien avec les individus mais implique une dimension affective reposant sur une identification du consommateur aux valeurs de la marque ou de l’enseigne. Elle peut également être qualifiée de sécurisante et a toute sa place dans le rapport qu’entretiennent les acteurs à leur rue. En effet, les consommateurs n’hésitent pas à parler de leur attachement à la rue et du sentiment de sécurité qui en découle.
34A l’échelle de la rue, ces quatre proximités (Bergadaà et Del Bucchia 2010 cités par Gahinet 2014) offrent une meilleure compréhension des processus en jeu dans le choix des lieux de consommation. Elles peuvent s’appliquer aux relations de proximité qu’entretiennent les commerçants, habitants, clients et passants avec une rue, les dimensions matérielles et immatérielles se nourrissant l’une de l’autre. Elles ne se limitent donc pas à la relation entre le consommateur et le distributeur. Afin d’appréhender au mieux ces relations, il convient alors de considérer la rue comme un actant (Lévy et Lussault, 2000) et de l’envisager comme une réalité sociale dotée d’une capacité d’action. La rue Cauchoise, en tant qu’actant, opère des actes, manifeste des compétences et des capacités et influe sur les comportements de consommation de ses usagers. Si elle est un actant non humain, elle n’en est pas moins un construit sociétal, définit et élaboré par ses habitants, commerçants ou encore visiteurs qui n’hésitent pas à lui conférer un certain caractère (Lussault, 2016). Elle peut ainsi passer du statut d’objet au statut de sujet : on créé des relations avec la rue, elle évoque des sentiments, elle diffuse une atmosphère.
35Si un habitant, un commerçant ou un habitué d’une rue peut ressentir une proximité physique avec celle-ci, la relation peut également reposer sur une proximité fonctionnelle selon laquelle la rue serait pourvoyeuse des services nécessaires à l’usager. La rue peut également être terrain d’une proximité relationnelle où les parties prenantes échangent et créent des liens entre elles. Enfin, la rue peut évoquer une proximité identitaire et ses habitants, commerçants et usagers se définir en partie selon elle.
3.2. L’attachement au lieu commercial
36Cette proximité identitaire fait écho aux travaux de Debenedetti (2007) sur l’attachement au lieu commercial, en tant qu’espace géré par une organisation et dédié à la consommation. L’attachement au lieu commercial correspond à « un affectif positif et identitaire de long terme entre un consommateur et un lieu de consommation spécifique. D’intensité variable, l’attachement au lieu de consommation se manifeste en particulier lorsque le lieu de consommation est soudainement modifié » (Debenedetti, 2007, p.10). Que ce lien soit de nature physique (lié à un aménagement, un environnement...) ou symbolique (lié à des relations, des activités, des souvenirs...), Debenedetti détermine cinq variables constitutives de cet attachement :
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L’authenticité perçue du lieu fait référence à la vérité du lieu, son aspect véritable (Beverland et Farrelly, 2010). Elle sous-tend également une forme d’unicité, d’exception, qui rend le lieu attractif (Cova et Cova, 2002) et irremplaçable (Grayson et Martinec, 2004). Ce travail de recherche met en évidence le besoin d’authenticité au sein de la rue, ce lieu chargé de mixité et différent des autres rues, ce lieu unique qui ne ressemble à aucun autre.
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Le confort psychologique perçu peut se définir par le sentiment de bien-être lié à un lieu, le fait de s’y sentir à l’aise, « chez soi ». Les parties prenantes de la rue Cauchoise font référence à la façon de se sentir chez eux dans la rue comme si celle-ci était une extension de leur domicile au sein de laquelle ils sont en confiance.
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La capacité du lieu, en tant qu’actant, à faire revivre les événements du passé souligne la nécessité d’évoquer certains souvenirs positifs pour entrainer de l’attachement. Il s’agit de faire revivre aux consommateurs des évènements du passé sans pour autant générer de la nostalgie. Nos résultats mettent en évidence la force des souvenirs associés à la rue et leur influence sur l’attachement des passants, commerçants et habitants.
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Le sentiment de protection évoque, dans la continuité des deux variables précédentes, l’absence de sentiment négatif ressenti à l’égard du lieu et l’aspect tranquillisant que celui-ci procure. La variable englobe différents aspects de protection (physique, financière…).
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La familiarité perçue fait référence à la connaissance du lieu par le consommateur. Cette variable est particulièrement prégnante dans nos résultats et se formalisent à travers le réseau de connaissances développé au sein de la rue.
37La mise en parallèle des variables d’attachement à un lieu commercial (Debenedetti, 2007) et nos résultats mettent en évidence la similarité des liens d’attachement au lieu commercial et à la rue. Ce constat amène à nous interroger sur le statut de la rue commerçante. La rue ne serait pas simplement une artère commerciale, mais bien un lieu commercial auquel les consommateurs s’attachent et dans lequel ils consomment de la proximité. Ceci conduit à réfléchir à la rue comme support de communication (affichage, enseignes, vitrines) qui peut aussi être envisagée de manière plus approfondie, en tant que marque avec des valeurs, une promesse, une stratégie mise en place par les pouvoirs publics ou par des associations de commerçants ou bien une entreprise privée dans certains cas. Alors que les concepts de city branding ou marques territoires sont déjà développés autour de grandes métropoles (OnlyLyon, I Love NY, I Amsterdam), le branding à l’échelle de la rue est à ce jour très peu développé. Les résultats de cette étude mettent en évidence l’attachement et le lien fort établi entre la rue et ses différents acteurs et permet d’envisager une stratégie orientée autour de l’authenticité de la rue Cauchoise et de ses commerces.
Conclusion
38La rue influence les comportements d’achats de ses usagers - habitants, commerçants, clients - et se révèle un terrain des mêmes préoccupations de proximité et d’attachement que le lieu commercial. Ainsi, les besoins de proximité matérielle et immatérielle, d’authenticité perçue, de confort psychologique, de protection ou encore de familiarité perçue applicables au choix d’un lieu commercial se retrouvent également dans la relation établie avec la rue commerçante par les différents usagers. Ce constat amène à nous interroger sur le futur des concepts de proximité et d’attachement. En effet, dans un contexte de mutation des pratiques où les consommateurs semblent tendre vers la dématérialisation et un commerce où disparaissent les frontières entre les points de vente physiques et numériques, comment maintenir les liens d’attachement et de proximité avec le lieu commercial ?
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Cerise Thorel, « Pratiques consommatoires à l’échelle de la rue. Etude ethnographique de la rue Cauchoise à Rouen » dans © Revue Marketing Territorial, 1 / été 2018
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=237.
Quelques mots à propos de : Cerise Thorel
Doctorante à l’université de Rouen
Cerise Thorel est doctorante en Sciences de Gestion au sein du laboratoire NIMEC de l’Université de Rouen Normandie. Ses recherches portent sur les pratiques de consommation de centre-ville et les méthodologies ethnographiques.