Résumé de thèse : réseaux locaux d’entreprises et développement territorial en ville moyenne, le cas de la Bretagne Sud.

Clément Marinos


Texte intégral

1Titre de la thèse : « Le développement des entreprises et des territoires en ville moyenne analysé au prisme des réseaux. Le cas de la Bretagne Sud »

2Cette thèse en géographie - aménagement est issue d’une réflexion des agences de développement économique des trois villes moyennes de Bretagne Sud, Quimper, Lorient et Vannes, situées en périphérie de l’Union européenne. Les décideurs locaux, élus comme techniciens, s’interrogeaient sur la capacité de leur territoire à s’intégrer à l’économie de la connaissance et à soutenir leurs entreprises dans la production d’innovations. Plus largement, c’est un modèle de développement des villes moyennes qui est interrogé. Traduction urbaine de la mondialisation, la métropolisation semble, de prime abord, délaisser certains espaces qui n’auraient ni la taille critique, ni la centralité géographique nécessaires pour prendre part à l’économie mondialisée. Les effets d’agglomération seraient moins élevés, impliquant ainsi une plus faible productivité (Combes et Lafourcade, 2012). Périphériques et de taille modeste, ces territoires seraient donc contraints de rester en marge du processus de métropolisation à l’œuvre dans les espaces métropolisés. Ces derniers bénéficieraient quant à eux de réseaux économiques plus denses et plus efficaces, leur permettant d’offrir des ressources utiles, voire indispensables, aux entreprises performantes et innovantes.

3Cette thèse s’inscrit en faux contre l’idée que l’implantation en métropole conditionne le succès économique d’une entreprise. En Bretagne Sud comme dans d’autres territoires non métropolitains, on recense de nombreuses entreprises innovantes, à la pointe dans leur secteur d’activité et qui rayonnent bien au-delà des frontières régionales. Ce constat interroge. Ces entreprises performantes évoluent-elles hors sol ou entretiennent-elles des liens avec les acteurs locaux ? Sont-elles encastrées socialement dans des réseaux de relations ? Dans quelle mesure les ressources auxquelles elles ont accès localement contribuent-elles à leur réussite ?

4Certains auteurs (Dyer et Singh, 1998 ; Prévot et al., 2010) indiquent qu’une partie de ces ressources seraient issues des réseaux de relations sociales. A travers la mobilisation des pairs, ces réseaux constitueraient des supports pour la circulation de courants d’affaires et apporteraient des informations stratégiques comme l’aide à la décision, l’accompagnement à l’innovation, le carnet d’adresses et l’ouverture géographique. Ces réseaux seraient un moyen de réduire l’incertitude et les coûts de transaction inhérents à la recherche d’information (Williamson, 1991). En complément du marché, la coopération peut être entendue comme une pourvoyeuse de ressources pour les entreprises (Huault, 1998). Plus généralement, la littérature met en évidence le rôle de l’encastrement social dans l’économie et plus précisément dans la réussite entrepreneuriale (Krauss, 2009 ; Granovetter, 2006). Nous nous intéressons aux réseaux d’entreprises dans ce contexte spécifique de ville moyenne afin de comprendre et de préciser leur rôle vis-à-vis des dirigeants et plus largement vis-à-vis des autres acteurs du territoire.

5Trois hypothèses sont venues structurer la thèse :

  • Hypothèse 1 : les réseaux des villes moyennes offrent aux entreprises les conditions et les ressources nécessaires à leur développement, y compris lorsque ces entreprises sont innovantes et mondialisées.

  • Hypothèse 2 : les réseaux d’entreprises dans les villes moyennes participent à la croissance des entreprises innovantes et performantes et, par effet d’entraînement, au développement des territoires.

  • Hypothèse 3 : les institutions locales (collectivités et opérateurs) des villes moyennes ont intérêt à renforcer leur rôle et à structurer leur action de mise en relation des acteurs économiques.

6Cette recherche a notamment été construite comme un instrument d’aide à la décision à l’attention des pouvoirs publics locaux, partenaires du projet. En ce sens, elle s’inscrit comme une thèse appliquée, avec des attentes concrètes telles que l’intérêt ou non de poursuivre la construction d’un territoire Bretagne Sud en cherchant à consolider les liens entre acteurs. Il s’agit aussi de proposer une réflexion en termes de politiques publiques vis-à-vis des réseaux d’entreprises locaux.

Guide de lecture

7La première partie (chapitres 1 à 4) de la thèse pose les jalons nécessaires à la bonne compréhension de la démarche. Elle revient sur le cadre général des travaux (contexte, problématique et enjeux de recherche) avant de s’intéresser plus spécifiquement aux villes moyennes et à leur place dans la métropolisation. Elle restitue en outre les attentes des partenaires et précise les motivations ayant conduit à s’intéresser de manière inédite à cet espace, sans existence institutionnelle, qu’est la Bretagne Sud : état des lieux et comparaison avec les métropoles régionales, intérêt à concrétiser un partenariat à cette échelle de territoire, objectivation des liens existants entre Quimper, Lorient et Vannes. Cette première partie propose aussi une réflexion plus générale sur la notion de ville moyenne, strate urbaine considérée comme complexe, délicate à analyser (Carrier et Demazière, 2012) et perçue comme un objet réel non identifié (Brunet, 1997). Les travaux mettent évidence leur diversité et les ambivalences liées à l’utilisation des critères démographiques comme seuls critères de performance. Nous retenons de cette première partie deux éléments principaux : d’une part la difficulté à définir un socle théorique stable pour les villes moyennes et d’autre part les interrogations, voire les craintes, que suscite la métropolisation pour les acteurs économiques de ces territoires.

8Dans la deuxième partie (chapitres 5 et 6), le point de vue des chefs d’entreprise est privilégié pour appréhender leurs rapports avec le territoire d’implantation. Les motifs qui incitent les dirigeants à interagir avec leur environnement immédiat ou plus lointain sont ainsi proposés : besoin d’ancrage, expression d’un sentiment d’appartenance, satisfaction d’interagir avec des acteurs de proximité. Surtout, nous soulignons le rôle des réseaux lorsqu’il s’agit de passer d’une situation d’isolement, considéré comme un facteur d’échec (Krauss, ibid), à une situation d’encastrement, facteur de réussite. La notion de force des liens est mobilisée pour comprendre comment ils peuvent influer sur le développement des entreprises mais aussi de leur territoire d’implantation. A ce titre, l’étude des réseaux structurés de type clubs d’entreprises permet d’appréhender leur contribution au processus d’innovation par la circulation d’informations tacites. L’étude des parcours de dirigeants montre que les réseaux interviennent, bien davantage que le marché, à des étapes clés du processus entrepreneurial (accès à des ressources comme les locaux d’activité, la clientèle et les fournisseurs, les partenaires de recherche...). Par ailleurs, qu’ils soient structurés ou non, ces réseaux donnent la possibilité aux membres de compenser le déficit d’accessibilité géographique des territoires étudiés.

9La troisième et dernière partie (chapitres 7 à 9) de la thèse est dédiée à l’action publique vis-à-vis des réseaux. Suivant une perspective comparative avec notre terrain de recherche principal, nous nous appuyons d’abord sur l’étude de la région d’Halifax au Canada1 pour montrer qu’un territoire, via son agence de développement économique, est en mesure de s’approprier, en collaboration avec les entreprises, la coopération entre acteurs comme levier de développement (Marinos, 2016). L’institution agit ainsi en renforçant leur connectivité par des mises en relation. Ce type de programme public illustre un renouvellement des pratiques en termes d’action publique au sens où il est généralement assuré par les acteurs privés et qu’il s’éloigne des leviers traditionnels (subventions, investissements). Il témoigne en outre des capacités des décideurs à concevoir des modes d’action basés sur les réseaux sociaux comme par exemple le programme Connectors consistant à faire se rencontrer des dirigeants chevronnés et des jeunes entrepreneurs. Ce terrain canadien est jugé particulièrement intéressant à analyser dans la mesure où il propose certaines caractéristiques communes avec la Bretagne (périphéricité, tissu économique, démographie). Cette dernière partie propose par ailleurs trois principales recommandations à l’attention des décideurs locaux de Bretagne Sud. Il s’agirait, dans un premier temps, de renforcer leur connaissance des réseaux locaux et des interdépendances entre entreprises et entre territoire. Ces réseaux apparaissent mal dans les « radars territoriaux » malgré leur contribution effective au développement des entreprises de leurs membres. Dans un deuxième temps, nous préconisons la conception de stratégies avec et pour ces réseaux, en insistant sur l’intérêt de mettre en place des formes de gouvernance les intégrant davantage. Enfin, le positionnement de la Bretagne Sud comme territoire de villes moyennes est envisagé dans la mesure où une coopération plus intégrée entre les territoires la composant permettrait de faire valoir leur place dans la métropolisation. A ce titre, le marketing territorial, dans son actuel renouvellement, peut être une piste à suivre, tant dans une vocation de notoriété que par sa capacité à rassembler les parties prenantes autour d’un projet commun. Cette dernière thématique a d’ailleurs fait l’objet d’un projet de recherche spécifique en prolongement des travaux de thèse2.

Cadre théorique

10Le travail de recherche a nécessité de faire appel à des champs disciplinaires variés mais dont les notions s’entrecroisent : sociologie économique, économie territoriale, sciences de gestion. L’analyse du terrain, les villes moyennes, a conduit à s’intéresser aux différentes strates urbaines et aux notions de métropole et de métropolisation (Pumain, 1997). La thèse a aussi exigé de convoquer les théories du développement territorial. L’étude des relations interentreprises a en outre amené à convoquer les théories de la proximité (Rallet, 1999) pour comprendre l’émergence des interactions et le cheminement parcouru par les chefs d’entreprise lorsqu’ils sortent de l’isolement. Les notions de coûts de transaction et d’encastrement social (Grossetti, 2000 ; Ferrary, 2010) ont été mobilisés pour dégager les raisons qui amènent les dirigeants à intégrer des réseaux. Par exemple, l’accès à moindre coût à des connaissances techniques ou le recrutement facilité de personnels, notamment lorsque leurs compétences sont rares. Les comportements des chefs d’entreprise ont été interprétés au regard des sciences de gestion en mobilisant notamment la théorie de la dépendance à la ressource (Penrose, 1995). Il s’agit de l’idée selon laquelle l’entreprise cherche à réduire son incertitude en identifiant sa dépendance aux différents groupes sociaux par les ressources qu’ils lui fournissent.

Figure 1 : Diagramme logique d’impacts des réseaux d’entreprises

Image 10000201000005A5000003C02B78F76A.pngSource : thèse de Clément Marinos

11Un autre point central qui a été approfondi est bien entendu la notion même de réseau. Partant du constat que les sciences régionales se concentrent sur l’étude des clusters ou les systèmes productifs locaux, nous nous sommes davantage intéressés aux relations individuelles que nouent les entrepreneurs entre eux dans un cadre non sectoriel. Le réseau a également trait à l’action publique lorsqu’il concerne les liens institutionnels entre collectivités. Les flux physiques et informationnels circulant d’un territoire à l’autre peuvent en outre concourir à l’émergence de nouveaux territoires.

Méthodologie

12En s’appuyant sur une enquête de terrain, la thèse a privilégié le point de vue des entreprises et des dirigeants en tant que parties prenantes du développement des territoires. Une enquête auprès de 25 chefs d’entreprise a été menée afin de recueillir le matériau principal, leur société étant, pour la plupart, reconnues comme des leaders dans leur secteur d’activité. L’échantillon a été construit à partir des critères d’appartenance au secteur productif (le commerce de détail a par exemple été exclu de l’échantillon dans la mesure où il appartient à la sphère résidentielle), de rythme de croissance soutenu et d’innovation. Suivant un guide d’entretien, les axes de questionnement concernaient d’une part l’historique de l’entreprise et les étapes clés de son développement et d’autre part les relations des dirigeants avec leur territoire et ses acteurs. Les entrepreneurs ont précisément été interrogés sur leur degré d’insertion dans les réseaux économiques à différentes échelles géographiques et sur l’utilité qu’ils en retiraient, tant du point de vue personnel que vis-à-vis de leur entreprise, les deux ayant tendance à se confondre.

13Cet exercice a permis de constituer un corpus d’environ 300 pages de verbatim, exploitées par la méthode d’analyse thématique qui permet de « procéder systématiquement au repérage, au regroupement, et, subsidiairement, à l’examen discursif des thèmes abordés dans le corpus » (Paillé et Mucchielli, 2008). En complément de l’enquête auprès des dirigeants d’entreprise, une vingtaine d’entretiens ont été conduits auprès des acteurs institutionnels du territoire (élus, consulaires, universités, centres de recherche, agences de développement...) afin de faciliter l’immersion dans notre terrain de recherche et de s’approprier ses enjeux et spécificités.

Résultats

Principaux résultats empiriques

14Nos investigations ont permis d’avancer l’idée que l’efficacité des réseaux ne semble pas être une particularité métropolitaine. Les dirigeants sud-bretons s’insèrent dans de nombreux espaces de relations et en admettent l’utilité pour leur entreprise. Autrement dit, les villes moyennes offrent les conditions d’insertion dans des réseaux économiques locaux et non-locaux. De surcroît, les dirigeants d’entreprises innovantes peuvent compter sur ces réseaux pour mener à bien leur projet de développement. Le sentiment d’appartenance élevé et les proximités constatés dans les villes moyennes étudiées renforcent ainsi le rôle de ces réseaux pour leurs membres. A ce titre, ils doivent aussi être considérés comme des vecteurs de solidarité à l’échelle locale. Le territoire d’étude présente ainsi de multiples réseaux structurés (70 ont été recensés), qu’ils soient sectoriels (de type clusters) ou transversaux (clubs d’entreprises), complétés par des relations interpersonnelles très denses. Cette offre répond globalement à la demande des entrepreneurs rencontrés.

15Les villes moyennes de Bretagne Sud seraient donc en capacité de proposer les ressources nécessaires à ce type d’entreprises, notamment grâce aux réseaux qui s’y déploient. Les entreprises interrogées n’envisagent pas de quitter leur territoire d’implantation au profit d’un territoire métropolitain, censé être plus attractif. Qui plus est, elles tirent profit de leur localisation, malgré certains handicaps, en s’insérant dans des réseaux locaux et régionaux. En ce sens, elles ne dépendent qu’à la marge d’écosystèmes métropolitains, exception faite de Paris qui continue de concentrer une part importante de l’activité économique du Pays.

16Les réseaux de dirigeants de Bretagne Sud, qu’il s’agisse de relations interpersonnelles ou d’organisations disposant d’un statut juridique, facilitent la circulation d’information tant à l’intérieur du territoire qu’en interface avec d’autres. Ces ressources informationnelles sont ensuite transformées en actifs spécifiques (Kogut et Zander, 1992) contribuant, comme inputs, au processus de production. En outre, ces réseaux renforcent l’ancrage local en mobilisant les logiques d’appartenance et la solidarité entre pairs. Certains réseaux ouvrent des possibilités d’implication dans la vie locale. La mise au jour de cette forme d’empowerment (Le Bossé, 2003) constitue l’un des enseignements de nos travaux : l’engagement, allant souvent de pair avec la participation à ces réseaux, est susceptible d’avoir un impact sur le processus de conception des politiques publiques locales. Certains d’entre eux sont même intégrés aux dispositifs de gouvernance locale. En d’autres termes, la collectivité leur confie un rôle d’animation économique locale et ils participent aux instances stratégiques au côté des élus du territoire. Du fait de leur taille relativement modeste, les villes petites et moyennes seraient à ce titre des espaces privilégiés pour le dialogue entre milieux économiques et politiques. Cette proximité, si elle ne constitue pas un avantage absolu pour ces territoires, pourrait toutefois être considérée comme un atout au sens où elle permet une plus grande fluidité de circulation d’information entre milieux traditionnellement cloisonnés.

17Bien que certains dirigeants puissent se percevoir isolés de leur milieu naturel car évoluant seuls dans leur secteur sur le territoire, cet isolement est davantage la conséquence d’un défaut d’accessibilité physique et de choix d’aménagement (liaisons aériennes onéreuses, temps de trajets longs) que celle d’une absence de connectivité sociale. Les témoignages recueillis montrent que les réseaux sociaux compensent cet isolement en offrant aux entrepreneurs la perspective de nouer des liens forts et faibles (Granovetter, 2000) avec l’extérieur.

18La littérature consacrée aux réseaux d’entreprises et à leur utilité nous a semblé adaptée au contexte spécifique de ville moyenne périphérique. A ce titre, de nombreuses similitudes entre les résultats d’études réalisées dans d’autres territoires, y compris métropolitains, et nos propres résultats ont pu être mises au jour. Il s’agit notamment :

  • de la capacité des réseaux à contribuer au processus d’innovation

  • de l’aide à recherche de ressources spécifiques

  • du rôle d’intermédiation

19La plus grande efficacité supposée des réseaux d’entreprises dans les espaces denses et peuplés reste donc, selon nous, une question en suspens.

20Un autre enseignement de nos travaux concerne l’opportunité d’une meilleure prise en compte, par l’action publique locale, du fonctionnement en réseau des entreprises. En faisant le constat que ces réseaux contribuent au développement des entreprises, notre recherche a été l’occasion d’explorer les différentes facettes du soutien au processus entrepreneurial. Les collectivités locales et leurs opérateurs pourraient, à ce titre, davantage considérer les acteurs intermédiaires (Tremblay et al, 2012) qui participent à la mise en réseau en les intégrant plus explicitement dans leur politique. En ce sens, l’étude du cas d’Halifax (chapitre 7) a permis de présenter des leviers de développement originaux, mobilisables par les acteurs locaux des villes de taille intermédiaire. Dans ce territoire, l’opérateur public en charge du développement économique organise, à l’échelle locale, la mise en réseaux d’acteurs à travers différents programmes et actions. Il mobilise par exemple directement des chefs d’entreprises chevronnés pour jouer le rôle de connecteurs avec des jeunes entrepreneurs ne disposant pas du capital social essentiel à la mise en œuvre de leur projet. Ce type de pratique mériterait d’être davantage activé en ville petite et moyenne, en complément des échelons supérieurs (départementaux et régionaux).

21En outre, compte-tenu de la richesse des informations circulant à travers les réseaux sociaux (structurés ou non), il conviendrait d’approfondir la connaissance de leur fonctionnement, voire de se doter des moyens d’observer et d’évaluer leur contribution au développement local. Dans cette perspective, nos travaux montrent que ce potentiel pourrait être bien mieux intégré à l’action économique locale.

Principaux résultats théoriques

22Du point de vue théorique, notre recherche entendait notamment contribuer à montrer les limites d’un modèle soutenant prioritairement les métropoles, l’un de leurs avantages comparatifs étant lié à la densité de leurs réseaux sociaux, offrant de meilleures perspectives en matière d’innovation et de compétitivité à leurs entreprises. Nos travaux ont permis de nuancer ces propos. Les villes moyennes et leurs réseaux apportent ainsi les conditions d’émergence d’un capital social local, un encastrement social élevé pour les chefs d’entreprise et une facilité à activer des proximités géographiques et organisationnelles. La strate urbaine ne semble pas être un critère pertinent pour juger de l’efficacité des réseaux sociaux de dirigeants. Comme dans les territoires métropolitains, les externalités de réseaux positives sont observables en ville petite et moyenne. De surcroît, ils pourraient même être plus avantageux d’être implanté dans ce type de territoire pour profiter des proximités géographiques et organisationnelles.

23Par ailleurs, nous avons pu souligner l’importance de l’apport des réseaux transversaux (de type clubs d’entreprises) dans les dynamiques économiques locales. Si les systèmes productifs locaux et les clusters font depuis plusieurs années l’objet de recherches dont les résultats sont aujourd’hui intégrés à l’action publique (on pense notamment ici aux pôles de compétitivité), les réseaux transversaux sont relégués au second plan dans la littérature en sciences régionales. Pourtant, nous affirmons que ces derniers contribuent à la constitution d’un capital social qui participe au développement économique. La modeste taille de leur tissu économique suppose que les villes moyennes n’ont souvent pas l’envergure requise pour abriter des écosystèmes économiques complets. En conséquence, leurs entreprises doivent, par nécessité, nouer des liens avec l’extérieur pour se développer. C’est donc aussi en termes de connectivité que les réseaux peuvent être utiles au territoire. On recense à l’échelle locale de multiples réseaux transversaux mobilisés par les dirigeants, y compris lorsque leur entreprise n’est pas directement dépendante du tissu local. En somme, la mise en évidence du rôle des clubs d’entreprises, autrement dit les réseaux hors clusters, constitue l’un des apports de notre recherche.

24Signalons enfin qu’en prolongement de ces travaux, une réflexion est en cours sur l’intérêt, pour les collectivités concernées, de structurer le territoire « Bretagne Sud », notamment avec la mise en place d’une démarche de type marketing territorial. Le 1er Forum Bretagne Sud en novembre 2016 a réuni, pour la première fois, les principaux élus locaux (maires et présidents d’agglomération) avec la perspective de définir un projet commun pour ce territoire, en y impliquant fortement les dirigeants économiques.

Bibliographie

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Notes

1 Ces résultats issus d’un séjour doctoral réalisé en 2013 à l’université Dalhousie à Halifax, Canada.

2 Le Projet Identité et Société, axe Territoire, porté par l’université Bretagne Sud, s’intéresse à la définition du territoire de Bretagne Sud (limites, critères géophysiques, pratiques culturelles...) et analyse les représentations qui lui sont associées.

Pour citer ce document

Clément Marinos, « Résumé de thèse : réseaux locaux d’entreprises et développement territorial en ville moyenne, le cas de la Bretagne Sud. » dans © Revue Marketing Territorial, 1 / été 2018

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=118.

Quelques mots à propos de :  Clément Marinos

Docteur en aménagement de l’espace

Maître de conférences en économie

IUT de Vannes - Université de Bretagne Sud

Economiste de formation et après une première expérience de consultant et chargé de mission en évaluation de politiques publiques, Clément Marinos est docteur aménagement de l'espace, maître de conférences en économie à l'Université  Bretagne Sud et membre du laboratoire LEGO (EA 2652). Ses travaux portent principalement sur les entreprises et leurs réseaux et sur leur lien avec les territoires. Il a notamment mené une recherche sur la solidarité et l’empowerment par les clubs de dirigeants. Depuis 2015, il contribue au projet de recherche INTIMIDE qui s'intéresse aux tiers-lieux et à l’innovation dans les villes petites et moyennes et au projet REGCROWD sur les plateformes régionales de financement participatif. Plus largement, ses travaux cherchent à mettre en évidence les effets du numérique sur les territoires et sur les nouveaux modes d'organisation du travail (télétravail, co-working, "travacances"...).