Sommaire
Les Temps épiques
Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée
sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Jean-Pierre Martin (professeur émérite de langue et littérature du Moyen Âge à l’Université d’Artois)
Le volume constitue les actes du septième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Ursula Baumgardt (INaLCO/Llacan), Romuald Fonkoua (Paris-Sorbonne), Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Jean-Pierre Martin (Université d’Artois/Textes et Cultures), qui s’est tenu à Paris les 22, 23 et 24 septembre 2016 à l’INaLCO et à la Sorbonne. Il propose une exploration de la question de la temporalité dans l’épopée, question qui reste paradoxalement peu étudiée de façon systématique, en vingt-sept études couvrant un très vaste empan géographique et historique (de l’Afrique à l’Inde, de l’Antiquité aux séries contemporaines), précédées d’une introduction par les coordinateurs.
- Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin Dédicace
- Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin Introduction
- Poétique de la pérennité : temps épique et anthropologie de la durée
- Emmanuelle Poulain-Gautret Maître(sse) du temps ? La temporalité dans Florence de Rome
- Maïmouna Kane Raoul de Cambrai ou le refus de la temporalité du divin
- Pascale Mougeolle Construire l’instant : poétique de la répétition dans l’épopée occidentale
- Bochra Charnay La temporalité dans la Geste hilalienne : ruptures et intrusions
- Amadou Oury Diallo La configuration du temps dans les épopées du Foûta-Djalon
- Amadou Sow Repères temporels, instance de narration et typologie des épopées peules (Samba Guéladio Diégui, Guélel et Goumallo, Boûbou Ardo Galo et L’Épopée du Foûta Djalon, la chute du Gâbou)
- Manuel Esposito Une tentative d’abolition du Temps : la narration en tant que défi lancé à la mort dans le Roland furieux de L’Arioste
- Dimitri Garncarzyk Des bardes pressés, ou de l’urgence d’écrire au xviiie siècle des « épopées d’actualité »
- Isabelle-Rachel Casta Le temps gelé : une épopée du Néant (The Leftovers, Les Revenants) ?
- Claudine Nédelec Les épopées travesties, « appropriées à l’histoire du temps » (France, xviie siècle)
- Éthique du temps épique
- Ursula Baumgardt Structures narratives et représentations du temps dans l’épopée peule du Mâssina (Mali)
- Abdoulaye Keïta « La bataille de Makka » ou quand le présent sert la théâtralisation du futur
- Claudine Le Blanc Temps épique, temps dramatique : la délibération dans l’épopée indienne (Mahâbhârata, VIII)
- Patricia Rochwert-Zuili La temporalité dans la geste cidienne : aspects poétiques et socio-politiques
- Marion Bonansea Le « futur passé » : récit de guerre épique et expérience du temps
- Catherine Servan-Schreiber Temporalité de la vendetta dans les épopées indiennes du Bandit d’honneur
- Marguerite Mouton L’épique intempestif à l’ère du roman
- Isabelle Weill Distorsions et parallèles temporels dans des romans épiques anglais relatant les exploits de capitaines de la Royal Navy à l’époque révolutionnaire et napoléonienne
- Hors temps : le récit du présent
- Jean Derive Le régime temporel dans la narration de l’épopée
- Cheick Sakho La temporalité dans les traditions épiques ouest-africaines : une imprécision caractéristique du genre épique
- Xavier Luffin Temporalité et religion dans la tradition épique arabe. Trois cas de figure
- Julien Decharneux Personnages historiques dans la Sīrat ʿAntar : une temporalité originale. Le cas d’Alexandre le Grand
- Christina Ramalho Les représentations épiques romantiques de l’époque coloniale au Brésil
- Ibrahima Wane Le temps et l’espace dans l’épopée de l’Almaami Maalik Sii du Bunndu
- Blandine Koletou Manouere L’énonciation temporelle dans Le Mvett de Tsira Ndong Ndoutoume
- François Dingremont Le kairos, une référence temporelle pour l’Odyssée
- Ana Rita Figueira La mise en scène du temps dans le Bouclier d’Achille (Iliade, 18, 477-617)
Le temps et l’espace dans l’épopée de l’Almaami Maalik Sii du Bunndu
Ibrahima Wane
1La trajectoire héroïque de l’Almaami Maalik Si du Bunndu (Sénégal) a pour toile de fond une série de détours géographiques et chronologiques. Cette pluralité de l’espace physique et ces fluctuations du cadre temporel induisent une interrogation sur les ressorts du schéma narratif et la logique qui sous-tend la structure du récit.
2Nous tentons dans cette contribution de cerner la poétique et la perspective de l’épopée à travers une réflexion sur la représentation conjointe de l’espace et du temps, les interactions entre ces deux dimensions du récit et leur fonction dans la construction d’une figure religieuse et politique singulière.
Le Bunndu : situation géographique et destin politique
3Placé entre le Fuuta Tooro, le Goye et le Kamera, au nord, la Haute-Gambie, au sud, le Bambouk et le Khasso, à l’Est, et le Wuli, le Kalonkadugu et le Ferlo, à l’Ouest, le Bunndu avait une position géographique privilégiée. Il était un point de passage des caravanes allant des rives ségoviennes du fleuve Niger aux côtes du Fuuta Jalon ou de la boucle du Niger aux comptoirs de la Gambie. La fertilité du sol et le développement du commerce en faisaient une place stratégique. Il accueille ainsi aux xviie et xviiie siècles beaucoup d’habitants du Fuuta Tooro qui vont y cohabiter avec des Malinke, des Soninke et des Jaxanke. Sa suprématie aux plans économique et militaire lui permet de continuer à s’élargir au détriment du royaume du Gajaaga voisin. À la fin du xviie siècle, le pays s’étendait sur 170 km du nord au sud et 190 km de l’Est vers l’Ouest, soit une superficie d’environ 33 000 km21. Son territoire recoupe des parties du Sénégal, du Mali et de la Mauritanie actuels.
4C’est à la fin du xviie siècle que le marabout Maalik Si fonde l’État musulman du Bunndu. Cette entreprise se réalise quelques années après l’intervention du mouvement Tuubnaan qui, sous la direction du marabout berbère Nasir El Din, envahit toute la vallée du Sénégal vers 1670. Les régimes ceddo des royaumes du Fuuta Tooro, du Waalo, du Jolof et du Kajoor furent secoués par ce courant islamique qui gagna une partie des populations. L’instauration de la théocratie du Bunndu, qui ranime cette flamme, sera suivie par la révolution musulmane du Fuuta Jalon en 1725 et la victoire du parti maraboutique tooroodo au Fuuta Tooro en 1776.
Maalik Sii dans les méandres de la mémoire dynastique
5Les récits des griots du Bunndu font de Maalik Si, fondateur du premier État théocratique de la Sénégambie, le point de repère essentiel de l’histoire du pays. Ils s’ouvrent sur la naissance du héros haal-pulaar à Suyuuma, dans le Fuuta Tooro, au nord du Sénégal et s’appesantissent ensuite sur ses études coraniques. Celles-ci, entamées dans le cadre familial se poursuivent dans d’autres foyers islamiques dont celui de Pir, au centre du Sénégal. À la fin de sa formation, Maalik Si, pour ne pas subir les exactions des Deeniyanke (dynastie de guerriers peuls) qui étaient aux commandes dans le Fuuta Tooro, se lance dans un périple qui le mène jusqu’au Fuuta Jalon.
6Après ce parcours, il revient et s’installe au Gajaaga (à l’est du Sénégal) où il exerce comme marabout (dont les gris-gris garantissent à l’acquéreur bénédiction, protection ou guérison). Maalik Si consolide son statut de saint en entreprenant un voyage à la Mecque. Sur le chemin, il perçoit, à travers ses diverses rencontres, des signes annonciateurs de son règne.
7Au cours du pèlerinage, il reçoit la confirmation de son destin de chef. Il s’y fait révéler sa mission et remettre des attributs du pouvoir.
8À son retour, il décide de fonder le royaume du Bunndu au sud du Gajaaga. Il parvient à marquer son territoire et à élargir ensuite sa zone d’influence en prenant les armes et en engageant l’action militaire. Il laissera ainsi sa vie sur le champ de bataille. À sa disparition, ses descendants reprennent le flambeau. Sa dynastie garde ainsi le trône de l’Almaami du Bunndu, en résistant aux assauts des royaumes voisins et à la pénétration coloniale jusqu’à la fin du xixe siècle.
9L’action de Maalik Si a inspiré une vaste production narrative. Les récits relativement récents de narrateurs comme Makki Jeng2 et Farba Salli Seck3, comme les versions plus anciennes publiées respectivement par Frédéric Carrère et Paul Holle4, Félix Brigaud5, A. Neil Skinner et Philip D. Curtin6, Moustapha Ndiaye7, Gérard Meyer8, reprennent, avec quelques variations, les principaux épisodes de la vie de Maalik Si que la mémoire a fixés.
Les aires/ères de l’action épique
10Le temps et l’espace participent amplement à la poétique du récit. Dans son parcours, Maalik Si traverse pays et périodes. Chaque entité spatiale qu’il investit est un temps historique ou symbolique. La correspondance qui s’établit à chaque étape entre ces deux données met en relief la singularité du héros. Le Fuuta, qui est le cadre des séquences initiales du récit est raconté à travers un temps social : naissance, enfance et formation inaugurale de Maalik Si. Quand il sort de cette phase, il entre dans un cycle qui appelle une autre temporalité. Le premier foyer que le récit lui fait fouler est celui de Pir Sañoxoor (dans le Kajoor, en pays wolof) dont il apparaît comme l’un des premiers pensionnaires. L’association à ce centre du savoir s’explique par le rayonnement que connaît celui-ci à partir du xviiie siècle9. Pir est célèbre pour avoir été le lieu de formation, entre autres, des promoteurs de la révolution du Fuuta Tooro qui avaient décidé, à la fin de leurs études, de faire de l’islam « le principe du pouvoir politique et du droit10 ».
11Le détour par ce prestigieux établissement apporte un supplément d’aura au héros qui aurait plutôt fait, selon l’historiographie, ses humanités dans le sud du pays des Maures.11
12C’est ce même élan célébratoire qui fait coïncider la fin de sa formation et son retour au Fuuta Tooro avec le règne tumultueux de Sule Njaay, une des figures emblématiques du régime deniyanke qui n’aurait pourtant accédé au pouvoir qu’en 1745, c’est-à-dire quelques décennies après la mort de Maalik Si.
13La direction qui ouvre le grand périple du héros est la Mecque. Comme El Haaj Umar Taal, le jihadiste parti du Fuuta Tooro pour fonder un grand empire musulman en Afrique de l’ouest au milieu du xixe siècle12, Maalik Si effectue le pèlerinage aux « sources de la sainteté » avant d’entreprendre l’action politique et militaire. Le haut lieu de spiritualité se double d’un cadre de pré-investiture. Le récit fait accueillir le marabout par Soundjata, le fondateur de l’empire du Mali au xiiie siècle.
Quand il arriva à la Kaaba, il y trouva un homme qui s’appelait Soundjata. Ce n’était ni un saint ni un savant. Mais c’était un sage et il avait des connaissances. Il avait décelé des qualités de chef et de saint chez Maalik Si et avait senti que celui-ci était promis à un destin de guide spirituel et de dirigeant politique.
14Maalik Si obtient ainsi la bénédiction et le parrainage de l’illustre roi mandingue. Soundjata le prépare à la conquête et à l’exercice du pouvoir en le dotant de divers objets magiques. Au moment de leur séparation, Soundjata gratifie l’hôte de trois compagnons : Sewi Laayal, griot, Tamba Kante, le forgeron, Keeri Kafo, esclave. Ces trois adjuvants symbolisent le socle sur lequel le héros va bâtir la société. Le griot fournit au chef « le fondement idéologique de son autorité, c’est-à-dire une part essentielle de son pouvoir13 ». Le forgeron se trouve à la base des instruments aratoires et de l’équipement des guerriers. L’esclave constitue une importante ressource économique et militaire.
15Cette marche à rebours du temps chronologique mène Maalik Si à sa terre d’élection. L’éloignement géographique est aussi une distance temporelle. Le héros semble, en arrivant à sa destination finale, passer du Moyen Âge à un temps primitif. Le récit, en faisant l’état des lieux, campe un univers sauvage :
Quand il arriva au Bunndu, il trouva sur place les Faddube qui sont les populations autochtones. Ils vivaient dans des trous et avaient des queues.
16L’étranger se charge d’améliorer les conditions de vie de ses hôtes. Le premier acte qu’il pose, à la suite d’un pacte avec leur doyenne Kummba Ndaw, est la fabrication d’une margelle pour protéger l’unique point d’eau de la zone des éboulements qui rendaient son eau peu potable. La dimension de cet apport est éloquemment exprimée par la nouvelle dénomination de la précieuse source : « bunndu Kummba, bannaandu Buumaalik », le puits de Kummba dont la margelle est de Maalik. Au-delà de l’équipement technique, c’est l’empreinte du « civilisateur » qui socialise l’espace, armé des acquis agrégés dans sa traversée des sites et des siècles, que le griot met en relief.
Contraction du temps et dilation de l’espace
17La seconde partie du récit met en scène la fondation de la souveraineté. C’est la dernière phase du processus de mise en place de l’État. La sphère et le rythme de l’action y évoluent parallèlement. Le mouvement du héros s’inscrit dans une séquence temporelle réduite et un territoire circonscrit. Cette symétrie entre eux est habilement exploitée par Maalik Si.
18Le marabout installé au sud du Gajaaga, sous l’autorité du Tunka, sollicite un espace plus étendu pour accueillir les membres de sa communauté grandissante. Le roi accède à sa demande et fixe le procédé de délimitation de l’espace :
Demain au lever du soleil, tu partiras de ton habitation et marcheras vers mon village. Je quitterai mon palais pour me diriger vers toi. Notre point de rencontre sera la limite de ton domaine.
19Maalik Si entame la marche le plus tôt possible14, alors que le Tunka se lève tard et se presse peu. Le dialogue qui s’ensuit met en évidence la façon dont le décalage temporel produit la disproportion spatiale. Le marabout est déjà aux abords de la capitale quand son chemin croise celui du roi. Ce dernier, surpris par la progression de son hôte et embarrassé par cette dépossession, se rend compte de l’erreur commise à travers le choix de la méthode de découpage. Il se résolut cependant à tenir parole et céda ainsi grande partie de son territoire à Maalik Si.
Je suis un homme d’honneur. Je ne reprends pas ce que j’ai déjà donné. Mais sache que tu m’as pris presque toutes mes terres15.
20La frontière entre le Galam et le Bunndu témoigne de cette dilatation de l’espace sous l’effet de la gestion que Maalik Si fait du temps. Ainsi « bunndu », le point d’eau, devient Bunndu, le pays qu’il édifie et dirige.
Conclusion
21L’épopée de Maalik Si combine la foisonnante histoire du Bunndu et la riche odyssée du héros. L’itinéraire du marabout est une succession d’étapes géographiques et une superposition d’époques et de strates culturelles. Les espaces que le héros parcourt dans la première partie du récit symbolisent chacun un moment de l’histoire. Dans la seconde partie, le temps permet la configuration de l’espace physique que s’aménage le héros.
22Chargés de dire le statut et la stature de Maalik Si, les anachronismes assurent la cohérence du récit. La distorsion chronologique y devient un moyen de figurer l’ampleur de l’ordre socio-économique et politique qu’instaure le héros.
Bathily, Abdoulaye, Les Portes de l’or. Le royaume de Galam (Sénégal) de l’ère musulmane au temps des négriers (viiie-xviie siècle), Paris, L’Harmattan, 1989.
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1 André Rançon, Le Bondou : étude de géographie et d’histoire soudaniennes de 1681 à nos jours, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1894, p. 5.
2 Makki Jeng (décédé en 2009) était le doyen des griots de Seenedebu, ancienne capitale du Bunndu.
3 Farba Salli Sek (1945-2013) était le chef des griots du Ngenaar, une des anciennes provinces du Fuuta Tooro.
4 Voir Frédéric Carrère et Paul Holle, De la Sénégambie française, Paris, Librairie de Firmin Didot Frères, Fils et Cie, 1885.
5 Félix Brigaud, Histoire traditionnelle du Sénégal, Amsterdam, Swets et Zeitlinger N. V., 1970 [1re édition : Saint-Louis, CRDS, 1962].
6 Saki Olal N’diaye, « The Story of Malik Sy, translated and edited by A. Neil Skinner and Philip D. Curtin with the assistance of Hammady Amadou Sy », Cahiers d’études africaines, vol. 11, no 43, 1971, p. 467-487.
7 Moustapha Ndiaye, « Histoire du Boundou par Cheikh Moussa Kamara », Bulletin de l’IFAN, t. 37, sér. B, no 4, 1975, p. 784-816.
8 Gérard Meyer, Récits épiques toucouleurs. La vache, le livre, la lance, Paris, Karthala-ACCT, 1991.
9 Thierno Ka, École de Pir Saniokhor : histoire, enseignement et culture arabo-islamique au Sénégal du xviie au xxe siècle, Dakar, 2002.
10 Oumar Kane, La Première Hégémonie peule, Paris-Dakar, Karthala-Presses universitaires de Dakar, 2004, p. 513.
11 Michael Gomez, Pragmatism in the Age of Jihad : the Precolonial State of Bunndu, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 37.
12 Le célèbre épisode du pèlerinage d’El Haaj Umar Taal (1797-1864) et l’homonymie avec El Haaj Maalik Si (1855-1922), un des khalifes de la tidjaniya au Sénégal, ne sont pas étrangers à l’élaboration de cette séquence du séjour de Maalik Si à la Mecque.
13 Mamadou Diawara, L’Empire du verbe et l’éloquence du silence, Cologne, Rüdiger Köppe, 2003, p. 115.
14 Dans certaines versions, l’on dit que Maalik Si n’a pas attendu le lever du jour pour se mettre en route.
15 Les Siisiibe (la descendance de Maalik Si) mettent en relief l’intelligence et le pragmatisme de Maalik Si, opposées à la crédulité et à l’indolence du tunka. La version soninke prend naturellement l’autre versant. Elle flatte l’orgueil de la classe dirigeante du Gajaaga et sert ainsi de compensation morale à la perte d’une partie du territoire national. « L’attitude chevaleresque du tunka y est mise en exergue, en opposition avec la cupidité de Malik Si. Deux morales sont ainsi exposées. D’une part, celle du royal qui fait la grasse matinée, se souciant peu du bien matériel, et affirme son rang en restant fidèle à son engagement, d’autre part, celle de Malik Si, symbole de l’homme du commun, qui se lève de bonne heure et use de ruse pour posséder un bien matériel » (Abdoulaye Bathily, Les Portes de l’or. Le royaume de Galam (Sénégal) de l’ère musulmane au temps des négriers (viiie-xviie siècle), Paris, L’Harmattan, 1989, p. 310).
URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=499
Quelques mots à propos de : Ibrahima Wane
Enseignant à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Ibrahima Wane étudie les relations entre chanson populaire et imaginaire politique, entre oralité et médias ; il s’intéresse aussi aux littératures écrites en langues africaines.
Il a publié « Wrestling, the media and marketing : when folklore meets business », dans Copyright Africa : How Intellectual Property, Media and Markets Transform Immaterial Cultural Goods, dir. Mamadou Diawara et Ute Röschenthaler, Canon Pyon, Sean Kingston Publishing, 2016, p. 337-357 ; « Figures et parures d’une parole : le chant de Ndiaga Mbaye », dans Au carrefour des littératures (Afrique-Europe), dir. Abdoulaye Keïta, Paris, Karthala, 2013, p. 179-194 ; et « Les interstices de l’auto-traduction : Buur Tilleen, Roi de la Médina de Cheik Aliou Ndao », Revue Sénégalaise de Langues et de Littérature n°os 1-2, 2012, p. 63-72.