Les Temps épiques
Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Jean-Pierre Martin (professeur émérite de langue et littérature du Moyen Âge à l’Université d’Artois)

Le volume constitue les actes du septième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Ursula Baumgardt (INaLCO/Llacan), Romuald Fonkoua (Paris-Sorbonne), Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Jean-Pierre Martin (Université d’Artois/Textes et Cultures), qui s’est tenu à Paris les 22, 23 et 24 septembre 2016 à l’INaLCO et  à la Sorbonne. Il propose une exploration de la question de la temporalité dans l’épopée, question qui reste paradoxalement peu étudiée de façon systématique, en vingt-sept études couvrant un très vaste empan géographique et historique (de l’Afrique à l’Inde, de l’Antiquité aux séries contemporaines), précédées d’une introduction par les coordinateurs.

Les temps épiques
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Dédicace
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Introduction

Temporalité et religion dans la tradition épique arabe. Trois cas de figure

Xavier Luffin


Résumés

Si les épopées médiévales arabes se déroulent généralement à l’époque islamique, trois d’entre elles, encore célèbres aujourd’hui, décrivent des faits censés se passer durant la Jāhiliyya, la période islamique. Afin de légitimer leur art, souvent mal considéré par les milieux religieux, et la récitation de ces trois épopées en particulier, les rhapsodes ont eu recours à des stratégies faisant largement appel à la temporalité pour créer un lien entre le temps préislamique du récit et le temps islamique dans lequel ils évoluent.

Most of the Arabian epics are supposed to occur during the Islamic period, after 622 AC. However, two of them – the epos of Antar ibn Shaddad and the epos of Sayf bin Dhi Yazan – actually take place during the Jahiliyya or pre-Islamic period. This was a challenge for the rhapsodes who were telling the adventures of the two heroes, because the religious authorities were often condemning the tradition of story-telling, especially when the stories were related to the Jahiliyya.
The rhapsodes developed various strategies so that their art could fit with the religious standards. The range of strategies varies from the evocation of God and the prophets in the introduction of the epos, to the insertion of Islamic motives, characters and elements in its frame. In the case of ‘Antar, his daughter becomes a devote Muslim at the end of the story, legitimating the Islamic nature of the whole story. In the case of the epos of Sayf, some of the characters foresee the rise of Islam because of their deep science and knowledge, and they somehow become Muslims or at least they act as good Muslims though Islam as not been revealed yet to the mankind. This last stratefy is not an innovation of the rhapsodes, since it has been developed in the Islamic literature regarding the hunafa (singular: hanif), the monotheist prophets before Islam.

Texte intégral

1Bien que moins connues en Occident que les Mille et Une Nuits, les épopées (siyar, sg. sīra) constituent un élément primordial de la littérature populaire arabe, depuis la période médiévale jusqu’à l’époque contemporaine. Appartenant d’abord exclusivement à la tradition orale, elles ont petit à petit été mises par écrit, probablement à partir du xive siècle pour certaines. À partir du xixe siècle jusqu’aujourd’hui, circulent des éditions lithographiées, puis imprimées, de plusieurs d’entre elles. Et si, de nos jours, les conteurs professionnels sont de plus en plus rares, les personnages épiques restent encore très présents dans l’imaginaire collectif.

2Malcolm C. Lyons dénombre une douzaine d’épopées arabes1, dont les plus connues sont probablement celle des Banī Hilāl, qui décrit l’invasion du Maghreb par une tribu venue de la péninsule Arabique au xie siècle, celle de Baybars qui s’inspire d’un souverain mamelouk qui régna sur l’Égypte et la Syrie au xiiie siècle, et celle du héros préislamique d’origine arabo-éthiopienne, ‘Antar, sur laquelle nous reviendrons plus bas.

3Les épopées étaient particulièrement appréciées par le peuple, notamment parce qu’elles étaient contées en langue vulgaire et non en langue savante, mais boudées par la plupart des lettrés, et surtout bannies par les autorités religieuses, comme en attestent certaines fatwas médiévales. Ainsi, on retrouve dans le Kitāb al-Mi‘yār d’Al-Wanšarīsī – un recueil de fatwas de l’Occident musulman médiéval remontant à la fin du xve siècle – cette fatwa émise à Tunis par le grand qāḍī Ibn Qaddā (mort en 1335) à propos des épopées :

Question : Est-il permis de vendre des livres de facéties et d’histoires de toute évidence mensongères tel que le ta’rīkh ‘Antara ou l’histoire de Dhāt al-himma, de recueils de satires, de poésie, de chansons et autres ouvrages analogues ? Réponse : Il n’est permis ni de les vendre, ni de les consulter. Le cheikh Abū l-Hasan Al-Baṭarnī a déclaré avoir assisté à la réunion au cours de laquelle le qāḍī Ibn Qaddā a rendu une fatwa disant que ne peut être imam ou témoin instrumentaire quiconque écoute le ḥadīth ‘Antara ou celui de Dhāt al-himma car ce sont des mensonges, et quiconque considère comme licite le mensonge est un menteur ; il en va de même pour les ouvrages d’astrologie de cabale et de langage inconnu2.

4Il ressort de cette fatwa que toutes les épopées étaient visées, mais alors que la majorité des épopées gravitent autour de personnages historiques musulmans, comme Baybars ou Abū Zayd al-Hilālī, quand elles n’ont pas une teneur proprement religieuse, comme l’épopée d’Amīra Dhāt al-Himma, trois d’entre elles – en l’occurrence celle de Sayf bin Dhī Yazan, celle de ‘Antar ibn Shaddād, et celle de Zīr Sālim – étaient particulièrement concernées parce que les événements qu’elles décrivent se déroulent à l’époque préislamique.

5Or, dans la conception musulmane, le temps est clairement divisé en deux par un événement particulier, qui est la révélation du coran : il y a une période préislamique, appelée en arabe al-Jāhiliyya, et une période islamique, al-Islām. Le terme al-Jāhiliyya est dérivé du terme jāhil, il est l’antonyme du terme ḥalīm, « policé, civilisé », et il pourrait donc se traduire par « barbare », ou plus couramment par « ignorant », cette fois opposé à ‘ālim, « connaissant », ou même à ‘āqil, « doué de raison », dans le contexte de la révélation : al-Jāhiliyya serait la période de l’ignorance, celle où les hommes ne connaissent pas encore la révélation, en opposition avec al-Islām, « [le temps de] l’Islam3 ».

6La temporalité de l’épopée n’est donc pas ici une simple question rhétorique, elle correspond réellement à une préoccupation religieuse : dans quelle mesure peut-on s’intéresser aux événements précédant la révélation ? Nous proposons de passer en revue les trois épopées se déroulant dans la Jāhiliyya, pour voir quelles stratégies les rhapsodes arabes ont éventuellement développées afin de relier ces épopées à la période musulmane et ainsi les légitimer, jouant sciemment avec cette double temporalité, préislamique et islamique.

L’épopée de Sayf

7Cette épopée relate les exploits de Sayf, le fils de Dhū Yazan, qui fut l’un des rois du Yémen avant l’avènement de l’islam. Dhū Yazan a auprès de lui un vizir très savant, Yathrib, qui a lu tellement de livres qu’il en a tiré en quelque sorte la prescience de la venue future de Muḥammad, le prophète des musulmans, avant même sa naissance. Dhū Yazan conquiert l’Éthiopie dont le roi, prénommé Ar‘ad, lui offre une esclave, Qamriyya. Cette dernière l’empoisonne selon la volonté d’Ar‘ad. Dhū Yazan meurt, Qamriyya prend le pouvoir et accouche de leur enfant, Sayf. Sachant par une prophétie qu’il prendra le pouvoir une fois adulte, elle l’abandonne dans le désert. Sayf est alors recueilli et élevé par un djinn, puis par un autre roi éthiopien, Afrāḥ, lequel a une fille appelée Shāma. Une autre prédiction annonce que l’union de Sayf et de Shāma conduira à la fin du roi Afrāḥ, appliquant ainsi la malédiction pesant sur la descendance de Ḥām, fils de Noé – Ḥām étant l’ancêtre des Hamites, c’est-à-dire des Africains, maudit par son père pour s’être moqué de lui. On impose alors de nombreuses épreuves à Sayf pour qu’il n’épouse pas Shāma ; il se rend notamment en Égypte pour trouver le Livre du Nil, un livre de magie. Mais il finit tout de même par épouser Shāma, et conquiert effectivement l’Éthiopie, il se rend ensuite en Égypte pour rendre au pays les eaux du Nil détournées par les Éthiopiens. À la fin de sa vie, il confie le pouvoir à son fils et se retire en ermite4.

8Le rhapsode de cette épopée a recours à plusieurs éléments afin de rattacher au temps islamique un récit censé se passer avant même la naissance de Muḥammad. Tout d’abord, notons que le texte commence par la basmalla – l’expression « au nom de Dieu clément et miséricordieux » – suivie d’une invocation de Dieu de huit lignes, incluant la shahāda – la profession de foi : « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre divinité que Dieu et que Muḥammad est son prophète5 ». Il ne s’agit pas encore d’une stratégie particulière, puisque dans le monde musulman médiéval l’usage veut que tout texte, qu’il ait une teneur religieuse ou pas, commence ainsi.

9Par contre, il s’ensuit une qualification de l’épopée comme étant « arabe et islamique », insistant sur le fait que « Dieu a fait des histoires du passé un sujet de réflexion pour les peuples actuels6 ». La phrase est intéressante, car elle justifie d’emblée l’intérêt porté à des événements de la Jāhiliyya : on peut trouver dans l’Histoire préislamique des événements qui présentent des enseignements pour la période actuelle, ce qui légitime en quelque sorte la récitation de l’épopée.

10Ensuite, l’auteur de l’épopée est présenté à plusieurs reprises comme étant Abū al-Ma‘ālī7. Les épopées arabes sont toutes anonymes, pourtant le rhapsode lui attribue souvent un auteur – une habitude que l’on retrouve d’ailleurs dans la littérature épique occidentale. Dans le cas présent, il s’agit probablement d’Abū al-Ma‘ālī al-Juwaynī, un juriste sunnite persan du xie s. C’est un auteur renommé, à qui l’on doit de nombreux traités religieux ; il fut le maître du célèbre philosophe al-Ghazālī et il enseigna également à la Mecque et à Médine – d’où son surnom élogieux d’imām al-ḥaramayn, « l’imam des deux lieux saints8 ». Cette attribution permet tout d’abord de relier la littérature populaire à la littérature savante, lui donnant ainsi un statut qu’elle n’a pas auprès des lettrés de l’époque. Mais le fait qu’Abū al-Ma‘ālī ait écrit des ouvrages religieux donne à cette légitimation une dimension supplémentaire : les milieux religieux pourraient-ils condamner une œuvre dont l’auteur lui-même est respecté dans ce domaine ? Il ne s’agit bien sûr pas de duper les savants islamiques, qui savent parfaitement que cette filiation est apocryphe, mais peut-être de rassurer l’auditoire.

11Concernant la trame du récit, l’histoire de la malédiction de Ḥām, que l’on retrouve dans la tradition judéo-chrétienne comme dans la tradition islamique9, et qui fut d’ailleurs régulièrement utilisée pour justifier l’esclavage, joue un rôle central dans l’épopée ; on peut même affirmer que sans elle il n’y aurait pas de trame. Voici la version rapportée par le rhapsode : Dhū Yazan explique à Yathrib qu’il désire conquérir l’Abyssinie et le Soudan. Yathrib lui répond qu’il a lu dans les livres anciens et les grandes épopées qu’un roi des Tubba‘ – nom donné tantôt aux Yéménites, tantôt à leurs souverains – doit accomplir « l’appel de Noé » (inqād da‘wat Nūḥ) : Dhū Yazan aura un fils qui appliquera la malédiction et soumettra les Éthiopiens aux Arabes. La nouvelle parvient aux oreilles de Sayf Ar‘ad, roi d’Éthiopie, et à son vizir appelé Baḥr Qafaqān Rīf, sorte de double de Yathrib – il a lui aussi la prescience de l’islam alors qu’à l’époque les Éthiopiens « adorent encore les astres » selon le rhapsode. Le conseiller de Sayf explique l’histoire de Noé : Sām et Ḥām voient les parties intimes de leur père dans son sommeil ; Ḥām rit alors que Sām, fâché, les cache. À son réveil, Sām explique ce qui s’est passé à son père, Noé, qui maudit la descendance de Ḥām : « que Dieu noircisse ton visage et ta descendance, et fasse que tes descendants deviennent les esclaves des descendants de Sam. » Puis il dit craindre que Dhū Yazan vienne exécuter cette malédiction. Cette histoire de malédiction, très connue dans le monde islamique, est rapportée notamment par le célèbre exégète médiéval al-Ṭabarī et commentée par de nombreux auteurs – notamment ibn Khaldūn au xive siècle et Aḥmad Bābā au xviie siècle, qui tous deux la considèrent comme infondée. L’intégration du récit de la malédiction de Ḥām permet donc de rattacher le récit à un personnage coranique et surtout à la littérature exégétique. Cependant, cela ne change encore rien à la temporalité, puisque dans l’épopée comme dans la tradition islamique, le récit de Ḥām est censé se passer dans la Jāhiliyya.

12Par contre, d’autres procédés de légitimation religieuse du récit, qui concernent cette fois la trame du récit elle-même et qui apparaissent dès les premières lignes, en modifient la temporalité. Ainsi, alors que Dhū Yazan reste polythéiste et jure sur les idoles préislamiques comme al-Lāt et al-‘Uzā10, son vizir prénommé Yathrib semble avoir un statut religieux particulier. En effet, ce personnage est d’emblée décrit comme ‘ārif, ‘āqil, laysa jāhil (littéralement « savant, doué de raison et pas ignorant11 »), une précision qui nous ramène à la définition vue plus haut de la temporalité islamique et à l’opposition entre le terme jāhiliyya et ses antonymes : bien qu’il ait vécu durant la période préislamique, Yathrib n’était pas un ignorant [du message de l’islam], au contraire il avait connaissance de celui-ci. Le rhapsode nous donne aussitôt des détails sur cette forme de prescience : « il avait lu les livres anciens et les grandes épopées (al-malāḥim) ; il avait trouvé dans la Torah, dans l’évangile, dans le livre d’Abraham et dans les psaumes de David – que la paix soit sur eux – le nom de notre seigneur Muḥammad […]. En lisant ces livres, il a su ce qui était faux et ce qui était vrai, il a abandonné le faux et suivi le vrai, et il a cru en notre seigneur Muḥammad et aux autres envoyés. Il cacha toutefois son islam aux autres12. » Ainsi, Yathrib aurait tellement lu qu’il avait acquis une sorte de prescience de l’islam. Ce qui pourrait apparaître ici comme un simple mais astucieux subterfuge du rhapsode pour légitimer son récit s’inscrit en réalité dans une tradition très répandue par ailleurs dans la littérature prophétique musulmane. En effet, le verset 67 de la troisième sourate du coran, La famille deImran, nous dit ceci à propos d’Abraham : « Abraham n’était ni juif ni chrétien. Mais il était un vrai croyant (ḥanīfan) soumis à Dieu (musliman) ; il n’était pas au nombre des polythéistes13. » Ce qui signifie pour les musulmans qu’avant l’avènement de l’islam, certaines personnes, à commencer par Abraham, pratiquaient un monothéisme qui pouvait être considéré comme une pratique de l’islam avant la lettre. Ces hommes sont qualifiés de ḥunafā’ (sg. : ḥanīf), voire de muslimūn, c’est-à-dire de musulmans, sachant que le sens littéral du terme signifie « soumis à Dieu. » Le Lisān al-‘Arab, fameux dictionnaire médiéval, considère d’ailleurs les deux termes comme synonymes14. Par ailleurs, les sources islamiques mentionnent d’autres personnages de la Jāhiliyya ayant bénéficié d’une prescience de l’islam, comme par exemple le roi yéménite Tubba‘ Abī Karab, présenté dans certaines sources – notamment des ḥadīth-s – comme un musulman15. Notons enfin que plusieurs récits exégétiques musulmans accordent la prescience de l’islam à Sayf bin Dhī Yazan lui-même – le héros de l’épopée apparaissant aussi dans plusieurs récits historiques et religieux à propos de la Jāhiliyya. Ainsi, une tradition rapportée notamment par ibn Kathīr, célèbre juriste shaféite du xive siècle, dans un ouvrage intitulé Al-bidāya wa-l-nihāya [Le début et la fin], mais présente également dans des sources antérieures, considère que le grand-père de Muḥāmmad, ‘Abd al-Muṭṭalib, en visite à la cour du roi Sayf, apprit secrètement de ce dernier qu’un orphelin appelé Muḥammad, qui venait de naître deux ans plus tôt dans la tribu des Quraysh, allait être choisi par Dieu comme prophète de l’islam, donnant force de détails à son propos16. Dans d’autres versions encore, c’est au fils de Sayf, nommé Ma‘d Bikarib, que revient ce rôle17. Ainsi, en attribuant à Yathrib la prescience de l’islam, le rhapsode puise clairement dans une tradition exégétique liée au personnage « historique » de Sayf. Notons enfin à propos de l’épisode précité que le narrateur place les livres religieux et les épopées sur le même plan – « il avait lu les livres anciens et les grandes épopées » – ce qui donne aux dernières un caractère sacré.

13Un autre épisode utilisé par le rhapsode pour modifier le temps de l’épopée est celui de la Ka‘ba : sur la route qui mène à Ba‘albek, Dhū Yazan et Yathrib passent par la Mecque – nommée bayt Allah al-ḥarām, « la maison sacrée de Dieu ». Yathrib se prosterne et prie, et Dhū Yazan, étonné, l’interroge sur ses actes ; Yathrib lui parle de Dieu. Il lui explique comment Adam a édifié la Ka‘ba et a effectué le premier pèlerinage, puis il raconte l’histoire de Noé et du déluge. Yathrib lui montre comment déambuler autour de la Ka‘ba, mais Dhū Yazan décide plutôt de la détruire et de ramener la pierre noire chez lui. Après avoir ordonné la destruction de l’édifice, il tombe malade et enfle comme un éléphant ; Yathrib lui explique que c’est Dieu qui protège la Ka‘ba. Dhū Yazan feint de se rétracter, et il guérit. Peu de temps après, il ordonne à nouveau la destruction du sanctuaire, et retombe malade, à deux reprises. Finalement, il accepte de laisser la Ka‘ba intacte et dit : « j’atteste qu’il n’y a de dieu que Dieu et qu’Ibrahim est l’ami fidèle (khalīl) d’Allah », et il ordonne à son armée de se soumettre à Dieu18 – c’est-à-dire de se convertir à l’islam, le terme aslama (fa-aslamū jamī‘an) signifiant à la fois « se soumettre [à Dieu] » et « devenir musulman ». Puis un messager lui dit en rêve d’habiller la Ka‘ba, et Dhū Yazan s’y prend à trois reprises : il l’habille une première fois d’un tissu fait de poils de chèvre, puis de soie, et enfin de soie brodée d’argent et d’or.

14Cet épisode ressemble fortement aux récits de la tradition islamique se rapportant au roi yéménite déjà cité plus haut, Tubba‘ Abī Karab, que l’on trouve notamment réunis dans Al-bidāya wa-l-nihāya, déjà cité plus haut. L’auteur rapporte plusieurs versions de cette histoire19. Selon l’une d’entre elles, le roi Tubba‘, revenant d’une campagne au Proche-Orient, passa par la Mecque et décida de la détruire pour venger la mort de son fils. Deux rabbins, habitants de la ville, allèrent à sa rencontre et parvinrent à le convaincre de ne pas détruire la ville, car c’est là qu’apparaîtrait un jour le prophète de l’islam. Le roi fut séduit par leur récit et, convaincu de leur science, non seulement il les laissa en paix mais en plus il se convertit à l’islam. Selon un autre récit rapporté par le même ibn Kathīr, une fois convaincu par les deux rabbins que la Ka‘ba avait été édifiée par Abraham, Tubba‘ aurait effectué la « circumambulation » autour du sanctuaire, il aurait procédé à un sacrifice et se serait rasé la tête. Puis il resta six jours à la Mecque, durant lesquels il nourrit les habitants, leur offrant de la viande et du miel. Suite à un rêve, il revêtit la Ka‘ba d’un voile de fibres de palmier, mais un second rêve lui ordonna de faire mieux ; alors il la revêtit d’un voile fait de tissus yéménites ; un troisième et dernier rêve lui ordonna de faire encore mieux, alors il recouvrit la Ka‘ba d’un assemblage de tissus encore plus précieux. Ensuite il retourna au Yémen où il tenta de convaincre son peuple de se convertir également à sa nouvelle religion. Selon une autre version encore, Tubba‘ tomba malade lorsqu’il voulut attaquer et détruire la Mecque. Ses médecins s’avérèrent incapables de le soigner, mais un rabbin lui apprit qu’il guérirait s’il abandonnait le dessein de détruire la Ka‘ba. Le roi renonça à son projet, et guérit, avant de faire recouvrir le sanctuaire d’un tissu précieux.

15Ainsi, l’épisode épique du passage de Dhū Yazan à la Mecque se fait clairement l’écho des récits islamiques à propos du roi Tubba‘, jusque dans les détails : le désir de détruire la Ka‘ba, la maladie qui empêche le souverain de s’exécuter, la conversion à la vraie religion, la décoration de la Ka‘ba de trois tissus, chaque fois plus beaux, suite à un songe, etc.

16L’épisode de la fondation de Médine est un autre moyen de jouer avec la temporalité : lorsque Dhū Yazan et Yathrib arrivent dans un endroit splendide, orné de jardins pleins d’oiseaux et de rivières, Yathrib dit à Dhū Yazan : « je voudrais fonder une ville ici ; sache ô roi glorieux et vaillant que j’ai lu dans les livres anciens, les chroniques et les grandes épopées que Dieu très Haut et Béni enverra à la fin des temps un prophète hachémite qurayshite appelé Muḥammad – que les prières soient sur lui – le premier des prophètes et le dernier des envoyés, il quittera la Mecque pour cette belle terre, il y habitera et y sera enterré, je voudrais donc que Votre Altesse m’autorise à construire une ville ici et à lui donner mon nom20 ». Outre le fait que cet épisode est encore une fois une occasion de mentionner le prophète de l’islam, il attribue à l’un des personnages-clés de l’épopée le rôle de fondateur éponyme de la seconde ville sainte de l’islam – qui selon les sources historiques s’appelait effectivement Yathrib, même si elles ne mentionnent pas que le vizir de Dhū Yazan fut son fondateur éponyme – et ce toujours dans le contexte de sa prescience de l’islam.

L’épopée de ‘Antar

17Cette seconde épopée s’inspire d’un personnage historique, cité par de nombreuses sources arabes en raison de sa poésie. C’est en effet un célèbre poète, fils de Shaddād, un noble arabe de la tribu des ‘Abs, et de Zabība, une esclave noire d’origine éthiopienne. Il est notamment l’auteur de l’une des mu‘allaqāt, les odes préislamiques considérées aujourd’hui encore comme le canon de la poésie arabe traditionnelle. Après avoir raconté les quatre grandes guerres des Arabes de l’époque préislamique, le rhapsode explique que Dieu a envoyé ‘Antar auprès des Arabes afin de leur infliger une défaite et ainsi calmer leur arrogance, puisqu’ils se verront défaits par un homme noir, esclave affranchi de surcroît. Après un long excursus à propos du prophète Abraham, le rhapsode décrit la tribu des ‘Abs puis la naissance de ‘Antar, dont la force physique s’affirme dès l’enfance. Un beau jour, ‘Antar est affranchi par son père parce qu’il sauve les ‘Abs d’une attaque de la tribu rivale des Qahtān. Une fois libre, il veut épouser sa cousine, ‘Abla. Le père de cette dernière lui confie une mission impossible en guise de dot : capturer les chameaux ‘aṣāfīr – ‘Antar y parvient, mais à son retour ‘Abla a été enlevée, il part donc la sauver. Le rhapsode décrit alors une succession de guerres, dans lesquelles ‘Antar intervient. ‘Antar épouse enfin ‘Abla, ensuite il se rend au Yémen, puis en Syrie où il participe aux guerres entre Byzance et la Perse. ‘Antar – qui est autant poète que chevalier – expose son chef-d’œuvre à la Mecque. Après la mort de son père, il mène une expédition au Soudan, puis en Éthiopie et en Iran. Il se rend aussi à Damas, à Constantinople et à Rome. Finalement, ‘Antar est tué par un ennemi. Il laisse plusieurs enfants, qu’il a eus avec différentes princesses étrangères. Parmi ces enfants, il y a une fille,’Unaytira. Une fois devenue adulte, elle se convertit à l’islam, apparu quelque temps après la mort de ‘Antar, et se bat auprès de Muḥammad pour propager la nouvelle religion.

18On retrouve dans cette épopée une première série d’éléments venant islamiser en quelque sorte la forme du récit : comme on peut s’y attendre, la geste commence par la basmallah suivie d’une longue invocation divine, tandis que sa rédaction est attribuée à ‘Abd al-Malik al-Aṣma‘ī (740-828), connu dans la tradition arabe pour ses talents de grammairien et de philologue21, mais présenté dans l’épopée plutôt comme un homme très pieux ayant recueilli des ḥadīth-s, qui aurait vécu à la fois dans la Jāhiliyya et dans l’islam.

19Toujours au début du récit, le rhapsode précise dans une formulation assez étrange que Dieu envoie ‘Antar aux Arabes pour les punir de leur idolâtrie et de leur arrogance, mais aussi pour « préparer le terrain avant l’arrivée de notre Seigneur Muḥammad22 ». Il y a aussi dans certaines versions de l’épopée un long excursus à propos du prophète Abraham. Cet épisode n’est pas anodin, puisqu’il permet d’intégrer dans l’épopée un prophète, considéré comme ḥānīf comme nous l’avons vu plus haut, puis d’expliquer la filiation entre Abraham et les Arabes, notamment les Banī ‘Abs, la tribu de ‘Antar. Et puis, on trouve tout au long du récit différentes allusions anachroniques à l’islam, quoique moins développées que dans l’épopée précédente : il y a un passage où un moine chrétien prédit l’arrivée prochaine de Muḥammad, ‘Antar invoque ce dernier au moins cinq fois pour remporter l’une ou l’autre bataille, enfin ‘Antar et ses compagnons se convertissent au monothéisme ḥanafite lorsqu’un devin arabe leur parle de Muḥammad et de son gendre ‘Alī23.

20Mais c’est surtout la fin de l’épopée qui permet de légitimer le récit sur le plan religieux, en n’anticipant pas cette fois sur le temps islamique, mais en s’y raccrochant : après l’épisode narrant la mort de ‘Antar, tué par Wizr ibn Jābir qu’il avait aveuglé vingt ans plus tôt, on apprend que le héros a eu une fille avec al-Hayfā’, la sœur d’un de ses amis. La fille se nomme ‘Unaytra – littéralement « la petite ‘Antar », en raison de sa ressemblance avec son père – qui apparaît comme son double : comme lui, elle est noire et farouche guerrière. Après une série d’événements qui se déroulent dans le même temps de l’épopée en général – elle découvre l’identité de son véritable père, elle se venge de certains ennemis de celui-ci, elle découvre l’existence de ses frères, etc. – ‘Unaytra entre en contact avec les musulmans et se convertit à l’islam, reliant ainsi – quoique très tardivement – l’épopée au temps islamique. Muḥammad lui dit : « ‘Unaytira, si tu te bats dans l’islam comme tu t’es battue dans la Jāhiliyya, je peux t’assurer que Dieu te fera entrer au paradis24. » Ensuite, alors qu’elle avait juré de ne jamais se marier, elle accepte d’épouser son cousin al-Khuḍrūf sur les conseils de Muḥammad, acceptant du même coup un nouveau statut social, plus « islamique » – Muḥammad expliquant que dans la nouvelle religion, le célibat est déconseillé. Cela permet aussi au rhapsode d’insérer dans l’épopée toutes une série d’allusions à l’historiographie islamique à propos des premiers temps, comme une allusion à ‘Āmir bin Ṭufayl, qui avait combattu Muḥammad, ou une autre à Bilāl, un esclave abyssin affranchi qui devint le premier muezzin, etc. Finalement, ‘Unaytira meurt aux côtés de Muḥammad lors de la célèbre bataille du Fossé en 627. Attristé par son décès, Muḥammad va jusqu’à faire l’éloge de la guerrière. Ainsi, alors que l’essentiel du processus de légitimation religieuse de l’épopée de Sayf se situe au début du récit et anticipe le temps islamique, dans le cas de l’épopée de ‘Antar, à part quelques allusions peu développées par le rhapsode, il n’apparaît finalement que dans les dernières pages d’une épopée qui en compte plusieurs milliers, en faisant simplement le lien logique entre al-Jāhiliyya et al-Islām.

Un cas particulier : l’épopée de Zīr Sālim

21Une troisième et dernière épopée censée se dérouler à la période préislamique est celle de Zīr Sālim. Le récit retrace l’histoire des rivalités entre Qaysites et Yéménites au sein des Arabes. On apprend comment Tubba‘, un roi yéménite, sème la zizanie entre les Qaysites et comment Kulayb massacre les Yéménites puis épouse Jalīla, la sœur de Jassās. Ce dernier, jaloux de Kulayb, s’allie alors aux Yéménites, tandis que Jalīla essaie de créer un conflit entre Kulayb et son frère, Zīr Sālim, et fait intervenir son propre frère. Jassās finit par tuer Kulayb, le frère de Zīr, qui décide de se venger. C’est alors que Hijris, fils de Jalīla et allié de Jassās, apprend qu’il est en réalité le fils de Kulayb. Il tue son oncle ; Zīr est satisfait et Hijris devient roi.

22Selon les observations de Marguerite Gavillet Matar, auteure d’une traduction française de la geste à partir d’une version manuscrite syrienne du xviiie siècle, les procédés « d’islamisation » du texte seraient relativement restreints. Certes, il commence par une courte invocation divine, et de brèves mentions laudatives de Muḥammad, comme « Appelons la bénédiction sur Muḥammad, le prophète de Dieu, il réunit tous les honneurs », apparaissent çà et là dans le texte, généralement à la fin des poèmes. Cependant, ces mentions sont limitées et surtout elles sont liées essentiellement à la performance du conteur, sans forcément inscrire le texte dans un temps islamique. Marguerite Gavillet Matar précise d’ailleurs que ces références n’apparaissent point dans les versions imprimées, ni même dans d’autres manuscrits, et que par ailleurs dans les versions chrétiennes elles sont remplacées par des invocations de la Vierge Marie25.

23Il faut pourtant mentionner un passage particulier : lorsqu’au cours d’un combat singulier Kulayb est sur le point de battre Tubba‘ et que ce dernier voit le moment de sa mort approcher, il récite la shahāda en y ajoutant une courte phrase forte de sens : « J’atteste qu’il n’y a pas de divinité hors de Dieu et que Muḥammad, qui viendra à la fin des temps, est l’envoyé de Dieu26 ». C’est bien sûr une allusion à la prescience qu’aurait eu le roi Tubba‘ de la venue de Muḥammad sur terre et de l’islam, déjà évoquée plus haut et probablement bien connue d’une partie de l’auditoire. Mais l’argument n’est pas développé par le rhapsode, contrairement à celui de l’épopée de Sayf et, plus étrange encore, alors que Yathrib est un personnage positif, Tubba‘ est plutôt présenté ici comme un tyran perfide et cruel.

Conclusion

24Les épopées dont l’action est censée se dérouler à l’époque préislamique intègrent le temps islamique de différentes façons. De manière générale, il y a d’abord l’islamisation formelle du récit par l’intégration de formules religieuses dites par le rhapsode, ou encore l’attribution de la paternité des textes à des figures intellectuelles importantes de l’Histoire arabo-musulmane. Mais surtout, il y a une connexion opérée par divers truchements entre le temps préislamique et le temps islamique, qui sont en apparence antinomiques, mais dont la séparation n’est pas aussi étanche qu’il n’y paraît dans la tradition exégétique islamique, où plusieurs cas de personnalités ayant eu la prescience de l’islam sont mentionnés.

25Dans l’épopée de Sayf, les rhapsodes s’approprient cette notion de prescience de l’islam, allant jusqu’à reproduire des récits propres à la littérature exégétique en modifiant les noms des personnages – à moins qu’épopées et textes exégétiques puisent dans un même fonds, devenu aujourd’hui brouillé par la multiplicité des versions. Dans l’épopée de ‘Antar, censée se passer peu de temps avant l’avènement de l’islam, les rhapsodes utilisent une stratégie plus originale, qui consiste à créer un chaînon manquant entre les deux temps par le biais d’une fille du héros, qui aurait vécu dans les deux temps, tout comme d’ailleurs l’auteur auquel le récit est attribué. Plus qu’un simple prétexte, ‘Unaytra devient le centre d’une petite épopée au sein de la geste principale. Ce récit à la dimension religieuse très affirmée, mais finalement assez court au regard du récit général – quelques dizaines de pages contre plusieurs milliers – vient ainsi légitimer l’ensemble de la geste.

26Mais ces stratégies de variation temporelle semblent avoir convaincu les rhapsodes et leur auditoire populaire plus que les juristes, qui ont vraisemblablement continué de considérer ces épopées avec méfiance. En effet, voici ce que nous dit Fulgence Fresnel dans la première moitié du xixe siècle, soit cinq siècles après la fatwa citée au début de cet article – à propos des rapports entre religieux et rhapsodes :

Les conciles de l’islam ont mis [l’épopée d’Antar] à l’index, ce qui n’empêche pas qu’on ne le lise toujours sous la tente du Bédouin et dans un certain café du Caire. Mais comme le style en est plat et la poésie informe, les lettrés de ce pays ne le comptent point parmi les ouvrages qui composent la littérature arabe. Le roman d’Antar n’est, à leurs yeux, que la pâture intellectuelle du vulgaire. On peut en dire autant des Mille et une nuits, et de quelques autres recueils plus ou moins divertissants, qui de tout temps ont été en Orient l’objet d’un profond dédain de la part des hommes instruits27.

Bibliographie

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Notes

1 Malcolm Cameron Lyons, The Arabian Epic, Cambridge, Cambridge University Press, 1995 (3 volumes).

2 Vincent Lagardère, Histoire et société en Occident musulman au Moyen Âge. Analyse du Mi‘yâr d’al-Wansarîsî, Madrid, Casa de Velazquez, 1995, p. 132.

3 Bernard Lewis et al., « Djāhiliyya », Encyclopédie de l’islam, II, Paris-Leyde, 1977, p. 394.

4 Notre analyse est basée sur une version populaire imprimée : Anonyme, Fāris al-Yaman al-malik Sayf bin Dhī Yazan [Le Chevalier du Yémen, le roi Sayf bin Dhī Yazan], Le Caire, Maktabat al-mashhad al-ḥusaynī, 2 vol. (non daté). Pour un résumé détaillé de cette épopée, voir Malcolm Cameron Lyons, op. cit., II, p. 239. Il en existe aussi une traduction anglaise : Lena Jayyusi, The Adventures of Sayf ben Dhi Yazan. An Arabian Folk Epic, Bloomington, Indiana University Press, 1999.

5 Anonyme, op. cit., p. 2.

6 Ibid.

7 Ibid.

8 Maha Elkaysi-Friemuth, « Ash‘arism », dans The Oxford Encyclopedia of Philosophy, Science and Technology in Islam, dir. Ibrahim Kalin, Oxford, Oxford University Press, 2014, p. 59.

9 Voir notamment Benjamin Braude, « Cham et Noé. Race, esclavage et exégèse entre islam, judaïsme et christianisme », Annales. Histoire, Sciences sociales, vol. 57, 1, 2002, p. 93-125.

10 Anonyme, op. cit., p. 3.

11 Ibid., p. 2.

12 Ibid., p. 3.

13 Le Coran, III : 67. Voir la traduction de Denise Masson, Le Coran, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1967, p. 70.

14 Jamāl al-Dīn ibn Manẓūr, Lisān al-‘Arab, Beyrouth, Dār al-ṣādir, 1992, vol. 9, p. 57.

15 Andrew J. Lane, A Traditional Mu’tazilite Qur’ān Commentary : The Kashshāf of Jār Allah al-Zamakhshārī, Leiden-Boston, Brill, 2006, p. 161.

16 Abū’l-Fidā’ Ibn Kathīr, Al-Bidāya wa-l-nihāya, Beyrouth, Maktabat al-Ma‘ārif, 1990, vol. 2, p. 328.

17 Voir notamment Julia Bray, « Abbassid Myth and the Human Act : Ibn ‘Abd Rabbih and Others », dans On Fiction and Adab in Medieval Arabic Literature, dir. Philip F. Kennedy, Wiesbaden, Harrassowitz, 2005, p. 23.

18 Anonyme, op. cit., p. 7.

19 Abū’l-Fidā’ Ibn Kathīr, op. cit., vol. 2, p. 163.

20 Anonyme, op. cit., p. 9.

21 À ce propos, voir notamment Peter Heath, The Thirsty Sword. Sīrat ‘Antar and the Arabic Popular Epic, Salt Lake City, Utah University Press, 1996, p. 152.

22 Anonyme, Sīrat Fāris fursān al-ḥijāz, Abī l-fawāris ‘Antara bin Shaddād [L’Épopée du chevalier des chevaliers du Ḥijāz, le père des chevaliers, ‘Antara bin Shaddād], Beyrouth (sans date), al-Maktaba al-thaqāfiyya, vol. 1, p. 4.

23 Peter Heath, op. cit., p. 158.

24 Anonyme, op. cit., vol. 8, p. 530.

25 Marguerite Gavillet Matar, La Guerre de la chamelle. La geste de Zîr Sâlim, Paris, Actes Sud, 2001, p. 27, et p. 251, n. 11.

26 Marguerite Gavillet Matar, op. cit., p. 76.

27 Fulgence Fresnel, Lettres sur l’Histoire des Arabes avant l’islamisme, Paris, Barrois et Duprat, 1836, p. 14.

Pour citer ce document

Xavier Luffin, « Temporalité et religion dans la tradition épique arabe. Trois cas de figure », dans Les Temps épiques : Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée, sous la direction de Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin, Publications numériques du REARE, 15 novembre 2018 Licence Creative Commons

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=460

Quelques mots à propos de :  Xavier Luffin

Xavier Luffin est professeur de langue et de littérature arabes à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et membre de l’Académie Royale de Belgique. Ses recherches portent sur la littérature arabe, y compris la littérature épique, ainsi que sur les rapports culturels entre l’Afrique et le monde arabe.

Il est notamment l’auteur de Les Fils d’Antara. Représentations de l’Afrique et des Africains dans la littérature arabe contemporaine, Bruxelles, 2012 et de Religion et littérature arabe contemporaine. Quelques regards critiques, Bruxelles, 2012.