Les Temps épiques
Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Jean-Pierre Martin (professeur émérite de langue et littérature du Moyen Âge à l’Université d’Artois)

Le volume constitue les actes du septième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Ursula Baumgardt (INaLCO/Llacan), Romuald Fonkoua (Paris-Sorbonne), Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Jean-Pierre Martin (Université d’Artois/Textes et Cultures), qui s’est tenu à Paris les 22, 23 et 24 septembre 2016 à l’INaLCO et  à la Sorbonne. Il propose une exploration de la question de la temporalité dans l’épopée, question qui reste paradoxalement peu étudiée de façon systématique, en vingt-sept études couvrant un très vaste empan géographique et historique (de l’Afrique à l’Inde, de l’Antiquité aux séries contemporaines), précédées d’une introduction par les coordinateurs.

Les temps épiques
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Dédicace
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Introduction

Le kairos, une référence temporelle pour l’Odyssée

François Dingremont


Résumés

L’article jette un doute sur l’idée que la temporalité épique est celle du cycle, du cercle, de la répétition, et plus particulièrement concernant l’Odyssée, de l’Éternel retour (thème nietzschéen, actualisé par Mircea Eliade). Cette interprétation passe à côté de la manière pragmatique et vivante qu’ont les héros homériques de se référer au passé. Ce dernier, loin d’être une échappatoire au présent ou un moyen de renouer avec un temps primordial (cf. le mythe de l’Éternel retour), enrichit ce présent de telle sorte qu’il devient, tactiquement, un allié. De ce point de vue, l’exploration de ce que les Grecs entendaient sous le terme kairos (l’opportunité, l’occasion à saisir) peut apporter un éclairage fécond.

This article questions the idea that the cycle, the circle, the repetition and more specifically for the Odyssey the “Eternal Return” (a nietzschean topic used by Mircea Eliade) define the epic temporality. This interpretation seems to miss the pragmatic and living way the homeric heroes refer to the past. Far from being an escape from the present or a way to remove with a primordial time (the myth of the “Eternal Return”), the past enriches this present so that it becomes, tactically, an ally. From this point of view, the study of what the Greeks meant by the term kairos (the opportunity to seize) can throw a unique light.

Texte intégral

1Le trajet d’Ulysse, dans l’Odyssée, suit-il un sens giratoire ? Avec le retour à Ithaque la boucle de son errance est-elle bouclée ? La circularité, la temporalité cyclique, celle par laquelle la répétition du même devient possible, convient-elle à l’Odyssée ? Répondre par l’affirmative est flatteur pour les tenants d’une vision idéalisée de la Grèce. Il est en effet flatteur, dans un idéal de cohérence, de croire que la tradition homérique est suffisamment maîtresse d’elle-même pour faire coïncider la morphologie d’un récit avec une conception de la temporalité fondée sur le cercle et la circularité. Mais, pour que ce postulat tienne, encore faudrait-il qu’Ithaque soit clairement identifiée comme la ligne de départ et la ligne d’arrivée d’Ulysse, ce qui n’est pas le cas. Si, à travers certaines productions philosophiques, les Grecs montrent un attachement à la temporalité cyclique, il n’est pas sûr que l’on puisse compter l’Odyssée parmi celles-ci. Le présent article invite donc à la prudence et suggère de s’en tenir à l’exception qu’est cette épopée dans l’ensemble épique et dans l’ensemble de l’édifice philosophique grec. Faudrait-il, alors, pour comprendre la temporalité odysséenne, abandonner l’idée d’une coïncidence des conceptions spatiales et temporelles ? Je ne le pense pas. En revanche, il est certainement utile d’envisager une coïncidence d’un ordre différent de celui clos dont le cycle est le modèle et de prendre en compte la dimension ouverte, polytropique.

2Glosant sur la relation entre circularité et genre épique et oubliant un peu vite la morphologie polytropique, pleine de tours, de détours et de retours, de la route que suit Ulysse, Sylvain Détoc écrit la chose suivante :

la reprise et le remaniement de l’espace-temps circulaire de l’Odyssée revêtent un intérêt singulier au regard […] d’un genre – l’épopée – qui présente un système exhaustif et fini “un tout achevé et clos1” d’après Georg Lukács ou comme l’écrit encore Mikhaïl Bakhtine, un monde “fermé comme un cercle” et dans lequel “tout est réalisé et achevé pleinement2”. L’Odyssée et ses reprises fournissent à ce titre un paradigme de prédilection. Car, dans le second poème homérique, c’est l’économie dramatique du Nostos qui accomplit, à travers le mouvement giratoire du héros odysséen, le cercle de l’épique ; et les dernières résurgences du mythe littéraire forgé par Homère conservent la marque puissante de cette impulsion circulaire3.

3Les déplacements d’Ulysse seraient circulaires afin de correspondre à un imaginaire qui fait de la circularité le paradigme naturel d’expression du temps et de l’espace. Symboliquement, le retour d’Ulysse à Ithaque correspond à l’éternel retour du même, de l’identité à l’identique. Si cette configuration n’est pas possible pour l’homme dans le réel, pris qu’il est par un principe d’entropie, l’imaginaire viendrait à son secours pour suspendre le déroulement du temps historique et assurer ainsi un retour de l’origine. Par voie de conséquence, l’idéologie épique serait foncièrement nostalgique, elle exprimerait le malheur du temps qui passe et nous éloigne d’un point de départ.

4Rien dans cette affirmation ne me paraît conforme à l’imaginaire épique de la temporalité tel qu’en rend compte l’Odyssée. Pour autant, avant de proposer un lecture différente, il faut tenir compte du présupposé qui structure l’idée que l’Odyssée est d’abord le récit d’une impulsion circulaire, d’un mouvement giratoire, ensuite que le retour d’Ulysse à Ithaque est un achèvement, une réalisation et qu’en ce sens il renseigne sur le système exhaustif, clos et fini du genre épique, et enfin que cette configuration cyclique exprime un rejet du présent et une volonté de le mettre en parenthèse en consacrant un espace-temps où se rejoue le temps des origines. Ce travail de clarification permettra d’introduire la forme de temporalité pragmatique que représente le kairos qui correspond aux modes d’action des figures héroïques majeures de l’Odyssée. Le kairos est une structure temporelle qui permet le surgissement de l’occasion opportune, du moment décisif, à saisir dans l’instant de son apparition. Le passage du kairos et sa saisie amènent une rupture, un renversement, un bouleversement irrémédiable dans la chaîne temporelle4. La temporalité qui gouverne le kairos se distingue donc d’une conception chronologique ou cyclique. Evanghélos Moutsopoulos avance que la chronologie suit la loi de la régularité, du répétitif, du cyclique, du périodique, elle est décomposable, analysable. Si Chronos, selon l’auteur, peut prendre les allures du danseur,

Kairos, lui, se révèle à la fois sauteur et acrobate déroutant, sa sikinnis saccadée quasi dionysiaque confère à ses mouvements unicité et totalité, défi et irrépétibilité, risque, engagement et aventure ; il invite les consciences à demeurer, comme lui, intrépides. Chronos le docile et Kairos l’indomptable se trouvent en éternel et incessant conflit : Chronos crée le monde et le gouverne ; Kairos l’anéantit pour le recréer à sa guise5.

5Il s’agit d’abandonner l’attitude contemplative de l’observateur désintéressé du déroulement chronologique et de « profiter de la temporalité en la restructurant6 ».

6Ulysse, Pénélope, mais aussi le fils de Nestor, Antiloque, s’appuient sur ce mode de temporalité, il est ajusté à leur esprit pragmatique.

Le cercle de l’épique

7La notion de cycle paraît naturellement attachée au genre épique. D’après Martin West, un cycle est « un ensemble de poèmes attaché à une figure particulière, sans (autant que nous le sachions) intention de le présenter selon un ordre particulier et sans être perçu comme formant un tout plus vaste7 ». On parle alors ainsi d’un cycle épique propre à Héraklès ou d’un cycle épique concernant le conflit thébain, la bataille de Troie ou le retour des chefs achéens. Le terme cycle est employé car il rend l’idée d’une configuration synoptique8. Aristote et Aristarque, néanmoins, ne semblaient guère attachés à une notion qui ne renvoyait à aucune œuvre singulière mais à un ensemble composite. D’ailleurs, dans son travail d’édition critique, Aristarque, au iie siècle avant notre ère, part à la chasse aux éléments du « cycle épique » qui, selon lui, polluent l’unité narrative de l’Iliade et de l’Odyssée9. Ce n’est qu’au ve siècle, avec la Chrestomathie de Proclus, que l’expression « cycle épique » renvoie à un ensemble clairement identifié10. Proclus sort de l’anonymat une tradition fragmentaire qui, de l’époque classique jusqu’au ve siècle, n’avait pas fait l’objet d’un vif intérêt, couverte qu’elle était par le prestige de l’Iliade et de l’Odyssée. Dans l’idéologie panhellénique, puis à l’époque classique, s’était en effet établie une importante distinction qualitative entre ces deux épopées et le reste du « Cycle épique11 ». Pour Aristote, les poèmes du Cycle accentuent la tendance composite du genre épique, ils ont encore moins d’unité de structure que l’Iliade et l’Odyssée12. Avant lui, Callimaque au ive siècle avant J.-C. est net avec cette épigramme : « Je déteste le poème cyclique13 ». Dès lors, il devenait nécessaire de faire passer l’idée que le « Cycle épique », à savoir La Petite Iliade, l’Éthiopide, Les Chants Cypriens, La Télégonie, était non seulement différent mais aussi inférieur à la tradition homérique c’est-à-dire aux seules Iliade et Odyssée14. Suivant cette optique, le Cycle est présenté par Aristarque comme l’œuvre d’auteurs « plus récents » (néoteroi) et moins talentueux qu’Homère15.

8Contrairement à ce qu’affirme Détoc lorsqu’il définit l’épopée, la sensibilité de l’auditoire homérique ne semblait pas non plus tournée vers la recherche de la complétude et de l’exhaustivité, les aèdes demandent l’inspiration des Muses non pour narrer l’ensemble d’un cycle mais pour choisir des épisodes ajustés à l’occasion de la performance. L’Iliade se contente de raconter la colère d’Achille et l’Odyssée le retour et les épreuves d’Ulysse. La sélectivité est la norme de la tradition homérique. Pour le cas du retour d’Ulysse, la diversité des expériences prime sur la complétude d’un parcours, nous ne sommes pas dans le cadre d’un récit initiatique16.

9On peut néanmoins comprendre ce qui a incité Sylvain Détoc à présenter l’Odyssée dans le moule du cycle, à savoir un présupposé qui conjugue les conceptions classiques et traditionalistes de la temporalité. L’idéal classique d’intelligibilité et l’analyse traditionaliste des sociétés anciennes telle que l’a développée Mircea Eliade, ont l’un comme l’autre d’une manière particulière contribué à forger une conception de la temporalité reposant sur une méfiance vis-à-vis du « devenir ». Est valorisée la possibilité par la pensée ou le geste rituel non pas d’agir sur le monde présent, mais de s’en extraire. Le mouvement linéaire non cyclique dégrade et corrompt une pureté, une unité et une totalité originaires. Henri Puech décrit la conception idéaliste, classique, anti-héraclitéenne, à laquelle étaient attachés les philosophes du ive siècle avant notre ère :

Pour l’hellénisme le déroulement du temps est cyclique et non rectiligne. Dominé par un idéal d’intelligibilité qui assimile l’être authentique et plénier à ce qui est en soi et demeure identique à soi, à l’éternel et à l’immuable, il tient le mouvement et le devenir pour des degrés inférieurs de la réalité où l’identité n’est plus saisie – au mieux – que sous forme de permanence et de perpétuité, par la loi de récurrence17.

10Cette conception valorise l’idée d’un « en soi » qui échappe aux transformations qu’impose le passage du temps par un retour à l’origine grâce à la structure cyclique. En suivant une loi des répétitions maintenant un principe de permanence et de perpétuité, l’homme peut résister à l’entropie. À cet idéal de permanence au milieu du mouvement, la conception « traditionaliste » ajoute la nostalgie. Sylvain Détoc cite Mircea Eliade18 :

Si la modalité lunaire est par excellence celle du changement, des rythmes, elle n’est pas moins celle du retour cyclique ; destin qui blesse et console à la fois, car si les manifestations de la vie sont assez fragiles pour se dissoudre d’une manière fulgurante, elles sont cependant restaurées par “l’éternel retour” que dirige la lune19.

11Le retour de l’origine blesse car à travers lui l’écart entre sacré et profane apparaît profond, il console d’une part en mettant temporairement entre parenthèses le temps présent profane, d’autre part par l’aspect inéluctable de son retour en tant que destin. Doté d’un fort dualisme, la conception eliadienne de l’éternel retour impose l’idée que les rituels de ce bas monde actualisent un acte divin réalisé dans le passé, dans un univers sacré différent de celui mondain et profane du présent. En actualisant ces gestes sacrés du passé, les sociétés traditionnelles exprimeraient une « révolte contre le temps concret, historique, [et une] nostalgie d’un retour périodique au temps mythique des origines, au Grand Temps », manière de rendre compte d’une « terreur de l’histoire20 ». Bref le retour de l’origine régénère et purifie. Le retour d’Ulysse serait une variation d’un archétype plus général de l’imaginaire des sociétés traditionnelles où la circularité du temps fait qu’à intervalles réguliers se produit une régénération par un retour à l’état originaire. Le retour d’Ulysse à Ithaque s’inscrirait dans ce cadre de pensée nostalgique du temps des origines. Si cette manière d’envisager la temporalité du retour doit beaucoup à l’idée que les sociétés traditionnelles fondent leur conception du temps sur ce qu’elles observent de la nature et de la succession des saisons, ce schéma archétypal ne fonctionne pas dans le cas du nostos, du retour, d’Ulysse21. On comprend bien que se joue dans le retour d’Ulysse une manière d’envisager le statut du devenir. Arrivé à Ithaque, Ulysse est-il le même à l’identique, réalisant l’exploit d’avoir échappé au devenir ou est-il un être nouveau, prêt à s’accomplir après s’être forgé une âme au cours des épreuves ou, enfin, est-il plus modestement un héros qui a simplement subi l’épreuve du temps et reste semblable, ce qui signifie ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, à celui qu’il était ?

Une nostalgie du devenir

12S’il est incontestable que le retour d’Ulysse s’ouvre sur une restauration et une réintégration en tant que souverain, mari, père et fils, il n’en demeure pas moins qu’elle s’opère parce que le héros s’appuie sur une temporalité tout à fait différente de celle du cycle. Elle lui permet de retrouver une place parce que au lieu de le tenir à distance, de le confiner dans un rôle de spectateur du temps qui passe, elle lui donne des occasions d’influer sur son cours. Que répond Ulysse à Calypso, lorsque cette dernière lui offre la suspension du devenir à travers la promesse de l’immortalité ? « Le seul vœu que chaque jour je fasse est de rentrer là-bas, de voir en mon logis la journée du retour22. » On trouvera difficilement plus nette acceptation du devenir et plus franc rejet d’une position en retrait du processus temporel23. Il s’affirme prêt à jouer le jeu du devenir : « Si l’un des Immortels, sur les vagues vineuses, désire encore me tourmenter, je tiendrai bon […] S’il y faut un surcroît de peine, qu’il m’advienne », ajoute-t-il. Ulysse ne veut pas être hors du temps, ce qu’implique l’immortalité. Au chant IX devant le roi phéacien, Alkinoos, Ulysse ne cache pas que :

Le plus cher objet de mes vœux, je te jure, est de voir la joie (euphrosunè) posséder tout un peuple, lorsque dans les manoirs, on voit en longues files les convives siéger pour écouter l’aède, quand, aux tables, le pain et les viandes abondent et quand l’échanson, puisant le vin au cratère le porte et le verse dans les coupes. C’est le plus beau spectacle que mon esprit puisse imaginer24 !

13La nostalgie d’Ulysse n’est pas celle d’un temps sacré des origines définitivement abîmé par le monde profane de l’ici et maintenant, elle est celle d’un devenir pleinement mondain qui l’incite à refuser l’offre de Calypso. Rien n’indique que la joie dont il est question ici soit l’expression d’une résistance au Temps qui passe, Ulysse se contente d’annoncer le contexte dans lequel il se sent le plus heureux, en l’occurrence être à sa place à Ithaque.

14En suivant de près le texte épique, on s’aperçoit que la représentation du déplacement comme mouvement giratoire ne tient pas. Pour que ce mouvement soit, il faudrait que soient contés les épisodes du départ pour Troie. L’Odyssée se contente du retour, ce qui n’a rien d’étonnant puisque l’Odyssée appartient au genre épique des récits des Retours des chefs achéens de Troie, des nostoi. Nous n’avons pas affaire à une boucle puisque la narration commence avec le départ de l’île de Calypso, le trajet d’Ulysse sera linéaire sans être rectiligne. De plus, le retour à Ithaque n’a rien de définitif, rencontré au seuil des Enfers, le fantôme de Tirésias prédit à Ulysse la chose suivante, une fois de retour à Ithaque :

Il faudrait repartir avec ta bonne rame à l’épaule et marcher, tant et tant qu’à la fin tu rencontres des gens qui ignorent la mer et, ne mêlant jamais de sel aux mets qu’ils mangent, ignorent les vaisseaux aux joues de vermillon et les rames polies, ces ailes des navires… Veux que je te donne une marque assurée sans méprise possible ? Le jour qu’en te croisant, un autre voyageur demanderait pourquoi, sur ta brillante épaule, est cette pelle à grains, c’est là qu’il faudrait planter ta bonne rame et faire à Poséidon le parfait sacrifice […] puis la mer t’enverrait la plus douce des morts ; tu ne succomberais qu’à l’heureuse vieillesse, ayant autour de toi des peuples fortunés25.

15Rien n’évoque moins l’idée de clôture et d’achèvement ou d’exhaustivité que cette prédiction. Elle ouvre le temps de l’épopée vers une possible suite à l’Odyssée. Il faut ajouter que l’épithète formulaire polutropos dont la tradition homérique affuble Ulysse l’oblige à ne jamais être en repos. En effet, l’efficacité du terme polutropos est inscrite dans son amphibologie. Elle fait tenir ensemble trois sens, le premier concernant l’aspect polytropique, pleine de tours et de retours, de va-et-vient de la route qui le ramène de Troie à Ithaque, le deuxième et le troisième renvoient à la structure pleine de tours de son intelligence et à la manière, pleine de tours, qu’il a de s’exprimer. Le polytropique avec ses entrelacements, ses nœuds, nie la circularité du cyclique. Pour être polutropos et pour que le terme ne perde pas le sens que lui confère la mobilité physique d’Ulysse, les caractéristiques de sa route et de son cheminement, il ne peut pas arriver définitivement, il doit rester en mouvement, comme si l’immobilité physique entraînait l’immobilité de son esprit. La prédiction de Tirésias indique clairement par l’indétermination qui la gouverne que la poétique de l’Odyssée rejette l’idée de clôture et de fermeture. Il faut toujours dans le registre de la poésie épique imaginer d’autres configurations narratives, entraînant d’autres épisodes, d’autres combinaisons de figures et de contextes. L’épopée est un genre littéraire fondé sur l’ouvert, sur la potentialité.

Une temporalité fondée sur le kairos

16Pour aller plus loin dans la réflexion, il faut là encore apporter un démenti à deux autres aspects de la description traditionaliste, l’idée d’une révolte contre le temps historique et la croyance en l’absence de valeur autonome de l’action humaine26. À l’inverse, la temporalité épique est posée comme manière d’agir. La stratégie de réintégration du héros contredit fortement l’idée d’une absence de valeur autonome des actes humains, il dit pouvoir résister aux dieux. Elle contredit aussi l’idée d’une lutte contre le temps concret, puisque l’ambition d’Ulysse, et plus généralement de toutes les figures qui possèdent la mètis, l’intelligence pratique, est, à l’opposé, de faire du temps concret un complice afin de changer le cours d’un événement ou d’une fortune. Le vœu exprimé devant Alkinoos est d’autant plus cher à Ulysse qu’il le sait réalisable non pas contre le temps mais avec le temps. Car, c’est précisément le piège de l’immobilité qui crée la nostalgie et la douleur d’Ulysse, le fait que sur l’île de Calypso le temps ne passe plus, ce qui est synonyme d’oubli. Lorsque la nymphe s’approche d’Ulysse pleurant sur un rocher aux limites de son île, elle lui conseille, magnanime, de ne pas consumer (pthinesthai) sa vie (aiôn) dans la tristesse27. Immobile, à l’écart du devenir, Ulysse dépérit, le mouvement va le ranimer28.

17Les interprétations que nous avons entrevues n’envisagent jamais une relation pragmatique à la temporalité, ce que suggère la notion de kairos. Jean-Pierre Vernant définit le kairos en l’associant à la tekhnè : « Le temps de l’opération technique n’est pas une réalité stable, unifiée, homogène, sur quoi la connaissance aurait prise ; c’est un temps agi, le temps de l’opportunité à saisir, du kairos29. » Qu’entendons-nous par tekhnè ? Une manière, une méthode, un savoir-faire inventif, un mode opératoire astucieux créant des ressources pour agir30. Monique Trédé apporte des précisions sur le kairos :

Le point de jonction dialectique de deux durées : la longue maturation du passé et le surgissement de la crise qui exige rapidité, acuité du coup d’œil tendu vers l’avenir. L’homme d’expérience, tout à la fois prudent et décidé, saisira le kairos ; tandis que le sot, le timoré, le balourd le manqueront toujours. Car le kairos est fugitif, imprévisible, irréversible31.

18Ulysse est clairement l’homme que décrit Monique Trédé. La définition de la temporalité épique adossée à la notion de kairos montre la possibilité de faire du déroulement temporel un allié, afin précisément d’acquérir une forme d’autonomie. Dans l’Odyssée, le temps est agi par ses principaux protagonistes, en l’occurrence Ulysse et Pénélope, plus que subi. Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant notent également la complicité de kairos et de tuchè (la chance), cette dernière « définit tout un aspect de la condition humaine à travers les représentations convergentes de l’individu, ballotté par les flots, tournant au souffle des vents, roulant sans trêve, de-ci, de-là32. » Les deux puissances sont associées dans le domaine de la navigation. « Kairos signifie l’instant propice que doit saisir le bon pilote quand il a su discerner de loin l’occasion qui lui sera donné d’exercer sa tekhnè », ajoutent les deux auteurs33. Le kairos intimement lié à la tekhnè est donc la configuration temporelle qui sied aux détenteurs de la mètis.

19Pour ne pas en rester à des propos théoriques, voyons comment se met en place le procédé kairique dans un passage de l’Iliade et deux épisodes de l’Odyssée. Dans le chant XXIII de l’Iliade, lors des jeux que les Achéens organisent pour les funérailles de Patrocle tué par Hector, Antiloque doit affronter Ménélas lors d’une course de char. Malheureusement pour le fils de Nestor, ses chevaux sont de piètres canassons. L’attelage d’Antiloque ne pourra pas tenir la distance, mais Nestor a observé la piste pour son fils, il sait à quel moment ce dernier doit attaquer, à quel moment la qualité du terrain peut lui être favorable, bref à quel moment se présentera l’occasion, le kairos : « Je te signale un bon repère (sèma / σῆμα), il ne peut pas t’échapper : c’est un vieux tronc, de chêne ou de sapin, haut d’une brasse34. » C’est passant ce repère qu’Antiloque doit attaquer : « Si jamais tu doubles de près la borne dans ta course, nul dès lors ne pourra plus te rejoindre » (345). En effet, à cet endroit, la piste se rétrécit, un seul char peut s’engouffrer. Plus loin, on entend, dans le feu de l’action, Antiloque encourager ses chevaux ainsi : « Allons ! Suivez, continuez la course à vive allure ! Je trouverai bien le moyen, si la route s’étrangle, de me glisser devant l’Atride au moment opportun » (414-416). Par une queue de poisson, Antiloque l’emporte sur Ménélas35. Cet exemple s’inscrit dans la temporalité de l’agôn, le suivant s’inscrit dans celui de la performance poétique. Au chant VIII de l’Odyssée, Ulysse sur la route d’Ithaque débarque sur la terre des Phéaciens. Ces derniers l’accueillent en organisant des jeux et un banquet. Au cours de ce dernier, l’aède Démodokos chante merveilleusement des épisodes du passé :

Ulysse fécond en ruses adressa ces paroles à Démodokos : « Démodokos, je t’estime bien au-dessus de tous les mortels, ou c’est la Muse, fille de Zeus, qui t’enseigna tes chants, ou c’est Apollon ; car tu chantes avec une trop belle ordonnance le malheur des Achéens, tout ce qu’ils ont accompli, tout ce qu’ils ont souffert, tous leurs travaux […] Allons, change de sujet, chante l’arrangement du cheval de bois, qu’Epéios construisit avec l’aide d’Athéné, et que par ruse l’illustre Ulysse introduisit dans l’acropole, après l’avoir rempli d’hommes, qui mirent Ilios à sac36. »

20Ulysse saisit ici l’occasion du chant de Démodokos pour orienter le sujet du récit de l’aède sur sa propre personne. Il fait irruption dans le temps de la performance de l’aède et la réoriente. Il faut comprendre la dimension pragmatique liée à cette intervention/perturbation. Ulysse s’appuie sur l’excellence du pouvoir de Démodokos pour la détourner à son profit. Ce geste de détourner un cours est significatif de l’habileté kairique. Ulysse se sert du talent de Démodokos pour faire parler de lui, pour que l’assemblée phéacienne loue sa ruse, à travers le récit du Cheval de Troie dont il est la pièce maîtresse. Devant l’auditoire phéacien, Ulysse cherche à faire entendre indirectement l’efficacité de son esprit à travers la révélation de la ruse du cheval dont il est l’instigateur. Ulysse utilise le savoir-faire de Démodokos, sa connaissance du passé, pour indirectement chercher la reconnaissance des Phéaciens et influer sur le présent. Les Phéaciens, après le récit de l’aède, seront au fait de son intelligence et lorsqu’il annoncera en IX, 19, son identité, ils n’en seront que plus éblouis. Ils auront en face d’eux l’homme qui mit au point la ruse du Cheval de Troie. Stratagème si légendaire qu’il a acquis une place dans la mémoire des aèdes. Le processus temporel est manipulé par la tekhnè discursive d’Ulysse.

21Dans l’exemple qui suit, on gagne un degré supplémentaire de subtilité. Pénélope va créer les conditions pour qu’Ulysse saisisse l’occasion de se faire reconnaître d’elle. Le kairos devient l’enjeu de la reconnaissance d’Ulysse par son épouse. Au chant XXIII de l’Odyssée, Ulysse a triomphé des prétendants, s’est fait reconnaître de son fils et de ses proches37. Il se présente alors devant Pénélope. Cette dernière va commencer par mettre en crise la linéarité cyclique du processus de reconnaissance afin de s’immiscer et de prendre le contrôle de ce processus. En effet, elle refuse d’emblée de reconnaître Ulysse comme son mari, ce qui entraîne une réaction vive d’un Ulysse qui, alors qu’il pensait les épreuves révolues, y replonge : « Étrange épouse, entre toutes les faibles femmes c’est toi qui des dieux habitants de l’Olympe reçus le cœur le plus dur […] Eh bien, allons, bonne mère, dresse un lit pour moi afin que, comme toujours, je dorme seul : car, pour elle, c’est un cœur de fer qu’elle a en sa poitrine ». Pénélope change brutalement de comportement, elle affirme maintenant reconnaître Ulysse et suggère à sa servante de répondre à la demande d’Ulysse et de lui préparer ce lit. Elle saisit l’occasion de cette demande pour mettre à l’épreuve l’agilité d’esprit de son mari, son sens du kairos :

« Allons, Euryclée, dresse pour lui un lit bien ajusté, hors de la chambre aux murs solides, que lui-même a construite : quand vous aurez porté dehors le lit bien ajusté, garnissez-le en y mettant toisons, couvertures et étoffes brillantes. » Elle parlait ainsi pour éprouver son mari : mais Ulysse eut un sursaut et dit à sa fidèle compagne : « Femme, tu viens de prononcer là un mot qui m’a blessé au cœur. Qui donc a déplacé mon lit ? »

22Le sursaut d’Ulysse prouve qu’il est toujours aux aguets. Il saisit l’incohérence des propos de son épouse, ce lit en effet n’est pas déplaçable :

« C’eût été chose difficile, même pour l’homme le plus habile sans un dieu qui vînt à son aide ; un dieu sans doute qui le voudrait le déplacerait sans peine : mais il n’en est pas ainsi des hommes ; nul mortel au monde, fût-il dans la force de la jeunesse, ne pourrait aisément le bouger. Il a, dans sa structure, quelque chose de très particulier, ce lit curieusement fait ; c’est moi qui l’ai construit, non un autre. Dans l’enceinte de la cour avait poussé le rejeton d’un olivier aux longues feuilles : il était dru et verdoyant, gros comme une colonne. Tout autour je traçai notre chambre et la bâtis en blocs étroitement serrés ; je la couvris d’un bon toit et mis des portes de bois plein, fortement ajustées […] Voilà cette marque particulière dont je te parlais. Mais je voudrais savoir, femme, si ce lit est encore à sa place ou si quelque homme, pour le porter ailleurs, a coupé l’olivier à sa base ».

Épilogue

23L’occasion qu’offre Pénélope à Ulysse de replacer le passé dans le présent produit un effet remarquable :

Il dit et elle sentit défaillir ses genoux et son cœur ; elle avait reconnu l’exactitude évidente de la description faite par Ulysse : en pleurant, elle courut droit à lui, jeta ses bras au cou d’Ulysse et, lui baisant le front, elle disait : « Maintenant que tu m’as fourni d’irréfutables preuves, en décrivant ce lit que seuls nous connaissions, toi et moi […] tu me convaincs et mon cœur se rend, si rebelle qu’il soit ».

24Le jeu de Pénélope est extrêmement subtil, avant de se donner à Ulysse, elle veut avant tout s’assurer qu’il n’a rien perdu de son sens du kairos, qu’il réagira à l’invraisemblance du déplacement du lit. Ce faisant, il dévoile le secret de leur intimité et d’une certaine manière la reconstruit. On reste frappé de l’intelligence de Pénélope qui crée les conditions du kairos. Pénélope utilise le passé, en l’occurrence l’intimité du couple, pour s’assurer d’un état du présent. Ce pragmatisme est anti-nostalgique. L’astuce de Pénélope permet que le fil qui la tenait au passé ne soit pas brisé. On ne saurait être plus éloigné des allégations d’Eliade pour qui les hommes sont face à un tempscprofane « subi » sur lequel ils n’ont pas prise.

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Notes

1 Georg Lukács, La Théorie du roman, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1989 [1968], p. 19.

2 Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1987 [1978], p. 452.

3 Sylvain Détoc, « Résurgences odysséennes, recyclage de l’épique », dans Palimpsestes épiques, dir. Dominique Boutet, Camille Esmein Sarrazin, Paris, Presses de l’Université Paris Sorbonne, 2004, p. 64.

4 Étymologiquement kairos pourrait être lié, d’après Pierre Chantraine (Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1968, p. 480), au verbe keirô, « couper ».

5 Evanghélos Moutsopoulos, Kairos. La mise et l’enjeu, Paris, Vrin, 2011, p. 11. L’auteur déclare que le kairos lie le « jamais plus » au « pas encore ».

6 Ibid.

7 Martin L. West, The Epic Cycle, A commentary on the Lost Troy Epics, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 17 (« a set of poems attached to a particular figure, but not (so far as we know) intended to be taken in particular order or perceived as forming a larger whole »).

8 Gregory Nagy, Homeric Questions, Austin, University of Texas Press, 1996, p. 65-112.

9 Voir Albert Severyns, Le Cycle épique dans l’école d’Aristarque, Paris, Champion, 1928, avec les précieux commentaires de Gregory Nagy dans « Aristarchus and the Greek Epic Cycle », Classics@ Volume 6, edition of December 21, 2010 ; voir également, Jonathan S. Burgess, The Tradition of the Trojan War in Homer and the epic cycle, Baltimore, The John Hopkins University Press, 2001.

10 L’existence de cette Chrestomathie (anthologie) nous est connue par le codex 239 de la Bibliothèque de Photius datant du ixe siècle.

11 « Neither of them (Iliad and Odyssey) is cyclic in conception ; that is neither is designed to form a segment of a vaster narrative continuum. Each is free-standing poem, complete in itself », écrit Martin West, op. cit., p. 17 (« Aucune des deux (Iliade et Odyssée) n’est cyclique dans sa conception ; pas plus qu’elles ne sont conçues comme un segment d’un continuum narratif plus conséquent. Chacune est un poème autonome et en soi complet »).

12 Voir Aristote, Poétique, 1459a37.

13 Callimaque, Épigramme, XXVIII, 1.

14 Le parti pris d'Aristarque pour conserver l’unité de l’Iliade est de faire la chasse aux éléments cycliques qui se sont surajoutés au fil du temps.

15 Sur le peu de cas que la critique à toutes les époques faisait du dernier poème cyclique, La Télégonie, voir Albert Severyns, op. cit., p. 409-410, repris par Martin West, op. cit., p. 291. Sur les néoteroi, voir Gregory Nagy, Homer the preclassic, Berkeley, University of California Press, 2010, p. 66.

16 Le poème privilégie largement le polus, avec l’idée de variété et d’abondance, sur la complétude et la totalité du pan, Ulysse polutropos, « parcourut les cités de peuples nombreux, et s’instruisit de leurs mœurs. », Odyssée, I, 3. L’exigence de complétude et de bon ordonnancement, telle qu’Ulysse la formule en direction de l’aède Démodokos ne concerne que des épisodes précis, voir Odyssée, VIII, 489.

17 Henri Puech, « Temps, histoire et mythe dans le christianisme des premiers siècles », Proceedings of the Seventh Congress for the History of Religions, Amsterdam, 1951, p. 34.

18 Sur le traditionalisme d’Eliade, voir Dan Dana, Métamorphoses de Mircea Eliade, Paris, Vrin, 2013.

19 Mircea Eliade, Traité d’histoire des religions, Paris, Payot, 1959, p. 165, cité par Sylvain Détoc, op. cit., p. 78.

20 Mircea Eliade, Le Mythe de l’Éternel retour, archétypes et répétitions, Paris, Gallimard, 1949, p. 11. Karl Kerényi et Carl Gustav Jung (Introduction to a Science of Mythology, London, Routledge and Kegan Paul, 1951, p. 9-10), disent des choses à peu près semblables.

21 L’Odyssée appartient à la catégorie épique des nostoi des chants de retour des guerriers de Troie.

22 Odyssée, VI, 219, trad. Victor Bérard, Paris, Les Belles Lettres, 1924.

23 L’isolement d’Ogygie, l’île de Calypso dans l’extrême Occident est total, voir Odyssée, V, 99-102 et VII, 244-247.

24 Odyssée, IX, 3-11, trad. Médéric Dufour et Jeanne Raison, Paris, Classiques Garnier, 1988.

25 Ibid., XI, 121-137, trad. Victor Bérard, op. cit.

26 Voir Mircea Eliade, opcit, p. 18.

27 Odyssée, V, 160.

28 Pour une réflexion plus approfondie sur ce point, je renvoie à mon article, « Les enjeux de la fluidité, retour sur l’intelligence homérique du mouvement, Fabula / Les colloques, Penser le mouvement, http://www.fabula.org/colloques/document2557.

29 Jean Pierre Vernant, Mythe et Pensée, études de psychologie historique, Paris, Maspero, 1966, p. 317.

30 Je fais référence ici à la signification qu’a tekhnè dans l’univers de la mètis, voir Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant, Les Ruses de l’intelligence. La mètis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974.

31 Monique Trédé-Boulmer, Kairos, l’à-propos et l’occasion, le mot et la notion, d’Homère à la fin du ive siècle avant J.-C., Paris, Klincksieck, coll. « Études et Commentaires », 1992, p. 19.

32 Marcel Detienne et Jean Pierre Vernant, op. cit., p. 212.

33 Ibid., p. 215

34 Homère, Iliade, XXIII, 326-327, trad. Frédéric Mugler, Paris, La Différence, 1989.

35 Voir également l’analyse de Marcel Detienne et Jean Pierre Vernant, op. cit., p. 19-23, 29-30.

36 Odyssée, VIII, 486-499, trad. Médéric Dufour, Jeanne Raison, op. cit.

37 L’épisode se situe en Odyssée, XXIII, 165-230, trad. Médéric Dufour, Jeanne Raison, op. cit.

Pour citer ce document

François Dingremont, « Le kairos, une référence temporelle pour l’Odyssée », dans Les Temps épiques : Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée, sous la direction de Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin, Publications numériques du REARE, 15 novembre 2018 Licence Creative Commons

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=417

Quelques mots à propos de :  François Dingremont

EHESS
Docteur en art et littérature, François Dingremont est enseignant-chercheur à l’EHESS où il co-organise le séminaire « Anthropologie générale et philosophie ». Il a récemment publié « L’intégrité des héros homériques » dans L’Intégrité : vertu, pratique, atteinte, dir. Michelle Bubecinek, Bruno Lemesle, Dominique Le Page (Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2017, p. 21-41) et « Traces d’inconvenance en Grèce archaïque » dans L’Inconvenance, dir. Béatrice Laville, Elisabeth Magne et Florence Plet-Nicolas (Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, « Eidôlon » 121, 2017, p. 15-26).