Les Temps épiques
Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Jean-Pierre Martin (professeur émérite de langue et littérature du Moyen Âge à l’Université d’Artois)

Le volume constitue les actes du septième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Ursula Baumgardt (INaLCO/Llacan), Romuald Fonkoua (Paris-Sorbonne), Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Jean-Pierre Martin (Université d’Artois/Textes et Cultures), qui s’est tenu à Paris les 22, 23 et 24 septembre 2016 à l’INaLCO et  à la Sorbonne. Il propose une exploration de la question de la temporalité dans l’épopée, question qui reste paradoxalement peu étudiée de façon systématique, en vingt-sept études couvrant un très vaste empan géographique et historique (de l’Afrique à l’Inde, de l’Antiquité aux séries contemporaines), précédées d’une introduction par les coordinateurs.

Les temps épiques
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Dédicace
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Introduction

Temporalité de la vendetta dans les épopées indiennes du Bandit d’honneur

Catherine Servan-Schreiber


Résumés

Faits divers, grands événements, histoires de bandits et de vengeance sont un miroir lyrique et épique offert aux destinataires. Par leur essence même (une vengeance à préparer dans le futur pour réparer un affront passé), les actions de vendetta et les épopées qui les narrent et les célèbrent sont ancrées dans une certaine idée de temporalité. Mais comment les épopées de vendetta de l’Inde du Nord, en bhojpuri, maithili ou magahi, opèrent-elles pour traduire la temporalité de la vengeance alors qu’elles ne disposent pas des repères et signaux temporels de la prose ? À travers les épopées les plus connues, Cuharmal, Gauraiya, Vijaymal ou Laciya, sont mises au jour deux temporalités qui rythment les récits de vendetta. L’épopée partageant des procédés avec d’autres genres narratifs, le détour par la fiction romanesque et la filmographie, en Inde, au Brésil ou en Europe, montrera les spécificités de ces épopées de vendetta.

Bizarre incidents, great events, stories of bandits and revenge, are a lyrical mirror and epic offered to the audience. By their very essence (a revenge to be prepared in the future to repair a past affront), the vendettas and the epics that narrate and celebrate them are anchored in a certain idea of temporality. But how did the epics of vendetta from North India, in Bhojpuri, Maithili or Magahi, manage to communicate the temporality of revenge without the points of reference and time signature of prose? In the most famous epics, Cuharmal, Gauraiya, Vijaymal or Laciya, two timelines can be discerned, pacing and punctuating the narratives of vengeance. Vendetta epics share certain procedures with other narrative genres and these specific literary tools are also used in romanesque fiction and film in India, Brazil, and Europe.

Texte intégral

1La question de la temporalité dans les épopées en Inde du Nord ne peut qu’intriguer car, selon la propre définition du barde, « sans commencement ni fin, sans conscience de temps, l’épopée est la mémoire du présent, en donnant le récit des événements les plus marquants de toute notre histoire » (Épopée de Salhes-Cuharmal). Et pourtant, par leur essence même (une vengeance à préparer dans le futur pour réparer un affront passé), les actions de vendetta et les épopées qui les narrent et les célèbrent, sont ancrées dans une certaine idée de temporalité. On sait que les vendettas ne suivent pas immédiatement le meurtre ou l’affront, mais se mettent en place bien après, dans le secret. Leurs récits ont vocation à engager le destin de générations suivantes. En effet, l’idée de l’honneur et du prestige perdus pour une génération et devant être restitués par une autre, implique que les narrations fassent intervenir trois générations : les aînés, dans la classe d’âge de qui un affront a été commis, les jeunes, à qui les aînés demandent de venger l’affront, car eux-mêmes ne sont pas assez alertes pour s’embusquer et tuer, et les descendants des jeunes, qui endossent eux aussi, de par le simple fait de leur naissance, les obligations.

2Et donc, lorsqu’on écoute des épopées qui mettent en scène des vendettas, comme le dit l’anthropologue Denis Vidal, « ce ne sont pas de simples histoires de meurtres et de vengeance, de violence et d’insécurité. Ce sont des agencements compliqués qui mettent en jeu les ancêtres, tout autant que les hommes. C’est toute une organisation de la société et tout un mode de vie qui se joue dans les récits de vendettas qui voient se confronter entre eux des clans de montagnards en Himalaya ». (Vidal 1993, 97).

3Dans les répertoires épiques indiens dont il sera question ici, la pratique de la vendetta recouvre une réalité toujours présente dans la société indienne du nord : en Himalaya, on voit des clans de montagnards de la région de l’Himachal Pradesh pratiquer les vendettas (Vidal 1993) ; dans l’État du Bihar, les scénarios de représailles sont monnaie courante dans les conflits sociaux. Ce ballet de violence a été étudié à Patna par Arvind Das, qui a tenu le compte minutieux du calendrier tragique de chaque attaque et contre-attaque, avec les motifs de vengeance bien explicités, heure par heure, jour par jour, entre les hautes castes de propriétaires terriens et les basses castes constituant la main d’œuvre agricole (Das 1992). Encore récemment, les enquêtes de Nicolas Jaoul ou d’Ashwani Kumar sur les milices armées (sena) ont fait ressortir l’impunité avec laquelle les grands propriétaires continuent d’agir par l’intermédiaire de leurs hommes de main (Louis 2002 ; Jaoul 2008 ; Kumar 2008a et 2008b). Il faut noter en outre que la thématique de la vendetta se trouve en adéquation avec la définition que l’historien Sanjay Subrahmanyam donne du fonds de textes narratifs du folklore indien comme « centré sur une violence héroïque localisée » (localized heroic violence). Quant au personnage du bandit d’honneur, il polarise l’idée de temporalité, car le barde s’emploie à montrer la façon dont le passage du temps influe sur la décision du héros. Ce que je voudrais toutefois mettre en relief dans ces scénarios de vendetta, c’est la figure du personnage transgressif, qui refuse d’accomplir la vengeance, et voir quelles ruptures temporelles cela produit sur le cycle épique par rapport aux récits où le tueur, volontaire ou désigné, lui, l’exécute de son plein gré. D’après l’analyse de Denis Vidal sur les vendettas en Himalaya, tout héros qui a accepté de venger son clan, même s’il accepte de se conformer aux exigences des aînés, montre et exprime de la répugnance à le faire (Vidal 1993). La catégorie du héros qui tente de se soustraire à l’action paraît ainsi une bonne approche pour appréhender la temporalité de la vendetta.

4Une vendetta se définit comme « la suite de mauvais coups que des clans se portent successivement l’un à l’autre. Une vendetta ne commence que quand une querelle cesse d’être une affaire entre quelques individus, et se transforme en un conflit reconnu et institutionnalisé entre deux clans dominants » (Vidal 1993, 103). La vendetta engendre la mort, et, par cette absence, crée un avant et un après. La vendetta perturbe, car elle oblige à reconsidérer les réseaux d’interaction dont dépendent le passé, le présent, et le futur d’un clan. Ce rapport au passé est accentué, en Himalaya, par le fait que les récitations épiques sont précédées de combats, ou plutôt de simulations de combats, avec des joutes à l’arc, lesquelles joutes à l’arc se tiennent devant des fontaines votives que l’on érige en mémoire des défunts.

5Comme le souligne Denis Vidal dans son article intitulé « Les reste de la vengeance », « on est là devant un type de traditions qui ne peuvent être réduites au temps d’un simple rituel puisque qu’elles s’étendent le plus souvent sur des décennies puisqu’elles s’étendent le plus souvent sur de nombreuses décennies ; elles peuvent être manipulées de l’intérieur, puisqu’elles possèdent à la fois un début, une logique dans leur déroulement et parfois même, une fin ». Et surtout, En Himalaya comme en Uttar Pradesh ou au Bihar, « il existe des dispositifs spécifiques de narration qui permettent de les insérer dans la mémoire collective ». (Vidal 1993, 108).

6Qu’en est-il au niveau des temporalités mises en œuvre, et des procédés poétiques qui les suggèrent ? C’est ce qu’on va tenter de voir, en mobilisant diverses sources, écrites ou orales, avant d’arriver aux épopées. Car les vendettas ne forment pas seulement la trame de récits épiques, elles impriment de leur marque la production littéraire romanesque. À l’inverse, l’épopée partage des procédés avec d’autres genres, des genres écrits. Aussi les rapprochements sont-ils non seulement intéressants, mais nécessaires, pour caractériser les ressorts de la temporalité dans la composition épique en Inde, dans leur spécificité.

Mise en scène de l’attente et basculement temporel de l’acte de vendetta dans les fictions romanesques

7Sans pour autant se présenter comme des romans policiers, les romans et nouvelles de vendetta – un thème cher à la littérature du xixe siècle français – , sont souvent rédigés à la façon d’un compte rendu d’enquête policière, comme la reconstitution de crimes qui nécessite des précisions permettant de recouper les horaires, les emplois du temps et les mobiles. Mais au-delà de la temporalité même du crime, ces récits sont tous enchâssés dans la notion de conflit de pouvoir générationnel au sein des familles. Aussi peut-on s’attarder sur le moment du basculement temporel1 dans l’intrigue, car il est celui qui montre l’enclenchement du processus d’affrontement intergénérationnel. Dans La Vendetta, longue nouvelle ou petit roman de Balzac paru en 1830, la famille Di Piombo, de Corse, est « en vendetta » avec la famille Porta. Balzac oppose Ginevra Piombo, une jeune fille de seize ans, et sa quête amoureuse initiatique, à ses parents, qui veulent la garder pour eux. C’est autant un récit de vendetta que celui de la jalousie d’un père déterminé à rompre avec la fille qui l’a trahi. Il y a donc sous-jacent le jugement sévère que porte Balzac sur la manière coupable dont ses propres ascendants ont manqué de solidarité et d’empathie envers leurs descendants (Rosenzweig 2015, 10).

8Dans Colomba de Mérimée, texte classique de la vendetta corse, qui paraît dix ans plus tard, en 1840, la mise en scène de l’attente est fournie par des annonces et commentaires narratoriaux, et elle est entretenue surtout par le motif du retour au pays du vengeur. Orso a quitté la Corse fort jeune, et sa propre sœur, Colomba, n’était alors qu’une enfant. Mais elle devient adulte, et toute l’intrigue tourne autour du rimbecco, ou « avertissement, reproche », qui est le signal envoyé à celui qui tarde à exécuter une vengeance familiale.

9Avec Le Mouchoir rouge de Gobineau, l’intrigue de la vendetta est campée dans un conflit entre générations incarné dans le personnage trahi de Jérôme Lanza, parrain de Sophie, qui veut faire obstacle aux amours qui le dérangent. Gobineau oppose « ce vieux sigisbée », au jeune Gérasime. La génération du dessus est peinte sous des dehors peu flatteurs. L’intrigue bascule lorsque Gérasime reçoit le fameux mouchoir rouge, et elle avance avec les indices temporels du roman policier. On voit alors les rapports générationnels s’inverser. C’est Sophie qui prend le pouvoir et qui organise l’élimination de son parrain ; c’est elle qui prend l’ascendant sur sa mère, montrant ainsi la victoire sur les anciens, qui ne peuvent plus, à leur gré, disposer de la vie et du temps des jeunes.

10Dans la littérature indienne, le thème de la Partition entre l’Inde et le Pakistan est propice au traitement romanesque de la vendetta. Ainsi le roman Pinjar / Le Squelette d’Amrita Pritam raconte l’enlèvement d’une jeune femme hindoue par un musulman, qui la prend de force pour épouse, pour venger un affront fait par des hindous à des musulmans. Le temps du roman est dicté par le déroulement de plusieurs journées : celles qui précèdent le kidnapping, la journée elle-même du kidnapping, et la journée de l’arrivée du jeune frère de la victime qui surgit dans le village musulman pour venger sa sœur. Cette réaction de vengeance exercée par le frère de la jeune femme advient après un temps assez long. Dix ans ont passé, ce qui est traduit par l’expression « Il s’écoula des jours, des mois, des années ». Un beau soir, l’époux musulman de Pouro, Rashida, lui dit qu’il avait entendu son frère rôder dans le village à sa recherche : « Mon frère ? Il doit être devenu un jeune homme. Je ne l’ai pas vu depuis une dizaine d’années, sa moustache doit avoir poussé. Notre fils vient d’avoir 9 ans ».

11On voit donc que c’est l’arrivée à l’âge adulte d’une génération qui opère un basculement temporel, et donne un nouveau rythme à la dernière séquence de ce récit en prose de vendetta. De plus, le temps du roman est clairement divisé entre pré- et post-Partition de 1947, ce qui indique une intentionnalité de l’auteur. Cette date de 1947 évoque la grande histoire de la prise en otage des femmes en Inde du Nord : kidnapping, viols et célébrations forcées de mariage de femmes hindoues par des musulmans ; kidnappings, viols et célébration forcées de mariage de femmes musulmanes par des hindous. L’irruption d’une datation précise dans le récit – l’année 1947 – est un rappel douloureux, que l’auteur, Amrita Pritam, fait dans l’idée de déjouer les codes usuels, et de faire cesser les processus de vendettas et de réparation. Pouro, son héroïne, demandera à ne pas être restituée à sa famille d’origine, pour ne pas se trouver une seconde fois arrachée à l’environnement affectif qu’elle avait fini à grand-peine par recréer2.

Mythologie du bandit d’honneur, temporalité du sensationnel et saudade dans la littérature de colportage du Brésil et de Calabre

12Avec la littérature de colportage, qu’il s’agisse des estorias de trancoso3, folhetos de feira4 ou romances de cordel des cantadors5 du Brésil, ou des répertoires des cantastorie de Calabre, on entre dans le registre de l’oralité, et on se rapproche davantage des structures narratives de l’épopée indienne.

13Les récits colportés par les cantastorie, chanteurs-conteurs presque tous siciliens, rappellent les grands bouleversements qui ont touché brutalement la région, ou des faits divers concernant des voleurs, des bandits et des brigands. La plupart des histoires parlent de trahison, ou de vengeance de l’honneur bafoué. Les codes rejoignent les codes rituels et secrets de l’Honorable société calabraise (Zagnoli 1988-1989, 187). Selon Nello Zagnoli, qui a analysé les histoires de bandits d’honneur en Calabre, les récits sont comme « un miroir lyrique et épique qui est offert aux destinataires et l’exaltation de leur geste ne peut opérer que comme un mécanisme de feed-back. Drames de la jalousie, de la trahison et de la vengeance, ils provoquent l’émotion de l’auditeur et permettent l’identification de celui-ci aux protagonistes du récit, et aux différents temps du récit » (Zagnoli 1988-1989, 189).

14On peut trouver un exemple de ce phénomène dans la geste du brigand Musolino, diffusée en Calabre alors même que ce dernier était recherché par d’importantes forces armées et qu’il poursuivait sa vengeance. En exaltant sa figure auprès du public, le récit chanté confirme sa dimension de héros insaisissable. Les anecdotes qui concernent Musolino prennent la forme narrative d’exemplum, mais n’en demeurent pas moins homologues à la réalité des faits. À un long récit de traque succède un raccourci tragique pour signifier le passage du temps avant et après l’acte de tuer :

Un jour je me trouvai aux environs de Milet
Et je rencontrai Stefanu Zocoli.
Quand il me vit, il fit un pas en arrière
Par mépris, même le mulet je le tuai (Zagnoli 1988-1989, 181).

15Une autre référence importante concerne les romances brésiliennes de littérature de cordel des migrants, étudiées par Julie Cavignac. Ces récits sont dits de cordel, car on accroche leurs versions écrites sur des fils avec des pinces, comme du linge. Dans ces romances de cordel, l’adaptation des récits merveilleux à une réalité vécue par les migrants du Brésil passe obligatoirement par une réinvention des temporalités. Cette réinvention est entretenue par la présence anachronique de la modernité dans des lieux et récits anciens et donc par l’introduction de petits détails comme un téléphone, ou une voiture dans le corps du récit situé dans le lointain passé. On donne à entendre un récit « réaliste », « où l’on retrouve des indices permettant de croire que l’histoire s’est réellement passée – cadre géographique, précision d’un métier actuel ou disparu, situation caractéristique du sertão, toponymes, patronymes de la société nordestine , etc. » (Cavignac 1997, 37).

16Il est alors tentant d’observer le traitement du thème du bandit d’honneur à l’œuvre dans les films de la geste d’Antonio das Mortes de Glauber Rocha, dans cette même terre du Nordeste du Brésil et des Cangaceiros, le Sertão, pour voir s’il reprend l’angle de temporalité adopté dans la littérature de cordel. Comme en Inde, les grands propriétaires terriens ont leurs milices armées, contre lesquelles se battent les Cangaceiros. Dans Le Dieu Noir et le Diable Blond, et dans Antonio Das Mortes, la temporalité de la vengeance est orchestrée comme une chorégraphie de ballet. L’usage de la métaphore du combat de saint Georges contre le Dragon, les costumes des Cangaceiros, ainsi que le passage de la Sainte vêtue de blanc à cheval avec son assesseur noir, inscrivent ces conflits pour la terre et ces luttes de classe dans un lointain passé, et donnent au devoir de vendetta une charge poétique et quasi mystique.

Temps long et temps court dans les épopées de vendetta du Nord-Est de l’Inde

17Si l’on admet, avec Nello Zagnoli, que « le miroir lyrique et épique des récits doit avoir un lien avec le passé des destinataires », cela suscite une difficulté, car alors en ce cas, pourquoi irait-on réciter, en Inde, des épisodes du Ramayana et du Mahabharata, histoires princières, qui demeurent à la fois loin du présent, et loin du vécu des gens ?

18Cette question trouve peut-être sa réponse dans le rappel d’un fait divers tragique, l’assassinat d’un acteur de théâtre en milieu rural, en pleine performance, pour avoir joué le rôle d’un bandit d’honneur de caste intouchable aimé d’une fille de zamindar, en 1998, au Bihar, dans une version théâtrale d’une épopée de vendetta (Narayan 2001). La façon dont la narration de l’ancien temps est rendue donne le sentiment du présent dans les épopées qui exaltent les scénarios de vengeance.

19Comme les sources de fiction romanesque ou de filmographique, qui en ont hérité en grande partie, l’épopée de vendetta s’organise sur la base des conflits de génération et utilise des procédés semblables. Cependant, certains des repères et signalements du temps inhérents à la prose ne font pas partie du niveau de langue du registre épique. Ce n’est pas que ces critères soient absents de l’oralité, mais ils sont utilisés avec une autre intentionnalité. Ainsi la distinction entre matin et soir est rarement mentionnée. On utilise plutôt l’association « du soir au matin » pour montrer une continuité. De même, la mention d’une heure précise, ou d’un jour, intervient peu, mais le temps est marqué par le calendrier des fêtes. Dans l’épopée de Lorik, par exemple, la rencontre amoureuse entre Lorik et Canda est située dans le temps des trois jours de la fête de Holi. La division entre ces trois jours est bien marquée. Quant à la division de l’année en mois, elle peut compter d’autant plus que des chants traditionnels existent, les barahmasa, dans lesquels la chanteuse énumère les douze mois de l’année par leur nom et les caractéristiques. Dans les cycles épiques de l’Inde du Nord-Est, plusieurs récits sont consacrés au thème du bandit d’honneur et/ou de la vendetta. Comment procède alors l’épopée, si elle ne dispose pas de tous les repères et signaux temporels dont disposent les récits évoqués plus haut ? Et comment l’épopée de vendetta de l’Inde du Nord, en bhojpuri, maithili ou magadhi, opère-t-elle pour traduire la temporalité de la vengeance ?

20À travers les épopées les plus connues, Cuharmal, Gauraiya, Vijaymal ou Laciya, j’ai mis au jour deux temporalités qui rythment les récits de vendetta. Ces temporalités diffèrent profondément des cycles épiques de conquêtes de royaume et batailles proprement dits comme Lorik ou Alha-Udal. Cela implique aussi de moins utiliser le stock de formules toutes faites dont le barde dispose pour décrire des mariages ou des batailles. On distingue donc un temps long et un temps court, qui alternent, mais dans les deux cas, on constate que l’épopée partage des procédés avec d’autres genres narratifs.

21Pour le temps long, on a souvent recours à la prose dans les histoires de vendettas. Pour le temps court, l’épopée reprend la structure poétique et versifiée, et partage des procédés avec un genre de littérature populaire qui fait appel au sensationnel, afin de créer un sentiment de l’horrible et du destin tragique, comme les récits de faits divers sur feuilles volantes bretons et autres complaintes étudiés par Daniel Giraudon, ou comme les littératures de cordel brésiliennes. En plus de cette distinction opérée entre temps court et temps long, l’épopée mobilise plus l’émotion.

22L’épopée de Gauraiya est brève, mais ce personnage, bandit des grands chemins détroussant les voyageurs, pillant les boutiques, détruisant les registres, dévalisant les marchandises – surtout des bouteilles de vin –, se présente comme le vengeur des classes opprimées ; il est aussi vénéré que l’étaient, en Italie le fameux el Tempratino (le Matinal), le redoutable Musolino, ou les héros des romances de cordel. Le récit aménage un temps long, qui est celui de toutes ses caches, dans les forêts, dans les villages, dans les étables, dans les porcheries, pour échapper à la loi, et un temps bref, qui est celui des attaques surprises. Puis il repasse à un temps long, celui où il redistribue ses larcins aux populations. Le temps long, qui insiste sur divers lieux de repli, aide à donner la sensation du danger et de la clandestinité. Le temps court, celui des attaques surprises, donne la sensation du héros omnipuissant, surgissant de nulle-part, à l’improviste. L’énumération des largesses, longuement distribuées, donne la sensation d’opulence et de générosité. Le nom de Gauraiya joue sur une double étymologie, car il signifie à la fois « ce qui appartient au bétail » et « le lieu où on enterre les morts », reliant ainsi sa mythologie au culte des ancêtres morts.

23Cuharmal, seconde figure de l’imagerie populaire, s’en prend davantage aux riches propriétaires terriens. Son épopée des Dusadhs narre la vengeance d’un membre d’une caste de service sur la famille d’un Kshatriya, de statut supérieur, qui possède les terres, Azab Singh. Ici, c’est une alternance jour/nuit qui retient l’attention. Cuharmal, le héros hors-la-loi régional opère la nuit, par surprise, soit pour voler le bétail, soit pour faire paître ses propres bêtes sur les terres des grands propriétaires. Le jour, il avance masqué, se déguisant en voyageur pour voler leur argent et leurs bijoux aux plus aisés. C’est toute une lutte des classes qui est en cause, car dans le combat, les paysans, non autorisés à porter des armes au grand jour, comme les castes nobles, prennent la nuit pour alliée. C’est la nuit, d’ailleurs, que Cuharmal attire la noble Reshma dans un piège mortel. Elle renaît en nagini (femelle du serpent) et cherche à se venger sur le fils de Cuharmal, mais sans succès. Selon Badri Narayan, on arrive ainsi à ce que « le langage du passé remplace celui du présent. Et ces évocations du passé servent à redonner l’estime de soi aux paysans opprimés » (Narayan 2001, 150). En effet, cette épopée de vendetta est élevée au niveau du statut de récit de fondation du royaume de Mokama.

24Avec Vijaymal, qui se profile comme le récit d’une vengeance entre samadhi, beaux-parents d’un couple, issus de nobles clans, on revient au thème du désaccord entre générations. L’élément déclencheur du processus de vendetta entre deux clans a pour origine l’accusation d’un fils reprochant à son père d’être trop scrupuleux, et de ne pas accepter de donner la main de sa fille, au prétexte qu’il ne connaît pas assez bien l’état de fortune du prétendant. Une entorse à la coutume est alors faite, car l’accord de mariage est passé par le frère aîné de la fille. Mais il n’a pas vraiment l’autorité, et le futur beau-père, qui refuse l’union, traite mal la délégation des représentants du marié. Puis il immobilise par surprise et emprisonne la parentèle et les invités de son futur gendre. On bascule alors dans un autre récit, et dans un autre temps, qui est celui de l’enfance de Vijaymal, l’anti-héros, le héros réticent. Depuis son enfance, il subit des pressions, et se fait couvrir de honte car il n’a pas vengé ses parents. Au fur et à mesure qu’il grandit, ses compagnons de jeu s’écartent de lui. Toute son enfance, Vijaymal résiste, et tente de se soustraire à la loi de la vendetta. Plus d’une fois, lorsqu’on fait allusion au fait qu’il doit venger ses parents humiliés et emprisonnés, il se réfugie dans le sommeil :

Honteux, Vijaymal partit se réfugier dans le salon de repos
Où il dormit, recouvert d’un drap de velours.

25Mais lorsqu’il atteint ses vingt ans, Vijaymal, jusque-là un enfant timide, pleureur et peu bagarreur, passe à l’âge adulte, et il prend en main la vengeance. Le temps passé se mesure à la fabrication que fait le forgeron d’un jeu de balle en fer, le gulli danda, jeu traditionnellement réalisé en bois pour les enfants. C’est comme la remise d’une arme, et un signal qui annonce un basculement temporel. On voit alors Vijaymal et Tilki, sa future épouse, unir leurs forces pour contrer la génération du dessus. Pour pouvoir se marier, il tue le frère aîné et le père de son épouse. La vengeance, à travers ce conflit de clans de nobles familles, cristallise le passage du temps et manifeste le remplacement d’une génération par l’autre.

26Dans l’épopée de Laciya Rani, quinze ans séparent le kidnapping de la reine Laciya et la vengeance exercée par son enfant. Le récit s’attarde sur toutes les ruses dont se sert l’assaillant pour s’emparer de la jeune femme : études du terrain, tentatives échouées puis réussies d’alliance avec une complice, approches et démarches de reconnaissance des lieux. Puis l’épopée recourt au raccourci tragique au moment de décrire la scène du kidnapping. Laciya est enlevée près d’un étang, dans son propre palais, par un raja rival de son époux, lequel époux est tué en tentant de la délivrer :

Lorsque Laciya vit les soldats du raja assaillirent l’étang de son palais
Elle courut se cacher vers le temple de Shiva
Mais lorsque ses alliés eurent clamé leur victoire,
Le roi, ce criminel, se dirigea vers le temple.
Savourant son triomphe, il la fit installer sur son char volant
Ce roi qui la convoitait l’emmena dans son royaume
Le cœur plein d’une joie mauvaise
Il l’emmena dans son palais
Tous les seigneurs qui lui tenaient lieu d’escorte
Repartirent avec lui.

27Cette scène de kidnapping très resserrée diffère du kidnapping de Pouro dans le roman d’Amrita Pritam, préparé sur plusieurs journées6. On revient alors à Randhirwa, le fils de Laciya. À partir de l’âge de quinze ans, il reçoit des quolibets d’amis à lui, car il laisse sa mère en captivité sans intervenir, et ne venge pas le meurtre de son père. On insiste sur son indignité. Puis le récit s’accélère. Randhirwa ayant pris sa décision se rend dans la ville où sa mère est captive, tue le roi kidnappeur, et ramène sa mère. Le récit rebondit lorsque Randhirwa devient à son tour père, et qu’une fois adulte, son fils qui se nomme Devkunvar, s’en va tenter sa fortune à l’étranger, dans le métier d’armateur. Il est rappelé en Inde, convoqué par son clan qui ne s’estime pas assez vengé, et exige de lui de tuer les descendants du roi kidnappeur. Il refuse de s’exécuter, mais le clan le menace d’excommunication. Pour comble de malchance, en son absence, un marchand courtise sa femme. La famille le somme de liquider ce marchand. Il y est contraint là encore. À la fin de l’épopée, le sort le récompense par la prospérité.

28Dans ce temps long sont décrits les jeux des héros, leurs relations avec leurs camarades. Comme pour amplifier ce temps long, le récit ne se fait plus sous forme de vers, mais en prose, ce qui donne l’impression de familier, de normalité, et d’une vision du temps qui s’étire par rapport au vers scandé. Contrairement aux épopées martiales, où les scènes de combats se présentent en interminables descriptions, ici, la violence est limitée dans de brefs passages, qui privilégient le sensationnel. Une attention est davantage donnée aux hésitations des héros, à leurs réticences à endosser l’habit du meurtrier, et aux pressions psychologiques dont ils sont l’objet. L’étau du temps se resserre sur le héros, qui ne peut plus se réfugier dans l’innocence de l’enfance, d’où la symbolique de tous ces petits jeux et jouets traditionnels que l’épopée s’attache à décrire.

29Le détour par la fiction romanesque et la filmographie a montré les spécificités de la temporalité dans l’épopée. Dans la réalité, comme dans le roman de Pinjar, ou dans la nouvelle de Colomba avec la présence des Anglais, des échappatoires sont possibles, et une intervention extérieure peut interrompre la chaîne des vengeances. Par exemple, dans les années 1970, au Bihar, « les employeurs ressentaient une atteinte à leur prestige et une menace envers leur position de privilégié le fait qu’un ouvrier vienne leur réclamer une augmentation. De leur côté, les Harijan voyaient leur prestige s’accroître du fait de tuer d’éminentes personnalités, membres des tribunaux ou grands propriétaires terriens Zamindar » (Frankel 1989). Le plus célèbre et le plus redouté d’entre eux, le Harijan Binda, dont les hautes castes avaient la terreur, devait sa figure légendaire à sa volonté de « venger l’honneur des femmes Harijan violées » et de rendre aux membres de sa caste la dignité dont on les avait privés. Il fut tué au cours d’une opération gouvernementale de liquidation des agitateurs, menée en 1978 sous l’État d’urgence. En Calabre aussi, c’est la police qui intervient, mais cette fois, pour confisquer à la source les livrets qui font des récits de révolte et de vengeance et exhortent à la violence. Mais tel n’est pas le cas dans l’épopée.

30La structure narrative d’alternance de temps long, en prose, et de temps court, versifié, en accordéon, donne l’idée d’une mécanique bien rodée, et d’un mouvement qui ne peut s’interrompre. Les alternances temps court / temps long reflètent aussi les allers et retours de la pensée du héros, entre adhésion et refus. Entre les deux prend place un temps différé, assorti d’une menace qui plane, aménagée dans un laps de temps qui se trouve être celui où un enfant peut grandir. Les épopées de vendettas fortifient le sentiment d’appartenir à une même collectivité, à un même clan. « Se forgent alors les éléments d’une histoire commune, scandée par les péripéties diverses qui ponctuent le cours de chaque vendetta. Les chants narratifs et faits divers présentent un caractère légendaire, mais sont perçus comme inscrits dans le présent » (Vidal 1994). Parfois on donne des détails, des noms de clans, des noms de lieux. Parfois, au contraire, on se garde de le faire, car, ainsi que le dit Denis Vidal, « il faut que ces chants puissent être entonnés par tous les clans pour qu’ils aient une chance de s’inscrire dans la mémoire collective » (Vidal 1994, 107). Cette historiographie particulière est transmise par les récits des aînés aussi bien que par les chants des bardes entonnés au cours des fêtes et des veillées : « Tous les auditeurs sont ainsi élevés et préparés à l’idée du sacrifice qui peut être exigé d’eux ainsi que des risques permanents qu’ils courent du simple fait de leur identité » (Vidal 1994, 107).

31On voit alors que, contrairement aux structures narratives et à la représentation du temps dans l’épopée peule du Massina, « où les éléments convergent pour créer l’expression de l’une des vertus cardinales dont se réclame le héros épique peul, sa liberté non entravée » (Baumgardt 2016, et ce volume), le héros de l’épopée indienne dispose d’une faible marge d’action. Le rapport au passé et le devoir d’obéissance à la génération précédente suggèrent que, vengeur ou vengé, chacun est piégé.

32Toutefois, les comportements illustrent des contradictions entre les valeurs des clans et celles de la société globale, ou entre la sensibilité personnelle d’un membre du groupe et son clan. Le thème du refus de vendetta nous aide aussi à comprendre la temporalité qui est théâtralisée : la société traverse une crise, comme le montre l’épopée ; on ne souhaite plus se relier au temps de l’épopée, c’est-à-dire qu’on ne souhaite plus autant se relier aux ancêtres. Ce qui est affirmé, avec le refus des vendettas, « c’est la mise en cause de la bénévolence d’un monde où la mort est une promesse d’ancestralité » (Vidal 1994). Aussi, selon l’horizon d’attente de l’auditeur – élément qui implique la prise en compte de la réception de l’œuvre par le lecteur ou l’auditeur – (Jauss 1990 ; Kalinowski 1997), l’accent est-il mis sur la rupture générationnelle ou la réconciliation générationnelle, voire, plus encore, sur la rupture avec l’ancestralité.

33Mais plus on avance dans la réflexion sur le temps rapporté, plus le rapport à l’espace apparaît. Pas de temporalité sans prise en compte de l’espace. En ce qui concerne la vendetta, des lieux sont associés au déroulement temporel des événements : le paysage de montagne, les chemins escarpés, l’importance des abris, des caches… La gestuelle corporelle, et tout ce qui se traduit par les verbes de mouvement – comme le fait de se cacher, qui suspend le temps –, doivent être analysés, comme par exemple, « Quand il me vit, il fit un pas en arrière », dans le récit de Calabre, ou comme la répétition de : « il l’emmena » dans le récit du kidnapping de Laciya. Pour mieux comprendre les temporalités, il faut mettre en relation ces diverses données « espace et temps », qui sont inhérentes à la composition de l’épopée.

34De plus, l’oralité ne peut seule obtenir l’effet d’ancrer une temporalité. Il faut d’autres facteurs tels que la visualisation (par des images, ou des livrets de colportage) et la ritualisation (par des cultes rendus à des statues, des cérémonies de souvenir, et des commémorations) (Narayan 2001, 149). On arrive ainsi à ce que « le langage du passé remplace celui du présent » (Narayan 2001, 150). Il reste enfin à voir le rôle de la musique dans l’expression de la temporalité. Car si le passage en prose est le plus souvent accompagné de silence musical, la poésie chantée et son accompagnement de musique ajoutent de l’émotion, pour mieux donner son ressort épique à la temporalité.

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Filmographie

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Das Mortes, Antonio, Le Dieu Noir et le Diable blond, Deus co Diabo na Terra do Sol, Glauber Rocha, 1964.

Notes

1 J’emprunte cette expression à Léonor Conte, dans sa communication « Sauvons le graphisme français » au colloque The History of Design in France, INHA, 21 juin 2017.

2 Attitude conforme à la réalité historique : les femmes kidnappées ont reçu des propositions de leurs gouvernements respectifs pour être restituées aux familles. Mais elles ont ignoré l’offre, et fait valoir leur droit à la paix et à la dignité.

3 Dans le Nordeste, nom donné aux histoires de la tradition orale.

4 Histoires en vers imprimées comportant de quatre à seize pages.

5 Poète spécialiste de l’improvisation poétique chantée, s’accompagnant d’une guitare à dix cordes.

6 Chaque journée amenant un détail différent. Une fois, Rashida épie Pouro dans le village, une autre fois, il rassemble des vêtements de femme, un autre jour, il monte la garde.

Pour citer ce document

Catherine Servan-Schreiber, « Temporalité de la vendetta dans les épopées indiennes du Bandit d’honneur », dans Les Temps épiques : Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée, sous la direction de Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin, Publications numériques du REARE, 15 novembre 2018 Licence Creative Commons

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/reare/index.php?id=351

Quelques mots à propos de :  Catherine Servan-Schreiber

Après une spécialisation en littératures médiévales indiennes (EPHE IVe section), Catherine Servan-Schreiber, chercheur au CEIAS (CNRS/EHESS), s’est consacrée à l’étude de la transmission des épopées bhojpuri sous leur forme orale et de livret de colportage. Elle a édité le volume collectif Traditions orales dans le monde indien, Purusartha (1995), et elle est l’auteur de l’ouvrage Chanteurs itinérants en Inde du Nord. La tradition orale bhojpuri, Paris, L’Harmattan (1999).

S’intéressant au statut de l’oralité en Inde, elle a publié l’article « Folklore / littérature / orature. Frontières et cloisonnements dans l’histoire littéraire indienne » dans le numéro de la Revue de littérature comparée consacré aux Problèmes d’Histoire littéraire indienne, édité par Claire Joubert et Laetitia Zecchini en 2015. Elle enseigne les gatha et premakhyan, textes mystiques Nath et soufis de l’Inde (xiie-xvie siècles) et les répertoires épiques bhojpuri dans le cadre du master Oralité de l’INALCO.