Les Temps épiques
Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée

sous la direction de Claudine Le Blanc (maître de conférences HDR en littérature comparée à l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) et de Jean-Pierre Martin (professeur émérite de langue et littérature du Moyen Âge à l’Université d’Artois)

Le volume constitue les actes du septième congrès du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées (REARE), organisé conjointement par Ursula Baumgardt (INaLCO/Llacan), Romuald Fonkoua (Paris-Sorbonne), Claudine Le Blanc (Sorbonne Nouvelle/CERC) et Jean-Pierre Martin (Université d’Artois/Textes et Cultures), qui s’est tenu à Paris les 22, 23 et 24 septembre 2016 à l’INaLCO et  à la Sorbonne. Il propose une exploration de la question de la temporalité dans l’épopée, question qui reste paradoxalement peu étudiée de façon systématique, en vingt-sept études couvrant un très vaste empan géographique et historique (de l’Afrique à l’Inde, de l’Antiquité aux séries contemporaines), précédées d’une introduction par les coordinateurs.

Les temps épiques
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Dédicace
  • Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin  Introduction

Le « futur passé » : récit de guerre épique et expérience du temps

Marion Bonansea


Résumés

Si le rapport entre la guerre et la chanson de geste peut expliquer l’évolution du genre, il est permis de penser que, plus profondément encore, une expérience du temps s’est modifiée. La configuration narrative du processus guerrier dans la chanson de geste du xiie siècle traduit en effet un principe global de justification reposant sur la notion de réaction. Nous proposons d’y voir le révélateur d’un « régime d’historicité » spécifique à la chanson de geste. Selon ce régime, l’horizon d’attente d’une guerre correspond toujours au retour à un état antérieur, ou considéré comme tel : le rapport que l’épopée romane entretient avec l’Histoire se place ainsi sous le signe de la référence au passé, propre à la société chrétienne seigneuriale de l’époque.

To shed light on the evolution of the chanson de geste, we suggest perceiving it through the lens of a time experience. Indeed, the French medieval epic of the xiith century and the beginning of the xiiith century is a war narrative based upon a specific time order, akin to this literary genre, and perhaps more to the way of thinking of the period. On a narrative level, the chanson de geste represents warlike processes like self-creating movements. Thus, the defensive and vindictive approach prevails and conflicts keep recurring – a start in the narrative being quite often a mere resumption from a diegetic perspective. This configuration conveys a global principle of war justification based upon the notion of reaction. Isn’t that symbolic of “a regime of historicity” (i.e. a way of linking the past, the present and the future) which is typical of the epic and exceeds the distinctions between the different narrated fights (revolts, religious wars) and the different gestes, mainly opposing the epic to the novel? According to this “regime of historicity”, the expectations of a war always match a return to a former state, or considered as such, and the relation to history then provides a reference to the past. Some generic features are enlightened but they are not so much stereotyped features of a literary system as they express more a historical consciousness common to other time narrations.

Texte intégral

1Daniel Poirion suggérait que le « rapport entre la chanson de geste et la guerre pourra[it] expliquer l’évolution du genre et sa disparition d’une manière plus simple et peut-être plus profonde que l’étude des idéologies politiques1 ». D’une part, la chanson de geste tardive est plus nettement marquée que celle du xiie siècle par un mélange de genres2, le héros y est confronté à une multiplication d’aventures à teneur romanesque, tandis que les cycles ou gestes épiques évoluent vers de vastes constructions moins fragmentaires. D’autre part, il est vrai, les pratiques et les discours de la guerre évoluent : le pouvoir monarchique centralisateur capétien cherche à mieux contrôler les luttes seigneuriales3 et l’on glisse vers la possibilité de guerres nationales qui seront celles du xive siècle. Ce changement dans la manière de concevoir les enjeux guerriers conduira, d’ailleurs, de la reconquête de la Terre sainte à une dynamique expansive de conquête, comme celle du Nouveau Monde4. Y aurait-il donc une spécificité de la pensée de la guerre dans la chanson de geste du xiie siècle à même d’éclairer les particularités génériques de cette forme littéraire ? Et dès lors, comment comprendre le lien entre des justifications idéologiques et la construction narrative ? Où ce lien se situe-t-il, à quel niveau ?

2On peut supposer qu’il réside dans une conscience temporelle commune, dans une expérience du temps envisageable sur un plan anthropologique. En effet, l’organisation narrative de la chanson de geste, marquée par la répétition et l’inachèvement, n’est pas uniquement un stéréotype propre à un système littéraire. Nous verrons qu’elle est bel et bien redevable à la manière qu’ont les auteurs de concevoir ce qui fait l’objet même de leur récit, la guerre. Mais il est aussi permis de penser que, plus profondément encore, derrière la conception de la lutte, se joue une expérience temporelle. L’épopée médiévale française du xiie siècle et du début du xiiie siècle se fonde sur un ordre du temps particulier, propre à cette forme littéraire, et peut-être plus généralement inhérente au mode de pensée d’un groupe social, voire d’une société et d’une époque.

3On le sait, le récit organise le temps. Du nœud au dénouement d’une histoire, un sens se déroule qui doit permettre d’accomplir, selon la formule de Paul Ricœur, une « synthèse de l’hétérogène5 ». L’œuvre de ce philosophe étudie la capacité de la narration et de la lecture à configurer notre expérience temporelle en proie à l’aporie de perspectives insaisissables – le passé qui n’est plus, le futur qui n’est pas encore, le présent qui se dérobe sans cesse, la contingence des événements6. Il insiste sur l’inscription de ces derniers dans une totalité intelligible, qui ordonne ce qu’il nomme « un divers d’incidents » – « des circonstances, des buts, des moyens, des interactions, des résultats voulus ou non voulus7 » – lors des opérations par lesquelles un lecteur s’approprie une œuvre8. A priori, le récit de guerre doit remplir cette fonction configurante de la mise en intrigue, à condition de faire apparaître la lutte comme un processus dynamique nouant entre eux des causes, des moyens, des buts, des issues, menant le lecteur depuis le déclenchement initial du contentieux jusqu’à la victoire finale des uns et à la défaite des autres.

4Or le récit de guerre médiéval qu’est la chanson de geste ne répond pas parfaitement à ce modèle car la temporalité des conflits dans les épopées romanes du xiie siècle semble déborder une organisation que la narration ne parvient pas à imposer tout à fait. L’examen des débuts de récit et de leur coïncidence avec l’origine de la lutte le montre : le temps initial de la diégèse n’est jamais le temps initial du conflit, il coïncide plutôt avec l’émergence d’un antagonisme déjà existant, lorsque le narrateur ne s’applique pas à brouiller toute détermination possible du contentieux. Ainsi, la chanson d’Aliscans telle qu’on la trouve éditée commence absolument in medias res9. Au premier vers, « A icel jor que la dolor fu grant », le démonstratif et l’article défini « la », en emploi mémoriel, renvoient à un horizon référentiel connu des lecteurs et du jongleur. Les 14 vers suivants résument une action déjà accomplie et escamotent complètement la question des origines du conflit. Dans Raoul de Cambrai, les prémices de la lutte s’accumulent au contraire ; mais aucun des événements qui précèdent les premiers affrontements entre les troupes du héros Raoul et celles des fils du comte dont il revendique la terre (le Vermandois), ne permet de circonscrire nettement un début de guerre. Le poète annonce, après la spoliation de l’héritier du Cambrésis par le roi, que cet acte débouchera sur un conflit ; pourtant les choses en restent là. S’ensuit le meurtre des petits-fils du comte de Vermandois par Raoul, moment que le texte semble désigner comme déclencheur10 ; mais là encore, l’attente est déçue11. Vient alors, comme conséquence du premier don, la concession compensatoire du Vermandois à Raoul. Or le poète a beau annoncer encore qu’un conflit en découlera, « une grant piece demora puis ensi12 », jusqu’à la mort du comte Herbert. Le récit joue longtemps à enchaîner les causes, et la guerre n’en finit pas de commencer, jusqu’au moment, plus nettement repérable, où s’affrontent enfin les deux armées. Paul Ricœur notait, s’appuyant sur Aristote : « c’est en vertu seulement de la composition poétique que quelque chose vaut comme commencement […] : ce qui définit le commencement n’est pas l’absence d’antécédent, mais l’absence de nécessité dans la succession13 ». Les débuts de chansons de geste contreviennent partiellement à cette idée en réintroduisant une dépendance des faits liminaires par rapport à des faits antérieurs (c’est le cas d’Aliscans) ou en surdéterminant le rapport de nécessité entre les événements initiaux et les faits postérieurs (ainsi dans Raoul de Cambrai).

5En fait, tout commencement est bien souvent un recommencement dans l’épopée romane, à tel point que certaines chansons ont pu être formées par un assemblage de poèmes originellement distincts, mais dont les récits s’articulaient grâce au réinvestissement par un fils ou un neveu du conflit d’un père ou d’un oncle. C’est le cas dans Raoul de Cambrai, lorsque le jeune Gautier rouvre les hostilités contre le Vermandois pour venger son oncle Raoul. Cette réémergence a pu engager les critiques comme William Calin ou Sarah Kay à voir dans cette chanson la réunion de deux poèmes originaux, le début du second se réduisant alors à une étape de l’histoire englobante14.

6Le caractère répétitif des relations conflictuelles dans ces œuvres dérange l’ordonnancement clos de la mise en intrigue car ce qui devrait être une fin n’est plus qu’une suspension précaire, éventuellement une ouverture vers un recommencement : on le voit dans La Chanson de Roland où la dynamique guerrière resurgit lorsque Charlemagne est envoyé par saint Gabriel en « tere de Bire » pour aider un roi Vivien assiégé15 ; ou dans La Chanson d’Antioche, qui s’achève sur l’exhortation à poursuivre la reconquête qu’un messager du Christ adresse aux croisés :

Li termes est venus que Dex noma el plait,
Si fil Le vengeront que de mort racatait.
Jherusalem verrés, si l’arés entresait16.

7La reprise régulière d’hostilités qui semblent s’apaiser seulement en surface met à mal l’idéal de l’intrigue conçue comme totalité temporelle. La fonction configurante du temps narratif n’est donc pas absolument accomplie. L’organisation narrative et codicologique en cycles, dont la geste de Garin de Monglane à laquelle appartient Aliscans est un bel exemple, et qui paraît une tendance inhérente au genre épique médiéval, va tout à fait dans ce sens.

8De fait, le discours de Paul Ricœur trouve sur ce point des prolongements et des nuances chez les critiques contemporains. D’un point de vue narratologique et cognitif, par exemple, Raphaël Baroni opposait récemment le récit de fiction au récit historiographique en soulignant que si le but rêvé du second est bien « de parvenir à une compréhension aussi complète […] que possible des événements passés17 », le premier remplit une fonction plus « intrigante » que « configurante18 » : il fonctionne en intriguant son lecteur, ce qui suppose de différer le sens le plus longtemps possible, sans ordonner le temps trop rapidement, ni absolument19. Au fond la chanson de geste, par la réouverture incessante du conflit qui est l’objet de son récit, diffère elle aussi sans cesse la fin ultime et répond à cette visée « intrigante ».

9Cependant, moins d’un siècle plus tard, le roman cyclique en prose organise en totalité close la grande histoire arthurienne. Même si « fonction intrigante » et « fonction configurante » ne sont que « deux pôles extrêmes20 » entre lesquels oscille toute narration, on peut se demander pourquoi le rapport du récit au temps s’est modifié sur une courte période. S’agit-il d’une caractéristique d’ordre générique ? Mais la notion littéraire de « genre », qui se définit de manière auto-référentielle en ce qui concerne le Moyen Âge dépourvu de textes théoriques sur la question, n’a-t-elle pas des racines plus profondes ? Pour Daniel Poirion, on s’en souvient, l’évolution de la forme épique est certainement liée au « rapport entre la chanson de geste et la guerre21 » : c’est là une piste prometteuse, tant nous avons vu que le rythme des conflits empêchait effectivement l’ordre temporel attendu de se réaliser. Il s’agit donc à présent d’examiner la conception de la guerre propre à l’épopée romane, susceptible d’expliquer le triomphe d’une modalité « intrigante », répétitive et ouverte, du récit.

10Dans la chanson de geste du xiie siècle, les conflits suivent une dynamique sui generis car la satisfaction d’une partie limite toujours peu ou prou celle de l’autre, qui relance alors les hostilités. C’est le cas de l’opposition entre chrétienté et paienie : dans le prologue de La Chanson d’Antioche, par exemple, il est avant tout question de libérer une terre injustement conquise. Les croisés doivent reprendre à l’ennemi un territoire et les sources de revenus qui en dépendent :

[Diex] a tramis Ses lettres par Sa terre la gente,
Que tot viegnent a Lui por racater Sa rente22.

11La reconquête se justifie donc à partir d’un droit héréditaire, la Terre Sainte étant désignée comme « l’ireté23 » des fils de Dieu (parfois désignés aussi comme ses vassaux). L’évêque du Puy déclare au sarrasin Corbaran : « cis regnes est nostres d’anciien tenement24 ». Mais les païens répondent dans des termes forts similaires et taxent cette revendication de folie :

Oiez com il me mandent estrange derverie [rapporte Corbaran aux siens] !
Que cis regnes est lor de vielle ancisserie25.

12Le processus guerrier avance ainsi par à-coups, chaque affrontement activant le mécanisme de la reconquête ou de la vengeance – notions fréquemment associées à la reprise des opérations dans les textes. Il en va de même, du reste, pour les luttes seigneuriales, témoin Aliscans où un conflit entre deux grands et leurs lignages se surimpose à la guerre de nature religieuse. Déramé l’envahisseur païen est aussi l’oncle de Thibaut dont Guillaume s’est approprié la femme et la terre, et il cherche à venger le déshonneur subi par son neveu. Mais la seconde partie de la chanson répond également à une logique vindicatoire : sans doute sur le modèle de La Chanson de Roland, le jongleur insiste sur la valeur de représailles de la seconde bataille car il s’agit cette fois, de la part des chrétiens, de faire payer à l’ennemi la mort de Vivien neveu de Guillaume26.

13En somme, le dynamisme des conflits paraît obéir à une forme d’auto-engendrement parce que le principal système de justification de la guerre dans les poèmes repose sur la notion de revendication comprise au sens large, c’est-à-dire comme réponse au bouleversement d’une situation que l’on juge souhaitable, afin de la rétablir. La vengeance elle-même, composante essentielle de l’organisation juridico-sociale du Moyen Âge féodal, repose sur ce mécanisme : l’agressé doit voir dans la violence subie la conséquence d’un acte qu’il a commis antérieurement, conséquence qui est censée effacer ce mal par sa reproduction. Les images évoquées ou les temps utilisés pour exprimer la volonté de vengeance mettent en lumière le sentiment d’une rupture de la continuité temporelle qu’il faut effacer, dépasser. Dans Raoul de Cambrai, Bernier s’adresse ainsi à Raoul, qui vient de le blesser à la tête malgré le lien de vassal à seigneur qui les unit :

Ja envers vos ne me verrés paier
Jusqe li sans qe ci voi rougoier
Puist de son gré en mon chief repairier.
Qant gel verai, lor porrai esclairier
La grant vengance qe vers ton cors reqier27.

14Bernier veut suggérer là une hostilité sans fin, une sortie définitive de l’hommage, et utilise dans ce but la figure de l’adynaton puisqu’il est tout à fait impensable que le sang retourne jamais de lui-même à la plaie. L’image met bien en avant la notion de rétroaction (repairier), qui est aussi en quelque sorte effacement. Il n’y aurait de paix possible qu’à la condition que la blessure se referme dans un invraisemblable retour du sang sur lui-même, en somme, dans la négation même du coup porté.

15Pour autant les racines de ce mode de justification de la guerre ne sont pas uniquement féodales car ce système de légitimation se retrouve dans l’effort clérical d’acceptation de la violence. Saint Augustin condamnait les guerres d’ambition et de conquête dans la mesure où la nécessité d’un conflit vient de la méchanceté de l’adversaire28 ; et l’utilisation du lexique vindicatif pour sacraliser la lutte est ancienne dans les énoncés cléricaux. On la trouve par exemple dans les récits de « miracles de saints » fréquents au xie siècle où les vengeances sont « de loin les premiers motifs » de l’intervention des saints29. La vengeance peut donc avoir une dimension spirituelle, ce qu’illustre notamment l’expression Deu vengier très présente dans La Chanson d’Antioche. Ce texte est saturé de formules indiquant la vengeance du Christ, désireux

… Que crestiien por Lui la Sainte Crois presist
Et qu’il L’alast vengier del lignage Andecrist30.

16Le prologue de la chanson suggère une temporalité qui progresse en se répétant puisqu’il mentionne la prise de Jérusalem par Titus et Vespasien, devenus vengeurs du Seigneur contre les Juifs, comme une simple préfiguration de la vengeance menée par les croisés contre les Sarrasins. Ainsi les méfaits accomplis par les païens se substituent-ils à l’injure originelle de la Passion, et même se confondent-ils avec elle, « Dont fu vengiés Nos Sire et encore sera31 ». Comme l’écrit Philippe Buc, la vengeance de Dieu est considérée comme « un acte caractéristique du temps de l’Église32 ». En somme, le point commun entre la conception chrétienne cléricale et le discours féodal réside dans le désir d’effacer au moins symboliquement le mal subi, et de revenir sur un état des choses qui a été bouleversé. Ce mode général de justification de la lutte est omniprésent dans la chanson de geste, qu’il s’agisse de guerres seigneuriales ou de luttes plus spirituelles.

17Or si l’on regarde du côté du roman arthurien en prose, au début du xiiie siècle, il apparaît qu’un autre type de guerre se trouve légitimé : la conquête, qui n’est plus la simple revendication d’un espace de pouvoir perdu et d’un état des choses antérieur, mais qui implique au contraire d’être tourné vers un ailleurs pour mieux l’intégrer, et vers l’avenir pour mieux le réaliser. Cette dynamique expansive de la lutte est illustrée dans le Perlesvaus par exemple, où le héros est emporté d’île en île afin d’apporter la Nouvelle Loi sur diverses terres inconnues33. Voilà qui diffère des conceptions observées dans l’épopée, comme si, derrière les différents discours justificateurs de la guerre, se dessinaient de véritables principes distincts d’appréhension du monde.

18Plus que des manières de penser la lutte, on peut voir là des schémas de pensée régissant la perception qu’une société a de l’ensemble de ses pratiques à une époque donnée. C’est ce que propose en tous cas R. Howard Bloch, qui perçoit précisément dans les textes littéraires médiévaux la « manifestation » de tel ou tel « modèle commun sous-jacent34 ». Dans Étymologie et généalogie, ce spécialiste exhume des schémas de pensée propres au Moyen Âge central, qu’il appréhende à la croisée de la linguistique, de la théologie, des pratiques aristocratiques laïques et de la littérature. L’un de ces cadres généraux paraît tout à fait en adéquation avec le récit épique de guerre, et beaucoup moins avec les conquêtes romanesques un peu plus tardives : il s’agit d’un modèle très prégnant dans le milieu aristocratique médiéval, où triomphe « une relation particulière à l’idée de propriété, une foi dans le principe de continuité et un attachement idéologique profond aux origines35 ». Selon ce schéma, le retour à l’originel ou son maintien revient à neutraliser la menace de la dispersion, qu’elle soit linguistique ou patrimoniale, et c’est dans la chanson de geste que l’auteur le décèle par excellence, à travers l’importance accordée à l’intégrité de l’honneur, la continuité des générations et de leur domination sur des terres36. Nous retrouvons bien dans ces principes la stratégie dominante de justification des conflits, essentiellement réparatrice et revendicative, que nous avons étudiée précédemment. En suivant R. H. Bloch, on peut donc supposer que la poétique de l’épopée médiévale, la portée « intrigante » de sa narration, trouvent une explication qui dépasse largement la seule conception de la guerre. La temporalité narrative particulière de la chanson de geste peut s’éclairer à la lumière de considérations plus globalement sociales et même anthropologiques : la manière qu’avaient les médiévaux du xiie siècle d’appréhender le monde, notamment dans sa temporalité, est susceptible d’expliquer les distorsions que l’épopée fait subir au schéma idéal de l’intrigue défini par Ricœur.

19À l’intérieur du cadre général de pensée fondé sur les concepts de fixité, de continuité et d’inhérence de la valeur, dévoilé par R. H. Bloch, réside en effet plus particulièrement un rapport au temps qui structure notamment les discours sur la guerre. Cette expérience de la temporalité se caractérise par l’omniprésence de la référence au passé pour justifier l’action présente ou future. Pour le dire avec des concepts empruntés au philosophe et historien Reinhart Koselleck, l’horizon d’attente est superposé au champ d’expérience. Cet auteur conçoit en effet l’attente comme « un futur actualisé » composé par « l’espoir et la crainte, le souhait et la volonté […] », tandis que l’expérience se définit comme « le passé actuel, dont les événements ont été intégrés et peuvent être remémorés37 ». Lorsque l’attente s’identifie à l’expérience, le passé constitue la référence dominante du présent et du futur. L’épopée médiévale, on l’a entraperçu, exprime une telle expérience du temps. Dès lors, le déroulement narratif lui-même correspond à une progression vers cette coïncidence jamais absolue du futur attendu et du passé remémoré. La Chanson de Roland, sans aucun doute, adopte un tel ordonnancement du temps. Roland en est un personnage paradigmatique car il semble entièrement dominé par les événements passés qu’il a intégrés et se remémore. Le discours qu’il tient à Charlemagne, lorsque ce dernier demande conseil à ses barons à propos de l’offre de reddition de Marsile, est presque tout entier au passé :

Il dist al rei : « Ja mar crerez Marsilie !
Set anz ad pleins que en Espaigne venimes ;
Jo vos cunquis e Noples e Commibles,
Pris ai Valterne e la tere de Pine
E Balasguéd e Tüele et Sebilie.
Li reis Marsilie i fist mult que traïtre. […]
Dous de voz cuntes al paien tramesistes :
L’un fut Balan e li altres Basilies ;
Les chef en prist es puis desuz Haltilie.
Faites la guere cum vos l’avez enprise ;
En Sarraguce menez vostre ost banie,
Metez le siege a tute vostre vie,
Si vengez cels que li fels fist ocire38 ! »

20La référence aux faits antérieurs est triple. Tout d’abord, Roland lit la situation présente (la proposition de Marsile) à la lumière d’une expérience passée comparable39, laquelle, puisqu’elle s’est soldée par la trahison du sarrasin, justifie ses craintes pour l’avenir. En outre, la félonie de Marsile, le non-respect de la parole donnée et le meurtre injustifiable de deux barons francs, demandent un retour symbolique : la vengeance. Enfin, le personnage est assujetti au modèle de ce qui a déjà été accompli – il faut conquérir comme il a conquis, sans déroger à l’idéal de continuité –, au risque que la totalité de la vie future s’identifie à ce modèle passé, tant qu’il n’est pas atteint. Roland est à tel point captif de ce rapport au temps que, contrairement à Naimes ou à Ganelon, il ne saurait envisager un avenir inédit (et si, cette fois, Marsile se soumettait réellement ? et si au modèle de la conquête passée pouvait à présent se substituer favorablement celui du compromis et de la paix ?). Comme le reconnaît de manière relativement unanime la critique40, la position de Roland n’est pas disqualifiée dans la chanson : c’est que le rapport du personnage au temps épouse parfaitement le cadre de pensée de l’auteur du récit. La Chanson de Roland ne considère pas la possibilité d’une fin de la guerre, ni a fortiori du temps, qui briserait le continuum temporel induit par la référence dominante du champ d’expérience. Aussi « penuse41 » qu’apparaisse cette nécessité, elle est pour le poète le mode d’être du monde, le mode de fonctionnement de l’Histoire. Une conséquence, sur le plan narratologique, est donc que cette dernière ne peut être racontée comme un tout.

21La manière qu’a une société ou un groupe donné de percevoir le déroulement de l’Histoire, a trouvé sous la plume de François Hartog le nom de « régime d’historicité ». L’auteur définit cette notion comme un

outil heuristique aidant à mieux appréhender […] des moments de crise du temps : a-t-on affaire à un passé oublié ou trop rappelé, à un futur qui a presque disparu de l’horizon … ? […] L’attention se porte d’abord […] sur les formes ou les modes d’articulation de ces catégories ou formes universelles que sont le passé, le présent et le futur. […] Ces catégories, à la fois de pensée et d’action, sont […] mises en œuvre et viennent […] à rendre possible et perceptible le déploiement d’un ordre du temps42.

22Les rapports particuliers que peuvent nourrir présent, passé et futur fondent précisément les « conditions de possibilité de la production d’histoires43 ». Autrement dit, l’organisation temporelle des récits produits par une culture est en lien avec sa propre manière d’appréhender le temps, d’articuler le passé, le présent et le futur. Ainsi, d’un point de vue anthropologique, François Hartog nuance lui aussi la définition de l’intrigue de Paul Ricœur. Il montre que les sociétés se construisent en référence à un « ordre du temps » variable, dont rend compte la littérature – donc le récit de fiction – par son ordonnancement particulier de la temporalité. Si le « régime d’historicité » définit les conditions de possibilité de la production des récits, on comprend mieux que les poèmes épiques médiévaux s’écartent du modèle de l’intrigue comme processus unificateur produisant un temps clos avec début, milieu et fin. L’omniprésence du champ d’expérience dans la justification de l’action, qui correspond selon toute apparence à un schéma de pensée fondamental de la société chrétienne féodale, implique cette configuration particulière de la narration. La chanson de geste, en un mot, est le genre caractéristique produit par cette culture chrétienne et seigneuriale, où dominait la référence au passé.

23Le principe global de justification de la guerre reposant sur la notion de revendication est donc le révélateur d’un « régime d’historicité » spécifique à la chanson de geste qui dépasse les distinctions entre les types de luttes narrés (la révolte d’un vassal, la guerre religieuse) et entre les différentes gestes. Ce rapport au temps oppose notamment l’épopée et le roman, mais la première se rapprochera progressivement du second sur le plan formel et narratif, acquérant sa fonction configurante. Tout laisse ainsi à supposer que les modifications poétiques vont de pair avec le développement d’un autre schéma de pensée, d’un autre régime d’historicité, dans l’avènement duquel le système ecclésiastique a joué un rôle déterminant. Comme l’écrit en effet Jérôme Baschet, « l’Église […] ne se contente pas d’assurer la cohésion du corps social chrétien et l’unification – au moins symbolique – de l’Occident, mais le voue aussi à une prétention universelle44 » et elle l’ouvre vers un futur inédit, eschatologique, qui oriente indéniablement le présent. Cette autre conception du temps se détache en partie de la valeur de l’antériorité pour s’ouvrir vers la plénitude future. Dès lors, le récit peut manifester son potentiel intégrateur en se déroulant vers une fin qui assurera la plénitude du sens, faisant du temps un tout. Une telle ambition totalisante nécessitait une modification du régime d’historicité car le récit dominé par le champ d’expérience persiste à se déployer dans une histoire inachevée tant il est incapable de la clore par une fin inédite et absolue. L’évolution des modes de pensée est bien liée en profondeur aux transformations de la poétique des genres, et l’on peut en conclure avec Dominique Boutet que le sens du devenir historique « commande largement les processus complexes de la création littéraire45 ».

Bibliographie

Textes

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Notes

1 Daniel Poirion, Précis de littérature française du Moyen Âge, Paris, PUF, 1983, p. 82.

2 Voir François Suard, Guide de la chanson de geste et de sa postérité littéraire (xie-xve siècle), Paris, Champion, 2011, p. 269 et suivantes.

3 Voir Franco Cardini, La Culture de la guerre, Paris, Gallimard, 1992, p. 42.

4 Jérôme Baschet, La Civilisation féodale : de l’an mil à la colonisation de l’Amérique, Paris, Flammarion, 2006, p. 778-779.

5 Paul Ricœur, Temps et récit. 1. L’intrigue et le récit historique, Paris, Seuil, 1983, p. 128.

6 Ibid., p. 12 : « c’est dans la capacité de la fiction de re-figurer cette expérience temporelle en proie aux apories de la spéculation philosophique que réside la fonction référentielle de l’intrigue. »

7 Paul Ricœur, Temps et récit. 2. La configuration dans le récit de fiction, Paris, Seuil, 1984, p. 19.

8 La « triple mimésis », voir Paul Ricœur, L’Intrigue et le récit historique, op. cit., p. 106-107.

9 Aliscans, éd. Claude Régnier revue et complétée par Jean Subrenat, Paris, Champion, 2007, p. 64.

10 Raoul de Cambrai, éd. Sarah Kay, trad. William W. Kibler, Paris, Livre de Poche, 1996, v. 363-364.

11 Ibid., v. 384.

12 Ibid., v. 571 et 630.

13 Paul Ricœur, L’Intrigue et le récit historique, op. cit., p. 80-81.

14 « We agree that if an epic Lied did exist in the tenth century on the subject of Raoul’s tragic death, it is probable that the quest for vengeance was not included », écrit William Calin (The Old french Epic of Revolt, Raoul de Cambrai, Renaud de Montauban, Gormond et Isembard, Genève-Paris, Droz-Minard, 1962, p. 26). Sarah Kay, dans l’introduction de son édition, (Raoul de Cambrai, Oxford, Clarendon Press, 1992, p. xxxv-xlvi), étudie les différences de versification et les techniques poétiques, et en déduit également qu’il aurait d’abord existé un noyau correspondant à la section Raoul, c’est-à-dire coïncidant peu ou prou avec le début de la chanson de geste, jusqu’à la laisse 182 dans l’édition – en somme jusqu’à l’annonce de la reprise du conflit par Gautier.

15 La Chanson de Roland, éd. Jean Dufournet, Paris, GF Flammarion, 1993, v. 3994-3998.

16 La Chanson d’Antioche, chanson de geste du dernier quart du xiie siècle, éd. Bernard Guidot, Paris, Champion, 2011, v. 9775-9777.

17 Raphaël Baroni, L’Œuvre du temps. Poétique de la discordance narrative, Paris, Seuil, 2009, p. 59.

18 Ibid., p. 63.

19 Ibid., p. 57.

20 Ibid., p. 63.

21 Daniel Poirion, Précis de littérature française du Moyen Âge, op. cit., p. 82.

22 Chanson d’Antioche, op. cit., v. 258-259.

23 Ibid., v .7834.

24 Ibid., v. 7294.

25 Ibid., v. 7364-7365.

26 Voir Aliscans, op. cit., v. 4632, 5242-5243, 5610.

27 Raoul de Cambrai, op. cit., v. 1572-1576.

28 « Iniquitas enim partis adversae iusta bella ingerit gerenda sapienti », Saint Augustin, La Cité de Dieu, Œuvres de saint Augustin, éd. Bernard Dombart, Alphonse Kalb, Desclée de Brouwer, 1960, xix, 7, p. 88.

29 Jean Flori, La Guerre sainte. La formation de l’idée de croisade dans l’Occident chrétien, Paris, Aubier, 2001, p. 108.

30 La Chanson d’Antioche, op. cit., v. 98-99 ; voir également v. 75, 246, 261, 342, 369, 869, 2578, 2583, 3979, 7305, 9616…

31 Ibid., v. 246.

32 Philippe Buc, « La vengeance de Dieu. De l’exégèse patristique à la réforme ecclésiastique et à la première croisade », dans La Vengeance, 400-1200, dir. Dominique Barthélemy et al., Rome, École Française de Rome, 2006, p. 467.

33 Le Haut Livre du Graal. Perlesvaus, éd. et trad. Armand Strubel, Paris, Livre de Poche, 2007, p. 998.

34 R. Howard Bloch, Étymologie et généalogie. Une anthropologie littéraire du Moyen Âge français, Paris, Seuil, 1989, p. 79 et p. 117.

35 Ibid., p. 145.

36 Ibid., p. 145.

37 Reinhart Koselleck, Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, p. 311.

38 La Chanson de Roland, op. cit., v. 196-213.

39 Voir ibid., v. 204 : « Nuncerent vos cez paroles meïsmes ».

40 Rares sont les exceptions, tel l’article de Jacques Ribard « Y a-t-il du “pacifismeˮ dans La Chanson de Roland ? », dans Du mythique au mystique, La littérature médiévale et ses symboles. Recueil d’articles offert par ses amis, collègues et disciples, Paris, Champion, 1995. L’auteur y soutient en effet que « Roland, le boute-en-guerre […] est tout à fait isolé » (p. 41) et que le personnage, « pour magnifique qu’en soit la figure, est peu représentatif, en définitive, de l’esprit profond qui anime cette œuvre » (p. 48) – ce que nous récusons en grande partie.

41 La Chanson de Roland, op. cit., v. 4000.

42 François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003, p. 27.

43 Ibid., p. 28.

44 Jérôme Baschet, La Civilisation médiévale, op. cit., p. 776-777.

45 Dominique Boutet, Formes littéraires et conscience historique. Aux origines de la littérature française. 1100-1250, Paris, PUF, 1999, p. 269.

Pour citer ce document

Marion Bonansea, « Le « futur passé » : récit de guerre épique et expérience du temps », dans Les Temps épiques : Structuration, modes d’expression et fonction de la temporalité dans l’épopée, sous la direction de Claudine Le Blanc et Jean-Pierre Martin, Publications numériques du REARE, 15 novembre 2018 Licence Creative Commons

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Quelques mots à propos de :  Marion Bonansea

Marion Bonansea (CIHAM (Lyon)est ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon, agrégée de Lettres modernes et docteur de l’Université Lumière-Lyon 2. Sa thèse est publiée chez Champion sous le titre Le discours de la guerre dans la chanson de geste et le roman arthurien en prose. Elle est l’auteur de différents articles comme « Guerre et quête dans le roman arthurien en prose », Revue des Langues Romanes 116, 2, 2012, p. 387-403 ou « Fonctionnement et signification du printemps épique : une étude du motif printanier dans la chanson de geste », Chanter de Geste. L’art épique et son rayonnement. Hommage à J.‑C. Vallecalle, Paris, Champion, 2013, p. 35-50.