Sommaire
2 | 2022
Corps, normes, genre. Discours et représentations de l’Antiquité à nos jours
Ce numéro de la revue électronique de l’ERIAC Synthèses & Hypothèses est le point d’arrivée d’un séminaire qui s’est poursuivi sur deux années (2017-2019), dans le cadre du Programme 2 de l’ERIAC : « Formes, expériences, interprétations », et des deux Journées d’étude qui l’ont conclu (en 2018 et 2019), sous le titre « Corps, normes, genre : discours et représentations de l’Antiquité à nos jours ». Les séances de séminaire ont donné la parole à des enseignants-chercheurs, de l’Université de Rouen Normandie et d’autres Universités, à des doctorants ou de jeunes docteurs, à des étudiants de Master, spécialistes de différentes périodes historiques et de questions très variées (le corps dans l’Antiquité, le roman mexicain contemporain, la vie des femmes indiennes, les pratiques sportives aux États-Unis, etc.), dans une approche résolument transdisciplinaire, qui correspond au profil de notre unité de recherche.
- Catherine Baroin et Anne-Florence Gillard-Estrada Introduction
- Ambiguïté sexuelle et normes de genre : fictions et pratiques
- Isabelle Gassino Le corps paradoxal de l’orateur antique : l’exemple de Favorinos d’Arles
- Christelle Ha Soon-Lahaye Transgression de la norme chez Maxine Hong Kingston
- Pauline Doucet La binarité des sexes à l’épreuve du Corps naufragé d’Ana Clavel
- Peter Marquis Protégées mais surveillées. Les débats sur la mixité sportive au prisme des normes de féminité pour les compétitrices cisgenres, intersexuées et transgenres.
- Discours et images sur la nudité, le masculin et le féminin
- Florence Gherchanoc Des corps nus, athlétiques et féminins dans l’imagerie attique classique. Déconstruire le genre ou décliner des discours conventionnels grecs sur la vraie beauté ?
- Ginette Vagenheim Nudité et mixité dans le De arte gymnastica (1573) de Girolamo Mercuriale. Le dilemme du médecin humaniste et du chrétien
Le corps mis en images et en scène
La laideur comme emblème de la vieillesse féminine ? Aristophane et l’émergence d’un modèle comique
Nadine Bernard
C’est dans le dernier quart du ve siècle avant notre ère qu’apparaît sur la scène comique athénienne le personnage de la « vieille femme ». Popularisée par Aristophane, qui l’utilise dans quatre de ses pièces conservées, cette figure théâtrale se conforme à un standard scénique caractérisé par une double laideur, physique et morale, à la mesure de l’aversion qu’elle suscite. Tributaires d’un imaginaire de la vieillesse féminine synonyme d’épouvante, les codes visuels et oraux mis en place par les poètes pour construire ce type emblématique ont donné corps à des images caricaturales et offensives. On s’interrogera sur l’influence de cette veine parodique sur les portraits de femmes âgées dans les arts visuels ou les œuvres littéraires.
1Il existe, dans plusieurs pièces d’Aristophane, une forte identité entre vieillesse féminine et hideur du corps et de l’esprit. Les portraits, très travaillés, de plusieurs personnages de vieilles femmes qui apparaissent dans Lysistrata, Les Thesmophories, L’Assemblée des femmes ou Ploutos, établissent un standard scénique dans lequel la laideur corporelle le dispute à la vilénie morale. C’est une constante du théâtre de l’Athénien que de corréler les disgrâces physiques aux dispositions de caractère et le poète s’ingénie à objectiver l’effet de répulsion, à souligner l’abjection de ces figures défigurées, anti-héroïnes par excellence. Moyennant un double dispositif, visuel et oral, Aristophane échafaude une formule comique de la femme âgée qui fait référence dans la littérature ultérieure.
2Nous avons, il est vrai, peu d’images ou de textes à opposer à ces portraits. Les vieilles n’intéressent pas. La représentation des âges de la vie féminins est binaire, tributaire du statut marital, qui scinde l’existence en deux temps, l’avant et l’après mariage. Plusieurs générations sont agglomérées dans le groupe des épouses et les aînées sont rarement distinguées par nos sources. Quels que soient les supports, elles sont comme effacées des tableaux familiaux ou sociaux, soustraites aux regards du fait de leur genre et de leur âge avancé. Les créations dramatiques font par conséquent exception et, ne serait-ce qu’à ce titre, méritent considération. En attribuant des rôles à des femmes marquées par le poids des années, Aristophane et ses rivaux de l’Ancienne comédie ont fabriqué des corps, forgé des normes et mis en place des stéréotypes de genre. La laideur, entendue comme ce qui est vilain et fait offense, l’aversion et le mépris qu’elle suscite sont des composantes essentielles de leurs portraits scéniques1. Les poètes athéniens n’ont pas innové à proprement parler, mais ils ont construit une éthique et une esthétique de la vieille cohérentes et durables, un concentré de kakia, c’est-à-dire de vices de toutes sortes. Quels sont les codes mis en œuvre ? Quelles incidences sociales ces tableaux peuvent-ils avoir ? Existe-t-il des contre-modèles ? C’est à ces questions que nous nous proposons d’apporter des réponses en confrontant les peintures de la comédie aux portraits littéraires et iconographiques brossés par les contemporains.
Les vieilles femmes, figures d’épouvante
3La tradition littéraire fait de quelques êtres hybrides qui peuplent les mythes des figures repoussantes de vieilles. À commencer par les Graia, créatures effrayantes s’il en est. Ces sœurs, deux ou trois selon les récits, dont le nom signifie « vieilles femmes », vivent aux confins de l’univers auprès des Gorgones, qu’elles protègent, dans des zones où ne percent ni le soleil ni la lune. Portant des cheveux blancs depuis leur naissance, elles ne possèdent qu’un œil et une dent uniques qu’elles se transmettent tour à tour, symboles de leur veille perpétuelle et de leur capacité à dévorer quiconque menace leur territoire2. Synonymes d’effroi encore, les redoutables Mormô et Empousa, êtres légendaires appartenant au domaine souterrain, associés à la laideur monstrueuse et à la séduction mortifère3. Empruntant régulièrement les traits de vieilles, ces créatures protéiformes incarnent la menace et tiennent volontiers le rôle d’épouvantail, à l’instar d’Alphitô, vieux croque-mitaine féminin aux cheveux « couleur de farine »4. Réchappées des temps premiers, venues du monde des ombres, de contrées lointaines, ces figures d’ancienneté se situent aux frontières de l’humanité. Elles renvoient de la vieillesse féminine, en miroir, des images d’altérité, d’anormalité, de monstruosité, à même d’engendrer la frayeur.
4Cet imaginaire de l’épouvante est aussi exploité par les peintres, décliné cette fois-ci dans une veine comique. Le rire tempère ici l’appréhension mais la dimension négative n’en reste pas moins déterminante. Influencés par les productions théâtrales autant que par la matière légendaire, les imagiers se focalisent sur l’aspect repoussant et effroyable de la plastique des aînées. En témoigne la figuration de Géropsô (« Vieille ») sur un skyphos du Peintre de Pistoxénos exécuté vers 470-460 avant notre ère. Probablement inspirée d’un personnage de drame satyrique, la nourrice d’Héraclès est courbée, blanchie. Son visage présente des traits extrêmement grossiers, raviné par les rides des joues, affaissé à hauteur du double menton, déchiré par une bouche presque édentée (fig. 1)5.
Figure 1 — Détail d’un skyphos à figures rouges attribué au Peintre de Pistoxénos, vers 470-460 avant notre ère. Cliché : Schwerin, Staatliches Museum, 708. ARV2, 862.30
5Comiquement déformé, le corps de Géropsô est objet de dérision tant par sa laideur exagérée que par l’excès de vieillesse mis en valeur, excès accentué par l’effet de contraste avec la jeunesse et la beauté d’Héraclès qu’elle escorte6. Cette insistance sur la face féminine vieillie et déformée s’observe également sur une coupe antérieure de quelques décennies, attribuée au cercle du Peintre de Nikosthénès (fig. 2)7.
Figure 2 — Détail d’une coupe attribuée au Cercle de Nikosthénès, vers 500 avant notre ère. Boston, Museum of Fine Arts, 08.30A. © Museum of Fine Arts, Boston.
6Exécutant une parodie du sac de Troie, l’artiste donne à voir une vieille femme en appui sur son bâton – peut-être une prêtresse – qui tente mollement de retenir Ajax prêt à s’emparer de Cassandre. Cette vieille est visiblement défigurée par l’âge et son visage, disproportionné et disgracieux, est proche de la caricature8. Saisi dans une attitude incongrue, le personnage s’insère dans le tableau central et participe pleinement du pastiche : le peintre met en œuvre une forme d’humour et surtout d’insolence à l’égard du vieil âge. Fixée sur de la vaisselle de banquet, ces images à connotation péjorative inaugurent un registre de l’imagerie qui fait de l’extrême laideur un trait de la vieillesse féminine. À la fin du ve siècle, les poètes comiques qui vont orchestrer la charge sur la scène athénienne ne manquent donc pas de repères.
La laideur sénile féminine sur la scène comique
7Aux dires d’Aristophane, c’est Phrynichos qui aurait inventé le type comique de la vieille, détaché de tout contexte mythique, en la personne d’une « vieille pocharde » qui dansait un cordax, une danse grotesque et licencieuse9. À compter des années 420, le type fait florès chez les auteurs de l’Ancienne comédie qui l’utilisent dans des intermèdes : des figures féminines âgées apparaissent lors d’épisodes chantés et dansés dans lesquels elles font assaut de vulgarité, affichent leur ébriété publique et/ou leur indécence. Les poètes Eupolis et Hermippe mettent ainsi en scène la mère d’Hyperbolos, l’homme politique, en buveuse compulsive et indigne, en traînée à la conduite immorale, tandis que Phérécrate développe le personnage de la vieille hétaïre portée sur la boisson10. Le titre d’une pièce perdue de Phérécrate, « Les Vieilles », indique que ce dernier avait même élevé ces figures théâtrales au rang des premiers rôles11.
8Aristophane a pareillement sacrifié à la mode. Il présente plusieurs spécimens de vieilles dans quatre des onze pièces qui subsistent : dans Lysistrata et dans les Thesmophories montées en 411, dans L’Assemblée des femmes, en 392, ainsi que dans sa dernière pièce conservée, Ploutos, jouée en 388. Bien qu’employées dans des rôles secondaires, ces vieilles ne peuvent être tenues pour personnages négligeables d’autant que leur place dans l’intrigue ne cesse de s’accroître entre 411 et 388. Elles s’expriment individuellement dans trois des pièces considérées et sont les protagonistes de séquences assez longues dans L’Assemblée des femmes et dans Ploutos où elles entrent en scène dans l’agôn. Elles surgissent à la fin des deux pièces en question et permettent d’illustrer les bouleversements résultant de l’action principale : elles deviennent les symboles d’une société où les rapports de sexe et d’âge sont inversés (L’Assemblée des femmes), ou bien les témoins d’un nouvel ordre civique placé sous la protection du dieu de la richesse (Ploutos). Ces vieilles forment par conséquent une catégorie comique à part entière, bien distinguée de leurs congénères plus jeunes. Au demeurant, les qualificatifs de graus (« vieille femme ») ou de graidion (« petite vieille ») qui leur sont assignés par leurs interlocuteurs permettent de lever toute ambiguïté12. Ces personnages n’ayant pas été gratifiés par Aristophane de noms individuels, cet état de vieillesse constitue, si j’ose dire, leur raison sociale.
9Pour construire ces figures comiques, Aristophane s’appuie sur plusieurs éléments. Il expose verbalement leurs disgrâces physiques et leurs turpitudes morales dans les dialogues d’une part et, pour renforcer son propos, tire parti de l’appareil scénique d’autre part, c’est-à-dire des masques et costumes de comédie portés par tous les acteurs. Renseignant sur l’âge et le sexe des créatures incarnées, plusieurs masques – trois au moins – permettent d’individualiser la « vieille femme » et éventuellement de préciser son emploi dramatique13. Ils se caractérisent par des traits lourdement ridés, des nez camus, des lèvres épaisses et des bouches édentées ou semi-édentées, à quoi s’ajoutent bien sûr les cheveux blancs postiches. En dépit de légères distinctions entre les variantes, dans l’épaisseur du nez et des lèvres, dans la rondeur du visage, cette uniformité stylistique permettait d’identifier immédiatement le personnage de la vieille, y compris pour les spectateurs les plus éloignés de la scène. Il va sans dire que ces masques ne se définissent pas par leur attrait ni par leur délicatesse.
10Les manifestations particulières de la laideur sénile, physionomiques et anatomiques, sont complaisamment détaillées par les différents interlocuteurs de nos vieilles. La première est le défaut de matière, défaut qui les réduit, les tronque en tant que femmes. Les vieilles d’Aristophane ne sont plus que carcasses décharnées, cadavres ambulants logés dans l’antichambre de la mort14. La graus du Ploutos est si décrépite qu’elle est déjà prête pour son convoi funèbre15. N’ayant plus ni seins, ni fesses, elles ont perdu toute trace de féminité16. Leurs visages sont naturellement fripés, chiffonnés, quasiment momifiés et Aristophane superpose les effets textuels et visuels pour accentuer sa charge. Glosant autour du masque porté par l’interprète dans Ploutos, il joue sur le mot graus qui désigne à la fois la vieille femme et la pellicule de peau figée et ridée qui se forme à la surface du lait bouilli17. Il y a ici une ambiguïté volontaire entre le maquillage et le masque : la “vieille peau” de la femme, lavée du blanc de céruse qui couvre les plis du visage, renvoie aux lambeaux d’étoffe, aux “loques” qui constituent la texture du masque et que les spectateurs pouvaient contempler18. Horriblement desséchées, ces vieillardes sont de surcroît susceptibles de s’embraser à la moindre étincelle19. Cette consomption sénile, inesthétique au possible, confine chez elles à la putréfaction et Aristophane fait un large emploi du vocabulaire de la décomposition ou de la putridité : l’une des vieilles est comparée à la lie du vin moisie, une autre est traitée de « pourriture » par une jeune fille20. Les effluves nauséabonds qu’elles dégagent témoignent de l’avancement du processus de détérioration de leurs chairs. Enfin, d’aucunes se situent hors du genre féminin car certaines de ces créatures n’ont plus figure humaine. Aristophane s’emploie à les dépeindre sous les traits d’êtres hybrides en puisant dans les répertoires animaliers ou macabres. Le jeune homme de L’Assemblée des femmes éprouve de telles difficultés pour décrire une vieille qu’il la compare simultanément à une guenon ou à une apparition spectrale de mort-vivant21. Le poète ne manque naturellement pas d’établir des parallèles entre ses horribles créatures et les figures d’épouvante de la tradition : c’est ainsi qu’une vieille femme couverte de pustules purulentes et sanguinolentes est assimilée à Empousa et regardée comme la transposition du monstre22 ; saisi de frayeur devant cette apparition, le jeune homme ne peut s’empêcher, séance tenante, de déféquer23.
11Les dialogues noués avec leurs partenaires de scène, masculins ou féminins, illustrent pour leur part une laideur qui n’offense pas seulement le regard mais outrage l’esprit. L’appétit démesuré des vieilles pour les choses du sexe, amplement informé, est un affront aux conventions en tant qu’il transgresse la règle de la morale commune, au théâtre et en dehors, de l’incompatibilité entre les corps ruinés et les plaisirs charnels. Non contentes d’être des modèles d’avilissement corporel, les vieilles prétendent faire usage de leurs corps comme des jouvencelles et déploient toutes sortes d’artifices et de parures pour dissimuler leur vieil âge. Elles sont vêtues de tenues affriolantes, parfumées, fardées – à la façon de masques mortuaires si l’on suit le poète – et cherchent à séduire coûte que coûte24. Les scènes de l’Assemblée des femmes et de Ploutos sont construites autour de leur impudicité, de leur voracité sexuelle. Dans Ploutos, la « vieille en chaleur », comme le résume l’un des protagonistes, est à la recherche de son jeune gigolo et finit par le ramener chez elle25. Le trio de vieilles de l’Assemblée des femmes se dispute les faveurs sexuelles d’un jeune homme contraint, en vertu de la réforme du sexe décrétée par les femmes d’Athènes, de coucher avec les femmes de plus de 60 ans avant d’approcher les moins de 20 ans. Au terme d’une lutte sans merci, l’une d’elle finit par emporter le morceau et sort de scène en compagnie de son jeune amant, au désespoir26. Il faut ajouter que ces vieilles sont ouvertes à une vaste gamme d’activités érotiques et qu’elles ne perdent pas une occasion de se vanter de leur expertise dans les arts du sexe27. L’expression vulgaire de leurs désirs, l’étalage de leurs pratiques les situe à la jonction entre laideur et ignominie : ces vieilles femmes incarnent ce qui est aischros, honteux, déshonorant et impropre, une conduite dévoyée qui consiste à s’affranchir des entraves de l’âge et des règles morales. Désormais jugée hors de saison, leur lubricité est vue comme une anomalie. Elle est dénoncée par l’ensemble des interlocuteurs : par les hommes, de tout âge, qui ne veulent surtout pas donner suite à leurs avances ; par les femmes plus jeunes qui les accusent de voler leurs amants.
12En somme, les vieilles femmes d’Aristophane constituent de magnifiques exemples de personnages comiques car elles sont pourvues de plastiques abominables, propres à susciter immédiatement le rire, et elles sont les instigatrices de comportements jugés non moins grotesques. Mis en valeur par Aristophane comme par d’autres auteurs de la comédie, le motif offensif de la double laideur, physique et mentale, n’est pas inédit. Il a été développé dans la poésie iambique, dès le viie siècle. Archiloque manie ainsi l’invective à l’endroit de Néoboulè : jadis convoitée, celle qui est désormais « bien trop mûre » et prétend toujours aux plaisirs ne soulève plus que dégoût28. À la différence du poète de Paros qui déploie des attaques personnelles, les poètes athéniens ont construit un type comique largement détaché de tout ancrage réel dans la cité. À l’exception des mères des démagogues, les vieilles de la scène théâtrale ne sont pas des personnes identifiées et identifiables29. Elles n’ont pas même d’identité ou de rôles sociaux particuliers30. Cela dit, en investissant ces vieilles femmes de valeurs exclusivement négatives, les auteurs comiques promeuvent une conception de l’être féminin âgé destitué, dénaturé, dévalué. Ils jettent l’opprobre sur une génération sommée en quelque sorte de se faire oublier et disqualifient ses représentantes qui portent haut et fort leur âge et leurs envies. Quant à la morale sous-jacente, elle est on ne peut plus claire : les femmes en possession d’un corps jugé rebutant ne doivent pas user de supercherie pour paraître jeunes et belles et elles ne doivent plus chercher à séduire. Injonction leur est faite de ne pas troubler l’ordre et de sortir de scène, aux sens propre et figuré.
Postérité d’une figure de scène
13Ces représentations ont connu une immense popularité, à proportion de la diffusion de la comédie athénienne dans l’espace grec. Des masques et des figurines d’acteurs en terre cuite, produits en grande quantité, immortalisent les faciès caricaturaux des vieilles coquettes de scène. Les tombes de Lipari, pour ne prendre qu’un seul exemple, ont livré des dizaines de masques miniatures datés du ive siècle dont plusieurs de « vieilles femmes »31. L’un d’eux, appartenant à un ensemble qui pourrait se rapporter à une pièce d’Aristophane, donne à voir un visage déformé aux traits simiesques ; de même, une petite statuette d’acteur incarnant un personnage de vieille est pourvu d’un masque qui affiche une tête de singe32. Cette hybridation du masque rend parfaitement compte de la plasticité de la laideur sénile, en même temps qu’elle illustre l’ethos du personnage de la « vieille », réduit à un animal grimaçant, à la bestialité, à la lubricité supposée du primate. Des peintures de vases italiotes, exécutées entre 400 et 320 environ, exposent également quelques-unes de ces figures de proue du répertoire dramatique.
Figure 3 — Cratère en calice produit en Grande Grèce, vers 400-390 avant notre ère, dit de la « comédie de l’oie ». Attribué au Peintre de Dolon. New York, The Metropolitan Museum of Art, 24.97.104.
14Outre le fameux vase dit de la « comédie de l’oie » (fig. 3), un cratère en calice retrouvé dans une tombe près de Messine présente au centre de la composition une horrible vieille faisant face à un jeune couple ; on a proposé d’y reconnaître l’avant-dernier tableau de L’Assemblée des femmes dans lequel le jeune homme tente sans succès d’échapper à la vieille femme qui l’a obtenu, sous le regard de Blépyros, l’époux âgé de l’héroïne Praxagora (fig. 4)33.
Figure 4 — Détail d’un cratère en calice de Messine, vers 340 avant notre ère, d’après U. Spigo, « Nuovi rinvenimenti di ceramica a figure rosse di fabrica siceliota da Lipari e dalla provincia di Messina », The Archaeology of the Aelian Islands, Proceedings of the Conferences held at the University of Melbourne and Sydney, 1992, Mediterranean Archaeology, vol. 5, 1993, p. 34.
15Les arts visuels ne sont pas les seuls à se nourrir des images théâtrales parodiques. Dans le sillage des poètes, les orateurs athéniens ont aussi adopté des éléments de langage procédant des tableaux dramatiques. Contemporain d’Aristophane, Lysias dessine un portrait aristophanesque d’une femme âgée de 70 ans, « une belle enfant dont il était plus facile de compter les dents que les doigts de la main » dit-il34. Démosthène prétend que l’on surnommait « Empousa » la mère d’Eschine, son adversaire, laissant entendre qu’elle était non seulement d’une laideur monstrueuse mais aussi capable de se transformer à discrétion pour exercer son métier de prostituée ou de se métamorphoser pour présenter les apparences de la femme respectable qu’elle n’était pas35. Lorsqu’ils se placent dans le registre du blâme, les orateurs n’hésitent pas à emprunter les métaphores et les bons mots des poètes. Il y a là une forme de contamination avec le discours cru et impitoyable de la comédie. Des siècles plus tard, Plutarque rapporte des propos tenus à l’encontre de Lamia, la maîtresse de Démétrios le Poliorcète : plus âgée que son amant, déjà entrée dans la force de l’âge, elle est comparée à une Lamia, un épouvantail féminin36.
16D’une certaine façon, ces représentations grotesques remplissent un vide. Dans la seconde moitié du ve siècle, les peintres ont progressivement cessé de produire des images de vieilles femmes admirables tirés de l’univers mythique. Le thème d’Aithra, la mère de Thésée, est courant jusque vers 450, celui de Phaia, la nourrice de la laie de Crommyon, l’est plus particulièrement dans les années 440-430, avant de disparaître37. La vision révérencieuse qui expose le vieil âge des héroïnes du monde épique par petites touches, en pointillé, n’est plus de mise38. Les vers de Sappho, confrontée à sa propre vieillesse et pourtant animée de désirs, ne semblent plus même audibles39. À la fin du ive siècle, la Nouvelle comédie, de Ménandre notamment, ne reprend pas les clichés forgés un siècle plus tôt, mais elle ne renverse pas la tendance car les vieilles femmes sont effacées du tableau, cantonnées dans des rôles subsidiaires.
Conclusion
17En définitive, on observe au début du ive siècle un rétrécissement du répertoire des imagiers au profit de la seule veine parodique et des attributs négatifs. Les peintres italiotes, qui ont pris le relais des ateliers de l’Attique, se sont largement inspirés du théâtre athénien et ils donnent du relief à la figure scénique de la vieille affreuse, qui tend à devenir un type populaire canonique. L’image stéréotypée se fige pour épouser les contours du personnage comique caractérisé par la laideur, la déchéance du corps et des mœurs.
Figure 5 — Fragments d’un cratère en calice signé par Asteas, vers 350-340 avant notre ère. Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia 50279 (CVA, Villa Giulia, 3.1.3). Cliché : Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia.
18En témoigne cette vieille hideuse qui apparaît sur un fragment de vase dit phlyaque, vers 350-340 avant notre ère (fig. 5)40. Cette scène de farce renvoie à un épisode tragique et renverse la perspective habituelle du viol de Cassandre : ici, c’est Ajax qui s’agrippe désespérément à la statue d’Athéna tandis que Cassandre l’empoigne par le casque. La vieille femme sur la droite est la prêtresse du sanctuaire de la déesse, doublement identifiable41. Représentée comme une caricature de figure héroïque dans une parodie de drame et dans un détournement des images vasculaires traditionnelles, elle est tournée en dérision42. Il faut remarquer les détails de la peinture, dans laquelle les rides du visage (front et joues) font symétrie avec les plis du vêtement et permettent d’imposer l’image d’une figure chiffonnée, complètement flétrie. On distingue bien la bouche édentée aux lèvres protubérantes, les cheveux blancs. La laideur exagérée et repoussante de notre vieille est un élément à part entière de la manipulation qui déclenche le rire. C’est aussi l’expression de l’anti-idéal féminin, par excellence.
19Enfin, ce modèle comique implacable contraste avec le traitement réservé au vieillard, sur la scène ou sur les vases : celui-ci fait l’objet de mises en forme plus nuancées, pourvu d’attributs qui disent le travail du temps, la disparition de l’idéal plastique et l’altération du masculin, non sa corruption43.
1 Maria Patera, « Laideur », dans Lydie Bodiou, Véronique Mehl (dir.), Dictionnaire du corps dans l’Antiquité, Rennes, PUR, 2019, p. 351-354, pour une présentation de la notion dans le contexte grec.
2 Hésiode, Théogonie, v. 270-273 ; Phérécyde, dans Felix Jacoby, Fragmente der griechischen Historiker I (FGrH), Leiden, Brill, 2e éd. 1957, 3 F 11, p. 61-62 ; Eschyle, Prométhée enchaîné, v. 792-797. John H. Oakley, « Perseus, the Graiai, and Aeschylus’ Phorkides », AJA, vol. 92, 1988, p. 383-391 pour l’iconographie en lien, probablement, avec une pièce perdue d’Eschyle, Les Phorkydes.
3 Nous avons peu d’informations sur Mormô si ce n’est qu’elle est une femme de Corinthe qui s’est envolée après avoir dévoré ses enfants, scholie à Aristide, Panathénaïque, 102, 1-3 (éd. Wilhelm Dindorf, Leipzig, 1829). Empousa est une créature surnaturelle, séjournant dans l’Hadès, parfois associée à Hécate, cf. Etymologicon Magnum ou la Souda, s.v. Empousa. Voir Maria Patera, Figures grecques de l’épouvante de l’Antiquité au présent, Mnémosyne, Suppl. 376, Leiden-Boston, Brill, 2015, pour une étude de leurs formes, caractères et fonctions.
4 Maria Patera, ibid., p. 39-40 pour Alphitô.
5 Schwerin, Staatliches Museum, 708 : skyphos à figures rouges attribué au Peintre de Pistoxénos, vers 470-460 avant notre ère (= John Beazley, Attic Red-figure Vase-painters, 2e éd., Oxford, Oxford University Press, 1963 (ARV2), 862.30). L’image pourrait être inspirée d’un drame satyrique structuré autour de la mort de Linos, le précepteur, des mains d’Héraclès. Un drame attribué à Achaios, intitulé Linos, est connu (Tragicorum graecorum fragmenta (TrGF), fr. 26, p. 122-123, éd. Bruno Snell, Göttingen, 1971).
6 Le vase montre les tatouages de Géropsô au cou, aux bras, aux pieds, insignes de ses origines barbares. Voir Konrad Zimmermann, « Tätowierte Thrakerinnen auf griechischen Vasenbildern », JDAI, 95, 1980, p. 163-196, n° 31, p. 191-192 et Luc Renaut, « Mains peintes et menton brûlé » : la parure tatouée des femmes thraces », in Lydie Bodiou, Florence Gherchanoc, Valérie Huet et Véronique Mehl (dir.), Parures et artifices, le corps exposé dans l’Antiquité gréco-romaine, Paris, L’Harmattan, 2011, p. 191-216.
7 Boston, Museum of Fine Arts, 08.30A et Emily Vermeule, « Some Erotica in Boston », AK, vol. 12, 1969, p. 9-15, p. 13 et pl. 10.2.
8 Les traits du visage font songer à un masque théâtral et l’image pourrait s’inspirer d’une représentation de drame satyrique, voir Patrizia Birchler Emery, L’Iconographie de la vieillesse en Grèce archaïque. Une contribution à l’étude du grand âge dans l’Antiquité, Saarbrücken, Éditions Universitaires Européennes, 2010, p. 350-352.
9 Aristophane, Les Nuées, v. 555-556.
10 Pour Eupolis, scholie aux Nuées d’Aristophane, v. 555 (éd. W.J.W. Koster, Scholia recentiora in Nubes, Groningen, 1974, 555e, p. 313). Pour Hermippe, Rudolf Kassel, Colin Austin, Poetae Comici Graeci (PCG), Berlin-New York, De Gruyter, 8 volumes, 1983-2001, vol. V, Ἀρτοπώλιδες, fr. 9, p. 567. Pour Phérécrate, cf. par exemple Κοριαννώ, PCG, vol. VII, fr. 75 et 76, p. 138-139 et Jeffrey Henderson, « Pherekrates and the women of Old Comedy », dans David Harvey, John Wilkins (dir.), The Rivals of Aristophanes. Studies in Athenian Old Comedy, Londres, Duckworth and The Classical Press of Wales, 2000, p. 135-150.
11 Il ne reste de cette œuvre que de rares fragments, Phérécrate, Γρᾶες, PCG, vol. VII, fr. 37-42, p. 121-123.
12 Aristophane, L’Assemblée des femmes, v. 904 ou Ploutos, v. 1095 par exemple.
13 Thomas B.L. Webster, Monuments Illustrating Old and Middle Comedy, 3e éd., revue et complétée par John Richard Green, Bulletin of the Institute of Classical Studies, suppl. 39, Londres, 1978 (MOMC3), masques R, U, Y notamment.
14 L’une des vieilles de L’Assemblée des femmes est « chérie de la mort », v. 905.
15 Aristophane, Ploutos, v. 1007.
16 Aristophane, Les Thesmophories, v. 1185-1187.
17 Aristophane, Ploutos, v. 1205-1207 et la scholie au v. 1206. Le terme est employé dans son acception technique par Aristote, Génération des animaux, II, 6, 743 a.
18 Aristophane, Ploutos, v. 1061 et v. 1065.
19 Aristophane, Lysistrata, v. 385 ; Ploutos, v. 1034-35 et 1054.
20 Aristophane, Ploutos, v. 1085 et L’Assemblée des femmes, v. 884 et v. 926.
21 Aristophane, L’Assemblée des femmes, v. 1072-1073.
22 Ibid., v. 1057.
23 Ibid., v. 1059-1061.
24 Ibid., v. 879, 904 ou 1110-1111.
25 Aristophane, Ploutos, v. 1024 : « γραὸς καπρώσης » (« vieille en chaleur » ou « vieille bique en mal de bouc » dans la traduction de Victor-Henry Debidour, Paris, Gallimard, 1966).
26 Aristophane, L’Assemblée des femmes, v. 975-1111.
27 Ibid., v. 920 et v. 893-899.
28 Archiloque, fr. 196 a (éd. Martin L. West, Iambi et elegi graeci ante Alexandrum cantati, tome 1, 2e éd., Oxford, 1989) et Nadine Bernard, « Âge disqualifiant. Incidences du vieillissement féminin dans la comédie ancienne », dans Maurice Daumas, Nadia Mékouar-Hertzberg (dir.), La Misogynie. Des vestiges du passé aux combats d’aujourd’hui, Leia, vol. 37, Berne-Berlin, Peter Lang, 2016, p. 41-61.
29 Les mères des démagogues qui font parfois les frais des attaques sont volontiers présentées comme des étrangères ou des indigentes, situées au plus bas des hiérarchies sociales : cf. Noémie Villacèque, « Ta mère ! Insulte et généalogie à la tribune démocratique », Cahiers Mondes anciens [en ligne], 5, 2014.
30 Les vieilles de L’Assemblée des femmes qui exercent une véritable tyrannie sexuelle ont été vues comme des veuves en mal de partenaires sexuels ou des prostituées, respectivement Jeffrey Henderson, « Older Women in Attic Old Comedy », TAPhA, vol. 117, 1987, p. 105-129, p. 118-119 et Stephen Halliwell, « Aristophanic Sex : The Erotics of Shamelessness », dans Martha C. Nussbaum, Juha Sihvola (dir.), The Sleep of Reason. Erotic Experience and Sexual Ethics in Ancient Greece and Rome, Chicago University Press, 2002, p. 120-142 [126-133].
31 Luigi Bernardo Brea, Maschere e personaggi del teatro greco nelle terracotte liparesi, Rome, « L’Erma » di Bretschneider, 2001, p. 55, fig. 47 (tombe 1613), p. 68-70, fig. 62, 63, 64 (tombes 74 et 1314).
32 Luigi Bernardo Brea, ibid., p. 55 et fig. 47 pour le masque (tombe 1613, inv. 11167), p. 97 et fig. 94 pour la statuette (tombe 246).
33 Le cratère dit de « la comédie de l’oie », produit dans le sud de l’Italie au début du ive siècle, donne à voir des acteurs d’une comédie athénienne non identifiée : l’un d’eux (à droite) incarne un personnage de vieille femme, The Metropolitan Museum of Art, New York, 24.97.104. Pour le cratère en calice de Messine, Umberto Spigo, « Nuovi rinvenimenti di ceramica a figure rosse di fabrica siceliota da Lipari e dalla provincia di Messina », The Archaeology of the Aeolian Islands. Proceedings of the Conferences held at the Universities of Melbourne and Sydney, 28/29 May and 5 June 1992, Mediterranean Archaeology, vol. 5, 1993, p. 33-47 [34-38], avec d’autres propositions pour l’interprétation de la scène théâtrale ; daté autour de 340 avant notre ère.
34 Lysias, Contre Eschine le socratique, 5.
35 Démosthène, Sur la couronne, 129-130.
36 Plutarque, Vie de Démétrios, 16, 5-6 et 27, 1-14.
37 Respectivement Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae (LIMC), vol. I 1, s.v. Aithra I, p. 420-431 et I 2, p. 326-334 ; vol VI 1, s.v. Krommyo, p. 139-142 et VI 2, p. 62-64.
38 Les physiques des femmes âgées sont ici harmonieux et délicats : dos légèrement courbé, menton lourd, cou épais et cheveux blancs, cf. P. Birchler Emery, op. cit., p. 343-364. On retrouve des caractères iconographiques semblables sur les scènes d’armement de guerrier ou de départ à la guerre qui donnent à voir des mères âgées, cf. Susan B. Matheson, « Beardless, Armed and Barefoot : Ephebes, Warriors and Ritual in Athenian Vases », dans Dimitrios Yatromanolakis (ed.), An Archaeology of Representations : Ancient Greek Vase-Painting and Contemporary Methodology, Athènes, Institut du Livre, A. Kardamitsa, 2009, p. 373-413.
39 Michael Gronewald, Robert W. Daniel, « Griechische Literarische Text : 429. Sappho », Kölner Papyri, vol. 11, Papyrologica Coloniensa, vol. 7, 2007, p. 1-11 pour l’édition du « nouveau » fragment 58.
40 Cratère en calice signé par Asteas, Rome, Museo Nazionale Etrusco di Villa Giulia 50279 (= Corpus Vasorum Antiquorum (CVA), Villa Giulia, 3.1.3). Les vases dits « phlyaques » produits en Italie du sud dans les trois premiers quarts du ive siècle et inspirés des sujets de la comédie Ancienne et Moyenne sont nommés d’après un type de théâtre burlesque appelé « phlyax » qui s’est lui-même développé en Grande Grèce au iiie siècle.
41 Le graffiti « IHRHA » au-dessus de sa tête la désigne comme prêtresse de même que la clé surdimensionnée qu’elle tient en main.
42 David Walsh, Distorted Ideals in Greek Vase-Painting : The World of Mythological Burlesque, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, p. 3 et p. 81-85 et, plus largement, Alexandre G. Mitchell, Greek Vase-Painting and the Origins of Visual Humour, Cambridge, Cambridge University Press, 2009. Le peintre a peut-être été inspiré par une œuvre dramatique satyrique.
43 Nadine Bernard, « Être vieux dans le monde grec, de Solon à Philopœmen », Bordeaux, Ausonius, à paraître.
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Quelques mots à propos de : Nadine Bernard
Nadine Bernard est maîtresse de conférences habilitée à diriger des recherches à l’Université de Rouen-Normandie. Elle est spécialiste d’histoire sociale, auteur d’ouvrages sur les femmes ou la guerre. Son mémoire inédit d’HDR, « Être vieux dans le monde grec » est à paraître aux Éditions Ausonius.