2 | 2022
Corps, normes, genre. Discours et représentations de l’Antiquité à nos jours

Ce numéro de la revue électronique de l’ERIAC Synthèses & Hypothèses est le point d’arrivée d’un séminaire qui s’est poursuivi sur deux années (2017-2019), dans le cadre du Programme 2 de l’ERIAC : « Formes, expériences, interprétations », et des deux Journées d’étude qui l’ont conclu (en 2018 et 2019), sous le titre « Corps, normes, genre : discours et représentations de l’Antiquité à nos jours ». Les séances de séminaire ont donné la parole à des enseignants-chercheurs, de l’Université de Rouen Normandie et d’autres Universités, à des doctorants ou de jeunes docteurs, à des étudiants de Master, spécialistes de différentes périodes historiques et de questions très variées (le corps dans l’Antiquité, le roman mexicain contemporain, la vie des femmes indiennes, les pratiques sportives aux États-Unis, etc.), dans une approche résolument transdisciplinaire, qui correspond au profil de notre unité de recherche.

  • Catherine Baroin et Anne-Florence Gillard-Estrada  Introduction

Ambiguïté sexuelle et normes de genre : fictions et pratiques

Protégées mais surveillées. Les débats sur la mixité sportive au prisme des normes de féminité pour les compétitrices cisgenres, intersexuées et transgenres.

Peter Marquis


Résumés

Cet article s'inscrit dans la réflexion naissante sur la ségrégation sexuelle dans le sport, qui n’est pas seulement le reflet de croyances dans l’existence de deux sexes irrémédiablement opposés, mais aussi le laboratoire où cette différence de valence est créée. Le sport moderne s’est historiquement construit en postulant et en mettant en œuvre cette bicatégorisation, ce qui a eu pour effet de reléguer le sport dit féminin à un rang subalterne et donc d’invalider toute mixité. Les remises en cause actuelles des droits à la participation des sportives intersexuées et transgenres, exclues de la « vraie féminité », par des instances comme Word Athletics, est justifié par le besoin de protéger les sportives de haut niveau. Maquiller ce contrôle en protection s’apparente à du sexisme bienveillant, dont le but inavoué est de garder les corps des femmes à disposition. Paradoxe ultime, le pouvoir des normes de genre s’exerce donc sur le corps, le lieu même où les vertus émancipatrices du sport sont proclamées. L’approche diachronique met au jour l'existence d'un protectionnisme de la surveillance, invariant dans l’histoire des rapports entre sport, sexe et genre.

Texte intégral

Introduction

Nous avons besoin de normes pour que le monde fonctionne mais nous pouvons chercher des normes qui nous conviennent mieux.1

« M. Harper », dit-il, « ça ne serait pas équitable que je joue au basketball puisque je suis plus grand que tout le monde ». Je me rappelle l’air incrédule de mon père quand il se tourna vers le reste de famille avant de demander, sans attendre de réponse : « Et depuis quand ce qui est équitable explique quoi que ce soit ? »2

1Pourquoi n’y a-t-il pas de 100 mètres mixte en athlétisme ou en natation de compétition, de slalom mixte en ski alpin, de match de football mixte ? La séparation des sports selon le sexe semble la dernière ségrégation professionnelle socialement acceptée, avec la prêtrise catholique et l’engagement dans les unités de combat. L’absence de mixité dans le sport est rarement remise en cause, fait surprenant dans une époque qui questionne les essentialisations et s’intéresse au travail des institutions sur la normalisation des rapports sociaux de sexe. Cela serait pourtant justifié car, pour le sociologue Alex Channon, la ségrégation sexuelle dans les sports professionnels s’ancre « dans des processus de construction du genre qui produisent et perpétuent depuis des décennies de la différence et de l’inégalité dans la vie des personnes des deux sexes »3. Précisons que toute ségrégation n’occasionne pas nécessairement de la discrimination, définie comme une séparation accompagnée d’un traitement défavorable. De fait, dans de très nombreux pays, les compétitrices disposent d’un égal accès au sport. Aux États-Unis par exemple, la section IX des Education Amendements of 1972 (connue sous le nom abrégé de Title ix) oblige les universités recevant des subventions fédérales à allouer des fonds équivalents aux activités scolaires des deux sexes, y compris aux sports4. Cela a fait croître considérablement la participation sportive des lycéennes et étudiantes, ce qui explique en partie la domination des Américaines dans les compétitions internationales depuis 40 ans5.

2Toutefois l’égalité d’accès et de moyens ne suffit pas à faire advenir une absence de discrimination. La section ix reprend en effet la doctrine « séparés mais égaux » qui fonda l’arrêt de la Cour suprême américaine Plessy contre Ferguson en 1896. L’argument de l’égalité malgré la séparation a rendu possible 60 ans de lois ségrégationnistes et d’impunité face aux violences racistes. Simone de Beauvoir, témoin de ces réalités lors de son séjour aux États-Unis, les résuma dans une formule lapidaire : « On sait que l’idée d’"égalité dans la différence" manifeste en fait toujours un refus de l’égalité. La ségrégation a amené aussitôt la discrimination »6. Appliquée aux relations entre sport et genre, cette discrimination demeure difficile à penser car elle est dissimulée par l’essor du sport dit « féminin »7. En effet, la culture contemporaine concède que les femmes peuvent être fortes, compétitives, résilientes, mais « le système des sports ségrégués maintient qu’elles n’en pourront jamais être tout cela mieux que les hommes »8. Du fait même de la séparation des compétitions en fonction du sexe des participant·es, le sport professionnel ne peut tenir sa promesse d’égalité des chances. Quand inclure signifie séparer et créer une classe protégée, alors la croyance dans la supériorité sportive des hommes reste intacte et conserve son influence sur l’ordre genré du monde.

3Le sujet de la ségrégation sexuelle des sports intéresse les sciences sociales depuis une dizaine d’années surtout grâce aux travaux qui ont remis en cause la bicatégorisation sexuelle de l’humanité, que ce soit d’un point de vue constructiviste chez Laqueur ou biologique chez Fausto-Sterling9. Ceux-ci ont amené des dizaines de chercheur·ses en sociologie des minorités, philosophie politique ou éthique, histoire des sciences, droit du travail, etc., à s’intéresser aux personnes intersexuées – des « personnes connaissant le dimorphisme sexuel et dont les organes reproducteurs et/ou les caractères sexuels secondaires sont en partie d’un sexe, en partie de l’autre »10 – en particulier aux sportives de haut niveau présentant cette caractéristique du développement sexuel. Parmi celles-ci, Caster Semenya ou Dutee Chand11 sont les plus médiatisées et étudiées au point qu’il existe aujourd’hui un sous-champ universitaire foisonnant appelé « Caster Studies » qui interroge l’« affaire Semenya » d’un point de vue mêlant médias, éthique et biologie12. En 2019, Caster Semenya, athlète sud-africaine, tomba en effet sous le coup d’une interdiction de participation aux courses de 400 m à 1 mile dans la catégorie féminine car la Fédération Internationale d’Athlétisme (FIA)13 estima que les personnes avec un développement sexuel différent (DSD)14 étaient avantagées par un hyperandrogénisme provoquant un taux de testostérone sérique endogène plus élevé que chez les autres concurrentes. D’abord supposé puis prouvé – par une méthodologie critiquée –, cet avantage fut finalement estimé à 2 ou 3% par Stéphane Bermon et ses collègues, médecins du sport mais aussi conseillers pour la FIA15. Outre le conflit d’intérêt flagrant, l’enquête de la FIA pâtit d’une faille logique puisqu’elle ne débat pas sur la nature inéquitable de l’avantage conféré par la testostérone mais seulement sur son degré, comme le pointa la spécialiste de bioéthique Silvia Camporesi16. Considérant que cet avantage est suffisamment grand pour mettre en péril le principe de l’égalité des chances, la FIA put esquiver la question de son origine. Or, s’il est naturel – c’est le sens du mot endogénique –, cet avantage ne peut pas être sanctionné, à l’instar de la consommation maximale d’oxygène, la taille des membres, la rapidité de récupération, etc. Le procès intenté aux athlètes avec un DSD ne porte donc pas sur leur capacité sportive mais sur leur féminité hors norme voire sur leur couleur de peau17.

4Il ne s’agit pas dans cet article de jeter l’opprobre sur les institutions sportives internationales en les accablant d’être sciemment sexistes et racistes mais plutôt de considérer l’impensé derrière cette ségrégation sexuelle des sports, à savoir l’impossibilité d’abandonner le paradigme de la bicatégorisation. L’approche historique de cet article s’appuyant sur des sources contemporaines de l’aire occidentale montre que la ségrégation sexuelle des sports n’est pas seulement le reflet de croyances – d’ailleurs récentes18 – dans l’existence de deux sexes irrémédiablement opposés, mais aussi le laboratoire où cette différence de valence est créée. Autrement dit, la bicatégorisation sexuelle de l’humanité continue d’exister dans les croyances et représentations parce que les sports de compétition continuent d’être organisés et séparés selon cette bicatégorisation. D’un point de vue théorique, cet article s’inscrit donc dans la veine d’un féminisme matérialiste pour qui le genre précède le sexe19.

5Cet article explique d’abord comment le sport moderne s’est historiquement construit en postulant et en mettant en œuvre cette bicatégorisation, ce qui a eu pour effet de reléguer le sport dit féminin à un rang subalterne et donc d’invalider toute mixité. Ensuite, nous examinons les arguments pour et contre la mixité dans les sports professionnels afin de questionner leur rapport avec les normes de genre. La troisième partie porte sur les remises en cause actuelles des droits à la participation des sportives intersexuées et transgenres.

Histoire de la ségrégation sexuelle des sports

Naissance des sports modernes : la fabrique d’hommes forts et de femmes fécondes

6Dans le sillage de Tony Collins, il faut rappeler que l’usage contemporain du mot « sport » désigne en fait un ensemble de pratiques physiques codifiées à partir du folklore ou inventées vers le milieu du xixe siècle, dans une optique de rationalisation, de modernisation et de standardisation20. Ces « sports modernes », comme le football-association, le rugby en Grande-Bretagne, puis le football américain ou le basket-ball aux États-Unis, épousaient l’idéologie du capitalisme industriel en mettant l’accent sur la quantification, la performance, l’effort, la discipline, la technique et la rationalisation en vue du profit. Les public schools britanniques, établissements privés destinés aux classes supérieures masculines, ne s’y trompèrent pas en consacrant un tiers des enseignements aux activités physiques ou sportives. Il s’agissait de préparer les futurs cadres de la nation et de l’Empire à la guerre, au service, au sacrifice, au renoncement de soi, mais aussi à une masculinité hégémonique, s’appuyant sur le fair-play, la morale chrétienne, et l’hétéronormativité.

7Dans cette deuxième moitié de l’époque victorienne, les femmes perdirent le droit de pratiquer des activités sportives autorisées depuis le siècle précédent, y compris la boxe et la course à pied, au motif que celles-ci mettaient en danger leur santé, en particulier leur capacité à enfanter21. Le cyclisme était tout particulièrement déconseillé par les docteurs européens pour des raisons gynécologiques (fragilisation des organes reproducteurs), sexuelles (peur du plaisir clitoridien et de la nymphomanie), mais aussi culturelles (liberté de déplacement). Un manuel d’éducation physique français précise : « En aucun cas nous n’oserons soutenir l’utilité des compétitions sportives pour les femmes : pas de course de fond, pas de saut […] en vue de records, pas de lutte ni de boxe, pas d’équitation […]. Tout exercice qui s’accompagne de heurts, de chocs, de secousses est dangereux pour l’organe utérin »22.

8L’invention des sports modernes joua donc à plein dans la théorie des sphères séparées, où les identités de genre étaient mutuellement exclusives et prétendument fondées en nature. Aux hommes la force physique, l’endurance et la compétitivité ; aux femmes, la tendresse du cœur, la fragilité et l’esthétique. La croyance dans l’infériorité physique des femmes est donc consubstantielle à l’apparition de sports modernes qui séparèrent les activités selon les demandes du capitalisme impérialo-industriel. Dans ce contexte, la mixité sportive, pratique sportive opposant femmes et hommes, ne put voir le jour23.

Le sport « féminin » sous tutelle masculine

9Interdites de pratique sportive – entendue à la fois comme loisirs et compétitions – les femmes durent braver des interdits de genre pour permettre au sport « féminin » d’exister, au prix de nombreux combats, d’abord passés sous silence mais de plus en plus documentés depuis 25 ans24. Entre les années 1870 et 1920, certaines femmes pratiquaient certains sports, selon les restrictions suivantes : que ces femmes appartiennent à la haute société pour qui le temps oisif est signe de distinction (tennis, golf), que ces activités soient perçues comme esthétiques (danse, patinage), qu’elles soient prophylactiques (gymnastique et mouvements d’ensemble, natation), qu’elles interdisent la violence perçue (basket-ball, volley-ball) ou bien qu’elles se déroulent loin du regard masculin (randonnée, alpinisme)25. Hormis ces espaces de tolérance, les autres formes de sport féminin furent réprimées, comme l’attestent l’essor et le déclin brutal du football féminin en Grande-Bretagne. Durant la Première Guerre mondiale, des femmes nouvellement employées dans les usines imitèrent les hommes en formant – avec l’aval du patronat – des équipes corporatistes représentant leur usine ou leur corps de métier. Parmi celles-ci, l’équipe Dick, Kerr’s Ladies Football Club obtint de grands succès et joua même devant 20 000 personnes contre une sélection française en 1920. Mais le patriarcat sportif contesta cette autonomisation en interdisant la naissance de ligues pérennes26.

10En France, Alice Milliat, nantaise expatriée à Londres, lutta dans les années 1920 pour l’instauration d’une Fédération féminine sportive de France (FFSF)27 et fit pression sur le Comité olympique international pour qu’il ouvrît des épreuves aux femmes. Ce fut modestement le cas aux Jeux olympiques de 1928, mais à partir de 1934 les courses dépassant 500 mètres leur furent interdites pendant près de trente ans au motif que les athlètes étaient arrivées épuisées après le 800 mètres de 192828. De plus, le sport féminin des années 1930 fit la rencontre malheureuse du mouvement pour l’éducation physique des jeunes filles, contrôlé par l’hygiénisme des médecins et le natalisme des patriotes tenants de la régénération de la France à l’entre-deux-guerres. La gymnastique non compétitive et prophylactique prit le pas sur le sport, perçu comme individualiste, inutilement épuisant et indécent pour les femmes. La presse populaire, comme Le Petit Journal, soulignait le ridicule des midinettes de la course Paris-Versailles, se moquait de l’impudeur des sportives « crotteuses » et vociférantes29. Même dans le sport ouvrier, le système du sport unique où hommes et femmes concourent ensemble pour signifier la fin du modèle de genre porté par la famille bourgeoise laissa place dans les années 1930 à un modèle bipolaire différencié et hiérarchisé, qui « valide en creux l’emprise du fief de la virilité que semble représenter le sport ouvrier »30. Toutefois, entre la délicate fragile et l’hommasse virilisée apparut une troisième figure de la féminité sportive, « franche et décidée » et « libre d’allure » : la garçonne pratiquait le sport pour prendre confiance en elle, ne plus douter, lutter contre les crises de nerf. Elle espérait la complémentarité entre les deux sexes afin que « les femmes soient moins rosses et les hommes moins mufles »31. Mais le conservatisme patriarcal des années 1940 et 1950 sembla ramener les femmes à leur rôle de mère et d’épouse ; avec lui disparut le projet d’un sport féminin qui ne masculinise pas les femmes, ni ne démasculinise les hommes.

Une féminisation qui entérine l’infériorité

11Pour des raisons multiples, les années 1960 et 1970 virent se lever la plupart des interdictions faites aux femmes de pratiquer les sports, mais ce mouvement fut graduel, le plus souvent non politisé et instaura une différence de valeur entre sports féminins et masculins. En 1967, au marathon de Boston, Kathy Switzer dut se déguiser en homme pour participer car la Fédération internationale interdisait aux femmes les courses de plus de 5 km. Expulsée de force de la course, elle devint le symbole d’une injustice criante, en décalage avec la reconnaissance naissante de droits égaux entre les sexes32. En France, la mixité scolaire, introduite dans les années 1960, avait pour but d’effacer la différenciation de l’accès aux savoirs, mais les cours d’éducation physique et sportive devinrent au contraire « le bastion des normes de genre incorporées »33. L’absence de mixité, le fléchage vers les activités masculines (sport de combat) et féminines (danse) et surtout l’existence de barèmes de notation différenciés selon le sexe renforcèrent une « vision naturaliste de la différence entre les sexes »34. Selon l’historien Michaël Attali, « L’égalisation des chances ne conduit pas à une appropriation égalitaire des savoirs, comportements ou valeurs, mais bien à leur différenciation en fonction des critères de genre » du fait de la persistance de la croyance en des aptitudes différentes naturelles, donc éternelles et indépassables. L’échec de l’EPS française souligne « l’impossibilité des sociétés occidentales à penser le corps autrement que sexué et l’égalité au-delà des différences corporelles »35.

12Ce fut aussi le cas aux États-Unis où la section ix des Education Amendments de 1972 contraignit tout établissement scolaire financé par des deniers fédéraux à allouer des moyens égaux aux activités scolaires des deux sexes. Initialement, les sports n’étaient pas concernés mais ce fut graduellement le cas, provoquant une augmentation considérable de la participation des étudiantes et lycéennes (environ 2 millions en 1978, 7 fois plus que 10 ans plus tôt). Néanmoins, A. Milner et J. Braddock nuancent l’effet égalisateur de la section ix : d’une part, la participation féminine resta bien inférieure à celles des hommes, d’autre part, les opposants obtinrent des tribunaux des financements différenciés, enfin l’idée même de l’égalité malgré la séparation entérinait l’infériorité en nature et en valeur des sports féminins face aux sports masculins36.

13De nos jours, la quasi-totalité des sports professionnels sont accessibles aux femmes et la participation ne cesse d’augmenter (45% des Françaises disent pratiquer régulièrement une activité physique ou sportive)37, toutefois la distribution des pratiques se superpose toujours aux rôles de genre. Pour les sportives de haut niveau, les salaires, récompenses, ou possibilités de contrats publicitaires ou de sponsoring demeurent nettement inférieures à celles des hommes, frein majeur pour les aspirantes au professionnalisme. Les représentations médiatiques du sport « féminin », le plus souvent sexualisées voire sexistes, contribuent aussi à en faire une version dégradée du sport masculin38. L’existence en 2020 de barèmes différenciés selon le sexe lors des épreuves d’EPS du baccalauréat, peut tout à la fois être interprétée comme un rattrapage au nom de l’équité d’un handicap lié à une culture décourageant les candidates de pratiquer le sport, ou bien comme la validation par l’institution de la croyance en l’infériorité physique naturelle des candidates.

14Enfin, le constat fait par Catherine Louveau à propos du rendez-vous manqué entre féminisme et sport féminin reste vrai 30 ans plus tard39. À part quelques exceptions, la « conquête des sports » par les femmes n’a pas été motivée par une bataille politique. Pourtant, selon C. Louveau, « l’un des thèmes centraux du féminisme est le corps (la sexualité, la contraception, l’avortement, le viol, les violences conjugales). Autour du corps se catalyse toute la volonté de "disposer librement de soi-même" […]. Pratiquer une activité physique peut être une partie prenante de cette libération corporelle qu’on réclame haut et fort »40. Comment expliquer ce « point aveugle du féminisme » ? C. Louveau fait l’hypothèse que les féministes ne se soucient pas du sport, un loisir accessoire par rapport aux autres luttes. Elle met aussi en avant l’efficacité de l’idéologie de l’institution sportive qui prêche que le sport est hors du temps, donc du social41. De nos jours, beaucoup de féministes différentialistes souscrivent à « l’évidence biologique », par conséquent elles revendiquent le droit au sport pour les bénéfices personnels des femmes et non pour revendiquer l’égalité entre les sexes. Par exemple, Femix’Sport, une association qui lutte pour la « mixité », œuvre en fait pour la « féminisation », c'est-à-dire une plus large participation des femmes, dans le cadre de l’application de la loi de 2004 sur la parité femmes/hommes dans les instances sportives.

15Né d’un interdit fondé sur l’invention des sphères séparées, le sport dit féminin demeure l’Autre du sport masculin car pour de nombreuses instances dirigeantes du sport, inclure veut dire séparer. Il continue d’être pensé et organisé comme espace infériorisé, très souvent organisé par les instances du sport masculin dirigées par des hommes défendant les intérêts de leur condition masculine. Tout mélange – c’est le sens premier de « mixité – est donc inconcevable. Pourtant, la remise en cause par les biologistes et les endocrinologues de la bicatégorisation sexuelle de l’humanité déstabilise les normes de genre que le sport moderne a fabriqué. Par ailleurs, la mixité, comme l’inclusivité et la parité, ont la faveur des médias contemporains. Dès lors, pourquoi en 2021 femmes et hommes ne jouent-ils toujours pas sur le même terrain ?

Le débat sur la mixité : pourquoi les deux sexes ne partagent-ils pas le même terrain ?

16De nos jours, les sports mixtes42 demeurent rarissimes, même si le CIO a augmenté leur nombre aux JO de Tokyo. Un état des lieux complet de la situation révèle trois types de sports mixtes : les prémodernes, comme le curling, l’équitation ou le tir ; les éducatifs, souvent particuliers à un pays, comme le korfball ou le netball ; les postmodernes, comme le quidditch, qui recommande une parité des genres dans les équipes opposées. En revanche, les sports modernes issus de l’ethos capitaliste ne se sont pas réformés. Le cas des courses d’athlétisme, de natation, de biathlon, de saut d’obstacle, etc., de relais mixtes est intéressant car il semble davantage satisfaire à une exigence de féminisation des sports olympiques qu’à la volonté de laisser les femmes concourir contre les hommes43. En effet, « mixte » peut s’entendre de deux manières : une femme contre un homme ou bien une équipe mixte contre une autre. Dans le deuxième cas, la complémentarité prime sur l’adversité.

17Une croyance couramment répandue avance que l’absence de mixité provient de l’infériorité physique des femmes en général, autrement dit que « les femmes » étant « par nature » moins « fortes » (à la fois moins musclées et moins compétentes) que les hommes, elles n’ont pas d’intérêt à concourir contre eux. Plusieurs arguments sont convoqués, comme la taille des muscles, la largeur des épaules, la vitesse, les résultats des championnes et des champions, etc. Comme souvent avec le sens commun, tout cela repose sur des simplifications. Prenons-les rapidement une à une. « Les femmes » tout d’abord n’existent pas comme un groupe homogène. Certaines femmes sont moins « fortes » que certains hommes, d’autres non. Si en moyenne cela est vrai, cela n’est pas pertinent car ce ne sont pas les moyennes qui font les performances, mais bien les individus44. L’expression « par nature » oublie que l’environnement (l’éducation, les moyens alloués, les socialisations) joue un rôle crucial dans cette infériorité, qui est en fait une infériorisation. L’idée de « force » est contestable car peu de sports requièrent seulement de la force, y compris les sports de combat ou de contact45. Au-delà de ce rapide contre argumentaire, il faut rentrer dans le détail du débat pour ou contre la mixité pour interroger de quel « régime de vérité »46 participe la croyance populaire dans l’infériorité physique des femmes.

Une mixité dangereuse

18Sans surprise, c’est la biologie qui est convoquée en tout premier pour justifier la séparation des compétitions sportives selon le sexe. Les arguments les plus fréquents sont les suivants : les hommes ont en moyenne un taux de testostérone sérique environ quatorze fois supérieur à celui des femmes, ce qui leur confère davantage de masse musculaire ; ils ont aussi un cœur 30 % plus gros, donc une meilleure capacité à renouveler l’hémoglobine et une propension à moins consommer d’oxygène pendant l’effort ; leur tissu adipeux est inférieur de 10 % et leurs hormones les amèneraient à avoir un avantage compétitif sur les femmes. Le deuxième thème est d’ordre économique car le sport féminin, même d’élite, n’intéresserait pas autant le public que le sport masculin, ce qui se traduirait par des retombées financières moindres, du fait d’un faible audimat et donc de faibles droits de retransmissions et de contrats publicitaires. Le même raisonnement s’applique aux sports mixtes, alors même qu’ils sont rarissimes sur les écrans. Troisièmement, certaines voix s’élèvent pour s’opposer à la mixité au nom des intérêts économiques des sportives de haut niveau qui seraient alors privées de podiums, voire de compétitions tant les écarts de performance sont grands. De fait, aucune sprinteuse n’a pu concourir le 100 mètres homme des JO de Tokyo car les minima masculins de sélection étaient à 10,05 secondes alors que le record du monde féminin est de 10,49 secondes.

Contre la ségrégation : les arguments biologiques et sociologiques

19En réponse à ces arguments, les partisans de la déségrégation sexuelle des sports avancent que la biologie ne devrait pas faire autorité, car, comme toute science, elle est évolutive et reflète bien souvent les présupposés des scientifiques. Le rôle de la testostérone par exemple, longtemps présentée comme l’hormone mâle par excellence, donc le déterminant principal de la performance, est remis en cause47. Non seulement les femmes aussi produisent cet androgène, mais encore la performance s’explique par une combinatoire impliquant l’entraînement, la motivation, les conditions particulières, et pas seulement une hormone, dont le taux varie au fil de la journée, de surcroît. Pour les anthropologues R. Jordan Young et K. Karkazis, si la testostérone continue d’être considérée à tort comme l’hormone mâle, c’est que cette croyance offre une explication facile à l’agressivité, l’explosivité et la libido incontrôlée de certains hommes48. Il existe un discours sur la testostérone (qu’elles appellent « T talk ») qui fonctionne de manière tautologique : dire que la testostérone confère un « avantage androgénique » est une évidence seulement s’il s’agit de différencier hommes et femmes dans le but de ségréguer49.

20Plus fondamentalement, la ségrégation sexuelle des sports est contestée grâce aux travaux de sociobiologistes comme Anne Fausto-Sterling qui ont remis en cause l’existence de deux sexes mâle et femelle, absolument différents, facilement identifiables et totalement incommensurables. Dans le règne animal comme chez l’humain, ce qu’on appelle le « sexe » est en fait un « continuum modulable à l’infini »50 puisque les individus peuvent avoir certaines caractéristiques appartenant à ce qu’on nomme « mâle » et d’autres à « femelle »51. Sur la base des travaux d’A. Fausto-Sterling, on a pu établir six façons d’identifier le sexe, qui doivent être combinées et non opposées pour comprendre la réalité biologique du continuum : les gonades, les organes génitaux, les chromosomes, les hormones, les caractères sexuels secondaires et l’identité de genre choisie. Ce qu’on appelle le sexe biologique (ou parfois « de naissance ») est en réalité un sexe administratif qui correspond à une représentation du monde qui divise l’humanité en deux catégories imperméables. Le cas des personnes intersexuées – dont la variété est grande – met en exergue l’aporie de cette bicatégorisation rigide et présentée comme naturelle. Si la binarité sexuelle n’existe pas, il s’ensuit que la ségrégation sexuelle des sports est obsolète car impraticable. La refuser revient, pour les défenseurs de la mixité, à concéder que cette organisation n’imite pas la nature, mais reflète bien une vision du monde androcentrique où l’on invente la catégorie « homme » pour réserver pouvoirs et privilèges aux individus identifiés comme tels.

21Les détracteurs de la ségrégation l’attaquent aussi d’un point de vue éthique : que penser d’une compétition où, sous prétexte qu’un groupe ethno-racial serait « biologiquement » inférieur ou moins performant qu’un autre, les individus des deux groupes n’auraient pas le droit de concourir les uns contre les autres ? Personne n’oserait défendre de nos jours une compétition sportive séparant personnes afro-descendantes et euro-descendantes. Pourtant ce serait justifiable du point de vue des performances au 100 mètres : sur les 14 meilleurs temps de l’histoire, aucun n’a été réalisé par un euro-descendant52. Les politiques de ségrégation racialistes (Jim Crow Laws aux États-Unis, apartheid en Afrique du Sud) justifiaient la séparation dans l’égalité en attribuant une valence à des traits physiques. Il fallut un siècle de travaux en sciences sociales pour démontrer le caractère construit de la « race », et donc invalider les pratiques sociales hiérarchisées que ces croyances ont produites. En effet, pour l’historienne Colette Guillaumin, « les notions de race et de sexe sont des formations imaginaires, juridiquement entérinées et matériellement efficaces »53. Quand la même déconstruction du caractère construit du genre s’imposera-t-elle aux instances dirigeantes du sport mondial ? De plus, cette interdiction de concourir en raison du sexe de l’individu contrevient à la charte olympique et au xive amendement de la constitution des États-Unis qui protège l’égalité des chances54.

22Enfin, les opposants à la ségrégation abordent la question des performances inférieures a contrario : elles seraient la conséquence et non la cause de la ségrégation sexuelle des sports. Ils et elles convoquent une série d’arguments pour donner une explication sociale et non biologique à ces résultats. Tout d’abord, l’écart femme/homme est à mettre en contexte. Certes, aucune sprinteuse ne pourrait se qualifier pour le 100 mètres hommes des JO, mais la marge entre les deux records du monde n’est que de 10%, soit une seconde55. Même si on constate une stabilisation de cet écart à 10% depuis 1983, c’est un non sequitur de conclure « que les femmes ne rattraperaient jamais les hommes »56 car il est évident que dans toute activité humaine les circonstances ont un impact sur les performances. Or, depuis des années, le sport féminin ne reçoit pas la même qualité en termes d’équipements, de coaching, de moyens financiers, et surtout d’exposition médiatique57. De plus, la socialisation de genre joue un rôle capital sur les habitus. Dans un univers social qui assimile sport et virilité, être une « vraie femme » tout en étant pleinement une sportive de haut niveau continue d’être un handicap social. Si ces carrières sont de plus en plus tolérées, elles ne sont pas normalisées. Les témoignages de sportives recueillis par Béatrice Barbusse attestent d’une dévalorisation, d’une dissuasion (risques de blessures), d’accusations de lesbianisme, et de la peur des abus sexuels dans un milieu où les dirigeants sont masculins et où les agresseurs ne sont pas inquiétés58. Cet ensemble de conditions pratiques a un impact sur l’estime de soi des athlètes, donc sur leurs performances. L’organisation des compétitions selon le sexe renforce cette croyance dans l’infériorité des femmes par le principe des prophéties auto-réalisatrices, croyances qui sont vraies seulement dans la mesure où leurs conséquences le sont. Par conséquent, comme le résume une journaliste canadienne : « l’égalité des femmes dans le sport ne sera jamais atteinte tant que le principe fondamental qui l’organise s’apparente à faire tourner en boucle ce message dans les vestiaires des filles ‘tu es née pour être le deuxième choix’ »59. Les performances des sportives sont donc inférieures car celles-ci se croient inférieures aux sportifs du fait de la ségrégation selon le sexe. La circularité des causes et des effets ne peut être rompue que par l’application de la mixité au-delà de l’adolescence, mais les difficultés pratiques sont nombreuses.

Comment appliquer la mixité ?

23Certains partisans de la mixité proposent de respecter le principe d’égalité des chances en utilisant de nouvelles catégories comme la génétique, le taux de testostérone, le poids, la taille, l’âge, le type de motricité, etc. D’autres soulignent l’aporie de cette démarche en contestant que l’on puisse jamais parvenir à une égalité parfaite étant donné que les moyens permettant les performances sont inégaux. Est-ce un hasard si les pays les plus riches obtiennent un nombre de médailles aux JO proportionnellement supérieur à leur nombre et à leur population ? Pour pallier cela, il est question de ne créer qu’une seule catégorie et de laisser une forme d’évolutionnisme faire son travail. Proche de la théorie queer, qui questionne les normes pour faire émerger de nouveaux modes de production du savoir, cette organisation post-catégorie impliquerait de faire disparaître la catégorie sexe dans l’état civil, mais cette déstabilisation de notre système épistémologique aurait un impact sur la filiation, la sexualité et l’idée même d’identités60. Enfin, un troisième groupe en faveur de la mixité propose de créer une ligue tierce en plus des catégories hommes et femmes, ouvertes à tous et toutes y compris aux personnes non binaires61, sur la base du libre choix. De nombreuses sportives y sont opposées craignant de perdre les avancées économiques obtenues de haute lutte ces dernières années ; d’autres au contraire y voient un nouveau marché exploitant le goût postmoderne pour l’inclusivité (par exemple la Global Mixed Basketball League) ou bien la fin d’un déni de droit, comme cette femme qui a concouru au niveau universitaire avec des hommes :

Cela m’écœure que nous soyons jugées sur la base d’un handicap. Celles qui sont au niveau des hommes se trouvent punies du fait des performances médiocres de leur sexe, résultat de la ségrégation sexuelle et les stéréotypes de genre62.

24Toutefois, cet avis ne semble pas partagé par la majorité des sportives de haut niveau qui préfèrent continuer de profiter de la classe protégée du sport « féminin ». Ce débat traverse tous les féminismes : face à un mur, faut-il le gravir, le détruire, ou le conserver et essayer d’en tirer profit ? Cette difficulté à propos des mérites de la mixité a pris une teneur polémique avec les changements récents dans les règles de participation des athlètes intersexuées et transgenres.

Rejet des athlètes intersexuées et transgenres : la persistance du sexisme bienveillant

Caster Semenya et les droits des athlètes intersexuées

25Outre les problèmes scientifiques et éthiques mentionnées plus haut, la séparation des sports selon le sexe devient de plus en plus injustifiable du fait des revendications des athlètes intersexuées et transgenres. Les premières veulent concourir avec les femmes, groupe auquel elles appartiennent par l’état civil et auquel elles s’identifient. Très médiatisée depuis sa victoire aux Mondiaux de Berlin en 2009, l’athlète sud-africaine Caster Semenya, double championne du monde et olympique sur 800 mètres, fut suspectée d’être biologiquement un homme du fait de sa carrure et de sa voix. Le sexe de Semenya fait débat depuis plus de 10 ans : certaines personnes, dont elle-même, s’en réfèrent à l’état civil sud-africain pour conclure qu’elle est une femme ; d’autres63 s’appuient sur l’arrêt de la FIA en date du 30 avril 201964 qui laisse entendre qu’elle a un caryotype 46XY, donc qu’elle est un homme, avec des testicules internes et certains caractères sexuels secondaires de femme. Pour arriver à cette conclusion, la FIA lui fit passer des tests, qui révélèrent ce que les docteurs en charge de l’enquête appelèrent un « hyperandrogénisme » dû à son statut de personne intersexe avec un DSD 46XY et un déficit congénital de la 5-alpha réductase de type 265. En conséquence, la FIA rédigea de nouvelles règles pour définir un taux maximal de testostérone sérique autorisant à prendre part à des compétitions officielles (10 nanomol par L, puis 5 à partir d’avril 2018). La Sud-africaine put concourir après avoir pratiqué une ablation des testicules (orchidectomie) et suivi une hormonothérapie à base de contraceptifs pour baisser son taux de testostérone66.

26Martin Ritzen, du Karolinska Institutet de Stockholm, souvent employé par le CIO, estime que la prise de contraceptifs oraux, traitement conseillé aux athlètes DSD pour diminuer leur taux de testostérone sérique, est « une thérapie ordinaire, ni irréversible, ni obligatoire »67 ; pour Stéphane Bermon, directeur du département santé de la FIA, c’est le « standard de soin » également pour les femmes trans68. Pour ces médecins, prendre un contraceptif quand on est une femme serait anodin, or les risques liés aux contraceptifs oraux incluent la thrombose, le cancer et des troubles endocrinologiques. Cette position affirme en outre que des femmes intersexuées ou trans, pour être pleinement femmes, c’est-à-dire se conformer au genre tel que le pouvoir masculin le définit, doivent corriger leur nature, y compris en s’interdisant de pouvoir enfanter, si elles veulent exercer leur métier. La « médicalisation de corps physiologiquement sains quoique déviants des normes sexuelles binaires »69 contredit le but de la médecine qui est de bénéficier au patient et de ne pas lui nuire (primum non nocere). Le contrôle du corps des femmes par le pouvoir masculin est ici à son paroxysme : il dicte la norme, ordonne un chemin de correction, gouverne la reproduction – seul pouvoir qui échappe au masculin – et in fine limite les moyens d’émancipation économique.

27C. Semenya porta plainte pour violation des droits, discrimination infondée et dopage inversé, mais ses griefs furent à plusieurs reprises rejetés par la FIA, puis par le Tribunal Arbitral du Sport et la Cour Suprême suisse, deux instances non décisionnaires auprès desquelles elle et ses avocats firent appel70. « Je suis très déçue par cette décision, mais je refuse de laisser la FIA me droguer ou de m’empêcher d’être qui je suis », déclara Semenya en septembre 202071. En effet, les personnes intersexuées ne peuvent être accusées de triche ou de dopage car cette anomalie (qui n’est pas une anormalité) est endogénique. Interdirait-on à un basketteur plus grand que les autres de jouer, ou bien à un nageur avec une envergure de bras plus grande que la moyenne ? Eero Mantyranta, champion de ski de fond dans les années 1960, produisait naturellement de l’EPOR « conduisant à une polyglobulie et à un taux d’hématocrite naturellement très élevé allant jusqu’à une augmentation de 50 à 65 % de sa capacité sanguine de transport d’oxygène »72. Anaïs Bohuon, sociologue spécialiste des tests de féminité dans le sport, remarque que ces restrictions ne s’appliquent qu’aux seules femmes, en particulier celles qui inspirent un doute visuel du fait de leur défaut de féminité apparente73. Même si la FIA et le Tribunal Arbitral du Sport se défendent expressément de définir les limites biologiques de la féminité et répètent que C. Semenya et les autres athlètes74 avec un DSD « restent des femmes », comment comprendre qu’elles n’aient pas le droit de concourir dans leur catégorie, alors qu’elles le pourraient contre des hommes ou bien contre des femmes dans des distances inférieures à 400 mètres75 ?

28Le non-sens est flagrant qui montre implacablement l’aporie de la ségrégation sexuelle des sports, reposant sur le mythe de la bicatégorisation sexuelle de l’humanité. Ici, ce n’est pas le sexe biologique – catégorie trop instable pour être pertinente – qui détermine l’appartenance ou non à un groupe, mais bien le genre, entendu comme la conformité de l’apparence d’une personne à un idéal de société, ici « la vraie femme ». Rappelons que les tests subis par C. Semenya ne sont pas systématiques, mais fondés sur une suspicion visuelle, et qu’ils ne sont jamais pratiqués sur les hommes, dont on peut imaginer que certains présentent aussi des taux atypiques de testostérone, par exemple. L’ordre de genre actuel n’imagine pas qu’un homme puisse être trop viril dans son apparence, alors qu’une femme, même athlète, ne peut se permettre d’avoir un corps qui ressemble, naturellement ou non, aux besoins de son métier. Si le sport moderne ne s’était pas développé comme une prérogative masculine, fondant en droit et en nature une différence de valence physique, il est probable que ces procès en hypervirilité n’existeraient pas aujourd’hui.

29Institution moderne dans un monde postmoderne qui considère les identités fixes comme réductrices, le sport professionnel institutionnalisé se trouve donc dans une aporie : rester fidèle à l’égalité des chances le contraint à la fois à rejeter et à accepter les athlètes intersexuées.

Menace sur les acquis des athlètes transgenres

30L’aporie est encore plus manifeste en ce qui concerne les athlètes transgenres76, en particulier celles qui ont terminé leur transition d’homme à femme. Confrontées à de plus en plus de demandes, certaines instances ont mis en place des règles pour accepter ces athlètes au nom de l’inclusivité et du respect des droits des personnes dites LGBT. Le Comité Olympique International (CIO) par exemple a publié en 2015 des mesures qui autorisaient les femmes trans à concourir avec les femmes cisgenre sans avoir recours à une orchidectomie, à condition que leur niveau de testostérone sérique soit inférieur à 10 nanomoles par litre pendant au moins 12 mois avant la compétition et pendant la compétition et que leur identité de genre n’ait pas changé depuis 4 années77. Ces mesures furent appliquées à l’identique par de nombreux comités et fédérations nationales ainsi que dans les lycées et universités états-uniennes par le biais de leur supra-organisation, la National Collegiate Athletics Association, en 201178. Toutefois, ces politiques sont actuellement remises en cause. Premièrement, la FIA a baissé en 2019 le taux de testostérone sérique toléré pendant 12 mois à 5 nanomoles par litre79. De plus, deux études sorties au printemps 2020, dont une non soumise à une expertise par les pairs et cosignée par une scientifique ouvertement favorable aux régulations contre les personnes trans80, ont contesté qu’une période de 12 mois soit suffisante pour effacer les avantages compétitifs induits par la testostérone depuis la puberté des athlètes, non seulement au niveau de la masse musculaire mais aussi quant à la musculature générale et à la psychologie. Dans ce contexte, le CIO a tardé à émettre de nouvelles mesures pour les JO de Tokyo, dans l’attente d’autres études et bien conscient du caractère sensible de ce sujet. En effet, « la plupart des fédérations de sports de compétition souhaitent inclure les personnes trans, mais en même temps elles trouvent important de protéger la catégorie féminine dans le sport contre des avantages déloyaux »81.

31Aux États-Unis, sous la présidence Trump, ces remises en cause ont mené le Ministère de l’Éducation à enquêter sur la validité des mesures concernant les athlètes LGBT dans les universités au regard de la section ix. Sous la pression de la ministre de l’Éducation Betsy DeVos, et de nombreuses associations ouvertement anti-LGBT comme Concerned Women for America ou Family Policy Alliance, l’université Franklin Pierce fut contrainte d’abroger l’accord passé avec la NCAA vis-à-vis de l’intégration des athlètes transgenres au motif que celui-ci, selon le bureau des droits humains du Ministère, violait les principes d’équité présents dans la section ix82. Or, si l’université ne respecte pas cette loi, elle perd ses financements de l’État fédéral. Le même scénario se répéta à l’automne 2020 pour tous les établissements du Connecticut83, entrainant un communiqué de Concerned Women for America qui relie cette victoire légale à un projet de loi qui exige que « le sexe (dans les compétitions sportives) soit déterminé sur la base du sexe déterminé à la naissance par un médecin »84.

32De plus, en octobre 2020, la Fédération internationale de rugby publia un rapport qui statua que les femmes trans ne pouvaient plus jouer dans les matchs de rugby féminin car l’avantage conféré par la testostérone durant leur croissance les rendait plus puissantes, plus rapides, plus endurantes, et donc plus dangereuses pour les adversaires85. L’étude mettait en garde contre une augmentation de 20 à 30% du risque de blessures. Pour la chercheuse Joanna Harper, ce chiffre est trompeur car il provient de tests faits sur des hommes cisgenre jouant contre des femmes cisgenre et non sur des femmes trans, qui sont, d’une part, très peu nombreuses sur les terrains, donc le risque de blessure baisse à 1 %, et d’autre part ne seront pas amenées à jouer à des positions de contact. On ajoutera, avec l’ancienne joueuse Naima Reddick, que personne ne se soucie qu’une femme ou homme cisgenre d’1,90m blesse une femme ou homme d’1,70m, sauf si la première est une femme trans86.

33Le procès qui est fait aux femmes trans est donc d’avoir été un homme et de ne pas le rester. La fédération de rugby comme les associations autoproclamées pour « la défense des sports féminins » ont une vision essentialiste du sexe : il est celui de la naissance, celui que l’on peut voir et celui qui reste le même toute la vie. Au contraire, le mouvement des personnes LGBT et la pensée queer soulignent le caractère construit de ces assignations et proposent de laisser aux personnes le choix de s’identifier et non plus d’être identifiées. Comparer toutes les femmes trans à des hommes cisgenre, comme le fait la lettre de « Save Women’s Sports » adressée à la NCAA révèle une incompréhension sur le phénomène de dysphorie de genre87. Il ne s’agit pas d’un déguisement, d’une lubie ou d’une phase mais bien de la guérison d’une maladie sociétale, à savoir l’assignation à un genre en vertu de signes sexuels à la naissance. « Les femmes trans sont des femmes, pas comme les femmes cis, mais elles ne sont pas des hommes », répète Joanna Harper88.

Du discours de la protection au sexisme bienveillant

34L’existence de régulations interdisant aux sportives de haut niveau intersexuées et transgenres de concourir avec les femmes repose donc, d’après les justifications des instances officielles et des associations civiles, sur le besoin de protéger les femmes contre l’absence d'équité (unfairness).

35L’insistance dans l’argumentaire de la FIA sur la « protection » mérite quelques remarques. Tout d’abord, selon Sebastian Coe, président de la FIA, cette protection vise à continuer la longue marche entreprise pour l'autonomisation (empowerment) des filles et des femmes par le sport89, mais l’on comprend vite que les gains des unes se font au détriment d’autres personnes légalement reconnues comme « femmes ». Ce que les instances veulent protéger serait donc une certaine classe de femmes90, cisgenre, avec un caryotype XX et des caractères sexuels secondaires conformes aux normes culturelles. Bien que la FIA, par la voix du docteur Bermon se défende de toute ostracisme, racisme ou transphobie91, certaines phrases de son argumentaire contredisent cette déclaration : par exemple, « La Fédération Internationale d’Athlétisme maintient qu’il y a des contextes où la biologie doit avoir le dernier mot sur l’identité »92 laisse entendre que les personnes avec DSD (ou intersexuées) auraient choisi leur condition. L’affirmation suivante : « C’est le sexe biologique et non le genre social ou légal qui doit prévaloir car ce sont les facteurs hormonaux et physiologiques et anthropométriques qui sont majoritairement associés à la performance »93 montre que la FIA veut protéger avant tout la croyance dans un sexe biologique premier déterminé par les hormones uniquement. S. Bermon va plus loin et considère que les athlètes qui refusent l’assignation de genre agissent par intérêt :

Vous voulez concourir dans la catégorie protégée féminine, alors vous ne devez pas vous opposer à un traitement qui affirme votre genre féminin (et baisse votre taux de T dans les normes féminines) et ce d’autant plus si vous criez haut et fort à qui veut l’entendre que vous êtes une femme ! Vous avez tout à fait le droit de refuser ceci et dans ce cas, vous avez des alternatives, concourir chez les hommes, les catégories intersexes, les compétitions nationales ou dans des épreuves d’athlétisme hors du 400m au mile. Mais peut-être que finalement vous ne voulez pas le faire car vous n’aurez pas la gloire et l’argent qui va avec. Pouvoir participer à une compétition est un droit. La gagner n’en est pas un !94

36Dans une interview donnée à des étudiants de l’école des Mines, un médecin du sport resté anonyme, très probablement le même docteur Bermon, alla jusqu’à se réjouir que ces traitements réducteurs de testostérone puissent aider ces athlètes à devenir des femmes aux traits féminins et capables d’enfanter :

Ce médecin du sport prend l’exemple de femmes africaines, souffrant de DSD (Disorder of Sex Development), pour qui “c’est un drame, car elle ne pourra jamais enfanter”. Elles perdent ainsi leur “statut social”. Un des effets de la réglementation et des traitements que celle-ci suggère est de donner à ces femmes un morphotype plus féminin et plus conforme à leur souhait : “Quand vous aidez ces femmes, en appliquant la réglementation, que vous leur donnez un traitement qui les rend un peu plus féminine, avec des critères occidentaux certes, elles sont contentes parce qu’elles sont socialement encore plus acceptées comme des femmes”95.

37Il est manifeste ici que les règlements encadrant la participation des sportives hyperandrogéniques portent en fait sur la féminité de celles-ci, donc s’apparentent à des tests de vérification du genre.

38Par conséquent, il apparaît que les décideurs des instances sportives ou leur porte-parole limitent la pratique du sport aux femmes qui se conforment aux normes de féminité blanche, cisgenre et « sexy »96. Ils veulent aussi protéger les femmes sportives au nom des intérêts des hommes, à savoir le maintien d’une « vraie féminité » marquée par la séduction et l’enfantement. Cette forme insidieuse de sexisme, appelé sexisme bienveillant par les sociologues M. Sarlet et B. Dardenne repose sur « le pouvoir dyadique, qui est originaire de la dépendance des hommes aux femmes pour les besoins d’intimité et de reproduction et encouragerait des formes bienveillantes de sexisme, par exemple, la vénération et la protection des femmes »97. Il ne s’agit pas d’être sexiste au nom d’une supériorité des hommes sur les femmes, mais du devoir de protéger le « sexe faible »98 menacé par les intersexuées et les transgenres, formes monstrueuses d’une féminité atypique.

39Au fil des siècles, l’invariant demeure donc que « la femme », telle que le pouvoir masculin, la définit, est un bien précieux à protéger. Les écrits prescriptifs du xixe siècle sur l’orgasme féminin relevés par Alain Corbin offrent un parallèle frappant avec l’autorisation accordée aux femmes de pratiquer l’exercice physique à condition qu’elles ne s’épuisent pas inutilement : « le jeune marié se doit […] d’éviter à son épouse des plaisirs violents trop souvent répétés. Il lui faut la modérer, de peur de solliciter les forces telluriques qui menacent de la dévaster lorsqu’elle se trouve abandonnée à la satisfaction totale de ses désirs »99. Ainsi, l’orgasme épuise, comme le sport, donc il faut en protéger les femmes de peur que leur capacité à enfanter soit mise en péril, seul pouvoir dont les hommes ne disposent pas (et qu’ils s’efforcent de contrôler, en régissant la contraception et l’avortement). Mais pour que cet argument sanitaire sur les dangers du sport soit logiquement recevable, il faudrait aussi que les hommes en soient protégés ; toutefois, personne n’avance que la pratique sportive pourrait les épuiser et endommager leur appareil génital. Contrairement aux discours incantatoires lui prêtant des vertus d’émancipation et d’autonomisation, le sport, tel qu’il est organisé de nos jours, assure donc au pouvoir masculin que les corps des femmes restent à sa disposition, comme l’explique Camille Froidevaux-Metterie à propos de la relation entre les seins et le féminisme :

[S]i elles sont devenues des individus de droits, pleinement investies dans le domaine social et professionnel, les femmes n’en ont pas moins continué d’être des sujets définis d’abord par leur vie sexuelle, conjugale et maternelle. En un mot elles sont restées des corps à disposition100.

40Les régulations visant les sports féminins, c’est-à-dire l’espace dans lequel les femmes sont autorisées à pratiquer ce qui constitue historiquement la masculinité hégémonique, pointent donc vers un contrôle de l’usage du temps, du corps, du plaisir, et, pour celles qui en font leur métier, de l’argent, donc de la renommée et du pouvoir.

Conclusion

41L’approche diachronique de cet article révèle un invariant dans l’histoire des rapports entre sport, sexe et genre, à savoir un protectionnisme de la surveillance qui consiste à limiter le champ de la pratique sportive pour les femmes à ce que les hommes estiment ne pas desservir leurs intérêts, afin de ne pas subvertir les rapports de pouvoir qui en découlent. S’appuyant sur les arguments qui ont présidé aux décisions de la FIA, en particulier celui de la protection, qui, en fait, dissimule une surveillance de genre, notre propos tente de montrer qu’au nom de la défense de l’équité sportive, les femmes trans et intersexuées sont exclues de la « vraie féminité ». Maquiller ce contrôle en protection s’apparente à du sexisme bienveillant dont le but inavoué est de garder les corps des femmes à disposition pour séduire et enfanter. Paradoxe ultime, le pouvoir des normes de genre s’exerce donc sur le corps, le lieu même où les vertus émancipatrices du sport sont proclamées.

42Il nous paraît utile d’ajouter que les instances du sport mondial comme la FIA, le CIO, la FIFA, en tant qu’entreprises privées, disposent de toute latitude pour rédiger et appliquer les règles d’éligibilité conformes à leurs intérêts (ici, l’équité et l’égalité de chances – « fair and level playing field »). Tout en reconnaissant que les sportives intersexuées sont des femmes aux yeux de la loi, ces instances peuvent leur interdire l’accès à certaines compétitions si elles ne remplissent pas les critères d’éligibilité. L’existence de ces règles - leur origine, leur présupposé, leurs restrictions, leur application - font débat, mais les instances conservent le droit de recruter qui elles veulent, comme n’importe quelle entreprise privée. Le problème majeur provient de la popularité des compétitions qu’elles organisent (JO, Coupe du monde de football, Championnats du monde), événements hypermédiatisés, mondialisés, fournissant des revenus en milliards d’euros à une myriade d’acteurs économiques. Ces instances ont en fait un statut d’institutions quasi publiques, investies d’une mission présentée comme démocratique, progressiste, égalitariste, qui fait écho aux valeurs des démocraties libérales. Elles bénéficient donc d’une crédibilité et d’une autorité certaines auprès du grand public. Par conséquent, quand elles excluent des athlètes légalement reconnues comme femmes des compétitions féminines du fait de leur féminité « anormale » (visuellement ou hormonalement), elles diffusent un message sur les contours acceptables de la vraie féminité. Les instances du sport participent pleinement à la fabrique et à la perpétuation à l’échelle mondiale de normes de sexe et de genre. En ce sens, elles sont bien des sport governing bodies, des instances sportives qui gouvernent les corps, ce que leur nom anglais indique au profit d’un jeu polysémique,

43L’enjeu pour l’avenir nous semble résider dans l’attitude des sportives elles-mêmes. Pour l’instant, une grande partie d’entre elles adoptent une position conservatrice en faveur de la ségrégation et du rejet des athlètes dites hyperandrogéniques car, malgré les grands progrès du sport « féminin », leur position reste dominée dans le champ social du sport, à l’instar des athlètes Africains-Américains dont le bref soulèvement d’août 2020 montra que leur pouvoir d’agir politique était ténu. Il est probable que les sportives de haut niveau pensent la discrimination de genre au niveau personnel et non structurellement. Les médias, comme les instances, contribuent à cette naturalisation de l’infériorité physique des femmes, ce qui dépolitise les enjeux sociétaux de cette ségrégation a priori. Pour y remédier, l’approche réformatrice consiste à forcer les instances à recruter des femmes dans les conseils décisionnaires, mais il ne suffit pas d’être une femme au pouvoir pour vouloir éradiquer les ségrégations structurelles. De l’autre côté de l’échiquier politique, celles qui sont radicales optent pour la suppression des catégories, prélude ou reflet de la fin de la bicatégorisation de l’état civil, pensant peut-être, avec la poétesse Audre Lorde, que « les outils du maître ne pourront jamais détruire la maison du maître »101.

Notes

1 Attribué à Judith Butler, dans Anne-Charlotte Husson, Le Féminisme, Bruxelles, Le Lombard, 2018, p. 67. Cet article s’est développé après une intervention au séminaire « Corps, normes et genre » de l’ERIAC, à l’Université de Rouen, en octobre 2018, dont je remercie les organisatrices et les participant·es. Merci à Audrey Marquis et Anaï Bruna pour les relectures et discussions.

2 Joanna Harper, Sporting Gender : The History, Science, and Stories of Transgender and Intersex Athletes, London, Rowman and Littlefield, 2020, p. 251 (je traduis, comme toutes les autres citations).

3 Alex Channon et al. (ed.), Sex Integration in Sport and Physical Culture : Promises and Pitfall, London, Routledge, 2019, préface.

4 Les résistances à cette loi ont été et sont encore nombreuses, voir par exemple l’arrêt de la Cour Suprême Grove City College v. Bell en 1984.

5 Je pense à la gymnaste Simone Biles, la sprinteuse Allyson Felix, la combattante de MMA Ronda Rousey, la skieuse Lindsay Vonn, la tenniswoman Serena Williams ou l’équipe de football menée par Megan Rapinoe.

6 Citation attribuée à Simone de Beauvoir, L’Amérique au jour le jour, Folio, 1947.

7 J’utilise les guillemets car la formule même fait de son objet l’Autre du sport masculin, celui que l’on nomme d’ailleurs simplement « le sport ».

8 A. Channon et al. (ed.), op. cit., préface.

9 Thomas Laqueur, La fabrique du sexe : essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard, 1992. Anne Fausto-Sterling, Les cinq sexes : Pourquoi mâle et femelle ne suffisent pas [1993], Paris, Payot, 2013.

10 Catherine Louveau et Anaïs Bohuon, « Le test de féminité, analyseur du procès de virilisation fait aux sportives », dans Thierry Terret (dir.), Sport et genre. Vol. 1, Paris, L’Harmattan, 2005, p. 95.

11 En 2014, la sprinteuse indienne Dutee Chand fut interdite de compétition du fait d’un hyperandrogénisme par le règlement de la FIA daté de 2011. Elle a un syndrome d’insensibilité aux androgènes. Elle fit appel de cette décision auprès du Tribunal arbitral du sport. En juillet 2015, le TAS suspendit le règlement de la FIA pendant 2 ans à cause d’un défaut de preuves suffisantes. Chand fut de nouveau autorisée à concourir, voir Benjamin Ingram et al., « Transgender Policy in Sport, A Review of Current Policy and Commentary of the Challenges of Policy Creation », Current Sports Medicine Reports, 18/6, juin 2019, p. 239-247.

12 Voir par exemple Anaïs Bohuon, Catégorie « dames » : le test de féminité dans les compétitions sportives, Éditions iXe, 2015 ; Silvia Camporesi, « When does an advantage become unfair ? Empirical and normative concerns in the Semenya’s case », Journal of Medical Ethics 45, 2009, p. 700-704 ; Crystal Cordell Paris, « La « vérification » du sexe des sportives de haut niveau : pour une reconnaissance de l’intersexualité », communication au congrès de l’Association Française de Science Politique, 2019 ; Elsa Dorlin, « Sexe, genre et intersexualité : la crise comme régime théorique », Raisons politiques, n° 18, 2005/2, p. 117-137 ; Katrina Karkazis et al., « Out of Bounds ? A Critique of the New Policies on Hyperandrogenism in Elite Female Athletes », The American Journal of Bioethics, 12/7, 2012, p. 3-16 ; Sandy Montañola et Natacha Lapeyroux, « L’ambivalence du traitement médiatique de l’intersexuation dans le sport », dans Bérengère Abou et Hugues Berry (dir.), Sexe & genre. De la biologie à la sociologie, Matériologiques, 2019, p. 159-177 ; Lindsay Pieper, Sex Testing : Gender Policing in Women’s Sport, University of Illinois Press, 2016 ; Jaime Schultz, « Good enough ? The ‘wicked’ use of testosterone for defining femaleness in women’s sport », Sport in Society, 24/4, 2021, p. 607-662.

13 Pour un rappel des événements depuis 2009, voir Antonia Lee, « Caster Semenya : ten years of controversy » [en ligne], https://frama.link/DNc1moB4. Consulté le 19 novembre 2020. Anciennement « International Association of Athletics Federation » (IAAF) et depuis octobre 2019 « World Athletics ». Je traduis par Fédération Internationale d’Athlétisme. Elle est chargée de régir les fédérations nationales et d’organiser les compétitions internationales mondiales.

14 Eric Vilain, professeur de génétique, inventa en 2005 le terme DSD (disorders of sex development), pour remplacer les termes hermaphrodites et intersexes, négativement connotés, selon lui. Eric Vilain, et al. « We used to call them hermaphrodites », Genet Med 9, 2007, p. 65-66. Depuis, DSD est devenu « Differences in Sexual Development », en français « Développement sexuel différent ».

15 Stéphane Bermon et Pierre-Yves Garnier, « Serum androgen levels and their relation to performance in track and field : mass spectrometry results from 2127 observations in male and female élite athletes », British Journal of Sports Medicine, 51, 2017, p. 1309-1314. doi :10.1136/bjsports-2017-097792.

16 S. Camporesi, art. cité.

17 C. Louveau et A. Bohuon, art. cité, p. 87-132 ; Shari Dworkin et al.. « (In)Justice in sport : The Treatment of South African Track Star Caster Semenya », Feminist Studies 39, 2013, p. 40‑69.

18 T. Lacqueur montre qu’avant la fin du xviiie siècle, on pensait qu’il n’y avait qu’un seul sexe, dont l’homme était le représentant le plus avancé.

19 « À la différence des féministes différentialistes qui pensent que l’ordre social hiérarchise un ordre naturel de sexes complémentaires, le féminisme matérialiste constate que le corps est construit comme sexué, donc le sexe est toujours fabriqué à partir du genre, entendu comme un ensemble historiquement variable de normes qui définissent les contours des catégories exclusives du masculin et du féminin », Michal Raz, « bicatégorisation », dans Juliette Rennes (dir.), Encyclopédie critique du genre, Paris, La Découverte, 2016, p. 91.

20 Tony Collins, Sport in Capitalist Society, a Short History, Londres, Routledge, 2013, p. 1-13.

21 Susan Cahn, Coming on Strong Gender and Sexuality in Women’s Sports [1994], Urbana, Chicago et Springfield, University of Illinois Press, 2015, p. 12.

22 Maurice Boigey, Manuel d’éducation physique, Paris, Payot, 1922, cité dans Annick Davisse et Catherine Louveau, Sports, école, société : la différence des sexes : féminin, masculin et activités sportives, L’Harmattan, 1998, p. 73.

23 À notre connaissance, aucune fédération officielle ne l’a autorisé ou encouragé, à l’exception probable de rencontres informelles ou dans un but d’entraînement.

24 En français, on consultera Pierre Arnaud et Thierry Terret (dir.), Histoire du sport féminin, tomes I et II, Paris, L’Harmattan, 1996, puis Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 23, 2006 ; pour le grand public Clémentine Portier-Kaltenbach et Lorraine Kaltenbach, Championnes : elles ont conquis l’or, l’argent, le bronze, Paris, Arthaud, 2019. Voir aussi les travaux d’Annick Devisse, Fatia Terfous ou Nathalie Rosol ; en anglais, Journal of Sport History, 21 : 1, printemps 1994 ; S. Cahn, op. cit. ; Les travaux les plus récents sont Jaime Schultz et al. (dir.), Women and Sports in the United States : A Documentary Reader, University Press of New England, 2019, et Jaime Schultz, Women’s Sports : What Everyone Needs to Know, New York, Oxford University Press, 2018.

25 Inspiré de « Sportives en histoire », fiche pédagogique, Mission Sport Éducation Mixités Citoyennetés, Ministère des sports [en ligne], https://frama.link/xBnDS213. Consulté le 16 novembre 2020.

26 Fabienne Broucaret, cité dans Anne Saouter, Des Femmes et du sport, Payot, 2016, p. 38.

27 A. Milliat fonda aussi en 1922 la Fédération féminine sportive internationale.

28 « Deux Canadiennes et une Japonaise s’étalèrent sur le gazon ; étant juge sur place, je puis certifier qu’il ne s’agissait que d’une petite scène de pleurs pour ne pas avoir gagné », lettre de Françoise Messerli, juge au 800m des JO de 1928, cité par Nathalie Rosol, « Une participation contrôlée des Françaises aux épreuves d’athlétisme (1917- fin des années 1950) », dans T. Terret, op. cit., p. 43.

29 Le Petit Journal, 8 novembre 1903.

30 Fabien Sabatier, « Rose Guérard, militante du mouvement sportif ouvrier (1923-1945) » dans T. Terret, op. cit., p. 122.

31 La Vie Féminine, 1928, cité dans Nathalie Rosol, « » Le sport vers le féminisme ». L’engagement du milieu athlétique féminin français au temps de la FSFSF (1917-1936) », Staps, 2004/4, 66, 4, 2004 p. 63-77. doi : 10.3917/sta.066.0063

32 Il fallut attendre 1967 pour que les femmes puissent concourir sur 1500m, 1974 pour 3000m et 1984 pour le marathon.

33 Loïc Szerdahelyi, « L’Éducation Physique et Sportive entre sport et mixité durant les années 68 », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 29, 2009, p. 123. doi : 10.4000/clio.9231

34 Michaël Attali et al., « Mixité et Éducation Physique et Sportive (1959-1975). Les résistances de l’école ». Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, 28, 2008, p. 243‑60. doi.org/10.4000/clio.8852

35 Michaël Attali et al., ibid.

36 Adrienne Milner et Jomills Braddock, Sex Segregation in Sports : Why Separate Is Not Equal, Santa Barbara, Praeger, 2016.

37 « Pratiques physiques ou sportives des femmes et des hommes : des rapprochements mais aussi des différences qui persistent », site de l’Insee [en ligne], https://bit.ly/33vGpQ3. Consulté le 21 novembre 2020.

38 Pour les instances, la performance de genre importe – et rapporte – plus que la performance sportive, voir Natacha Lapeyroux, « Sportives de haut niveau : comment sortir de l’injonction à être ‘sexy’ ? », The Conversation [en ligne], novembre 2017 : https://frama.link/Pe00eqG-. Consulté le 20 novembre 2020.

39 Annick Davisse et Catherine Louveau, Sports, école, société : la différence des sexes. Féminin, masculin et activités sportives, L’Harmattan, Paris, 1998. Cette position est débattue dans la thèse de Florys Castan-Vicente, Un corps à soi ? Activités physiques et féministes durant la « première vague », Histoire, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, soutenue le 23 novembre 2020. Le résumé constate : « On peut distinguer des « féministes sportives » sur l’ensemble de la période […] Selon leur positionnement, elles défendent des activités aux finalités distinctes : esthétiques, hygiéniques, égalitaires ou hédoniques. À partir de la seconde partie des années 1920, l’alliance entre féministes et sportives se distend ».

40 C. Louveau, dans A. Davisse et C. Louveau, op. cit., p. 129.

41 ibid., p. 130.

42 « Mixte » ici signifie femmes contre hommes et dans certains cas femmes et hommes contre femmes et hommes. J’emploie les mots « homme » et « femme » pour désigner des personnes cisgenres, c’est-à-dire dont l’identité de genre est alignée sur le sexe administratif attribué à la naissance. Cette bicatégorisation ne couvre pas la totalité de la variété sexuelle de l’espèce humaine et reflète un ordonnancement construit.

43 Il était prévu 18 compétitions mixtes ou ouvertes aux JO de Tokyo, sur 339.

44 Il ne viendrait à l’idée de personne d’interdire à un·e génie des mathématiques de 10 ans de passer le concours d’entrée à Centrale sous prétexte qu’en moyenne les enfants de 10 ans n’en sont pas capables.

45 Si l’on accepte qu’un homme de 62 kg combatte contre un autre du même poids afin de préserver l’équité, alors pourquoi pas contre une femme ? Et si l’on répond qu’un homme de 62 kg est plus fort qu’une femme du même poids, alors le poids seul ne devrait pas être le principe organisateur des compétitions dans les sports de combat.

46 « Un régime de vérité, c’est ce qui détermine les obligations des individus quant aux procédures de manifestation du vrai », Michel Foucault, Du gouvernement des vivants. Cours au Collège de France 1979-1980, Paris, Gallimard, Le Seuil, 2012, p. 91-92.

47 Katrina Karkazis et Rebecca Jordan-Young, « Debating a Testosterone “Sex Gap” », Science 348, n° 6237, 22 mai 2015, p. 858‑860.

48 Rebecca Jordan-Young et Katrina Karkazis, Testosterone : An Unauthorized Biography, Cambridge University Press, 2019.

49 C. Cordell Paris, art. cité, p. 8.

50 A. Fausto-Sterling, op. cit., p. 43-46. Ce terme est contesté par certains biologistes qui prouvent la binarité sexuelle par l’existence chez tous les humains du gène SRY et des récepteurs des androgènes qui conduisent au développement soit de testicules soit d’ovaires sous une forme ou une autre.

51 « La découverte du gène SRY dans les années 1990 parut un temps expliquer la dichotomie naturelle entre les mâles et les femelles, mais les travaux de Krans, Wiels ou Jordan Young réfutent que cette preuve soit méthodologiquement suffisante. La bicatégorisation est en fait supposée dans les travaux des scientifiques, donc ce ne sont pas les corps eux-mêmes qui sont binaires, mais leur assignation sociale, conformément à un partage du monde qui signifie des rapports de pouvoir », M. Raz, art. cité, p. 92.

52 De même, puisqu’il est prouvé statistiquement que plus les athlètes sont jeunes, plus ils sont performants, faudrait-il séparer les compétitions par tranche d’âge et interdire à Federer de jouer contre ses cadets ?

53 Colette Guillaumin, cité dans M. Raz, art. cité, p. 93.

54 Principe 6 : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Charte olympique doit être assurée sans discrimination d’aucune sorte, notamment en raison de la race, la couleur, le sexe, l’orientation sexuelle » ; « Aucun État ne fera ou n’appliquera de lois qui restreindraient les privilèges ou les immunités des citoyens des États-Unis ».

55 Ce taux reste constant pour tous les records mondiaux d’athlétisme jusqu’au 10 km et pour le marathon. Il avoisine les 20 % pour le 20 km, 17 % pour la vitesse des dix services plus rapides au tennis et 20% pour le 50m nage. Voir Emma Hilton, « Harder, better, faster, stronger : why we must protect female sports » in blog FondOfBeetles [en ligne], https://frama.link/nEq62s2t. Consulté le 21 novembre 2020.

56 Valérie Thibault et al., « Women and Men in Sport Performance : The Gender Gap has not Evolved since 1983 », Journal of Sports Science & Medicine, 9, 2, 2010, p. 214-223.

57 Béatrice Barbusse, Du Sexisme dans le sport, Paris, Anamosa, 2016, p. 212-221.

58 Ibid., p. 21-45. Voir aussi Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac, « Violences sexuelles dans le sport », enquête documentaire, 2020, 91 min, site Arte.tv. Consulté le 24 novembre 2020.

59 Ellie Gerdon-Moershel, « Challenging Sex Segregation in Sport », Canadian Dimension, 5 septembre 2013 [en ligne], https://frama.link/fmRvAkT. Consulté le 21 novembre 2020.

60 M. Raz, art. cité, p. 91 et 94.

61 Sujet connexe à l’objet de cet article, mais trop large pour y être traité, les athlètes non binaires (ou « neutres d’un point de vue du genre »), comme Layshia Clarendon ou Lauren Lubin refusent de s’assigner à aucune catégorie sexuelle. Elles et ils utilisent souvent le pronom « they » pour se désigner.

62 « Tired », commentaire à Barry Gewen, « Sports and Sexual Segregation », dans The New York Times ArtBeats blog [en ligne], https://frama.link/svqsNNvq. Consulté le 21 novembre 2020.

63 Voir par exemple Matthew Brealey, « Caster Semenya – male or female ? », billet de blog sur le site medium. com, 12 septembre 2020 [en ligne], https://bit.ly/3m0xdtW. Consulté le 24 novembre 2020.

64 « Executive Summary », Court of Arbitration for Sport, 30 avril 2019 [en ligne], https://frama.link/0ZhrJHp0. Consulté le 21 novembre 2020.

65 C’est une enzyme impliquée dans la métabolisation des androgènes. « Il existe un déficit congénital de la 5-alpha réductase de type 2 qui donne de l’ambigüité sexuelle […]. Les sujets atteints ont un caryotype 46 XY et ont un phénotype qui varie de l’hypospadias peno-scrotal à l’ambigüité sexuelle sévère », « 5-alpha réductase », entrée dans Wikipedia.com [en ligne], https://bit.ly/2J8p0FZ. Consulté le 24 novembre 2020.

66 D’autres athlètes, restées anonymes, ont subi des traitements similaires : gonadectomie, clitoridectomie, vaginoplastie, dans Patrick Fénichel et al., Molecular diagnosis of 5α-reductase deficiency in 4 elite young female athletes through hormonal screening for hyperandrogenism, J Clin Endocrinol Metab. 2013 June; 98/6, p. 1055-1059. doi : 10.1210/jc.2012-3893. K. Karkazis remarque que les soins furent payés par la FIA mais pas sur le long terme et qu’il s’agit d’une « normalisation plutôt que d’un traitement ».

67 C. Cordell Paris, art. cité.

68 Cité dans Rachel Mulot, Athlétisme : « Si vous voulez concourir dans la catégorie féminine, vous ne devez pas vous opposer à un traitement », site de Sciences et Avenir, 25 juin 2019 [en ligne], https://frama.link/A1eb9Duj. Consulté le 21 novembre 2020.

69 S. Camporesi, art. cité.

70 Le dernier rejet à la date d’écriture remonte au 8 septembre 2020. Elle sera donc interdite des JO de Tokyo sur plus de 400m comme elle le fut des Mondiaux de Doha en 2019. Semenya et ses soutiens durent payer 15 000 dollars à la FIA en frais de justice. Le 17 novembre 2020, son avocat annonça qu’il allait saisir la cour européenne des droits de l’homme.

71 « Caster Semenya perd sa candidature par l’annulation de la réglementation de l’IAAF sur la testostérone », site de Fr24News, (en ligne), https://frama.link/Ks38tMQ9, 8 septembre 2000. Consulté le 21 novembre 2020.

72 « What is fair in the Olympics? Is sex a special case ? », site de GeneGeek, 13 août 2012 [en ligne], https://frama.link/hbyrS1cu. Consulté le 21 novembre 2020.

73 A. Bohuon, op. cit., p. 130.

74 Voici les cas les plus connus : Dutee Chand, Francine Niyonsaba, Pinki Pramanik, Santhi Soundarajan, Stella Walsh, Margaret Wambui. Elles sont plus nombreuses à venir des pays du Sud car, dans le Nord, les personnes avec DSD sont souvent opérées à la naissance. « La médecine procède à des interventions non consenties au plus jeune âge soit chirurgicalement soit (et) par le biais d’hormones afin de normaliser l’appareil génital », Arnaud Alessandrin, « Comprendre les transidentités », in Fondation Copernic (dir.), Manuel indocile de sciences sociales, Paris, La Découverte, 2019, p. 812.

75 « Executive Summary », op. cit.

76 « Les personnes transgenres vivent un manque de concordance entre le genre assigné à la naissance et leur identité de genre vécue », Anna Wiik et al., « Muscle Strength, Size, and Composition Following 12 Months of Gender-affirming Treatment in Transgender Individuals », The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, Vol. 105, n° 3, mars 2020, p. e805-e813, https://doi.org/10.1210/clinem/dgz247.

77 « IOC Consensus Meeting on Sex Reassignment and Hyperandrogenism November 2015 », site du CIO, novembre 2015 (en ligne), https://frama.link/Zj4EL4nA. Consulté le 21 novembre 2020.

78 En 2011, lors d’un match de qualification pour la coupe du monde, la FIFA autorisa Jaiyah Saelua à jouer dans l’équipe masculine des Samoa américaines, alors qu’elle est transgenre, plus précisément une fa’afafine, un troisième genre reconnu dans cette île polynésienne depuis plusieurs années. Sont désignés ainsi par leur famille les garçons refusant les normes locales de la masculinité. Cette décision de la FIFA peut faire jurisprudence en faveur des droits des personnes transgenres, mais on remarquera que Saelua ne menace pas le sport féminin, en termes de performance ou d’intégrité physique, car il/elle joue avec les hommes. « Football’s first fa’afafine : trans rights trailblazer Jaiyah Saelua on stardom and sisterhood », site de The Guardian, 22 juillet 2020 [en ligne], https://frama.link/21s1Hfyv. Consulté le 21 novembre 2020.

79 « World Athletics Eligibility Regulations for Transgender Athletes », site de World Athletics, 1 octobre 2019 [en ligne], https://frama.link/M7UCcnt2. Consulté le 21 novembre 2020.

80 Emma N. Hilton et Tommy Lundberg, « Transgender Women in The Female Category of Sport : Is the Male Performance Advantage Removed by Testosterone Suppression ? ». Preprints 2020, 2020050226, doi : 10.20944/preprints202005.0226.v1. Emma Hilton, « Sport saves females : Fatima Whitbread », article de blog, 22 juillet 2017 [en ligne], https://frama.link/fD0-ZYoU. Consulté le 21 novembre 2020.

81 Tommy Lundberg « New study on changes in muscle mass and strength after gender-affirming treatment may have an impact on sports régulations », site de Karolinska Institutet, 11 décembre 2019 [en ligne], https://frama.link/EKSwWQ6C. Consulté le 21 novembre 2020.

82 Karleigh Webb, « Under pressure from feds, university rescinds transgender inclusive sports policy », site de Outsports.com, 19 octobre 2020 [en ligne], https://frama.link/KC_XA4R_. Consulté le 21 novembre 2020.

83 « Policy allowing transgender athletes to compete as girls found to violate US law », site de The Guardian, 28 mai 2020 (en ligne), https://frama.link/qbrDnyFN. Consulté le 21 novembre 2020.

84 « Protection of Women and Girls in Sports Act of 2020 » [en ligne], https://frama.link/v258qRMq. Consulté le 21 novembre 2020. Mike Lee, co-auteur du projet de loi, écrit : « Men and women are biologically different, that’s just a scientific fact. For the safety of female athletes and for the integrity of women’s sports, we must honor those differences on a fair field of competition » (je souligne).

85 « World Rugby Transgender Guideline », site de World Rugby, 9 octobre 2020, p. 14 (pdf en ligne) https://frama.link/tTafmkCo. Consulté le 21 novembre 2020.

86 Alex Berg, «World Rugby’s transgender ban a ‘dangerous precedent,’ critics say », site de NBC News, 27 octobre 2020 [en ligne], https://frama.link/oBaeu1vZ. Consulté le 21 novembre 2020.

87 « We do not want to watch our athletic achievements be erased from the history books by individuals with all the inherent athletic advantages that come from a male body », The Letter to NCAA, site de Save Women Sports, 29 juillet 2020 [en ligne], https://frama.link/oPD6UQbf. Consulté le 21 novembre 2020.

88 Joanne Harper citée dans A. Berg, art. cité.

89 « The core value for the IAAF is the empowerment of girls and women through athletics. The regulations that we are introducing are there to protect the sanctity of fair and open competition », propos de Sebastian Coe président de la FIA, en septembre 2019, reproduit dans ZK Goh et al., « DSD athletes : What does it mean to be DSD and how gender and sex are the big issues in athletics », site Olympic Channel, 25 septembre 2019 [en ligne], https://frama.link/G1thS2WQ. Consulté le 21 novembre 2020.

90 « […] to ensure fair and meaningful competition within the female classification, for the benefit of the broad class of female athletes. », ZK Goh et. al, op. cit.

91 R. Mulot, Sciences et avenir, art. cité.

92 « The IAAF is convinced there are some contexts, sport being one of them, where biology has to trump identity », ZK Goh et al, op. cit.

93 R. Mulot, art. cité.

94 Ibid. (je souligne). La catégorie « intersexe » n’existe pas dans le sport à notre connaissance.

95 « Entretien avec un médecin du sport », site de Cours de Controverses / Paris Mines, pas de date, section 5 [en ligne], https://frama.link/bnckwz_n. Consulté le 21 novembre 2020.

96 N. Lapeyroux, art. cité.

97 Marie Sarlet et Benoit Dardenne, « Le sexisme bienveillant comme processus de maintien des inégalités sociales entre les genres », L’Année psychologique, vol. 112, 2012, p. 435-463.

98 William Vogt dans Sexe faible. Riposte aux exagérations, aux absurdités et aux utopies du féminisme, 1908 écrit : « C’est la nature qui a voulu assujettir la femelle au mâle et c’est déraisonner que de penser qu’avec une once d’éducation en plus, mélangée à une pincée d’exercices physiques, le tout enveloppé dans le droit de vote, vous arriverez à l’égalité […] Cela suffit pour rendre ridicules vos criailleries […] qui, si elles venaient une fois à se réaliser […] seraient néfastes à la femme et rendraient celle que vous voulez favoriser plus malheureuse que jamais en faisant passer les hommes de l’attitude de protecteurs à la situation de rivalité » (je souligne).

99 Alain Corbin, « La rencontre des corps » dans Alain Corbin (dir.) Histoire du corps, volume 2, Paris, Le Seuil, 2005, p. 161. Le médecin Pouchet, Rouennais proche de la famille Flaubert, affirme que l’ovulation ne dépendait pas du plaisir et du désir ; il conclut que l’orgasme était inutile à la reproduction et qu’il fallait s’en méfier, la jouissance pouvait créer une forme de folie qui emportait la raison des femmes dans une course insatiable vers davantage de plaisir. Voir Corbin, ibid., p. 154-155.

100 Camille Froidevaux-Metterie, Seins en quête d’une libération, Paris, Anamosa, 2020, p. 8.

101 Audre Lorde, « The Master’s Tools Will Never Dismantle the Master’s House », dans Sister Outsider, Berkeley, The Crossing Press, 1984, p. 110.

Pour citer ce document

Peter Marquis, « Protégées mais surveillées. Les débats sur la mixité sportive au prisme des normes de féminité pour les compétitrices cisgenres, intersexuées et transgenres. » dans « Corps, normes, genre. Discours et représentations de l’Antiquité à nos jours », « Synthèses & Hypothèses », n° 2, 2022 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Peter Marquis

Peter Marquis est maître de conférences en études états-uniennes à l'Université de Rouen-Normandie où il enseigne l'anglais et l'histoire des pays anglophones. Auteur d'une thèse de doctorat soutenue à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales intitulée Baseball et construction des identités urbaines aux États-Unis (1883-1957) (directeur : François Weil), il a publié dans de nombreuses revues scientifiques, dont Leisure and Society, Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, Imaginaires et Revue Française d’Études Américaines. Ses travaux portent les aspects sociétaux du sport, comme la masculinité, le pouvoir politique, les théories du spectatorisme ou bien le financement des stades. Depuis 2016, il s'intéresse aux pédagogies critiques en ce qu'elles questionnent les rapports entre corps, savoirs et pouvoirs.