2 | 2022
Corps, normes, genre. Discours et représentations de l’Antiquité à nos jours

Ce numéro de la revue électronique de l’ERIAC Synthèses & Hypothèses est le point d’arrivée d’un séminaire qui s’est poursuivi sur deux années (2017-2019), dans le cadre du Programme 2 de l’ERIAC : « Formes, expériences, interprétations », et des deux Journées d’étude qui l’ont conclu (en 2018 et 2019), sous le titre « Corps, normes, genre : discours et représentations de l’Antiquité à nos jours ». Les séances de séminaire ont donné la parole à des enseignants-chercheurs, de l’Université de Rouen Normandie et d’autres Universités, à des doctorants ou de jeunes docteurs, à des étudiants de Master, spécialistes de différentes périodes historiques et de questions très variées (le corps dans l’Antiquité, le roman mexicain contemporain, la vie des femmes indiennes, les pratiques sportives aux États-Unis, etc.), dans une approche résolument transdisciplinaire, qui correspond au profil de notre unité de recherche.

  • Catherine Baroin et Anne-Florence Gillard-Estrada  Introduction

Ambiguïté sexuelle et normes de genre : fictions et pratiques

Transgression de la norme chez Maxine Hong Kingston

Christelle Ha Soon-Lahaye


Résumés

Cet article a pour but d’analyser, à travers The Woman Warrior: Memoirs of a Girlhood Among Ghosts (1976) de Maxine Hong Kingston, les difficultés auxquelles les écrivains américains issus de minorités ethniques sont confrontés dans leur tentative de représentation de leur conception de l’identité américaine. L’étude de la première œuvre de l’écrivaine nous permet de montrer comment celle-ci parvient à se réapproprier la notion d’orientalisation, processus d’écriture aussi nécessaire qu’insuffisant à la constitution d’une identité américaine propre à la minorité ethnique dont elle est issue. En mettant en scène des personnages représentatifs des stéréotypes de genre dont la communauté chinoise est victime dans la société américaine, Kingston souligne le caractère éminemment discriminatoire des préjugés que la société américaine a envers cette minorité ethnique. À l’inverse, son personnage de la femme-guerrière, personnage hybride et complexe, est le symbole d’une nouvelle réalité propre à la communauté sino-américaine, réalité qui se reflète également dans l’écriture même de l’autrice.

Texte intégral

Introduction

1La littérature asiatico-américaine n’a pendant longtemps pas été considérée comme faisant partie de la littérature américaine à cause de ses spécificités culturelles non communes aux littératures d’autres groupes ethniques américains, telles que la littérature chicano ou afro-américaine. Malgré la publication de Aiiieeeee ! An Anthology of Asian-American Writers en 1974, qui résultait de la volonté de mettre en avant la littérature asiatico-américaine, la dimension culturelle propre à celle-ci a tendance à éveiller l’imaginaire occidental, pour lequel la conception de l’Asie passe souvent par le stéréotype d’un monde exotique où tous les fantasmes peuvent trouver place. Victimes de ces préjugés, mais aussi de prédécesseurs tels que Sui Sin Far ou Jade Snow Wong, qui ont confirmé ces stéréotypes dans leurs œuvres afin d’attirer l’attention du public américain, des écrivains tels que Maxine Hong Kingston ont été accusés de représenter des personnages éloignés de la réalité asiatico-américaine.

2En 1976, l’écrivaine américaine d’origine chinoise Maxine Hong Kingston publie sa première œuvre, The Woman Warrior : Memoirs of a Girlhood Among Ghosts, sous la dénomination de « nonfiction », autrement dit, un récit à teneur autobiographique. Cette catégorisation donna lieu à de très nombreuses critiques, l’écrivaine étant entre autres accusée de racisme en raison de son « orientalisation » de la Chine et des personnages présentés. Terme tiré de L’Orientalisme d’Edward Said, l’Orientalisme renvoie à l’origine à la représentation de l’Orient arabe du point de vue des Occidentaux, qui génère à la fois idées fausses et fantasmes, mais révèle aussi les préjugés racistes envers ce monde méconnu. Le terme d’« orientalisation » renvoie alors au processus de transformation de la représentation d’un ailleurs en un réceptacle des différentes projections que les dominants (en l’occurrence, les Occidentaux) entretiennent sur un lieu et la culture correspondante qui ne sont pas les leurs. Ces mécanismes ont également été appliqués dans la description de l’Orient asiatique : ainsi, d’après les détracteurs de Kingston, celle-ci aurait décrit la culture et les traditions chinoises du point de vue de la majorité blanche, en utilisant par ailleurs des techniques d’écriture étrangères à sa culture d’origine. Lorsqu’elle a publié l’œuvre, Maxine Hong Kingston n’était encore jamais allée en Chine. Le pays qu’elle décrit est principalement celui dont sa mère lui avait parlé. C’est donc un pays en grande partie imaginaire, comme elle l’affirme elle-même1 ; mais c’est cette Chine imaginaire qui lui a valu l’accusation d’orientalisation.

3En quoi la notion d’Orientalisme affecte-t-elle l’œuvre de Kingston et plus particulièrement sa représentation des corps asiatiques ? La complexité des personnages, mais aussi de la structure de The Woman Warrior, nous invite à nous interroger sur cette dimension orientaliste de l’œuvre qui aurait valu à l’écrivaine d’être perçue comme une écrivaine chinoise aussi bien par certains écrivains comme Frank Chin que par certains journalistes. Il s’agit de mettre en lumière la difficulté d’évoluer dans une société qui peine à s’intéresser à des écrits ne représentant pas des personnages-types auxquels les lecteurs s’attendent ; autrement dit, l’Orientalisme pourrait se révéler nécessaire à un écrivain asiatico-américain pour donner plus de visibilité à son œuvre. Dans quelle mesure une orientalisation des corps asiatiques permet à Kingston de répondre aux attentes de l’imaginaire américain, faisant ainsi rentrer non seulement ces corps étrangers, mais aussi la culture qui y est associée dans la norme construite ? En quoi les jeux narratifs dans l’écriture de Kingston lui permettent-ils de les en sortir et ainsi de rejeter la norme établie à travers une constante remise en question des stéréotypes associés à l’Orient asiatique ?

4Nous étudierons d’abord quelques exemples d’orientalisation du corps asiatique, masculin et féminin, principalement dans les deux premières œuvres de Kingston, afin de montrer la nécessité d’un tel processus. C’est par l’entremise de ces exemples extrêmes que Kingston parvient à construire un contre-exemple, celui de la femme-guerrière, mettant ainsi à mal les idéologies racistes et sexistes des cultures américaine et chinoise entre lesquelles elle se situe et écrit.

Kingston orientaliste ?

5Il convient pour commencer de se demander si l’emploi du terme d’« orientalisation » est pertinent, sachant que Maxine Hong Kingston elle-même est d’origine chinoise et a en outre été élevée dans la culture chinoise par ses parents. Dans L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident, Edward Said définit l’Orientalisme comme :

une espèce d’écriture, de vision et d’étude réglées (ou orientalisées), dominées par des impératifs, des perspectives et des partis pris idéologiques ostensiblement adaptés à l’Orient. On enseigne l’Orient, on fait des recherches sur lui, on l’administre et on se prononce à son sujet de certaines manières bien définies2.

6Cette « espèce d’écriture, de vision et d’étude » provient, il va sans dire, de l’Occident, ce qui signifie que les recherches entreprises sur l’Orient sont avant tout animées par une vision occidentale de cet inconnu. Cela est confirmé par ces « impératifs, […] perspectives et […] partis pris idéologiques » qui ne viennent pas de l’Orient, mais bien de l’Occident. Autrement dit, l’Orientalisme est avant tout le résultat d’une projection des idées de l’Occidental sur un ailleurs qu’il ne connaît pas. Il ne s’agit pas d’étudier l’Orient tel qu’il est, mais tel qu’on se l’imagine. Par ailleurs, les conclusions qui doivent en être tirées sont prédéfinies et immuables (« on se prononce à son sujet de certaines manières bien définies »).

7Il est légitime de s’interroger sur l’intérêt d’une telle approche de l’Orient. Ota Tomomi schématise la relation Orientalisme-Occidentalisme3 basée sur les travaux de Said sur l’Orientalisme et ceux de Xiaomei Chen sur l’Occidentalisme4, et les conséquences que celle-ci a sur l’Occidental :

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8Ce « rapport de complémentarité » penche très clairement en faveur de l’occidentalisme, et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord, bien que l’Orient soit au départ admiré, il est à terme critiqué, contrairement à l’Occident qui connaît le mouvement inverse ; en outre, il est important de noter l’emploi du terme « sauvage », qui souligne que la relation Orientalisme-Occidentalisme se fait du point de vue de l’Occidental (l’Occident n’est à aucun moment considéré comme « sauvage »).

9Ainsi, bien que l’Orient constitue au départ un objet d’admiration et de fascination pour l’Occidental, il n’en reste pas moins un moyen pour mettre en valeur l’Occident qui ne ressort que plus admirable de la comparaison : l’Orientalisme est un moyen détourné pour faire l’éloge de l’Occident. Se basant sur l’image du Moyen-Orient dépeinte dans l’art et la littérature au xixe siècle à travers le regard occidental, Said soutient que sous prétexte de s’intéresser à un ailleurs (l’Orient), l’Occidental éprouve dans un premier temps une certaine admiration pour tout ce qui diffère de chez lui, avant de s’horrifier du manque de civilisation qui caractérise cet ailleurs, prenant enfin conscience de la supériorité de l’Occident où il vit. Cela signifie donc, pour revenir à la définition de Said, que l’Orient n’est très probablement pas perçu pour ce qu’il est mais pour ce que l’Occidental veut qu’il soit : en y projetant l’image souhaitée, les conclusions qu’il tire de son examen sont celles qu’il avait élaborées avant même de commencer à étudier ce lieu inconnu. D’ailleurs, Said lui-même souligne le caractère passif de l’Orient dans l’Orientalisme : le « rapport de complémentarité » susdit ne positionne pas l’Orient comme l’égal de l’Occident, et il ne s’agit pas là d’un dialogue entre les deux : « The Orient was therefore not Europe’s interlocutor, but its silent Other »5. Autrement dit, la perception de l’Orient à travers l’Orientalisme n’est pas muable et en évolution, mais bien une idée fixe et fixée par le regard de l’Occident6. L’Orientalisme et le processus d’orientalisation ne sont donc pas seulement l’adoption d’une posture, mais aussi un procédé d’écriture visant à figer des images non pas de ce qu’est l’ailleurs, mais de ce que les orientalistes veulent qu’il soit, et qui deviennent ainsi des stéréotypes. Lorsqu’elle décrit la Chine et les personnages qui en sont issus, Kingston adopte-t-elle la posture de l’orientaliste qui déforme l’ailleurs ? Quels personnages dans The Woman Warrior aurait-elle orientalisés, et à quelles fins ?

10Bien que plusieurs critiques aient fait d’elle une écrivaine chinoise7, Kingston est bel est bien américaine : comme le dit Su-lin Yu, « Kingston is totally grounded in American life and has received images of Chinese women from an American collective and popular imagination »8. Autrement dit, sa représentation des femmes chinoises a d’une manière ou d’une autre été influencée par les images de sa jeunesse. On retrouve communément deux types de femmes asiatiques dans l’imaginaire occidental : la « sensuelle femme dragon »9 ou la femme soumise10, et c’est cette dernière qui apparaît dans The Woman Warrior. Deux personnages attirent plus particulièrement notre attention : celui de la tante de la narratrice, Moon Orchid, et celui de la fille silencieuse que la narratrice maltraite à l’école. Moon Orchid, la sœur de Brave Orchid, la mère de la narratrice, est décrite comme « a tiny, tiny lady, very thin, with little fluttering hands, and her hair was in a gray knot. She […] wore pearls around her neck and in her earlobes […] She had long fingers and thin, soft hands. And she had a high-class city accent from living in Hong Kong »11. D’emblée, sa description physique véhicule un sentiment de fragilité lié à sa féminité : elle est petite et fine, a des mains délicates et porte des bijoux qui la mettent en valeur et qui montrent, tout comme son accent de la ville, son aisance financière. Moon Orchid est mariée à un homme qui est parti aux États-Unis dans le but de faire fortune. Bien que son époux ne soit jamais revenu en Chine, il a toujours subvenu à ses besoins en lui envoyant régulièrement de l’argent pour elle et leur enfant. Lorsque Brave Orchid la fait venir aux États-Unis au bout de trente ans pour qu’elle reprenne le cours de sa vie conjugale avec son mari, elle se sent déstabilisée et sans légitimité dans sa démarche : son mari a après tout été fidèle à ses promesses et a toujours pris soin d’elle en lui envoyant l’argent dont elle avait besoin.

For thirty years [Moon Orchid] had been receiving money from [her husband] from America. But she had never told him that she wanted to come to the United States. She waited for him to suggest it, but he never did. […]
“We have to tell him you’ve arrived,” said Brave Orchid.
Moon Orchid’s eyes got big like a child’s. “I shouldn’t be here,” she said.

[…] “I’m scared,” said Moon Orchid. “I want to go back to Hong Kong.”12

11L’idée de revoir son mari après tant d’années lui fait peur, surtout dans l’optique de réclamer son dû : sa place en tant qu’épouse. Alors que Brave Orchid s’indigne de la situation à sa place, Moon Orchid craint la réaction de son mari : « “Do you think he’ll get angry at me because I came without telling him ?” »13. Même après les accusations de Brave Orchid, qui soutient que son mari les a abandonnées, sa fille et elle, Moon Orchid considère que son mari est irréprochable, arguant qu’elle n’a jamais manqué de rien :

He didn’t abandon me. He’s given me so much money. I’ve had all the food and clothes and servants I’ve ever wanted. And he’s supported our daughter too, even though she’s only a girl. He sent her to college. I can’t bother him. I mustn’t bother him14.

12D’après elle, son mari a même fait preuve de générosité puisque leur fille a pu faire des études supérieures grâce à son aide financière, ce qui, pour Moon Orchid, est un privilège habituellement réservé aux garçons, considérés comme ayant plus de valeur que les filles.

13Lorsqu’elle se retrouve face à son époux qui, entre-temps, a pris une seconde épouse, elle est incapable de parler et se mure dans le silence :

Her husband looked at her. And recognized her. “You,” he said. “What are you doing here ?”
But all she did was open and shut her mouth without any words coming out.
 […]
Moon Orchid was so ashamed, she held her hands over her face. She wished she could also hide her dappled hands15.

14Visiblement très mécontent de la revoir en Amérique, son mari la tance tandis que Moon Orchid s’enfonce dans son embarras, honteuse d’avoir dérangé son mari dans sa nouvelle vie, sans le prévenir. En cela, elle est l’archétype de la femme chinoise soumise telle qu’on se la représente dans l’imaginaire occidental : « a compendium of Orientalist stereotypes of Chinese women as effete, delicate, soft, and fatally, uselessly overcultivated »16. Elle n’ose pas demander à son mari de quitter son autre femme alors qu’elle a été abandonnée et trompée pendant toutes ces années.

15Il en va de même pour la fille chinoise que la narratrice maltraite dans la section « A Song for a Barbarian Reed Pipe ». Cette fille silencieuse (« that one girl who could not speak up even in Chinese school »17) correspond là encore au stéréotype de l’Asiatique douce, réservée et docile. La narratrice la décrit comme « whisper-read[ing] but not talk[ing]. Her whisper was as soft as if she had no muscles. She seemed to be breathing from a distance. I heard no anger or tension »18. Elle est presque invisible, puisqu’on ne l’entend pas marcher : « Her footsteps were soft »19. Son attitude est tout aussi douce et soignée, même quand il s’agit de faire du sport. La narratrice relate l’épisode d’un match de baseball où les élèves chinoises telles que cette dernière et elle-même n’avaient même pas l’occasion de jouer puisque les autres élèves les faisaient immédiatement avancer en première base :

When the kids said, “Automatic walk,” the girl who was quieter than I kneeled with one end of the bat in each hand and placed it carefully on the plate. Then she dusted her hands as she walked to first base, where she rubbed her hands softly, fingers spread20.

16Cette scène met l’accent sur les bonnes manières de la fille silencieuse, qui au lieu de simplement lâcher la batte pour gagner la première base, s’agenouille pour la poser délicatement, comme pour rendre hommage à des ancêtres, pour ensuite marquer très clairement la base de l’empreinte de ses mains, comme si la netteté de la marque des mains importait. Lorsque la narratrice la maltraite dans les toilettes afin de la forcer à parler, son attitude est celle d’une fille soumise : elle ne réagit pas aux attaques et ne fait que pleurer. D’ailleurs, la narratrice déteste voir sa coupe de cheveux typique des petites filles chinoises (« her China doll hair cut »21), sa tête baissée comme si elle avait honte d’exister : « I hated her weak neck, the way it did not support her head but let it droop »22. Cette attitude d’excessive humilité contribue au cliché de l’Asiatique faible qui se laisse faire sans dire mot. La réaction de la narratrice face à la délicatesse de cette fille, qu’elle tente de présenter comme une faiblesse, n’est en réalité que le reflet de la haine qu’elle éprouve envers elle-même et qu’elle extériorise sur son double : tout en rejetant cet idéal féminin stéréotypé de la femme asiatique, elle se rejette également elle-même à cause de son incapacité à répondre aux attentes de la société dans laquelle elle vit et qui exige d’elle qu’elle corresponde à ce même stéréotype.

Une orientalisation nécessaire ?

17Puisque Kingston a grandi avec une certaine image de la femme asiatique, l’orientalisation dans son œuvre semble inévitable. Mais plus qu’inévitable, elle est en fait nécessaire pour que les écrivains issus de minorités ethniques se fassent connaître : en effet, d’après Patricia Chu, « [t]he authors must either find a frame of reference accessible and acceptable to “mainstream” Americans or accept a smaller audience and continued invisibility »23. Le succès de The Woman Warrior n’est pas seulement dû à cette orientalisation, car l’œuvre de Kingston s’inscrit également dans un mouvement de visibilité accordé à cette époque à des écrits dits autobiographiques d’écrivains issus de groupes ethniques minoritaires ; néanmoins, l’écrivaine a tout de même fait appel à ces références, entre autres ces clichés que représentent Moon Orchid et la jeune fille silencieuse.

18Un lecteur qui n’est pas familier avec les traditions, les coutumes et l’histoire d’une autre culture s’appuie sur des stéréotypes afin de pouvoir intégrer l’autre dans son imaginaire. Selon Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot, les stéréotypes sont :

des représentations toutes faites, des schèmes culturels préexistants, à l’aide desquels chacun filtre la réalité ambiante. […] ces images sont indispensables à la vie en société. Sans elles, l’individu resterait plongé dans le flux et reflux de la sensation pure ; il lui serait impossible de comprendre le réel, de le catégoriser ou d’agir sur lui. Comment en effet examiner chaque être, chaque objet dans sa spécificité propre et en détail, sans le ramener à un type ou une généralité ? Semblable démarche serait […] épuisante et, dans le cours occupé de l’existence, pratiquement hors de question24.

19Autrement dit, les images que véhiculent les stéréotypes, exagérées, faussées, et ce parfois grossièrement, sont néanmoins nécessaires pour que tout individu puisse évoluer en société sans systématiquement s’interroger ou tout remettre en question : « Nous avons besoin de rapporter ce que nous voyons à des modèles préexistants pour pouvoir comprendre le monde, faire des prévisions et régler nos conduites »25.

20Le lecteur américain a donc besoin de retrouver ces clichés afin de se repérer dans le texte de Kingston, tout comme cette dernière a besoin d’un certain degré d’Orientalisme dans son œuvre pour se faire accepter :

L’adhésion à une opinion entérinée, une image partagée, permet par ailleurs à l’individu de proclamer indirectement son allégeance au groupe dont il désire faire partie. Il exprime en quelque sorte symboliquement son identification à une collectivité en assumant ses modèles stéréotypés. Ce faisant, il substitue à l’exercice de son propre jugement les manières de voir du groupe dans lequel il lui importe de s’intégrer. Il revendique implicitement en retour la reconnaissance de son appartenance. C’est dans ce sens que le stéréotype favorise l’intégration sociale de l’individu26.

21En employant les stéréotypes occidentaux de la femme asiatique soumise, Kingston se présente comme porte-parole de l’imaginaire de l’Occident et revendique son identité américaine. Le lecteur américain, quant à lui, est conforté dans l’image faussée qu’il a de la femme asiatique : la lecture de The Woman Warrior lui procure une certaine familiarité qui rend le texte plus acceptable à ses yeux.

22L’œuvre est toutefois bien plus complexe qu’une simple mise en scène des clichés sur la femme asiatique entretenus par le lectorat américain : elle se situe en fait dans un entre-deux, avec une narratrice qui ne parvient pas à trouver sa place au milieu des stéréotypes associés à l’une ou à l’autre culture. En effet, les clichés que l’écrivaine utilise dans son texte ne se limitent pas à ceux de l’Orientale ; la femme américanisée est tout aussi stéréotypée. Lorsque la narratrice décrit les Américaines, elle insiste sur la délicatesse de leur voix mais aussi de la langue qu’elles emploient : « the [American] language is too soft and western music unhearable »27. Se comporter comme une Américaine signifie donc pour elle et ses sœurs adopter leur manière de parler : « We American-Chinese girls had to whisper to make ourselves American-feminine »28. L’idée est aussi comique que réductrice et souligne l’inexactitude du cliché de la femme asiatique délicate et fragile : d’après la narratrice, « [n]ormal Chinese women’s voices are strong and bossy »29. Sa tentative d’imitation de la femme américaine se solde par ailleurs par un échec : « Apparently we whispered even more softly than the Americans. Once a year the teachers referred my sister and me to speech therapy, but our voices would straighten out, unpredictably normal, for the therapists »30. L’ironie est ici prégnante : l’incapacité de la narratrice et de sa sœur à correspondre au stéréotype qu’elles ont de la femme américaine souligne l’aspect faussement élégant et raffiné de celui-ci.

23La femme américaine est aussi perçue comme sophistiquée : quand Brave Orchid fait venir sa sœur pour que celle-ci retrouve son mari, elle élabore des stratagèmes pour rendre Moon Orchid plus attirante. Elle lui suggère tout d’abord de porter une perruque pour cacher ses cheveux blancs31, puis elle lui propose du maquillage pour la rendre plus belle : « “[…] I brought my wig […]. Why don’t you disguise yourself as a beautiful lady ? I brought lipstick and powder too. And at some dramatic point, you pull off the wig and say, ‘I am Moon Orchid.’” »32. Ce passage est à mettre en miroir avec la rencontre de la seconde femme du mari de Moon Orchid :

This woman’s hair was gathered up into a bunch of curls at the back of her head; some of the curls were fake. She wore round glasses and false eyelashes, which gave her an American look. […] Brave Orchid stared at the pink-painted fingernails gesticulating […]. She wore pink lipstick and had blue eyelids like the ghosts33.

24La description précise de la femme montre le grand soin qu’elle apporte à son apparence, qui n’en est pas moins fausse et superficielle, ce qui accentue son caractère éphémère. Brave Orchid la trouve très jeune et très jolie34, mais la description de son physique est doublée d’une évocation péjorative de son caractère : « [Moon Orchid’s husband] had abandoned her for this modern, heartless girl »35. Ainsi, d’après elle, la femme Américaine se caractérise par une apparence attrayante, mais aussi par une moralité peu recommandable. Le contraste est d’autant plus renforcé que, pour Brave Orchid, soigner son apparence est un déguisement inhabituel pour les femmes chinoises et le signe d’une confrontation directe avec une culture autre que la sienne : « “You’ll have to scold him for years, but first you need to sit up straight. Use my powder. Be as pretty as you can. Otherwise you won’t be able to compete” »36. Dans son pays d’accueil, elle doit faire face à des valeurs dominantes autres que les siennes :

L’immigré de première génération subit non seulement l’épreuve de la dissonance entre ses représentations collectives et celles du pays d’accueil, mais aussi celle de la dévalorisation de son système et, à travers lui, de sa propre personne37.

25C’est la raison pour laquelle elle établit une compétition entre sa sœur et la seconde femme de son beau-frère : à travers le mariage de Moon Orchid, qu’elle essaie de sauver, elle tente par tous les moyens de faire triompher ses propres valeurs, et par là sa propre personne : après tout, c’est elle qui a poussé sa sœur à tout quitter pour venir s’installer aux États-Unis. Il s’agit donc, à travers la situation de sa sœur, de valoriser sa culture et de se donner raison.

26Le phénomène d’orientalisation se manifeste également sous une autre forme. Parce que l’Orient est traditionnellement associé au féminin afin de renforcer la dimension masculine de l’Occident (justifiant ainsi l’établissement d’une société patriarcale), le processus d’orientalisation s’opère également chez les personnages masculins. C’est, une fois encore, le prix à payer par l’écrivain pour être reconnu :

Because the general process of immigrant naturalization and cultural assimilation in America constrains Chinese identity to the exclusively feminine and maternal, the Orientalizing of oneself is often the price a Chinese-American writer has to pay to be accepted in America38.

27Ce côté féminin n’est pas seulement présent chez les personnages féminins. Les personnages masculins sont, quant à eux, métaphoriquement émasculés, privés de leur parole et des rôles habituellement associés aux hommes. La légende « On Discovery », qui est le chapitre d’ouverture de China Men, deuxième œuvre de Maxine Hong Kingston, publiée en 1980, offre une illustration de ce procédé d’émasculation. Un homme nommé Tang Ao se retrouve dans le Pays des femmes (« the Land of Women »39) : il se fait capturer et travestir en femme malgré lui. Mais il ne s’agit pas simplement d’un simple accoutrement : la transformation peut s’apparenter à de la torture. Tout d’abord, les femmes qui l’habillent lui percent les oreilles, et la description détaillée de l’acte génère peur et dégoût chez le lecteur :

A door opened, and he expected to meet his match, but it was only two old women with sewing boxes in their hands. “The less you struggle, the less it’ll hurt,” one said, squinting a bright eye as she threaded her needle. Two captors sat on him while another held his head. […] “What are you doing ?” He asked. “Sewing your lips together,” she joked, blackening needles in a candle flame. The ones who sat on him bounced with laughter. But the old women did not sew his lips together. They pulled his earlobes taut and jabbed a needle through each of them. They had to poke and probe before puncturing the layers of skin correctly, the hole in the front of the lobe in line with the one in back, the layers of skin sliding about so. They worked the needle through–a last jerk for the needle’s wide eye […]. They strung his raw flesh with silk threads; he could feel the fibers40.

28L’extrait ci-dessus suscite l’effroi tant il est empreint de sadisme, sadisme qui marque d’ailleurs l’intégralité du passage. Les deux femmes sont décrites comme des tortionnaires équipés d’outils de torture ; et tel un prisonnier qui voudrait s’enfuir, l’homme est retenu par d’autres femmes qui s’assoient de tout leur poids sur lui pour l’empêcher de bouger. La plaisanterie des femmes, qui menacent de lui coudre les lèvres, est sordide mais aussi révélatrice de la position dans laquelle se trouve l’homme : il n’a pas son mot à dire. Pour finir, la description détaillée du percement des oreilles retranscrit la lenteur du processus et la longueur de la torture.

29Une autre torture qui lui est ensuite infligée est le bandage des pieds, tradition chinoise selon laquelle des petits pieds étaient signe de féminité :

They bent his toes so far backward that his arched foot cracked. The old ladies squeezed each foot and broke many tiny bones along the sides. They gathered his toes, toes over and under one another like a knot of ginger root. Tang Ao wept with pain. […] Every night they unbound his feet, but his vein had shrunk, and the blood pumping through them hurt so much, he begged to have his feet re-wrapped tight41.

30Paradoxalement, une fois la torture faite, les pieds bandés deviennent synonymes de soulagement pour Tang Ao qui ne supporte plus d’avoir ses bandages défaits, rendant de fait ce processus de torture désiré par le personnage. Il se féminise donc de plus en plus, en mangeant en outre la même nourriture que celle habituellement donnée aux femmes (« they fed him on women’s food »42) et en effectuant des tâches ménagères telles que laver ses bandages de pieds (« They forced him to wash his used bandages, which were embroidered with flowers and smelled of rot and cheese »43).

31À la fin du chapitre, la transformation est complète : Tang Ao est devenu « elle » : « She’s pretty, don’t you agree? »44. Ce chapitre a deux fonctions : il présente un personnage masculin émasculé et féminisé tout en dénonçant les violences faites aux femmes au nom de la beauté physique. Une fois encore, l’orientalisation – d’un homme, cette fois-ci – présente l’Orient comme une culture barbare où ce qui est synonyme d’extrême féminité ressemble à de la torture. Les Orientaux deviennent des sauvages dont il ne faut pas s’inspirer.

32Alfred S. Wang discerne trois étapes qui mènent à l’émasculation des hommes dans China Men :

1. personal degradation espoused by society;
2. collective slavery instigated by special interest groups; and
3. sexual deprivation sanctioned by law45.

33Dans le chapitre « The Father from China », le personnage du père passe effectivement par les trois étapes. D’abord enfant brillant, porteur d’espoir d’ascension sociale de toute sa famille, il fait des études prometteuses et devient un homme lettré ; mais une fois arrivé en Amérique, ne maîtrisant pas la langue du pays, il perd son statut. Il se retrouve alors obligé, comme trois autres de ses compatriotes, de travailler dans une blanchisserie, travail habituellement associé aux femmes et à leurs tâches ménagères domestiques. Lui et ses associés de la blanchisserie vivant seuls, ils doivent par ailleurs s’occuper eux-mêmes des tâches ménagères : « Dishwashing just took common sense ; women had made such a to-do about it »46. Autrement dit, les immigrés chinois se retrouvent forcés d’accomplir des tâches habituellement réservées aux femmes, comme l’explique Shirley Geok-lin Lim :

Where they [feminist discourse and diasporic theories] urgently intersect, of course, is on the gendered body of the diasporic subject, a body that becomes diasporic because of its very gender: woman–the global worker who now must undertake those conventionally female-identified work roles of housekeeper, nursemaid, cook, washerwoman, available sexed object, that the “liberated” western or westernized first-world woman will no longer do47.

34Le père et ses associés sont donc « féminisés » et doivent s’occuper de tâches ingrates que mêmes les femmes américaines ne souhaitent plus accomplir. Cette situation crée une frustration pour les personnages, comme le montre le chant entonné par le père :

Years pass and I let drop but one homesick tear.
A laundry lamp burns at midnight.
The laundry business is low, you say,
Washing out blood that stinks like brass –
Only a Chinaman can debase himself so.
But who else wants to do it? Do you want it?
Ask for the Chinaman. Ask the Chinaman
48.

35Cette frustration sous-entend qu’accomplir les tâches habituellement réservées aux femmes rabaisse les hommes ; par conséquent, la dénonciation des mauvaises conditions de vie des immigrés chinois aux États-Unis est également une dénonciation du sexisme inhérent à l’évaluation de ces mauvaises conditions.

36Pour finir, le père se retrouve plusieurs années durant séparé de son épouse, qui n’a pas le droit d’entrer sur le territoire américain. Ce dernier point est confirmé par le chapitre « The Laws », dans lequel sont listées toutes les lois restrictives ayant visé à limiter l’immigration chinoise durant les xixe et xxe siècles, dont celle de 1924 :

1924 : An Immigration Act passed by Congress specifically excluded “Chinese women, wives, and prostitutes.” Any American who married a Chinese woman lost his citizenship; any Chinese man who married an American woman caused her to lose her citizenship49.

37Non seulement les femmes chinoises étaient interdites d’entrée sur le territoire, mais les Chinois déjà présents sur le territoire se retrouvaient encore plus isolés puisque tout mariage interracial avait pour conséquence la déchéance de nationalité du conjoint ou de la conjointe américain(e). Les hommes asiatiques, et plus particulièrement chinois, se retrouvaient donc dépouillés de tout ce qui, d’après la société américaine, pouvait faire d’eux des hommes.

La norme transgressée : la femme-guerrière

38Alors que ces divers exemples d’orientalisation, de Moon Orchid au père de China Men en passant par Tang Ao, visent à présenter le corps chinois, et par extension la culture asiatique, comme ultra-féminin et dénué de virilité, Kingston les utilise précisément pour dénoncer d’une part, le sexisme ancré dans la culture chinoise, et d’autre part, le racisme ancré dans la culture américaine.

39C’est pour cette raison que Kingston donne à voir plusieurs types de femmes dans The Woman Warrior, et pas seulement celui de la femme douce et effacée. Un personnage tel que Brave Orchid déjoue toute comparaison avec les stéréotypes de la femme asiatique : ni soumise ni diabolique, elle ne ressemble à aucun modèle préétabli dans l’imaginaire occidental. Présentée tout d’abord comme la gardienne des traditions, Brave Orchid semble être une femme superstitieuse qui a à cœur de faire respecter les règles de vie de la communauté : ainsi, dans le premier chapitre de The Woman Warrior, elle narre à sa fille l’histoire de No Name Aunt (aussi nommée No Name Woman), la sœur du père de la narratrice, qui a commis un adultère, est tombée enceinte, et a fini par se suicider juste après la naissance de son enfant. Cette histoire a pour objectif premier de mettre sa fille en garde contre la désobéissance aux codes de la communauté : depuis cet événement, plus personne ne parle de la tante en question, comme si elle n’avait jamais existé. La narratrice doit alors comprendre que, si elle se comporte de la même manière, le même sort lui sera réservé. L’histoire racontée est toutefois lacunaire et comprend de nombreuses zones d’ombre que la narratrice ne parvient pas à éclaircir. Brave Orchid semble donc de prime abord représenter un passé rigide et attaché aux traditions : ses récits ne semblent être que des contes dont la crédibilité est douteuse et dont la narration a pour but non pas de protéger sa fille, mais bien de lui faire peur.

40Toutefois, les nombreuses ellipses dans cette histoire offrent également une autre interprétation de ce qui apparaît au départ comme un avertissement pour la narratrice en cas de mauvaise conduite : en omettant délibérément certaines parties, Brave Orchid force sa fille à compléter elle-même l’histoire de sa tante, lui conférant alors le pouvoir d’imagination et de narration qui a été enlevé à la No Name Woman. Par le simple fait d’envisager divers scénarios, la narratrice devient elle-même conteuse et peut raconter une histoire différente de l’histoire officielle :

It is Brave Orchid’s voice, commanding, as Kingston notes, “great power” that continually reiterates the discourses of the community in maxims, talk-story, legends, family histories. As the instrument naming filial identities and commanding filial obligations, that voice enforces the authority and legitimacy of the old culture to name and thus control the place of woman within the patrilineage and thereby to establish the erasure of female desire and the denial of female self-representation as the basis on which the perpetuation of patrilineal descent rests. Yet that same voice gives shape to other possibilities, tales of female power and authority that seem to create a space of cultural significance for the daughter; and the very strength and authority of the material voice fascinates the daughter because it “speaks” of the power of woman to enunciate her own representations. Hence storytelling becomes the means through which Brave Orchid passes on to her daughter all the complexities of and the ambivalences about mother’s and daughter’s identity as woman in patriarchal culture50.

41Dans le troisième chapitre intitulé « Shaman », une autre facette du personnage de Brave Orchid est mise en avant : en effet, cette section raconte les épreuves qu’elle doit traverser afin de rejoindre son mari, parti aux États-Unis. Ainsi, à trente-sept ans, elle se retrouve obligée d’entreprendre des études de médecine afin d’avoir une chance de le rejoindre, selon les instructions qu’il lui a fournies :

“Here’s what you have to do if I’m to bring you to America […]. I will bring you to America on one condition, and that is, you get a Western education. […] Go to Hong Kong to Canton and enroll in a Western scientific school. A science school. Get a degree. Send it to me as evidence you are educated, and I’ll send you a ship ticket. And don’t go to a school for classical literature. Go to a scientific school run by white people. And when you get your degree, I’ll send for you to come here to the United States51.”

42Une fois arrivée aux États-Unis, elle ne peut pas exercer la médecine puisqu’elle ne parle pas la langue du pays et que son diplôme n’a pas été délivré par une institution américaine ; là encore, elle doit affronter une nouvelle épreuve puisqu’elle se retrouve à travailler avec son mari dans leur blanchisserie. Ce changement est un déclassement, comme le dit Brave Orchid elle-même : « […] You have no idea how much I have fallen coming to America” »52. Quoiqu’il en soit, elle possède une capacité d’adaptation qui fait d’elle un personnage inclassable, d’après les stéréotypes mis en question par l’écrivaine. C’est un personnage hybride, qui présente un harmonieux mélange des diverses représentations imaginaires occidentales de la femme orientale : « Brave Orchid, in the narrator’s fantasy, becomes a modern woman who holds in harmony the seemingly binary opposition of East and West »53.

43Il ne s’agit donc pas seulement d’opposer à la vision orientaliste un modèle contraire : on ne peut remplacer des idées reçues par de nouvelles idées reçues, comme le remarque Nelly Mok : « Subversion through mere role-reversal remains sterile as long as genderization is countered by genderization : the threat of self-misperception still hovers in ideological retaliation. »54. Au stéréotype de la (trop) douce Asiatique incarnée par Moon Orchid, Kingston n’oppose pas un personnage féminin dur et masculinisé ; Brave Orchid est à la fois forte (« “[…] your father couldn’t have supported you without me. I’m the one with the big muscles.” »55), puissante (c’est une Shaman, chasseuse de fantômes), mais elle conserve sa féminité :

She stayed awake keeping watch nightly in an epidemic and chanted during air raids. She yanked bones straight that had been crooked for years while relatives help the cripples down, and she did all this never dressed less elegantly than when she stepped out of the sedan chair56.

44En complexifiant des personnages tels que Brave Orchid par la manière dont elle les met en scène, Kingston montre les limites de l’Orientalisme et par là, les limites de la cohérence du sujet occidental qui ne s’appuie principalement que sur des stéréotypes pour constituer l’image de l’autre. L’image que l’écrivaine souhaite donner de la femme chinoise est volontairement orientalisée en partie, car cela lui permet de mieux se détacher des clichés qui y sont rattachés. Ce n’est qu’en employant ces clichés qu’elle peut mettre en relief les images multiples et diverses de la femme chinoise qu’elle a rencontrées. L’orientalisation a pour enjeu de se saisir du pouvoir d’objectiver l’autre et de définir la vérité de ce dernier, sans le souci de la véracité des propos tenus sur l’autre57 ; mais Kingston renverse ce procédé en utilisant l’orientalisation afin de montrer les dangers d’une objectification analogue de l’autre.

45Cette image de la femme-guerrière est récurrente dans la première œuvre de Kingston, comme le titre l’indique : en plus de Brave Orchid, il y a aussi l’image de la légendaire Fa Mu Lan, qui s’est déguisée en homme pour aller au combat à la place de son père ; cela n’empêche pas Mu Lan de se battre tout en conservant sa féminité. Autrement dit, elle ne se masculinise pas seulement ; elle reste « a female avenger »58. Ainsi, lorsqu’elle s’apprête à partir en guerre, les villageois l’admirent avant tout pour sa beauté en tant que femme et en tant que guerrière : « I put on my men’s clothes and armor and tied my hair in a man’s fashion. How beautiful you look, the people said. How beautiful she looks »59. Pendant qu’elle mène ses troupes durant la guerre, elle tombe enceinte et utilise sa grossesse pour se donner une apparence plus puissante : « When I became pregnant, during the last four months, I wore my armor altered so that I looked like a powerful, big man »60. Enfin, une fois les combats terminés, elle retourne auprès de sa belle-famille et de son fils, qui ne la reconnaît pas :

I went home to my parents-in-law and husband and son. My son stared, very impressed by the general he had seen in the parade, but his father said, “It’s your mother. Go to your mother.” My son was delighted that the shiny general was his mother too. She gave him her helmet to wear and her swords to hold61.

46Dans The Fifth Book of Peace, Kingston revient plus en détails sur le retour de la femme-guerrière dans son village :

Fa Mook Lan62 leads her army to her home village,
and orders them to wait for her in the square.
Indoors, she takes off man’s armor.
She bathes, dresses herself in pretty silks,
and reddens her cheeks and lips.
She upsweeps her long black hair,
and adorns it with flowers.
Presenting herself to the army, she says,
I was the general who led you.
Now, go home. By her voice,
The men recognize their general–
a beautiful woman.
You were our general?! A woman.
Our general was a woman. A beautiful woman.
A woman led us through the war.
A woman has led us home.
Fa Mook Lan disbands the army.
Return home. Farewell
63.

47Alors que la transformation inverse de Mu Lan d’homme en femme met l’accent sur sa féminité par le bain, le maquillage, les vêtements en soie et sa longue chevelure ornée de fleurs, sa voix reste celle du général de guerre. En ajoutant à son apparence physique féminine une voix non pas masculine, mais symbole de masculinité, Kingston insiste sur ce mélange à première vue incongru (« Our general was a woman. ») mais pourtant bien caractéristique de la femme-guerrière : ni ultra-féminine comme Moon Orchid, ni devenue homme, elle incarne les qualités aussi bien des hommes que des femmes, sans pour autant posséder une identité ambiguë. Sa féminité est affirmée mais ne correspond nullement aux stéréotypes de la femme asiatique fragile.

48Mais il y a, enfin et surtout, la narratrice, en tant que femme-guerrière. La narratrice établit dans un premier temps un parallèle entre la guerrière Mu Lan et elle :

The swordswoman and I are not so dissimilar. May my people understand the resemblance soon so that I can return to them. […] The reporting is the vengeance–not the beheading, not the gutting, but the words. And I have so many words – “chink” words and “good” words–that they do not fit on my skin64.

49Tandis que Mu Lan venge les villageois d’un tyran en tuant ce dernier, la narratrice accomplit sa vengeance par les mots. Par le biais de sa plume, qu’elle utilise telle une épée, elle dénonce le racisme dont elle est victime aux États-Unis, prenant ainsi la défense, comme Mu Lan, des plus démunis et défavorisés de la société. De même, elle établit un parallèle entre sa mère et elle : toutes les deux sont des conteuses d’histoires. Elles vont même jusqu’à raconter une histoire ensemble, assurant ainsi la passation de pouvoir entre générations : « Here is a story my mother told me, not when I was young, but recently, when I told her I also talk story. The beginning is hers, the ending, mine »65. Une fois encore, l’acte même du story-telling, la narration d’histoires, agit comme une arme pour dénoncer les idéologies racistes et sexistes qui pèsent sur les personnages, tout en réaffirmant l’importance de la transmission entre personnages féminins. Cette réappropriation de la narration est une illustration du caractère post-moderne de l’œuvre, dans lequel se développe une multiplicité de voix narratives qui forcent le lecteur à remettre en question un processus de lecture trop linéaire et simpliste, inadéquat pour la bonne compréhension de The Woman Warrior. Le passage ci-dessus met en lumière la démarche méta-textuelle de l’écriture de Kingston : alors que la dimension orientaliste de son œuvre lui permet de remettre en question les stéréotypes associés à la culture asiatique et de dénoncer leur caractère raciste, sa réflexion sur l’art de la narration lui permet d’établir une filiation avec sa culture d’origine et de réaffirmer son appartenance à celle-ci. Cela fait écho à l’affirmation de Linda Hutcheon:

In postmodern fiction, self-reflexivity cannot be separated from the notion of difference. In her fiction/autobiography/biography, The Woman Warrior, Maxine Hong Kingston links the postmodern metafictional concerns of narration and language directly to her race and her gender […]. Her rethinking of personal, familial, and racial history is similar to that of feminist historians in its study of the exclusions that inevitably result from attempts to form totalizing unities or neat evolutions66.

50En créant une nouvelle image de la femme, celle de la femme-guerrière, Kingston crée donc une filiation entre le personnage de la légende, Mu Lan, la mère de la narratrice, Brave Orchid, et la narratrice elle-même. La lutte que les trois personnages mènent évolue, le combat physique devenant un combat littéraire. Kingston se bat contre la fausse norme établie par la majorité blanche vis-à-vis des Asiatiques et plus particulièrement des Chinois, remettant en question les stéréotypes caractérisant la société américaine. Elle s’éloigne ainsi de précédentes autobiographies écrites par des écrivains sino-américains tels que Jade Snow Wong, qui se voulait « ambassador of goodwill »67 et s’était fixée pour mission de promouvoir la culture chinoise auprès des Américains à travers son autobiographie. Kingston refuse de ne donner à voir que ce que le lecteur américain attend d’elle en tant qu’écrivaine d’origine chinoise et l’image qu’elle donne à voir des femmes en particulier reste ambivalente. En cela, son œuvre est résolument post-moderne, et les exemples d’orientalisation qu’on y trouve peuvent alors être perçus comme la parodie des stéréotypes sur la culture et la communauté asiatiques, et ont pour but de défier les idéaux de beauté physique et morale occidentaux :

In American postmodernism, the different comes to be defined in particularizing terms such as those of nationality, ethnicity, gender, race, and sexual orientation. […] Postmodernism signals its dependence by its use of the [American and European] canon, but reveals its rebellion through its ironic abuse of it68.

51Il n’empêche que d’après Michael Malloy, un journaliste du National Observer, cette ambivalence demeure le plus difficile à comprendre. Comme le souligne Nelly Mok, cette réaction montre la réticence du lecteur américain, et plus généralement du lecteur occidental, à voir les femmes asiatiques/chinoises comme des personnages complexes :

[Malloy’s] response to Kingston’s autobiographical novel exemplifies Western reluctance to perceive the Chinese/Asian woman as an ambivalent individual, likely to oscillate between subservience and subversion, to be either a martyr or a warrior69.

52Une telle résistance est, comme l’affirme Said70, symptomatique de ce qui est dénié : le racisme inhérent à de telles représentations du monde oriental, plus précisément asiatique en l’occurrence, que Kingston dénonce à travers une œuvre dont l’écriture complexe met à mal les stéréotypes qu’elle représente.

Conclusion

53The Woman Warrior et China Men comportent plusieurs niveaux de lecture. S’arrêter au premier niveau mènerait à une interprétation erronée et insuffisamment nuancée, car il donnerait à penser, comme beaucoup de critiques l’ont cru, que Kingston a entièrement intériorisé le regard de la société à majorité blanche dans laquelle elle vit au point de ne représenter ses personnages asiatiques qu’à travers les clichés dont ils sont victimes.

54Le procédé d’orientalisation est bien présent dans les textes de l’écrivaine ; mais aussi réducteur soit-il, il constitue en fait non seulement un passage obligé pour se faire connaître, mais aussi et surtout un moyen d’en montrer les limites. C’est en construisant à partir de la norme imposée qu’elle en dénonce la fausseté pour ensuite offrir une nouvelle image, plus complexe, non seulement du corps, mais aussi et surtout du monde et de la culture asiatiques en Amérique. Du personnage caricaturalement délicat de la femme orientale prégnant dans l’imaginaire occidental, l’on passe à la femme-guerrière : femme, mais pouvant assumer un rôle d’homme ; forte comme un homme, mais tout en restant intrinsèquement femme. Le personnage de la femme-guerrière met en valeur les failles d’une représentation fantasmée et exagérée à l’excès de l’autre, celle-ci apparaissant alors comme le reflet d’une idéologie discriminatoire ancrée à la fois dans les cultures américaine et chinoise.

55Les jeux narratifs présents dans les deux œuvres de Kingston reflètent la dimension post-moderne de son écriture : en jouant sur l’ambiguïté du genre littéraire de ses romans / (auto)biographies, l’écrivaine amorce une réflexion sur son propre travail d’écriture en réponse aux injonctions normatives de la société américaine dans laquelle elle vit. Sa représentation des personnages, qu’ils soient chinois ou américains, interroge le caractère figé et inchangeable propre au principe de la stéréotypie qui vise à définir un groupe par un ensemble de traits physiques et moraux reconnaissables et applicables à tous ses membres. En mettant en scène des personnages qui déjouent les attentes du lectorat américain, Kingston tourne les stéréotypes en dérision et offre une image moins simpliste et simplifiée, mais au contraire plus diversifiée de la culture asiatique et de ses représentants.

Notes

1 « I wanted to finish these two books first [before going to China]. It’s about my imaginary China that I write », Maxine Hong Kingston dans Karen Horton, « Honolulu Interview : Maxine Hong Kingston », Honolulu, December 1979, p. 49-56, dans Paul Skenazy, Tera Martin (dir.), Conversations with Maxine Hong Kingston, Jackson, University Press of Mississippi, 1998, p. 8.

2 Edward Said, L’Orientalisme : l’Orient créé par l’Occident [1979], Paris, Le Seuil, 2005, p. 349.

3 Ota Tomomi, « Images hybrides de l’autre et de soi : À travers l’exil artistique de Nagai Kafû (1879-1959) », dans Chantal Chen-Andro, Cécile Sakai et Xu Shuang (dir.), Imaginaires de l’exil dans les littératures contemporaines de Chine et du Japon, Arles, Éditions Philippe Picquier, 2012, p. 49.

4 Xiaomei Chen, Occidentalism [1995], New York, Oxford University Press, 2002, p. 2.

5 Edward Said, « Orientalism Reconsidered », Cultural Critique, n° 1, Autumn, 1985, p. 93.

6 « But I discovered […] the Orient, the Arabs, or Islam […] separately or together were supposed by mainstream academic thought to be confined to the fixed status of an object frozen once and for all in time by the gaze of Western percipients », ibid., p. 92.

7 Dans son article « Cultural Mis-readings by American Reviewers », M. H. Kingston souligne avec ironie : « I know headlines writers are under time and space deadlines, but many of them did manage to leave the “American” in “Chinese American”. Here are some exceptions : Malloy’s article in The National Observer : “On Growing Up Chinese, Female and Bitter”. The Sunday Peninsula Herald : “Memoir Penetrates Myths Around Chinese Culture”. The Baltimore Sun : “Growing Up Female and Chinese”. The Cleveland Plain Dealer : “A California-Chinese Girlhood”. (I wouldn’t mind “Chinese-Californian”.) Harold C. Hill’s article in a clipping without the newspaper’s name : “Growing Up Chinese in America” », Maxine Hong Kingston, « Cultural Mis-readings by American Reviewers », dans Guy Amirthanayagam (dir.), Asian and Western Writers in Dialogue : New Cultural Identities, London, MacMillan, 1982, p. 59.

8 Su-lin Yu, « Orientalist Fantasy and Desire in Maxine Hong Kingston’s The Woman Warrior », dans Begoña Simal et Elisabetta Marino (dir.), Transnational, National, and Personal Voices : New Perspectives on Asian American and Asian Diasporic Women Writers, Münster, LIT, 2004, p. 81.

9 Elaine H. Kim, Asian American Literature. An Introduction to the Writings and Their Social Context, Philadelphia, Temple University Press, 1982, p. 3.

10 Ibid., p. 17.

11 Maxine Hong Kingston, The Woman Warrior: Memoirs of a Girlhood Among Ghosts [1976], New York, Vintage International, 1989, p. 117, 127.

12 Ibid., p. 124-125.

13 Ibid., p. 125.

14 Ibid., p. 125.

15 Ibid., p. 152-153.

16 S. Yu, art. cité, p. 78.

17 M. H. Kingston, op. cit., p. 172.

18 Ibid., p. 173.

19 Ibid., p. 175.

20 Ibid., p. 173.

21 Ibid., p. 173.

22 Ibid., p. 176.

23 Patricia P. Chu, Assimilating Asians: Gendered Strategies of Authorship in Asian America, Durham/London, Duke University Press, 2000, p. 16.

24 Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot, Stéréotypes et clichés, Paris, Armand Colin, 2007, p. 26.

25 Ibid., p. 28.

26 Ibid., p. 43-44.

27 Kingston, op. cit., p. 172.

28 Ibid., p. 172.

29 Ibid., p. 172.

30 Ibid., p. 172.

31 Ibid., p. 128.

32 Ibid., p. 145.

33 Ibid., p. 148.

34 Ibid., p. 149.

35 Ibid., p. 149.

36 Ibid., p. 149.

37 R. Amossy et A. Herschberg Pierrot, op. cit., p. 44.

38 S. Yu, art. cité, p. 83.

39 Maxine Hong Kingston, China Men [1980], New York, Vintage International, 1989, p. 3.

40 Ibid., p. 3-4.

41 Ibid., p. 4.

42 Ibid., p. 4.

43 Ibid., p. 4.

44 Ibid., p. 5.

45 Alfred S. Wang, « Maxine Hong Kingston’s Reclaiming of America : The Birthright of the Chinese American Male », South Dakota Review, vol. 26.1, 1988, p. 18.

46 M. H. Kingston, China Men, op. cit., p. 61.

47 Elisabetta Marino, « On Being Diasporic : An Interview with Shirley Geok-lin Lim. », dans Begoña Simal et Elisabetta Marino (dir.), Transnational, National, and Personal Voices : New Perspectives on Asian American and Asian Diasporic Women Writers, Münster, LIT, 2004, p. 244.

48 M. H. Kingston, China Men, op. cit., p. 63.

49 Ibid., p. 156.

50 Sidonie Smith, « Filiality and Woman’s Autobiographical Storytelling », dans Sau-ling Cynthia Wong (dir.), Maxine Hong Kingston’s The Woman Warrior : A Casebook, New York/Oxford, Oxford University Press, 1999, p. 58-59.

51 M. H. Kingston, China Men, op. cit., p. 67.

52 M. H. Kingston, The Woman Warrior, op. cit., p. 77.

53 S. Yu, art. cité, p. 76.

54 Nelly Mok, « Maxine Hong Kingston’s The Woman Warrior. Beyond the Feminine and the Unfeminine : Dismantling the Dualistic Perception of Gender and Ethnicity », dans Sämi Ludwig et Nicoleta Alexoae-Zagni (dir.), On the Legacy of Maxine Hong Kingston, Zurich/Berlin, LIT, 2014, p. 68.

55 M. H. Kingston, The Woman Warrior, op. cit., p. 104.

56 Ibid., p. 77.

57 S. Yu, art. cité, p. 82.

58 M. H. Kingston, The Woman Warrior, op. cit., p. 43.

59 Ibid., p. 36.

60 Ibid., p. 39.

61 Ibid., p. 45.

62 L’orthographe « Fa Mook Lan » retranscrit la prononciation du nom du personnage légendaire dans le dialecte chinois d’origine de l’auteure.

63 Maxine Hong Kingston, The Fifth Book of Peace [2003], London, Vintage, 2004, p. 391-392.

64 M. H. Kingston, The Woman Warrior, op. cit., p. 53.

65 Ibid., p. 206.

66 Linda Hutcheon, A Poetics of Postmodernism. History, Theory, Fiction [1988], New York/London, Routledge, 1990, p. 70-71.

67 E. H. Kim, op. cit., p. 24.

68 L. Hutcheon, op. cit., p. 130.

69 N. Mok, art. cité, p. 66.

70 « we are obliged on intellectual as well as political grounds to investigate the resistance to the politics of Orientalism, a resistance that is richly symptomatic of precisely what is denied », E. Said, art. cité, p. 91.

Pour citer ce document

Christelle Ha Soon-Lahaye, « Transgression de la norme chez Maxine Hong Kingston » dans « Corps, normes, genre. Discours et représentations de l’Antiquité à nos jours », « Synthèses & Hypothèses », n° 2, 2022 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Christelle Ha Soon-Lahaye

Christelle Ha Soon-Lahaye est docteure en littérature américaine. Sa thèse de doctorat, soutenue en 2019 à l’Université de Rouen, est intitulée “Claiming America” : poétique de la transgressivité dans l’œuvre de Maxine Hong Kingston. Ses recherches se concentrent essentiellement sur les constructions de l’identité dans la littérature ethnique américaine, et ses travaux portent plus spécifiquement sur la littérature asiatico-américaine, notamment l’œuvre de Maxine Hong Kingston. Elle a participé à plusieurs conférences dont la EAAS Conference 20/20 sur le thème « Vision : Citizenship, Space, Renewal » qui s’est tenue en Pologne, ainsi qu’au Congrès annuel de l’AFEA sur « La Post-Amérique » à Lille (tous deux en mai 2021). Elle a publié quelques articles, notamment sur The Bluest Eye de Toni Morrison et, plus récemment, un sur The Woman Warrior de Maxine Hong Kingston, intitulé « Lies that Tell the Truth : Maxine Hong Kingston’s The Woman Warrior : Memoirs of a Girlhood Among Ghosts », publié dans la revue en ligne LEAVES de l’Université Bordeaux-Montaigne en juillet 2019. Elle enseigne actuellement au lycée Bossuet Notre-Dame (Paris 10e).