12 | 2020

D’une chasseresse l’autre ou du moi garcilasien au moi théâtral de Vélez de Guevara

Philippe Meunier


Texte intégral

1Contrairement à ce qu’indique le titre donné à cette communication, j’inverserai le fil chronologique pour les besoins de la démonstration et je privilégierai dans un premier temps le personnage proprement monstrueux de la serrana de la Vera, celle qui donne son titre à cette tragédie de 1613, dédiée à la fameuse actrice Jusepa Vaca qui en interpréta le rôle dans une mise en scène assurée par son époux, le directeur de troupe Juan de Morales.

2C’est peut-être parce que cette figure légendaire est profondément ancrée dans l’imaginaire collectif, que l’assomption du moi du personnage dramatique de Vélez de Guevara n’en est pas moins problématique. On rappellera que cette monstruosité tient à la nature hybride de la serrana telle qu’elle peut se décliner dans les multiples versions du romance qui raconte son histoire de dévoreuse d’hommes ; par exemple le dénouement suivant1 que donne Julio Caro Baroja dans Ritos y mitos equívocos :

— ¡Anda –le dice–, villano,
que me dejas descubierta,
que mi padre era pastor
y mi madre fue una yegua,
que mi padre comía pan
y mi madre comía hierba2.

3Il est inutile de dire que le romance travaille profondément et de manière explicite la comedia de Vélez de Guevara ; j’en veux pour preuve cette didascalie : « Agora vaya baxando por la sierra baxo, abriendo una cabaña que estará hecha arriba, GILA la serrana como la pinta el romanze, sin hablar »3 laquelle renvoie effectivement au romance que chante un voyageur anonyme égaré dans l’âpre paysage de la montagne. C’est en effet dans cette nature sauvage que Gila s’est réfugiée après avoir été abusée par le capitaine d’infanterie don Lucas de Caravajal (III, v. 2202-2205, p. 161-162) :

Allá en Gargantalaolla,
en la Vera de Plasenzia,
salteóme una serrana
blanca, rubia, ojimorena,

4Ces octosyllabes archiconnus sont ceux de la version tardive, recueillie par Menéndez Pidal dans sa Flor nueva de romances viejos4 (et donc marqués par l’italique dans l’édition consultée). Les vers suivants du dramaturge constituent une variation descriptive et sensuelle des atours de la montagnarde qui puise à plusieurs traditions entremêlées: celle des serranas vernaculaires, celle de l’Occident antique des amazones ou des Dianes chasseresses — tel le détail de cette botte aux reflets argentés que chausse le personnage, ou celui d’une jambe à moitié dénudée —, ou encore la tradition très positive de la femme forte des Ecritures qui font d’elle un personnage féminin extraordinaire justement parce qu’il fait ostension de qualités proprement masculines :

Botín argentado calça,media pagiza de seda,
media pagiza de seda,alta basquiña de grana
alta basquiña de granaque descubre media pierna;
que descubre media pierna;sobre cuerpo de palmilla
sobre cuerpo de palmilla
suelto airosamente lleva
un capote de dos faldas
hecho de la misma mezcla;
el cabello sobre el hombro
lleva partido en dos crenchas,
y una montera redonda
de plumas bancas y negras;
de una pretina dorada,
dorados frascos le cuelgan;
al lado izquierdo un cuchillo,
y en el hombro una escopeta.

(III, v. 2206-2221, p. 162)

5Car selon la tradition poétique, les armes de la montagnarde ne sont pas seulement le fusil ou l’arbalète et le coutelas avec lesquels elle attaque et règle son compte au voyageur perdu, mais aussi celle de la séduction : « Si saltea con las armas / también con ojos saltea » (III, v. 2222-2223, p. 162). Nous avons là la glose de ce que j’appellerais la « signature » linguistique de ce cycle de poèmes, que nous retrouvons un peu plus tard, dans l’acte III, dans une chanson de type zejelesco5 entonnée par les paysans de Garganta la Olla qui reviennent d’un pèlerinage à la ville de Plasencia :

Salteóme la serrana
juntico al pie de la cabaña.
serrana, cuerpo garrido,
manos blancas, ojos bellidos,
salteóme en escondido,
juntico al pie de la cabaña
6.
salteóme la serrana,
juntico al pie de la cabaña.
Serrana, cuerpo lozano,
ojos negros, blancas manos,
Salteóme la serrana
juntico al pie de la cabaña.

(III, v. 2656-2669, p. 180-181)

6L’anaphore du syntagme verbal « salteóme » n’est pas nouvelle et scelle de façon définitive l’inversion des symboliques masculine et féminine : à la montagnarde — sujet syntaxique — il revient le principe actif, à l’homme — qui a le statut grammatical de complément d’objet — il échoit d’obéir passivement. Le modèle est bien connu que l’on trouve déjà mis en œuvre et répété dans les aventures de la montagne du Libro de buen amor7.

7Il reste que contrairement aux serranas de Juan Ruiz qui sont des personnages frappés d’hydropisie libidinale, Gila se réfugie dans un isolement et une dénégation sexuelle que lui offre la sierra matricielle. Par ailleurs, si l’hypotexte massivement convoqué fait de Gila, alias la serrana de la Vera, un objet de discours, qu’en est-il lorsqu’elle prend enfin la parole et se met en scène ? Aux hommes qui ont le malheur de croiser son chemin dans la montagne, l’invitation de Gila n’est que cela, une virtualité qui tient à une rhétorique amoureuse aussi explicite que dégradée, faite pour circonvenir la confiance recouvrée d’un voyageur égaré et mieux le précipiter du haut des rochers escarpés :

Gila
yo os daré donde esta noche
paséis muy bien y zenéis
y con el alba saldréis.
Andrés
8
Cuando tendido en un coche
o en una litera fuera,
el hospedaxe aceptara.
¿Dormís sola, linda cara?
Gila
No hay serrana de la Vera
que acudir más libre pueda
a lo que fuerdes servido,
porque me habéis parezido
muy bien.
(III, v. 2810-2821, p. 186-187)

8On aura remarqué la réponse décalée de Gila, la tension qui s’établit entre cette première et cette troisième personne lorsqu’il lui faut parler d’elle-même en accord avec un imaginaire poétique ; tension donc entre sa réputation et ce qu’elle est, ou plus exactement entre l’intertexte des serranillas et du romance antérieurs et le programme qu’il impose, et le personnage dramatique qui est en train de se construire de manière autonome. Cela dit, l’autonyme « Gila » tend à s’effacer derrière la dénomination donnée par la collectivité ; telle est la réponse qu’elle donne à Andrés qui demande l’identité de cette « mujer ingrata » au moment où elle le précipite dans le vide : « Gila, fanfarrón, te mata, / la serrana de la Vera. », III, v. 2839-2841, p. 187.

9Revenons, si je puis dire, au personnage dramatique vélézien dont l’hybridité originelle et tragique tient au fait que née dans un corps de femme, Gila n’a d’inclinations que masculines à la mesure de la force et de la dextérité de ses bras, son anormalité consistant à se comporter comme ce qu’elle n’est pas : « muger soy sólo en la saya » (I, v. 773). Experte dans l’art de la chasse, elle terrasse tout le monde à l’escrime, à la fronde, ou dans le maniement de l’araire, selon les propos imprudents d’un père émerveillé, « vale / por dos hijos » (I, v. 130-131). On imagine alors la terrible désillusion de la jeune fille lorsque les projets matrimoniaux paternels avec le capitaine don Lucas de Caravajal, la ramènent à son identité sexuelle, d’autant qu’en accord avec les situations obligées des drames de commandeur ou de de ceux qui s’y apparentent, — et qu’on veuille bien nous pardonner l’expression — la villageoise devra y passer pour satisfaire au bon plaisir du capitaine Caravajal.

10« ¡Estraña muger! » (I, v. 796, p. 103) comme dirait le personnage du Maestro en la voyant manier la rapière  avec une dextérité confondante : femme extra-ordinaire, a-normale au point que lors des fêtes tauromachiques de Plasencia en honneur des Rois catholiques, Gila après avoir mis en déroute ses concurrents et menacer de taper sur tout ce qui bouge, entreprend à la troisième personne le dithyrambe de ses exploits herculéens juste après que quelqu’un de la coulisse se fut écrié « ¡Guarda el toro! ¡Guarda el toro! » (I, v. 826, p. 105) :

Tomaos eso que os lleváis,
pues para volver, cuitados,
como dizen, trasquilados,
con la serrana os tomáis
con la que a brazo partido
mata al osso, al jabalí;
con la que un molino así
mil vezes ha detenido;
con la que arroxa más alta
la barra que el pensamiento;
con la que aventaxa el viento
cuando corre o cuando salta
con quien güesos y costillas
luchando a un hombre deshaze;
con la que en las manos haze
tres herraduras astillas;
con quien como mimbres tiernos
corta una enzina, una oliva;
con la que un toro derriba
asiéndole por los cuernos;
con la que en medio del furor
detiene un carro de bueyes.

(I, v. 835-856, p. 106)

11Tout se passe comme si frappée d’aphasie de la première personne grammaticale, Gila ne devait sa survie dramatique qu’à une troisième personne, celle du mythe qui la sublime mais la condamne inéluctablement. Il faut, je crois, revenir à la naissance du personnage théâtral, à la tirade qui accompagne sa première entrée en scène et qui réalise tous les enjeux liés aux ambivalences, aux permutations et autres réversibilités de la fiction dramatique.

12Je l’ai dit, Gila entre en scène pour la première fois de retour de la chasse, et en contraste saisissant avec la copla des villageois qui chantent la beauté de la serrana de la Vera (« ojos hermosos rasgados /…/ lisa frente, roxos labios, /…/ pelo de ámbar, blancas manos, /…/ cuerpo genzor y adamado »9), elle raconte ses exploits cynégétiques devant le capitaine don Lucas qui célèbre sa « varonil bizarría » (v. 250), alors que son père se félicite d’avoir une fille « gallarda »10 et la couvre de façon fort surprenante d’éloges floraux. En fait, la jeune fille se complaît dans la description d’un seul exploit, celui d’un sanglier déjà blessé et de la mise à mort de ce dernier après qu’il l’eut attaquée ; en voici retranscrit le début :

Yo corría
tras de un corzo al viento igual,
y al descubrir el cristal
de una hermosa fuente fría
que haziendo a unos ruiseñores
caricio [sic] porque callaba
y tan en tanto ensartaba
perlas en hilos de flores,
en colchones de alhelíes
un
sangriento jabalí
vi echado, que desde allí
perlas trocaba a
rubíes:
que tan caro le convida
la hermosa fuente a beberlas,
que por la sed de las perlas
daba
la sangre y la vida.
Apenas sintió el roído
cuando, puesto en cuatro pies,
el
fiero animal montés,
de espuma y
sangre teñido,
desenvainó del cristal
de la fuente los colmillos,
que son mortales cuchillos
y el espumoso animal
al caballo arremetió
terrible y determinado,
lo que alcanzó por un lado,
y hurtéle la vuelta yo.
Vuelve otra vez sobre mí,
y yo revuelvo sobre él,
y más airado y cruel
el zerdosso jabalí
otra vez arremetió
a los pechos del caballo;
pudo herillo, a no apartallo
con tanta destreza yo;
vuelvo las ancas, afloxo
el freno, doile al ixar
la espuela, y vuélveme a dar
asalto,
en su sangre roxo.
Tuerzo el cuerpo, y sobre el lado
izquierdo pongo el cañón,
corre el gatillo al fogón,
y al pardo plomo colado
el sediento pedernal,
y apenas sufre que ocupe
la pólvora, cuando escupe
contra el
sangriento animal
un rayo que le reciba
por la vista y las orexas,
y partiéndole las cexas
di con él patas arriba.
(I, v. 273-324, p.81-83)
[…]

13Les méandres de la syntaxe, les répétitions des mots et de leurs dérivés qui se heurtent, en particulier le même verbe qui alterne à la première et à la troisième personne (« vuelve », « yo revuelvo », « vuelvo », « vuélveme ») dessinent la chorégraphie tragique des corps qui s’attaquent, s’étreignent, s’éludent ou finissent par s’enlacer pour se confondre dans une même chute fatale : « di con él patas arriba » (v. 324), tant il est vrai que les paronymes « colmillos » et « cochillos »11 (I, v. 294-295) de la bête fauve rappellent le coutelas que Gila porte sur le côté (« un cuchillo de monte al lado » dit la didascalie qui préside à son entrée sur scène, p. 78) et que les défenses de l’animal au même titre que l’arme blanche peuvent grammaticalement être le complément d’objet direct du verbe « desenvainar » (v. 293) ; tant il est vrai aussi que l’épanchement sanguin du sanglier se fait dans un lieu qui loin de toute sauvagerie, réunit les caractéristiques du lieu amène et amoureux. Surtout la complaisance avec laquelle Gila évoque la blessure de sa proie : « sangriento jabalí », « rubíes », « daba la sangre », « de espuma y sangre teñido », « en su sangre roxo », « el sangriento animal », confirme et légitime l’impression que dans une sorte de préscience fantasmatique, Gila nous met au spectacle de sa propre défloration de l’acte II et de sa propre mise à mort à l’acte III.

14Il n’est pas étonnant que l’animal blessé mortellement soit ici le sanglier dont le nom espagnol « jabalí » est l’objet d’une glose étymologique : « el fiero animal montés » (v. 291), nous rappelant qu’originellement « jabalí » est un adjectif qui fait de ce cochon sauvage l’emblème de la montagne, alors qu’un autre dérivé de « monte », « montaraz », constitue la dénomination traditionnelle des serranas. Cette même glose « el fiero animal montés » prévient aussi toute surdétermination du discours qui ferait du substantif féminin « fiera » uniquement la métaphore obligée de la cruauté de la femme aime, courtisée ou convoitée. Gila, je l’ai dit, abusée par le capitaine don Lucas de Caravajal, est aussi, littéralement, la bête sauvage, la proie qui est traquée à son tour para les chasseurs, puis mise à mort au nom de la justice des rois Catholiques. Pour preuve cette scène de l’acte III où surgit dans la montagne Ferdinand d’Aragon accompagné de ses gens désignés comme « monteros », c’est-à-dire selon Autoridades, des « cazadores de salvajina » à la poursuite d’un sanglier. Un court extrait de l’échange verbal entre le souverain et don Rodrigo Girón, grand maître de l’ordre de Calatrava, permet de passer sans solution de continuité d’un humble maître d’escrime (« maestro ») à celui (« maestre ») d’un prestigieux ordre militaire, d’une bête fauve à une autre :

Rodrigo
Locos nos trae vuestra alteza.
Fernando
Zebéme en el jabalí,
maestre.
Rodrigo
Dadme licencia
agora para matar
esa mujer, esa
fiera,
que ha muerto cuatro monteros
vuestros con esa escopeta.
(III, v. 2581-2587, p. 176-177)

15Pour terminer, je reviens sur les deux premiers vers de la tirade aperturale de Gila : « Yo corría / tras de un corzo al viento igual » qui portent l’empreinte prestigieuse d’un poème écrit en hendécasyllabes que l’on peut lire dans la Seconde Eglogue théâtralisée de Garcilaso de la Vega. Il s’agit plus précisément du monologue de Camila, la jeune vierge consacrée à la déesse Diane. Fatiguée de poursuivre un chevreuil blessé, elle finit par s’endormir aux heures caniculaires près d’une fontaine, et est découverte par Albanio, le compagnon de ses jeux d’enfance dont elle rejette l’amour au nom de ses vœux de chasteté qu’elle doit à la déesse :

Si desta tierra no he perdido el tino,
por aquí el corzo vino que ha traído,
después que fue herido, atrás el viento.
¡Qué recio movimiento en la corrida
lleva, de tal herida lastimado!
En el siniestro lado soterrada,
la flecha enherbolada iba mostrando,
las plumas blanqueando solas fuera,
y háceme que muera con buscalle.
No paso deste valle ; aquí está cierto,
y por ventura muerto. ¡Quién me diese
alguno que siguiese el rastro agora,
mientras la herviente hora de la siesta
en aquesta floresta yo descanso!
¡Ay, viento fresco y manso y amoroso,
almo, dulce, sabroso!: esfuerza, esfuerza
tu soplo, y esta fuerza tan caliente
del alto sol caliente ora quebranta,
que ya la tierna planta del pie mío
anda a buscar el frío desta hierba.
A los hombres reserva tu, Dïana,
en esta siesta insana, tu ejercicio;
por agora tu oficio desamparo,
que me ha costado caro en este día.
¡Ay dulce fuente mía, y de cuán alto
con solo un sobresalto m’arrojaste!
¿Sabes que me quitaste, fuente clara,
los ojos de la cara, que no quiero
menos un compañero que yo amaba,
mas no como él pensaba? Dios ya quiera
que antes Camila muera que padezca
culpa por do merezca ser echada
de la selva sagrada de Dïana!
¡Oh cuán de mala gana mi memoria
renueva aquesta historia! Mas la culpa
ajena me desculpa, que si fuera
yo la causa primera desta ausencia,
yo diera la sentencia en mi contrario:
él fue muy voluntario y sin respeto.
Mas ¿para qué me meto en esta cuenta?
Quiero vivir contenta y olvidallo
y aquí donde me hallo recrearme;
aquí quiero acostarme, y, en cayendo
la siesta, iré siguiendo mi corcillo,
que yo me maravillo ya y m’espanto
como con tal herida huyó tanto
12.

16D’une chasseresse l’autre, nous sommes déjà en présence de la même tension entre première et troisième personne, entre un je et un autonyme, « Camila », dont on rappellera que l’étymon latin masculin « camillus » désigne le jeune homme préposé aux sacrifice divins : « ¡Dios ya quiera / que antes Camila muera que padezca / culpa por merezca ser echada de la selva sagrada de Dïana ! » (v.  49-752). Au moment où la rime intérieure révèle enfin ce qui consume confusément le moi, la dénégation liée à la troisième personne du prénom renvoie inéluctablement le personnage à son statut de victime sacrificielle. Or tout est fait pour que les forces de la nature, laquelle n’a rien ici d’un décor obligé, s’unissent complices et permettent à Camila qui dit « je » de se révéler enfin à elle-même : l’heure caniculaire, la caresse si douce et jouissive du vent et de l’herbe foulée par le pied, la vue de la source liée à l’histoire personnelle se conjuguent pour mitiger le feu qui la dévore de l’intérieur, et l’obligent à se soustraire à l’empire de Diane le temps que s’estompent l’ardeur du soleil et l’excitation du corps. Alors qu’elle affirme poursuivre sans relâche et à en « mourir » un chevreuil déjà blessé, nommé affectivement « mi corcillo », le moi de la jeune vierge nous met au spectacle de son propre désir inconscient ou qui refoulé, n’ose dire son nom13.

17Bien avant Gila, dans une tension évidemment moins tragique entre troisième et première personne, Camila est déjà et à la fois chasseresse et sa propre proie à travers la métaphore cynégétique traditionnelle mais ô combien efficace du désir indicible qui tenaille et éreinte le moi.

Bibliographie

Caro Baroja Julio, Ritos y mitos equívocos, Madrid, Ediciones Istmo, 1974.

Garcilaso de la Vega, Obra poética y textos en prosa, éd. Bienvenido Morros, Barcelona, Editorial Crítica, 2001

Ruiz Arcipreste de Hita Juan, Libro de buen amor, éd. G.B. Gybbon-Moonypenny, Madrid, Castalia, 1988.

Lope de Vega, Arte nuevo de hacer comedias, éd. Enrique García Santo-Tomás, Madrid, Cátedra, 2006.

Menéndez Pidal Ramón, Flor nueva de romances viejos, Madrid, Espasa-Calpe, 1978.

Romancero, éd. Michèle Debax, Madrid, Alhambra, coll. « Clásicos » no 22,1982.

Navarro Tomás Tomás, Métrica española, Madrid, Guadarrama-Labor, 1974.

Vélez de Guevara Luis, éd. Enrique Rodríguez Cepeda, Madrid, Cátedra, coll. « Letras hispánicas » no 166, 1982.

Notes

1 On se rappellera que toutes les versions se terminent par un dialogue entre le voyageur anonyme qui fuit et la serrana qui tâche en vain de le rattraper pour ne pas être découverte.

2 Chapitre III « La serrana de la Vera, o un pueblo analizado en conceptos y símbolos inactuales », Madrid, Ediciones Istmo, 1974, p. 278.

3 L’édition suivie est : Luis Vélez de Guevara, La serana de la Vera, éd. Enrique Rodríguez Cepeda, Madrid, Cátedra, 1982.

4 Flor nueva de romances viejos, Madrid, Espasa-Calpe, 1978, p. 244-246.

5 Tomás Navarro Tomás rappelle que le Zéjel « una de las estrofas más antiguas y famosas de la métrica española constaba de un breve estribillo inicial, de un terceto monorrimo que constituía la mudanza, cuyo consonante cambiaba en cada estrofa, y de un verso final llamado vuelta, el cual recogía la misma rima del estribillo y servía para hacer recordar y repetir esta primera parte de la canción », Métrica española, Madrid, Guadarrama-Labor, 1974, p. 50.

6 V. 2656-2669.

7 Par exemple le vers 978ª « Derribó me cuesta ayuso e caí estordido », Arcipreste de Hita, Libro de buen amor, éd. G.B. Gybbon-Moonypenny, Madrid, Castalia, 1988, p. 313.

8 Ce personnage de muletier qui vient d’abandonner l’armée consomme l’irréductible infériorité de l’homme par rapport à la femme. Présenté comme bravo lors des fêtes de Plasencia, ce fanfaron bat piteusement en retraite devant l’épée maniée avec une dextérité confondante par une Gila brava à l’acte I, puis reçoit une magistrale gifle par la même paysanne lors d’une partie de dés à l’acte II. Cette troisième rencontre ne peut construire qu’une ultime dégradation.

9 I, v. 213-219, p. 78. La note au vers 219 rappelle avec raison l’archaïsme traditionnel des deux adjectifs qui célèbrent l’attraction érotique de ce corps.

10 V. 252 : « ¡Gallarda estás! ». L’adjectif marqué par la majuscule à l’initiale peut rappeler dans une lecture prospective de la pièce le surnom donné à la protagoniste du romance de la Gallarda matadora, celle dont les poutres de la maison sont ornées des crânes des hommes qu’elle a tués. Voir Romancero, éd. Michèle Debax, Madrid, Alhambra, 1982, p. 375-376.

11 Paronymes et compagnons de rime à la faveur de l’enchaînement de redondillas dont on sait depuis Lope de Vega qu’elles servent idéalement aux histoires d’amour : « y para las [cosas] de amor, las redondillas », Arte nuevo de hacer comedias, éd. Enrique García Santo-Tomas, Madrid, Cátedra, 2006, v. 312.

12 Garcilaso de la Vega, Obra poética y textos en prosa, éd. Bienvenido Morros, Barcelona, Editorial Crítica, 2001, v. 720-765, p. 183-185.

13 Ce n’est évidemment pas un hasard si le monologue de Camila est suivi d’un autre monologue, celui d’Albanio qui attiré irrésistiblement s’approche son ancienne compagne endormie, celui dont la blancheur du nom se reflète dans les plumes de la flèche qui a blessé à mort le « très cher » chevreuil.

Pour citer ce document

Philippe Meunier, « D’une chasseresse l’autre ou du moi garcilasien au moi théâtral de Vélez de Guevara » dans « Conversaciones con Marie-Claire Zimmermann : el yo, poesía y teatro », « Travaux et documents hispaniques », n° 12, 2020 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Philippe Meunier

Université Lumière-Lyon2 — IHRIM-UMR 5337