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Individu et société : représentation, rapports, conflits (I. Espagne)

Ce volume recueille quelques-unes des communications présentées au colloque international « Les représentations de l’individu et la société : rapports et conflits dans le monde hispanique » (Université de Rouen, les 13, 14 et 15 février 2008), sous la direction scientifique des professeurs Venko Kanev, Milagros Torres, José Antonio Vicente Lozano et Daniel Vives, avec le concours du laboratoire ERIAC, de l’École doctorale « Savoirs Critique Expertises » et du Conseil Scientifique de l’Université de Rouen. Les textes ont été recueillis par Milagros Torres et Miguel A. Olmos.

Couverture de

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Politique culturelle et vie artistique en Catalogne : les Expositions Nationales des Beaux-Arts à Barcelone sous le franquisme (1942-1960)

Claire Pallas


Résumés

Ce travail aborde la question de l’artiste et de la liberté de création sous la dictature franquiste, à travers la tentative du régime d’imposer un art officiel excluant toute forme artistique susceptible de s’écarter de la norme. La Catalogne autonome issue de la Seconde République constitue l’une des cibles privilégiées du nouveau régime. Le pouvoir décide de célébrer à Barcelone, dès 1942, l’Exposition Nationale des Beaux-Arts, événement traditionnellement madrilène. Il s’agit d’appréhender, à travers diverses tentatives d’instrumentalisation de la peinture – à des fins notamment d’éradication de la culture catalane – les caractéristiques mais également les limites de cette entreprise et les tentatives de résistance pour s’en libérer.

Planteamiento del problema del artista y de la libertad de expresión bajo la dictadura de Franco, a través de la tentativa oficial de imposición de un arte oficial que excluyese toda forma artística capaz de desviarse de la norma. La Cataluña autónoma de la II República constituye uno de los blancos favoritos de la nueva autoridad. El Poder decide celebrar en Barcelona, desde 1942, la Exposición Nacional de Bellas Artes, acontecimiento tradicionalmente madrileño. A través de los diversos ensayos de instrumentalización de la pintura – con el particular fin de erradicar la cultura catalana – se aprehenden las características y los límites de esta empresa, y se presentan algunas tentativas de resistencia.

Texte intégral

1J’aborderai ici la question de l’individu, plus particulièrement de l’artiste et de la liberté de création, soumis à la dictature franquiste, et de la tentative du régime d’imposer un art officiel excluant toute forme artistique susceptible de s’écarter de la norme. J’ai privilégié le domaine de la peinture et la période correspondant à l’instauration du régime jusqu’au tournant opéré à la fin des années cinquante. Il s’agit d’appréhender, à travers diverses tentatives d’instrumentalisation de la peinture – à des fins notamment d’éradication de la culture catalane –, les caractéristiques mais également les limites de cette entreprise et les tentatives de résistance pour s’en libérer.

2Principalement défini par une série de contre-modèles politiques et culturels, le franquisme s’incarne dans la construction du « Nouvel État » à partir de 1939. La culture et les moyens de diffusion, sous le contrôle de l’Église et de la Phalange, vont être régis selon un double critère, véritable clef de voûte de l’appareil d’État : la censure et la propagande. La préservation de la sacro-sainte unité nationale implique en effet l’instauration d’une culture unitaire fondée sur l’exclusion de tout séparatisme de pensée. À ce titre, la Catalogne autonome issue de la Seconde République constitue d’emblée l’une des cibles privilégiées du nouveau régime. La volonté d’élimination du passé catalan, de sa culture se traduisent par la « castillanisation » brutale de la région. L’organisation, dans ce contexte et à deux moments distincts de la dictature, de manifestations artistiques nationales à Barcelone, a retenu notre attention. Le pouvoir décide, en effet, de célébrer dans la capitale catalane, dès 1942, l’Exposition Nationale des Beaux-Arts, événement traditionnellement madrilène1. L’expérience est renouvelée deux ans plus tard puis une dernière fois en 1960. La mise en perspective de ces événements, dans le contexte d’un catalanisme renaissant et de l’émergence progressive d’une avant-garde artistique, permet enfin de s’interroger sur les limites de l’entreprise d’élimination de la culture catalane et de la politique culturelle franquiste.

La dictature en Catalogne : culture « nationale » et catalanisme

3La victoire franquiste signifie pour la Catalogne le démantèlement de ses institutions politiques et culturelles. Nombreux sont les artistes et intellectuels qui prennent le chemin de l’exil. Le phalangiste González Oliveros, gouverneur civil de Barcelone à partir de 1939, considère le catalan comme une langue maudite et proclame le monopole absolu du castillan : « En la reespañolización [i.e. castellanización] cultural de Cataluña espero poner lo principal de mi empeño, desde la primera enseñanza a la alta cultura »2. Le franquisme s’emploie à diaboliser la Catalogne issue de la République comme en témoigne la procession organisée en 1941 par le pouvoir à Barcelone afin d’en « purifier [les] rues »3. On peut observer avec Joan M. Thomàs que le préambule à ces premières dispositions officielles fait directement écho aux déclarations antérieures de Franco et de Serrano Suñer concernant la Catalogne4. Bien qu’apparemment rassurantes, ces déclarations impliquent cependant l’interdiction pure et simple du catalan. La délimitation de la sphère privée comme seul espace autorisé pour la pratique de la langue revient à supprimer toute manifestation publique, à quelque usage que ce soit. Dans ses Mémoires, Dionisio Ridruejo évoque la volonté d’éradiquer la langue et la culture catalanes comme on le ferait d’un mal à sa racine. L’écrivain cite d’ailleurs Álvarez Arenas : « Nada de usar el catalán, nada de organizar actos políticos o sindicales, nada de sardanas o “aplecs” populares »5. Sont également interdites toutes les activités politiques ou syndicales autres que celles de la Phalange, qui contrôle par ailleurs la censure et la diffusion à travers les services de Presse et Propagande du « Nouvel État ». L’interdiction du catalan est officiellement promulguée en mars 1939, ainsi que l’obligation de dire la messe en castillan. La direction de la Presse et Propagande se livre au contrôle et à la réquisition des livres. Commence alors une vaste opération de « castillanisation » de la part des autorités franquistes. À la fin de l’année 1940, Correa y Veglison, militaire qui affiche sa sympathie pour le nazisme6, succède à González Oliveros. Populaire et populiste, il multiplie les déclarations d’amour à la ville de Barcelone et autorise ponctuellement les sardanes7. Conclure pour autant à la tolérance des autorités serait une erreur majeure. Le catalanisme est véritablement la cible. Il est en effet lié à la République et enraciné dans la tradition artistique et culturelle de la Renaixença, mouvement culturel de redécouverte et de réappropriation de la langue et de la culture catalanes apparu au xixe siècle. L’historien Vicens Vives explique pour sa part que la bourgeoisie catalane, issue de la révolution industrielle, a besoin d’institutions qui la représentent. Sont ainsi créés le Liceu puis au début du xxe siècle le Palau de la Música Catalana8. En 1907, Prat de la Riba fonde l’Institut d’Estudis Catalans. Diverses entités culturelles voient le jour dont la Bibliothèque de Catalogne. Le point culminant de ce développement culturel de Barcelone est la création, en 1913, de la Mancomunitat qui regroupe des institutions culturelles et pédagogiques dont un éphémère Ministère de la Culture qui ne survit pas à la mort, en 1917, de Prat de la Riba. La dictature de Primo de Rivera met un terme à la Mancomunitat mais ce coup porté au catalanisme ne fait que le renforcer. En 1930, les forces catalanistes participent au Pacte de Saint-Sébastien et la République vote le Statut d’autonomie en 1932. La politique culturelle de la Généralitat est ambitieuse : outre la création de l’Université Autonome et de nombreuses écoles, vingt-sept quotidiens et plus de mille revues sont édités en catalan. Pompeu Fabra publie, en 1932, le Diccionari General de la Llengua catalana.

4L’instauration de la dictature se traduit par la répression et la castillanisation des institutions culturelles catalanes. Le Palau de la Música Catalana est ainsi rebaptisé Palacio de la Música. En 1942, l’Institut d’Estudis Catalans disparaît au profit d’un Instituto de Estudios Mediterráneos. Cinq quotidiens catalans sont par ailleurs supprimés, ainsi que des centaines de publications. A Barcelone, le service de la Propagande est aux mains de Joan Ramón Masoliver9. L’anticatalanisme devient particulièrement virulent et la presse prend activement le relais. Outre l’hebdomadaire Destino10, le quotidien phalangiste Solidaridad Nacional, publié à Barcelone à partir de 1939, exprime ainsi, en 1940, cette volonté farouche de forger un modèle national excluant toute forme de séparatisme : « Queremos ser españoles, sentirnos españoles, llenarnos de la doctrina de nuestros clásicos y, con la voz de la sangre y de los siglos, catolizar y españolizar nuevamente nuestra cultura »11. L’historien Ferran Valls i Taberner prend à son tour fait et cause pour la España Una en publiant, dès février 1939, dans La Vanguardia, un article intitulé « La falsa ruta » qui fustige le catalanisme des trente dernières années dont le point culminant est la République et le Statut d’Autonomie : « Cataluña ha seguido una falsa ruta y ha llegado en gran parte a ser víctima de su propio extravío. Esta falsa ruta ha sido el nacionalismo catalanista »12.

5Dans ce contexte, la plupart des artistes et intellectuels catalans sont réduits au silence. Sur le plan pictural, l’art de l’époque antérieure à la dictature est dominé par quelques survivants du Modernisme (Meifrén ou Baixeras) ou encore le fauviste Ramón Rogent. Si le Modernisme de la fin du xixe est directement lié au catalanisme politique, le Noucentisme, apparu en 1906, est en partie associé à la Mancomunitat. C’est à cette époque que la Escola Superior dels Bells Oficis est créée sous l’égide de Francesc d’A. Galí, futur directeur général des Beaux-Arts sous la République. Avant la guerre, l’avant-garde catalane est représentée par Miró, Dalí et le groupe Adlan. En ce sens, la dictature représente une rupture violente par rapport aux avant-gardes, mais s’inscrit dans le droit fil des goûts esthétiques de la bourgeoisie. À partir de 1939, la peinture à Barce­lone est représentée par Durancamps et Pere Pruna, tenants de la tradition artistique de l’Académie de San Fernando. Ces artistes, officiellement reconnus par le pouvoir, font partie intégrante de « l’art du marché noir » évoqué par Juan F. Bosch dans El año artístico barcelonés13. À la même époque, Miró rentre d’exil. Ignoré par le pouvoir le peintre fait rapidement figure de maître pour la génération de la fin des années quarante.

L’Exposition de 1942 ou le « retour à l’ordre »

6La première Exposition Nationale des Beaux-Arts du franquisme a lieu à Madrid dès 194114 et se doit de témoigner de la vigueur du « Nouvel État » sur le plan artistique. Un décret élabore le nouveau règlement et définit clairement le rôle assigné à cette manifestation : « Las manifestaciones artísticas […] debérán ser acomodadas al espirítu del “Nuevo Estado”, de modo que las nacionales han de ser índice de los excepcionales méritos del Arte Español »15. Régie par le règlement de 1941, l’Exposition de Barcelone est inaugurée le 2 juin 1942 au Palais de la Ciudadela16. Installée dans les salles latérales et centrales du Palais, elle comprend vingt salles, deux galeries, trois halls, ce qui donne une idée de l’importance de la manifestation. Elle propose au total 805 œuvres dont 544 tableaux et sculptures. Franco préside le Comité d’Honneur de l’Exposition. Le jury est composé du maire, de son adjoint (Tomás Carreras Artau Ribas), des critiques José Francés, Sánchez-Camargo, Josep María Junoy ainsi que du responsable régional de la Phalange, du comissaire de région du service de Défense du Patrimoine Artístique National et enfin, du directeur du Musée des Beaux-Arts de Catalogne17.

7L’exposition, organisée par la mairie de Barcelone, sous l’égide de la direction générale des Beaux-Arts, est inaugurée par Kindelán, capitaine général de Catalogne, en présence du Marquis de Lozoya, directeur général des Beaux-Arts, et du gouverneur civil Antonio Correa Véglison. Sont également présents le président de la Diputación, Antonio Simarro ainsi que le vicaire général du diocèse, représentant l’évêque de Barcelone. Un buste de Franco réalisé par le sculpteur Mariano Benlliure occupe la première page du catalogue. L’aigle franquiste et les armes de Barcelone ornent la couverture. Plusieurs générations d’artistes figurent dans cette exposition qui propose un très grand nombre de paysages, de portraits et de natures mortes dans un style le plus souvent figuratif. La peinture d’Histoire, revendiquée par la Phalange, soucieuse d’élaborer un art « national », est cependant absente. Aucun tableau n’évoque la guerre. Pas davantage le « Nouvel État ». Les peintres exposés sont ceux officielle­ment admis par le régime : Sotomayor, Chicharro, Julio Moisés, José Mompou, Vila Arrufat, le moderniste Baixeras, Zubiaurre, Mallol-Suazo, enfin Solana et Zuloaga (ce dernier présente un portrait de Valle-Inclán). A leurs côtés, moins académiques, ayant appartenu à l’avant-garde, Benjamín Palencia, Bosch Roger, Sisquella (membre, en 1917, du groupe Els evolucionistes), Jaume Mercader, Vázquez Díaz, Planás Durá et, plus surprenant, le neveu de Picasso, Xavier Vilató Ruiz.

8L’objectif de cette exposition, comme celui de la précédente, en 1941 à Madrid, est de renouer avec la tradition des Expositions Nationales et de montrer que l’art espagnol est bien vivant, également en Catalogne, en dépit de l’exil de nombreux peintres. Aussi, lors de l’inauguration, le maire insiste tout particulièrement sur la tradition artistique de Barcelone, tradition enfin retrouvée grâce à la « libération » de la ville par les troupes franquistes18. Miguel Mateu Pla précise que l’exposition a été décidée par la mairie, à l’occasion du second anniversaire de la libération de la ville. Le discours, par ses accents nationalistes, rappelle l’objectif principal du régime : contribuer à la grandeur de la Patrie. Évoquant le contexte de la Seconde Guerre mondiale, Mateu Pla espère, comme beaucoup de phalangistes à l’époque, l’avènement d’un art national, étroitement lié à la tradition chrétienne, préfigurant une civilisation nouvelle issue de la vic­toire des puissances de l’Axe. La mairie de Barcelone publie la même année un ouvrage intitulé Guía artística de Barcelona, qui rend également compte du prestige « national » de la capitale de l’ex-Generalitat19Véritable document de propagande, cette publication insiste tout particulièrement sur la tradition artistique et culturelle de Barcelone, tradition qui passe sous silence l’époque des avants-gardes et celle de la République. Els Quatre Gats, la création de la salle Parés ou encore le Liceu sont ainsi évoqués pour rappeler la richesse de la culture catalane contemporaine, indissociable de la culture espagnole20.

9C’est dans cette tradition que s’inscrit l’exposition qualifiée de manifestación limpia y auténtica par opposition aux « turpitudes » de l’époque antérieure, et qui propose un « art véritable »21, par opposition à l’art moderne. Cette dénomination plutôt vague désigne, pour les fran­quistes, l’ensemble – pour le moins hétéroclite – constitué par l’art non figuratif, objet d’un rejet systématique et violent. L’art moderne et ses représentants ont soutenu la République et la Catalogne autonome. La rhétorique franquiste renvoie constamment à la notion de libération : par rapport à la République et au catalanisme22.

Réception critique de l’exposition

10La presse se fait très largement écho de l’exposition, si l’on en juge par le nombre d’articles consacrés à la manifestation23. Instrument de propagande du pouvoir, elle relaie les discours triomphalistes de ce dernier et célèbre le caractère « glorieux », ou encore « national », de l’événement. Quelques critiques élaborent à cette occasion un certain nombre de théories sur ce que devrait être l’art du nouveau régime. Parmi eux, Juan Francisco Bosch, dans El año artístico barcelonés24, examine, à l’occasion de l’exposition, la production artistique de l’époque et se penche sur la période antérieure. Citant Taine à propos du rapport intrinsèque entre l’artiste et la société25, Bosch s’étonne que la guerre civile ait si peu inspiré les peintres espagnols26. Le critique déplore – il n’est pas le seul à l’époque – l’absence de peinture d’Histoire, phénomène qu’il attribue à l’industrialisation de l’art. La prédilection pour le paysage, la nature morte, ou le portrait, au regard de l’ensemble des toiles présentées, porte préjudice à ses yeux à la représentation du régime, laquelle devrait avoir comme support une peinture de type historique. Dans les nombreux articles de Destino consacrés à l’événement, Joan Teixidor propose une visite guidée de l’exposition. Il signale la présence des plus grands artistes espagnols (l’exposition « reúne en su ámbito a los mejores artistas españoles »27) et souligne le caractère monumental de la manifestation. Dans son édition du 9 mai 1942, Destino annonce l’exposition et la publication de El año artístico barcelonés de Juan Francisco Bosch. L’article fait l’apologie de la peinture espagnole dont le régime franquiste favorise manifestement l’épanouissement : Bosch « consigna y registra minuciosa y ordenadamente todo ese amplio e inusitado movimiento artístico que ha colocado nuestra producción plástica en uno de los lugares más destacados del mundo »28.

11La réalité de la vie artistique semble cependant démentir ce discours officiel. Dans ses mémoires, Antoni Tàpies évoque l’atmosphère « raréfiée », sur le plan culturel et artistique, qui caractérise l’époque. Picasso et Miró sont évidemment bannis : « aquí se nos quería hacer creer que eran unos desgraciados pasados de moda (incluso sus nombres, según se decía, estaba prohibido mencionarlos en la prensa) »29. Tàpies qualifie la vie artistique de l’époque de « misérable », totalement aseptisée, marquée par l’interdit et l’absence de débat : « Aquí nadie hablaba del contenido, de las motivaciones, de la función social, de la política del arte. ¿ Podía esperar conocer estas cuestiones por las exposicioncitas y las miserables críticas de arte que se hacían aquí ? »30

12L’immédiate après-guerre est en effet caractérisée par le rejet de l’art contemporain. Il faut attendre la fin des années quarante pour voir émerger une vie culturelle en marge du pouvoir. Quelques initiatives très isolées voient ponctuellement le jour, en marge des activités officielles, dans l’indifférence générale. Ainsi l’exposition, en 1943, à la galerie Reig des peintres « Fín », Vilató (tous deux neveus de Picasso…), Albert Fabra et Ramón Rogent, ne manque pas de surprendre dans le paysage de l’époque. Les œuvres présentées tranchent nettement avec la peinture figurative communément admise à l’époque. Le peintre Jordi Mercader se souvient ainsi de « l’électrochoc » causé par cette exposition, également évoquée par Tàpies :

Em recordo la gran impressió que em produí l’exposició que feren en « Fín », en Vilató, en Rogent i en Fabra a mitjan de novembre de 1943 a Can Reig. […] a la Barcelona dels quaranta has de convenir que constituïa un autèntices deveniment que trigaria molt temps a repetir-se. […] presentaren unes obres que avui ens semblarien poca cosa però que, a la Barce­lona d’aquell moment, no podien resultar més estridents. Per a mi eren el summum de l’art modern, de l’art internacional. Una pintura que desentonava del conjunt dels paisatges d’Olot o de les barquetes a la platja que s’exposava cada setmana o cada quinze dies a Can Busquets, a les Galeries Augusta i que compraven els nous rics31.

13Ces initiatives font apparaître une fissure progressive dans l’unité imposée par le régime. La rupture avec l’époque de la République, si ardemment souhaitée par le pouvoir, a certes eu lieu, mais la présence à Barcelone d’un certain nombre d’artistes et d’intellectuels directement ou indirectement liés à la « génération catalane de la République » n’a pu totalement en effacer la mémoire32.

L’Exposition de 1944

14Le contexte qui préside à la célébration de la deuxième Exposition Nationale des Beaux-Arts est sensiblement différent. La défaite annoncée des puissances de l’Axe contraint le régime à se démarquer de ces dernières. Quelques tentatives d’opposition apparaissent en Catalogne mais la répression est toujours à l’oeuvre. Sur le plan culturel, l’heure est encore au refus de l’art moderne. Josep Palau i Fabra parvient pourtant à créer la revue Poesia, en mars 1944, à laquelle collaborent les peintres Miró, Sunyer, Obiols et Mallol-Suazo. L’exposition de 1944 est la seconde des Expositions Nationales des Beaux-Arts à avoir lieu à Barcelone. À l’occasion de l’inauguration, le maire situe l’exposition dans la continuité de celle de 194233, annonce l’ouverture imminente du Musée d’Art Moderne dans le Palais de la Ciudadela et évoque les principaux aspects de la politique culturelle de la municipalité, n’hésitant pas à souligner la « passion » que voue son équipe à l’Art34. La manifestation est, comme il se doit, placée sous l’égide du Caudillo auquel on doit la « normalité » de la vie sociale sans laquelle ni l’Exposition ni la vie artistique ne seraient possibles :

Y por último, permitidme os invite a un instante de serena reflexión. A ello nos obliga el pensar que una manifestación artística de esta importan­cia únicamente puede celebrarse gracias a la normalidad que, en medio de un mundo asolado por la guerra disfruta España por designio providencial y sabia dirección de su Caudillo, nuestro Generalísimo Franco, que consigue para nuestra Patria esta deseada paz que vivimos35.

15La liste des peintres exposés fait apparaître les « habitués » de ce type de manifestations, ceux-la mêmes qui sont admis, reconnus, par le pouvoir36. Il s’agit, dans leur immense majorité, de peintres figuratifs, à l’exception de Vázquez Díaz ou encore de Solana qui occupent une place à part. On peut enfin noter la présence des Vilató, Javier et José, peintres non figuratifs toutefois absents du catalogue officiel…

Les Expositions Nationales en question

16La Vanguardia consacre la une de son édition du 18-XI-1944 à l’inauguration de l’exposition. La place accordée à l’événement dans la Presse est à la mesure du caractère solennel de la manifestation. Dans le Diario de Barcelona, Alberto del Castillo décrit l’exposition tout en apportant une note discordante aux propos triomphalistes du maire et du représentant du ministère de l’Éducation Nationale. Le critique émet ainsi quelques réserves, l’ensemble des œuvres exposées offrant à ses yeux un intérêt moindre que l’exposition de 1942 : « Hay menos obras de importancia esta vez y el nivel general es más discreto. Lo primero debemos atribuirlo a que no han podido concurrir a esta competición no pocas de las primeras figuras que colaboraron en la anterior »37. Mais le critique va plus loin : comparant l’exposition de Barcelone à celles de Madrid, Alberto del Castillo regrette la piètre qualité de ces dernières : « Ante la pobreza del conjunto madrileño y la escasez del público que allí observamos, el certamen barcelonés, rico en número de obras y constantemente visitado, nos ha ofrecido un contraste consolador »38.

17Dans Destino, Joan Teixidor ne ménage pas ses attaques contre la pauvreté plastique d’une exposition qui reflète, selon lui, l’état plutôt déplorable de la peinture espagnole en 1944. Le critique stigmatise également l’immobilisme dans lesquel est enlisée la politique artistique offi­cielle : les hauts et les bas « provienen exclusivamente de la situación actual de nuestro arte que facilita todos los confusionismos y, en menor escala, de los sistemas tradicionales de organización de estos certámenes que, como es lógico, han ido envejeciendo »39. Le critique déplore enfin l’absence d’artistes représentant un art plus « actuel » : « en el catálogo encontramos a faltar algunos nombres muy significativos del arte actual »40.

1950-1960 : l’État face à une nouvelle avant-garde catalane

18En 1946, le groupe de peintres Els Vuit (dont Ràfols-Casamada et Maria Girona) et la revue clandestine catalane Ariel, fondée par Josep Palau i Fabre, Josep Romeu, Miquel Taradell, Joan Triadú et F. Pau Verrié, signifient un renouveau de la vie intellectuelle et artistique barcelonaise. La fin des années quarante voit ainsi surgir des mouvements qui, bien que constituant des phénomènes isolés, vont cristalliser le désir des artistes et des intellectuels de rencontrer la modernité. Dans le domaine des arts plastiques, la Catalogne semble de nouveau occuper une place de choix. L’avant-garde renaît à Barcelone avec d’une part, le groupe et la revue Dau al set fondés par Tàpies, Joan Brossa, Joan Josep Tharrats et d’autre part, le Salon d’Octobre. Ce dernier, créé par Josep-Maria de Sucre et Jordi Mercadé se consacre à la promotion d’artistes catalans. La participation de Tàpies, Cuixart, Miró et bien d’autres au Salón de los Once de 1949, semble ouvrir timidement la voie à l’émergence d’une nouvelle avant-garde. Ces tentatives sont pourtant encore isolées, voire interdites. Au début des années cinquante de nombreux ambassadeurs reviennent en Espagne, à la faveur d’une résolution de l’ONU dictée par la guerre froide et la nécessité consécutive de s’allier avec celui qui se disait « Centinela de Occidente »… Parallèlement, sans doute dans le souci de modifier la mauvaise image de l’Espagne à l’extérieur, les autorités chargent Arias Salgado, à la tête du récent ministère de l’Information et du Tourisme, ainsi que Ruiz Giménez, nouveau ministre de l’Éducation Nationale, de promouvoir un semblant de politique culturelle. C’est ainsi qu’est organisée, en 1951, la première Biennale Hispano-américaine d’Art à laquelle participent bon nombre d’artistes non figuratifs… Il ne faut toutefois pas s’y méprendre, la route est encore longue qui mène à la reconnaissance d’un art moderne et à la possibilité de s’exprimer librement dans tous les domaines.

19À la fin des années cinquante, le général Franco choisit de nommer de plus en plus de technocrates, membres de l’Opus Dei, aux postes clefs de l’économie. La Phalange a été rebaptisée sous le nom de Movimiento Nacional dans le souci de se débarrasser de connotations encombrantes pour l’heure. Le désir de normalisation économique ne s’accompagne pas pour autant d’une libéralisation politique comme le prouvent la répression des événements universitaires de 1956, ou la grève des transports à Barcelone en 1957, répression d’autant plus sévère que l’opposition semble s’organiser. Sur le plan artistique et culturel, l’organisation, en 1951, de la I Biennale Hispano-américaine d’Art et l’Exposition d’Art Abstrait de Santander de 1953, marquent un tournant. La I Biennale a d’ailleurs pour conséquence la réforme du règlement des Expositions Nationales. Antonio Gallego Burín, qui a remplacé le marquis de Lozoya – lors du remaniement ministériel de Juillet 1951 – à la direction générale des Beaux-Arts et qui a participé au jury de qualification de la Biennale, décide, en effet, d’en modifier la composition41. Le nouveau règlement, approuvé par décret du ministère de l’Éducation Nationale, prévoit désormais un Jury unique, composé de dix-huit membres dont quatre académiciens (un peintre, un sculpteur, un architecte et un historien ou critique d’art), nommés par le ministère de l’Éducation sur proposition de l’Académie Royale des Beaux-Arts de San Fernando. Les autres membres du jury sont des artistes ou des critiques d’art nommés, soit directement par le ministère, soit sur proposition des Écoles des Beaux-Arts de Madrid, Barcelone, Valence et Séville, ou encore par le Cercle des Beaux-Arts de Madrid42. L’hégémonie de l’Académie de San Fernando au sein du jury a donc, on le voit, laissé la place à une plus grande hétérogénéité. Cette réforme, dont les effets ne se font guère sentir lors de l’Exposition Nationale de 1952, a sans doute pour objet de favoriser une plus grande liberté de jugement et de garantir une évaluation des formes d’expression artistiques selon des critères moins monolithiques.

20En marge du pouvoir, des artistes, des critiques et des intellectuels revendiquent un nouveau langage et contribuent à renouveler la vie artistique. Tel est le rôle joué par Sebastià Gasch, Rafael Santos Torroella, Ricardo Gullón, J. Masoliver ou encore Luis Felipe Vivanco, dès la fin des années quarante. La presse commence également à se faire l’écho de nouvelles théories artistiques. Tharrats peut ainsi évoquer, dans les pages de l’hebdomadaire barcelonais Revista, ses conceptions artistiques qui rejoignent en partie celles de ses pairs. Le peintre, revendiquant l’abstraction en peinture, lance un appel à davantage d’ouverture d’esprit de la part de la critique :

– ¿ Qué valores fundamentales encierra para ti la pintura abstracta ?
– Eliminando el sujeto y la anécdota en un cuadro, la pintura abstracta debe conseguir, para sustentarse, los valores pictóricos más esenciales. Lograr por el artista ese propósito hace de tal aventura su mayor ilusión. […]
– ¿ Qué crees que se puede hacer en Barcelona en beneficio del arte y los artistas jóvenes ?
– Ante todo, los jóvenes artistas desean una crítica orientada hacia sus esfuerzos. No puede admitirse el marcado desinterés por la aportación de las nuevas generaciones. […] Resulta asombroso comprobar la fuerza persuasiva que algunos marchantes de nuestro país han tenido con los críticos e incluso para imponer su criterio a los museos…
43

21La Biennale Hispano-américaine d’Art a lieu à Barcelone en 1955. C’est dans ce contexte qu’émerge le mouvement informaliste catalan où l’on retrouve Tàpies, Cuixart ou encore Vilacasas.

L’Exposition de 1960 : prélude et fin des Beaux-Arts à Barcelone

22La direction générale des Beaux-Arts décide, en 1959, de célébrer, pour la troisième fois, l’Exposition Nationale des Beaux-Arts à Barcelone44. L’exposition est inaugurée par Franco le 13 mai 1960, au Palais de Montjuich, en présence du ministre de l’Éducation et de l’Intérieur, du directeur général des Beaux-Arts et des autorités barcelonaises. À l’occasion de l’exposition, un prix « Eugenio d’Ors » est créé45. Dans un entretien accordé à La Vanguardia du 9 avril 1960, Gallego Burín insiste sur l’importante participation catalane. Il affirme que toutes les tendances artistiques sont représentées. Faut-il y voir une volonté d’ouverture du pouvoir ?46 Quelques jours plus tard, le directeur général des Beaux-Arts répond à nouveau aux questions de La Vanguardia. Accordant à Barcelone la première place sur le plan artistique, ce dernier reconnaît la nécessité urgente de réformer les Expositions Nationales, trop peu représentatives de la vie artistique de l’époque :

Yo creo que la puesta en contacto de estas manifestaciones con los núcleos señeros de la vida del arte español es siempre beneficiosa, y en este caso Cataluña es, tradicionalmente, el foco más vivo del arte español. […] A corregir éste y otros aspectos de ellas [las Exposiciones] van nuestros pro­pósitos para las próximas, que tienen que aspirar a recoger, lo más exactamente posible, la vida artística española de nuestro tiempo47.

23Cette stigmatisation du divorce entre une institution officielle et la réalité de l’art dans le pays, émanant du responsable national des Beaux-Arts, témoigne de la difficulté de créer un art « national » et d’imposer une seule forme artistique. Par ailleurs, l’art non figuratif a fait son entrée dans les institutions et autres manifestations artistiques officielles franquistes. L’attitude du pouvoir est cependant paradoxale : Tharrats et d’autres jeunes artistes non figuratifs y sont exposés mais on ne trouve aucun tableau de Tàpies ni de Miró.

L’immobilisme d’une institution

24Les Expositions Nationales font l’objet de critiques dans les colonnes du Diario de Barcelona. Un bref article évoque, en effet, l’aspect poussiéreux de l’institution et déplore l’absence des peintres espagnols reconnus à l’étranger. Il fait évidemment allusion aux artistes non figuratifs et, en filigrane, au débat qui n’a cessé d’agiter la scène artistique espagnole pendant les années cinquante :

Parece que, por celebrarse en Cataluña, la exposición se rejuvenece. Nuestro deseo es que tome un vuelo del que ha carecido en sus últimos años. Si pintores y escultores españoles logran las mejores situaciones y premios en el extranjero, la Exposición Nacional debe tenerlos para que el gran público les conozca. Algo hay que dar al país de origen, aunque hayan decaído las reuniones de este tipo, por culpa de muchos48.

25Enfin Alberto del Castillo se montre très critique vis à vis de l’exposition dans le Diario de Barcelona :

El conjunto en sí no pasa de mediocre. Tampoco tiene pieza alguna sensacional, de esas que forman época y quedan en la memoria. […] La Exposición no refleja la realidad del momento artístico nacional ni es por lo tanto lo que debería ser. […] Las Nacionales tal como están organizadas no responden a nuestro tiempo49.

26L’institution dont il dénonce l’aspect bureaucratique n’est plus adaptée. Il déplore enfin les absences de peintres de renom : « numerosas y lamentables ausencias de artistas de fama ». Le critique réclame ouvertement la suppression des Expositions Nationales : « Y una de dos : o se suprimen como tantas cosas de época isabelina se han suprimido, o se reorganizan a fondo y se ponen a la altura de las circunstancias actuales »50.

27Interrogé des années plus tard au sujet des expositions organisées par le pouvoir, Tàpies se souvient:

Al principio no había una gran conciencia política con repecto a las exposiciones. Tal vez nos preocupaba más hallar nuestra propia identidad personal. En un principio yo no pensé que me estuvieran utilizando. Teníamos, eso sí, un cierto sentimiento de vergüenza y recuerdo que discutíamos si debíamos o no participar. Finalmente, llegamos a la conclusión de participar para que se pudiera contemplar nuestra obra51.

Fin des Expositions : le Musée d’Art Contemporain de Barcelone

28Au moment où est y célébrée pour la dernière fois l’Exposition Nationale des Beaux Arts, un Musée d’Art Contemporain est fondé à Barcelone. Ce dernier, initiative privée, répond à une carence : le Musée d’Art Moderne ne reflète pas la vitalité de l’art contemporain catalan et n’est pas représentatif de l’art catalan de la période de l’après-guerre civile à 1960. Or, à partir de la fin des années quarante, s’ouvre une période d’activité intense, exceptionnelle. Le Club 49, dont l’objectif était de développer l’art catalan d’avant-garde en promouvant concerts et excursions, est l’un des creusets de la génération d’artistes et d’intellectuels qui vont créer le Musée52. Nombreux sont en effet les membres du Club 49 qui figurent en 1960 parmi les fondateurs du Musée d’Art Contemporain de Barcelone. Malgré un accueil initial favorable du projet, les autorités officielles se démarquent assez rapidement de l’initiative qui ne reçoit pas de soutien institutionnel. D’où le recours à l’initiative privée. Dans l’hedomadaire Destino, Joan Ramón Masoliver propose ainsi la création du Musée au moyen d’une société anonyme. L’Asociación de Artistas Actuales est chargée de donner forme au projet de Musée et d’en rédiger les statuts. Alexandre Cirici Pellicer en est le directeur, secondé par Cesáreo Rodríguez Aguilera. Le Musée est inauguré le 21 juin 1960 par une exposition consacrée au sculpteur Vilella. Tàpies illustre la couverture du catalogue. Dans sa déclaration d’intention, Cirici insiste sur le rôle que doit jouer le Musée concernant la diffusion de l’art contemporain. Le Musée se doit en effet d’être un lieu d’échanges, un élément moteur de la vie artistique catalane. Cirici insiste tout particulièrement sur la dimension universelle à laquelle aspire l’entreprise53. Point d’orgue de l’émergence de l’art contemporain catalan, la création du Musée suscite une campagne de presse d’une rare violence. Nombreux sont les critiques qui s’opposent ouvertement à la création de ce musée. De juin 1960 à février 1963, vingt deux expositions s’y déroulent, consacrées notamment à Romá Vallés, Fautrier, ou encore Ràfols Casamada. Des conférences, colloques et projections de films complètent l’intense activité du lieu. La collection est constituée de 250 œuvres susceptibles de représenter tous les courants artistiques, essentiellement catalans, du début du siècle à 1960, du Noucentisme, puis du méditerranéisme, à l’art abstrait54. L’exposition de 1963 intitulée El Arte y la Paz, jugée subversive par les autorités, sonne le glas de l’existence du Musée. Pour l’historien d’art Francesc Miralles, l’expérience du Musée d’Art Contemporain de Barcelone s’inscrit dans la « réaffirmation du caractère national » catalan, réaffirmation dont l’art constitue l’élément essentiel. Ainsi l’informalisme devient un « style national » identitaire. Dans son ouvrage Tàpies o l’escarnidor de diademes, l’écrivain Joan Perucho voit pour sa part dans l’oeuvre du peintre une recherche par rapport aux racines catalanes, un chant à la Catalogne55.

29C’est dans ce contexte de réappropriation et de défense de la culture catalane que prennent fin les Expositions Nationales des Beaux-Arts à Barcelone. Les tentatives du franquisme d’éradiquer le catalanisme n’ont atteint que très partiellement leurs objectifs. Muselé, l’art catalan a resurgi lorsque les appareils étatiques de contrôle et d’encadrement de la production artistique se sont avérés inadaptés pour intégrer une partie, fût-elle minime, des nouvelles productions. Dans le même temps, grâce à l’initiative privée qui échappait au contrôle de l’état, de nouvelles expressions artistiques témoignaient d’un catalanisme toujours vivant.

Notes

1 Fondées en 1854 par Isabelle II, les Expositions Nationales des Beaux-Arts accueillent les trois arts majeurs – peinture, sculpture, architecture – et ont lieu tous les deux ans à Madrid, à l’exception de l’exposition de 1929, célébrée à Barcelone. Voir B. de Pantorba, Historia de las Exposiciones de Bellas Artes, Barcelona, 1948, p. 25-27. On peut remarquer que Pantorba passe inexplicablement sous silence les expositions célébrées à Barcelone en 1942 et 1944…

2 Wenceslao González Oliveros prend ses fonctions le 10 juillet 1939 : voir J.M. Colomer, J.-M. Ainaud, B. de Riquer, Conèixer Catalunya. Els anys del franquisme, Barcelona, Dopesa, 1978, p. 21.

3 La procession a lieu le 24 mars 1941. Voir la chronologie établie par J.M. Soler i Sabaté (dir.), Cataluña durante el franquismo, Barcelona, Biblioteca de la Vanguardia, p. 27.

4 Ibid.

5 Dionisio Ridruejo, Con fuego y con raíces. Casi unas memorias, Barcelona, Planeta, 1976, p. 170.

6 En 1945, devenu gênant pour le régime, il en est écarté.

7 Le nouveau gouverneur civil de Barcelone déclare ainsi à un groupe de jeunes membres des Flechas du Frente de Juventudes : « Siento amor profundo por Barcelona » (cité par J. Fabre, J.M. Huertas, A. Ribas, Vint anys de resistència catalana (1939-1959), Barcelona, La Magrana, 1978, p. 17).

8 Ibid.

9 Voir La cultura catalana entre la clandestinidad… (ibid.). Samsó cite Albert Manent qui dans Semblances contra l’oblit (Barcelona, 1990), précise que Joan Ramón Masoliver a participé très jeune aux groupes catalans d’avant-garde. Il a ainsi appartenu à Hèlix, collaboré à Mirador. Il est correspondant de La Vanguardia à Rome en 1934. Rejoignant le camp des franquistes en 1936, il est nommé chef de la Propagande sur le Front et les « zones libérées » par Ridruejo. De 1939 à 1940, il occupe les fonctions de Chef Territorial de la Propagande du Ministère de l’Intérieur. Il collabore ensuite régulièrement à Destino et à La Vanguardia.

10 Initialement créé en 1938 à Burgos et dirigé par Ignasi Agustí, l’hebdomadaire, farouchement anticatalaniste, paraît à Barcelone à partir de 1939 et compte parmi ses collaborateurs Joan Ramón Masoliver, Josep Pla, Eugeni d’Ors ou encore Josep Maria Junoy.

11 J.A. Cortázar, « Menéndez Pelayo y la juventud », Solidaridad Nacional, 24-02-1940.

12 F. Valls i Taberner, « La falsa ruta », La Vanguardia, 15-02-1939.

13 J.F. Bosch, El año artístico barcelonés (Itinerario de las Exposiciones), Barcelona, Gráfica industrial, 1942. El año artístico… est une série de quatorze volumes, publiés de 1940 à 1954 et consacrés à l’évocation des principales manifestations artistiques organisées dans la capitale catalane.

14 L’Exposition renoue avec la tradition interrompue pendant la guerre. Bernardino de Pantorba juge cependant l’exposition de 1941 particulièrement pauvre sur le plan artistique : « Fue ésta una de las Exposiciones más pobres – en número y calidad – de las celebradas durante el franquismo » (Historia y crítica de las Exposiciones Nacionales de Bellas Artes, Madrid, Ed. Gráficas Nebrija, 1940, p. 307).

15 « Decreto de 2-XI-1941 », B.O.E., 9-XI-1941.

16 Bernardino de Pantorba précise que ce règlement exige des exposants la déclaration d’adhésion au régime : Historia y crítica de las Exposiciones…, op. cit., p. 307.

17 Voir « La Exposición Nacional de Bellas Artes de Barcelona de 1942 », Anales y Boletín de los Museos de Arte de Barcelona, Arte Moderno, Barcelona, Indústrias Gráficas, 1943, vols. 1-2.

18  Le quotidien Diario de Barcelona reproduit le discours du maire et évoque celui du Marquis de Lozoya, directeur général des Beaux-Arts : « La Exposición Nacional de Bellas Artes. Ayer fue inaugurada solemnemente », Diario de Barcelona, 3-05-1942.

19  Guía artística de Barcelona, Barcelona, Ayuntamiento de Barcelona, 1942.

20 Alberto del Castillo rappelle la tradition artistique de Barcelone : « Archivo de cortesía cervantina conjugado con el tesón de su prosaíco trabajo cotidiano, ha sido en todo momento lugar propicio para el desarrollo de las Artes Bellas. Y en relación con esta tradición se incorporó la ciudad mediterránea, con la pasión que pone siempre en sus quereres, al movimiento artístico moderno en el transcurso del último tercio del pasado siglo. Por una parte surgió el grupo revoltoso de los Quatre Gats y por otra la primitiva Sala Parés, decana de las Galerías de Arte barcelonesas, mientras el eco de las masas corales llenaba el ambiente y se producía el milagro del Gran Teatro del Liceo. Directamente enlazada con el nervioso movimiento artístico parisino, sin perder por ello el contacto con la buena pintura española y con el academicismo local, fue formando desde entonces su nueva personalidad hasta alcanzar –como la ciudad misma– lugar destacadísimo que hoy ocupa en el panorama presente del Arte nacional e internacional » (« La vitalidad artística de Barcelona », ibid., p. 16).

21  Ibid., p. 8 et 11.

22 L’accent est mis, dès les premières lignes, sur l’action municipale dans le domaine culturel : « la labor cultural desarrollada por nuestro Ayuntamiento desde su toma de posesión a raíz de ser liberada la ciudad por el glorioso Ejército de Franco » (ibid., p. 7).

23 À titre d’exemple, le seul hebdomadaire Destino publie quatre articles consacrés à l’exposition : Destino, 9-05 ; 13-06 ; 20-06 ; 27-06 et 4-07-1942 ; La Vanguardia, 13-05 et 22-05-1942.

24 J.F. Bosch, « Unas apostillas a la última Exposición Nacional de Bellas Artes », El año artístico…, op. cit.

25 « Las calamidades que entristecen al público oprimen también al artista » (H. Taine, Filosofía del Arte, cité par J.F. Bosch, ibid.).

26 L’affirmation n’est pas valable, on le sait, pour les peintres engagés dans le camp républicain. Le catalogue du Pavillon Espagnol de l’Exposition Universelle de Paris en 1937 offre des reproductions de Guernica et de Sueño y mentira de Franco de Picasso, El Payès catalán en la Revolución ou Aidez l’Espagne de Miró, entre autres (Pabellón español. Exposición Internacional de París 1937, Madrid, Ministerio de Cultura, 1987). Dans le domaine de l’art catalan, Francesc Fontbona rappelle l’œuvre, certes solitaire, de Marià Pidelaserra dont la série d’huiles sur toile datant de 1943 à 1945, Els Vençuts, fut créée dans un premier temps pendant la guerre : voir F. Fontbona, « Las Artes plásticas (1939-1960) », Destino, 20 et 26-1-1977, op. cit.

27 J. Teixidor, « La Exposición Nacional de Bellas Artes de Barcelona », Destino, 06-06-1942. Voir aussi Destino, 13-06 ; 20-06 ; 27-06 et 4-07-1942.

28 Destino, 9-05-1942.

29 A. Tàpies, Memoria personal, Barcelona, Seix Barral, 1983, p. 187.

30 Ibid.

31 E. Jardí, Nou converses amb Jordi Mercader, Barcelona, Pòrtic, p. 50-51 ; voir aussi A. Tàpies, Memoria personal, op. cit., p. 209.

32 Tàpies fait observer le rôle fondamental de ces « intermédiaires culturels » dans le renouveau de la culture catalane à l’aube des années cinquante : « Es interesante constatar que en aquellos primeros grupos que empezaron a moverse durante aquella época colaboraron hombres que, por motivos familiares o por azares de la vida, daban todos ellos la impresión de ser los que retomaban la antorcha de la “generación catalana de la República”, exiliada física y moralmente » (ibid., p. 210).

33 Dans son discours Miguel Mateu Pla précise : « La presente Exposición significa el espíritu de continuidad en las tareas artísticas del Ayuntamiento de Barcelona, espíritu que ha tenido su alto exponente en las Exposiciones de Bellas Artes periódicamente celebradas en nuestra ciudad » (« Exposición Nacional de Bellas Artes de Barcelona », Diario de Barcelona, 19-11-1944).

34 Miguel Mateu Pla évoque en ces termes sa propre action : « momento culminante de realizaciones positivas dentro de las actividades culturales del actual ayuntamiento, […] el campo de las Artes que apasiona al Ayuntamiento » (ibid).

35 Ibid.

36 On retrouve ainsi Aguiar, Álvarez de Sotomayor, Pedro Pruna : voir Catálogo Oficial de la Exposición Nacional de Bellas Artes de Barcelona (Otoño 1944), Barcelona, Ayuntamiento de Barcelona, 1944.

37 A. del Castillo, « Crónica de la Exposición Nacional de Bellas Artes », Diario de Barcelona, 29-11-1944.

38 Ibid.

39  J. Teixidor, « La Exposición Nacional de Bellas Artes de Barcelona », Destino, 25-11-1944.

40 Ibid.

41 Gallego Burín semble avoir pris conscience assez tôt de la nécessaire rénovation du panorama artistique espagnol puisque, selon la presse de l’époque, à l’issue des travaux préparatoires du Jury, il aurait félicité les réprésentants de l’Institut de Culture Hispanique pour leurs options dont il a l’intention de s’inspirer pour les Expositions Nationales : « felicitó al Instituto de Cultura Hispánica por las directrices seguidas y anunció que las mismas serán seguidas en las Exposiciones Nacionales, en las que, en lo sucesivo, la pintura joven tendrá iguales oportunidades de las que ahora le fueron concedidas » (« Nuevos premios… El director general de Bellas Artes anuncia que en las próximas Exposiciones Nacionales dará cabida a la joven pintura », ABC, 27-11-1951).

42 « Se aprueba el Reglamento para las Exposiciones Nacionales de Bellas Artes. Composición de los Jurados y distribución de los premios », Solidaridad Nacional, Barcelona, 21-02-1952.

43 « Entrevista de Cesáreo Rodríguez Aguilera a Juan José Tharrats », Revista, no 2, 24-IV-1952.

44 Orden Ministerial, 30-5-1959, Archivo General de la Administración, Sección Cultura 3, Caja 696.

45 La Vanguardia annonce à cette occasion : « El ministro de Educación Nacional a propuesta de la Dirección General de Bellas Artes ha firmado la siguiente orden : “La gran obra que en el campo de la crítica artística desarrolló a lo largo de su vida el insigne escritor Eugenio d’Ors, bien merece el reconocimiento del Estado, a cuya misión educativa tanto contribuyó con su continuado esfuerzo. El hecho de celebrarse este año la Exposición Nacional de Bellas Artes en Barcelona, tierra tan amada del escritor, nos depara la ocasión de expresar este reconocimiento dejando así vinculado su nombre a la primera de nuestras exposiciones. A tal fin, este Ministerio ha acordado crear, con el nombre de Eugenio d’Ors, un premio de 25.000 pesetas en cada una de las Exposiciones Nacionales que a partir de la actual se celebren en España y que será libremente adjudicado entre los artistas concurrentes a ellas por el jurado calificador de las mismas” » (« Se crea un premio permanente de 25.000 pesetas para cada una de las Exposiciones Nacionales de Bellas Artes », La Vanguardia, 28-4-1960).

46 « Ante la magna Exposición Nacional de Bellas Artes », La Vanguardia, 9-4-1960.

47 Del Arco, « Director General de Bellas Artes », La Vanguardia, 14-5-1960.

48 « La Exposición de Bellas Artes », Diario de Barcelona, 23-03-1960.

49 A. del Castillo, « Exposición Nacional de Bellas Artes de Barcelona », Diario de Barcelona, 4-6-1960.

50 Ibid.

51 I. Julián, A. Tàpies, Diálogo sobre arte, cultura y sociedad…, op. cit., p. 53.

52 Il s’agit de Gomis, Casadevall, Imbert, Prats, Teixidor, Vidal de Llobatera et Cirici Pellicer : « Perfil d’una història », Exposició Commemorativa, Museo de Arte Contemporáneo de Barcelona, 1960-1963, Barcelona, MACBA, 1996, p. 6.

53 On peut lire cette « déclaration d’intention » dans un article publié dans le catalogue du Musée à l’occasion de l’inauguration de ce dernier. Cirici affirme notamment : « La creación del MUSEO DE ARTE CONTEMPORÁNEO aspira a dar otra vez a la ciudad un aglutinante artístico capaz de constituir el centro de una acción eficaz, esta vez con proyección universal, ya que hoy no se trata sólo de traer hasta Barcelona, como hiciera el Liceu, las más importantes figuras mundiales de una especialidad artística, sino de canalizar e impulsar una acción inversa, de irradiación de los valores creadores propios hacia el exterior. Así el Museo de Arte Contemporáneo de Barcelona, como el Guggenheim de Nueva York, el Stedelijk de Amsterdam, o tantos otros Museos de arte actual, no aspira a ser un cementerio de obras pasadas, sino una colección actuante para dar a las creaciones más valiosas de nuestra época, la plataforma irradiante que merecen », A. Cirici Pellicer, « El propósito del Museo », Exposició Commemorativa, Museo, op. cit.

54 Figurent dans la collection les peintres suivants : Sunyer, Galí, Mompou, Benet, Mercadé, Villà, Sucre, Bosch, Zabaleta, Surós, Abelló, Ripollés, Rogent, Todó, Valls, Girona, Boix, Fluvià, Mundó, Miró, Saura, Tharrats, Hernández Pijuan, Canogar, Werba, Zarraluqui, Tàpies, Cuixart, Planell, Ràfols Casamada, Vila Casas, Valdés, Hurtuna, Cardona Torandell (Exposició Commemorativa, Museo…, op. cit.).

55 Francesc Miralles évoque le rôle de l’art contemporain en Catalogne à partir de la fin des années quarante : « L’art es va constituir, en l’ámbit cultural, potser en l’element més decisiu de reafirmació del carácter nacional i, en conseqüencia, de lluita contra la dictadura. […] Era, aquell, temps d’efervescències, doncs. I tothom lluitava pel triomf de l’altre art, ja que representava tantes coses. I també representava reafirmar-se en l’esperit d’avançada. Fou dintre d’aquell ambient de reafirmació nacional, de lluita política, de troballa estética, quan va sorgir la idea de crear un museu d’art contemporani », « Un museu que fou més que un museu », Exposició Commemorativa, Museo…, op. cit., p. 11.

Pour citer ce document

Claire Pallas, « Politique culturelle et vie artistique en Catalogne : les Expositions Nationales des Beaux-Arts à Barcelone sous le franquisme (1942-1960) » dans « Individu et société : représentation, rapports, conflits (I. Espagne) », « Travaux et documents hispaniques », n° 1, 2011 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Claire Pallas

Université de Paris III Sorbonne Nouvelle / CREC
Claire Pallas, maître de conférences à l’Université de Paris III ; membre titulaire du CREC. Domaine de recherches : histoire culturelle de l’Espagne contemporaine (franquisme, post-franquisme). Thèmes privilégiés : politiques culturelles, transition démocratique (institutions, vie culturelle). Auteur de nombreux articles et communications : « Une femme écrivain sous le franquisme : Carmen Laforet » ; « Violence d’État et liberté artistique sous le franquisme : (1939-1951) » ; « Expression libre et contrainte des loisirs à l’avènement de la démocratie » ; « Les romans policiers de Manuel Vázquez Montalbán (1974-1981) : filatures et plaisirs ».