10 | 2019

Ce volume est composé de deux dossiers thématiques.

Le premier dossier recueille quelques-unes des communications présentées lors des deux journées d’étude « Femmes en mouvement : histoires, conflits, écritures (Pérou, XIXe-XXIe siècles) » qui ont eu lieu le 24 et 25 septembre 2015 au collège d’Espagne et à l’EHESS à Paris. Elles ont été organisées par Lissell Quiróz-Pérez (Université de Rouen Normandie) et Mónica Cárdenas Moreno (Université de La Réunion) avec le soutien d’EA 3656 AMERIBER et de l’UMR 8168 Mondes Américains. Ces travaux, publiés entièrement en espagnol, réfléchissent aux questions suivantes : quel est le rôle de la femme dans l'espace public ? Pourquoi et comment se sont-elles déplacées lors des périodes de crise ? Comment et dans quelles conditions ont-elles survécu à la guerre ? Et d'autre part, en ce qui concerne la littérature : comment a évolué la femme-écrivain ? Quelles ont été les stratégies pour échapper au contrôle patriarcal à travers la fiction ? Quelles sont les formes du langage que racontent les histoires de ces femmes ?

Le second dossier, concernant les aires culturelles hispanique et germanique, reprend six des communications qui ont été présentées au colloque international tenu à l’université de Rouen Normandie les 16 et 17 novembre 2016, sous la direction de Florence Davaille (CÉRÉdI et ERIAC) et avec le soutien d’un comité scientifique composé des professeurs Daniel Laforest (University of Alberta, Canada), Michel Marie (université Sorbonne Nouvelle-Paris 3), Miguel Olmos (université de Rouen Normandie), Yves Roullière (essayiste et traducteur, Paris), Françoise Simonet-Tenant (université de Rouen Normandie) et Jean-Pierre Sirois-Trahan (université Laval, Québec) : http://eriac.univ-rouen.fr/le-createur-et-son-critique-debats-epistolaires-et-diffusion/.

Créateur-critique

Autour de la correspondance entre Jean Cassou et Jorge Guillén : diffusion de l’œuvre, émulation, conseil

Miguel A. Olmos


Résumés

Examen de la relation épistolaire entre Jean Cassou et Jorge Guillén. Ces deux écrivains, liés d’amitié depuis les années 1920 et tout au long d’une carrière littéraire et artistique aux dimensions internationales, sont devenus lecteurs et traducteurs réciproques depuis leur jeunesse parisienne. Trois aspects de la relation créateur-critique sont passés en revue à travers leur longue correspondance : les actions publiques en vue de la promotion publique de l’œuvre ; le conseil intime, qui se propose d’exercer une influence sur la structure profonde de la production de l’autre et, enfin, l’imitation ou émulation, qu’elle soit consciente ou inconsciente.

Examen de la relación epistolar entre Jean Cassou y Jorge Guillén. Los dos escritores, amigos de juventud ya en el París los años 20, se leyeron y tradujeron recíprocamente a lo largo de una larga carrera literaria de dimensiones internacionales. Se revisan tres aspectos de la relación creador-crítico a través de su dilatada correspondencia: la actividad pública de promoción de las obras literarias respectivas; el consejo personal, que pretende incidir o influir en las estructuras más profunda de la producción del otro y, por último, la emulación o imitación, ya sea consciente o inconsciente.

Texte intégral

1Il est difficile de classer les rapports entre Jean Cassou (1897-1986) et Jorge Guillén (1893-1984) dans n’importe laquelle des trois relations entre le créateur et le critique que nous sommes invités à comparer – celle qui se donne au sein d’une même identité culturelle et linguistique ; celle qui se produit au-delà de cette double identité partagée et, enfin, celle qui bénéficie de l’usage d’une même langue dans des environnements culturels différents. Né d’un père franco-mexicain et d’une mère espagnole, Jean Cassou était bilingue et l’un des premiers hispanistes formés à l’Institut Hispanique de la Sorbonne. Jorge Guillén, de formation française, s’est attaché depuis sa jeunesse à la France par des liens professionnels et familiaux. Tous les deux possédaient en profondeur deux langues et deux cultures distinctes : témoins leurs traductions de Cervantès, de Lope de Vega, de Gómez de la Serna, d’Arthur Rimbaud, de Paul Valéry ou de Jules Supervielle. Il convient toutefois de signaler que, bien que les mondes francophone et hispanophone soient ceux dont les deux auteurs se sentent les plus proches, leurs appétits linguistiques et littéraires ne s’y sont jamais rassasiés exclusivement. Pour des raisons diverses, ils sont également férus des littératures d’autres aires culturelles – germanique et italienne, en particulier. Il s’agit donc d’auteurs bien ancrés dans leurs cultures premières respectives, dont l’attention intense aux lettres espagnoles et françaises ne serait que la manifestation privilégiée, mais circonstancielle, d’un élan cosmopolite plus large.

2De quatre ans son ainé, Guillén a rencontré Cassou en 1917 dans les salles de cours de la Sorbonne, où il exerçait à l’époque en tant que lecteur d’espagnol. Dès lors, ils se sont liés d’une amitié jamais démentie et qui s’est manifestée, dans un premier temps, sous la forme d’une commune ferveur littéraire. Cette passion poétique de jeunesse sera rapidement partagée par plusieurs camarades – Albert Béguin, Jules Supervielle, Pedro Salinas, Corpus Barga… On retiendra surtout un autre élément : chez nos deux auteurs et dès le début de leur carrière, la création littéraire restera associée pour toujours au vécu et au social. En ce sens, on peut également noter l’aisance – encore plus marquée sans doute chez Cassou – avec laquelle tous les deux évoluent dans les cercles littéraires les plus sélects, aussi bien en France qu’en Espagne, et au sein desquels ils ne tarderont guère à jouer des rôles importants. Dès 1923, lors de son premier voyage en Castille, Cassou eut la possibilité de rencontrer l’intelligentsia madrilène de l’époque, y compris le poète Antonio Machado, dont il nous laissera un témoignage émouvant de l’arrivée en France en 19391. À Paris, Cassou et Guillén ont rencontré ensemble plusieurs intellectuels espagnols, comme le philosophe, poète et romancier Miguel de Unamuno ou l’écrivain Eugeni d’Ors, mais aussi des traducteurs comme Valery Larbaud, des historiens comme Jean Baruzi, des philosophes comme Vladimir Jankélévitch – qui deviendra le beau-frère de Cassou – , ou encore d’éminents poètes, tel que Paul Valéry2.

3Le recueil de la correspondance entre Guillén et Cassou est donc à la fois témoignage et symbole des relations amicales et créatrices qui se produisent au sein de deux sociétés littéraires voisines. Publié en 2011, le volume est composé de cent cinquante et une lettres qui s’étalent de 1918 à 1982, avec une longue période de silence entre 1934 et 1945. Cassou et Guillén s’écrivent le plus souvent en espagnol. Pour autant des lettres écrites en français ne manquent pas, notamment de Cassou, qui préfère quelquefois cette langue pour des raisons thématiques ou de forme (lorsqu’il dicte le texte à des secrétaires : lettres 1, 2, 53, 66, 73 ou 82…) Guillén écrit toujours en espagnol, mais les tournures françaises sont fréquentes dans ses lettres, de même que le sont toutes sortes de références ou de citations appartenant à n’importe laquelle des deux cultures. La dimension interlinguistique est ainsi très présente dans leurs échanges.

4C’est sans aucun doute dans la traduction que chacun des auteurs fait des poèmes de l’autre, que l’on trouve la manifestation la plus constante de leurs compétences linguistiques. Il est question, dans cette correspondance, de la version des Trente-trois sonnets composés au secret (1944) élaborée par Guillén, qui fera partie du volume où est recueilli l’ensemble de ses traductions poétiques3. Quant à Cassou, il envoie à Guillén, dès le début de leur relation, des traductions de ses textes. De toute évidence, la traduction est pour Cassou un outil immédiat et irremplaçable de compréhension, d’interprétation littéraire et de plaisir verbal. C’est la raison pour laquelle, selon une lettre de 1920, il s’empresse de traduire l’un des premiers poèmes de l’Espagnol, tout en gardant son premier jet sous le coude pour, selon ses propres termes, mieux le « mallarméaniser » et « gongoriser » plus tard4. C’est également pourquoi il consacrera, trente ans après, ses meilleurs efforts à la traduction de l’un des sommets de l’œuvre de Guillén, un long poème érotique intitulé « Salvación de la primavera » (« Sauver le printemps »), qui paraîtra à son instigation chez Seghers, en 1956, dans une anthologie exclusivement consacrée à Guillén où participent également Jules Supervielle et d’autres traducteurs renommés5.

5Cependant, ce n’est pas dans les traductions de leurs poèmes, ou dans les commentaires qu’elles ont générés au cours de cette correspondance, que l’on perçoit mieux la présence d’une influence qui est, on l’aura compris, réciproque ou bi-directionnelle. Les processus de collaboration y sont également perceptibles sur d’autres plans et, tout d’abord, selon une perspective pragmatique, dans des actions en vue de la promotion et de la reconnaissance de l’autre. À cette intercession publique s’en ajoutent deux autres : une critique privée, qui donne subtilement des conseils sur les orientations générales de l’œuvre créatrice ; puis, une troisième influence qui me semble ne pas être toujours consciente et que l’on pourrait appeler d’émulation ou d’imitation. Nous allons par la suite examiner quelques aspects de ces trois « configurations » épistolaires6.

Diffusion

6Dès le début de leur amitié, l’avis de Cassou a possédé une forte capacité d’influence sur Guillén. C’est la correspondance de l’Espagnol avec sa première femme, Germaine Cahen, étalée de 1919 à 1935, qui nous donne un éclairage oblique sur ces rapports privés, si difficiles à retracer. Dans de nombreuses lettres, souvent rédigées en français, il fait état de ses lectures des œuvres de Cassou et du plaisir qu’il en tire : « Il y a eu aussi le roman [Le Pays qui n’est à personne, 1928] de Jean Cassou “Para Germaine y para Jorge. Jean”. Et entre la dédicace et la signature, un cœur dessiné »7. Il recommande à Germaine de garder le contact avec Cassou et avec sa femme et de leur transmettre ses amitiés : « No dejes de ver a los Cassou. Voy a escribir a Juan. Dile… ¡tantas cosas de mi parte! »8. Enfin, il lui enjoint de demander à Cassou des nouvelles littéraires ou des ouvrages : « ¡Infórmame! Pregunta a Supervielle y a Jean Cassou por las últimas cosas de poesía y de poética que podrían interesarme »9 ; « Demande à Jean Cassou un exemplaire de l’Anthologie anglaise »10.

7Mais l’influence du Français a été surtout décisive pour tout ce qui relève de la diffusion et la reconnaissance publiques de l’œuvre de son ami. En fait, Cassou s’est montré bien plus actif que Guillén à cet égard. C’est peut-être la conséquence de la haute valeur qu’il avait accordée, depuis le début, à l’entreprise créatrice qui centralisera toujours les énergies de l’Espagnol. Cassou semble avoir reconnu très tôt chez son ami des dons lyriques qu’il a estimé être au-dessus des siens11. De 1920 à 1970, il n’aura cesse de soutenir l’œuvre de Guillén à travers des recensions, des notes, des articles, des portraits qui paraissent en France ou à l’étranger… Pour preuve, la longue tirade élogieuse dans son Panorama de la littérature espagnole contemporaine (1929), ouvrage de divulgation d’environ 200 pages qui se trouve parmi les premiers du genre. Guillén y est cité dès la préface, à côté de Federico García Lorca, comme l’un des phares de la « jeune génération » poétique. On retiendra de ce travail la filiation conceptiste et gongorine de sa poésie ainsi que la défense d’une « rigueur » et d’un « esprit de sacrifice » qui sont – inévitablement – associés à la figure de Valéry12.

8Le soutien de Cassou se fera sentir de tout son poids à partir de 1945, lorsque leurs échanges épistolaires reprennent. À cette époque, Cassou, devenu président du Comité national d’écrivains, détient une position distinguée dans la culture française, ce qui lui permettra de mettre ses ressources à la disposition de son ami, exilé aux États-Unis dès la fin de la guerre civile espagnole. En 1947, lors d’un voyage de Guillén en France, il publiera une attentive présentation dans Les Lettres françaises (nº 178 ; lettre 55 du 16 octobre 1947). Outre des propositions de traductions ou des demandes de textes pour Europe – dont un article pour le numéro d’hommage à Cervantès, en compagnie d’autres universitaires, comme Américo Castro ou Pedro Salinas13 –, il composera un article long et soigné sur sa poésie, paru en 1953 dans la revue Cahiers du Sud14. Les idées essentielles de ce travail réapparaîtront en version synthétique dans la préface de l’anthologie Fragments d’un Cantique, publiée en 1956. Selon Cassou, la poésie de Guillén est toute centrée sur l’évidence, sans exclusion des objets ou des mots les plus humbles ; son recueil Cántico est un « chef d’œuvre du lyrisme ontologique dont le temps grammatical est nécessairement l’indicatif présent » et dont la filiation, avec des nuances, se trouve dans le conceptisme de Góngora, dans l’esprit d’exactitude de Valéry et dans l’aspiration au Livre unique de Mallarmé15.

9Cassou est resté particulièrement actif sur le front de la traduction. En plus de l’anthologie chez Seghers, il stimule d’autres hispanisants à publier des traductions des poèmes de son ami. C’est notamment le cas de Paul Verdevoye, auteur d’une version de « Salvación de la primavera » qui est entrée en concurrence avec une autre traduction du même texte due à Cassou ; ce qui n’a pas manqué de générer, dans la correspondance des amis, des blagues révélatrices. Voici par exemple la lettre 73, du 14 juin 1955 :

Mon cher ami,
voici le petit stock de poèmes de Verdevoye qui me reste après distribution à diverses publications dont le Journal des Poètes. C’est ainsi que « Printemps sauvé » traduit par Verdevoye a paru dans, je crois, une revue de l’Afrique du Nord. Mais pour l’édition Seghers il faudra choisir d’autres poèmes de Verdevoye, puisque je me réserve celui-là. Je ne sais pas si je ferai mieux que Verdevoye, mais c’est mon poème. Là-dessus, je m’envole pour les Tropiques et je t’embrasse. Un abrazo. Nos veremos en julio. Tuyo, Juan16.

10La version de Cassou, intitulée « Sauver le printemps », avait parue dans la Nouvelle Nouvelle Revue Française (Guillén en accuse réception le 23 avril 1956). Cette traduction aura permis à Guillén d’attribuer également la paternité du texte à son ami :

J’ai reçu la NNRF du mois courant : ton poème – parce que ce « Sauver le printemps » est déjà tien – apparaît à la fin, dans une espèce de sous-sol auquel on arrive par un second escalier de service ; le titre de la section, « Le temps comme il passe ». Plaisante rubrique ! Ma première impression n’a pas été agréable. Mais j’ai vu après que les traductions de poètes étrangers apparaissent toutes dans ce sous-sol. Donc il n’y a pas eu de dédain envers un individu précis mais, plutôt, un dédain collectif. Hölderlin est notre camarade de sous-sol. Nous sommes donc en bonne compagnie17.

11Et Cassou de renchérir en témoignant de son indignation au moment de constater qu’ils avaient, tous les deux, été ramenés ensemble aux sous-sols de la, selon ses termes, « Nouvelle Nouvelle Revue Revue Française Française » par la « diablerie » de Jean Paulhan18.

12Un dernier geste, pleinement significatif, du soutien public de Cassou envers Guillen se trouve dans ses gestions en vue de l’attribution, en 1961, du Prix international de Poésie Knokke-le-Zoute, accordée par une académie belge qui était présidée par lui-même. Le poète espagnol a dû envoyer deux lettres (le 15 septembre et le 12 octobre) en exprimant son étonnement vis-à-vis de cette distinction pour lui inexplicable avant que Cassou ne lui indique, avec une nonchalance élégante, que le mérite revenait exclusivement à Guillén lui-même, puisqu’il se trouvait au Brésil au moment de la réunion du jury19.

Conseil

13Guillén, on l’a déjà dit, n’a pas contribué au rayonnement de l’œuvre de son ami d’une façon aussi visible ni dans la même mesure. On ne trouve dans ses proses que trois mentions à Cassou. Un seul article s’occupe de ses activités littéraires : il s’agit du compte-rendu de la « mise en lecture » de Reigen (La Ronde), une pièce d’Arthur Schnitzler, par la Compagnie d’auditions dramatiques fondée avec Georges Pillement20.

14Plus que sur les plans publicitaire, institutionnel ou commercial, c’est sur la personne qu’opère la médiation critique de Guillén. Nous allons nous arrêter sur une seule ocurrence de cette influence, lors de la parution du premier roman de Cassou, Éloge de la folie (1925). Dans son compte-rendu privé de cette œuvre, Guillén constate avec joie l’impossibilité pour lui de dissocier, au cours de sa lecture, l’écrivain de l’ami et, par voie de conséquence, certains personnages ou espaces du roman de ses penchants biographiques réels. Puis, il conseille subtilement à Cassou, au fil d’un commentaire élogieux, d’insister plutôt sur un ton ou sur une allure qu’il dénomme stendhalienne, c’est-à-dire ludique, lègère, imprégnée d’action, « vitaliste », au détriment d’un penchant « germanique » qui avait été relevé par certains recenseurs du roman aussi bien en France qu’en Espagne :

ce monde-là, c’est le tien, tout fait de légèreté, d’ardeur, d'anxiété, de joie, de précipitation, d’impétuosité et d’amour profond et jovial de la vie. En ce sens, il est plus stendhalien que ce qu’on a pu en dire. Pas besoin de trop germaniser la valse. Mais tu as pleinement réussi en cela. […] Oui, c’est stendhalien et, en ce sens, c’est français et c’est italien et c’est Jean Cassou. Voilà ce qu’il me plaît le plus dans ce livre : la façon légère d’apparaître et de disparaître de ce personnage qui est lumineux, ardent, honnête, passionné sans pédanterie. […] Détail typique : ce personnage – Auber, toi – n’est pas l’un de ces oisifs de Proust ; il travaille. […] Ce que je préfère, ce sont les premiers chapitres et, en général, toute la première moitié. […] Une question : les chapitres plus symbolistes, au dernier tiers du roman, ne sont-ils pas les plus anciens ? Quant à l’ “écriture”, je me disais, au fur et à mesure que j’avançais : bien, il n’écrit pas comme Morand, ni comme Giraudoux, ni tel ou tel autre… Comme c’est bien ! Et il ressemblait beaucoup à Jean Cassou. J’ai parlé de ton livre autour de moi autant que possible21.

15Avec toutes les précautions de la gentillesse et de l’amitié, il semblerait que Guillén préconise, pour les textes de Cassou, un versant non-germanique, allégé du symbolisme à la nordique propre des contes de fées, comme ces märchen qui sont devenues, chez le Français, son souvenir de lecture le plus profond et le plus marquant22. Le germanisme de Cassou réapparaîtra, déjà tourné en plaisanterie, à d’autres moments de cette correspondance – par exemple, dans la demande du prêt de la première édition de l’ouvrage d’Albert Béguin, L’Âme romantique et le rêve, pour la recherche de références bibliographiques allemandes précises23. Pas d’autres développements plus consistants ou plus explicites à ce propos, du moins dans les accusés de réception, élogieux et pleins d’affect, que Guillén a fait des œuvres que Cassou lui envoie regulièrement24.

16Il est tentant de trouver le pendant de ce genre de conseils esthétiques, chez Cassou, dans son exhortation à une poésie moins réfléchie, plus instinctive, encore plus « vécue », comme s’il avait perçu, dans la manière qui prédomine chez Guillén, une tendance à l’élaboration surcontrôlée, à la bride trop courte. À aucun moment de leur correspondance elle ne devient plus explicite, cette exhortation à l’inconscience, que dans une lettre datée du 12 août de 1923. Cassou y élabore une esquisse de poétique à partir de « Oltre la spera che più larga gira », le sonnet final de la Vita Nuova, avec des appuis supplémentaires chez Baudelaire, chez Verlaine et, notamment, chez Rimbaud – l’une des lectures qui passionne le plus les deux amis à cette époque. Cassou plaide pour que la poésie ne soit pas seulement « physique » mais aussi et surtout « métaphysique », et que les mots du poème soient des signes multiples, pluri-directionnels, « mystiques ».

La poésie est faite de rêve, de souvenir, de nostalgie, elle est la vie vécue ou la vie rêvée, elle se trouve dans ce lieu confus et ambigu où Sigismond se débat, la poésie est Novalis, elle règne dans les visions brumeuses du Nord ou dans l'ivresse d'un pauvre homme solitaire écrasé par le soleil de Soria. […] Il y a le conte et le symbole, le fait et l'idée, la physique et la métaphysique. Ô Jorge, animal malheureux, lis l’ “Illumination” intitulée : Enfance. […] Mais permets-moi de m’attarder sur le sujet de l’inconscience, permets-moi de la bénir et de la glorifier religieusement. Parce que tout est en elle et c’est d’elle que tout vient. Je salue le mystère humain qui est en toi, brut, c’est lui qui a fait en sorte que tu m’envoies ce poème couleur de piano, lent et ténébreux25.

17Mystères, illuminations, couleurs ténébreuses : nous n’analyserons pas la portée de cet appel au-delà du constat de l’antithèse lumière / obscurité qui, dans le sillage d’une ancienne tradition critique, semble l’articuler en profondeur. Il s’agit également d’un thème cher aux deux auteurs et mis au premier plan dans leurs œuvres les plus célébrées, de la luz omniprésente dès le tout début du recueil Cántico, aux Trente-trois sonnets que Cassou a composés de tête lors de son emprisonnement, avec « la nuit pour encre et le souvenir pour papier », selon l’expression de Louis Aragon, et publiés en 1944 sous le pseudonyme de « Jean Noir ». L’antithèse lumière-obscurité fait surface tout au long de leur correspondance et notamment dans les lettres qui tournent autour de la version des Trente-trois sonnets faite par Guillén, ce qui nous permettra de mettre en relief le troisième mode d’influence « par imitation » que nous avons signalé plus haut26.

Émulation

18Guillén annonce à son ami son projet de traduction en 1948, alors qu’il traverse une période difficile, juste après la mort de sa femme, survenue l’année précédente, et en conséquence directe d’une série de problèmes de santé. Le poète a été opéré des yeux au mois de juin et c’est à ce moment-là, privé de la vue, qu’il conçoit l’idée d’imiter la « lutte contre les tenèbres » de Cassou. Il compose ainsi mentalement un sonnet, qu’il dictera à sa fille le lendemain27. Peu de temps après, dans une lettre datée du 1er juillet 1950, Guillén lui annonce la conclusion de son travail :

En plus de Cantique et de Clameur, j’ai terminé quatorze poèmes, qui n’aspirent pas à devenir des traductions. Ce sont, plutôt, des variations à la manière des variations musicales. À chacun de tes sonnets correspond – de façon plus ou moins infidèle – une poésie rimée et une autre en vers blancs. Je les ai écrites avec le plus grand plaisir, parce que tes « thèmes » sont magnifiquement beaux. Hier soir, tandis que je corrigeais la copie dactylographiée faite par Claudio, je me suis retrouvé à fredonner de la musique de Schumann. L’inconscient m’avait signalé la véritable équivalence à tes sonnets, qui demandent une exécution au plus pathétique et exquis des pianos romantiques28.

19Remarquons d’abord la réapparition de ces « couleurs ténébreuses » du piano qui avaient été proposées comme modèle esthétique trente ans plus tôt, dans une lettre déjà citée. Le phénomène de la reprise de certains mots-clé est bien connu en théorie littéraire ; rien n’empêche d’étendre l’usage de la méthode à l’étude des écritures « factuelles », comme les correspondances et, en particulier, celles qui sont spontanément gouvernées par un souci d’expressivité disons textuelle, comme celle qui nous occupe. Nous pourrions tout aussi bien prendre en considération une deuxième clé d’interprétation, de nature biographique cette fois-ci, et relever également dans cet extrait une allusion à la femme de Cassou, Ida Jankélévitch, pianiste de profession. Dans cette perspective, l’anecdote transmise par l’Espagnol comporte un clin d’œil révélateur d’une familiarité longue et assidue avec les Cassou. Ce qui renforce la dimension honorifique de sa traduction, que Guillén déclare avoir composée comme remerciement au soutien constant dont a fait preuve son ami. C’est aussi à partir de ce registre intime d’hommage musical que nous devons interpréter la note la plus percutante de cette traduction, le fait qu’elle soit double, qu’elle comporte deux versions différentes pour chacun des sonnets, des « variations sur thème » donc, plutôt qu’une traduction toute simple29.

20Enfin, nous voudrions surtout retenir ce qu’il y a, dans cette version, de geste d’émulation, de souvenir modélique, d’exemple auquel Guillén a eu recours lors d’une période particulièrement difficile. Rappelons que depuis leurs premiers échanges, tant Guillén comme Cassou se sont montrés d’accord sur l’idée que la poésie se trouve profondément liée à la vie pratique30. Dans cette perspective, il est vraisemblable que l’un et l’autre, dans des expériences dures et sombres, se soient rappelés un autre exemple illustre de composition poétique mentale, faite en prison et dans le noir : celui de Jean de la Croix. Ce possible modèle des Trente-trois sonnets de Cassou n’est pas mentionné dans la préface d’Aragon à l’édition de 1944 mais il pourrait se révéler pertinent pour l’analyse textuelle des Sonnets et de leurs « variations ». Tout du moins, Cassou soutiendra de façon enthousiaste l’idée de la continuité d’expériences, pensées et poésies à propos des études consacrées par Guillén à l’œuvre du saint mystique31.

21C’est aussi sur cette voie imitative ou d’émulation que l’on peut retracer, tout au long de leur correspondance, des échos de mots, de thèmes, de jugements, mais aussi de projets et d’actions littéraires, au point que les deux écrivains semblent parfois mener des vies mentales parallèles. Les idées et les projets respectifs communiquent, alternent, se confondent, fusionnent. C’est la raison pour laquelle ils se surprennent quelquefois de trouver, dans les écrits de l’un comme de l’autre, des tournures équivalentes, ou bien des expressions partagées – comme ces « Vœux de richesse » d’un essai de Cassou dont Guillén localise le précédent dans l’un des chapitres de son ouvrage Lenguaje y poesía, de 196232. D’autres fois, ils composent des textes qui semblent se faire l’écho les uns des autres : au Livre de Lazare (1955) de Cassou succède ainsi un « Lugar de Lázaro » paru en 1957 (lettres 87 et 88, 26 et 31 mai 1957, p. 126-127). Vers la fin des années 50, ils travaillent en même temps sur l’œuvre de Federico García Lorca et envisagent une publication commune (lettres 79, 80, 81, 82, octobre 1956-février 1957, p. 118-124). Enfin, c’est ainsi que tous les deux trouvent des clés pour la compréhension de leur propre travail dans la lecture de l’autre, à l’inverse de la procédure sans doute la plus habituelle. Guillén, par exemple, dans son compte-rendu des Entretiens avec Jean Rousselot :

Comme il est difficile de considérer ses propres œuvres ! Et les tiennes présentent une grande richesse d'aspects. Et il y est question, bien sûr, de l’Espagne ; et tu me mentionnes, avec ta générosité habituelle pages 90, 91 et 171. Ma gratitude prend une forme érudite ! Dans différents passages, quand tu expliques le sens de ton travail, je me sens profondément jumelé avec lui. P. 67: «… on entre avec Hugo… dans le royaume… de l’assentiment… au monde et à la vie, le royaume positif du oui ». Ce qui vaut très bien pour toi ; p. 97: « L’esprit d'affirmation », c’est-à-dire, « un robuste amour de la vie et de l'être ». Je partage cet avis, je le partage ! Merci33.

22Pour sa part, Cassou, après réception de Historia natural, une anthologie de poésie « biologique » parue en 1961, exprime son besoin de relire la nouvelle poésie de son ami « en lui-même » : « Je suis en train de lire ton nouveau livre, plein d'une poésie nouvelle, légère, lumineuse et pleine d’amour. Je vais t’écrire plus attentivement lorsque j’aurai tout lu et que je l’aurai un peu étudié en moi-même, lorsque j’aurai réfléchi »34.

Finale

23Il est certain que, dans cette relation fusionnelle qui se consolide de plus en plus, on arrive à perdre de vue une distance critique, proprement intellectuelle, qui fait défaut. En ce sens, le rapport qui s’est établi entre Cassou et Guillén rappelle, plutôt que les genres traditionnels de la critique littéraire, les différentes formes du dialogue et toutes les activités qui s’y associent. Somme toute, c’est le désir de s’entretenir, la gana de hablar, qui motive et inspire le plus l’un comme l’autre, ainsi que l’un des leit-motive de cette correspondance. Tel est, en tout cas, le sujet d’un de leurs derniers échanges, où Jean Cassou exprime le souhait d’engager avec son ami une sorte de conversation interminable, comme celles qui se déroulent, d’après ce que l’on lit, sur les Champs Élysées35.

Bibliographie

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Cassou Jean, La Mémoire courte [1954], postface de Marc Olivier Baruch, Paris, Mille et une nuits, 2001.

Cassou Jean, Variaciones sobre temas de Jean Cassou. Homenaje de Jorge Guillén, ed. bilingüe, México, 1951.

Cassou Jean, Entretiens avec Jean Rousselot, Paris, Albin Michel, 1965.

Cassou Jean, « La lírica ontológica de Jorge Guillén » [1953], dans Biruté Ciplijauskaité (éd.). Jorge Guillén, Madrid, Taurus, 1975, p. 231-240.

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Notes

1 « En Madrid, vi a muchos, Ortega, Canedo, Reyes, Salazar, Marichalar, Moreno Villa, Azaña, Rivas Cherif y Corpus. Me hizo Ramón en Pombo una recepción entusiasta, entusiasmante. Y la última noche que pasé en España fue en Segovia con D. Antonio Machado, que hablaba de la luna. ¡Y cuánto sentía, todos esos placeres, no vivirlos contigo, que habías sido en París como su prefiguración y lo poco de España que podía representarme toda España y todos los Españoles! » (Jorge Guillén, Jean Cassou, Epistolario, ed. Jacinta Cremades, Valladolid, Fundación Jorge Guillén / Univ. de Valladolid, 2011, p. 76, lettre 35 du 9-10-1923). Voir Antonio Machado, Juan de Mairena, trad. Marguerite Léon, préf. Jean Cassou, Paris, Gallimard, 1955.

2 Jorge Guillén, Jean Cassou, Epistolario, op. cit., p. 52, 59, 77, 81. Voir Claude Couffon, « Jorge Guillén y Francia », Homenaje a Jorge Guillén, Paris, Ambassade d’Espagne / Antoine Soriano, 1995, p. 207-221.

3 Jean Cassou, Variaciones sobre temas de Jean Cassou. Homenaje de Jorge Guillén, México, 1951 ; Jorge Guillén, Homenaje. Reunión de vidas [1967], Madrid, Visor, 2003, p. 450-463.

4 « Tus poemas, querido Jorge, son muy bellos y altaneros, muy tú y muy nosotros. Inmediatamente hice una versión, pero tengo todavía que trabajarla, complicarla, gongorizarla y mallarmeanizarla » (Epistolario, op. cit., lettre 4 du 10-5-1920, p. 58).

5 Jorge Guillén, Fragments d’un Cantique. Poèmes traduits de l’espagnol par Roger Asselineau, Jean Cassou, Pierre Darmangeat, Jules Supervielle, Paul Verdevoye, Paris, Seghers, 1956, p. 38-57. De son côté, Guillén affirme que le plaisir de lire certains poèmes de Cassou le conduit inévitablement à les traduire (Epistolario, op. cit., p. 105, lettre 69 du 19-7-1953).

6 Voir Michel Biron, Benoît Melançon (dir.), Lettres des années trente. Actes du colloque tenu à l’université d’Ottawa le 30 novembre 1995, Ottawa, le Nordir, 1996.

7 Jorge Guillén, Cartas a Germaine (1919-1935), ed. Margarita Ramírez ; pról. Guillermo Carnero, Barcelona, Galaxia Gutenberg, 2010, p. 681 ; voir aussi p. 683, 792, 955.

8 Ibid., p. 1235.

9 Ibid., p. 978.

10 Ibid., p. 1086 ; voir aussi p. 1076. Il s’agit de The European Caravan. An Anthology of the New Spirit in European Literature, ed. Samuel Putnam et al., New York, 1931, avec des contributions de Cassou.

11 Epistolario, op. cit., p. 82, lettre 42 du 8-9-1929 ; p. 84, letter 44 du 20-10-1929.

12 « Nul n’incarne mieux cet esprit, peut-être, que Jorge Guillén, de qui certains poèmes atteignent avec une sûreté saisissante à la perfection difficile du diamant. Son recueil, Cántico (1929) [sic], à l’égal de Charmes, constitue un de ces points insoutenables où le concret et l’abstrait, le chaud et le froid, l’ombre et la lumière se marient de la façon la plus parfaite. Mais la poésie de Guillén, si, par cette perfection et aussi par son goût de l’obscurité, elle rappelle la poétique de Valéry, participe d’une poétique plus hachée, faite de questions et d’incidences, par conséquent plus nuancée, peut-être plus mystérieuse. Des voix distinctes y surgissent, et l’on passe plus souvent du forte au piano. Il y règne une intimité recueillie, parfois presque attendrie, et comme une couleur de foyer qui s’éteint. À d’autres moments, la flamme se rallume, et un panthéisme optimiste emporte le poète dans de vastes constructions où le mouvement de la mer se mêle aux régions les plus hautes et les plus transparentes des sphères empyrées. Les images se transforment alors en volumes et en masses qui s’accordent et se succèdent, selon la nécessité plantureuse et allègre d’une fugue de Bach. Aucune traduction ne saurait rendre le tour de force accompli par la science musicale de Guillén, l’allure et la gravité de ces syllabes souveraines, cette impulsion irrésistible, harmonieusement repartie à travers tous les éléments du poéme, et qui les entraîne comme un même souffle anime et fait frémir la somme des feuilles qui composent une forêt » (Jean Cassou, Panorama de la littérature espagnole contemporaine [1929], Paris, Éditions KRA, 1931, p. 187-188).

13 Epistolario, op. cit., p. 88-89, lettre 53 du 1-7-1947.

14 Jean Cassou, « Le lyrisme ontologique de Jorge Guillén », Cahiers du Sud, 320, 1953, p. 51-60. Guillén accepte l’adjectif par amitié : « Para mí, ese Lyrisme ontologique es ante todo un acto conmovedor. Y no sé si esa es la Verdad. Esa es la amistad » (Epistolario, op. cit., p. 110-111, lettre 71 du 10-2-1954).

15 Jean Cassou, « Préface », dans Jorge Guillén, Fragments d’un Cantique, op. cit., p. 7-9. Guillén accuse réception dans les lettres du 19 et 26 mai 1957 (Epistolario, op. cit., p. 125-126), en renouvelant ses vœux d’amitié.

16 Ibid., p. 113.

17 Notre traduction. « Recibí la NNRF de este mes: tu poema –porque ese Sauver le printemps ya es tuyo– aparece al final, en esa especie de sótano al que se llega por una segunda escalera de servicio; el título de la sección, Le temps comme il passe. Plaisante rubrique ! Mi primera impresión no fue agradable. Pero luego he visto que en ese sótano aparecen las traducciones de poetas extranjeros. No hay, pues, desdén individual –sino más bien general. Hölderlin es nuestro compañero de sótano. Vamos, pues, en buena compañía » (ibid., p. 116, lettre 77 du 23-4-1956).

18 « Yo también, querido Jorge, me puse un tanto furioso cuando nos descubrí en los sótanos de aquel número de la Nueva Nueva Revista Revista Francesa Francesa. ¡Otra diablura, dije, del insufrible Paulhan! Luego hice las mismas constataciones que tú: Hölderlin… Pasemos. Ma guarda e paga… » (ibid., p. 117, lettre 78 du 27-5-1956).

19 Ibid., p. 139, lettre 104 du 14-11-1961 ; les lettres de Guillén, p. 137-138 ; son discours de remerciement, « Poesía integral » [1965], dans Obra en prosa, éd. Francisco J. Díaz de Castro, Barcelona, Tusquets, 1999, p. 743-746.

20 « Schnitzler en París » [1922], ibid., p. 135-136 – Guillén a profité de son lectorat à Paris (1917-1923) pour publier dans la presse espagnole des chroniques de la vie artistique et littéraire parisienne. Une vision générale de l’influence littéraire de l’auteur pendant son exil dans notre travail « Correspondencia y “campo literario” de posguerra: estudio de caso (Jorge Guillén) », in Encarna Alonso Valero y Luis García Montero (eds.), Poesía y posguerra en España, Madrid, Visor, 2017, p. 47-62.

21 « aquel mundo, sí que es ese mundo tuyo de ligereza, ardor, ansiedad, regocijo, precipitación, atropello y amor profundo y jovial a la vida. En este sentido, más stendhaliano de lo que se ha dicho. No hay que germanizar el vals demasiado. Aunque eso lo has conseguido plenamente. […] Sí, stendhaliano, y en ese sentido francés e italiano y Jean Cassou. Eso es lo que más me gusta del libro: ese modo de aparecer y desaparecer ligero del personaje, ardiente, honesto, apasionado sin pedantería. […] Detalle típico: ese personaje –Auber, tú– no es un ocioso de Proust; trabaja. […] Los primeros capítulos, y en general, toda la primera mitad, es lo que prefiero. […] Una pregunta: los capítulos más simbolistas, hacia el último tercio, ¿no son los más antiguos? En cuanto a la “escritura”, me iba diciendo a medida que avanzaba: qué bien, no se parece a Morand, ni a Giraudoux, ni al otro, ni al otro… ¡Qué bien! Y se parecía muchísimo a Jean Cassou. He hablado de tu libro a mi alrededor cuanto he podido » (Epistolario, op. cit., p. 78-79, lettre 38 du 27-8-1925 ; notre traduction).

22 Jean Cassou, Entretiens avec Jean Rousselot, Paris, Albin Michel, 1965, p. 63, p. 128 ; sur les contes d’Andersen, voir Epistolario, op. cit., p. 73, lettre 30 du 12-8-1923.

23 « Una pregunta –al “germanizante”. Estoy buscando la primera edición –de 1937, Cahiers du Sud, Marseille– de L’Âme et le rêve, de Albert Béguin. Quisiera saber si esta primera edición tiene notas: las referencias bibliográficas de las citas alemanas. ¿Podrías decirme algo sobre este punto? Te lo agradecería mucho » (ibid., p. 128, lettre 89 du 13-10-1959 ; dans la précédente, Cassou lui avait communiqué la mort de Béguin, son ami « desde siempre »).

24 Par exemple, celui sur Le Voisinage des cavernes [1971] (ibid., p. 167-168, lettre 135 du 30-5-1971).

25 « La poesía es sueño, recuerdo y nostalgia, es vida vivida o vida soñada, yace en ese lugar confuso y ambiguo en que se debate Segismundo, la poesía es Novalis, reina en las visiones brumosas del Norte o en la borrachera de un pobre hombre solitario, aplastado bajo el sol de Soria. […] Hay el cuento y el símbolo, el hecho y la idea, la física y la metafísica. O Jorge, miserable animal, lee la “Iluminación” que se llama: Enfance. […] Pero déjame hablar mucho de esa parte inconsciente, déjame bendecirla y glorificarla religiosamente. Porque en ella está todo y de ella todo viene. Saludo el misterio humano que está en ti, bruto, y que te hizo escribir aquel poema color de piano, lento y tenebroso que me enviaste » (ibid., p. 73 ; notre traduction).

26 Selon Cassou, « Le secret consistait seulement en ce qu’on ne nous sortait de là que pour nous permettre, à la cloche du matin, de nous laver le bout du nez à un abreuvoir de la cour, encore moins aux visites, à la correspondance, ni à la lecture, ni à l’écriture. C’est là que, la nuit venue, c’est-à-dire un peu plus d’obscurité, sur ma paillasse et au lieu de dormir, je composais mes sonnets » (La Mémoire courte [1953], Paris, Mille et une nuits, 2001, p. 63). Voir la préface d’Aragon aux Trente-trois sonnets… dans l’édition de Florence de Lussy, Paris, Gallimard, 1995, p. 19-40 (citation, p. 32). Sur Guillén poète « de lumière et de cristal », Epistolario, op. cit., p. 94-95, lettre 59 du 23-8-1948.

27 « Y esto me recuerda que en mi primera noche de hospital, dos días antes de la operación, Teresa me incitó, medio en broma, a seguir tu ejemplo como luchador –excepcional luchador– contra las tinieblas. Y en efecto, compuse un soneto que, al día siguiente, dicté a Teresa. Era sobre todo un recuerdo –homenaje– que a ti te dedicaba » (ibid., lettre 58 du 16-8-1948, p. 93-94).

28 Notre traduction. « Al margen de Cántico y Clamor he concluido catorce poemas, que no aspiran a ser traducciones. Más bien variaciones al modo de las variaciones musicales. Cada soneto tuyo corresponde –más o menos infielmente– una poesía rimada y otra en verso blanco. Las he escrito con el mayor gusto, porque tus “temas” son preciosos. Anoche, mientras corregía la copia a máquina –hecha por Claudio– me sorprendí tarareando música de Schumann. El subconsciente me había apuntado la verdadera equivalencia de tus sonetos, que piden una ejecución en el más patético y exquisito piano romántico » (ibid., p. 98).

29 « Muchos recuerdos a Ida y a tu preciosa Isabel. Querido Juan: mi deuda con tu amistad, con tu crítica es muy grande y a través de muchos años. Acepta esas variaciones como una muestra insuficiente de mi afecto y mi agradecimiento. Un gran abrazo de Jorge » (ibid., p. 90). Sur les écritures factuelles, Françoise Simonet-Tenant, Journal personnel et correspondance (1785-1939) ou les affinités électives, Louvain-la-Neuve, Bruylant / Academia, 2009. Sur les traductions de Guillén, Miguel A. Olmos, Poètes lecteurs (Espagne, 1901-1991), Limoges, Lambert-Lucas, 2013, p. 226-230. Sur l’invitation des Cassou à Séville pour une conférence littéraire et musicale sur le Romantisme, voir Epistolario, op. cit., lettres 45, 46, 47, 48 et 49, octobre-novembre 1934, p. 84-87.

30 Ibid., p. 82, letter 41 du 1er mai 1926.

31 Ibid., p. 135, letter 99 du 10-7-1961). Voir aussi Paul Valéry, « Cantiques spirituels » [1945], Variété III, IV, V, Paris, Gallimard, 2002, p. 693-712 (p. 607-698).

32 Epistolario, op. cit., p. 143-144, letter 110 du 21-3-1963.

33 Notre traduction. « ¡Qué dificil es considerar la obra propia! Y la tuya aparece con su gran riqueza de aspectos. Y sale, claro, España; y a mí me mencionas con tu habitual generosidad en las páginas 90, 91 y 171. ¡Mi gratitud tiene forma de erudición! En diferentes pasajes, cuando tu explicas el sentido de tu obra, me siento profundamente hermanado con él. P. 67: “… on entre avec Hugo… dans le royaume… de l’assentiment… au monde et à la vie, le royaume positif du oui”. Lo que se aplica muy bien a ti; p. 97: “L’esprit d’affirmation”, o sea, un robuste amour de la vie et de l’être”. ¡Lo comparto, lo comparto! Gracias » (ibid., lettre 115 du 19-6-1965, p. 148).

34 « Estoy leyendo el libro nuevo, lleno de una poesía nueva, ligera, luminosa y enamorada. Te escribiré más detenidamente cuando lo haya leído todo y que lo haya un poco estudiado en mí mismo, cuando haya reflexionado » (ibid., p. 133, lettre 97 de janvier 1961 ; notre traduction).

35 Epistolario, p. 169, lettre 137 du 8-10-1971 ; voir aussi p. 60, 83, 129.

Pour citer ce document

Miguel A. Olmos, « Autour de la correspondance entre Jean Cassou et Jorge Guillén : diffusion de l’œuvre, émulation, conseil » dans «  », « Travaux et documents hispaniques », n° 10, 2019 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Miguel A. Olmos

Normandie Université, UNIROUEN, ERIAC, 76000 Rouen, France
Miguel A. Olmos est spécialiste de littérature espagnole et de critique littéraire. Il est l’auteur de l’ouvrage intitulé Poètes lecteurs (Espagne, 1901-1991) (2013), a dirigé le volume collectif Traces et projections de la voix (2015) et a publié des collaborations scientifiques diverses dans des revues scientifiques ou des ouvrages spécialisés et de divulgation.