5 | 2013-2014
Mallarmé en traduction (aire hispanique)

Ce volume recueille les communications présentées lors de la journée d’étude « Mallarmé en traduction (domaine hispanique) », organisée par l’équipe, dirigée par Annick Allaigre et Pascale Thibaudeau, « Transferts textuels et migrations esthétiques » du Laboratoire d’Études Romanes (EA 4385) de l’Université Paris 8, le 7 décembre 2013 au Colegio de España de la Cité internationale universitaire de Paris. Elle a été soutenue par le Pôle Méditerranée de l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis. Les textes ont été recueillis par Annick Allaigre et Sandrine Lascaux.

Couverture de

5 | 2013-2014

Antología Stéphane Mallarmé de José Lezama Lima (1971) : une anthologie de premières traductions en espagnol ou une anthologie de traducteurs célèbres ?

Paola Masseau


Résumés

Dans le cadre du projet de réception de Mallarmé en Espagne de l’équipe Textes, Arts et Images du LER (EA 4385) en collaboration avec les universités d’Alicante, de Murcie et de Séville nous proposons d’étudier l’ouvrage Antología Stéphane Mallarmé de José Lezama Lima publié en 1971 à Madrid par la maison d’édition Visor. Nous nous sommes tout d’abord intéressés à l’anthologue José Lezama Lima. Ensuite, nous nous sommes attachés à retracer les parcours des traducteurs qui signent les traductions choisies par cet anthologue et à suivre la piste de leurs traductions. Finalement, nous avons examiné de façon minutieuse l’ordonnance et les trente traductions présentées dans cet ouvrage : qui sont les traducteurs choisis par Lezama Lima ? Où et quand, le cas échéant, avaient été publiées ces traductions avant 1971 ?

Texte intégral

Introduction

1La première traduction en espagnol d’un poème de Stéphane Mallarmé, Les fleurs, signée par Ruben Darío, fut publiée à Buenos Aires dans le journal La Nación du 14 novembre 1894 accompagnée d’autres traductions florales, comme par exemple Un dahlia de Paul Verlaine, sous le titre Fiestas primaverales. Los poetas y las flores. Cependant, les traductions postérieures de textes de Mallarmé n’arrivèrent dans le paysage hispanique que très progressivement. Ainsi, Jesús García Sánchez ou Chus Visor justifient de la façon suivante la création en 1969 de sa maison d’édition Visor :

en España no estaban editados ninguno de los poetas que yo más apreciaba: Tristan Tzara, Vicente Huidobro, André Breton, Vladimir Maiacovski, A. Rimbaud, E. E. Cummings... Con un sorpresivo diseño de Alberto Corazón, que también entonces comenzaba, todo en negro, se editó el primer libro: Una temporada en el infierno, de Rimbaud, en traducción de Gabriel Celaya. En muy pocos meses salieron E. Blok, Cummings, Tzara, Hikmet, Joyce, Cavafis, Mallarmé, E. Sitwell, etc. La acogida del público fue buena y la prensa no se quedó atrás. Lo que comenzaba como una aventura cultural en poco tiempo se convirtió en una necesidad de continuar: las carencias en el mercado eran extraordinarias1.

2Dans le cadre du projet sur la réception de Mallarmé en Espagne mené par l’équipe Laboratoire d’Études Romanes2, nous proposons ici une étude de l’œuvre de José Lezama Lima, Antología Stéphane Mallarmé éditée pour la première fois en 1971 à Madrid par la maison d’édition Visor.

3Afin d’analyser l’ensemble de cette anthologie, nous avons organisé notre travail en trois temps. Nous nous sommes d’abord intéressées à cette œuvre de José Lezama Lima pour nous pencher ensuite sur les parcours des auteurs des textes choisis pour l’anthologie. Enfin, nous avons examiné minutieusement les trente traductions présentées et l’ordre dans lequel elles ont été intégrées. Ces étapes impliquent non seulement l’étude des panoramas de la traduction poétique en Espagne et en Amérique latine à différentes époques mais aussi l’examen des autres traductions de Stéphane Mallarmé qui ont été publiées. Ce premier travail s’inscrit donc dans une recherche bien plus vaste qu’il n’y paraît, ce qui nous conduira à présenter nos conclusions dans différentes contributions.

4Notre réflexion tentera d’apporter des éléments de réponses aux questions suivantes : qui sont les traducteurs sélectionnés par José Lezama Lima ? Leurs traductions avaient-elles déjà été publiées avant 1971 et si oui, où et quand ? Et surtout, que représentent exactement les différents choix de l’anthologue ?

Les traducteurs

5Le cubain José Lezama Lima (1910-1976) qui a lui-même traduit des textes de Jules Supervielle, Marcel Proust ou encore Saint-John Perse, a choisi dix-huit traducteurs, nous les présenterons brièvement en suivant l’ordre dans lequel ils apparaissent dans l’anthologie.

6Commençons notre panorama par le plus célèbre d’entre eux, le mexicain Alfonso Reyes (1889-1959). Diplomate, écrivain, poète, il a traduit des poèmes français et anglais mais aussi des ouvrages d’histoire et de théorie politique. Ses relations avec Stéphane Mallarmé sont connues mais il convient tout de même de rappeler son importance sur la réception de Mallarmé dans les lettres hispaniques durant la première moitié du xxe siècle, une telle influence ne pouvant que justifier le choix de José Lezama Lima. Nous savons qu’Alfonso Reyes a non seulement traduit des poèmes de Mallarmé mais qu’il a également écrit à son sujet et nous sommes d’accord avec Michael Predmore lorsqu’il affirme : « Reyes is himself a first-rate poet, a dedicated and superb translator of the poems of Mallarmé, and a lifelong devotee of the work of the French master »3. L’ouverture de la sixième partie de Mallarmé entre nosotros nous éclaire sur la façon dont celui-ci envisage la traduction poétique :

No considero como definitiva ninguna de las versiones que propongo a continuación. La traducción poética obliga a retoques constantes. Pero esto no me parece incompatible con el placer de comunicar a los aficionados el estado de mi trabajo en determinado momento. El poeta español Jorge Guillén, uno de los traductores castellanos de Paul Valéry, ha llegado, en su fuero interno, a la idea de que la traducción poética debiera ser obra colectiva, aunque sometida a una dirección general. A esta noción me arrimo, y ofrezco mis disjecta membra al Gran Censor Desconocido que, si no en actualidad, existe ya en estado latente y parece gobernar como desde arriba todos nuestros versos. / Pido al lector de estas traducciones que tenga siempre a la vista los originales franceses y, donde algo no le contente, tire de la pluma y haga por enmendarlo a su modo. Si después quiere darse todavía el trabajo de comunicarme el resultado de sus intentos, es posible que juntos nos aproximemos más al enigma. Yo recuerdo a menudo –y lo llamo el proverbio por excelencia– aquel que Giner de los Ríos aprendió de un campesino diserto: –Don Francisco: todo lo sabemos entre todos4.

7Né à Madrid, Mauricio Bacarisse (1895-1931) a écrit de la poésie, des essais et des romans, il traduisait et collaborait avec la presse espagnole. Il proposa une traduction de Los poetas malditos et de Antaño y ayer de Paul Verlaine ainsi qu’une version de Edipo rey de Sophocle. Jordi Gracia, dans son prologue à l’édition de l’œuvre de Bacarisse, mentionne plusieurs fois son activité de traducteur dans différentes revues comme Cosmópolis, Ultra et Papel de Aleluyas, entre 1919 et 1923.

Las primeras traducciones surgen de la relación con Gómez de la Serna, La Eva futura, de Villiers de L’Isle-Adam, aparece en Biblioteca Nueva en 1919, y la hizo Bacarisse porque era « el único con paciencia para asistir a tanta divagación creadora », según Ramón en el prólogo a la Antología póstuma que algunos amigos sufragaron en 1932. Mundo Latino emprende la traducción de la obra completa de Paul Verlaine y en ella colabora Bacarisse, que se encarga de Los poetas malditos, y traduce por tanto los poemas que allí incluyó Verlaine de Rimbaud, Mallarmé, Corbière, Villiers de L’Isle-Adam o el propio Verlaine. Como ha subrayado con perspicacia Miguel Gallego Roca, los poemas que reivindicaron por entonces los ultraístas como origen de sí mismos (y tradujeron en sus revistas) no coinciden con la etapa que retrató Verlaine en Los poetas malditos, por mucho que Bacarisse sí reconozca allí los orígenes de la poesía moderna, actual, como indicaré en seguida. Sus versiones de Rimbaud aparecieron en la revista Cosmópolis, y en el primer número de Ultra se imprime otra de Mallarmé, a la que seguirían poemas del mismo Mallarmé entregados expresamente como anticipo de ese segundo volumen de la obra completa de Verlaine en 1921. Tres años después aparece el tomo XI, que traduce de nuevo Bacarisse con el título Antaño y ayer, y Díez-Canedo, antiguo amigo al que dedicó El esfuerzo y compañero en las páginas de Revista de Libros y España, él mismo traductor y poeta, escribió en El Sol que «era imposible dar con un intérprete mejor preparado» 5.

8Le colombien Guillermo Valencia (1873-1943) était politicien et diplomate ; ce fut un représentant du modernisme latino-américain qui traduisit de nombreux auteurs (d’Annunzio, Tennyson, Gautier, Baudelaire, José María de Heredia, Mallarmé ou Machado de Assis) ; des auteurs allemands (George, Hofmannsthal, Rilke, Goethe) et même chinois. Dans un de ses articles, Sonja Karsen revient sur son activité de traducteur :

Es lícito preguntarnos ahora ¿cómo logró tanta perfección Valencia al traducir a poetas que escribieron en varios idiomas? Como es de suponer, el poeta no poseía la misma facilidad en todos los idiomas. Sin embargo, es bien sabido que Valencia conocía a fondo las lenguas clásicas, el francés y el italiano. Pero sabía menos bien el alemán y el inglés. En algunas de sus versiones del alemán y del inglés le ayudó Sanín Cano que tenía mucha facilidad en ambos idiomas. Pero cuando no tenía un amigo al lado lo hacía « mediante el concurso de audacia y diccionario », mientras que el respeto era « obra del traductor que en el acervo de su propio idioma debe escoger las fórmulas que con más fidelidad y esplendor traduzcan al ajeno pensar ». Valencia siempre trataba de dar una fiel interpretación del original: « Muchos prefieren la traducción libre, y tienen razón, porque es más fácil desfigurar el original, y aunque menos glorioso, es penosísimo representarle con fidelidad »6.

9Né à Barcelone, Eduardo Marquina Angulo (1879-1946) était académicien, diplomate, écrivain et traducteur d’auteurs italiens, portugais, anglais mais surtout français (Verlaine, Baudelaire, Maeterlinck, l’Abbé Prévost, Chateaubriand, Alexandre Dumas fils, Victor Hugo ou André Chénier). David Pérez fournit à son sujet des précisions qui viennent souligner l’importance de la traduction à cette époque :

Su actitud comprometida con el arte y el pensamiento también quedó plasmada en la revista barcelonesa Luz, concretamente en un artículo publicado junto con Luis de Zulueta con motivo de la inauguración de una sección sobre letras extranjeras. En este artículo, los autores ponen negro sobre blanco su intención de seleccionar y traducir a clásicos y modernos «sin prejuicio ninguno», con el único propósito de dar a conocer a «buenos literatos extranjeros» absolutamente desconocidos entre el público español. En este sentido, son reseñables las versiones que realizó de un elenco de poemas franceses firmados por autores como Verlaine, Maeterlinck, Mallarmé o Baudelaire, que junto con la traducción de obras del abate Prévost y André Chénier coadyuvaron a la difusión de la estética modernista en la España de finales del siglo xix7.

10Blas Matamoro (Buenos Aires, 1942), journaliste et critique musical, auteur de diverses biographies – comme celles de Robert Schumann ou de Rubén Darío – sera aussi le traducteur de la correspondance de Marie-Thérèse I d’Autriche et Marie Antoinette, de Rilke ou de Valéry. Il dirigera la revue Cuadernos Hispanoamericanos. Ses réflexions sur la traduction poétique méritent d’être soulignées :

Walter Benjamin sostiene que cuando se traduce un poema, pierde, precisamente, lo que tiene de poético. Le asiste razón: la poesía se basa en las combinaciones fonéticas, prosódicas y de sintaxis rítmica inherentes a cierta lengua y no pertinentes en otras. El alemán abunda en palabras compuestas que no tiene el español. El chino y el inglés son ricos en monosílabos que escasean en italiano o en francés. Sin embargo, los poetas españoles del Renacimiento importaron el endecasílabo de Italia y algunos románticos alemanes, como Heine, imitaron el octosílabo español, típico de nuestra lengua, para sus romanceros. Los simbolistas franceses se alimentaron del Poe que tradujeron Baudelaire y Mallarmé. / Esta pérdida de lo poético en la traducción ha llevado a algunos a pensar que es imposible traducir la poesía. Si por traducir se entiende el hallazgo de efectos idénticos, es claro que no. La eufonía de una lengua eslava no coincide con la de una lengua latina. Ni siquiera en materia de significados una lengua equivale a otra8.

11Dans un entretien avec Ana Da Costa en 2000, l’argentin Juan Filloy (1894-2000), auteur de plus de cinquante œuvres, livre quelques réflexions concernant ses traductions et ses influences littéraires :

Rabelais ha influido mucho por su forma de decir las cosas, su forma primitiva de decir las cosas, y eso yo lo he heredado, en la novelística sobre todo. Rabelais ha sido un gran maestro mío de letras. Pero después entre los poetas decadentes franceses yo he tenido una relación muy propincua sobre todo con Baudelaire y Paul Verlaine..., con Rimbaud. He hecho traducciones muy buenas de Rimbaud, de Baudelaire y de Mauriac, a tal punto que uno de los libros inéditos míos, que se llama Recital, consta de setenta traducciones de escritores y poetas franceses del siglo pasado. Son setenta traducciones, algunas muy fieles como las de Mallarmé. El escritor mejicano Alfonso Reyes publicó un libro sobre Mallarmé en castellano en el cual figuran como cuatro o cinco composiciones traducidas por mí. Mallarmé es un autor muy difícil de traducir porque era sumamente refinado y sumamente alado, digamos. De modo que de Mallarmé yo en Recital tengo cinco o seis traducciones. Han sido traducciones muy vistas y Alfonso Reyes cuando estuvo de diplomático en la Argentina me pidió autorización para incorporarlas en un libro que se llama Mallarmé en castellano9.

12José Lezama Lima décide également d’intégrer le poète moderniste et traducteur mexicain José Pablo Rivas, qui propose des traductions de Chateaubriand, de Flaubert ou encore de Poe. En 1920, il signe notamment une Antología de poetas extranjeros commentée par Miguel Gallego Roca:

La selección de textos traducidos de su Antología de poetas extranjeros, de lo más heteróclita, responde tan solo al capricho del traductor y al conjunto de modelos que utilizara para su trabajo, que sin duda no fueron pocos pues es posible que Rivas traduzca del inglés, del italiano, del francés o del alemán, pero para realizar las traducciones de autores rusos, húngaro, noruegos, bengalís y japoneses debió recurrir a versiones en otras lenguas. Lo normal es que Rivas echara mano de traducciones inglesas o francesas ya que parecen ser los idiomas que mejor conoce y de los que traduce habitualmente10.

13Rosa Chacel (1898-1994), écrivaine espagnole, traductrice de l’anglais et du français, figure également dans l’anthologie. Comme le souligne Soledad González Rodenas, c’est surtout entre 1940 et 1950 qu’elle proposera des traductions :

Es precisamente en estos diarios [Sur, La Nación, Realidad, Los Anales de Buenos Aires] donde Rosa Chacel deja perfecta y prosaica constancia de las penurias económicas a las que la condenó el exilio, y que fueron una de las causas directas de que acabara dedicándose, como tantos otros intelectuales en su circunstancia, a la traducción11.

14Rosa Chacel commenta elle-même son activité de traductrice :

Me puse a anotar esto, con la idea de comentar la penosa caminata, a pleno sol, con zapatos detestables. Eso es lo que queda decir, no tengo por qué someterme a ese tormento: hay que comprar zapatos nuevos. ¿Puedo comprarlos?... Lo intentaré y aquí quedará apuntado – porque eso y solo eso es lo que tengo que apuntar. […] En resumen, tendré que aceptar alguna traducción, cosa enojosa, si no es voluntaria12.

15Le colombien Otto de Greiff (1903-1995), musicologue, poète, traducteur, professeur, ingénieur et journaliste publiera l’ouvrage Versiones poéticas (Instituto Colombiano de Cultura, Colcultura, 1975) composé de traductions de textes français (dix-sept poètes : Apollinaire, Mallarmé, Bonnard et José María de Heredia), allemands (vingt-deux poètes : Goethe, Schiller, Hölderlin, Heine, Rilke), anglais (cinq poètes : Shakespeare ou Coleridge), italiens (dix poètes : Agnelli, Vivaldi, Tasso, Boito) et suédois (Edda Trymskvida). Selon Alfredo Perea Díez, Otto de Grief a joué un rôle important dans la diffusion de la littérature étrangère en Colombie : « Sus traducciones del francés, el inglés, el italiano, y especialmente el alemán, Goethe, Heine, Schiller y Rilke, entre otros, han familiarizado a los colombianos con una poesía que si no fuera por él, no estaría a nuestro alcance »13.

16S’il n’est pas nécessaire de présenter le mexicain Octavio Paz (1914-1998), certaines de ses productions méritent d’être mentionnées : la traduction de Sendas de Oku de Matsuo Basho réalisée en collaboration avec Eikichi Hayashiya (1957) ; Antología de poemas de Fernando Pessoa (1962) ; Veinte poemas de William Carlos Williams (1973) ; Versiones y diversiones (1974), 15 poemas de Apollinaire (1979). Dans Traducción: literatura y literalidad, celui-ci commente le caractère éminemment créatif de la traduction :

No digo que la traducción literal sea imposible, sino que no es una traducción. Es una hilera de palabras, para ayudarnos a leer el texto en su lengua original. Algo más cerca del diccionario que de la traducción, que es siempre una operación literaria. En todos los casos, sin excluir aquellos en que solo es necesario traducir el sentido, como en las obras de ciencia, la traducción implica una transformación del original14.

17Historien, académicien et ancien directeur du musée du Prado, Xavier de Salas (1907-1982) fut l’un des premiers traducteurs de Mallarmé en espagnol. Il fut surtout le premier à réunir et à offrir au public espagnol un ensemble conséquent de poèmes :

He intentado seguir lo más cerca posible el original de unos cuantos poemas, los esenciales, intentando no renunciar a que mi castellano fuera inteligible; encontré para ello dos grandes dificultades: la oscuridad del concepto y la espléndida belleza de la forma francesa. Lo primero quedó tal cual lo encontré, o lo interpreté; la segunda se perdió, como se pierde en toda traducción15.

18Enrique Díez-Canedo (1879-1944), poète postmoderniste espagnol, traducteur, critique littéraire et diplomate a signé des anthologies importantes dans le panorama littéraire espagnol, il a par ailleurs beaucoup travaillé pour des revues littéraires : España, El Sol, La Voz, La Pluma, Revista de Occidente, La Nación de Buenos Aires, Índice. Il proposera notamment des traductions de l’anglais, du français mais aussi du catalan et de l’allemand (Paul Verlaine, Francis Jammes, Michel de Montaigne, John Webster, H.G. Wells, Heinrich Heine, Eugenio d’Ors ou encore Walt Whitman). Díez-Canedo souligne les dangers qui accompagnent la traduction de la poésie :

un traductor, dicen que está siempre en condiciones de inferioridad. Se tiene a menos esta labor de segunda mano, supuesto lo sea. Se olvida que así entran en la poesía de los pueblos voces y formas de los demás y que en los dominios espirituales no hay conquista estéril. Y no se tiene en cuenta la victoria que significa ceñir en palabras estrictas un pensamiento dado, ni que para interpretar a un buen poeta creador se requiere un buen poeta receptivo. Se achaca, en general, el escaso valor de las traducciones, a las traducciones malas, que tanto abundan, y en las traducciones versificadas, mucho más16.

19Ou bien :

Traduciendo poesía el peligro es constante [...] Se va calcando el verso portugués, y el mejor trasunto que de él puede darse es la mera transcripción. De pronto surge la palabra imposible. No cabe amplificar el verso que suena, casi, como el español. Si se cambia el epíteto, muda el carácter de la poesía. El parentesco de los idiomas acrece las dificultades del traductor concienzudo, porque, cuanto mayor, tanto menor es la libertad que consiente. Una lengua totalmente disímil, en que todo ha de ser interpretado y traspuesto, es cien veces preferible17.

20Gregorio Martínez Sierra (1881-1947), écrivain espagnol, promoteur du modernisme et fondateur de la revue Helios (1903) et de la maison d’édition Renacimiento (1907) sera sans doute le premier à introduire en Espagne le théâtre symboliste de Maeterlinck. Il fut également un traducteur de Shakespeare.

21Mariano Brull (1891-1956), poète et diplomate cubain, ne fait pas seulement partie du cercle des représentants de la poésie pure ; il a traduit Le Cimetière marin et La Jeune Parque et a écrit lui-même des poèmes de cette veine ; traducteur de Kilmer, Dante, Rossetti et Mallarmé, il a publié plusieurs ouvrages : La casa del silencio (1916), Poemas en menguante (1928), Canto redondo (1934), Solo de rosa (1941), un livre de poèmes traduits en français, Quelques poèmes (1926), ainsi que trois recueils dans des éditions bilingues français / espagnol, Poëmes (1939), Temps en peine. Tiempo en pena (1950), et Rien que… Nada más que (1954).

22L’argentin Agustín O. Larrauri (1917-2000), traducteur dans un laboratoire pharmaceutique, a vécu à Paris jusqu’en 2000. En 1954, il formula quelques réflexions sur Mallarmé :

De Baudelaire nacen las dos grandes figuras; Rimbaud por un lado, con su genialidad, rastreadora ya entonces de los abismos del subconsciente (Temporada en el infierno, Iluminaciones) y, por el otro, Mallarmé, quien sobrepasando la búsqueda de lo exclusivamente formal de los parnasianos, da máxima jerarquía al Simbolismo y lo supera, revalorizando la palabra, como ente autónomo, distorsionando voluntariamente la sintaxis, profundizando la temática poética hasta tocar los límites de lo desconocido en Igitur y en Un golpe de dados18.

23Cintio Vitier (1921-2009), écrivain, poète et anthologue cubain, a collaboré avec ses contemporains José Lezama Lima, Eliseo Diego ou Fina García Marruz dans diverses revues littéraires : Espuela de Plata, Lyceum, Revista Cubana, Diario de la Marina, Grafos, Revista Luz, Magazine Social, Revista Prometeo, Revista Poeta, Cuadernos de la Universidad del Aire ou encore Acento (Bayamo). Il est l’auteur des anthologies Diez poetas cubanos (1937-1947) éditée en 1948 et Cincuenta años de poesía cubana (1902-1952) ainsi que différentes traductions notamment d’Arthur Rimbaud, Iluminaciones (1961), de Paul Valéry, Primer fragmento de Narciso et de Paul Claudel, El canje y otros poemas.

24On notera enfin la présence de l’écrivain et du critique littéraire argentin Marcos Ricardo Barnatán (1946).

25Ainsi comme le montrent leurs biographies et bibliographies, la plupart des personnalités choisies traduisaient déjà Mallarmé bien avant la publication de cette anthologie. Tous ces contributeurs ont traduit d’autres auteurs et ont ainsi participé à la diffusion de la poésie française et étrangère en Espagne (six traducteurs) et en Amérique latine (quatre argentins, trois mexicains, deux colombiens et deux cubains) et ceci bien avant 1971.

Les traductions et leur ordre

26Les poèmes et textes réunis dans l’anthologie de José Lezama Lima sont les suivants :

Salut, Le guignon, Apparition, Placet futile, Les fenêtres, Les fleurs, Angoisse, Las de l’amer repos, L’azur, Tristesse d’été, Brise marine, Soupir, Don du poème, Hérodiade, L’après-midi d’un faune, Toast funèbre, Éventail de Madame Mallarmé, Trois versions de L’autre éventail de Mademoiselle Mallarmé, Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui, Ses purs ongles très haut dédiant leur onyx, Le Tombeau de Charles Baudelaire, Le Tombeau d’Edgar Poe, Hommage - Toute l’âme résumée (Le cigare), À la nue accablante tu, Le phénomène futur, Frisson d’hiver, Le nénuphar blanc, La pipe, Igitur, ou la folie d’Elbehnon, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard.

27Pour les poèmes, l’ordre suivi dans cette anthologie est celui de l’édition de Deman (NRF - Gallimard). Les poèmes en prose Le phénomène futur, Frisson d’hiver, Le nénuphar blanc et La pipe suivent l’ordre de diverses éditions. Le conte Igitur ou la folie d’Elbehnon et Un coup de dés jamais n’abolira le hasard sont intégrés ensuite. L’originalité de cet ouvrage n’est donc pas à chercher dans l’ordre choisi par l’anthologue. Cependant, la sélection des trente textes présentés ici aura sans doute permis au public hispanophone de découvrir, dans une publication unique, de multiples facettes de l’œuvre de Mallarmé, ce qui jusqu’en 1971 avait été impossible sauf si on considère la première anthologie publiée en Espagne par Xavier de Salas en 1940 qui réunit vingt-quatre textes en édition bilingue. Par ailleurs, José Lezama Lima accompagne son œuvre d’un prologue rédigé par ses soins et intitulé « Nuevo Mallarmé » où il justifiera, bien que brièvement, le choix des poèmes :

Nosotros hemos deseado agrupar los momentos más significativos del desarrollo de Mallarmé, en cuatro estaciones que llenan la factura de su trabajo o las secretas contenciones de sus designios. El día en Tournon, la noche de Idumea, los sentidos en Valvins, la inteligencia de la Rue de Rome, aclaran en su polarización los agrupamientos de sus trabajos. / No pretenden esos cuatro monumentos señalados abandonarse a la banalidad de lo causal, de lo sucesivo cronológico. Etapas no, integración del ser en el ser, identidad de una sustancia sobre sí misma. Los agrupamientos del tiempo en un escritor corresponden a los momentos en que éstos alcanzaron su signo19.

28Enfin, l’épilogue de Rubén Darío « Stéphane Mallarmé » que Lezama Lima décide de reproduire date de 1893. Il s’agissait initialement d’une lettre adressée au directeur de la revue El Mercurio de América. Lezama Lima clôt ainsi l’anthologie par une magnifique approche des textes de Mallarmé même s’il choisit de couper l’introduction du texte original, reproduite ci-après (Juicios, 1893) :

Me encarga El Mercurio un estudio sobre Stéphane Mallarmé, que acaba de morir, trabajo por hacerse dentro de cincuenta años, duelo actual de todo intelectual del mundo. / Vacilación, en mi ánimo, primero, de modo de no querer realizar, en mi idioma, inútilmente, esa labor ardua perteneciente a un escritor de mañana, que ha de descender en la mina prodigiosa por el ensayo futuro. / Para el instante necrológico, a mi sentir, precisaríase, ello es de diamantina demostración, el soneto mismo del Orfeón excepcional, la pequeña lira, no más grande que la concha de una pequeña tortuga, con la cual recibiesen ya la ofrenda armoniosa, o Baudelaire, o el angélico y tenebroso a un tiempo mismo Yankee:
Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change…
La consagración verbal que realizase gráficamente un Whistler, o ese absoluto rey de la línea: Vallotton. / Por otra parte, inútil entre nosotros toda otra cosa que no fuese la demostración aislada de un pesar sincero entre el minúsculo y casi abolido número de quienes, en conciencia, crean haber visto de lejos flecha o cúpula, destacándose sobre el azul, en la isla del Príncipe solitario
20.

29Essayons maintenant de retracer l’histoire des traductions choisies par Lezama Lima. Pour cette étude, notre objectif sera de déterminer si le critère qui a prévalu pour la sélection est celui d’une première publication, de l’auteur ou bien des conditions d’accès au texte. Nous suivrons l’ordre d’apparition des traducteurs dans l’anthologie.

30Alfonso Reyes signe les traductions Saludo, Tristeza de estío, Brisa marina, Suspiro, Don del poema, Abanico de Mme Mallarmé et El cigarro qu’il a d’abord publiées lui-même en 1932 dans les pages « Mallarmé en castellano » de la Revista de Occidente de Madrid avec les poèmes Aparición, Dos consejos caseros et Jardín de agosto. En ce qui concerne les trois versions de L’autre éventail de Mademoiselle Mallarmé, elles datent de 1919 et furent d’abord publiées dans la revue de Madrid La Pluma dirigée par Manuel Azaña et Cipriano Rivas Cherif en 1920. Les critères qui ont conduit à leur sélection sont sans doute la signature ou la facilité de l’accès aux documents. En effet, les poèmes Brise marine, Soupir, Don du poème et Éventail de Mme Mallarmé ne sont pas des premières traductions. La première version de Brise marine de Guillermo Valencia est publiée en 1898 (voir le poème Apparition) ; les traductions de Soupir vont apparaître en novembre 1913 à Paris dans le numéro 18 de la Revista de América ; celle de Don du poème de Leopoldo Díaz en avril 1914 dans le numéro 23 de la Revista de América ; Éventail de Mme Mallarmé sera traduit en 1917 par José Pablo Rivas dans le numéro 53 de la revue Estudio de Barcelone. Ce seront en revanche les premières traductions de Saludo et Tristeza de estío.

31Mauricio Bacarisse a été choisi pour El mal sino et Nombramiento fútil. Ces versions furent initialement publiées en 1921 à Madrid dans l’ouvrage de Paul Verlaine traduit par Mauricio Bacarisse, Los poetas malditos (Mundo Latino). D’autres textes y sont présentés : Instancia, Aparición, Santa, Don del poema, Esta noche et La tumba de Poe. Selon Fernando Navarro, Placet Futile aurait été édité avant, bien qu’il ne précise pas la date21. Cette traduction de Le guignon semble être la première, ce qui n’est pas le cas de celle de Placet futile, publiée pour la première fois par Marquina en 1908.

32La version du poème Apparition sera celle de Guillermo Valencia publiée à Madrid en 1913 dans La poesía francesa moderna d’Enrique Díez-Canedo et de Fernando Fortún. Cependant celle-ci figurait déjà avec Brise marine en 1898 à Bogotá dans son unique recueil de vers Ritos ; il s’agit bien dans ce cas de la première version du poème.

33Eduardo Marquina est l’auteur d’une traduction de Las ventanas qui remonte sans doute à 1908 ; celle-ci fut publiée en même temps que Placet futile et Hérodiade du même traducteur dans la revue España Nueva de Madrid. La version de Les fenêtres choisie par Lezama Lima pour son anthologie est également une première version.

34Blas Matamoro signe pour sa part les poèmes Las flores et El virgen, el vivaz, el hermoso presente en proposant son interprétation d’Obra poética de Mallarmé en 1967 à Buenos Aires (Ediciones del Mediodía). Étant donné la date de publication mentionnée, il va sans dire qu’il ne s’agit pas de premières versions : la traduction du poème Les fleurs par Rubén Darío date de 1894 (La Nación, Buenos Aires) et Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui fut publié en espagnol en 1907 à Madrid de la main d’Enrique Díez-Canedo dans l’ouvrage Del cercado ajeno. Notons cependant que pour Pilar Gómez Bedate l’ouvrage de Matamoro est la première compilation de l’œuvre complète de Mallarmé22.

35Les traductions des poèmes Angoisse et Las de l’amer repos seront celles de Juan Filloy ; Cansado del reposo fut d’abord publié dans le journal El Pueblo de Buenos Aires, le 20 octobre 1929. Alfonso Reyes note que le poème Angustia, bien que traduit en 1924, ne parut qu’en 1937 dans la revue Fábula à La Plata (nº 7, septembre-octobre) 23. La consultation des travaux bibliographiques d’Alfonso Reyes, de Ricardo Silva-Santisteban24 et de Fernando Navarro25 laisse entendre qu’il s’agit cependant des premières traductions de ces deux textes.

36Pour le poème El azur, Lima opte pour le texte de José Pablo Rivas. Celui-ci fut publié en mars 1917 avec ses versions de Aparición, Las flores et El abanico de la señorita Mallarmé à Barcelone dans le numéro 53 de la revue Estudio. Elles furent rééditées à Madrid en 1920 dans Antología de poetas extranjeros antiguos y contemporáneos. Il s’agit de la première traduction publiée en espagnol de ce poème.

37La version d’Herodías sera celle de Rosa Chacel qui, selon Pilar Gómez Bedate est la première à avoir traduit le texte dans son intégralité : « Rosa Chacel entonces exiliada, publicó en La Habana (en la revista Ciclón, 1957) la primera traducción completa de Herodía s» 26.

38Otto de Greiff signe La siesta de un fauno dont la première publication figure dans l’anthologie d’Enrique Díez Canedo, à Buenos Aires, en 1946 : La poesía francesa del Romanticismo al Superrealismo (p. 242-245). Cette version n’est pas la première, Alfonso Reyes et Ricardo Silva-Santiesteban relèvent l’existence d’une traduction antérieure de Rafael Lozano datant de novembre 1934 dans le numéro 17 de la revue Repertorio Americano (Costa Rica).

39Lezama Lima reproduit dans son anthologie la première traduction du sonnet Ses purs ongles très haut… par Octavio Paz, publiée en 1971 dans l’ouvrage Traducción: literatura y literalidad à Barcelone (aux éditions Tusquets) mais aussi dans le numéro 22 de la revue Diálogos (Mexico, juillet - août 1968).

40El sepulcro de Baudelaire et La tumba de E. Poe de Xavier de Salas ont toutes deux été publiées auparavant en 1940 à Barcelone dans Poesías (édition Yunque), avec vingt-deux autres poèmes. La première traduction de La tumba de E. Poe signée de la main de Mauricio Bacarisse (voir les poèmes El mal sino et Nombramiento fútil) fut publiée en 1921. En revanche, il semble bien qu’il s’agisse de la première version d’El sepulcro de Baudelaire.

41Pour El fenómeno futuro, Lezama Lima a choisi le texte d’Enrique Díez-Canedo tiré de l’ouvrage Del cercado ajeno. Versiones poéticas (Madrid, 1907 ; éd. M. Pérez). C’est également la première traduction de ce poème qui sera publiée.

42L’anthologie reproduit également les versions et les premières traductions de Gregorio Martínez Sierra pour les poèmes Estremecimiento de invierno et La pipa, qui paraîtront d’abord en 1907 dans le numéro 3 de la revue madrilène Renacimiento où figurera également sa version Queja de otoño.

43Lezama Lima intègre le texte de Mariano Brull El nenúfar blanco qui fut initialement proposé dans l’anthologie de 1946 d’Enrique Díez Canedo La poesía francesa del Romanticismo al Superrealismo (p. 250-252). Il ne s’agit pas de la première traduction du poème : Ricardo Silva-Santisteban et Fernando Navarro notent l’existence d’une version bien antérieure, remontant à juin 1907, signée par Ricardo Gómez Robelo dans le numéro 4 de la revue Moderna, VIII (Mexico).

44Le Igitur, o la locura de Elbehnon d’Agustín O. Larrauri fut publié pour la première fois en 1970 à Buenos Aires, chez l’éditeur Signos. Gómez Bedate note qu’il s’agit de la première version de ce poème. Dans ces travaux bibliographiques, Silva-Santisteban souligne que Larrauri avait déjà publié une partie de sa traduction de Igitur qui omettait « los Escolios », dans le numéro 2 de la revue Ciclón publiée à la Havane en mars 1955.

45Finalement, Lezama Lima choisit la version de Cintio Vitier pour Un golpe de dados jamás abolirá el azar. Cette traduction paraîtra dans le numéro 32 de la revue Orígenes de 1952 (p. 3-27). La traduction initiale de ce poème signée par Rafael Cansinos Assens fut publiée en novembre 1919 dans la revue Cervantes. Il est remarquable que Lezama Lima ait choisi pour son anthologie la traduction et la postface de Cintio Vitier mais qu’il ait préféré la préface de Rafael Cansinos.

46Lezama Lima optera pour le Brindis fúnebre por T. Gautier de Ricardo Barnatán. Il semble qu’il s’agisse de la première version de ce poème et de sa première publication.

47Finalement, Lezama sélectionne une version anonyme du sonnet À la nue accablante tu, publiée d’abord dans le neuvième chapitre de la traduction de l’ouvrage de Léon Tolstoy ¿Qué es el arte? Alfonso Reyes note qu’il s’agit d’une «edición sin año, que probablemente reproduce alguna edición española anterior. En el capítulo IX, el anónimo traductor trae un fragmento de la contestación de S. M. a la “encuesta” de Jules Huret; y en el Ápendice, trad. en prosa del sonetino A la nue accablante tu…»27. Selon lui, cette version daterait des années trente et serait donc probablement bien la première de ce poème.

48Parmi les trente traductions sélectionnées, vingt-neuf ont déjà fait l’objet de publications des revues littéraires ou dans des anthologies de poésie française ou étrangère. La traduction de Toast Funèbre est la seule à ne pas avoir encore été publiée.

49Quinze des trente textes sont des premières traductions :

Salut, Tristesse, Le guignon, Apparition, Les fenêtres, Angoisse, Las de l’amer repos, Azur, Hérodiade, Sonnet en X, Le Tombeau de Charles Baudelaire, Le phénomène futur, La pipe, Frisson d’hiver et Igitur.

50Si on suit la catégorisation proposée par Frank et Essmann, on peut donc classer cette anthologie dans les « Anthologies d’éditeur » qui sont, selon Miguel Gallego Roca,

de gran utilidad para la historia de la literatura desde el momento en que se proponen recopilar las traducciones más relevantes de un periodo. Son testigos de la recepción de un movimiento literario, un autor, o, bien a lo largo de la historia, bien en un amplio periodo de tiempo, de la poesía escrita en otra lengua28.

51Cette anthologie datée de 1971 démontre que bien que continue, la réception des poèmes de Mallarmé restera néanmoins diffuse jusqu’à cette édition, ce que confirme Miguel Gallego Roca dans une citation de 1923 de Juan Guerrero Ruiz se référant au début du vingtième siècle :

En España, aparte de lo recogido por los señores Canedo y Fortún en su antología La poesía francesa moderna solo algunas traducciones sueltas de Mallarmé andan dispersas en distintas revistas; no existe, que nosotros conozcamos, ninguna traducción formal de su obra. Una selección que contuviera lo esencial –prosa y verso– sería muy de estimar mucho más si fuera precedida de un estudio que marcara al lector español la importancia de este escritor admirable que con Rimbaud y Verlaine forma la constelación más nítida del simbolismo29.

Premières conclusions

52Le fait de réunir ces traducteurs et ces traductions dans un même ouvrage fait de cette anthologie un témoin incontournable de la diffusion en espagnol de Stéphane Mallarmé. L’étude de la réception de ce poète montre qu’il est indispensable de dépasser les frontières pour pouvoir en saisir la portée réelle, comme le signale Michael Predmore : « It can be seen, therefore, that any account of Mallarmé and Spain must also include Mallarmé and Spanish America »30. D’autre part, il nous semble ainsi que l’œuvre de Stéphane Mallarmé peut être considérée comme un exemple de la réception de la poésie étrangère en espagnol : les traducteurs présentés ont participé dans une très large mesure à la diffusion de la poésie étrangère en général dans leurs pays respectifs. Finalement, nous considérons que le but poursuivi par Lezama Lima dans son œuvre se rapproche de celui de la revue Orígenes (Cuba, 1944-1956). Cette anthologie n’est pas le fruit du hasard pas plus que ne l’est le choix de Mallarmé. Mercedes Serna Arnaiz note que « La revista Orígenes fue pionera en el campo de la traducción, centrándose especialmente en la traducción poética » ; elle ajoute :

La revista Orígenes, interesada por abrir el espacio cultural cubano y acercarse a Occidente, vertió al español a escritores como T.S. Eliot, Auden, Perse, Owen, Dylan Thomas, Virginia Woolf, Heidegger, Anaïs Nin o al propio Rimbaud. Cabe decir que la mayoría de las traducciones fueron realizadas por Rodríguez Feo. A él se deben las versiones al español de algunas obras de V. Woolf, P. Valéry o T.S. Eliot. Tradujo, igualmente, un artículo de Henry James sobre Honoré de Balzac; de Georges Braque, « Cuadernos »; del pintor de vanguardias André Masson, un pequeño tratado pictórico titulado « El instante »; de Marcel Schneider, « De Hogarth a Stravinsky »; o de Albert Camus, « Nietzsche y el nihilismo ». Max Henríquez Ureña, por su parte, vertió al español dos poemas de Dylan Thomas. El trabajo de traducción que realizó Orígenes fue extraordinario y supuso una apertura enriquecedora a la cultura universal y sobre todo al mundo pictórico y literario de las vanguardias. La filosofía fue otro punto de interés en esta labor de traducción, con las versiones de Humberto Piñera de Heidegger31.

53L’ouvrage de Lezama Lima intègre une forte proportion de premières traductions (près de la moitié des textes choisis), elle réunit également les grands noms qui se sont intéressés à Mallarmé lors de sa réception pendant la première moitié du vingtième siècle comme l’atteste la comparaison des versions et des bibliographies présentées par Reyes, Silva-Santisteban et Navarro Domínguez dans leurs diverses publications.

54Les rééditions successives de cette anthologie 1971, 1978, 1985, 1991, 2002 et 2009 en font un ouvrage incontournable, présent dans toutes les librairies et qui permet encore aujourd’hui de redécouvrir et de relire Mallarmé en Espagne. La dernière édition en date (2009) suit l’ordre de l’édition de 1971, elle comporte les mêmes traductions, prologue et épilogue, mais elle inclut les originaux. Une seule traduction a été changée : la version du poème Les fleurs qui est maintenant celle de Ricardo Silva-Santisteban initialement publiée en 1990 dans son livre El ciervo en la fuente (Versiones poéticas) à Lima aux éditions Pedernal ; notons cependant qu’il ne figure aucune mention de ce changement.

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Notes

1 Jesús García Sánchez : « Veinticinco años editando poesía », Poesía en el Campus - Revista de Poesía, 25, 1994, p. 25-26.

2 « Transferts textuels et Migrations esthétiques » (LER, université Paris 8, E.A. 4385 ; en collaboration avec les universités d’Alicante, de Cadix et de Séville).

3 Michael Predmore, « Mallarmé’s Hispanic Heirs », dans Robert Greer Cohn, Mallarmé in the Twentieth Century, Cranbury, Associated University Presses, 1998, p. 223.

4 Alfonso Reyes, Obras completas, vol. XXV, México, Fondo de Cultura Económica, 1991, p. 225.

5 Mauricio Bacarisse, Obra, selección y prólogo de Jordi Gracia, Madrid, Fundación Santander Central Hispano, 2004, p. 20-21(en ligne : http://www.cervantesvirtual.com/obra-visor/obras--0/html/00211298-82b2-11df-acc7-002185ce6064_6.html ).

6 Sonja Karsen, «Guillermo Valencia: el poeta como traductor », Thesaurus, XL, 2, 1985, p. 355-356 http://cvc.cervantes.es/lengua/thesaurus/pdf/40/TH_40_002_109_0.pdf

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8 Blas Matamoro, « ¿Es traducible la poesía? », El trujamán. Revista diaria de traducción, 8-3-2002 ; en ligne http://cvc.cervantes.es/trujaman/anteriores/marzo_02/08032002.htm

9 Ana da Costa, « Entrevista a Juan Filloy » (2-3-2000), en Sala virtual de lectura (en ligne : <http://200.69.147.117/salavirtual/Entrevistas/filloy.htm >

10 Miguel Gallego Roca, Poesía importada. Traducción poética y renovación literaria en España (1909-1936), Almería, Universidad, 1996, p. 125.

11 Soledad González Rodenas, « Rosa Chacel: creación, traducción poética. A propósito de seis tragedias de Racin e», Francisco Lafarga Maduell y Antonio Domínguez (eds.), Los clásicos franceses en la España del siglo xx: estudios de traducción y recepción, Barcelona, PPU, 2001, p. 99-106 (consultable en ligne: http://archive.is/0GMEt ).

12 Rosa Chacel, Ciencias naturales, Barcelona, Plaza y Janés, 1994, p. 27.

13 Alfredo Perea Díez, « Cien años de Otto de Greiff », Latinoamerica-online, en ligne http://www.latinoamerica-online.info/cult03/musica14.03.html> (2003).

14 Octavio Paz, Traducción: literatura y literalidad [1971], Barcelona, Tusquets, 1990, p. 13-14.

15 Cité par Fernando Navarro Domínguez, « Mallarmé y la configuración de la modernidad hispánica: las traducciones de su obra poética en la España del siglo xx », Folia Traductologica, 8, 2001, p. 61-76.

16 Cité par Marcelino Jiménez León, « Algunas ideas sobre la traducción de Enrique Díez-Canedo », en Cauce. Revista de Filología y su Didáctica, 22-23, 1999-2000, p. 175-189 (p. 180).

17 Ibid., p. 181.

18 Agustín Oscar Larrauri, Mallarmé. Poeta símbolo, Buenos Aires, Francisco A. Colombo, 1954, p. 32.

19 Stéphane Mallarmé, Antología. Prólogo de José Lezama Lima, Epílogo de Rubén Darío [1971], Madrid, Visor, 2009, p. 11.

20 Rubén Darío, El modernismo y otros textos críticos, Alicante, Biblioteca Virtual Miguel de Cervantes http://www.cervantesvirtual.com/obra/el-modernismo-y-otros-textos-crticos-0/ [2003].

21 Fernando Navarro, « Mallarmé y la configuración de la modernidad… », p. 73.

22 Pilar Gómez Bedate, « Stéphane Mallarmé », en Francisco Lafarga y Luis Pegenaute, Diccionario histórico de la traducción en España, Madrid, Gredos, 2009, p. 740.

23 Alfonso Reyes, Culto a Mallarmé, Obras completas, XXV, México, FCE, 1991, p. 219.

24 Reyes note : « Filloy, Juan: Angustia » (El Pueblo, Río IV, provincia de Córdoba, 20 de octubre de 1929) ; mais Ricardo Silva-Santisteban l’inverse : « Filloy, Juan : Cansado del reposo… », Fábula, 7, La Plata, septiembre-octubre de 1937 (Stéphane Mallarmé en castellano, Lima, PUCP, 1998, p. 285).

25 Fernando Navarro, « Poésie et traduction : l’œuvre de Stéphane Mallarmé en espagnol », Revue d’Études Françaises, 5, 2000, p. 87-100.

26 Pilar Gómez Bedate, « Stéphane Mallarmé », p. 740.

27 Alfonso Reyes, Culto a Mallarmé, p. 219.

28 Miguel Gallego Roca, Poesía importada…, p. 45.

29 Ibid., p. 130-131.

30 Michael Predmore, « Mallarmé’s Hispanic Heirs », dans Robert Greer Cohn, Mallarmé in the Twentieth Century, Cranbury, Associated University Presses, 1998, p. 222.

31 Mercedes Serna Arnaiz, « Las “Iluminaciones” de Rimbaud en la traducción de Cintio Vitier (1954) » (en ligne : http://www.cervantesvirtual.com/obra/las-iluminaciones-de-rimbaud-en-la-traduccion-de-cintio-vitier-1954/ [2012], p. 4-5.

Pour citer ce document

Paola Masseau, « Antología Stéphane Mallarmé de José Lezama Lima (1971) : une anthologie de premières traductions en espagnol ou une anthologie de traducteurs célèbres ? » dans « Mallarmé en traduction (aire hispanique) », « Travaux et documents hispaniques », n° 5, 2013 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Paola Masseau

Universidad de Alicante
Paola Masseau est titulaire d’un doctorat en traduction (Université d’Alicante) et d’un master en traduction et interprétation. Auteur de l’ouvrage Une traductologie de la poésie est-elle possible ? (Paris, Éditions Publibook, 2012), de nombreux articles sur la traduction poétique et littéraire et traductrice de poèmes de Francisco Torres Monreal, Claude Esteban, Luce Morreau Arrabal, Raúl Herrero et Paul Valéry. Ses recherches portent également sur la traduction A-B. Elle est actuellement professeur dans le Département de Traduction et d’Interprétation de l’Université d’Alicante et membre du groupe Frasytram et du projet Comenego.