8 | 2017
Juan Ramón Jiménez: tiempo de creación (1913-1917)

Ce volume recueille les communications présentées lors du colloque « Juan Ramón Jiménez: Tiempo de creación (1913-1917) » organisé par Annick Allaigre et Daniel Lecler (Laboratoire d’Études Romanes EA 4385) les 19 et 20 mars 2015 au Colegio de España de la Cité Internationale Universitaire de Paris et à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis. Coordonné par Daniel Lecler et Belén Hernández Marzal, l’ouvrage s’intéresse à une période de création particulièrement intense durant laquelle Juan Ramón a en partie forgé sa poétique. La réflexion s’articule en trois moments. Le premier est consacré à une figure décisive dans la vie du poète : celle de Zenobia Camprubí de Aymar, le second au poète comme traducteur, le troisième, enfin, à l’une de ses œuvres majeures, Platero y yo.

Couverture de

8 | 2017

Sur la genèse d’une écriture poétique : Piedra y cielo, de Juan Ramón Jiménez

Marie-Claire Zimmermann


Texte intégral

1Devant ici m’attacher à la relecture d’une période particulière de l’œuvre de Juan Ramón Jiménez, ce riche « temps de création » qui s’écoule entre 1913 et 1917, j’ai choisi de m’interroger sur Piedra y cielo, dont les poèmes ont été écrits entre 1917 et 1918. Afin de faciliter l’accès des non-hispanistes au texte originel, je me suis servie de l’édition bilingue publiée chez José Corti en 19901.

2Avant d’aborder la réflexion, je formulerai initialement quelques interrogations qui se sont imposées à moi et qui m’ont aidée à structurer mon argumentation.

3Le titre du livre, Piedra y cielo, qui comporte deux termes spatiaux essentiels, me semble poser question, ceci pour deux raisons : en premier lieu, à cause des titres retenus par le poète pour les trois parties dont se compose le recueil. En effet, la première partie s’intitule I « Piedra y cielo » ; elle contient 54 poèmes. On peut penser qu’il s’agit là d’une mise en abyme dont on reparlera. La deuxième partie, II « Nostaljia del mar », 15 poèmes, est suivie d’une troisième à nouveau intitulée III « Piedra y cielo » (50 poèmes), qui confirme et consolide le rôle de la première partie. Pourquoi, dès lors, le mot « mar » n’est-il pas présent dans le titre général ? Notre lecture portera une attention particulière au rôle joué par cette mer absente, dans la mesure où elle suscite la nostalgie2.

4En deuxième lieu, et ceci est plus difficile à interpréter, si « mar » et « cielo » sont récurrents dans le livre, « piedra » est fort peu souvent notifiée (trois fois) : « como las piedras » (p. 50) ; « hecho de piedra » (p. 106) ; « piedras negras » (p. 122) et, dans ce cas, liée à un contexte négatif, alors que le mot obsédant, qui désigne la matière terrestre, est « tierra » (p. 20, 56, 88, 126, 152, 166, 192, 234, 242). J. R. Jiménez a-t-il évité Tierra y cielo, qui aurait pu sembler présenter un arrière-plan religieux, une association symbolique banale du profane et du sacré ? La question posée nous amènera à examiner l’écriture qui traite de l’espace omniprésent, des espaces « tierra », « mar », « cielo », l’expérience du poète étant, en effet, associée à tous les espaces, à l’infime et à l’infini.

5Après le titre, la dédicace de J. R. Jiménez à José Ortega y Gasset, un paratexte donc, attire notre attention, puisque le dédicataire y est qualifié de « voluble en lo permanente » (p. 15). Je ne chercherai pas ici à définir tout ce que J. R. Jiménez doit à la philosophie d’Ortega, mais les deux adjectifs ouvrent une perspective sur l’orientation temporelle que va prendre le discours poétique dans Piedra y cielo. D’après le dictionnaire, « Voluble » veut dire « Que fácilmente se puede mover alrededor »3. L’association avec « permanente » suggère dès lors un mouvement, une spirale, du changement, mais dans la permanence. La temporalité dans ce livre est d’une extrême complexité ; elle implique le rapprochement paradoxal de termes contradictoires (oxymores et antithèses) et leur conciliation, chaque élément disant autre chose que lui-même, d’où la richesse symbolique de la démarche.

6Mais un fait majeur est immédiatement repérable, car audible : dans ce livre le lyrisme se fonde sur l’usage de l’exclamation qui prédomine dans 95 textes sur les 119 que comporte Piedra y cielo. Ici règnent l’exaltation, un désir infini, une inaltérable soif d’être, une intensité quasi-permanente, des tonalités hautes. Poétiquement, pourquoi en est-il ainsi et n’y avait-il pas les risques habituels liés à l’exclamation, c’est-à-dire l’emphase, l’excès qui pourraient, au bout du compte, uniformiser la diction ? Comment les éviter sans cesser de surprendre ?

7Il convient maintenant de proposer un itinéraire réflexif, donc un ordre argumenté.

8L’exclamation, qui est le signe favori de la syntaxe poétique dans Piedra y cielo, sera d’abord inventoriée (phrase, strophe, poème), analysée en tant que tonalité signifiante, porteuse de sens. Mais ce langage émane de quelqu’un que je n’appellerai pas l’auteur, puisqu’il s’agit d’un locuteur, la voix poétique, la voix de quelqu’un qui affirme, nie, s’écrie, s’exclame. Le moi est aux prises avec soi-même et le monde, il s’est engagé dans une quête ontologique déroutante. Ensuite il conviendra d’évaluer l’affrontement du temps et sa totale réinvention, tandis que seront explorées les procédures exclamatives qui concernent l’espace : terre, mer, ciel. Temps et espace seront ainsi analysés car ils sont inséparables. Le quatrième temps, plus bref, consistera en une synthèse qui portera sur le travail poétique accompli par J. R. Jiménez, afin d’écrire un livre de poèmes : « poema », « obra » « libro » sont les mots essentiels de ce métalangage très particulier, les substantifs « poesía » et « poeta » n’étant par ailleurs, jamais prononcés. Le choix du titre, Piedra y cielo, pourra alors être interprété à la lumière de ce qui aura été déchiffré poétiquement dans chaque partie de cet exposé.

Le règne de l’exclamation.

9Une tension langagière s’établit dès le départ, dès les premiers mots. Le locuteur adopte divers tons, il avertit, met en garde, conseille, déconseille et s’écrie : « ¡oh !… », « ¡qué!... », « ¡cuánto!... ». Numériquement, dans chacune des trois parties, l’on remarque l’affluence de ces signes graphiques, lexicaux et phrastiques. Dans I « Piedra y cielo », j’ai constaté que des points d’exclamation apparaissent dans 47 poèmes sur 54. Dans II « Nostaljia del mar », 12 poèmes sur 15 comportent des exclamations. Enfin, dans III « Piedra y cielo », 35 poèmes sur 50 sont porteurs de signes exclamatifs. Autrement dit, 95 poèmes sur les 119 que contient le livre comportent des exclamations.

10Quels rapports entretient le poème avec l’exclamation ? Un fait frappe le lecteur : le poème, étant fréquemment constitué d’une seule phrase exclamative, est donc pure exclamation, à lire oralement en en tenant compte. La longueur de ces poèmes est variable. D’une part, le locuteur peut choisir une extrême brièveté, la concentration la plus forte dans deux vers, ainsi dans le premier et fameux distique, devenu mythique et que je serai amenée à commenter ultérieurement : I « El poema » : « ¡No le toques ya más, / que así es la rosa! » (p. 18) mais, d’autre part, il peut opter pour davantage d’ampleur phrastique dans des poèmes où l’exclamation occupe entre trois et dix vers. Quelques exemples seront à écouter :

LIII, trois vers : ¡Libro, afán
de estar en todas partes,
en soledad! (p. 132)

XLIX, trois vers « Tarde » (p. 276)

XLI, quatre vers ¡Hojita verde con sol,
tú sintetizas mi afán;
afán de gozarlo todo,
de hacerme en todo inmortal!
(p. 260)

III, « El poema », cinq vers (p. 22)

IV, « Amor », six vers, quatre phrases exclamatives (p. 24)

VII, six vers, une seule phrase (p. 30)

XXXVIII, « Despertar », six vers, une seule phrase (p. 100)

XXIV, « Cuesta arriba », sept vers, une seule phrase (p. 70)

VI, « Amor », dix vers (p. 28)

11Le texte en ce cas est un tout exclamé où le locuteur s’exprime d’une seule traite et que le lecteur doit suivre en s’adaptant totalement à ce rythme, ceci dans la brièveté, donc dans l’intensité.

12Cependant, le modèle prédominant n’est pas celui-là : il mise non pas sur l’identité entre le poème et une strophe, mais sur le fait que le poème est constitué de plusieurs strophes exclamatives, les unes à la suite des autres, avec à la fois des amplifications et des passages à d’autres tonalités ; les strophes sont alors de longueur différente. En ce cas, un mot (un substantif généralement) peut être récurrent, pour mieux éclairer la parole, la réalité initiale, pour la développer, la réaffirmer, la chanter autrement ; les blancs (ou silences) alternent ainsi avec des ralentissements et des accélérations :

« El recuerdo »
¡Oh recuerdos secretos,
fuera de los caminos
de todos los recuerdos!
¡Recuerdos, que una noche,
de pronto, resurjís,
como una rosa en un desierto,
como una estrella al mediodía
– pasión mayor del frío olvido –,
jalones de la vida
mejor de uno
que casi no se vive!
¡Senda
diariamente árida;
maravilla, de pronto,
de primavera única,
de los recuerdos olvidados! (p. 42)

13Citons encore les pages 46, 48, 50, 52, 58, 66, 68, 82.

14L’on parvient ensuite à un troisième modèle encore plus complexe que les deux précédents, car la strophe n’est pas totalement exclamative, certaines strophes étant exclusivement affirmatives, et l’on a ainsi des poèmes tels que le XXV (première partie), où la première strophe affirme, tandis que la deuxième et la troisième contiennent des phrases exclamatives (p. 72). Le poème XXVII, dans sa première strophe (4 vers), comporte une exclamation initiale qui retient l’attention : « ¡La música! », puis la deuxième strophe inclut une très brève exclamation : « en donde es – ¡oh azul, o alas! – ». Enfin la troisième strophe est strictement affirmative (p. 76).

15Sont également porteurs de cette variabilité lyrique : le XXXV (p. 94), le XXXVII (p. 98), où la première strophe exclamative précède deux strophes affirmatives qui consistent en une intense et silencieuse méditation.

16L’on est sensible auditivement à l’impact d’un autre modèle, le quatrième, où se manifeste la présence latente de l’intensité du vécu, prête à surgir sous la forme de quelques mots ou même d’un seul, d’un morceau de phrase au sein d’ensembles affirmatifs :

¿Soy? ¡Seré!
Seré, hecho onda
del río del recuerdo…
¡Contigo, agua corriente!
« El recuerdo » (XII, p. 44)

Tus recuerdos están
– todos, ¡oh cuántos! –
en el sol de mi olvido total, otro universo,
cual las estrellas en el día.
(XLIII, p. 110)

Tu amor – ¡qué alegre! –
[…]
… Tu amor – ¡qué alegre! –
riega sus rosas con mi corazón.
(XLVII, « Rosas II », p. 118)

17Lorsque l’anaphore devient épiphore, se crée aussitôt une antépiphore, mais le son des voyelles s’est accru :

¡Griito en el maar!
¡Griiiiito en el maaaaar ...! (VIII, « Noche », p. 156)

… ¡Instante, pasa, pasa tú que eres – ¡ay! – yo! (VIII, « El recuerdo », p. 34)

que hasta parece, ¡ay!,
que no eres mío?
(II, p. 178)

¡Tus recuerdos! (IV, p. 182)

¡Toda la flor, toda la flor! (XIV, p. 202)

18Un avant-dernier modèle a encore été repéré dans deux textes qui exigeraient un commentaire approfondi. Ici, le vers à lui seul est une phrase exclamative autonome et il crée l’action, il dit la raison d’être du poème. Je signalerai un premier cas, « El momento » (XXXII), sur lequel je reviendrai, un texte ainsi composé :

¡Que se me va, que se me va, que se me va !
…. ¡
Se me fué!
¡Y con el momento,
se me fué la eternidad!
(p. 240)

19Chaque vers exclamatif est autonome ; il désigne une totalité, mais l’unité lyrique et sémantique est assurée par l’usage du verbe « ir », au présent et au passé simple (« fué »). Une énigme initiale (qu’est-ce qui m’échappe ?) se révèle, c’est-à-dire le temps qui se dérobe et qui est essentiel pour le moi.

20Le deuxième cas est celui de « Perro divino », où trois distiques alternent avec deux vers isolés, faux distiques car fragments, mais ces distiques (le premier et le dernier) se composent de deux fragments exclamatifs juxtaposés, dont le premier est ce vers isolé qui se répète deux fois : « ¡Aquí está ! », et qui est une sorte de refrain mystérieux. Mais le deuxième vers du premier distique se répète dans le dernier vers du poème avec un terme récurrent de plus, tout cela créant une musique obsédante, croissante, assez difficile à déchiffrer mais d’une intense efficacité lyrique.

« Perro divino »
¡Aquí está ! ¡Venid todos !
¡Cavad, cavad !
¡Mis manos echan sangre,
y ya no pueden más!
¡Aquí está!
¡Entre la tierra húmeda,
qué olor a eternidad!
¡Aquí está!
¡Oíd mi aullido largo
contra el sol inmortal!
Aquí está! ¡Venid todos!
Cavad, cavad, cavad!
(L, p. 126)

21L’exclamation versale crée l’expérience vitale, décisive, sans réponse unique, car quel est ce chien divin ? Si les mains appellent à creuser, pourquoi creuser ? une tombe ? ou déterrer ? pourquoi l’éternité ?, la résurrection ? le mort et les vivants appelés à creuser ? Y a-t-il deux voix ? « Venid », « cavad » s’adressent à la foule anonyme ; « Mis manos », « Mi aullido » se réfèrent-ils à la mort ?

22Enfin, un sixième modèle existe et c’est là une autre procédure de l’écriture poétique dans Piedra y cielo, surtout omniprésente dans la troisième partie. Les poèmes exclamatifs comportent des interrogations (p. 218), une part plus large est accordée à l’affirmation car la méditation s’impose parfois et l’on constate aussi que 24 poèmes sur les 119 dont se compose le livre sont totalement dépourvus d’exclamations. Le ton baisse, la diction ralentit, ainsi p. 212 et p. 214 (XIX et XX) et dans « La gloria » :

Ser, sólo ser. No más, ni menos
que nadie. Y sin saberse.
Y hablar con los demás,
de otras cosas… Gozar desde uno solo,
todo, y traerlo a uno, el dueño
callado, verdadero e ignorado
del mundo.
(VIII, « La gloria », p. 190)

23Citons aussi IX, « El recuerdo », p. 36 et XX, « La obra », p. 62.

24L’écriture se fonde sur la polymétrie, donc sur la diversité syllabique du vers et aussi sur l’absence de rime. Ceci implique une démarche constamment variable dans ses formes et ses contenus jusqu’à l’aboutissement du dernier poème qui affirme l’existence du livre.

Quelqu’un, ici, s’exprime constamment à la première personne du singulier.

25Ce personnage unique fait fonction de locuteur. J. R. Jiménez se sert du pronom sujet « yo », du pronom complément « me », très largement de l’adjectif possessif mi/mis et, bien entendu, des verbes conjugués à la première personne du présent de l’indicatif. Dans un même poème peuvent coexister tous ces termes à la fois. Autrement dit, le « yo » est omniprésent à son écriture. Ainsi lisons-nous dans « La obra » : « mi lugar », « me parece », « yo domino », « Voy y vengo », « mi biblioteca », « mis libros », « mi sueño », « quise », « soñé », « hablo », « me ignoran », « tengo » (XX, p. 62).

26Cependant, le « yo » est parfois aussi habité par un autre, « , » qui est une image du moi ; encore plus forte que le moi. Ceci apparaît dans un poème intitulé « Yo y yo » :

Ay, fuerza de mi imajen –¡vida !
más poderosa que yo, ay
! (V, p. 26)

27Sans doute y-a-t-il ici de la part du locuteur la perception d’une difficulté narcissique, donc d’une situation intérieure conflictuelle, ce que laissent entendre les trois premiers vers de ce même texte qui évoquent la double et complexe existence du jet et de son reflet dans le miroir de l’eau ou plutôt dans l’eau qui joue le rôle de miroir :

Me buscas, te me opones,
como la imagen
del chorro, al chorro, en el espejo de agua.
(V, p. 26)

28Il y a donc là une opposition intime qui est en perpétuel mouvement, mais il existe aussi une déchirure, une autre tension, douloureuse, une scission qui est due à un désir de totalité du moi –à ne pas confondre avec une quête de l’absolu, car il s’agit ici d’« estar » et non de « ser » –, totalement lui-même dans toute chose, en tout.

¡Qué inmensa desgarradura
la de mi vida en el todo,
para estar, con todo yo,
en cada cosa;
para no dejar de estar,
con todo yo, en cada cosa!
(VII, p. 30)

29En quoi consiste alors, poétiquement, cette démarche ontologique qui prétend associer, souder les mots « yo » et « todo » ?

30Dès le début du livre, le moi se dit et s’affirme corps, « cuerpo », corps sensible, envahi par des sensations, parfois fortes comme ce sentiment d’étouffement avant le lever du soleil dans l’un des premiers poèmes, « Amor »,

¡Cuánto tardas en salir,
sol de hoy, sol de hoy!
¡Sal, que me ahogo!
¡Que parece que me están
reteniendo el corazón!
¡Sal, que me ahogo!
(IV, p. 24)

31Des cinq sens se détache la vue ; le moi fait souvent allusion à ses yeux (84), à son regard que le rêve et la pensée doivent ensuite interpréter,

Lo que yo te veo, cielo,
eso es el misterio;
lo que está de tu otro lado,
soy yo aquí, soñando.
(XXVIII, « Nube », p. 78)

32et parfois même la perception semble plus intense que le choix du mot –du nom– auquel parvient le moi pour nommer, car les yeux font accéder à l’essence de la matérialité :

Abrí, de pronto,
alcé los ojos, y una gloria
también abierta, una guirnalda de secretos
verdes, puros, azules,
me coronó la frente despertada.
El cielo no era el nombre,
sino el cielo.
(XLII, « Madrugada », p. 108)

33Cependant, un mot va régner dans tout le livre, « alma », non point comme part invisible du moi, éventuellement liée à du sacré, à de la transcendance, mais de manière totalement inédite, originale, juanramonienne, comme une part du moi, dotée de toute sorte de capacités, jouant des rôles inattendus, associée à « cuerpo » et à « corazón » ou plutôt les accompagnant :

Mi cuerpo se me pierde, vivo, en mi alma, igual
que el rayo del sol último
en el rayo primero de la luna.
(XXIX, p. 80)

34Dans « Cuesta arriba », le locuteur a le sentiment que l’amandier en fleur est entré dans sa chair et que son âme illumine le ciel : « en las entrañas de mi carne, / que estrellas con mi alma todo el cielo! » (XXIV, p. 70). Le moi s’adresse à l’âme, son interlocutrice, pour laquelle il formule des désirs :

Hoy, alma, ¿qué no es mío ?, ¿qué no es tuyo?
¿Qué verjas no se abren, qué muros no se rinden,
qué bocas no se llenan de palabras,
para ti?
(XXXIII, « Cristales », p. 90)

35Il célèbre l’âme, sa beauté, et pour cela se sert de références corporelles :

¡Hermosura del alma
redonda y fuerte como un muslo,
como un pecho o un hombro;
con goce en su belleza
y confianza en su vida,
para saber que acaba en sí, que tiene
su fin en sí!
(XLIV, p. 112)

36L’âme est inséparable de la vie, elle a une vie propre, elle est centrée mais apte aussi à se retrouver dans l’espace infini, totalement elle-même, en mouvement, donc vivante après la mort : « jirando, sola, como un astro » (p. 112).

37Le mot « alma » surgit dans les trois parties du recueil ; la première partie comporte treize références (p. 44, 70, 74, 76, 80, 88, 90, 102, 112, 114, 118, 120, 124). Dans la deuxième partie, « Nostaljia del mar », apparaissent deux occurrences, dont la portée symbolique est aisément déchiffrable. Dans « Ruta », le voyage par mer effectué par le moi met en scène un timonier qui est le maître des corps, tandis que le « yo » est le guide des âmes :

echadas. Yo, los ojos
en lo infinito, guiando
los tesoros abiertos de las almas.
(VI, « Ruta », p. 150)

38Dans « Nocturno soñado », la mer apparaît comme le chemin de l’âme, « que el mar es el camino /del alma-. », tandis que la terre est le chemin des corps. Le dernier tercet exclamatif associe le voyage en mer à celui de la mort, celle-ci coïncidant avec la « eterna vida! », non pas avec l’au-delà, mais avec une vie qui est éternité :

¡Qué semejante
el viaje del mar al de la muerte,
al de la eterna vida!
(VII, « Nocturno soñado », p. 154)

39Mais le plus grand nombre d’occurrences du mot « alma » se trouve dans la troisième partie de Piedra y cielo : p. 150, 152, 178, 180, 184, 188, 206, 210, 216, 220, 234, 238, 242, 248, 254, 258, 264, 266, 268, 276. Vingt fois donc « alma » est au cœur de la création poétique.

40Il y a ici des expériences très fortes, profanes mais ontologiques ; les effets du dehors, des éléments, non anecdotiques, se manifestent et l’âme les ressent, qu’il s’agisse du vent, des étoiles ou du soleil : « ¡Ay, día en carne viva, / en alma viva! » (III, p. 180).

41L’âme devient un personnage, une entité capable de gestes : elle apparaît sous forme d’images, se métaphorise ou s’allégorise. Ainsi l’arbre produit-il du fruit, mais cet arbre est un symbole du bonheur, ou plutôt une allégorie, et l’âme peut en recueillir le fruit :

¡Ventura; ¿qué árbol invisible e infinito
da tu fruto, que el alma
a veces coje, pleno?
(VII, p. 188)

42Le poème XVIII apparaît comme un programme créateur contre « la hora mala ». Les abstractions seront des garantes : « la idea », « el buen corazón » ; des fosses symboliques seront couvertes d’âme fleurie, ce qui équivaudra à y ensemencer des roses ; un enchaînement imaginal serré suggère que toutes ces roses proviendront de l’âme, qui, bien taillée, se métaphorisera in absentia en rosier. L’âme créatrice a donc ici tous les rôles : remède (roses) et instrument créateur (rosier) :

Después,
en un retorno lento y sonriente,
ir cubriendo con alma florecida
las fosas entreabiertas, apretando
las rosas dentro de ellas
– ¡todas, todas las rosas;
que el alma bien podada,
no dejará de darlas ya! –
(XVIII, p. 210)

43La mise en valeur d’un bonheur de l’âme sans cesse croissant se fait par le biais de l’invention d’images ou de représentations métaphoriques de cette âme qui est d’abord un espace, un lieu mais irreprésentable. Ainsi, le locuteur dit-il :

Tesoro mío de mañana,
¿cuál serás tu ? ¿por qué rincones
de mi alma te escondes y me burlas
que hasta parece, ¡ay!,
que no eres mío?
(II, p. 178)

Cada latido suyo cava
una mina divina de tesoros
en mi alma.
(XXI, « Ocio lleno », p. 216)

44Puis le locuteur précise les contours spatiaux de l’âme, d’où des métaphores qui évoquent des paysages, des édifices destinés à abriter le bonheur, la joie, une sorte de plénitude. L’âme occupe plusieurs lieux, elle s’amplifie, elle est liée à l’idée d’infini. Après la métaphore de « Mi ciudad interior » surgissent plusieurs images de l’âme :

¡Jardines de mi alma,
atravesados, uno tras otro, por las graves
luces nunca últimas;
cárceles, muros de mi alma,
deslumbrados, arriba, de nostaljias infinitas;
y luego, costas solas de mi alma,
al nunca puesto mar poniente!
(XVI, p. 206)

Las últimas montañas de mi alma
me acercan, con la luz, sus florecillas.
(XXIII, p. 220)

¡A todo llega el alma! (XXIII, p. 222)

45L’âme est donc la source de joies plurielles, totales et en même temps elle est pure et nue :

¡Paisaje ancho y uno de mi vida,
con mi alma desnuda inmensamente para mí
– ¡para mí todo y solo! –
en esta larga tarde de sol puro!
(XXXI, p. 238)

¡Gota de miel, que paladea
el alma loca, en súbita quietud sonriente,
(XXXVI, p. 248)

46Le moi parvient à l’extase, car, dit-il, l’âme est arrivée à travers la chair à un sentiment d’éternité, ainsi dans « Luz » :

Por dentro, era un éstasis con sol,
aislado, como el sentimiento
eterno y conseguido de mi alma,
dentro de los trastornos de mi carne.
(XXXIX, p. 254)

47L’on pourrait dire que le moi a traversé diverses expériences et est parvenu à une sublimation profane, à une extase qui est au fond parallèle ou comparable à une démarche mystique, par exemple celle de Juan de la Cruz. Mais cela est sans équivoque : il n’y a aucun accès à un Dieu, à une révélation divine. Nous sommes en présence d’un itinéraire humain, au sein du cosmos qui fournit les images de l’âme. Il est dit et répété que la pensée humaine est fondamentale ; certes, elle ne peut pas tout expliquer, mais elle régit la vie du moi. Un poème, le XXXIII, rend compte de cette certitude d’être qui caractérise le locuteur juanramonien :

De pronto, me dilata
mi idea,
y me hace mayor que el universo.
Entonces, todo
se me queda dentro. Estrellas
duras, hondos mares,
ideas de otros, tierras
vírjenes, son mi alma.
Y en todo mando yo,
mientras sin comprenderme,
todo en mí piensa.
(p. 242)

48Contradictions, paradoxes sont surmontés, en dehors de toute naïveté ou idéalisme. La poésie a construit cette perception d’un tout, elle a inventé une nouvelle vie du moi où l’âme est heureuse, mais cela n’est possible que dans la mesure où le moi rend équivalents les termes antithétiques « todo » et « nada » : « firme, hacia todo, / … o, es lo mismo, hacia nada! » (XL, p. 258).

49Il y a là une réussite puisque, dans l’avant-dernier poème du recueil –un tercet–, l’âme dit au moi qu’il est tout : « ¡Cómo, meciéndose en las copas de oro, / al manso viento, mi alma /me dice, libre, que soy todo! » (XLIX, « Tarde », p. 276) ce qui constitue une réponse parfaite au poème VII :

¡Qué inmensa desgarradura
la de mi vida en el todo,
para estar, con todo yo,
en cada cosa;
para no dejar de estar,
con todo yo, en cada cosa!
(p. 30)

50L’âme a donc ici un rôle capital, puisqu’elle transmet au moi une parole qui devient aussitôt poème.

51Cependant, notre lecture est incomplète. Comment, en effet, le locuteur est-il parvenu à cette acmé sans aborder la question de la mort ? Ce livre contient certes des signes négatifs –limites, échecs– mais la mort n’est pas au centre de l’écriture, parce que le locuteur envisage essentiellement son propre rapport au temps, d’où le fait qu’il dise dans XL qu’il est arrivé à penser à la mort, « con gusto », ce qui l’a amené à naître à nouveau, donc à vivre autrement, en oubliant les souvenirs du passé :

Ha sido igual que otro
nacer, como un entrenacer,
entre el nacer primero
y el último, el morir.
(XL, p. 256)

52La démarche du moi est donc de nature philosophique, ontologique : elle aboutit à une posture face au temps en général, et pas seulement à la mort.

53Mais notre lecture reste encore partielle, car nous n’avons pas tenu compte de la présence d’une certaine fleur, à la fois à l’arrière-plan et au premier plan, dans quelques poèmes seulement qui, en réalité, sont fondamentaux pour l’écriture des poèmes et le triomphe de l’âme. Un mot, en effet, retient notre attention : « rosas ». D’abord dans le premier poème dont j’ai déjà parlé, I « El poema », p.18. Pourquoi la rose y est-elle un modèle poématique parfait ? L’on songe à Gertrude Stein : « The rose is a rose is a rose ». Il n’y a là rien de nouveau, la rose étant la fleur majoritaire de la poésie mondiale, mais la réinvention formelle d’un topique est surtout une revitalisation. Un deuxième texte, « Rosas », nous oriente clairement vers une sorte d’abrégé amoureux, dont la sensualité est patente ; femme nue, âme et corps du moi, donc les amants :

Me andas por dentro,
mujer desnuda,
como mi alma.

________________
Y es mi cuerpo, contigo,
como una larga galería májica,
que sale a un soleado mar sin nadie
. (XXVI, « Rosas », p. 74)

54Le poème XLVII, également intitulé « Rosas » est, selon moi, l’un des textes majeurs du livre et peut-être aussi de J. R. Jiménez. Il y a là, de manière indirecte, par le biais de l’arrosage des roses, une gestualité amoureuse d’une éclatante sensualité. « Tu amor », les premiers mots du poème, sont très clairement posés et sont associés à l’adjectif « alegre ». Ici s’entrelacent « sus brazos frescos », « mi corazón », « mi pecho », « mi alma », « mi boca », « mi corazón ». Les tirets, les points d’exclamation et de suspension, contribuent à créer ce joyeux rythme amoureux qui est un mime poétique de l’amour sensuel : « ...Tu amor –¡qué alegre!– / riega sus rosas con mi corazón » (XLVII, p. 118).

55Enfin, un autre texte intitulé « Rosas » (XVII), crée une identification totale entre des roses rouges et le « tú » ; il y a là plus qu’une métaphore, un jeu visuel audacieux sur les pronoms « tú », et « tús », ce dernier au pluriel, porteur de l’accent, traduisant la riche diversité de l’aimée présente et célébrée :

Me olvido – meditando –,
y, de pronto, estas grandes rosas granas
son tú –
unas cuantas tús frescas, desnudas –,
que andas por mi cuarto,
alrededor de mí…
(XVII, p. 208)

56Cependant le livre, dans sa partie finale, retourne aux mots abstraits richement vécus : « belleza », « eternidad », « alma », tout en les imprégnant de cette intense sexualité liée à la rose et donc à Zenobia Camprubí ; ainsi, le XLIII mime-t-il la rencontre charnelle des amants, éternelle et sans limites :

¡No estás en ti, belleza innúmera,
[…]
¡Estás en mí, que te penetro
hasta el fondo, anhelando, cada instante,
traspasar los nadires más ocultos!
[…]
en una sola llama –; estás en mí, que te entro
en tu cuerpo mi alma
insaciable y eterna!
(XLVIII, p. 264)

57Tout au long de ces lectures, il apparaît clairement que les interrogations sur le temps et les références constantes à l’espace sont les supports de la démarche ontologique du locuteur, d’où la nécessité de passer à un troisième moment de notre réflexion.

Réinvention du temps et de l’espace

58Pour mieux comprendre la démarche du moi, il faut d’abord s’interroger sur le rapport qu’entretient le locuteur avec le temps, rapport parfois difficile, qui suscite des revirements, alors que la perception de l’espace est plutôt la source heureuse d’images de la beauté.

Le temps réinventé : vers une apologie de l’instant face au passé.

59Les poèmes VIII, IX, X, XI, XII et XIII, six poèmes donc, ont pour titre « El recuerdo ». Nous sommes au début de la première partie du recueil. Au moment où le locuteur veut être tout en chaque chose, il perçoit la terrible question du passage de l’instant au souvenir, « Este instante / que ya va a ser recuerdo, ¿qué es? » (VIII, « El recuerdo », p. 32) car ce qui va être souvenir ne sera plus, d’où ce désir absolu et impossible à la fois :

… ¡oh, sí, pasar, pasar, no ser instante,
sino perenidad en el recuerdo!
(VIII, p. 32)

 ¡Instante, pasa, pasa tú que eres –¡ay!–
yo!
(VIII, p. 34)

60Le locuteur cherche à retenir fortement les souvenirs : « ¡No te vayas, recuerdo, no te vayas ! » (X, p. 38). Le vent les emporte, mais ils occupent un espace, même variable, d’où la métaphore des dunes ou bancs de sable :

El viento se los lleva
y donde están, están,
y están donde estuvieron,
y donde habrán de estar… –
Médanos de oro –, (IX, p. 36)

61La seule possibilité serait une coïncidence entre le souvenir et l’être, le moi en tant qu’être : « ¡Oh recuerdo, sé yo ! » (X, p. 40). Mais le souvenir est sous le signe de la contradiction, à la fois beau, d’où des comparaisons qui en font l’éloge, « como una rosa en un desierto » (p. 42), et fragile, d’où cet oxymore : « de primavera única, / de los recuerdos olvidados! » (XI, p. 42).

62Il n’est donc pas possible de parvenir à une définition stable du souvenir, d’où le côtoiement de termes contraires :

¡Múltiple red, que no sabe
si, en su ramazón, es
música, olor, color, amor,
o muerte!
(XIII, p. 46)

63Mais, pour avancer dans le livre (surtout dans la première partie), le locuteur a de plus en plus recours à une rhétorique créatrice, qui met en avant l’imaginaire et se fonde sur l’allégorie. Ainsi, dans le poème XII, « El recuerdo », le fleuve initial est placé sous l’âme du moi, qui y voit les étoiles trompeuses. L’être est menacé et, face à l’interrogation sur soi, surgit l’exclamation dynamisante :

¿Soy ? ¡Seré!
Seré, hecho onda
del río del recuerdo…
(XII, p. 44)

64Ce fleuve n’est pas celui de nos vies comme chez Manrique ; il est celui qui charrie les souvenirs, d’où le fait que le moi, pour réussir à être, décide d’être aussi métaphoriquement cette eau, mais non pas en victime, car le dernier vers du poème évoque l’eau, le mouvement de l’eau vers la vie : « ¡Contigo, agua corriente! » (XII, p. 44).

65Dès lors, comment conjurer la part négative de ce qui pourrait tendre vers l’oubli des souvenirs ? D’une part, le locuteur notifie par antithèse le règne de l’oubli à la fois possible et impossible, un concept radicalement autre :

Tus recuerdos están
– todos, ¡oh, cuántos!
en el sol de mi olvido total, otro universo,
cual las estrellas en el día.
(XLIII, p. 110)

66D’autre part, dans un autre poème, les souvenirs toujours vifs sont comparés à des « mariposas tristes / por ruinas que son ruinas hoy! » (XXXIX, p. 102). Comment sera-t-il alors possible d’assumer le souvenir ? Une autre expérience s’impose, celle du songe caldéronien peut-être perceptible à l’horizon, le rêve ou le songe que le locuteur nomme très tôt, dès la première partie :

¡Sueños de otro hemisferio
de lo infinito!
(XXII, « El nuevo día », p. 66)
soy yo aquí, soñando. (XXVIII, « Nube », p. 78)

67Plusieurs poèmes, évoquent la relation entre rêve et réalité ; dans certains cas, la beauté du monde l’emporte sur le rêve,

¡Momentánea dulzura de la vida,
en que la realidad –¡y aun mal despierta!
supera el sueño!
(XXXV, p. 94)

68et la fleur, qui enserre, de nuit, « un sueño infinito », le délivre, dès qu’elle s’ouvre, le matin :

da, en un punto, al abrirse con el día,
toda la esencia de su sueño!
(XXXVIII, p. 100)

69Mais le songe l’emporte en tant que tel, dans la deuxième partie du livre, « Nostaljia del mar », car la mer représente une somme d’expériences toutes créatrices, le moi s’adonnant à la plénitude du rêve, à ses richesses, à ses difficultés aussi :

Yo, en mí, soñando
más, más, más. Más, más, más, soñado
en las tierras, estrañas, tras el mar.
(IV, « La obra », p. 146)

70Le parcours marin conduit donc à « la unidad mía » (VIII, « Noche », p. 158), mais la troisième partie marque l’accès à toutes les beautés du cosmos. Le moi acquiert une connaissance exaltante de l’univers, à la fois de l’espace et du temps (IX, p. 192). Il se réveille avec bonheur et jouit par tous ses sens de la beauté du monde, chaque jour nouvelle (XXVII, p. 230).

71Une autre conception du temps découle de cette somme d’expériences : en effet, dans « Actualidad », le locuteur écrit :

¡Hagamos grande sólo la verdad presente! (XXVIII, p. 232)

72ce qui confirme la quête totale de l’instant éternel déjà entamée dès le début du livre, ainsi dans le XXXII : « ¡Lo que iba a ser mi minuto, / fue, corazón, mi infinito! ».

73Désormais, les mots « eterno », « eternidad » ont leur plein sens, mais tout continue de se faire grâce à l’acceptation des contraires,

¡a estasiarme en la vida,
hasta quedarme, eterno ahora, muerto!
(XXXVII, « La gloria », p. 250)

afán de gozarlo todo,
de hacerme en todo inmortal!
(XLI, « Nostaljia », p. 260)

en tu cuerpo mi alma
insaciable y eterna!
(XLIII, p. 264)

74Nous parvenons à un complexe maniement des paradoxes. Passé, présent et futur sont évoqués dans le XLVI, mais à nouveau pour créer la surprise du lecteur, car, si le moi dit sa jubilation face au présent et à l’avenir, il définit paradoxalement le souvenir comme celui d’un temps qui ne s’est pas encore écoulé et non pas comme celui d’un passé :

¡Todo lo vivo y por vivir en mí; yo
todo en lo vivo y por vivir; con los recuerdos nada más,
de lo que no ha pasado todavía,
de lo que va a venir seguramente!
(XLVI, p. 270)

75Déjà dans le poème immédiatement antérieur, le locuteur a célébré l’oubli qui n’est pas celui du passé, mais un oubli paradoxal et nécessaire qui permet de réinventer la temporalité,

¡Olvido, hermoso olvido,
libertador final
de nuestro nombre puro,
en la imaginación del tiempo feo!
(XLV, « El olvido », p. 268)

76C’était là la condition indispensable à l’accès à une totale correspondance entre le paysage de l’âme, le paysage intérieur et le pur éclat du soleil :

¡Paisaje ancho y uno de mi vida,
con mi alma desnuda inmensamente para mí,
– ¡para mí todo y solo! –
en esta larga tarde de sol puro!
(XXXI, p. 238)

77Comme on a pu l’entendre constamment lors de l’évocation de la temporalité –qui est réinvention poétique–, l’espace apparaît dès le départ dans Piedra y cielo et il accompagne le temps. L’on parlera maintenant de ses rôles.

De la feuille d’arbre à l’infini stellaire

78L’univers impose aussitôt son immensité : galaxies, soleil omniprésent, étoiles, lumière s’allient à des termes temporels relatifs au jour et à la nuit. Ces lieux et temps sont interpelés ; ils font l’objet d’exclamations : ils sont donc intrinsèquement lyriques et ils sont également totalement familiers au locuteur. Langage savant et langage simple se côtoient ou même s’entrelacent. Le locuteur a une approche très sensorielle et sensuelle du monde ; il contemple certes, mais aspire aussi au contact :

¡Cuánto tardas en salir,
sol de hoy, sol de hoy!
(IV, « Amor », p. 24)

¡Oh, goce inenarrable,
hundir las manos en tus entrañas,
remover tus estrellas!
(XVI, p. 54)

79Il y a comme des va-et-vient entre le moi et le cosmos, de véritables métamorphoses, tandis que le moi renvoie au monde ce qu’il en a capté ; une sorte de circuit s’établit donc ainsi entre le locuteur et l’univers :

Tierra del alba,
oscura,
calada de luceros;
¡cómo te haces tú corazón mío!
Flores del alba,
mates,
empapadas de estrellas;
¡qué bien os derramáis de mis ojos! (XVII, p. 56)

La vía láctea
sale de mí, pasa por ti,
y vuelve a mí, círculo único.
(XXXIV, « Nocturno », p. 92)

80Le monde est beauté : il faudrait recenser et commenter le rôle du végétal, des arbres et des fleurs toujours créateurs, au littéral et au figuré. L’on remarque dans le poème XXIV, (« Cuesta arriba », p. 70), l’immense amandier en fleur, sa blancheur sous la lune et l’on retrouve ici une autre symbiose, la plongée imaginaire symbolique de cet arbre dans la chair et l’âme du locuteur. On a déjà abordé le rôle des roses dans le livre (p. 18, 74, 118, 168, 208), ces roses liées au corps nu de la femme, et la nature toute entière est elle-même un grand corps nu,

¡Quién, quién, naturaleza,
levantando tu gran cuerpo desnudo,
(XIX, p. 60)

81Immense et beau, le cosmos a toujours du sens, mais les signes les plus minuscules en ont tout autant ; ainsi une petite feuille verte au soleil représente-t-elle le désir de totalité du locuteur, désir de jouissance et d’immortalité :

¡Hojita verde con sol,
tú sintetizas mi afán;
afán de gozarlo todo,
de hacerme en todo inmortal!
(XLI, « Nostaljia », p. 260)

82Il nous faut cependant revenir au titre du livre et aux trois parties, où trois mots retiennent l’attention, soit qu’ils agissent seuls, soit qu’ils fonctionnent à deux ou surtout à trois : « tierra », « mar », « cielo ».

83Tierra. Regardons d’abord du côté de la terre. Employé seul, le mot se trouve dans trois poèmes de la première partie et dans deux de la troisième partie. « Tierra » désigne ici la matière brute, non métaphorisée, littéralement qualifiée :

¡Oh, qué riego de tierra
olorosa y mojada,
(II, « El poema », p. 20)

Tierra del alba,
oscura,
(XVII, p. 56)

¡Entre la tierra húmeda,
qué olor a eternidad!
(L, « Perro divino », p. 126)

– Me tuve que tirar
en tierra,
(X, « Remolino », p. 194)

ideas de otros, tierras
vírjenes, son mi alma.
(XXXIII, p. 242)

84Le rôle de la terre s’enrichit dès que le mot est associé à deux autres mots : « mar » et « cielo ». Un texte nous livre une clef : « Nocturno soñado », septième poème de « Nostaljia del mar » :

La tierra lleva por la tierra;
mas tú, mar
llevas por el cielo.
(VII, p. 152)

85La terre ne réussira pas seule à accompagner le moi dans sa démarche ontologique ; elle peut ne conduire, narcissiquement, qu’à elle-même, aussi faut-il que la mer apparaisse qui conduit au ciel. Cependant, tous les autres exemples placent les trois mots « tierra », « mar », « cielo » sur un pied d’égalité, pas nécessairement d’ailleurs dans le même ordre au sein de l’énumération. Voici un exemple de la première partie :

Las estampas aquellas de los libros,
fueron mar, tierra, cielo
navegado, pisada, penetrado
por mí
[…] (XXXIII, « Cristales », p. 88-90)

86Puis, dans « Nostaljia del mar », nous lisons aussi :

el mar, la tierra, las estrellas… (XI, « Anochecer de otoño », p. 162)

87et l’épitaphe du marin aboutit à ce dernier vers :

En la ignorancia, estás
en todo –cielo, mar, tierra– muerto.
(XIII, « Epitafio ideal de un marinero », p. 166)

88Dans la troisième partie, on enregistre un joyeux mouvement entre terre et ciel, et en ce cas « cielo » devient le dynamique « cielos » :

¡Qué alegría este vuelo cotidiano,
este servicio libre,
de la tierra a los cielos,
de los cielos, ¡oh pájaro!, a la tierra!
(IX, p. 192)

89Mar. Que représente, dès lors, la présence du mot « mar », seul ou accompagné, dans les trois parties du livre ?

90Dans la première partie, la mer est surtout liée à un climat festif, amoureux et elle a essentiellement une valeur symbolique, car elle transcrit des émotions et des passions ; elle y surgit cinq fois : dans VI, « Amor » (p. 28) ; XIII, « El recuerdo » (p. 48) ; XXVI, « Rosas » (p. 74) ; XXXIII, « Cristales » (p. 88) ; XXXIX (p. 102).

91Dès son titre, la deuxième partie annonce que la mer est absente du lieu et des circonstances de l’écriture, mais, si le locuteur poétise sa nostalgie, c’est que la mer a impliqué des situations, des pensées et des émotions qui seront capitales, avant de parvenir au but de l’itinéraire, dans la troisième partie. Les quinze poèmes (p.138-173) comportent dix occurrences et quatre autres, où la mer n’est pas nommée et où est évoqué le trajet d’un métonymique bateau. Ici l’emporte le symbolisme des lieux et des faits. En effet, l’expérience d’un moi navigateur est exclusivement symbolique : II, « Mares » (p. 140) ; VI, « Ruta » (p. 150) ; XII, « Las ocho de la tarde » (p. 164) ; XV (p. 172). Nous avons recensé quatorze occurrences du mot « mar : » : IV, « La obra » (p. 146) ; V, « Ideal » (p. 148) ; VII, « Nocturno soñado » (p. 152-154) ; VIII, « Noche » (p. 156) ; IX (p. 158) ; XI, « Anochecer de otoño » (p. 162) ; XIV, « Rosas » (p. 168-170).

92La troisième partie ne comporte plus que deux occurrences du mot “mar”. Ceci est logique, puisque le moi a assumé et dépassé sa nostalgie en intégrant ses expériences marines dans son propre moi :

al nunca puesto mar poniente! (XVI, p. 206)

Entonces, todo
se me queda dentro. Estrellas
duras, hondos mares,
(XXXIII, p. 242)

93Cielo. Le dernier terme fondateur est « cielo », qui ne surgit que deux fois dans « Nostaljia del mar », d’ailleurs associé à d’autres termes. En revanche, « cielo » est omniprésent dans la première et la troisième parties, comme objet ou objectif fondamental d’une démarche ontologique et d’une diction particulière. Le moi célèbre la beauté du ciel, notamment celle du ciel bleu, « cielo azul », qui est absolue, parfaite et qui est à l’origine de la jouissance, du bonheur et aussi d’interrogations permanentes.

94La première partie comporte les occurrences suivantes :

fuese este cielo azul (XVIII, « A la vejez amada », p. 58)

que estrellas con mi alma todo el cielo! (XXIV, « Cuesta arriba », p. 70)

Lo que yo te veo, cielo
eso es el misterio;
(XXVIII, « Nube », p. 78)

¡Qué hermosa muestra eres, cielo azul del día,
[…]
¡Qué ejemplo hermoso eres, cielo azul nocturno, (XXX, p. 82)

el cielo azul que disminuye
en un agua parada que se seca!
(XLI, p. 106)

El cielo, en el olvido
de mi dormir, se había
olvidado de ser lo que es.

[…]
El cielo no era el nombre,
sino el cielo.
(XLII, « Madrugada », p. 108)

en donde el cielo cuelga su tesoro
menor, de vagas platas.
(X, « Sueño », p. 160)

95La troisième partie comporte six occurrences, toutes créatrices, souvent ludiques, exaltées : VI (p. 186) ; XIX (p. 212). On observe parfois une certaine préciosité : XIX, « Nocturno » (p. 214) ; XXVI (p. 228) ; XXVIII, « Actualidad » (p. 232) ; XXIX (p. 234).

96Ce ciel synonyme de beauté infinie est à la fois totalement littéral, profane, matériel, à la source ou producteur de sensations, et aussi riche en symboles, sécrétant du sens figuré : intériorité, pureté, liberté, sans aucune dimension sacrée, religieuse ou transcendante. L’œuvre se construit sur le désir, la force du désir d’être, tandis que la progressive accession au bonheur est traversée par « Amor », une présence amoureuse, « mujer desnuda », liée aux roses, à la rose qui a traversé la mer, c’est-à-dire la femme aimée qui a franchi l’océan pour rejoindre le poète.

97Mais trois autres mots nous rappellent que tout ce qui est dit ici et qui peut être lu par nous est de l’ordre d’une écriture d’un type particulier, d’où ma synthèse finale sur Piedra y cielo.

Poème, œuvre, livre. « Poema », « Obra », « Libro »

98Le locuteur ne dit jamais qu’il est poète ni qu’il écrit de la poésie. Il n’a aucun lien non plus avec un lecteur jamais nommé. J. R. Jiménez pratique parfois le tutoiement (avec la femme aimée) et il interpelle les éléments naturels, la prosopopée lui étant très familière. On a signalé les énigmes de ces textes tout en soulignant la simplicité du lexique, tout se jouant sur le lyrisme exclamatif. Il n’y aura pas de métalangage au sens contemporain, ni Mallarmé, ni Valéry, aucune réflexion sur la page blanche et la difficulté d’écrire, mais, ponctuellement, de place en place, surgissent des titres qui retiennent l’attention car ils désignent ce que réalise poétiquement J. R. Jiménez : « poema », « obra », « libro », avec, à côté, quelques rares autres mots : « canción », « nombre ».

99Poema. Trois textes, I, II, III ont pour titre : « El poema » : ils sont placés au seuil du livre dont ils assurent en quelque sorte l’inauguration.

100Le premier (I, p 18) implique que le poème est déjà fait, totalement achevé et que rien ne doit en être modifié, comme si la perfection était atteinte dans l’écriture de J. R. Jiménez. Ce texte bref, déjà cité, est un distique qui notifie un conseil fortement dissuasif, lui-même fondé sur l’existence de la rose, dont la perfection est une évidence absolue qui n’a aucun besoin d’être démontrée, ce qui explique l’absence de toute qualification, donc de tout mot se référant à autre chose qu’à l’être : « ¡No le toques ya más / que así es la rosa! » (p. 18). À qui s’adresse ici J. R. Jiménez ? À lui-même ? À tout éventuel poète ? Sans doute aux deux à la fois.

101Dans le deuxième (II, p. 20) –un distique et un quatrain– le moi déracine une touffe qui est encore imbibée de rosée aurorale. Il s’exclame avec bonheur en aspirant l’odeur de terre mouillée ; il s’agit jusqu’ici de l’évocation de sensations bienfaisantes, mais le mot « lluvia », métaphoriquement associé aux étoiles qui éblouissent le moi, peut être vu comme le signe de la création poétique, qui part de la matière –terre et eau symboliques– et des sens de l’homme pour faire accéder à une autre étape, celle de l’invention poématique sublime et aveuglante.

102Le troisième poème (III, p. 22) est un quintil, où le moi emploie encore la prosopopée, puisqu’il tutoie cette « ¡Canción mía, » qu’il a composée. Le locuteur exhorte le texte à être d’abord un signifiant sonore en soi, car, même avant d’être lu, ce texte est musique et sa simple vue doit déjà proclamer sa beauté et sa grâce. L’on découvrira le mot « Canción » suivi de « corta », « Canción corta, » dans la troisième partie de Piedra y cielo et cette chanson devient plurielle, à l’image du monde et de la vie du locuteur (p. 186).

103Obra. Mais qu’en est-il de l’œuvre, mentionnée à trois reprises : « La obra I » (p. 52), « La obra II » (p. 62), « La obra III » (p. 146) ? Dans le premier texte, est mise en valeur la lutte que doit mener le poète contre son impatience radicale pour créer l’œuvre, qui se devra d’être certes violente et intense, mais également retenue, ralentie, d’où l’image oxymorique du poulain, qui est le libre esclave de son maître : « libre esclavo de su dueño » (p. 52).

104Le II évoque le lieu favori du poète, sa bibliothèque riche en livres. Le sentiment qui l’emporte ici est celui d’une radicale différence et d’une solitude du moi. L’on perçoit une allusion à un difficile rapport de J. R. Jiménez aux autres, mais surtout la fierté de cet auteur qui, même ignoré des autres, se sait et se dit en possession de l’infini (p. 162).

105Dans le III, telle la vie, la mer crépusculaire va vers sa nudité ; quelqu’un passe sur la plage, et enfin surgit le moi, habité par un rêve, celui des terres qui existent au-delà de la mer ; le gérondif « soñando » est aussitôt suivi du participe passé « soñado », tous deux placés en fin de vers pour que ce poème puisse symboliser le passage de l’intériorité du poète à la réalisation concrète de l’œuvre, ce qui a impliqué une tension très forte, une croissante créativité, ce dont témoigne la récurrence du mot « más » :

Yo, en mí, soñando
más, más, más. Más, más, más, soñado
en la tierras, estrañas, tras el mar.
(p. 146)

106Libro. L’existence de l’œuvre exige ainsi avant tout une mise en œuvre dont rendent compte les trois poèmes intitulés « La obra », mais la troisième partie de Piedra y cielo ne fait plus apparaître ce substantif, car un autre mot s’impose, « libro ». Nous touchons ici à l’essentiel, puisque ce qui est fini, remis comme tel et définitif est ce livre en trois parties, donc un objet précis, idéalement réalisé.

107Le livre a déjà été désigné dans la première partie, le LIII étant l’avant-dernier poème de cette partie. Il s’agit d’un tercet exclamatif qui propose une définition du « libro » sans autre qualificatif. Le livre est objet de désir, celui d’être partout et dans la solitude : le tout et le moi.

¡Libro, afán
de estar en todas partes,
en soledad!
(LIII, p. 132)

108et le poème suivant, le dernier de cette partie, contient une définition synthétique de la pratique menée : à la fois des racines et des ailes, la terre et le ciel. L’on remarque que le moi n’est pas mentionné : est-ce là le livre ou plutôt, par le biais du neutre « lo », un concept qui sous-tend ce qui est en train de se vivre et de s’écrire :

¡Libertad de lo bien arraigado!
¡Seguridad del infinito vuelo!
(LIV, p. 134)

109Mais la troisième partie marque un apogée, le signe d’une réussite, celle du livre obtenu. Deux poèmes définissent pleinement ce livre ; l’auteur s’y manifeste sans réserve.

110Dans « Tarde », le monde paraît illuminé d’or dans le premier quatrain ; le corps fut cendre (liquidation du passé), mais l’âme « sin final goteando ». Le livre est désigné dans le dernier quatrain, trois fois qualifié par l’adjectif, et il est métaphorisé en cristal transparent où pourra être vu, magiquement, le futur :

Y el libro, transparente
siempre, fresco e ingrávido.
¡Cristal por el que se vea
futuro tras futuro májico!
(LIV, « Tarde », p. 266)

111Le cinquantième poème de cette troisième partie est le dernier. Le point est fait, car le but du poète est pleinement atteint. Piedra y cielo est le livre du moi, ceci étant dit pour la première fois :

Quisiera que mi libro
fuese, como es el cielo por la noche,
todo verdad presente, sin historia.
(L, p. 278)

112L’auteur souhaite que son livre soit l’accomplissement de son désir, celui qu’il a exprimé, donc une vérité à la fois présente, sans temps, sans histoire. Tout sera dit à chaque instant (autre projet déjà répété), également sans temps humain individuel. Les formes et les contenus sont énumérés : « ¡Temblor, relumbre, música / presentes y totales! » (p. 278) et, au dernier vers s’impose « –cielo del corazón– », c’est-à-dire l’infini stellaire dans le cœur humain (sensibilité, sensualité du corps), sans les mots « Tierra » et « Piedra ». Le livre est enfin défini en son essence : « del libro puro! ».

*

113Comment conclure sur le titre final du livre ? Tierra ne suffisait pas, malgré sa présence amplement signalée ; il fallait une autre matière plus dure et plus durable, Piedra, terrestre aussi, pour que ce livre apparaisse comme une résultante, celle de la confluence en poésie de deux entités séparées et contradictoires, –matière et non-matière–, l’une, symbole de durée et de résistance au temps, l’autre, symbole d’infini et d’éternité, toutes deux désormais inséparables dans le livre définitif de J. R. Jiménez, Piedra y cielo.

Notes

1 Juan Ramón Jiménez, Piedra y cielo. Pierre et ciel, trad. et intro. de Bernard Sesé, Paris, José Corti (coll. « Ibériques »), 1990. Cette édition reproduit le texte espagnol de l’ouvrage suivant : Juan Ramón Jiménez, Piedra y cielo (1917-1918), Madrid, Taurus, 1981. Les particularités orthographiques voulues par le poète sont respectées.

2 Juan Ramón Jiménez, Piedra y cielo…, op. cit. Les trois parties du recueil s’organisent de la manière suivante : I « Piedra y cielo », p. 16-135 ; II « Nostaljia del mar », p. 136-173 ; III « Piedra y cielo », p. 174-279. Afin d’éviter la surabondance de notes, toutes les références paginales figureront immédiatement après les citations.

3 Diccionario general ilustrado de la lengua española Vox, Barcelona, Biblograf, 1987, p. 1138.

Pour citer ce document

Marie-Claire Zimmermann, « Sur la genèse d’une écriture poétique : Piedra y cielo, de Juan Ramón Jiménez » dans « Juan Ramón Jiménez: tiempo de creación (1913-1917) », « Travaux et documents hispaniques », n° 8, 2017 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Marie-Claire Zimmermann

Université de Paris-Sorbonne