8 | 2017
Juan Ramón Jiménez: tiempo de creación (1913-1917)

Ce volume recueille les communications présentées lors du colloque « Juan Ramón Jiménez: Tiempo de creación (1913-1917) » organisé par Annick Allaigre et Daniel Lecler (Laboratoire d’Études Romanes EA 4385) les 19 et 20 mars 2015 au Colegio de España de la Cité Internationale Universitaire de Paris et à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis. Coordonné par Daniel Lecler et Belén Hernández Marzal, l’ouvrage s’intéresse à une période de création particulièrement intense durant laquelle Juan Ramón a en partie forgé sa poétique. La réflexion s’articule en trois moments. Le premier est consacré à une figure décisive dans la vie du poète : celle de Zenobia Camprubí de Aymar, le second au poète comme traducteur, le troisième, enfin, à l’une de ses œuvres majeures, Platero y yo.

Couverture de

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« Un retrato es ante todo un documento » : la galerie des hommes illustres de Juan Ramón Jiménez et Joaquín Sorolla

Virginie Giuliana


Texte intégral

1Juan Ramón Jiménez écrivait dans l’un de ses aphorismes : « un retrato es ante todo un documento, pintor »1. En effet, le poète connaissait bien l’art du portrait, tout comme le peintre Joaquín Sorolla ; un genre qui permet à son modèle de passer à la postérité, quand ce qu’il reste d’une époque est devenu poussière. Le portrait acquiert, de plus, une dimension sociale : le portraitiste transmet au modèle de son prestige. Selon José Luis Diez, le fait même de commander un portrait était le signe d’appartenance aux hautes sphères sociales2.

2À cette époque, Joaquín Sorolla a le vent en poupe : en 1910, il atteint le point culminant de sa carrière, en enchaînant les triomphes et raflant des prix prestigieux qui lancent définitivement sa carrière. Quant à Juan Ramón Jiménez, son nom est déjà connu comme l’un des plus prometteurs de sa génération. Mises à part les nombreuses occasions où les noms du peintre et du poète se retrouvent liés, la création de la galerie des hommes illustres, autrement dit, la série de portraits créée par Sorolla et Juan Ramón, est une véritable mine d’informations concernant la vie culturelle de cette période : les portraits réalisés par le peintre commencent en 1906 tandis que les premiers portraits littéraires de Juan Ramón sont rédigés à partir de 1914, qu’il publiera, par la suite, sous le nom de Españoles de tres mundos (1942).

3C’est pourquoi je m’intéresserai à la valeur testimoniale qu’acquièrent ces portraits picturo-littéraires conformément aux relations de Juan Ramón Jiménez et Joaquín Sorolla avec les intellectuels de leur époque. Pour ce faire, j’ai sélectionné une série de portraits de Sorolla et de « caricatures lyriques » de Juan Ramón Jiménez utilisant les mêmes modèles, réalisés par le peintre entre 1909 et 1920, et par le poète entre 1914 et 1940, tel qu’il l’annonce dans son recueil de portraits. À travers ces œuvres, nous pourrons observer d’une part la circulation entre les arts et, d’autre part, les relations entre artistes et intellectuels, notamment durant la période passée à la Résidence d’étudiants par le poète. Par conséquent, après une incursion dans l’art du portrait, j’aborderai le thème des commandes et les conditions de réalisation de cette galerie. Puis, j’analyserai les relations entre les distincts protagonistes à travers les tableaux pour, enfin, clore cette étude sur la dimension méta-artistique de ces représentations3.

L’art du portrait : utilité et symbolique

4Si l’on s’en tient à la définition qu’en donne Margarita Iriarte López, le portrait est une manifestation artistique qui a, en général, pour objet l’être humain dans une relation de ressemblance. Autrement dit, il s’agit d’une représentation artistique ayant pour objectif la similitude avec le modèle auquel elle est liée4. Déjà par le passé, le portrait était considéré le fil tendu vers l’immortalité, qui s’interprète comme une sorte de « victoire sur la mort et une continuation de la vie » dans l’au-delà5 ; de même que le sujet représenté incarne une catégorie sociale qu’il est important de promouvoir. Depuis l’origine du portrait, les corps sociétaux du pouvoir recourraient à cette méthode de représentation. De ce fait, le personnage représenté doit être considéré depuis une perspective externe, et son portrait doit être analysé à l’aide d’informations extra-artistiques6.

5Cette multiplicité de visages de l’art d’une époque n’est pas sans rappeler le Parnasse contemporain français du xixe siècle7. Fumaroli souligne d’ailleurs cette correspondance entre les arts, où coïncidaient les peintres, les sculpteurs, musiciens et lettrés avant l’éclosion du Gesamtkunstwerk. L’intention des deux artistes, au moment de créer cette galerie de portraits et caricatures, consistait à créer une vision d’ensemble sur une génération d’artistes et de personnalités d’une époque déterminée : pour reprendre l’expression de María Antonia Salgado à propos de la galerie de Juan Ramón, il s’agit d’un « échantillonnage du monde intellectuel hispano bigarré » de la première moitié du xxe siècle8. Au-delà de sa valeur picturale, Blanca Pons-Sorolla ajoute que cet ensemble est intéressant pour l’image de l’Espagne que Sorolla a voulu refléter à travers elle, une Espagne « moderne, intellectuelle et travailleuse »9. En effet, cette galerie n’est pas une succession de personnalités, mais chacun des modèles a son intérêt dans ce panorama culturel. Ils se trouvent, pour la majorité, à l’apogée de leur carrière ou ont connu le succès dans le domaine qui leur correspond. Par ailleurs, leur qualité d’artiste fait que leur vie est indéniablement associée à leur œuvre, l’une se nourrissant de l’autre, telles des « vases communicants »10.

6La différence de représentation due à la nature distincte de la littérature et la peinture nous amène à reconsidérer la manière dont les artistes peuvent véhiculer un portrait visuellement perceptible. Si en peinture, notre vue est directement touchée par la représentation et en dégage les données recensées, le processus n’est évidemment pas le même pour le portrait littéraire, qui, lui, a recours à l’ekphrasis. À ce propos, l’ouvrage de Jesús Ponce Cárdenas se trouve être une approche complète du sujet, qui procède d’abord de la vision pour aboutir sur l’écriture11. Cette démarche suppose pour le lecteur un « double effort » intertextuel : déchiffrer la facette verbale et visuelle de chaque poème ekphrastique. En effet, Juan Ramón s’attache à situer dans un contexte déterminant chaque individu, afin de transcrire au mieux leur tempérament : il s’agit non seulement d’une description physique mais aussi interne des modèles. Par ailleurs, les portraits littéraires de Juan Ramón Jiménez ne s’adressent pas directement à ces hommes illustres, enrichis d’anecdotes ou de fragments de correspondance, et donnent au lecteur l’impression que les modèles se trouvaient à ses côtés, comme c’est souvent le cas des ekphrasis en relation avec des portraits12. En outre, la galerie picturo-littéraire des hommes illustres concentre son attention sur des individus en chair et en os, ce qui confère à cette série une dimension plus humaine et l’ancre définitivement dans son époque. Cette volonté d’humaniser ces hommes de papier se retrouve déjà dans l’œuvre célèbre de Plutarque, Vies parallèles, qui tâchait de créer cette relation de proximité ; si nous donnons l’exemple de la biographie de Thémistocle, Anna Kormornicka souligne que Plutarque « le rend plus proche de nous en faisant ressortir son côté humain, par exemple sa passion de gloire et de popularité, son charme personnel –qualités qui lui ont d’ailleurs valu un pouvoir exceptionnel et un prestige singulier »13.

Le choix des modèles et des modèles de choix

7La galerie des hommes illustres naît de la collaboration entre Joaquín Sorolla et Archer Huntington, par le biais de la fondation créée par ce dernier : la Hispanic Society of America de New York. En effet, l’exposition de Sorolla aux États-Unis en 1909 connaît un succès sans pareil, et le peintre se trouve alors grandement sollicité par divers riches particuliers, intéressés par ses talents de portraitiste14. Le mécène américain fait alors l’acquisition de plusieurs tableaux de Sorolla, dont fait partie celui de Manuel Bartolomé Cossío, avant la commande de portraits qui formera une partie cette galerie ; cette nouvelle commande faite par Huntington s’avère être un projet secondaire mais tout aussi important que l’ambitieuse décoration de la Hispanic Society aux yeux de Sorolla15.

8Quelques années plus tard, Archer Huntington fait la connaissance de Juan Ramón Jiménez et de Zenobia Camprubí lors de leur séjour à New York en 1916, une rencontre qui enchantera l’Américain et dont ce dernier laissera une trace écrite dans son journal16. Cette heureuse rencontre sera suivie de nombreuses distinctions honorifiques, preuves de l’admiration du millionnaire américain pour le poète17. Il existait bel et bien dans ses années-là une relation triangulaire entre Sorolla, Juan Ramón et Huntington. La missive du 16 janvier 1917 de Juan Ramón à Sorolla, par laquelle il informe le peintre qu’il a eu vent du portrait de Azorín porte une note manuscrite intéressante du poète concernant la galerie des hommes illustres : « Yo estaba encargado por Mr. Huntington de la selección de Modelos. JRJ18 ». Ce commentaire du poète porte à croire que Sorolla et Juan Ramón se seraient concertés concernant les personnalités à représenter, ce que le poète appelle « modèles » pour le rayonnement international de l’Espagne aux États-Unis. Malheureusement, rien dans la correspondance connue actuellement entre les deux artistes et leur mécène américain ne confirme les dires de Juan Ramón.

9Si l’on fait la somme des acquisitions de Huntington antérieure à 1912, la galerie des hommes illustres se compose de 42 portraits, 17 par donation du peintre ou du modèle, et 25 vendus par la famille du peintre après le décès de ce dernier en 1923. Dans une lettre datée de 1919, Sorolla dresse la liste des portraits réalisés pour que son mécène américain puisse choisir ceux qu’il prévoit d’emporter avec lui lors de son prochain séjour aux États-Unis, qui n’aura finalement jamais lieu, à cause l’attaque d’hémiplégie de Sorolla en 1920 :

Como usted recordará he pintado una colección de retratos cuya lista es la siguiente para que usted elija cuáles son los que debo llevar a América: D. Gumersindo de Azcárate, D. Pío Baroja, Sr. Unamuno, Sr. Benlliure, D. Antonio Machado (Poeta), D. Tomás Bretón (Músico), D. Juan Ramón Jiménez (Poeta), Doña Emilia Pardo Bazán, D. Francisco Rodríguez Marín, D. José Ortega y Gasset, D. Jacinto Benavente, D. José Martínez Ruiz (Azorín), D. Rafael Altamira, D. Antonio Muñoz Degrain (Pintor), D. Ramón Menéndez Pidal, Sr. Torres Quevedo (Inventor), D. Ricardo León (Literato), el General Porfirio Díaz, D. Miguel Blay, y el sabio Doctor Marañón19.

10Dans cette liste se trouvent de nombreux noms qui apparaîtront ensuite dans Españoles de tres mundos. Et pour cause, les premiers portraits présents dans l’œuvre de Juan Ramón Jiménez datent de l’époque du poète à la Résidence d’Étudiants ; l’occasion pour lui de représenter de jeunes écrivains, ceux qui lui sont proches20. Campoamor décrit cet endroit où les étudiants pouvaient vivre et étudier, dans une atmosphère conviviale et chaleureuse21. Après s’être éloigné de son cocon familial, Juan Ramón arrive à Madrid et trouve refuge dans cet endroit, bien différent de la capitale qui l’avait déçu au début des années 1900. Cette période de résidence au cœur de ce poumon madrilène, véritable havre de paix installé sur le « Cerro del Viento » qu’il rebaptisera « la Colina de los chopos », se concrétisera dans son œuvre éponyme. Dans le projet initial de ce livre, les paysages devaient apparaître en alternance avec les personnes assidues de la Résidence22.

11Si Juan Ramón s’inspirait de ces conditions de vie paisibles pour écrire, la création des portraits était bien distincte chez Sorolla. En effet, les tableaux étaient réalisés dans son atelier, en intérieur. Une grande partie des portraits ont été réalisés pendant l’hiver à en juger par les tenues hivernales que revêtent la plupart des modèles23 ; de son côté, Blanca Pons-Sorolla observe un changement radical des tonalités de fond à partir de 1912 dans les portraits de Sorolla, où les ensembles lumineux ont laissé place à des fonds neutres, des jardins en cas de réalisation à l’extérieur ou en plaçant au préalable ses modèles devant ses propres tableaux, dans son atelier24. Des témoignages photographiques attestent cette version des faits.

12Ces documents d’archives mettent en exergue l’exactitude et la précision de la représentation ; prenons pour exemple celle du dramaturge Jacinto Benavente, l’un des participants à cette galerie des hommes illustres. Il est possible d’y observer la même posture rigide, la même attitude grave que sur le portrait. Sorolla possède un véritable talent pour l’art du portrait, souvent oublié ou dénigré par la critique ; ses œuvres connaissent néanmoins un succès duquel le peintre lui-même s’étonne : « Yo, ¡¡pintor de retratos!!, no salgo de mi asombro »25. Par ailleurs, le peintre confie à un journaliste américain la nécessité de peindre rapidement et en une seule session les portraits, de manière à transmettre une seule et même expression, qui ne soit pas altérée par la fatigue du modèle et de son créateur. Cette rapidité d’exécution, proche de la technique des esquisses, s’éloigne une fois encore de la réalisation du portrait littéraire, qui prend le temps d’une réflexion interne et qui est exempt de contraintes matérielles.

13Parmi les 42 portraits peints par Sorolla entre 1906 et 1920, 16 se retrouvent également dans le projet de Juan Ramón Jiménez, soit plus d’un tiers de la production picturale de Sorolla pour la galerie des hommes illustres. Ceci étant, je m’intéresserai, de manière non exhaustive, aux portraits suivants : Manuel Bartolomé Cossío, Antonio Machado, Azorín, Pío Baroja, Ramón Menéndez Pidal, Ramón Pérez de Ayala, Jacinto Benavente, José Ortega y Gasset, Miguel de Unamuno et le Docteur Gregorio Marañón. Par la suite, j’aborderai le thème de la propre représentation des protagonistes de cette étude : les autoportraits de Juan Ramón Jiménez et Joaquín Sorolla. Enfin, rappelons que les portraits du docteur Francisco Sandoval, et de l’intellectuel Gumersindo de Azcárate font partie de cette liste commune entre Sorolla et Juan Ramón, mais que, seuls les tableaux de Sorolla sont restés, les caricatures lyriques de Juan Ramón s’étant perdues ou n’ayant jamais abouti26.

14Le portrait de Manuel Bartolomé Cossío s’avère être le premier de la longue liste établie des hommes illustres, mais s’écarte cependant de l’énumération précédente pour sa réalisation précoce. En effet, Sorolla achève le portrait de Cossío en 190827. Ce portrait est d’ailleurs à l’origine de la rencontre entre Sorolla et Huntington, précisément à Londres où le mécène américain en fait l’acquisition, et donne lieu à l’invitation aux États-Unis28. Mais l’influence de Cossío est néanmoins des plus importantes, que ce soit en histoire de l’art espagnol avec la publication de El Greco, mais aussi pour l’influence intellectuelle qu’il a exercé sur Juan Ramón Jiménez, avec Francisco Giner de los Ríos et l’Institution Libre d’Enseignement. Si le poète a d’ailleurs réalisé un portrait « enflammé » concernant Giner de los Ríos, Sorolla regrettera de n’avoir pas eu le temps d’immortaliser dans un portrait la figure de ce dernier29. Dans son analyse, Predmore s’attache surtout à la relation avec la nature qui se dégage du portrait de Cossío réalisé par Juan Ramón. Cette contribution de l’environnement harmonieux cherche à traduire le caractère de Cossío : naturel, spontané, et plein d’une vitalité contagieuse30.

15Le portrait de Sorolla reprend ces traits attachants, représentant un Cossío serein, un livre à la main, et le tableau Le chevalier à la main sur la poitrine de El Greco en toile de fond. Aussi pouvons-nous formuler un commentaire sur le choix des tableaux : Sorolla choisit un portrait, sans doute l’un des plus connus du peintre crétois, un portrait qui fait non seulement écho à celui de Cossío mais aussi à son intérêt pour l’artiste. Son instrument n’est pas une épée mais un livre, à la différence de Juan Ramón Jiménez, qui s’intéresse à l’arme et par extension à la force qui se dégage de Cossío, qui parvient à l’élever tel le Christ sur le tableau, lui attribuant, de fait, un caractère transcendant. Par ailleurs, l’allusion à la mer, n’est pas sans rappeler l’influence qu’a pu exercer sur lui Cossío : en effet, pour Juan Ramón, la mer est une source d’inspiration et de renouveau.

16S’il est une amitié de plus longue date, ce serait celle de Juan Ramón Jiménez et de Antonio Machado, évocation de ses années de jeunesse, ses premiers émois madrilènes. Cependant, c’est depuis un point de vue d’homme mûr que Juan Ramón peint le portrait de son ami des premières heures modernistes, en 1919. Sorolla réalise le portrait de Machado un an auparavant. Toutefois, Antonio Machado avait déjà publié son œuvre Campos de Castilla (1907-1917) où il se promène dans ces villes de Castille, selon les écrits de Juan Ramón. La caricature lyrique du poète s’attarde sur le sourire de Machado, un sourire qui, comme le hasard, ne sait bien ce qu’il réserve. Effectivement, la représentation picturale de Machado nous donne la même impression de hasard : la bouche crispée et la main glissée dans la veste, Sorolla semble avoir figé un moment où son modèle est en mouvement, à la recherche d’on ne sait quel objet glissé. Antonio Machado et Juan Ramón Jiménez grandirent ensemble dans le panorama culturel de cette période, et leur amitié se prolongea au-delà de la Résidence d’Étudiants.

17À cette même époque, Azorín et Pío Baroja partageaient la même préoccupation de l’avenir de l’Espagne, et de la nécessité de sa préservation ; eux également font partie de cette galerie. Le 16 janvier 1917, Juan Ramón envoie une lettre à son « querido maestro » Sorolla, lui disant que Azorín l’avait informé que le portrait de ce dernier était en cours de réalisation, preuve de la date de réalisation du tableau31. Juan Guerrero Ruiz rapporte que Juan Ramón écrit la caricature littéraire correspondante « en una época que [Azorín] tenía un brazo enfermo y le pidió una taquigrafía-mecanógrafa, haciendo resaltar lo que tiene de torpe y lo que hay en su obra de taquigrafía literaria32 ». Usant d’un humour acéré, Juan Ramón Jiménez met en exergue la clarté et la simplicité d’écriture de Azorín parfois considérée comme mécanique. Cette note d’acidité n’ôte cependant rien aux relations amicales que les deux hommes entretenaient. En outre, Ortega y Gasset et Juan Ramón décidèrent d’organiser une fête en son honneur en 1913, après qu’il se soit vu refusé pour la seconde fois le poste d’académicien ; cet hommage à Azorín se présente comme un prix de consolation33, mais permet également de montrer les relations au beau fixe entre les divers hommes de lettres à cette époque. Sorolla tout comme Juan Ramón mettent en évidence un défaut physique : son strabisme, « leve y grata bizquez verdeazul », qui se remarque aisément sur le portrait peint par Sorolla.

18Le cas de Baroja a fait couler plus d’encre. Le 3 décembre 1913, Joaquín Sorolla écrit à son épouse Clotilde pour lui annoncer qu’il va travailler sur le portrait de Pío Baroja (1872-1956) pour Huntington34. Quand Sorolla réalise ce tableau, l’écrivain était déjà connu dans le milieu littéraire et connaissait le succès à travers ses romans qui abordaient de plain-pied les questions sociales et les problèmes traversés par la société de son époque. Baroja et Sorolla se connaissaient depuis une dizaine d’années déjà, étant donné que l’atelier de Sorolla servait de lieu de réunion aux habitués de l’Institution Libre d’Enseignement, endroit le plus fréquenté par Juan Ramón Jiménez en 1904, qui ne réunissait que des intellectuels triés sur le volet35. L’attitude qui se dégage du portrait réalisé par Sorolla provoque un effet de malaise. En effet, Sorolla et son modèle entretenaient une relation houleuse, que Baroja retranscrira d’une manière assez rude dans ses Memorias de un hombre de acción, presque deux décennies après la mort de l’artiste36. Cette relation faite de tensions est apparemment une constante chez Baroja.

19Juan Ramón commence son portrait littéraire de l’écrivain avec une anecdote qui s’est effectivement produite entre Baroja, Ortega et lui-même, lorsque les deux écrivains se rendaient fréquemment à la Résidence d’Étudiants : Ortega répond à Juan Ramón que Pío Baroja est en train d’uriner sur un arbre, ce qui, selon Guerrero Ruiz, donne un aperçu du type d’individu malpropre face à la bonne tenue de Juan Ramón. Des paroles peu flatteuses suivent l’évocation de l’écrivain, corroborées par la métaphore d’une souris37 ; selon les propos de l’ami de Juan Ramón, en 1931 : « D. Pío le hace el efecto de un ratón y toda su literatura responde a una cosa roída »38. Juan Ramón Jiménez démontre ainsi que l’auteur de La busca ne convoitait pas le succès ni aspirait à fréquenter les hautes sphères, mais était préoccupé par les questions de terrain. Baroja fait plutôt l’effet d’une fourmi, fournissant un travail constant et apportant chaque jour une nouvelle pierre à l’édifice, même si la gloire n’est pas au rendez-vous. Il fournit ainsi un élément indispensable à la littérature, sans prétendre apporter la beauté mais l’utile, comme « un train de marchandise ». Son attitude réfractaire face aux tendances littéraires de son époque – « niega […] lo que ignore. […] Porque lo ignora todo es que no es de su mundo » – était l’un de ses traits de caractère. Cependant, il s’avérait être un interlocuteur d’une grande qualité, si l’on reprend les termes de Campoamor :

Con Baroja, un interlocutor poco corriente, se discutía de todo y se charlaba con abundancia, pero nadie se ponía de acuerdo entre sí ni se llegaba a ninguna conclusión, porque a Baroja […] no le convencía nadie y muchas veces parecía estar en contra de todo, incluso de los más elementales principios ideológicos39.

20Les amitiés entre Sorolla et Baroja, d’une part, et de ce dernier avec Juan Ramón, faites de tensions contraires, se poursuivent jusqu’à la période passée à la Résidence d’Étudiants, dont l’anecdote qui entame la caricature n’est qu’une confirmation. Ce centre d’études s’avère être également l’endroit où s’enracine l’amitié entre Ramón Menéndez Pidal et Juan Ramón. En effet, l’historien présidait le comité de recteur de l’institution, et il est probable que les deux hommes se soient connus par ce biais-là40. Menéndez Pidal (1869-1968) est le seul philologue que Sorolla et Juan Ramón incluent dans leur liste des hommes illustres. Sa présence dans cette galerie est d’autant plus évidente au vu des rapports qu’entretenait ce dernier avec Archer Huntington, qui l’invita notamment en 1909 à donner deux conférences à New York. Il est probable que Sorolla ait été confronté au problème de représentation de Menéndez Pidal, personnage à la fois distant et serein, qui adopte une posture non loin de rappeler la Joconde de Léonard de Vinci, focalisant l’attention du spectateur sur le regard pénétrant de l’historien41. Predmore également souligne l’importance du traitement des yeux dans le portrait littéraire de Juan Ramón Jiménez : ce sont les instruments du savoir, et c’est par ce même regard, fatigué et triste, qu’il est possible d’accéder à sa personnalité intime, quand l’attitude générale tend à représenter un personnage très formel, où l’apparence externe de droiture l’emporte sur le reste. Le portrait, de prime abord, tend à exhiber la facette de « rigueur scientifique du chercheur », comme incarnation de l’exactitude, de la précision et de la sévérité de don Ramón42. Cependant, cette rigidité, comparée à un « ordre liturgique » est adoucie par « une voix d’harmonium et de miel », agrémentée des quelques failles qu’il décèle chez son ami, trahissant ses origines galiciennes, « fallas gallegas de fuelle ». Dans ce portrait, Juan Ramón semble avoir utilisé tous les ingrédients pour parvenir à un résultat extrêmement proche du caractère de Menéndez Pidal, où l’on ressent à la fois la solidité – il le compare au « Guadarrama cristallisé » – mais aussi beaucoup de tendresse, ce qui semble traduire également ses propres sentiments d’admiration pour le philologue.

21Si une certaine affection est perceptible dans le portrait vibrant de Menéndez Pidal, il est intéressant d’observer à travers les portraits les confrontations qui avaient lieu entre les différents intellectuels. C’est ainsi le cas pour Ramón Pérez de Ayala (1880-1962) et Jacinto Benavente (1866-1954). L’ironie et l’esprit brillant de Pérez de Ayala, écrivain aux nombreux visages, est exprimé directement sur le portrait à travers la pose élégante mais rigide, allusion directe à la pose de Benavente réalisé par Sorolla trois ans auparavant, dramaturge dont Pérez de Ayala a vivement critiqué l’œuvre et l’attitude43. En 1920 et 1932, respectivement, Sorolla et Juan Ramón Jiménez s’emploient à représenter deux éléments de sa tenue particulièrement caractéristiques pour Pérez de Ayala : son caban anglais et sa cigarette. Intellectuellement, il paraît difficile à cerner : d’une part, Sorolla l’entoure d’ébauches de meubles, d’un tableau rouge qui contraste avec l’environnement relativement neutre aux couleurs chaudes, Pérez de Ayala, impassible, reste au centre de cette composition ; d’autre part, Juan Ramón Jiménez le définit comme une « assimilation », ou encore comme une « pile qui recueille » toutes les formes de langue, à l’instar d’ une éponge qui s’imbiberait de la littérature et des nouveautés qui l’entourent.

22Benavente crée cependant un contraste avec Pérez de Ayala. En effet, le portrait de Sorolla permet de mettre en exergue une « faceta irascible, e incluso petulante, de la personalidad de Benavente »44, parfait d’une élégance à « lo castizo » et d’une touche de suffisance dont se caractérise le dramaturge. Juan Ramón Jiménez dédiera son livre Laberinto (1913) à Jacinto Benavente, avec lequel il a entretenu une grande amitié pendant ses années au « Sanatorio del Rosario », et le définira comme quelqu’un de talentueux, malgré sa paresse45. Le portrait littéraire de Benavente par Juan Ramón montre une relation à la fois d’admiration et de rejet. Le portrait littéraire étant rédigé en 1929, Jiménez l’écrit avec du recul, il a pu donc faire le bilan de ses sentiments envers Benavente. Le poète est à la recherche de la « poésie nue ». Cette représentation montre une évolution, que l’on pourrait assimiler à celle qu’il a réalisée pour la poésie :

Vino, primero, pura,
vestida de inocencia.

Y la amé como un niño

(Eternidades, 1918)

Cuando yo era colejial, admiraba un tipo de elegante que entonces
estaba en boga y modo por el mundo
[...]
(Españoles de tres mundos)

Luego se fue vistiendo
de no sé qué ropajes
Y la fui odiando, sin saberlo
.
(Eternidades, 1918)

Bastante después, ocho o diez años, yo vi las primeras fotografías de Jacinto Benavente, y todavía Benavente era un tipo así. Y todavía yo lo admiré así. Luego fui odiando aquel tipo de elegante y las fotografías de Benavente y a Benavente y a la literatura de Benavente, de quien no he leído nada desde el año 13. Y entonces le dediqué, aun entre dos aguas y como homenaje imperioso a un principado que se iba, mi libro Laberinto.
(Españoles de tres mundos)

23Sa considération négative va crescendo de l’admiration au rejet le plus total, jusqu’à considérer Benavente comme l’exemple même du snobisme que Juan Ramón déteste, ennemi de la simplicité. Juan Ramón commence sa caricature par une description détaillée de la tenue vestimentaire du dramaturge, très soignée, ne laissant aucune place à des éventuels débordements. Comme il le souligne lui-même, Benavente possède du « génie », une manière « simple, facile et légère » d’écrire, mais l’ornement qui englobe son œuvre le rend étouffant. Tout son art nous donne la sensation de vêtements étriqués, et ce malaise passe dans un premier temps par sa tenue : à la mode mais inconfortable. Peu à peu, comme pour la Poésie, Juan Ramón Jiménez prend conscience que le théâtre de Benavente ne joue que sur les apparences, sans profondeur littéraire. Cet éloignement jusqu’à la dépuration, à l’instar de la poésie, n’est pas sans référence à la première étape poétique de Juan Ramón, qui s’est distancié du modernisme qu’il défendait sous l’étendard de Rubén Darío.

24Enfin, la deuxième grande confrontation littéraire de cette époque met en scène José Ortega y Gasset et Miguel de Unamuno. Ortega est l’une des exceptions au panorama célèbre que représentent les hommes illustres de la Hispanic Society. En effet, Sorolla et Juan Ramón Jiménez, tout comme Ramón Pérez de Ayala, ont perçu avant l’heure le génie de l’essayiste : lors de la réalisation du tableau, en 1918, ce dernier ne possédait qu’un livre publié46. Juan Ramón Jiménez et Ortega se connaissaient depuis la création de la revue Hélios (1903). En 1913, Juan Ramón retrouve Ortega sur les escaliers de l’Ateneo, et décrira un Ortega « sonriendo con su boca grande de blancos dientes y centelleante mirada negrísima, y me llamó efusivamente maestro, lo que me turbó bastante, pues los dos éramos de la misma edad »47. En réalité, Juan Ramón et Ortega se voyaient presque quotidiennement à partir de cette année-là, dans l’intimité de la Résidence d’Étudiants, où ils échangeaient des conversations « lucides » et fécondes. Ainsi, l’influence de Ortega est indéniable :

La creciente influencia que ejercía [Ortega y Gasset] sobre casi todos los intelectuales del momento, hizo que Juan Ramón se sintiera altamente atraído por la figura del ilustre profesor de metafísica y por lo que ésta representaba dentro del panorama literario e ideológico nacional48.

25Juan Ramón souligne, en effet, l’importance du regard dans sa caricature lyrique, les yeux sont directement liés à sa parole convaincante. Dans le portrait de Sorolla, le regard est ancré dans celui du spectateur, dans une attitude confiante, les livres témoignant de sa profonde connaissance de l’environnement dans lequel il s’épanouit. Bien qu’il paraisse distant, comme le démontre la construction en chiasme du début du portrait littéraire, Ortega se montre exigeant envers lui-même, mais avenant envers les autres. L’aspect qui le caractérise sans doute le mieux est sa persévérance, dans le but de rallier les personnes à sa cause, s’immisçant avec brio entre « le scientifique et le poétique ». Selon Predmore, ce portrait dégage de la fraîcheur et de la vitalité. En 1923, Ortega y Gasset fonde la Revista de Occidente, à laquelle participera activement Juan Ramón Jiménez. Mais certaines divergences, probablement de type sociopolitiques, seront à l’origine de leur éloignement.49 En revanche, la profonde inimitié entre Miguel de Unamuno et Ortega est toujours d’actualité en 1914 : Juan Ramón fera partie des membres de la Résidence réunis lors d’un repas dans le but de réconcilier ces deux intellectuels dont la discorde est surnommée « la tragédie nationale »50.

26En effet, l’arrivée à la Résidence d’étudiants pour Unamuno date de 1914, une présence remarquée de tous. Juan Ramón voue une grande admiration à Unamuno, qu’il considère « son maître en poésie », et il ressent tous les effets de cette fièvre provoquée par le philosophe51. Juan Ramón évoque dans ses conversations avec Ricardo Gullón ses après-midis à la Résidence avec Unamuno, lequel représente pour lui le « castellan authentique »52. Par ailleurs, Predmore réalise une analyse détaillée de ce portrait littéraire, savant dosage de parodie des jeux verbaux de l’écrivain, de résonances légendaires et bibliques, dans une description dense et chargée d’éléments symboliques. À travers ce portrait, Juan Ramón parvient à transmettre ses traits physiques ainsi que son expérience professionnelle – l’allusion à un discours prononcé à Barcelone, face à la résistance des Catalans – et érige Unamuno tel un prophète prêchant l’évangile, dans une lutte métaphysique qui tourne au ridicule. Cette attitude de lutte se retrouve également sur le portrait de Sorolla qui représente Unamuno debout, exhibant un profil prononcé et déterminé, et qui, malgré son inachèvement, ne manque pas de force53.

27Concernant la représentation des hommes de science, cette section se composerait de Gregorio Marañón, Santiago Ramón y Cajal et Luis Simarro. Cependant, seul le premier s’est illustré pour ses études multidisciplinaires et figure dans la liste des hommes illustres, ce qui n’est pas le cas pour les deux suivants, bien que tous deux possèdent un portrait de Sorolla et un autre de Juan Ramón. Sorolla considérait même ces trois médecins comme les icônes d’une Espagne qui s’intègre aux nouvelles avancées scientifiques.

28La principale caractéristique qui se dégage de la caricature lyrique de Gregorio Marañón serait son exemplarité. Ce dernier est considéré comme l’un des intellectuels les plus intéressants de son époque car il était à la fois médecin, historien, endocrinologue et essayiste. Pérez de Ayala lui vouait une grande admiration, et assure qu’il n’existait d’hommes plus sages que Marañón54, et c’est d’ailleurs de cette manière que Sorolla se réfère à lui dans la lettre à Huntington que nous avons traité auparavant. Le médecin forgeait le respect et l’admiration, en plus d’être bon et d’avoir de l’esprit.

29Pour son portrait réalisé en 1920, Sorolla l’entoure d’un mur aux tons rouges, et crée une atmosphère chaleureuse autour de son modèle. Marañón semble à l’aise devant l’œil de son portraitiste. Sorolla représente un visage qui inspire confiance, vêtu d’un costume bleu. Cette impression de commodité est perceptible également dans le portrait de Juan Ramón, qu’il définit comme « un paraje grato donde es bueno reposar », un endroit qui inspire la tranquillité. Marañón est cet « hombre-pino », ancré dans le sol, solide et fiable. Dans sa représentation, le poète associe les deux univers de Marañón : la poésie (littérature) et l’asepsie (la médecine), comme un ensemble qui fonctionne à la perfection, les deux facettes d’une même médaille en or. La sagesse les accompagne, avec l’évocation de la présence de Minerve, et une source claire et pure coule de ce pin. « Tipo, muestra, ejemplo de lo natural mejor, de lo completo suficiente », il est pour Juan Ramón la somme du meilleur de la nature, combinant tous ces domaines de compétences avec une fluidité naturelle. La nature de Marañón n’est pas sans rappeler celle de Cossío, ce dernier étant représenté comme un homme-paysage.

Créateurs et modèles : autoportraits

30Afin de parfaire cette ébauche de galerie, les propres créateurs figurent parmi les hommes illustres. Dans Amistades y recuerdos, Ramón Pérez de Ayala définit Sorolla, Zuloaga et Anglada comme étant « la Trimurti » de la peinture espagnole55. Une manière de mettre en évidence la suprématie de ces artistes qui n’est pas sans rappeler l’organisation tripartite que réalise Juan Ramón dans Españoles de tres mundos. Rappelons la caricature lyrique de Juan Ramón Jiménez concernant Sorolla :

La naturaleza, a veces, se jacta de virtuosa. Lo habéis visto en los nublados de aurora y ocaso, en las olas del mar, en el viento del jardín de sol, como en el fuego de un bosque. Color y sólo color, por fuera y por gusto. Así Sorolla, fuerza de la naturaleza, como el mar, como el viento, como el fuego. No es el color de Anglada, es un color más de adentro, entre la ropa y el alma. En Anglada, querríamos desnudar el cuadro para ver el desnudo. En Sorolla querríamos desnudar el desnudo. […]56

31Cet écrit est, selon Facundo Tomás, « el más poético y a la vez acertado comentario que se haya hecho » concernant Sorolla et la couleur57. En effet, la prose se focalise sur le chromatisme porté par les divers éléments naturels : les nuages changeants du ciel, les vagues de la mer, l’effet du vent ainsi que l’incandescence d’une forêt, mélange de tons chauds et froids. Sorolla devient alors le maître de la couleur, capable de les modeler à sa guise. Juan Ramón évoque une couleur qui vient de l’intérieur, proche de la nature, telle que l’on pourrait se la représenter. Anglada, selon le poète, appliquerait une sorte de filtre sur ses tableaux et accentue la saturation des teintes. Chez Sorolla, au contraire, on souhaiterait « desnudar el desnudo » : ce pléonasme met l’accent sur la véracité des images représentées par le peintre valencien, dont la lumière inonde les tableaux de manière naturelle. Il existe de nombreux autoportraits de Sorolla. Mais le cas de Sorolla diffère de Picasso ou de Goya, dans la mesure où le peintre valencien n’était pas obsédé par sa propre image ni se représentait d’une manière flatteuse sur ses propres portraits, même si deux d’entre eux étaient destinés à la Hispanic Society58. La réalisation des autoportraits de Sorolla n’est donc pas dû à l’obsession de vaincre la mort, mais les tableaux acquièrent une valeur presque affective : plus qu’une photographie, Sorolla laissait son portrait pour que les absences se fassent moins longues lors de ses fréquents voyages59. Sa propre représentation pour la Hispanic Society montre d’ailleurs avec brio cette sobriété, et exhibe le visage d’un Sorolla grave, au physique peu avantageux.

32Quant à Juan Ramón, après une tentative de réaliser son autoportrait par le biais de la peinture soldée par un échec, le poète s’est heurté aux limites de la représentation picturale. Le portrait littéraire « El andaluz universal » a été écrit en 1923, soit une décennie après le premier, intitulé « Soy nostálgico ». Dans la dizaine d’années qui séparent ces deux autoportraits, s’est produit un changement de perspective de Juan Ramón, qui envisage alors les portraits exécutés davantage comme des caricatures, puisqu’il dépeint des personnes qu’il a connues et côtoyées. Il écrit d’ailleurs dans une note de Españoles de tres mundos : « caricatura [sic] y no retrato porque los conozco y puedo ver sus rasgos característicos. (Retratos de los lejanos o no conocidos personalmente) ».

33Sanz Manzano énumère en neuf points les étapes par lesquelles est passé Juan Ramón afin d’élaborer son « autocaricature lyrique », selon les propres termes du poète. Tout d’abord, il nous fait part de ses origines andalouses qu’il revendique fièrement. Puis, il évoque sa confiance en le destin, son indifférence face à l’argent et son dévouement absolu à ce qu’il aime. Par la suite, il préconise une résipiscence constante comme norme éthique et esthétique. Il se prétend après possesseur de beauté et des dons de la poésie. Il évoque également la liberté dont il jouit pour écrire et agir, son goût pour la simplicité de la vie, et enfin, il s’excuse pour le portrait qu’il vient de dresser en le justifiant par les défauts affectueux qu’avait décelé chez lui sa mère. Finalement, cette « auto-caricature » est l’œuvre maîtresse de cette galerie, où Juan Ramón Jiménez est capable de se juger aussi sévèrement certaines fois qu’il a pu le faire avec ses contemporains60.

34En 1903 ou 1904, Sorolla peint un portrait du poète. Il s’agit d’un portrait de jeunesse, où l’on découvre un Juan Ramón Jiménez d’un style dandy, vêtu d’un costume flavescent – couleur associée à l’enfance du poète –, sur fond de jardin, et tenant entre ses mains un livre dans lequel ses doigts font office de marque-page. Le poète précise qu’il s’agit du livre Arias tristes qui venait d’être publié et qualifie ce tableau de « retrato de verano »61. Cependant, Juan Ramón pose une nouvelle fois pour Sorolla, en 1916 pour la galerie des hommes illustres. Il se montre sous un aspect bien plus sévère, vêtu d’un costume sombre et affichant une calvitie relativement avancée, seul portrait réalisé pour la Hispanic Society cette année-là62. Il est intéressant d’observer la mise en scène de ce tableau, peint pourtant à l’intérieur, dans l’atelier. Cette mise en abyme picturale montre la Fuente y patio del Alcázar de Sevilla peint en 1910 par Sorolla, et qui permet de situer Juan Ramón dans son Andalousie natale. Le poète confiera à plusieurs reprises sa nette préférence pour ses terres andalouses, « si fuera Sevilla, como debiera ser, la capital de España »63 ; cette affection pour la terre natale s’enlace au livre qu’il tient alors dans les mains, afin d’allier profession et origine. Le titre du tableau mérite également un commentaire : la signature correspond à celle employée par Juan Ramón Jiménez à cette époque, une signature que l’on trouve notamment dans les livres que le poète a offert au peintre à cette époque. Sorolla s’est, en effet, attaché à reproduire cette écriture si particulière de Juan Ramón Jiménez, preuve du soin que le peintre a conféré à ce portrait rejoignant ainsi la galerie des hommes illustres de la Hispanic Society.

Valeur méta-artistique de la galerie

35L’ensemble des personnalités représentées dans cette galerie picturo-poétique montre ainsi que le contexte de création est primordial pour comprendre l’angle de vue choisi par les créateurs. Salgado définit le style de Juan Ramón comme dérivé de l’écriture de Rubén Darío et des modernistes, bien que le désir d’immortaliser les personnes qui ont marqué sa génération est une approche du xixe siècle64. Une volonté de vaincre la mort en laissant un témoignage pictural : voilà l’un des points de convergences entre ces deux œuvres.

36L’une des différences majeures entre ces deux manières de réaliser les portraits réside dans le fait que l’écrivain dispose d’une plus grande liberté pour cerner le modèle et possède ainsi la capacité de le modeler d’une forme moins conventionnelle65. Selon Rafael Doménech, le soin des détails physiques des modèles de Sorolla allié à la spiritualisation de l’ensemble permet de déterminer le caractère moral des hommes peints dans ces portraits66. Cette faculté de percer le mystère des personnalités des hommes illustres à travers leur image est également un trait que l’on retrouve dans les représentations de Juan Ramón Jiménez67. Ainsi, la valeur psychologique du portrait prend le dessus sur la picturale, et le portrait devient, de fait, plus intérieur qu’extérieur. Gullón remarque, effectivement, que ce n’est pas tant la description externe des personnes sur laquelle se focalise Juan Ramón, mais sur la personnalité du modèle, déterminée par son environnement et son attitude68. De ce fait, chaque portrait littéraire de Juan Ramón Jiménez permet de replacer le modèle dans son atmosphère habituelle. A travers les représentations, il donne au lecteur la possibilité de percevoir l’idiosyncrasie des individus représentés, où l’on retrouve une part biographique intéressante69. Dans le prologue à Españoles de tres mundos, Juan Ramón Jiménez indique d’ailleurs : « A cada uno he procurado caracterizarlo según su carácter », ce qui explique le traitement individuel et particulier opéré pour chacun des modèles de la série, à l’instar des études menées par Sorolla sur chacun de ses modèles70. Juan Ramón prend en compte le facteur déformant qui s’opère incontestablement dans chacun des portraits établis, et c’est à travers cette loupe qu’il tente de restituer au mieux l’essence de chacun ; Salgado affirme qu’il y a une constante dans ces caricatures lyriques, à laquelle aucune n’échappe à la règle : toute la galerie des hommes illustres passe par l’œil critique de Juan Ramón et est jugée aussi positivement que négativement71. Des dires corroborés par ceux de Sanz Manzano :

Quien haya demostrado consagrar su vida a su vocación merece la absolución y la alabanza del poeta; quien, por el contrario, haya malgastado su tiempo y su talento en menesteres vanos, desatendiendo su quehacer primordial, merece su condena y su desaprobación72.

37À l’instar du jugement dernier, Juan Ramón Jiménez s’érige en juge professionnel des œuvres de ses contemporains. Cette perception des modèles particulière, mais aussi subjective, a mené certains critiques à envisager une projection de Juan Ramón dans chacun de ses portraits, afin de se recréer lui-même au travers de ses écrits. L’une des fonctions du portrait est une sorte de « dédoublement de soi-même »73 : en effet, le mythe d’origine du portrait n’est-il pas Narcisse, épris d’amour pour son portrait reflété dans l’eau ? Mais Juan Ramón avait aussi pensé à cette tentation narcissique que l’on peut renvoyer au travers des portraits, et écrit dans un autre aphorisme : « Pintor, no olvides que un retrato de otro no eres tú sino otro; y que el retrato, documento ajeno, es para ti camino de universalidad74 ». En effet, le sujet du tableau est l’autre, le modèle avec qui le portrait partage la ressemblance. Cependant, si la qualité du tableau ou du portrait littéraire est à la hauteur, c’est parfois bien plus de l’auteur que du modèle que l’on se souvient. La facette de peintre pouvait bien s’appliquer également à Juan Ramón, qui peignait avec les mots, en souvenir de sa formation de peintre de ses jeunes années75.

38Les caricatures littéraires que crée Juan Ramón sont parsemées de références à la nature (arbres, fleurs et eau) et elles dominent le champ des métaphores76. De plus, Juan Ramón cherche aussi la part d’enfant qui se cache en chacun d’eux, signe de spontanéité. Les modèles sont les représentants d’une période fructueuse et traduisent pour le poète son état de plénitude à la Résidence d’étudiants, comblé matériellement et intellectuellement. Cette galerie suppose alors une autoréflexion, et la représentation ne s’arrête pas au support matériel, acquérant de fait une dimension méta-artistique77. Dans tous les cas, la représentation d’un modèle reste subjective, et les portraits littéraires de Juan Ramón Jiménez, créés pour la plupart a posteriori auraient pu se baser ainsi sur l’ambiance réalisé au préalable par Sorolla pour les portraits. Par ailleurs, cette approche pose la question de l’influence de la technique sur le contenu, opposant le procédé in praesentia de Sorolla aux descriptions littéraires postérieures de Juan Ramón Jiménez.

Conclusion

39Les portraits littéraires et picturaux analysés pour l’élaboration de cette galerie constituent des matériaux de choix pour recréer un panorama intellectuel de toute une génération. Que ce soit par préoccupation de laisser une trace durable d’une époque ou pour la valeur affective que les portraits acquièrent, tous les hommes illustres de cette galerie sont passés par la loupe critique – positive comme négative– de Juan Ramón Jiménez, dont l’une des périodes de production les plus fructueuses fut celle passée au sein de la Résidence d’étudiants. L’hypothèse d’une concertation entre Sorolla et Juan Ramón pour la création de cette galerie n’est pas à écarter, bien que les archives le prouvant manquent à ce jour. La vision souvent partagée des modèles des deux artistes, entre profonde affection, influences intellectuelles et certaines tensions appuient cette hypothèse de perméabilité entre ces deux productions. Toutefois, les portraits de Sorolla montrent en certaines occasions plus d’impartialité dans la représentation des modèles, face à un Juan Ramón Jiménez qui s’emploiera à chercher toute sa vie « el nombre exacto de las cosas ».

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Notes

1 Juan Ramón Jiménez, Ideolojía, éd. A. Sánchez Romeralo, Barcelone, Anthropos, 1990, p. 357.

2 Rafael Argullol (éd.), El retrato, Barcelone, Galaxia Gutenberg, 2004, p. 311.

3 Je renvoie le lecteur au site <http://joaquin-sorolla.blogspot.ch/> afin d’apprécier la galerie de portraits réalisés par Sorolla présentée dans cette étude.

4 Margarita Iriarte López, El retrato literario, Pampelune, EUNSA, 2004, p. 46.

5 Rafael Argullol (éd.), El retrato…, op. cit., p. 9-10.

6 Margarita Iriarte López, El retrato literario…, op. cit., p. 61.

7 La première édition du Parnasse Contemporain date de 1866 par l’initiative de, entre autres, Théophile Gautier et de Charles Leconte de Lisle, auquel se joint également Baudelaire. Le courant littéraire qui, chronologiquement, lui succédera est le symbolisme, à la fois réaction contre le Parnasse et comme continuité du mouvement. Concernant les chefs de file symbolistes, Juan Ramón revendique à plusieurs reprises son admiration pour Verlaine, Rimbaud ou Mallarmé.

8 María Antonia Salgado, « Tres incisiones en el arte del retrato verbal modernista », Inti: Revista de literatura hispánica, 1984, n20, art. 7, p. 62.

9 Blanca Pons-Sorolla, « Sorolla: retratos individuales », in AA.VV., Sargent / Sorolla, Madrid, Turner, 2006, p. 129.

10 Ricardo Gullón, « El arte del retrato en Juan Ramón Jiménez », in Aurora de Albornoz (éd.), Juan Ramón Jiménez, Madrid, Taurus, 1981, p. 212.

11 Jesús Ponce Cárdenas, Écfrasis: visión y escritura, Madrid, Fragua, 2014.

12 Jesús Ponce Cárdenas, Écfrasis…, op. cit., p. 13-20 et p. 104.

13 Anna Komornicka, « Le portrait littéraire de Thémistocle présente par Thucydide et par Plutarque », in Kazimierz Kupisz (éd.), Le portrait littéraire, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1988, p. 11.

14 Archer Huntington écrit une lettre à sa mère entre le 4 février et le 8 mars 1909 où il raconte le succès fulgurant de Sorolla : « Nothing like it had ever happenend in New York » ainsi que les nombreuses commandes faites au peintre : « Orders of portraits poured in », Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, una visión de entresiglos, Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza, 1998, p. 378.

15 Dans une lettre datée du 03/02/1917, Sorolla se réjouit du rangement de son atelier car : « Aquí sólo se debe quedar la decoración y los retratos para Huntington y lo de Valencia de este año ». Víctor Lorente Sorolla et Blanca Pons-Sorolla, Epistolarios de Joaquín Sorolla. Correspondencia con Clotilde García del Castillo, Barcelone, Anthropos, 2008, vol. 2, p. 301.

16 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, op. cit., p. 352.

17 Huntington désigne Juan Ramón Jiménez comme membre élu de la Hispanic Society, lui offre la médaille d’argent de la société, lui demande de signer la colonne dédiée aux grands écrivains espagnols, lui offrit de nombreux livres, l’invite avec Zenobia à passer un jour à sa maison de campagne etc. Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez y Zenobia Camprubí. Años españoles (1881-1936), Séville, UNIA, 2014, p. 473.

18 Juan Ramón Jiménez, Epistolario II, 1916-1936, éd. A. Alegre Heitzmann, Madrid, Residencia de estudiantes, 2012, p. 26.

19 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, op. cit., p. 419. J’indique en italique les noms des personnes dont Juan Ramón et Sorolla ont brossé le portrait.

20 Michael P. Predmore, La obra en prosa de Juan Ramón Jiménez, Madrid, Gredos, 1975, p. 189 ; Ricardo Gullón, « El arte del retrato… », art. cit., p. 208-210.

21 Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez…, op. cit., p. 377-380.

22 Teresa Gómez Trueba, « Juan Ramón Jiménez y la residencia de estudiantes », in Javier Blasco (éd.), Juan Ramón Jiménez : Premio Nobel 1956, Madrid, Sociedad de Conmemoraciones Culturales, 2006, p. 247-251. Une note de Juan Ramón Jiménez nous donne plus de détails sur ce projet avorté de portraits liés à La colina de los chopos. Cette « galeria de españoles variados » devient, selon les dires de Juan Ramón, « un libro simplemente pintoresco ». Javier Blasco ajoute que La colina de los chopos devait être divisée en trois parties, dont « cada una de las partes iría presidida por un texto de Juan Ramón, al que seguirían, en la primera, textos de Ortega y Gasset, M. B. Cossío, Marañón, Ramón y Cajal, Simarro, Zulueta, Francisco Giner de los Ríos, Juan Ramón Jiménez, Antonio Machado y Unamuno; en la segunda, textos de su mujer, de Eugenio d’Ors, de Azorín, de Pi y Suñer, entre otros; y, para la tercera, el poeta tenía previsto preguntarles a los que no escribieron: ¿cómo lo veía usted?; y con las notas […] hacer dos páginas de cada uno ». Javier Blasco, « De actualidad y futuro a Españoles de tres mundos: problemas y claves de una etapa de la prosa juanramoniana », in Cristóbal Cuevas García (éd.), Juan Ramón Jiménez. Poesía total y obra en marcha, Barcelone, Anthropos, 1991, p. 63-81.

23 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society…, op. cit., p. 126.

24 Blanca Pons-Sorolla, « Sorolla: retratos individuales… », art. cit., p. 128.

25 La lettre, datée du 14 octobre 1913, est destinée à sa femme Clotilde quand Sorolla se trouve à Paris où il peint trois portraits de son autre mécène américain, Thomas Fortune Ryan et de l’amie de ce dernier. Víctor Lorente Sorolla et Blanca Pons-Sorolla, Epistolarios de Joaquín Sorolla…, op. cit, p. 76.

26 Javier Blasco et Francisco Diaz de Castro (éd.), « Libro de retratos », in Juan Ramón Jiménez, Obra Poética, Madrid, Espasa-Calpe, 2005, vol. 2, p. 217.

27 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society…, op. cit., p. 126.

28 Ibid., p. 77.

29 Juan Ramón écrit un portrait éloquent de Giner de los Ríos, « un Andaluz de fuego », analysé par : Ricardo Gullón, « El arte del retrato… », art. cit. Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society…, op. cit., p. 26.

30 Michael P. Predmore, La obra en prosa…, op. cit., p. 224.

31 Juan Ramón Jiménez, Epistolario II, op. cit., p. 26

32 Juan Guerrero Ruiz, Juan Ramón de viva voz, Valencia, Pre-textos, 1998, p. 335.

33 Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez…, op. cit., p. 393-397.

34 Víctor Lorente Sorolla et Blanca Pons-Sorolla, Epistolarios de Joaquín Sorolla…, op. cit, p. 98.

35 Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez…, op. cit., p. 202.

36 Baroja reproche notamment à Sorolla son avarice, son goût pour l’appât du gain et son manque d’engagement politique. Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, op. cit., p. 347-348.

37 L’animosité se ressent entre Juan Ramón et Baroja à plusieurs reprises. Juan Guerrero Ruiz, Juan Ramón de viva voz, op. cit., p. 259.

38 Ibid., p. 335.

39 Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez…, op. cit., p. 202.

40 Ibid., p. 377.

41 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, op. cit., p. 358.

42 Michael P. Predmore, La obra en prosa…, op. cit., p. 202-206 propose une analyse détaillée de ce portrait littéraire. La justesse de ce portrait a été également mentionné par María Antonia Salgado, « Tres incisiones… », art. cit., p. 63.

43 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, op. cit., p. 366.

44 Ibid., p. 366.

45 Juan Guerrero Ruiz, Juan Ramón de viva voz, op. cit., p. 150.

46 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, op. cit., p. 356.

47 Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez…, op. cit., p. 323.

48 Ibid., p. 326, 384.

49 Teresa Gómez Trueba, « Juan Ramón Jiménez… », art. cit., p. 252.

50 Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez…, op. cit., p. 386-387.

51 Antonio Campoamor González, Juan Ramón Jiménez…, op. cit., p. 386-387.

52 Ricardo Gullón, Conversaciones con Juan Ramón Jiménez, Séville, Sibila, 2008, p. 7.

53 Michael P. Predmore, La obra en prosa…, op. cit., p. 207-212 ; Blanca Pons-Sorolla, « Sorolla: retratos individuales… », art. cit., p. 129.

54 Fundación Barrié, Sorolla y la Hispanic Society, op. cit., p. 366.

55 Ramón Pérez de Ayala, Amistades y recuerdos, Barcelone, Aedos, 1961, p. 113. Dans l’hindouisme, la “Trimurti”, qui signifie étymologiquement “les trois formes”, représente la triple représentation de l’Être suprême, incarné par Brahma, Vishnou et Shiva.

56 Juan Ramón Jiménez, « Sorolla », in Juan Ramón Jiménez, Españoles de tres mundos, éd. Javier Blasco et Francisco Díaz de Castro, Madrid, Visor libros, 2009, p. 372.

57 Facundo Tomás, Las culturas periféricas y el síndrome del 98, Barcelone, Anthropos, 2000, p. 81.

58 Isabel Justo, Autorretratos, Valencia, Consorcio de Museos de la Comunidad Valenciana, 2012, p. 32-33.

59 Pons-Sorolla avance l’hypothèse que Sorolla eût fait ces autoportraits à la demande même de son épouse pour pallier à ses absences.

60 María Ángeles Sanz Manzano, La prosa autobiográfica de Juan Ramón Jiménez, Alcalá, Universidad de Alcalá, 2003, p. 193-214.

61 Soledad González Ródenas, Juan Ramón Jiménez. Por obra del instante. Entrevistas, Séville, Fundación José Manuel Lara, 2013, p. 417 ; p. 54.

62 Jesús Ponce Cárdenas, « Era una tarde de un jardín umbrío: trayectoria de un motivo finisecular entre poesía y pintura », Bulletin hispanique, 2013, vol. 115.1, p. 325. Blanca Pons-Sorolla, Joaquín Sorolla. Vida y obra, Madrid, Fundación de apoyo a la historia del arte hispánico, 2011, p. 459.

63 Soledad González Ródenas, Juan Ramón Jiménez, op. cit., p. 160.

64 María Antonia Salgado, « Tres incisiones… », art. cit., p. 68.

65 María Antonia Salgado, « Juan Ramón visto por Juan Ramón », Cuadernos hispanoamericanos, 1981, vol. 376-378, p. 11.

66 Blanca Pons-Sorolla, « Sorolla: retratos individuales… », art. cit., p. 116.

67 Ricardo Gullón, « El arte del retrato… », art. cit., p. 208-231.

68 Ibid., p. 210.

69 Michael P. Predmore, La obra en prosa…, op. cit., p. 199 ; María Antonia Salgado, « Tres incisiones… », art. cit., p. 57.

70 Ricardo Gullón, « El arte del retrato… », art. cit., p. 211.

71 María Antonia Salgado, El arte polifacético de las “caricaturas liricas” juanramonianas, Madrid, Ínsula-Madrid, 1968, p. 105.

72 María Ángeles Sanz Manzano, La prosa autobiográfica…, op. cit., p. 208.

73 María Antonia Salgado, « Juan Ramón visto por Juan Ramón », art. cit., p. 8-9 ; Margarita Iriarte López, El retrato literario, op. cit, p. 69.

74 Juan Ramón Jiménez, Ideolojía…, op. cit., p. 357.

75 Son goût pour la peinture a été amplement traité par Ángel Crespo, Juan Ramón Jiménez y la pintura, Salamanca, Universidad de Salamanca, 1999 ; María Carrera Pascual, Pintura y estética de Juan Ramón Jiménez, Huelva, Caja Provincial de Ahorros de Huelva, 1989.

76 Michael P. Predmore, La obra en prosa…, op. cit., p. 228-230.

77 Margarita Iriarte López, El retrato literario, op. cit, p. 55.

Pour citer ce document

Virginie Giuliana, « « Un retrato es ante todo un documento » : la galerie des hommes illustres de Juan Ramón Jiménez et Joaquín Sorolla » dans « Juan Ramón Jiménez: tiempo de creación (1913-1917) », « Travaux et documents hispaniques », n° 8, 2017 Licence Creative Commons
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Quelques mots à propos de :  Virginie Giuliana

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