D’outre-tombe : vie et destin des œuvres posthumes

Une trahison « reconstructrice » : la réhabilitation posthume de L’Art de la joie de Goliarda Sapienza en France

Mara Capraro


Texte intégral

1Selon Robert Escarpit, toute œuvre littéraire franchissant les frontières de son « public-interlocuteur1 » fait l’objet d’une « trahison créatrice » : trahison en ce que le nouveau contexte lectoral, au sein duquel l’œuvre est exposée, est porteur de tout un « système de références (en l’occurrence linguistique) pour lequel elle n’a pas été conçue2 », créatrice dans le sens où ce passage « l’enrichit non simplement d’une survie, mais d’une deuxième existence3 ». Que se passe-t-il, cependant, lorsqu’une œuvre qui a été rejetée pendant vingt ans dans son pays d’origine subit une soudaine réhabilitation posthume par le biais de sa réception dans un contexte historico-culturel différent ? Quels enjeux culturels et esthétiques sont-ils à la source de cette re-naissance post mortem ? En retraçant l’histoire éditoriale très tourmentée du chef-d’œuvre de l’écrivaine italienne Goliarda Sapienza, en partant de son refus éditorial italien jusqu’à sa découverte en France en 2005, cet article vise à sonder un cas d’étude singulier qui s’inscrit de manière complexe dans cette notion de « trahison créatrice ». Dès lors, la réhabilitation posthume de L’Art de la joie dans le champ littéraire italien et international – phénomène à la fois « anormal » et paradigmatique des « choix commerciaux des maisons d’édition européennes dans ces dernières années4 » – se démarque par le rôle fondamental de médiation de sa réception française. Ceci fut indispensable à une reconstitution de l’intégrité matérielle du texte ainsi que de son « esprit originaire5 ». Par le biais d’un parcours spéculaire dessinant la parabole du roman de Sapienza de l’Italie à la France, nous nous interrogerons sur les mécanismes et les implications sous-jacentes à cette re-naissance posthume, en portant notre attention sur le renversement paradoxal du statut de l’œuvre et de son écrivaine, dans le passage entre les deux pays, sous deux angles d’observation : le premier concerne la question de la commercialisation et des stratégies médiatiques de promotion, alors que le deuxième s’inscrit dans le cadre du jugement esthétique porté sur l’œuvre.

Goliarda Sapienza : une figure excentrique dans le panorama italien du xxe siècle

2Goliarda Sapienza est née à Catane en 1924, de l’union libre entre Maria Giudice, féministe et socialiste, et Giuseppe Sapienza, avocat antifasciste. Le contexte familial et géographique – à savoir, d’un côté, la situation rétrograde de la Sicile au début du siècle dernier et, de l’autre côté, son milieu familial progressiste et anti-conventionnel6 – eut, sans aucun doute, une influence fondamentale dans le façonnement d’une personnalité hors norme, ainsi que d’une approche antidogmatique qui caractérisera fortement sa démarche artistique. Ainsi, après un énorme succès en tant qu’actrice théâtrale et cinématographique, Sapienza commença sa carrière d’écrivaine vers la fin des années cinquante à la suite d’un événement qui la marqua profondément : le XXe congrès du Parti communiste et le conséquent processus de déstalinisation, qui représenta, pour l’écrivaine, la crise d’écroulement de toute « certitude dogmatique7 », soit de toute forme d’engagement et de cohérence dans la poursuite d’un idéal unique. La volonté de se consacrer à l’écriture correspond ainsi simultanément, pour Sapienza, au choix de se détacher de tout milieu idéologique et artistique de son époque et, dans les dernières années de sa vie, de vivre dans la pauvreté. Néanmoins, elle publia de son vivant quatre romans autobiographiques, qui eurent un succès assez discret auprès du public italien : les deux premiers, Lettera aperta (1967) et Il filo di mezzogiorno (1969), racontent sa recherche mémorielle et son expérience psychanalytique à la suite de deux tentatives de suicide suivies par une suppression de la mémoire à travers la pratique de l’électrochoc ; et les deux derniers, composés juste après les dix ans d’isolement pour la rédaction de L’Art de la joie, L’Università di Rebibbia (1983) et Le certezze del dubbio (1987), reconstruisent le récit de son expérience carcérale dans la prison féminine de Rebibbia, où elle fut recluse en 1980 à cause d’un vol de bijoux chez une amie. Ces quatre romans, que l’on pourrait classer dans deux phases distinctes d’après les expériences biographiques qui y sont narrées et le style adopté, constituent en réalité des composantes essentielles d’un projet littéraire plus vaste que Sapienza appellera, dans les année 1990, l’« Autobiographie des contradictions8 ». D’après ce que l’écrivaine affirme, le sens de cette démarche artistique pourrait se condenser dans la volonté d’enregistrer la nature purement phénoménologique de l’expérience humaine – à travers le filtre « ambivalent » et « dynamique » de son corps – dans le but de « saisir plus les contradictions que les cohérences9 ». Entre 1969 et 1977, Sapienza s’était ainsi consacrée entièrement à la rédaction d’un roman très vaste qui était censé être au cœur de ce cycle des contradictions et dont le titre résume, de manière suggestive, la charge révolutionnaire de ce chef-d’œuvre : L’Art de la joie. Ce roman fleuve retrace essentiellement la parabole d’une jeune fille, Modesta, depuis son enfance pauvre dans un petit village sicilien jusqu’à l’obtention d’une position de pouvoir et de richesse. Les deux facteurs déterminant le processus de formation de Modesta sont, cependant, sa patente immoralité – soit l’utilisation de tout moyen, dont le meurtre, pour sa survie – et, deuxièmement, la découverte et l’appropriation du plaisir physique, d’abord à travers la masturbation puis à travers des relations homosexuelles et hétérosexuelles, sous le signe d’un désir libre pour lequel « on peut aimer un homme, une femme, un arbre et peut-être même un âne10 ». L’Art de la joie dessine ainsi un itinéraire pour l’obtention du droit humain au bonheur où le désir corporel, en tant que source d’une libération de toute contrainte normative, est conçu comme seule forme d’opposition à cette cohérence qui, selon l’écrivaine, réduit le caractère contradictoire de la nature humaine et, de manière plus générale, du réel.

Le refus éditorial italien : un roman trop long et dérangeant

3Bien que Sapienza affirme dans ses carnets avoir été « dans ce xxe siècle jusqu’au cou11 », les vicissitudes éditoriales de L’Art de la joie en Italie – qui durèrent une vingtaine d’années et qui impliquèrent même la vaine intervention de l’ancien Président de la République italienne, Sandro Pertini12 – nous démontrent un fort décalage entre la démarche artistique de l’écrivaine et le contexte culturel et littéraire de son époque. La reconstruction du refus éditorial du manuscrit de Sapienza par le prisme des échanges épistolaires entre l’écrivaine et les éditeurs italiens dans la période 1978-198513 nous aide ainsi à mettre en lumière deux aspects fondamentaux qui constituèrent indubitablement un obstacle à la parution du roman.

4La première question concerne le conflit d’intérêt entre l’écrivaine, sa conception de l’engagement artistique et les stratégies du marché culturel. Cela implique nécessairement l’inscription de l’œuvre de Sapienza dans un contexte éditorial dominé par la « logique du best-seller », qui vit le jour en Italie avec Il gattopardo de Tomasi di Lampedusa en 1958 et se répandit, ensuite, notamment avec La Storia d’Elsa Morante en 1974 et Il nome della rosa d’Umberto Eco en 1980, ces deux derniers romans constituant néanmoins des cas d’école d’un soi-disant « best-seller de qualité », qui ne connut pas un fort développement en Italie14. En effet, ce que Sapienza définit dans une lettre à Sandro Pertini comme une « nouvelle forme de fascisme culturel15 » fait référence aux implications que l’émergence d’une société à capitalisme avancé en Italie – entre la fin des années 1950 et le début des années 1960 – avait eues sur la production et sur la diffusion de la culture : notamment par rapport à la question du livre qui devient essentiellement un produit industriel et, en même temps, à l’importante influence d’un réseau médiatique évolué permettant la diffusion de celui-ci. Dans la même lettre à Pertini, Sapienza affirme en effet :

Bientôt il n’y aura plus d’artisanat de l’écrivain, et il ne peut plus y avoir de véritable art sans l’artisanat. Bientôt, le livre sera emballé comme n’importe quel produit de l’industrie, dans un laboratoire dirigé par une équipe de techniques capables seulement de contenter le goût actuel, pour permettre des gains énormes et simples. Moi je m’étais résignée à ne plus lutter, à accepter que mon œuvre soit publiée – peut-être – seulement après ma mort. C’est quelque chose de difficile, Sandro, toi seul peux comprendre quelle condition malheureuse est de lutter sans aucun espoir. Mais tout le monde m’exhorte à te dénoncer cette corruption qui est en train de détruire lentement et inexorablement notre littérature16.

5Ce qui émerge de cette lettre – qui confluera plus tard dans une réflexion sur le rôle de l’artiste dans la société industrialisée à l’intérieur du roman, lui aussi posthume, Moi, Jean Gabin17 – c’est que la publication de L’Art de la joie se relie pour Sapienza à une tentative anachronique de réhabilitation de l’« artisanat de l’écrivain », impliquant l’autonomie de l’artiste, donc un contact moins formel avec le public18, et simultanément du rôle de l’« intellectuel-législateur19 », producteur d’une œuvre universelle, avec une fonction morale, qui « renferme toute notre pensée et notre raison de vie20 ». Cela nous permet de lire tout le parcours éditorial de L’Art de la joie en Italie sous le signe d’une constante tension entre la volonté de l’écrivaine de ne pas se soumettre à ces nouveaux mécanismes culturels – ce qu’elle définit quelques décennies plus tard « le piège de l’autocensure » et qui la conduit, par conséquent, à élaborer une posture « posthume » vis-à-vis de son public21 – et la nécessité de donner vie à sa Modesta. Dans cette deuxième perspective, l’on constate la vaine tentative de Sapienza de « vendre son produit », en convaincant les éditeurs de la valeur marchande de son manuscrit par deux stratégies différentes. Premièrement, elle insiste sur la lisibilité du roman par le grand public – un roman « riche d’aventures22 » pour tout type de lecteur – et donc sur son statut de long « roman populaire », comme elle l’écrit à Enzo Siciliano, ou de « roman historique », comme elle l’affirme dans sa lettre à Sandro Pertini. La définition de roman « historique » et « populaire » comportait aussi une inévitable homologation au modèle de « best-seller de qualité », le plus à la mode de la période, en particulier avec La Storia et Il nome della rosa, que l’on retrouve plus clairement à travers la référence, dans les lettres de Sapienza, aux œuvres de Morante et d’Eco : comparaison qui servait aussi à justifier la grosse taille du manuscrit. À ce propos, il est intéressant de remarquer comment, lors de la dernière tentative de publication chez Rusconi, le manuscrit est proposé sous le titre « Une femme du xixe siècle ». Deuxièmement, Sapienza semble viser également la promotion de son roman et la mise en valeur de l’artiste à travers le réseau médiatique. Ainsi, en dehors de la demande d’intervention d’Erich Linder, renommé agent éditorial, dans le but d’établir « un certain type de contrat qui engage l’éditeur à une large diffusion commerciale et publicitaire du roman23 », l’on constate aussi plusieurs démarches extra-éditoriales vouées à donner une visibilité à l’œuvre et à l’écrivaine. Il nous suffit de penser à l’article d’Adele Cambria « Dopo l’orca arriva la Gattoparda », paru dans Il giorno en 1979, qui annonce la sortie imminente de L’Art de la joie dans le but de lancer l’œuvre ; à la tentative, en 1982, de réaliser une série télévisée tirée du roman qui se termine avec le refus du directeur de la RAI affirmant : « Mais vous êtes fous, vous voulez que la RAI fasse faillite ! Cette femme tue sa mère, sa sœur, se masturbe, fait l’amour même avec des femmes, est incestueuse et elle ne paye jamais rien24 » ; enfin – selon le témoignage d’Angelo Pellegrino, dernier compagnon de Sapienza – à l’acte même d’aller en prison qui n’aurait constitué, pour elle, qu’un prétexte pour provoquer un scandale médiatique, suscitant l’intérêt des éditeurs italiens pour son roman. Toutes ces tentatives n’eurent, en réalité, aucun impact sur les éditeurs italiens, dont la plupart déclarèrent explicitement ou démontrèrent, en ne fournissant pas une véritable motivation à leur refus, avoir dû renoncer à la publication du manuscrit sans même l’avoir lu. D’après les lettres de réponse, l’on constate en effet que la majorité des éditeurs semblent préoccupés plutôt par les risques économiques que ce long roman populaire et historique pourrait provoquer25 : ce qui nous montre, d’un côté, l’incertitude de l’éditeur de miser sur cette écrivaine trop marginale d’un point de vue littéraire26 et, en même temps, très excentrique dans le panorama italien de cette période et, de l’autre côté, une certaine méfiance envers ce « romanzone27 » populaire et historique dans un contexte éditorial que le critique Domenico Scarpa définit, de manière emblématique, comme la « décennie des œuvres-monde manquées28 ». La combinaison de ces deux facteurs pourrait s’expliquer, par ailleurs, par le biais de ce que Ferretti désigne comme la phase de conciliation de la « qualité moyenne » du best-seller émergente dans les années 1970 en Italie29. Il s’agit essentiellement d’une période très peu dynamique, qui n’excède presque jamais de la sphère de l’écrivain déjà consacré, dont le succès se fondait essentiellement sur un compromis entre le privilège de l’écrivain – appartenant le plus souvent au milieu journalistique, académique ou mondain – et des stratégies éditoriales qui n’avaient pas réellement dépassé la séculaire scission entre un public élevé et populaire. C’est pourquoi, contrairement aux stratégies de Sapienza, les facteurs extérieurs qui contribuèrent davantage à décréter l’échec du roman en Italie furent la position excentrique de l’écrivaine et, deuxièmement, le statut de « long roman populaire et historique » de son œuvre.

6Néanmoins, le refus obstiné de Sapienza aux propositions de réduction de son roman relève d’un enjeu esthétique bien plus complexe. Loin de vouloir adapter son œuvre aux logiques du marché éditorial, Goliarda Sapienza était en effet consciente du fait que la valeur de L’Art de la joie pouvait se résumer dans ce qu’elle définit – dans une des dernières lettres, adressée à Antonio Ghirelli – comme un « projet moral » concevable exclusivement en suivant, dans son intégralité, le parcours de Modesta « depuis son enfance presque amorale, vouée exclusivement à survivre avec tous les moyens licites ou non […] jusqu’à l’obtention, au fur et à mesure qu’elle devient adulte, de la morale, d’une morale difficile et “différente”, d’une femme moderne. Femme libre et complète, soit ennemie de tout désir de pouvoir30 ». Dans ce complexe cheminement d’une femme « moderne » qui parvient à se libérer à travers sa résistance à tout « désir de pouvoir », l’on pourrait condenser le sens même de la démarche artistique de l’écrivaine, qui se fonde sur une ferme opposition à toute idéologie centralisante et même à toute forme d’abstraction monolithique, de sorte que la question même de la moralité de Modesta semble se résoudre dans la mise en doute de tout système manichéiste modélisant notre perception du monde. Cette idée poussa ainsi l’écrivaine à concevoir son œuvre sous le signe d’un « syncrétisme idéologique anti-normatif31 » se reflétant – au niveau de la surface narrative – sous la forme d’une forte hybridation textuelle et stylistique. Or, cette déconstruction d’une logique idéologique et narrative unique était néanmoins une démarche intolérable dans le siècle des « -ismes » italiens et, plus spécifiquement, dans une situation littéraire de transition d’une « littérature de l’idéologie » à une « idéologie de la littérature32 » qui avait déclenché, au sein de la critique, un débat concernant la stabilisation du canon littéraire et, simultanément, une forte sectorisation des maisons d’édition33. Ainsi, ce qui émerge dans les motivations du refus apportées par Rizzoli et Feltrinelli, les seuls éditeurs qui répondirent à l’écrivaine, c’est essentiellement l’impossibilité de trouver un véritable positionnement au roman de Sapienza dans le contexte littéraire de son époque : « il est difficile de trouver un emplacement à votre manuscrit34 », comme l’affirme Ghirelli dans une lettre. Cela fut à l’origine d’une paradoxale contradiction dans la lecture de l’œuvre. Dans une lettre du 29 février 1980, Ghirelli écrit à Sapienza en lui rapportant le discours de Pautasso, directeur des éditions Rizzoli : « Elle devrait le réduire drastiquement et lui donner une orientation un peu moins expérimentale. Seulement après cela, on pourrait en reparler35. » Deux mois plus tard, le 22 avril 1980, Inge Feltrinelli annonce elle aussi son refus, en commentant ainsi l’œuvre : « Le roman s’inspire essentiellement des canons narratifs du xixe siècle » et, conclut-elle, « l’orientation actuelle de notre maison d’édition, qui s’adresse plutôt à la littérature expérimentale, nous oblige donc à refuser votre offre36. »

7Sans entrer dans les détails de l’exégèse de l’œuvre, il est cependant indispensable de souligner que la véritable raison de l’incompréhension du roman de Sapienza en Italie ne réside pas dans le paradoxe implicite de cette contradiction, mais plutôt dans la tentative de vouloir inscrire dans un canon spécifique une œuvre qui fait de la contradiction même un élément structural et poétique fondamental.

8Les motivations du refus italien de L’Art de la joie, liées aux stratégies de commercialisation et à la tentative de canonisation de l’œuvre, constitueront la base de son succès post mortem. Néanmoins, la notion de posthume – dont l’étymologie renvoie à l’enfant né après la mort du père – s’inscrivait déjà dans la posture de Goliarda Sapienza et dans l’ambition démesurée et inadmissible de son projet artistique dans le panorama italien de l’époque. Dès lors, L’Art de la joie était peut-être plutôt un enfant né précocement et destiné, depuis le début, à attendre que le temps lui rende justice.

La réception posthume de L’Art de la joie : du bouche à oreille franco-allemand au phénomène médiatique français

9D’après ce cadre général sur le refus italien de L’Art de la joie, l’on peut affirmer que la note apportée sur le manuscrit du roman juste après son achèvement – « Aujourd’hui Goliarda a fini et Modesta commence37 » – anticipe et condense ce qui fut réellement le destin du roman. En dépit de l’édition de 1994, soit deux ans avant la mort de Sapienza, chez Stampa Alternativa – une petite maison d’édition avec une fonction de contre-information – avec l’ajout d’un sous-titre « Roman anticlérical » qui avait l’évidente fonction d’atteindre un public spécifique, il fallut attendre la mort de l’écrivaine pour que l’œuvre intégrale soit publiée, toujours chez Stampa Alternativa, en 1998. La publication ayant été totalement ignorée par la critique et le public italien38, la découverte de L’Art de la joie eut lieu ainsi hors d’Italie quelques années plus tard à travers le bouche à oreille franco-allemand. En effet, l’agent littéraire allemand Waltraud Schwarze découvrit le texte en 2002 lors d’une foire internationale et elle communiqua soudainement la nouvelle à Viviane Hamy, directrice de la maison d’édition française homonyme, par l’intermédiaire de Frédéric Martin. Contrairement à sa collègue allemande qui décida de diviser le livre en deux tomes, Viviane Hamy publia le roman intégralement en 2005. Ce fut un succès : 8 000 exemplaires furent vendus dans le premier mois de sa parution. L’Art de la joie eut alors en France un succès tellement retentissant qu’il déclencha non seulement une opération de découverte de toute la production narrative de l’écrivaine – ce qui fut possible grâce à l’engagement de Frédéric Martin chez Tripode, qui proposa aussi, en 2015, une deuxième édition de L’Art de la joie en format semi-poche – mais aussi une véritable réhabilitation posthume de l’œuvre de Sapienza dans le champ littéraire italien, à la suite de la publication du roman en 2008 chez Einaudi, et international.

10Le premier paradoxe du destin éditorial très tourmenté du roman sapienzien c’est qu’il trouve, après une bataille acharnée, sa place dans le siècle des best-sellers italiens parce qu’il a été d’abord reconnu comme l’un des meilleurs best-sellers dans un pays étranger avant de l’être, quelques années plus tard, par ricochet, dans son pays d’origine. Cette soudaine réhabilitation est liée tout d’abord aux risques éditoriaux assumés par Viviane Hamy – dont la politique éditoriale est, par ailleurs, celle de « découvrir de nouvelles voix » et de « re-découvrir des écrivains européens39 » – et, encore plus, au rapport de lecture de Nathalie Castagné, traductrice de Sapienza et véritable découvreuse du texte. Toutefois, le fort enthousiasme de la presse française – à partir du célèbre article « Sapienza, princesse hérétique » du critique René de Ceccatty paru dans Le Monde en septembre 2005 jusqu’à une véritable prolifération d’articles consacrés à Sapienza qui inondèrent les pages de Libération, Télérama, Le Nouvel Observateur, Le Soir etc. – eut un rôle essentiel dans ce processus d’exhumation. Cela s’inscrivit dans des stratégies éditoriales de marketing qui, cette fois-ci, précédèrent la parution même de L’Art de la joie, comme l’a déclaré Castagné lors d’une interview :

Ce que j’en ai vu est un travail parfait : envoi précoce de la première page – très frappante – du roman, accompagnée de la photographie qui servirait pour sa couverture, à divers critiques et libraires (je crois que je n’avais alors même pas définitivement relu la traduction). Le feu a été entretenu, de février ou mars 2005 à la date de parution, sans que – de loin – j’aie jamais eu le sentiment d’un relâchement. Et il était nécessaire d’agir ainsi, pour un livre d’une inconnue, et une inconnue morte depuis des années, un livre n’ayant obtenu aucun succès dans son pays d’origine, extrêmement long, atypique : dont la singularité allait de pair avec son dédain souverain de la « correction » en littérature. Le feu a été entretenu et a pris. Il s’est propagé. Beaucoup a été fait pour ce livre, je pense, mais ce beaucoup était ce qu’il fallait faire pour lui donner la chance d’exister40.

11Même si le succès de L’Art de la joie en France parvint très rapidement à dépasser cet intense travail de promotion, il est cependant fondamental de souligner comment ces stratégies médiatiques furent indispensables à conférer à un « livre d’une inconnue, et une inconnue morte depuis des années » la possibilité d’une nouvelle existence en œuvrant essentiellement dans le double sens d’une opération de consécration post mortem et d’une adaptation du texte à un contexte de lecture spécifique. Dans cette perspective, le premier constat concerne le renversement de la prétendue « mythologie de l’écrivain41 » à la base du processus de communication littéraire, soit le fait que la biographie même de Goliarda Sapienza devient, lors de sa publication française, l’un des principaux stimulus à la lecture du roman à travers le mythe de l’artiste maudit. Ainsi, d’un côté, la référence constante à d’autres cas éditoriaux similaires – et notamment au Guépard de Tomasi di Lampedusa – constitue une sollicitation très suggestive pour le public français. De l’autre côté, la reconstruction du profil biographique de l’écrivaine représente un élément constitutif fondamental de la presse française, se focalisant sur une série de topoi récurrents de ce mythe qui cherchent à transmettre une forte fascination pour la posture excentrique et marginale de Sapienza en tant que symptôme de la prédestination maudite de son œuvre : l’influence du milieu familial et environnemental, la formation et le parcours artistique diversifié, ses pratiques de travail et, enfin, la question du génie incompris à son époque. C’est pourquoi l’on constate ainsi une attention particulière accordée à sa condition de malheur et de pauvreté qui suit le refus du roman en Italie – ce qui nous montre l’écrivaine comme une sorte de martyre de l’industrie culturelle – mais aussi à son esprit libertin et insoumis, que l’on retrouve déjà dans certains titres de presse tels que « Goliarda Sapienza, écrivaine affranchie dès le berceau42 ». À l’opposé de son refus italien, la composante transgressive autant de la vie que de l’œuvre constitua, par ailleurs, l’un des fondements de la réception française de L’Art de la joie43 : ce qui conduit aussi à une forte assimilation entre la figure de l’écrivaine et celle de son héroïne. Donc, si cette mythification a joué indubitablement un rôle très important dans le grand succès du roman – et d’autant plus dans un contexte culturel qui, depuis Les Poètes maudits de Verlaine, se nourrit d’une forte attirance pour ce mythe – il ne faut pas négliger l’importance qu’eut dans la réception française une certaine construction identitaire nationale, dont le livre est porteur et qui nous oblige à inscrire partiellement le phénomène de L’Art de la joie dans le contexte éditorial plus vaste de la littérature italienne traduite en France depuis 1980, moment historique de forte intensification des échanges éditoriaux entre les deux pays44. Ce point de repère nous permet en effet, d’un côté, de situer la figure de Sapienza dans une lignée qualifiée par René de Ceccatty de « rebelles italiennes45 » – faisant référence à une tradition de littérature italienne subversive du xxe siècle qui eut un important succès en France – et, de l’autre côté, de contextualiser le décalage dans la réception de ce que Sapienza avait défini comme un « long roman populaire et historique » sous le signe d’un grand intérêt du public français pour son fort ancrage sicilien. Cette question, qui situe donc le succès posthume de L’Art de la joie dans le cadre général des stéréotypes culturels dans le passage entre les deux pays, se relie à l’importante présence des écrivains du sud de la péninsule dans la littérature italienne traduite en France pendant ces quarante dernières années : phénomène qui semble être particulièrement lié à une vision détachée et plus profonde que l’utilisation d’un point de vue insulaire apporte sur l’histoire de l’Italie et, en même temps, à un dense répertoire mythique qui confère à cette île un statut féerique de prototype de la condition humaine. En effet, dans la critique française de L’Art de la joie, l’on passe aisément de ce que René de Ceccatty définit comme un « projet historique […] dont on ne saurait pas imaginer la conception ailleurs qu’en Sicile46 » à une « Sicile qui nous est contée47 ». Dans cette même perspective, s’inscrit aussi l’importance, dans le contexte éditorial de la littérature italienne publiée en France, des « saveurs et parfums des langues régionales48 » au cœur des choix de traduction de Nathalie Castagné, qui décida de ne pas modifier dans le texte français le peu de mots siciliens présents dans le roman « afin qu’ils parviennent aussi à l’oreille du lecteur français49 ». Le maintien du dialecte de la langue source sous la forme du « binôme traductif » en langue standard – que l’on retrouve dans plusieurs traductions de textes italiens – a ainsi l’effet d’accentuer l’aspect folklorique et populaire mais aussi de défamiliariser le lecteur français50, en conférant à l’œuvre de Sapienza « la sagesse quotidienne et l’auréole du récit dérobé à toute dimension temporelle51 ».

12L’importance, dans la réception française, de l’image de la Sicile – dans sa double stratification historique et, en même temps, mythique et archétypale – constitue ainsi l’un des éléments fondamentaux d’une consécration posthume opérée par la critique française essentiellement par le biais d’une déstabilisation de toute étiquette normative applicable au roman et d’une volonté de rétablir la notion de liberté dont le livre est porteur, en mettant ainsi en valeur le fort lien entre la démarche esthétique et morale de l’écrivaine. Il faut souligner d’emblée que la réception française de L’Art de la joie s’inscrit, par ailleurs, dans un changement de paradigmes socio-culturels, qui tendent à une majeure individualisation de la démarche artistique et, simultanément, au sein d’une tradition philosophique et littéraire « laïque et libertine » qui constitue la source même du personnage de Modesta52. Cela nous permet ainsi de constater, d’abord, le fort intérêt de la critique pour la singularité posturale de l’œuvre, porteuse d’une telle idiosyncrasie et excentricité – dans sa charge transgressive, anti-canonique – qu’elle en fait un chef-d’œuvre immortel et hors du temps. Dès lors, la critique française oscillant entre roman historique et conte de fée, entre expérimentalisme et traditionalisme stylistique, entre écriture « tactile et onirique53 » et, enfin, entre témoignage de la condition féminine de l’époque et récit utopique sur la libération de la femme à nos jours, la reconnaissance de la valeur de L’Art de la joie en France tient de son caractère diversifié et pour cela insaisissable, de son statut monstrueux d’« ovni54 ». Se refusant donc obstinément d’inscrire le roman de Sapienza dans un canon littéraire spécifique ou dans un mouvement historique quelconque, les critiques français donnent à nouveau crédit et légitimité à cette œuvre en la situant, pour reprendre l’affirmation de Jean-Baptiste Marongiu, « tout simplement ailleurs55 ». Ainsi, si L’Art de la joie ne pouvait pas s’épanouir au siècle des « -ismes » italiens, le fondement de son succès en France consista dans sa propension à être, comme le déclare Pascale Haubruge, « sans fanatisme », c’est-à-dire un roman « libre56 ». La réception française de Sapienza pourrait, par ailleurs, se condenser dans ce mot, « liberté », toujours interprété dans son acception purement matérialiste, laïque et corporelle, consistant essentiellement en une quête de la joie, comme un art que l’on apprend : « l’art de la joie c’est la joie de l’art », écrit André Clavel dans un article significativement intitulé « La liberté au corps57 ». Pascal Haubruge affirme ainsi : « La joie – la grande, pas la peureuse, la socialement acceptable, la bourgeoisement sortable – est en effet la quête, la grande aventure de Modesta58. » C’est pour cette raison que L’Art de la joie a été salué exclusivement en tant que « roman optimiste », « roman du bonheur » et du « désir libre ». En dernière instance, nous pouvons affirmer que la réhabilitation de L’Art de la joie par la critique française a fait en sorte que le succès du roman se fonde sur un net renversement des pivots herméneutiques qui avaient décrété son échec en Italie – la contradiction structurale et poétique de l’œuvre étant accueillie comme fondement de son statut hors norme et immortel – en lui restituant, cependant, sa liberté originaire.

13La re-naissance de L’Art de la joie fut donc possible grâce à une série de facteurs qui sont fondamentaux dans tout processus d’exhumation posthume, tels que le rôle déclencheur de l’éditeur et du traducteur ou encore le stimulus de la promotion médiatique.

Conclusion

14Le rôle central de la réception française dans ce processus de réhabilitation posthume de l’œuvre de Sapienza concerne deux enjeux culturels et esthétiques fondamentaux. D’un côté, l’extraordinaire phénomène d’emballement médiatique eut l’effet de déclencher une véritable découverte et diffusion du roman de Sapienza. En effet, juste après la publication française de L’Art de la joie et l’importante promotion médiatique, un nombre considérable d’articles furent consacrés en Italie au « phénomène Goliarda Sapienza » en France : c’est pour cette raison qu’en 2006 déjà Rizzoli proposait une deuxième édition de L’Università di Rebibbia et Einaudi s’engageait pour la publication de toute la production inédite de l’écrivaine. De l’autre côté, alors que, même après l’exhumation du texte en France, la critique italienne n’avait pas réussi à saisir la puissante charge révolutionnaire du roman – ce qui a été particulièrement dénoncé par la biographe de Sapienza, Giovanna Providenti59 – la lecture de L’Art de la joie en France vit essentiellement une récupération de l’« esprit originaire » du texte. C’est pourquoi le parcours éditorial très complexe de L’Art de la joie, en passant de l’Italie à la France, semble témoigner d’un cas singulier de « trahison créatrice » où la réception de l’œuvre, sauvée du silence auquel elle était destinée, se trouve exposée à un nouveau contexte lectoral qui y superpose ses propres mythes et son propre système de références. L’œuvre retrouve ainsi paradoxalement, par ce biais, sa signification première.

Bibliographie

15Bonaccorso Maria Valeria, « L’acte de traduire L’Arte della gioia », thèse de doctorat, Facoltà di Lingue e Letterature straniere, Università degli studi di Catania, 2011.

16Cartal Élodie, « La réception de la littérature italienne en France des années 1980 à 2002 », mémoire de Master 2, Université Grenoble Alpes, 2010.

17Checcoli Paola, « Échanges culturels entre France et Italie : questions de traduction et réception littéraires et de politique éditoriale au début du xixe siècle », thèse de doctorat, laboratoire Langues, Littératures et Civilisations romanes, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2013.

18Clavel André, « La liberté au corps », Lire, 1er septembre 2005.

19Courriol Florence, « Pour une étude traductologique du plurilinguisme littéraire : la traduction française de l’insertion du dialecte dans le récit italien contemporain », thèse de doctorat, Laboratoire de recherche Centre Interlangues TIL, Université de Bourgogne, 2016.

20Crignon Anne, « Le choix des libraires », Le Nouvel Observateur, 25 août 2005.

21De Ceccatty René, « “Rebelles” italiennes », Le Monde, 7 avril 1995.

22De Ceccatty René, « Sapienza, princesse hérétique », Le Monde des livres, 16 septembre 2005.

23De Ceccaty René, « Goliarda Sapienza, la folie en tête », Le Monde, 3 avril 2008.

24David Catherine, « Sicile nous est contée », Le Nouvel Observateur, 8 septembre 2005.

25Escarpit Robert, Sociologie de la littérature, Paris, Presses Universitaires de France, 1958.

26Faivre Héloïse, Girost Geoffrey, Gradel Alice, Sanjuan Agathe et Vernaton Françoise, « La littérature italienne publiée par l’édition française : paysages et perspectives », mémoire de recherche pour l’obtention du diplôme de conservateur de bibliothèque, ENSSIB, 2002.

27Ferretti Gian Carlo, Il best-seller all’italiana. Fortune e formule del romanzo « di qualità », Bari, Laterza, 1983.

28Ferroni Giulio, Dopo la fine. Sulla condizione postuma della letteratura, Turin, Einaudi, 1996.

29Fumaroli Sébastien, « Il était une fois une femme de joie », Le Figaro, 13 octobre 2005.

30Gallozzi Gabriella, « “Vi racconto come vi ho fatto scoprire L’arte della gioia” », interview à Nathalie Castagné, Bookciak Magazine, 4 octobre 2015.

31Haubruge Pascale, « Comment la joie guida Modesta, par la grâce du grand art de Goliarda Sapienza », Le Soir, 9 septembre 2005.

32Hernandez Gonzalez María Belén, « La fortuna letteraria de L’arte della gioia in Europa », dans « Quel sogno d’essere » di Goliarda Sapienza. Percorsi critici su una delle maggiori autrici del Novecento italiano, dir.  Giovanna Providenti, Rome, Aracne, 2012, p. 99-113.

33Luperini Romano, Il novecento: apparati ideologici, ceto intellettuale, sistemi formali nella letteratura italiana contemporanea, Turin, Loescher, 1981.

34Luperini Romano, Cataldi Pietro, Marchiani Lidia et Marchese Franco, La scrittura e l’interpretazione. Dal Naturalismo al Postmoderno, vol. III, Palerme, Palumbo, 2007.

35Marin La Meslée Valérie, « L’Art de la joie », Le Point, 8 septembre 2005.

36Marongiu, Jean Baptiste, « Hymne à l’amour », Libération, 6 octobre 2005.

37Onofri Massimo, Il canone del Novecento, Rome, Laterza, 2008.

38Pascaud Fabienne, « Goliarda Sapienza – L’Art de la joie », Télérama, 3 septembre 2005.

39Pellegrino Angelo Maria, Lunga marcia dell’Arte della gioia, préface à Sapienza Goliarda, L’arte della gioia, Turin, Einaudi, 2008.

40Pellegrino Angelo Maria, Goliarda Sapienza, telle que je l’ai connue, traduit par Nathalie Castagné, Paris, Le Tripode, 2015.

41Providenti Giovanna, La porta è aperta. Vita di Goliarda Sapienza, Catane, Villaggio Maori, 2010.

42Rizzarelli Maria, Goliarda Sapienza. Gli spazi della libertà, il tempo della gioia, Rome, Carocci, 2018.

43Sangars Romanic, « L’Art de la joie », Chro, 13 novembre 2005.

44Sapienza Goliarda, Il vizio di parlare a me stessa. Taccuini 1976-1989, Turin, Einaudi, 2011.

45Sapienza Goliarda, Moi, Jean Gabin, traduit par Nathalie Castagné, Paris, Attila, 2012.

46Sapienza Goliarda, La mia parte di gioia. Taccuini 1989-1992, Turin, Einaudi, 2013.

47Sapienza Goliarda, L’Art de la joie, traduit par Nathalie Castagné, Paris, Le Tripode, 2015.

48Sapienza Goliarda et Pellegrino Angelo Maria, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, Rome, Edizioni Croce, 2016.

49Scarpa Domenico, Senza alterare niente, postface à Sapienza Goliarda, L’arte della gioia, Turin, Einaudi, 2008.

Sitographie

50https://information.tv5monde.com/terriennes/goliarda-sapienza-ecrivaine-affranchie-des-le-berceau-2687
http://www.viviane-hamy.fr/les-editions/article/les-editions?lang=fr
https://web.archive.org/web/20140806064059/http://www.booksblog.it/post/3054/larte-della-gioia-di-goliarda-sapienza

Notes

1 R. Escarpit, Sociologie de la littérature, Paris, Presses Universitaires de France, 1958, p. 98.

2 Ibid., p. 112

3 Ibid.

4 La dimension, en même temps, atypique et exemplaire de l’histoire éditoriale de L’Art de la joie a été mise en lumière par María Belén Hernández González dans son article « La fortuna letteraria de L’arte della gioia in Europa », dans G. Providenti (dir.), « Quel sogno d’essere » di Goliarda Sapienza. Percorsi critici su una delle maggiori autrici del Novecento italiano, Rome, Aracne, 2012, p. 99. Cette affirmation nous semble particulièrement intéressante au sein de notre réflexion, qui ne cherche pas seulement à montrer le caractère exceptionnel des vicissitudes éditoriales de L’Art de la joie, mais aussi à saisir les motivations du succès français du roman, en fonction de son inscription dans un panorama historico-culturel où se diffuse toujours plus la « mode » du posthume, ainsi que dans le contexte plus vaste des échanges éditoriaux entre l’Italie et la France, où l’on retrouve d’autres cas similaires à celui de Sapienza, tel que celui de l’écrivaine Milena Agus.

5 Dans son ouvrage Dopo la fine. Sulla condizione postuma della letteratura, Giulio Ferroni reprend la notion de l’« esprit » des œuvres artistiques selon Adorno : « Per Adorno insomma lo stesso “spirito” delle opere, il loro equilibrio interno e la loro legge formale, può perdersi mentre esse vivono e sono riconosciute nel processo storico. Nella loro vita postuma, nel loro prolungarsi nella tradizione, nel loro divenire “trasparenti” all’interpretazione, esse possono divenire altro da ciò che erano. » (G. Ferroni, Dopo la fine. Sulla condizione postuma della letteratura, Turin, Einaudi, 1996, p. 27).

6 Dans ses carnets, Sapienza utilise, à ce propos, la métaphore des « deux îles » : « Un’infanzia passata a saltare emotivamente e intellettualmente dall’isola cosmopolita, progressista e femminista di casa mia all’altra isola, retrograda e crudele, che era allora la Sicilia. » (G. Sapienza, La mia parte di gioia. Taccuini 1989-1992, Turin, Einaudi, 2013, p. 34)

7 Ibid., p. 25. Dans ce passage célèbre de son carnet, Sapienza met en valeur le lien entre cet événement historique – et la mort, quelques années plus tard, de sa mère, considérée comme modèle exemplaire d’engagement politique – et sa démarche artistique, se fondant, en opposition à cela, sur ce qu’elle appelle « le certezze del dubbio ».

8 Ibid.

9 Ibid.

10 G. Sapienza, L’Art de la joie, traduit par Nathalie Castagné, Paris, Le Tripode, 2015, p. 210.

11 La référence est tirée de la biographie de Goliarda Sapienza, écrite par Giovanna Providenti, qui cite un passage inédit des carnets daté du 26 octobre 1989 : « […] in questo scelleratissimo ‘900 di cui ho percorso i 65 anni di centro: che significa esserci stata dentro fino al collo ! » (G. Providenti, La porta è aperta. Vita di Goliarda Sapienza, Catane, Villaggio Maori, 2010, p. 158).

12 Le père de l’écrivaine, Giuseppe Sapienza, avait aidé Sandro Pertini et Giuseppe Saragat à s’enfuir de la prison de Regina Coeli à Rome pendant la Résistance. Goliarda Sapienza décide alors d’écrire une lettre à Pertini, qui était devenu président de la République, en lui demandant d’intervenir auprès des maisons d’édition pour que son manuscrit soit publié. Pertini se met en contact avec la maison d’édition Rizzoli, par l’intermédiaire d’Antonio Ghirelli, et Feltrinelli, mais ses tentatives de convaincre les éditeurs sont vaines.

13 La correspondance entre Sapienza et les éditeurs italiens a été recueillie et éditée par l’ex compagnon de l’écrivaine, Angelo Pellegrino, dans le volume Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, Rome, Edizioni Croce, 2016. La traduction des passages de la correspondance est la nôtre.

14 Comme l’affirme Romano Luperini, après une période de transition marquée par l’expérimentalisme – qui marqua un coup d’arrêt au phénomène du best-seller – les romans d’Elsa Morante et d’Umberto Eco constituent des cas d’école d’un soi-disant « best-seller de qualité » qui ne connut pas un grand développement en Italie, où la forte industrialisation des éditions conduisit très rapidement à la crise du « roman de recherche » et de la « narration tout court » et donc à une phase de « qualité moyenne » des romans de succès : « A partire dagli anni Settanta e con maggiore decisione negli anni Ottanta le case editrici seguono invece una logica quasi esclusivamente economica che si disinteressa del conflitto delle poetiche e perlopiù anche della qualità. » (R. Luperini, P. Cataldi, L. Marchiani, F. Marchese, La scrittura e l’interpretazione. Dal Naturalismo al Postmoderno, vol. III, Palerme, Palumbo, 2007, p. 763). Pour le cadre socio-historique du contexte éditorial du best-seller italien dans ces années, voir G. Ferretti, Il best-seller all’italiana. Fortune e formule del romanzo « di qualità », Bari, Laterza, 1983, p. 763.

15 G. Sapienza, A. Pellegrino, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, op. cit., p. 43.

16 Ibid., p. 44.

17 Dans ce dernier roman, Sapienza s’interroge, à maintes reprises, sur la valeur de l’instrument littéraire et sur la légitimité de gagner de l’argent pour son art et décide finalement de « ne pas gagner de l’argent en réduisant le rêve à un petit récit commercialisable, ne pas accepter un compromis. » (G. Sapienza, Moi, Jean Gabin, traduit par Nathalie Castagné, Paris, Attila, 2012, p. 135).

18 Dans son carnet de 1979, Sapienza évoque la période de la rédaction de L’Art de la joie comme un « rêve très beau » exempt de ce qu’elle appelle « la préoccupation de devoir publier » ; elle affirme, en outre, qu’elle a été forcée par son entourage à publier son manuscrit (G. Sapienza, Il vizio di parlare a me stessa. Taccuini 1976-1989, Turin, Einaudi, 2011, p. 97). Cette affirmation pourrait se lire comme une véritable revendication de la liberté de l’artiste, étant donné que, malgré cela, les lettres adressées aux éditeurs, ainsi que la forte dépression qui l’affecta juste après les premiers refus, nous montrent comment l’écrivaine – en persévérant dans sa volonté de ne pas vouloir « chercher des succès faciles », comme elle l’affirme à maintes reprises dans ses lettres – accordait une grande importance à la publication de son roman. En outre, dans les dernières lettres – plus particulièrement, dans une lettre à Alcide Paolini de 1981 et dans une lettre à Erich Linder de 1985 – Sapienza parle d’une véritable nécessité de « vendre son produit » pour pouvoir vivre exclusivement de son métier d’écrivaine : « écrire c’est mon travail […] et, même si cela me pèse beaucoup, je suis obligée pour ma survie à me battre pour vendre mon produit. » (G. Sapienza, A. Pellegrino, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, op. cit., p. 75). La traduction est la nôtre.

19 C’est Romano Luperini qui parle de la disparition de l’« intellectuel-législateur » : « A ogni livello, tramonta l’intellettuale-legislatore, che propone un insieme di valori e un modello di società. Al suo posto, si affermano lo specialista, esperto di un solo settore e a esso limitato, o l’interprete, che non agisce più come mediatore sociale complessivo o come portavoce collettivo, ma come portavoce di un’esperienza culturale circoscritta all’apparato in cui opera (in genere, la scuola o l’università). » (R. Luperini, P. Cataldi, L. Marchiani, F. Marchese, La scrittura e l’interpretazione. Dal Naturalismo al Postmoderno, op. cit., p. 604).

20 G. Sapienza, A. Pellegrino, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, op. cit., p. 43.

21 Dans la préface à l’édition italienne de L’Art de la joie, Angelo Pellegrino raconte que, trente ans après le début de la rédaction du roman, Sapienza avait affiché dans son bureau un panneau lui rappelant de faire toujours attention à ne pas tomber dans le « piège de l’autocensure » (A. Pellegrino, Lunga marcia dell’Arte della gioia, préface à G. Sapienza, L’arte della gioia, Turin, Einaudi, 2008, p. VI). Dans une page de ses carnets, Sapienza définit l’« autocensure » comme une conséquence de l’acte d’écrire qui accorde trop d’importance à son lecteur immédiat, et affirme ainsi qu’il faudrait avoir une attitude posthume envers son public : « Scrivere per gli altri come se si fosse già morti e pensando che mai, mai i tuoi scritti arriveranno alle persone che ami, ma solo ad una massa sconosciuta che poi si riduce a un ragazzo, una ragazza, un vecchio saggio che mai conoscerai. » (G. Sapienza, Il vizio di parlare a me stessa. Taccuini 1976-1989, op.cit., p. 17).

22 G. Sapienza, A. Pellegrino, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, op. cit., p. 12. Dans la première lettre que Sapienza écrit à Erich Linder, l’écrivaine est sûre que la richesse de l’intrigue et la lisibilité du roman par le grand public sont des caractéristiques garantissant la « valeur commerciale » de son manuscrit : « Il s’agit d’un roman très long mais d’une très grande lisibilité, qui aurait certainement un nombre de lecteurs non indifférent grâce à son intrigue et aux thématiques abordées. J’ai peu de doutes à propos de sa valeur commerciale et de sa qualité. » (Ibid., p. 17).

23 Ibid.

24 Ibid., p. 10.

25 La lettre de réponse de Ferruccio Viviani, directeur des éditions Rusconi, est particulièrement emblématique : « Il est inévitable, à cause de la longueur inhabituelle du roman, que nous ayons fait des calculs avant même de le lire, et les résultats sont préoccupants… » (Ibid., p. 78).

26 Dans la postface de l’édition italienne du roman, Domenico Scarpa écrit : « L’autore che vuole riemergere, il romanziere che parecchi anni or sono ha già pubblicato un paio di opere di medio successo, costituisce difatti uno spauracchio per ogni redazione editoriale. » (D. Scarpa, Senza alterare niente, postface à G. Sapienza, L’arte della gioia, Turin, Einaudi, 2008, p. 528).

27 L’expression « romanzone », faisant certainement référence au roman d’Elsa Morante et au célèbre débat qu’il avait déclenché dans ces mêmes années, a été employée par Enzo Siciliano dans sa lettre à Sergio Pautasso. (G. Sapienza, A. Pellegrino, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, op. cit., p. 15).

28 Ibid., p. 527 : « l’opera di una vita, compiuta anche quando è provvisoria e destinata come tale a comparire postuma, e provvisoria anche se licenziata dall’autore per la pubblicazione, è dunque un tratto distintivo dei nostri anni Settanta ». Scarpa affirme, en effet, qu’écrire un long roman populaire dans l’Italie des années 1970 était une « ambition inadmissible » et que si L’Art de la joie avait été publié, il aurait été discrédité comme La Storia d’Elsa Morante. La traduction est la nôtre.

29 G. Ferretti, Il best-seller all’italiana. Fortune e formule del romanzo « di qualità », Bari, Laterza, 1983.

30 G. Sapienza, A. Pellegrino, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, op. cit., p. 73.

31 M. Rizzarelli, Goliarda Sapienza. Gli spazi della libertà, il tempo della gioia, Rome, Carocci, 2018, p. 100. La traduction est la nôtre.

32 Voir R. Luperini, Il novecento: apparati ideologici, ceto intellettuale, sistemi formali nella letteratura italiana contemporanea, Turin, Loescher, 1981.

33 Pour ce qui concerne le canon littéraire italien dans cette période historique voir M. Onofri, Il canone del Novecento, Rome, Laterza, 2008.

34 G. Sapienza, A. Pellegrino, Cronistoria di alcuni rifiuti editoriali dell’Arte della gioia, op. cit., p. 49.

35 Ibid.

36 Ibid., p. 57.

37 A. Pellegrino, Goliarda Sapienza, telle que je l’ai connue, traduit par Nathalie Castagné, Paris, Le Tripode, 2015, p. 20.

38 Dans la préface à l’édition italienne de L’Art de la joie, Angelo Pellegrino décrit le faible succès de cette première édition : « Era il 1998. Numerosi critici e scrittori lo ricevettero. Passò sotto silenzio. Ricordo che entravo tutti i giorni in una libreria Feltrinelli che teneva due copie del romanzo dietro altri libri su una scansia in alto nascosta da una colonna. Mi dicevo tutte le volte: ma chi dovrebbe comprarlo »). Il affirme même qu’il paya de sa poche cette édition du roman. Ensuite, Pellegrino fait référence à la deuxième édition du roman chez Stampa Alternativa en 2003, qui eut plus de succès que la première. (A. Pellegrino, Lunga marcia dell’Arte della gioia, préface à G. Sapienza, L’arte della gioia, op. cit., p. V). Entre ces deux éditions, l’on constate en effet l’effort de certains critiques et journalistes italiens pour faire connaître et apprécier l’œuvre de Sapienza, comme par exemple Loredana Rotondo, réalisatrice du documentaire Goliarda Sapienza, l’arte di una vita (2000), Manuela Vigorita et Luca Orsenigo, qui dédièrent des articles au roman de Sapienza respectivement dans la revue Buddismo e società en juillet-août 2002 et dans le journal Il Corriere della Sera du 11 novembre 2011.

39 http://www.viviane-hamy.fr/les-editions/article/les-editions?lang=fr, consulté le 20 décembre 2018.

40 Échange par correspondance avec Nathalie Castagné réalisé le 31 juillet 2018.

41 Voir le chapitre « L’œuvre et le public » dans R. Escarpit, Sociologie de la littérature, op. cit., p. 98-113.

42 https://information.tv5monde.com/terriennes/goliarda-sapienza-ecrivaine-affranchie-des-le-berceau-2687, consulté le 20 décembre 2018.

43 Lors d’une interview, Nathalie Castagné déclare : « la Francia al contrario dell’Italia ama molto la trasgressione. Per cui il successo enorme de L’arte della gioia da noi si deve esattamente a tutto quello che l’ha fatto rifiutare da voi. » (G. Gallozzi, «“Vi racconto come vi ho fatto scoprire L’arte della gioia” », interview à Nathalie Castagné, Bookciak Magazine, 4 octobre 2015).

44 Voir É. Cartal, « La réception de la littérature italienne en France des années 1980 à 2002 », mémoire de Master 2, Université Grenoble Alpes, 2010 ; P. Checcoli, « Échanges culturels entre France et Italie : questions de traduction et réception littéraires et de politique éditoriale au début du xixe siècle », thèse de doctorat, laboratoire Langues, Littératures et Civilisations romanes, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2013 ; H. Faivre, G. Girost, A. Gradel, A. Sanjuan et F. Vernaton, « La littérature italienne publiée par l’édition française : paysages et perspectives », mémoire de recherche pour l’obtention du diplôme de conservateur de bibliothèque, ENSSIB, 2002.

45 R. de Ceccatty, « “Rebelles” italiennes », Le Monde, 7 avril 1995.

46 R. de Ceccatty, « Sapienza, princesse hérétique », Le Monde des livres, 16 septembre 2005.

47 C. David, « Sicile nous est contée », Le Nouvel Observateur, 8 septembre 2005.

48 H. Faivre, G. Girost, A. Gradel, A. Sanjuan et F Vernaton, « La littérature italienne publiée par l’édition française : paysages et perspectives », op. cit., p. 45.

49 Lors de notre interview à Nathalie Castagné, la traductrice affirme à propos de ses choix de traduction des termes et des tournures dialectales : « Selon moi L’Art de la joie est, parmi beaucoup d’autres choses, une grande célébration poétique de la Sicile, et il me paraissait juste, puisque Goliarda craint à plusieurs reprises que la langue sicilienne ne se perde, de laisser dans le texte quelques mots siciliens, afin qu’ils parviennent aussi à l’oreille du lecteur français. […] Pour tout le reste, j’ai essayé de rendre ce que je sentais : une grande tenue du sicilien, langage noble et populaire à la fois. Il s’agissait plus de tournures que de termes particuliers. Et il n’y avait en moi aucune autre intention que de suivre au plus près ce qu’écrivait Goliarda Sapienza et la façon dont elle l’écrivait. Ne pas la trahir était simplement l’interpréter avec le plus de justesse possible, en sachant bien que de toute façon, oui, j’interprétais, et en privilégiant l’esprit par rapport à la lettre, que j’ai toutefois essayé de suivre ou rendre, je le répète, au plus près. »

50 Le « binôme traductif » est une stratégie de traduction du dialecte qui consiste en « un maintien dialectal et une adjonction, par traduction en langue cible standard, d’un équivalent de sens. » Voir F. Courriol, « Pour une étude traductologique du plurilinguisme littéraire : la traduction française de l’insertion du dialecte dans le récit italien contemporain », thèse de doctorat, Laboratoire de recherche Centre Interlangues TIL, Université de Bourgogne, 2016, p. 500.

51 D. Scarpa, Senza alterare niente, postface à G. Sapienza, L’arte della gioia, op. cit., p. 525. Nous traduisons.

52 C’est Enzo Siciliano qui parle pour la première fois, dans une lettre adressée à Sergio Pautasso du 20 février 1979, de « l’esprit laïque et libertin » du roman de Sapienza. L’abondance de références implicites et explicites de L’Art de la joie à la culture française libertine et des Lumières a poussé plusieurs critiques, notamment Anna Carta, à souligner l’importance d’une étude approfondie sur l’influence de certains écrivains français des xviie et xviiie siècles dans la poétique de Sapienza. Dans cette perspective, une première analyse a été effectuée par Maria Rizzarelli dans son ouvrage Goliarda Sapienza. Gli spazi della libertà, il tempo della gioia, où elle essaie de lire le roman de Sapienza notamment par le prisme du traité L’Art de jouir de Julien Offray de La Mettrie.

53 J.-B. Marongiu, « Hymne à l’amour », Libération, 6 octobre 2005.

54 C. David, « Sicile nous est contée », Le Nouvel Observateur, 8 septembre 2005.

55 « L’Art de la joie est surtout un roman qu’on a refusé d’éditer du vivant de son auteur, parce qu’il n’était ni en avance ni en retard sur son temps mais simplement ailleurs. » (J.-B. Marongiu, « Hymne à l’amour », art. cité).

56 P. Haubruge, « Comment la joie guida Modesta, par la grâce du grand art de Goliarda Sapienza », Le Soir, 9 septembre 2005.

57 A. Clavel, « La liberté au corps », Lire, 1er septembre 2005.

58 P. Haubruge, « Comment la joie guida Modesta, par la grâce du grand art de Goliarda Sapienza », Le Soir, 9 septembre 2005.

59 La lettre de Giovanna Providenti est disponible sur le site : https://web.archive.org/web/20140806064059/http://www.booksblog.it/post/3054/larte-della-gioia-di-goliarda-sapienza, consulté le 20 décembre 2018.

Pour citer ce document

Mara Capraro, « Une trahison « reconstructrice » : la réhabilitation posthume de L’Art de la joie de Goliarda Sapienza en France » dans D’outre-tombe : vie et destin des œuvres posthumes,

Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen Normandie en juin 2018, publiés par Aurélien d’Avout et Alex Pepino

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude », n° 25, 2020

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=873.

Quelques mots à propos de :  Mara Capraro

Université de Grenoble-Alpes