Appropriations de Corneille

Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en octobre 2014, publiés par Myriam Dufour-Maître

Appropriations de Corneille

L’enseignement

Un Corneille à l’usage de la jeunesse au tournant des xviiie et xixe siècles : quelques jalons

Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval


Résumés

Si la présence de Corneille dans les textes et les volumes spécifiquement composés à l’usage de la jeunesse au tournant des xviiie et xixe siècles semble à première vue assez faible, elle est intéressante à plusieurs points de vue. En effet, cette période historique charnière d’intense réflexion sur l’émergence de la littérature comme champ spécifique, combinée à une forte activité éducative valorise d’une part les plans de lecture et les bibliothèques idéales, d’autre part les cours de présentation des belles-lettres, ce qui permet de combiner l’approche prescriptive et critique sur des textes-jalons. La figure de Corneille se construit alors comme celle de l’auteur tragique qui donne naissance au théâtre français durant le siècle de Louis XIV, celui-ci étant circonscrit au classicisme au sein d’un palmarès sélectif de genres valorisés, d’auteurs retenus et d’un choix de pièces. Corneille vient illustrer ce schéma d’ascensions et de déclins qui nourrira tant de développements au xixe siècle d’histoire littéraire, de critiques et d’applications pédagogiques.

Texte intégral

1La présence de Corneille dans les textes et les volumes spécifiquement composés à l’usage de la jeunesse au tournant des xviiie et xixe siècles semble à première vue assez faible et la moisson plus maigre que pour d’autres auteurs classiques. Ainsi, le théâtre de Molière suscite-t-il des éditions qui procèdent par choix et par réécriture avec des simplifications obéissant, on s’en doute, à des critères moraux, preuve que la réappropriation de l’auteur comique phare du xviie siècle est acquise, quel que soit l’horizon culturel et pédagogique de l’entreprise. On en jugera par ces deux titres : Louis-François Jauffret publie Le Molière de la jeunesse (Paris, Veuve Nyon, 1807 ; Maumus, 1830) dont le faux titre est Petit répertoire dramatique de la jeunesse et Élite des comédies de Molière, comprenant les principales comédies de Molière réduites à un ou deux actes. Comme le montre la liste des personnages supprimés1, ce sont principalement les intrigues amoureuses et les divertissements qui sont jugés inutiles ou dangereux. L’abbé Aloys Perrault-Maynand écrit Le Molière de la jeunesse ou recueil de pièces propres à être représentées aux distributions de prix par les élèves des maisons d’éducation, paru à Lyon, en 18362.

2La même démarche, quoique sur un mode mineur, s’observe à propos de Regnard avec Le Regnard de la jeunesse de Jauffret (Paris, P. Maumus, 1830) et de Racine notamment avec une Athalie dans une version intégralement masculine dans le tome II du Théâtre à l’usage des collèges, des écoles royales militaires et pensions particulières de Pierre-Jean-Baptiste Nougaret en 17893.

3Ces pratiques de réécriture sont justifiées d’un double point de vue moral et pratique : « On ne peut s’empêcher de regretter que ce qu’il y a de répréhensible dans ces pièces, prive les familles et les pensionnats de la lecture si attrayante et si utile de ce qu’elles offrent d’intéressant et de moral », écrit Jauffret dans son Molière de la jeunesse4. Il y a là conjointement une tendance et une demande du lectorat que satisfont les auteurs et les maisons d’édition. Qu’en est-il pour Corneille ?

4La situation semble différente pour plusieurs raisons. Les belles-lettres dont le discours va aller en se spécialisant vers la littérature au cours du xviiie siècle (avec une scission selon Philippe Caron5 entre Lettres et Sciences entamée en 1660 et achevée en 1760) contribuent à établir Corneille comme auteur tragique, au détriment des comédies. Cette vision « monogenre », qui le fait toujours considérer en parallèle avec Racine et en complémentarité avec Molière, est nourrie par la réflexion historique, théorique et de plus en plus esthétique du champ réflexif de la « littérature ». Enfin, la réduction de la production cornélienne à la tragédie limite sa réappropriation par le milieu éducatif et éditorial6, ce que souligne entre autres cette entrée dans la table des matières du Traité des études de Rollin7 : « Corneille (Pierre) : Son éloge par M. Racine », entrée reprise à « Racine » qui rappelle le discours de réception, comme « modèle achevé de cette éloquence noble et sublime, et en même temps naturelle et sans affectation », prononcé par Racine pour Thomas Corneille, succédant à son frère :

Corneille, n’en doutons point, Corneille tiendra sa place parmi toutes ces merveilles. La France se souviendra avec plaisir que sous le règne du plus grand de ses rois a fleuri le plus grand de ses poètes.

5Dans une période historique charnière d’intense réflexion sur l’émergence de la littérature comme champ spécifique, combinée à une forte activité éducative visible dans les textes et les pratiques, quels traits pouvons-nous retenir de la présence de Corneille et de ses modalités dans ces ouvrages à destination de la jeunesse ? Nous l’étudierons à travers deux types d’ouvrages qui structurent cette librairie particulière en train de se constituer, d’une part les plans de lecture et les bibliothèques idéales, d’autre part les cours de présentation des belles-lettres, ce qui permet de combiner l’approche prescriptive et critique dans un corpus focalisé sur des textes-jalons.

Corneille dans les plans de lecture et les bibliothèques idéales

6Notre corpus, limité à des exemples représentatifs par leur diversité formelle et leur longévité éditoriale, comprend les ouvrages suivants dans l’ordre chronologique :

7– les Conseils pour former une bibliothèque peu nombreuse mais choisie8 de Johann Heinrich Samuel Formey, d’abord publiés à Berlin, chez Ambr. Haude et J.-C. Spener, en 1746 et 1756 ; puis à Paris en 1756 avec des changements effectués par l’éditeur. Michaud, dans sa biographie, explique que l’éditeur a retranché des ouvrages français édités à Berlin et en a ajouté d’autres édités en France « inconnus à Formey ou dédaignés par lui9 ».

8– le roman d’éducation Adèle et Théodore10 de Mme de Genlis, Paris, chez M. Lambert et F. J. Baudouin, 1782.

9– le Plan de lecture pour une jeune dame de Claude-François-Adrien Lezay-Marnésia11, Paris, Prault, 1784.

10– L’École des jeunes demoiselles de l’abbé Joseph Reyre12, 1786.

11– le tome VI du Comte de Valmont ou Les Égarements de la raison, intitulé La Théorie du Bonheur ou l’art de se rendre heureux mis à la portée de tous les hommes, faisant suite au Comte de Valmont et à laquelle on a joint deux lettres, l’une sur l’éducation des demoiselles, l’autre sur un choix de lectures de l’abbé Philippe-Louis Gérard, Paris, Bossange, Masson et Besson, 180113.

12– la Maison rustique, pour servir à l’éducation de la jeunesse, ou Retour en France d’une famille émigrée de Mme de Genlis, Paris, Maradan, 1810.

13La volonté prescriptive de ces textes particuliers que sont les plans et les bibliothèques idéales montre la coexistence de conceptions religieuses, morales avec une conception plus ouvertement littéraire. Aussi, les divergences les plus importantes au niveau de ces plans apparaissent-elles dans les listes d’auteurs français recommandés, car le type de plan de lecture et par conséquent le cadre idéologique dans lequel il s’inscrit, deviennent des critères dominants. La littérature française est extrêmement réduite chez l’abbé Reyre14 qui tonne contre les romans, les écrits de Voltaire et de Rousseau, qui critique le plan de lecture d’Adèle (dans l’ouvrage de Mme de Genlis) et chez l’abbé Gérard. Ce dernier ouvrage est exemplaire d’une stratégie d’élimination de la littérature au profit de la religion et de la morale. Le point de départ étant la religion, seule la littérature apologétique est recommandée. On ne relève que deux occurrences de Corneille, significatives de la démarche. Corneille apparaît dans une liste d’auteurs croyants :

[…] les Corneille, les Racine, les La Fontaine, et ce Jean-Baptiste Rousseau, dont la mort édifiante a réparé la vie ; les Despréaux, les La Motte, les La Bruyère, les Bossuet, les Fénelon, les Condé, les Turenne, les Luxembourg, les Catinat, les d’Aguesseau, les Lamoignon, et tant d’autres qui ont fait la gloire du dernier siècle, étaient-ils donc des superstitieux, des fanatiques, des hommes à préjugés en matière de religion15 ?

14Dans la section « Poésie », on lit :

Personne n’ignore quels sont nos poètes les plus célèbres. Il serait à désirer qu’on fît un choix de ce qu’ils ont d’excellent ; et il est remarquable que la plupart de nos plus beaux morceaux sont ceux dont la religion a fourni le sujet. Tels sont les Odes sacrées de Rousseau, le Polyeucte de Corneille, l’Athalie et l’Esther de Racine, le fameux sonnet de des Barreaux, etc.

15C’est la seule référence à Corneille, car pour le style, l’abbé Gérard renvoie à la Phèdre de Racine et au Méchant de Gresset16. Le développement sur la lecture se situe dans la première « Lettre à une mère sur l’éducation de sa fille17 » : il insiste sur le danger de la lecture18, explicite sa préférence pour les ouvrages apologétiques19, qu’il importe de choisir en fonction de l’âge, de l’esprit et de l’intelligence des lecteurs20. La « Seconde lettre à la même sur un choix de lectures21 » est présentée comme répondant à une demande de la mère et de « plusieurs personnes22 ». Après des principes généraux portant notamment sur la difficulté de graduer les lectures par rapport à l’âge, l’abbé Gérard adopte « une latitude assez grande23 », « susceptible de convenir au plus grand nombre » et donne une liste tournée vers la religion24, assortie de deux autres listes, une d’ouvrages de réfutation des philosophes (commençant toujours par la même entrée « contre » suivi d’un nom de philosophe ou d’un ouvrage de philosophie) et une d’ouvrages de piété25. Le maître mot est le petit nombre de livres car « rien n’est si difficile et si rare aujourd’hui que de n’avoir, même en petite collection, que de bons livres26 » et la faible place accordée à la littérature27. Les seuls ouvrages de littérature cités sont les fables de La Fontaine, de l’abbé Jean-Louis Aubert et de La Motte, les ouvrages de Berquin, de Jauffret, « quelques ouvrages » de Mme de Genlis28.

16Les ouvrages de littérature qui dominent, en revanche, dans les bibliothèques et les plans de lecture de Formey, de Mme de Genlis et de Lezay-Marnésia, accordent bien sûr une place à Corneille.

17Les Conseils pour former une bibliothèque peu nombreuse mais choisie de Formey29 s’ouvrent par une dédicace à « Son Altesse Royale Monseigneur le prince Henri, frère du roi » et insistent sur « les écrivains qui ont acquis quelque réputation dans la littérature et les matières de goût » et « l’amour des Belles-Lettres dont la fréquentation est un gage de vertu » car « le progrès des vertus est ordinairement proportionné à celui des lumières ». L’ouvrage obéit à un classement par « articles » qui, tout en conservant la hiérarchie traditionnelle des champs de la connaissance, innove par la place laissée à la littérature et l’introduction de certains genres. Viennent ainsi en tête « Écriture Sainte, théologie et histoire ecclésiastique » (p. 1-13), « Philosophie » (p. 13-20), « Belles-Lettres » (p. 20-2930), « Journaux » (p. 29-33 – « le but des journaux étant d’ouvrir la route des Belles-Lettres aux personnes qui n’ont pas le temps, ou les moyens de s’y livrer entièrement31 »), « Histoire » (p. 34-40), « Romans » (p. 40-49), « Poésie » (p. 49-58). Après les poètes, viennent les poètes dramatiques : « Passons au théâtre, et voyons-y d’abord régner trois poètes que l’heureux siècle de Louis le Grand a produits, et qui n’ont point eu jusqu’à présent d’égaux32. » La répartition par genre est canonique : « Je parle de Corneille et de Racine dans le Tragique, et de Molière dans le Comique33 » et conduite sur le mode superlatif : « aucun auteur n’a occupé le théâtre aussi longtemps, avec un succès aussi soutenu que ces trois-là34. » Le commentaire qui suit pose comme évidentes des considérations appelées à être répétées, soit la prise en compte la notion de siècle de Louis XIV, la considération des trois dramaturges ensemble et, par voie de conséquence, l’affectation à chacun d’un genre défini : le tragique pour Corneille et Racine, le comique pour Molière, ce qui élimine d’emblée la prise en considération de l’œuvre comique de Corneille (déjà obérée par la conception et la réécriture d’une histoire littéraire linéaire et progressive35). L’ouvrage se poursuit avec les chapitres « Éloquence » (p. 58-60), « Morale et goût » (p. 61-68), « Science militaire et mathématiques » (p. 68-76), « Géographie et voyage » (p. 77-82), « Jurisprudence et médecine » (p. 83-86).

18Le célèbre « cours de lecture suivi par Adèle36 » dans le roman épistolaire de Mme de Genlis confirme cette tendance en l’inscrivant dans un panorama de lectures littéraires graduées par âge. Fidèle à sa théorie de ne faire lire les grands auteurs qu’après ceux dits « de second ordre », le « Théâtre du grand Corneille » est donné à Adèle à l’âge de 17 ans. Si on ne regarde que les corpus théâtraux, cette lecture vient donc après les « Drames et Dialogues pour les enfants de Mme de La Fite » lus à 7 ans ; « cinq comédies du Théâtre d’éducation37 » à 9 ans ; le théâtre de Campistron à 11 ans ; celui de Lagrange-Chancel à 12 ans (année de la première Communion) ; la totalité du Théâtre d’éducation à 13 ans ; le théâtre de Boissy, de Marivaux et de Goldoni à 14 ans ; celui de Destouches, de La Chaussée à 15 ans ; la « traduction du Théâtre des Grecs », le théâtre de Crébillon, des « pièces détachées38 », les traductions de Plaute et Térence à 16 ans ; enfin Gresset, Corneille, Racine, Voltaire à 17 ans. Le plan ne livre pas un commentaire sur la place de Corneille dans la production dramatique mais, sous couvert de donner un cadre pédagogique, critique Voltaire. Adèle se livre à un travail critique sur Corneille et sur les Commentaires de Voltaire : elle fait des extraits sur Corneille et lit l’édition de Voltaire « afin de juger par elle-même39 » :

Quand elle eut fini ses extraits, Madame d’Almane rectifia ses jugements en lui faisant connaitre ceux de M. de Voltaire ; en même temps qu’elle lui fit remarquer que toutes les notes ne sont pas également justes40.

19La Révolution et les retournements politiques de Mme de Genlis ne modifient pas ses recommandations en matière de bibliothèque, comme le montre la Maison rustique, pour servir à l’éducation de la jeunesse, ou Retour en France d’une famille émigrée, publiée à Paris, chez Maradan, en 1810. Le tome I, chapitre 8, donne la liste des ouvrages contenus dans les « 4 corps de bibliothèque41 » répartis selon une classification traditionnelle en « Livres de piété », « Moralistes », « Histoire », « Sciences, agriculture, économie domestique », « Littérature, poésie, théâtre », « Livres anglais », « Livres italiens ». Pour le genre théâtral, les « Œuvres de P. Corneille, avec les commentaires de Voltaire, 12 vol. in 8o » voisinent avec les Œuvres de Gresset (« 2 vol. in 12 »), de Racine avec les commentaires de Geoffroy (« 7 vol. in 8o fig, 1808 »), de Crébillon père (« 3 vol. in 8o »), de Molière (« 8 vol. in 12 fig, 1806 »), de Regnard (« 6 vol. in 8o fig ») et le « Répertoire du théâtre français » (« 23 vol. in 8o fig »). Une même pratique de lecture expurgée et accompagnée est recommandée :

On doit supposer qu’une mère telle qu’Elmire, ne donnera pas à sa fille la permission de lire seule tous ces livres ; que même, dans ce nombre, il en est plusieurs dont elle supprimera beaucoup de choses dans ses lectures, comme par exemple dans les œuvres de Molière ; et qu’en lisant certains passages de quelques autres, elle fera les réflexions convenables42.

20Le Plan de lecture pour une jeune dame de Lezay-Marnésia, publié chez Prault en 178443, marque un pas décisif en faveur de la littérature. Dans sa Préface, Lezay-Marnésia précise les limites d’un tel ouvrage, qui exclut une analyse comparée des grands auteurs : « Que dire de Corneille et de Racine après Vauvenargues ? De Corneille, de Racine et de Voltaire, après M. de Saint-Lambert et après l’auteur de la fable de “L’aigle et du hibou” », dont il est plus aisé de critiquer que d’avoir les défauts44. » De même, les limites d’un plan lui font s’interdire la restitution d’éloges déjà publiés ailleurs. C’est pourquoi il renvoie à Vauvenargues, « quoique je n’adopte pas entièrement le jugement qu’il porte de notre premier poète dramatique45 ». La nouveauté réside d’abord dans le plan adopté qui présente les ouvrages selon l’ordre suivant : grammaire, religion (catéchismes et auteurs religieux), avec des partis pris comme le peu d’ouvrages de morale car « Pour que la morale touche, il faut qu’elle soit en action : c’est ainsi qu’on la trouve dans quelques romans parfaits, dans quelques bonnes tragédies, et dans quelques comédies excellentes46. » L’histoire vient ensuite avec l’histoire des Juifs, des Anciens, de France, les mémoires et les vies, l’histoire de l’Europe – Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne, peuples du Nord – et Amérique). Le jugement en littérature s’appuiera sur « le cours de littérature de Batteux », « la Poétique de Marmontel », « les réflexions de l’abbé Du Bos » : outre ces références, la notion de « goût » qui annonce la célébration du beau texte est révélatrice d’un changement de point de vue et de critères. Concernant plus précisément le théâtre, Lezay-Marnésia affirme la spécificité du genre :

Avant que de lire les poètes dramatiques, peut-être faudrait-il voir représenter leurs plus belles pièces. Faites pour parler avec force à notre âme, elles ont besoin de l’illusion théâtrale pour produire tout leur effet47.

21S’il donne comme premier exemple Racine et Voltaire (avec Andromaque et Zaïre48), Rodogune arrive dès la page suivante49 avec des exemples de héros de Crébillon pour souligner que l’impression laissée (en ce qui concerne Rodogune, Lezay-Marnésia parle de « trouble ») serait moins grande sans le souvenir de la représentation. Cette approche très neuve est immédiatement suivie de l’éloge du roman50. Cependant, Corneille n’est pas présenté sur le même plan que Molière, Racine ou Voltaire et son nom n’est pas invoqué dans le regret qu’exprime Lezay-Marnésia, à savoir que les dramaturges n’aient pas écrit de romans, ce genre idéal à la production d’« ouvrages sublimes et de la plus grande utilité » :

N’est-ce pas à Voltaire qu’est due la révolution qui, depuis quarante ans, s’est opérée dans les esprits ! Pour en faire une bien plus heureuse il n’a manqué à Racine et à Molière que de le tenter51.

22La place de Corneille varie donc dans les plans de lecture et les bibliothèques idéales selon le contexte éducatif, religieux et moral dont ils sont porteurs, plus que selon leur date de rédaction et de publication. Cette première forme de réappropriation – celle de la présence dans ce qui s’apparente à une liste prescriptive – indique au-delà des recommandations la façon dont se construit la figure littéraire de Corneille dans un champ disciplinaire en cours d’élaboration.

Corneille dans les cours de belles-lettres

23La multiplication de ces ouvrages illustre la prise d’autonomie de la littérature par rapport à d’autres champs de la culture et la constitution d’un « champ littéraire52 ». Trois ouvrages nous serviront de jalons pour cette progressive réappropriation de Corneille par l’histoire littéraire :

24– L’Introduction générale à l’étude des sciences et des belles-lettres en faveur des personnes qui ne savent que le français, d’Antoine-Augustin Bruzen de La Martinière, publié à La Haye chez J. Beauregard, en 1731 et republié à Berlin, chez Haude et Spener, en 1756 dans le volume comprenant les Conseils pour former une bibliothèque peu nombreuse mais choisie de Johann Heinrich Samuel Formey53.

25– Les Principes élémentaires des Belles-Lettres Nouvelle édition, augmentée par l’auteur, avec des réflexions sur les spectacles, de Formey, publiés à Amsterdam, chez H. Schneider, en 1763.

26– Les Éléments de littérature, Extraits du Cours de Belles lettres de M. L’abbé de Batteux par un professeur, publiés à Paris, chez Saillant et Nyon, 177354.

27Bruzen de La Martinière justifie pédagogiquement son ouvrage qui doit, selon un argument éditorial répandu, contribuer à réparer une éducation négligée ou mauvaise donnée dans les collèges55 et s’applique à établir la distinction avec le traité de Rollin56. Sa Partie seconde57 : Des belles-lettres contient un texte faisant de Corneille le réformateur du théâtre classique français. De manière significative, avant même de parler du dramaturge, il fait l’éloge de Chapelain : « s’il eût le génie de Corneille, ou que Corneille eût la théorie de Chapelain, quels chefs-d’œuvre n’aurions-nous pas58 ? », ce qui souligne que les règles vont conditionner le discours sur Corneille et son utilisation dans une progression historique. Bruzen de La Martinière est un des premiers à parler des comédies de Corneille, mais s’il le fait, c’est pour établir une chronologie et une hiérarchie dans la production cornélienne, en fonction de l’observation des règles :

Corneille, auteur de quelques comédies où il avait si peu observé les règles que, de son aveu, il ne savait pas qu’il y eût des règles ; Corneille, dis-je, après des essais informes qui n’annonçaient pas à beaucoup le mérite de leur auteur, hasarda Le Cid […]59.

28L’hypothèse de Bruzen de La Martinière selon laquelle Corneille apprend les règles grâce à Scudéry et à l’Académie (« Il les étudia, et en peu de temps on en aperçut le fruit dans les Horaces, dans Cinna, et dans les chefs-d’œuvre qui se suivirent de fort près60 ») permet d’établir que Corneille accomplit sa réforme dramatique en même temps que celle du théâtre français, dont l’histoire est vue comme un progrès continu du chaos vers le classicisme :

Corneille après avoir quelque temps cherché le bon chemin et lutté contre le mauvais goût de son siècle, enfin inspiré d’un génie extraordinaire et aidé de la lecture des Anciens, fit voir sur la scène la raison, mais la raison accompagnée de toute la pompe, de tous les ornements dont notre langue est capable, accorda heureusement le vraisemblable et le merveilleux et laissa bien loin derrière lui tout ce qu’il avait de rivaux61.

29Une note de l’éditeur62 indique que Bruzen de La Martinière s’inspire dans ce développement du discours prononcé par Racine pour la réception de Thomas Corneille à l’Académie-Française, preuve que le schéma historique selon lequel la littérature française et la poésie dramatique connaissent une évolution continue vers le classicisme est devenu la doxa. Bruzen de La Martinière renvoie ainsi aux Examens et aux trois Discours de Corneille pour montrer que « l’auteur n’a point eu une idée assez nette des règles qu’il n’avait apprises que fort tard63 » ; il renvoie également à la carrière de Racine aidé de Despréaux et bien sûr à celle de Molière passant « des farces indignes d’un spectateur de bon goût64 » à la grande comédie.

30Les Principes élémentaires des Belles-Lettres de Formey s’inscrivent dans ce même mouvement de glorification de Corneille (« dès que le grand Corneille parut65 ») et de paternité fondatrice du théâtre français66. Ses six ou sept premières pièces paraissent indignes de lui, mais déjà « Mélite est admirable après les pièces de Hardy67 » :

Une des plus grandes obligations que l’on ait à M. Corneille, c’est d’avoir purifié le théâtre. Entraîné d’abord par l’usage établi, il y résista aussitôt après, et depuis Clitandre, sa seconde pièce, on ne trouve rien de licencieux dans ses ouvrages68.

31La carrière de Corneille est montrée comme une ascension régulière, présentation renforcée par la métaphore filée :

Après avoir atteint jusqu’au Cid, M. Corneille s’éleva encore dans l’Horace ; enfin il alla jusqu’à Cinna et Polyeucte, au-dessus desquels il n’y a rien. Ces pièces étaient d’une espèce inconnue, et l’on vit un nouveau théâtre69.

32Et ce jusqu’à l’apothéose esthétique confondue avec les règles explicitées par les Discours : « Alors » Corneille trouva « les véritables règles du poème dramatique et découvrit les sources du Beau70 ». Le schéma de la dégradation se met en place autour du déclin inévitable après les sommets et permet d’établir un palmarès des plus grands, Corneille et Racine, devançant Crébillon et Voltaire71 et des comparaisons à travers les genres dramatiques car le tableau ne peut se comprendre sans Molière qui « a peut-être été encore moins égalé par ceux qui sont venus après lui, que Corneille et Racine72 ».

33Ces éléments posés permettent de dégager une sorte de vulgate en histoire littéraire, dont l’enseignement va s’emparer, comme dans le cas de ces Éléments de littérature, Extraits du Cours de Belles lettres de M. L’abbé de Batteux par un professeur, qui connaissent une édition en 1773 et plusieurs rééditions au xixe siècle73. Comme l’a montré Nathalie Kremer74, le titre englobant de Principes de la littérature donné en 1764 à divers ouvrages antérieurs de l’abbé Batteux75 est fortement révélateur de ces déplacements des champs vers une prise d’autonomie de la littérature :

[…] celui-ci [Batteux] avait produit séparément un traité Les Beaux-Arts réduits à un même principe en 1746, un Cours de Belles-Lettres, distribué par exercices en 1747 et 1748, et un traité sur la Construction oratoire en 1763. Le cours de Belles-Lettres est rebaptisé en 1753 : Cours de Belles-Lettres ou principes de la littérature (Desaint et Saillant, et Durand, en 4 vol.), avant de paraître en 1764 sous le seul titre de Principes de la littérature.

34Cette édition réduite et adaptée « par un professeur » est particulièrement intéressante car elle témoigne du succès des ouvrages de Batteux, de leur nécessaire adaptation et du cheminement des idées. L’auteur s’en explique dans la préface du tome I : certes, le succès de l’ouvrage de Batteux est indéniable, mais il faut « le rendre plus commode aux jeunes étudiants76 ». Le pédagogue a par conséquent simplifié et expérimenté son approche auprès de ses élèves77. Les jugements portés sur Corneille sont de trois ordres. Tout d’abord, sont éliminés les jugements portés sur la personne. Après différents chapitres sur les genres78, Corneille apparaît à travers les critiques de Boileau :

On ne peut nier que Corneille, tout grand qu’il est, n’ait ses taches et ses défauts. Il pouvait donc être l’objet de la critique et de la censure. Mais Despréaux lui a préféré Racine. Cela ne se peut prouver par aucun de ses ouvrages. Mais il n’aimait pas Corneille ? Qu’est-ce que cela fait au public maintenant ? Est-ce de l’homme qu’il s’agit pour nous ? N’est-ce pas de l’auteur79 ?

35Aussi Corneille est-il surtout présent dans le tome II, dans les chapitres intitulés « De la poésie dramatique en général », car ses pièces sont utilisées comme exemples dans les développements sur la théorie du genre tragique et des règles, notamment à propos du « vraisemblable dramatique » et plus précisément des « actions » « feintes dans quelques circonstances comme dans les Horaces » ou « de manière qu’on ne conserve de l’histoire que les noms, comme dans Héraclius80 ». Corneille est également convoqué pour illustrer à travers Héraclius les quatre degrés définis et illustrés du vraisemblablement possible, du possible nécessaire81, du vraisemblablement et du nécessairement82. La nécessité de liaison et de conséquence est montrée par l’amour de Camille pour Curiace et l’affliction qui découle de sa mort83. De même, la nécessité de moyen est-elle expliquée par le combat dont l’issue décidera du règne d’Albe ou de Rome84. « Le génie et l’art du poète » sont définis comme la capacité à recourir à « des choses dont l’action naturelle n’a pas besoin » et, de nouveau, Horace fournit plusieurs exemples comme la mort de Camille « cousu[e] » au triomphe de son frère, ainsi que la présence en scène de Sabine et de Camille durant le combat85. Les tragédies cornéliennes fournissent un répertoire privilégié pour illustrer l’ensemble des règles du genre, qu’il s’agisse de l’unité d’action pour laquelle est convoqué Polyeucte dont les « cinq actes ou parties d’action tendent tous à une fin commune86 », de la protase avec Cinna (annonce de l’intention d’Émilie et présentation d’Auguste « comme un usurpateur et un parricide87 »), du nœud et du dénouement (Cinna) ou de l’exposition (Horace88). La réflexion dramaturgique de Corneille sur l’unité de temps (réduite à quelques heures dans Horace) et sur celle de lieu est invoquée (« ne point déterminer précisément le lieu de l’action et […] laisser à l’imagination du spectateur de le fixer lui-même, quand cela se peut89 »). Corneille devient l’étalon d’un idéal stylistique :

Il faut que les intérêts et les idées se mêlent, s’unissent, se relèvent, se croisent, etc., d’une façon aisée et prompte. Personne n’a été plus savant en cette partie que Corneille et Molière90.

36Ses héros permettent de cerner l’action héroïque (« telle est l’intrépidité de Cléopâtre dans Rodogune91 ») ou tragique, comme de s’interroger sur « l’homme vertueux […] victime de son devoir comme les Curiaces » ou sur « l’emportement passager d’un frère92 » comme Camille ». Corneille est également invoqué comme critique (notamment dans son refus, partagé par Voltaire, de voir Bérénice comme une tragédie car les personnages n’y sont pas « dans une position qui compromette leur vie93 ».

37Ces nombreuses occurrences montrent que la réappropriation glisse vers le pôle de la théorie du genre tragique, à la différence des situations précédentes. Aussi, certains manquements sont-ils illustrés par des pièces de Corneille. Ainsi, l’amour de l’Infante dans Le Cid est-il déclaré « épisodique » et « entièrement contre les règles94 ». De même, est critiqué le recours à l’amour s’il est « amené mal-à-propos », ce qui serait le cas dans Cinna et Sertorius.

Que Maxime, même, dans la pièce de Cinna, si remplie de beautés mâles et vraies, ne découvre en lâche une conspiration si importante, que parce qu’il est imbécilement amoureux d’une femme dont il devrait connaître la passion pour Cinna, et qu’on dit pour raison :
[…] L’amour rend tout permis
Un véritable amant ne connaît point d’amis
Lorsqu’un vieux Sertorius aime je ne sais quelle Viriate et qu’il est assassiné par Perpenna, amoureux de cette Espagnole, tout cela est petit et puéril95.

38Après ces exemples disséminés dans l’exposé de principes généraux, le chapitre VI « De la tragédie française » se consacre aux tragiques français et à Corneille qui est annoncé en ces termes : « Passons quatorze siècles, et venons tout d’un coup au grand Corneille, cet homme né pour créer la poésie théâtrale, si elle n’eût point existé96. » Créateur du théâtre français classique qu’il tire d’un « amas confus d’objets disparates97 », il est ensuite comparé à Racine dans ces parallèles qui vont devenir la règle. L’héroïsme cornélien est vu comme un « monde où beaucoup de gens ne pouvaient arriver : Racine se mit à la portée de tout spectateur98 ». Dans ces parallèles, La Bruyère est bien sûr appelé à la rescousse avec, entre autres, la fameuse formule promise à un long avenir pédagogique (« Celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peint tels qu’ils sont99 »). Le professeur vulgarisateur et commentateur des thèses de Batteux ne se livre pas ensuite à une analyse des tragédies (jugée trop longue à faire), mais donne une consigne pédagogique consistant en une lecture vérificatrice qui fait le lien avec les pages précédentes et confirme la place de Corneille comme réformateur du théâtre classique : tout lecteur doit donc avoir les capacités critiques pour connaître le sujet de la fable, vérifier le respect des règles dans l’exposition, les unités, la vraisemblance, le degré de tragique, la progression entre les actes100.

39Les chapitres suivants qui portent sur la comédie101 confirment en grande partie l’élimination de l’œuvre comique de Corneille, ce que la partie théorique sur la comédie, dépourvue d’exemples de l’auteur, laissait supposer, hormis cette occurrence huit lignes avant la présentation de Molière :

Corneille, qui vint après eux [Crétin et Hardy] ennoblit le drame. On vit par lui, pour la première fois, la simplicité d’action si vantée par les Anciens ; mais ses pièces n’étaient que des imitations de l’espagnol, souvent plus heureuses que ses modèles. Son Menteur fait époque dans l’histoire de la scène française102.

40Que conclure de ce trop rapide parcours à travers deux ensembles de textes, d’une part les plans de lecture et les bibliothèques idéales, d’autre part les cours de belles-lettres ? On constate tout d’abord dans ces ouvrages pédagogiques au sens large une montée en puissance de la littérature et de la lecture de Corneille autour d’idées fortes telles que l’histoire littéraire conçue comme un progrès continu et le respect des règles. La figure de Corneille se construit alors de manière démonstrative comme celle de l’auteur tragique qui donne naissance au théâtre français durant le siècle de Louis XIV, circonscrit au classicisme au sein d’un palmarès sélectif du point de vue des genres valorisés, des auteurs retenus et d’un choix de pièces illustrant la carrière de ces auteurs. Un schéma d’ascensions et de déclins explique la carrière des auteures et viendra nourrir de nombreux développements au xixe siècle tant en histoire littéraire qu’en considérations critiques et en applications pédagogiques.

Corpus par ordre alphabétique des noms d’auteurs présentés

41Éléments de littérature, extraits du « Cours de belles-lettres » de M. l’abbé Batteux, par un professeur, Paris, Saillant et Nyon, 1773103.

42Bruzen de La Martinière Antoine-Augustin, Introduction générale à l’étude des sciences et des belles-lettres en faveur des personnes qui ne savent que le français, La Haye, J. Beauregard, 1731 ; republiée à Berlin, chez Haude et Spener, en 1756 dans le volume comprenant les Conseils pour former une bibliothèque peu nombreuse mais choisie de Johann Heinrich Samuel Formey104.

43Bruzen de La Martinière Antoine-Augustin, [Conseils pour former une bibliothèque peu nombreuse, mais choisie. Nouvelle édition, corrigée et augmentée]. Suivie de l’Introduction générale à l’étude des sciences & belles-lettres par M. de La Martinière, Berlin, Haude et Spener, 1756

44Formey Johann Heinrich Samuel, Conseils pour former une bibliothèque peu nombreuse mais choisie, Berlin, Ambr. Haude et J.-C. Spener, 1746.

45Formey Johann Heinrich Samuel, Principes élémentaires des belles-lettres. Nouvelle édition, augmentée par l’auteur, avec des réflexions sur les spectacles, Amsterdam, H. Schneider, 1763.

46Genlis Stéphanie-Félicité Du Crest, Adèle et Théodore, ou Lettres sur l’éducation ; contenant tous les principes relatifs aux trois différents plans d’éducation des princes, des jeunes personnes, & des hommes, Paris, chez M. Lambert & F. J. Baudouin, 1782.

47Genlis Stéphanie-Félicité Du Crest, Maison rustique, pour servir à l’éducation de la jeunesse, ou Retour en France d’une famille émigrée, Paris, Maradan, 1810

48Gérard Philippe-Louis, Le Comte de Valmont, ou les Égarements de la raison, tome I-V, tome VI, La Théorie du Bonheur ou l’art de se rendre heureux mis à la portée de tous les hommes, faisant suite au Comte de Valmont et à laquelle on a joint deux lettres, l’une sur l’éducation des demoiselles, l’autre sur un choix de lectures, Paris, Bossange, Masson et Besson, 1801.

49Lezay-Marnézia Claude-François-Adrien, Plan de lecture pour une jeune dame, Paris, Prault, 1784.

50Reyre Joseph, L’École des jeunes demoiselles, ou Lettres d’une mère vertueuse à sa fille avec les réponses de la fille à sa mère, recueillies par M. l’abbé Reyre, auteur du Mentor des enfants, ouvrage très propre à former l’esprit et le cœur des jeunes personnes du sexe, Paris, 1786.

Notes

1 Le volume comprend Le Misanthrope en un acte (manquent toutes les femmes, les marquis et les valets), Le Bourgeois gentilhomme en un acte (manquent le couple amoureux, le couple noble et Covielle), Les Femmes savantes en deux actes (la distribution est complète, exception faite du notaire), L’Avare en deux actes (manquent Cléante, Anselme et Maître Simon), Le Médecin malgré lui en deux actes (manquent M. Robert, Jacqueline, Léandre), Le Malade imaginaire en un acte (manquent Béline, Louison, Cléante et M. Bonnefoy) et Monsieur de Pourceaugnac (manquent Julie, Nérine, Lucette, les musiciens, les avocats, les suisses, l’exempt, les archers, les joueurs d’instruments et les danseurs).

2 Le premier volume réécrit Le Malade imaginaire, Le Médecin malgré lui, Monsieur de Pourceaugnac et Les Petits Savoyards de Benoît-Joseph Marsollier des Vivetières ; le second tome Les Fourberies de Scapin, L’Avare, Le Bourgeois gentilhomme, Fanfan et Colas ou les frères de lait d’Alexandre-Louis-Bertrand Robineau dit Beaunoir.

3 Paris, Defer de Maisonneuve, 1789.

4 P. vi.

5 Philippe Caron, Des « Belles lettres » à la « Littérature ». Une archéologie des signes du savoir profane en langue française (1680-1760), Peeters, Louvain- Paris, 1992.

6 Tout comme sur les scènes privées : voir à cet égard le Manuel des châteaux ou Lettres contenant des conseils pour former une bibliothèque romanesque, pour diriger une comédie de société, et pour diversifier les plaisirs d’un salon, également appelé Manuel des sociétés qui font leur amusement de jouer la comédie ou Catalogue raisonné de toutes les tragédies, comédies des théâtres français et italien, actes d’opéra, opéras-comiques, pièces à ariettes et proverbes qui peuvent facilement se représenter sur les théâtres particuliers, encore appelé Étrennes aux sociétés… de Paulmy d’Argenson écrit avec Contant d’Orville (1779 ?).

7 Éd. consultée, Paris, Vve Estienne, 1741, tome II, p. 134 sq., ici 134.

8 1746 à Berlin, 1756 à Paris, réimp. 1750, 1751, 1755, 1756, 1775.

9 Biographie universelle ancienne et moderne, « Formey », p. 271.

10 Adèle et Théodore ou Lettres sur l’éducation contenant tous les principes relatifs aux trois plans d’éducation des princes, des jeunes personnes et des hommes, Paris, 1782. On peut consulter l’édition moderne fournie par I. Brouard-Arends aux Presses universitaires de Rennes, 2006. D’autres ouvrages de Mme de Genlis présentent des bibliothèques idéales, comme la comédie La Lingère du Théâtre à l’usage des jeunes personnes, tome IV de l’édition de 1780, La Lingère, acte I, sc. 7, note a (de Mme de Genlis), qui, parce qu’elle concerne le peuple, donne un corpus réduit sans théâtre.

11 Plan de lecture pour une jeune dame, Paris, 1784 (2e édition en 1800).

12 L’École des jeunes demoiselles, ou Lettres d’une mère vertueuse à sa fille avec les réponses de la fille à sa mère, recueillies par M. l’abbé Reyre, auteur du Mentor des enfants, ouvrage très propre à former l’esprit et le cœur des jeunes personnes du sexe, Paris, Varin, 1786.

13 L’ouvrage connaît une édition augmentée de ces deux lettres à partir de 1801 (Paris, Bossange, Masson et Besson, an IX) en 6 tomes donc, qui connaît de nombreuse rééditions au xixe siècle (entre autres Paris, Bossange, Masson et Besson, 1807 ; Paris, Masson et fils, 1821 ; Paris, Belin-Mandar, 1826 ;  Paris, C. Froment, 1826 ; Paris, Masson et fils, 1827 ; Paris, C. Froment, 1828 ; Nancy, Haener, 1830 ; Paris, M. Ardant frères, 1839). Notre édition de travail est celle de 1801.

14 L’abbé Reyre, à cet égard, se situe dans l’héritage de l’abbé Pluche, entièrement tourné vers la religion, les ouvrages d’histoire et les traductions des Anciens pour les filles et vers le latin pour les garçons, et qui ne cite pas un seul auteur de littérature française en tant que tel (Le Spectacle de la nature, ou Entretiens sur les particularités de l’Histoire naturelle qui ont paru les plus propres à rendre les jeunes gens curieux et à former leur esprit, tome VI, Entretien V, « Suite de l’Éducation contenant la lettre d’un père de famille sur la première culture de l’esprit soit dans l’éducation des filles, soit dans l’éducation des garçons », 1746, largement réédité et traduit.

15 P. 55-57.

16 P. 455.

17 P. 377-423.

18 « Engagez Mlle Célénie à mettre le même choix dans ses lectures. Mais combien ce choix est difficile aujourd’hui […] ! On veut tout lire ; et la plupart des ouvrages, les plus vantés de nos jours, sont un poison, pour les principes comme pour les mœurs, pour l’esprit comme pour le cœur », p. 419.

19 « On trouvera [des motifs de croyance plus directs et plus propres à rendre notre foi inébranlable] dans une foule d’excellents ouvrages, publiés en faveur de la religion », p. 388.

20 Suit une série d’arguments sur l’existence de Dieu et l’établissement du christianisme, sur l’importance des idées justes, de la formation de la raison et du sentiment, complétée par la critique des plans actuels d’éducation et une mise en garde contre l’imagination. La littérature n’est mentionnée que dans ce but, témoin ce vers de Gresset : « Le désir du néant convient aux scélérats » (Édouard III, acte IV, sc. 6, cité p. 401), et le dernier mot de la lettre est « religion » (p. 423).

21 P. 424-487.

22 P. 425.

23 Loc. cit.

24 Il renvoie notamment au Comte de Valmont sur ce point, à lire entre 18 et 20 ans, et donne une liste d’ouvrages religieux, p. 429-430.

25 Parmi ces récits édifiants, figure par exemple L’Écolier vertueux de Proyart, ainsi que des livres de méditation et de prière (p. 435).

26 P. 444.

27 Après cette courte liste, il est ensuite question de mathématiques (p. 445), de grammaire (p. 447), de style (p. 448), de rhétorique (p. 453), de poésie (c’est là que se place la seconde occurrence citée sur Corneille dans cet article p. 3), puis d’histoire naturelle, d’histoire de la religion, d’histoire profane, d’histoire ancienne, d’histoire de France et d’autres pays, avant d’aborder la morale (p. 482) et de finir sur les sermons de Massillon et Bourdaloue.

28 P. 440. Mais l’abbé Gérard signale les dangers du théâtre d’éducation et du théâtre de société qui peuvent mener à l’enrôlement dans des « troupes de comédiens » (p. 441).

29 Notre édition de travail est celle publiée à Berlin, chez Haude et Spener, en  1755 (« 3e éd., corrigée et augmentée, avec une notice des ouvrages de l’auteur »).

30 « Je m’absorbe ici dans un véritable océan, et l’on ne doit pas s’attendre que je puisse me ranger aux lois d’une exacte méthode » (p. 20).

31 P. 29.

32 P. 55.

33 Loc. cit.

34 P. 56.

35 Formey cite ensuite pour les dramaturges du xviiie siècle « presque tous ceux qui me sont connus » (p. 56).

36 P. 409-421 dans l’édition de 1782.

37 Agar dans le désert, Les Flacons, La Colombe, L’Enfant gâté et L’Aveugle de Spa.

38 Manlius Capitolinus d’Antoine de La Fosse, Ariane et Le Comte d’Essex de Thomas Corneille, La Métromanie ou le Poète de Piron, Inès de Castro de La Motte.

39 P. 416.

40 P. 417. Mme de Genlis conteste particulièrement dans une note les critiques de Voltaire relatives aux imprécations de Camille et au vers de Cléopâtre dans Rodogune « Tombe sur moi le Ciel, pourvu que je me venge » qu’elle justifie par le dénouement « le plus beau qui soit au théâtre » (note 1, p. 417).

41 P. 94.

42 P. 103, note 1.

43 Notre édition de travail est la seconde édition, Lausanne A. Fischer et Luc Vincent, Paris, Louis Libraire, 1800.

44 P. xi.

45 Loc. cit.

46 P. 10.

47 P. 35.

48 Loc. cit.

49 P. 36.

50 P. 40.

51 P. 43.

52 Cette réflexion a nourri un colloque transdisciplinaire et transséculaire « Champs littéraires » organisé par l’EA 3953 de Paris XII, les 20-22 septembre 2007, dont les actes sont parus sous le titre Constitution du champ littéraire : limites, intersections, déplacements, dir. Pierre Chiron et Francis Claudon, Cahiers de philosophie de l’Université de Paris 12 Val de Marne, no 5, Paris, L’Harmattan, 2008. Le phénomène a également été travaillé par Philippe Caron, Des « Belles-Lettres » à la « Littérature »…, ouvr. cité et par Hans Bots et Françoise Waquet dans La République des Lettres, Paris, Belin-De Boeck, coll. « Europe & Histoire », 1997.

53 Notre édition de travail est celle de Berlin de 1756.

54 Notre édition de travail est celle de Paris, chez L. Duprat-Duverger, en 1810.

55 P. 125.

56 P. 130 sq.

57 P. 233 sq.

58 P. 264.

59 P. 300.

60 P. 301.

61 P. 303.

62 Note, p. 303.

63 P. 305.

64 P. 306.

65 P. 72.

66 L’expression « père du Théâtre français » est utilisée p. 74.

67 Loc. cit.

68 P. 73.

69 P. 74.

70 Loc. cit.

71 P. 78.

72 P. 81.

73 Notre édition de travail est celle de Paris, L. Duprat-Duverger, en 1810.

74 Nathalie Kremer, « Charles Batteux, Principes de littérature, 1764 », Fabula-LhT, no 8, « Le partage des disciplines », mai 2011, URL : http://www.fabula.org/lht/8/batteux.html, consulté le 9 octobre 2014.

75 Sonia Branca-Rosoff, La Leçon de lecture. Textes de l’abbé Batteux, Paris, Éditions des Cendres, 1990.

76 P. v.

77 Notamment en s’ouvrant aux littératures européennes.

78 Consacrés à l’apologue (l’accent est mis après des considérations générales et historiques sur Phèdre, La Fontaine, La Motte), la poésie pastorale (latine, française), l’épigramme (madrigal, sonnet, rondeau et triolet), la poésie didactique (satire, épître), la poésie lyrique (ode, élégie), le poème épique…

79 P. 152.

80 P. 5.

81 P. 9.

82 P. 10.

83 P. 12.

84 Loc. cit.

85 P. 13.

86 P. 16.

87 P. 17.

88 P. 19.

89 P. 26.

90 P. 29.

91 P. 32.

92 P. 37.

93 Note 1 p. 41.

94 P. 16-17.

95 P. 44-45.

96 P. 53.

97 P. 54.

98 Loc. cit.

99 P. 56.

100 P. 57-58.

101 P. 60 sq.

102 P. 79.

103 Notre édition de travail est celle de Paris, chez L. Duprat-Duverger, en 1810.

104 Notre édition de travail est celle de Berlin de 1756 (BNF Gallica).

Pour citer ce document

Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, « Un Corneille à l’usage de la jeunesse au tournant des xviiie et xixe siècles : quelques jalons » dans Appropriations de Corneille,

Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en octobre 2014, publiés par Myriam Dufour-Maître

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude », n° 24, 2020

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=844.

Quelques mots à propos de :  Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval

Université Paris-Est, LIS (EA 4395), UPEC, F-94010, Créteil, France
Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval est professeure à l’Université de Paris-Est-Créteil (UPEC) où elle dirige l’École doctorale « Cultures et Sociétés », après avoir dirigé l’EA LIS. Spécialiste du théâtre du xviiie siècle, de littérature pédagogique et de l’entrée des femmes en littérature, elle est éditrice scientifique du Théâtre de J.-J. Rousseau, sous la direction de R. Trousson et F. S. Eigeldinger (tome XVI, Théâtre, Écrits sur le théâtre, Slatkine-Champion, 2012) ; de Don Pedre dans les Œuvres complètes de Voltaire (Voltaire Foundation, tome 52, Writings of 1761, 2011).Elle est coresponsable de l’édition du Théâtre complet de Destouches (Classiques Garnier ; le premier tome est paru en 2018).