Appropriations de Corneille

Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en octobre 2014, publiés par Myriam Dufour-Maître

Appropriations de Corneille

Appropriations de Corneille

Le Festival Corneille de Barentin (1956-1975) et le Mouvement Corneille

Collectif


Texte intégral

1Le Festival Corneille de Barentin (1956-1975) constitue un événement unique dans l’histoire du théâtre en Normandie. L’âme du projet est André Marie (1897-1974), député-maire de Barentin, ancien ministre de l’Instruction publique, résistant et déporté, féru de théâtre et ardent promoteur de la culture pour tous. André Marie crée en 1956 le « Cercle Pierre et Thomas Corneille », qui doit « perpétuer le souvenir de la vie et de l’œuvre de Pierre et Thomas Corneille ». La programmation du Festival Corneille relève de la gageure, puisqu’il s’agit d’abord de monter, au fil des années et pour une représentation le plus souvent unique, toute l’œuvre théâtrale de Pierre Corneille ou presque, mais aussi chaque année une pièce de Thomas Corneille. Au bout du compte, un nombre impressionnant de pièces sont montées, dont beaucoup n’avaient jamais été rejouées depuis le temps des Corneille…

2Car l’aventure dure vingt ans, portée avec enthousiasme et générosité par des dizaines de personnes, dont quatre personnalités marquantes : Jean Serge, ancien élève du lycée Corneille, directeur des Bouffes du Nord, journaliste, cinéaste et homme de théâtre novateur et audacieux, qui est le metteur en scène presque exclusif des spectacles ; Jacqueline Morane son épouse, tragédienne, qui fut élève de Jouvet et pensionnaire de la Comédie-Française ; Francis Grenet, peintre et décorateur de théâtre ; Ivan Morane, fils de Jean Serge et de Jacqueline Morane, qui débute comme comédien et assistant à la mise en scène en 1971, dans le cadre de ce festival1. Un nombre impressionnant d’acteurs ou de personnes célèbres participent à l’aventure, presque toujours bénévolement : Maurice Escande, Paul-Émile Deiber, Hélène Sauvaneix, Paule Noëlle, Philippe Dechartre, Paul Ecoffard, Alain Etcheverry, Alberte Aveline, Robert Hossein, Roger Hanin, Rita Renoir, Deschamps, Pierre Vaneck, Pauline Carton, Zappy Max, Rellys, Simon Eine, Renée Faure, Franck Fernandel, etc.

3André Marie a fait de Barentin une « ville-musée », « cité des arts » ponctuée de statues par Rodin, Bourdelle, Gromaire, Belmondo, Coustou, Drivier… Les statuts du « Cercle Pierre et Thomas Corneille » précisent de favoriser et « réaliser toutes constructions pouvant permettre la célébration devant de vastes publics des œuvres et des mérites des deux Tragiques Normands ». Le festival prend place d’abord dans le cadre dépouillé d’un parc dominant la vallée de l’Austreberthe et orné de dix-sept colonnes venues des Tuileries, les « Tuileries Courvaudon » récemment restaurées (3000 places). On joue ensuite au théâtre Montdory, ultramoderne à l’époque (600 places).

4Le festival connaît de rares fours, et davantage de succès, parfois retentissants comme ceux du Cid en 1956, de Cinna en 1965, mais aussi de ces pièces méconnues, comme Héraclius (rapproché par la critique de l’époque de Hitchcock et de Pirandello à la fois), Sophonisbe, cette « Jeanne d’Arc carthaginoise » en 1975, Le Baron d’Albikrac de Thomas Corneille en 1962, etc. La passion que suscite le festival dans la région se traduit aussi par une intense activité intellectuelle et créatrice en marge des représentations : conférences (ainsi « Les Corneille et les musiciens » en 1961 par Roland Manuel), « hommages », mais aussi pastiches et parodies, comme L’Impromptu de Barentin, Corneille c’était nous par Maurice Morisset, une « Complainte de la Toison d’or » par Jacques Brel, un 6e acte de Tartuffe par André Marie, etc. Le label « Festival national » obtenu dès 1957 confère à l’événement un écho plus large : les pièces sont diffusées par la radio nationale (« Théâtre et Université » puis France Culture). Des critiques importants comme Max Favalelli, Robert Kemp, Maurice Morisset, François Chalais, etc. signent de très nombreux articles dans les journaux nationaux.

5Après le décès d’André Marie en 1975, le festival se déplace vers Rouen et Le Havre. En 1982, Ivan Morane et Jean-Claude Guézennec fondent le Mouvement Corneille, association loi 1901, dont la vocation est de « faire connaître largement la personnalité et l’œuvre de Pierre Corneille » (art. 2 des statuts). Alain Niderst, Myriam Dufour-Maître et Evelyne Picciola en assurent successivement la présidence jusqu’aujourd’hui2.

Bibliographie indicative

6Beauregard Jean, « André Marie : un notable normand sous trois Républiques », dans Études Normandes, année 1986, no 35-2, p. 66-77.

Notes

1 Metteur en scène, comédien et auteur, Ivan Morane a signé plus de 50 mises en scène depuis 1974 au théâtre et à l’opéra. Il a dirigé plusieurs théâtres dont la Scène Nationale d’Albi, de 1996 à 2006. Il joue régulièrement comme comédien, et participe à de nombreuses lectures de textes classiques et contemporains. Dans de l’exposition « Corneille et nous », il a donné une lecture-spectacle d’extraits de Corneille, intitulée « Amoureux ! », avec Silvia Lenzi à la viole de gambe.

2 Voir le site du Mouvement Corneille, www.corneille.eu.

Pour citer ce document

Collectif, « Le Festival Corneille de Barentin (1956-1975) et le Mouvement Corneille » dans Appropriations de Corneille,

Actes du colloque organisé à l’Université de Rouen en octobre 2014, publiés par Myriam Dufour-Maître

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Actes de colloques et journées d’étude », n° 24, 2020

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=808.