La Revanche de Galatée

Pygmalion impuissant et Galatée vengée chez Rachilde et Isabelle Eberhardt

Céline Brossillon


Texte intégral

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière1.

1[Note de l’auteur2]

Introduction

2Dans le livre x des Métamorphoses d’Ovide, Pygmalion s’éprend d’une statue de femme qu’il a lui-même sculptée. Cette femme, que nous appellerons plus tard Galatée3, prend vie grâce à Vénus. Le créateur et sa création vivent heureux pour toujours. Le mythe de Pygmalion et le motif de Galatée – ou, dans sa version décadente, de la morte amoureuse – deviennent un locus classicus majeur de la littérature européenne, surtout française, au xixe siècle4. Des fantômes romantiques aux cadavres féminins, les auteurs masculins content des histoires de nécrophilie dans lesquels les personnages féminins sont animés par les pensées et les désirs de leur amant ou, comme le soutient Janet Beizer, « ventriloqués » par la voix du narrateur5. La femme n’a pas son mot à dire et son consentement semble inutile aux yeux de personnages – et d’auteurs – masculins à qui on ne se refuse pas. En effet, comme le fait remarquer Jennifer Tamas dans Au Non des femmes, « il semble établi que “non” n’est pas une réponse de femme6. »

3Les femmes écrivains au xixe siècle ont quant à elle la lourde tâche d’écrire sous des contraintes littéraires définies par leurs confrères masculins. S’offrent à elles deux possibilités : suivre le mouvement dans l’espoir d’être publiées et reconnues, ou se dresser contre le patriarcat au risque d’être rejetées. Melanie Hawthorne explique que ces autrices « tente[nt] de s’exprimer contre le silence imposé par [leur] culture7 » dans le but de « briser la chaîne8 », comme l’affirme Robert Ziegler.

4Dans Infernalia : Volupté sépulcrale (1895) et La Tour d’amour (1899), Isabelle Eberhardt et Rachilde décrivent respectivement les amours nécrophiles d’un jeune étudiant en médecine et de Barnabas, le pêcheur des noyées. Ces deux personnages ressemblent aux nécrophiles esquissés par les auteurs masculins du xixe siècle, à cela près que leurs mortes refusent de s’animer au contact de leurs caresses pygmalionesques. Cette contribution propose ainsi de s’attarder sur ces deux textes écrits par des autrices qui ont bravé les tabous littéraires, décidées à faire un pied de nez aux tropes de leurs confrères masculins en mettant en scène des désirs nécrophiles avec des mortes non-amoureuses, nous offrant pour la première fois le point de vue de Galatée, rompant avec une tradition selon laquelle la femme se doit de rester objet et non sujet.

5En effet, chez Isabelle Eberhardt et Rachilde, le rêve de Pygmalion ne peut se réaliser car le cadavre féminin fétichisé reste immunisé contre sa tentative de ventriloque. Sous leurs plumes, Pygmalion est impuissant et Galatée insensible à ses charmes et sa virilité. Les deux écrivaines soulignent alors l’unilatéralité du désir masculin dans leurs versions décadentes de « La Belle au bois dormant ». En cette fin de xixe siècle, Isabelle Eberhardt et Rachilde, audacieuses et avant-gardistes, posent un regard féminin sur les questions de sexe, de genre et de désir, mais aussi sur les questions de consentement féminin et de violence masculine en matière de sexualité, dans une tentative de subvertir les fondements hétéro-patriarcaux du discours décadent sur le corps féminin. Si Dany Nobus défend que « le consentement du “partenaire” au sein d’une “relation” nécrophile devient futile9 », nous montrerons que la voix féminine n’est nullement négligeable ou négligée dans les textes de Rachilde et d’Isabelle Eberhardt.

Le contexte : le mythe de Pygmalion raconté par les hommes

6Au xixe siècle, de nombreux auteurs masculins tels que Maupassant, les frères Goncourt, et bien d’autres, encouragés par la philosophie schopenhauerienne, tentent de faire tomber la femme de son piédestal. Le dessin satirique d’Honoré Daumier intitulé « Pygmalion », publié en décembre 1842 dans Le Charivari, cristallise le changement de perception de la femme en remplaçant la statue idéale par une femme peu attrayante, « une mégère dodue et déjà mûre10 », demandant à renifler du tabac. Incapables de nouer des relations amoureuses avec une femme dans la vraie vie, certains personnages masculins se tournent alors vers des mortes amoureuses, imitant Pygmalion qui, « offusqué par les vices que la nature avait donnés sans compter à l’esprit féminin, […] vivait sans épouse, célibataire, privé de toute compagne de lit11 ». Pour Nathalie Prince, « [c]e désir effrayant des choses mortes, confites, vient compenser en quelque sorte la peur de l’amour, qui reste l’une des constantes de la mentalité célibataire12 […] ». Dans les textes du xixe siècle, les célibataires-nécrophiles, Pygmalions modernes, transposent leurs désirs sur des bibelots stériles qui offrent une toile parfaite sur laquelle ils peuvent projeter en toute sécurité leurs fantasmes érotiques masculins. Dans ces versions du mythe, la statue est souvent remplacée par un fantôme, un esprit, un vampire, une momie ou un cadavre, et Vénus par un scientifique fou.

7Peu d’écrivains masculins ont autant évoqué la morte amoureuse que Théophile Gautier qui établit, comme Ross Chambers l’avance, un lien clair entre la statue amoureuse et la morte amoureuse, la statue étant « paradigmatique du cadavre13 », « en relation avec un évident complexe de Pygmalion14 ». Les mortes amoureuses de Gautier sont à l’image de Galatée ; elles ont « une beauté que nulle femme ne peut avoir de naissance » (O, 163), et cette beauté est cristallisée par la mort. Cette Belle au bois dormant accueille passivement mais volontairement et avec amour, semble-t-il, les baisers et les caresses du personnage masculin. La femme morte – éternellement belle, éternellement silencieuse – reste le récipient de l’assaut du personnage masculin, commodément travesti en amour, romantisé. Le personnage masculin est seul maître, chef d’orchestre de la rencontre amoureuse et « plutôt que d’entendre une voix féminine […] n’ouït et ne jouit que de la sienne propre, celle de son désir […]15 ». La femme n’est donc qu’un corps ventriloqué et il n’y a pas de fin heureuse aux contes de Théophile Gautier puisque la femme ne revient jamais à la vraie vie, la condamnant ainsi à la décomposition et la destruction. Si « [l]e miracle de Pygmalion tient dans le fait que l’œuvre s’anime, c’est-à-dire non seulement qu’elle devient vivante, mais aussi qu’elle devient sujet, face à un autre sujet16 », si « la tâche d’un mortel [est] de la réanimer par son amour afin de l’introduire dans la vie et d’en faire une véritable femme17 », dans la version décadente du mythe au xixe siècle, la femme-statue reste éternellement objet.

Infernalia : quand la morte amoureuse ne l’est pas

8Isabelle Eberhardt et Rachilde se fraient un chemin entre ces différentes représentations du mythe de Pygmalion et du motif de la morte amoureuse pour trouver leur propre voie/voix au sein du débat plus large – et majoritairement masculin – sur la sexualité masculine comme féminine, et donnent enfin une voix et une force de résistance à leur Galatée.

9Penchons-nous tout d’abord sur Infernalia : Volupté sépulcrale. Si Isabelle Eberhardt est surtout connue pour ses écrits anticoloniaux, étant « le premier auteur francophone à explorer la problématique complexe de l’aliénation culturelle des colonisés18 », Infernalia est unique en son genre dans son œuvre. Publiée sous le pseudonyme masculin de Nicolas Podolinksy alors qu’elle n’avait que dix-huit ans le 15 septembre 1895 dans la Nouvelle Revue moderne, la nouvelle raconte l’attirance physique d’un étudiant en médecine pour le cadavre d’une femme. Dans une pièce, les corps d’un homme et d’une femme reposent dans une atmosphère sinistre où l’on peut sentir l’odeur des entrailles humaines et du sang (I, 23)19, une odeur pestilentielle de corps en décomposition. La jeune femme est décrite comme « immobile et blanche », comme « une statue blanche » (I, 23). Elle a « la chair voluptueuse raidie dans le froid de la mort » (I, 24), pas encore touchée par la marche implacable du temps et de la décomposition, allongée sur la table telle une Vénus anatomique en chair et en os. Isabelle Eberhardt fait écho à son homologue masculin Théophile Gautier en ce sens que cette morte amoureuse éclipse toutes les autres femmes vivantes :

Il essayait de toute son énergie, de toute la chasteté déjà inconsciente, mais encore vivante qui était en lui, de reporter son désir délirant de possession sur une femme vivante – n’importe laquelle… Mais toutes les images qu’évoquait sa mémoire, sous la tension violente de sa volonté, étaient pâles, impersonnelles…, tandis qu’à la vue de celle-ci – la morte – sa chair jeune frémissait, se pâmait, s’alanguissait malgré lui. (I, 25)

10Le corps d’une femme à la morgue devrait être anaphrodisiaque, mais l’étudiant en médecine le désire. Il ne peut pas réprimer ses pulsions nécrophiles, il a « la chair soulevée d’un désir effroyable » (I, 24). Même si Isabelle Eberhardt remarque que « [s]a virilité se révoltait contre le coït abominable » (I, 25), le jeune homme est esclave de ses désirs sexuels déviants, soulignés par des images de défaite (« dompter », « anéantir », « sans force », « céder », « avilissant », « malgré lui » [I, 24-25]). Le personnage masculin se tient « les poings serrés », comme s’il se préparait à un combat perdu d’avance. La morte est perçue par l’étudiant comme « l’autre […] infâme » (I, 25), mais c’est bel et bien lui, l’homme, qui est sur le point de violer un cadavre. Isabelle Eberhardt nous conte l’histoire classique de l’agresseur se croyant victime de la femme ensorceleuse.

11Le jeune homme devient enivré par son propre pouvoir sur le corps féminin passif : « Il se sentait fort et beau ; il se savait très jeune et mâle tout à fait. Et sa fierté se soulevait à la pensée de ce simulacre funèbre de l’amour […] » (I, 25). Même s’il se sent d’abord avili par son désir pour la femme, la force et la virilité sont soulignées dans ce paragraphe car il pense que la possession violente du corps féminin remet le pouvoir entre ses mains à lui. Isabelle Eberhardt nous donne un aperçu du psychisme du personnage masculin, un esprit malade qui crée l’illusion que la femme est une participante volontaire dans cette rencontre physique, animée par ses caresses sensuelles. En effet, le narrateur explique qu’il « la senta[i]t vivante, brûlante, folle sous ses caresses à lui, se serrer contre sa chair palpitante, lascive et molle en sa chaleur douce d’amante passive… » (I, 26). Le jeune homme s’est clairement convaincu qu’il était désiré, tout comme Pygmalion qui « lui donne des baisers, [et] pense qu’elle les lui rend » (O, 163). Bientôt, il atteint l’orgasme : « Il eut un râle furieux de volupté, le cri triomphant, le grand alleluia de la névrose toute-puissante. Et lui, enragé, en mâle sauvage tout à fait, plus il l’étreignait, plus il la sentait vivre, tressaillir sous ses caresses folles » (I, 26). L’homme sent sa virilité validée alors que son esprit névrotique s’est convaincu que cette maîtresse – qu’Isabelle Eberhardt appelle « amante passive » ou encore « amante-fantôme » (I, 26) – trouve du plaisir dans cette rencontre forcée. Il est le ventriloque d’un désir féminin qui est tout simplement absent. En effet, en un seul paragraphe puissant, Isabelle Eberhardt détruit tout ce qu’elle vient d’édifier : la morte est en fait

lointaine, inanimée, insensible à ces caresses ardentes du mâle qui la possédait malgré la mort, [elle] restait toujours étendue, la face tournée vers le plafond noyé d’ombres vagues. Ses yeux morts restaient clos, et sans joie et sans douleur, en ce coït monstrueux ; elle reposait plus passive qu’aucune amante ne le sera jamais, sous l’étreinte puissante de l’être vivant (I, 26).

12L’adjectif « indifférent » est répété deux fois pour montrer que l’idée que la femme puisse jouir de l’acte sexuel est uniquement née de la névrose du jeune étudiant. Victime de son agression, sa passivité ne vient pas d’une frigidité, comme on le pense souvent lorsque les femmes ne prennent pas de plaisir à la rencontre sexuelle, mais symbolise bien au contraire son mépris pour ce mâle pathologique et pathétique qui ne peut rivaliser avec Pygmalion. Même si Isabelle Eberhardt répète « mâle tout à fait », la virilité du jeune homme est remise en question lorsque la morte amoureuse n’est tout simplement pas amoureuse du tout. Contrairement à Galatée qui sent les baisers de Pygmalion et semble les lui rendre, cette Galatée décadente reste impassible. Dans Infernalia, le fantasme masculin d’une femme morte comme réceptacle volontaire de l’agression sexuelle d’un homme est rejeté. Eberhardt souligne que la femme est « étrangère désormais aux étreintes ardentes, aux baisers enflammés » (I, 24), renforçant ainsi l’impuissance du mâle. Le corps féminin mort refuse d’être réanimé par le complexe de Pygmalion du nécrophile, et Isabelle Eberhardt réduit cet acte à ce qu’il est : Narcissus coïtus. En effet, après tout, « Pygmalion n’est jamais amoureux que de lui-même (ou d’un simulacre élaboré à partir de lui-même), amoureux de son double inversé et féminin20 ». À la différence de certains textes de Théophile Gautier, le personnage masculin ne transcende plus ici la mort afin de retrouver une femme aimée jadis. Il célèbre, au contraire, l’amour de la femme morte21. Mireille Dottin-Orsini conclut que « Jouer à la poupée, c’est certes trouver une femme selon son goût, c’est aussi bercer un désir de mort22 ».

13Après l’orgasme, « Sa tête, aux yeux élargis par la jouissance, reposait mollement, languide, sur la poitrine de la morte » (I, 26). Allongé sur le cadavre de la femme qu’il vient de violer, l’étudiant adopte la position immobile du corps féminin car il semble, tout comme elle, dormir profondément. Au lieu de donner vie à Galatée, ce Pygmalion moderne épouse l’état inanimé de la femme et devient finalement lui aussi une autre Belle au bois dormant. Le titre « Infernalia », un écho féminin à « inferno », pourrait bien être la version féminine de l’enfer où la virilité part en fumée.

La Tour d’amour : Sidonie en larmes23

14Dans La Tour d’amour (1899), que Dauphiné décrit comme « un véritable exercice de style sur la nécrophilie24 », Rachilde raconte l’histoire de Mathurin Barnabas et ses mortes amoureuses, les noyées ramenées au pied du phare d’Ar-Men dont il est le gardien. Ar-Men, surnommée « le nouveau cimetière », semble offrir le lieu idéal à Barnabas qui souhaite « faire l’amour avec des trépassées » (LTA, 124)25. Le vieux loup de mer est aussi cranio-nécrophile puisqu’il garde dans du formol une tête de femme qu’il a lui-même coupée. Barnabas décrit à Jean Maleux, son jeune apprenti, cette femme à qui appartenait la tête, une noyée repêchée après un naufrage :

Elle a été belle… […] morte à peine depuis deux jours, pas enflée, pas verdie, toute jeune la pauvre garce… et vierge… […] je l’ai gardée une lune. Puis j’ai coupé la tête… pour mon dessert d’amour. Oui, bien bonne, bien douce, bien complaisante ! (LTA, 164-165).

15Les ellipses laissent au lecteur la possibilité de combler les blancs, et la référence au fait qu’elle soit vierge peut être interprétée de deux manières : au sens figuré, la femme apparaît comme virginale, pure, mais au sens littéral, la manière dont Barnabas aurait pu s’en assurer implique quelque chose de bien plus sinistre. Cette femme, qui n’est pas encore ravagée par la décomposition car morte depuis peu, est comme Galatée qu’« on jurerait une vraie jeune fille, tu croirais qu’elle vit, que seule la pudeur la retient de bouger » (O, 163). Inanimée, elle est idéalisée et érotisée. Dans Infernalia et La Tour d’amour, la mort a transformé « un corps imparfait et animé en une image parfaite et inanimée26 ». La femme idéale est une femme morte.

16La tête dans le bocal est décrite avec « une longue chevelure éplorée, […] entourant l’ovale d’un visage horriblement triste, un jeune visage de femme contemplant la mer de ses yeux pleins de larmes… » (LTA, 146 ; je souligne). Dans La Tour d’amour, Galatée est une Sidonie27 dans la vitrine, triste prisonnière de l’égoïsme de l’homme pour qui elle est son « dessert d’amour » (LTA, 165). De manière subtile, Rachilde donne une voix à cette femme victime à travers ses larmes28. Robert Ziegler observe que « [l]e cadavre devient un miroir reflétant la souillure de celui qui le contemple, son visage étant une page sur laquelle s’inscrivent les mots qui incriminent le coupable29 ». Méduse, la Gorgone, a été décapitée « dans un geste de décapitation-castration30 », et cette « décollation féminine31 » symbolise la punition que les hommes souhaitent imposer aux femmes. Ce symbole du triomphe masculin sur la femme renverse le mythe de Salomé, le « prédateur dont le désir dévirilise l’homme32 ». Couper la tête de la femme et la mettre elle dans un bocal et l’emmurer derrière une meurtrière du phare, dans un « placard à femmes » (LTA, 138), semble être une tentative d’apprivoiser et de contenir l’Autre, Féminin monstrueux. Pour Nathalie Prince, « [l]es amours amputées de Mathurin Barnabas doivent se comprendre moins comme l’œuvre d’un fou nécrophile que comme la funèbre compensation d’un célibataire déçu par la femme33 ». En effet, ces désirs nécrophiles sont nés après l’infidélité de sa femme qu’il n’a pu supporter. Sans son corps, on pourrait croire que le Féminin34 perd son pouvoir diabolique de séduction, mais la tête, qui rappelle évidemment celle de Méduse, « visualisation cauchemardesque de la femme comme être sexuel prédateur35 », conserve sa puissance létale. Quand Barnabas demande à Jean d’aller chercher la tête, Jean tend sa lampe « bien en avant comme pour [s]e défendre » (LTA, 164), ayant peur de soutenir le regard de la Gorgone. Il décide de mettre sa veste sur le bocal « pour ne plus rencontrer ses yeux » (LTA, 164), de crainte d’être changé en pierre.

17Dans La Tour d’amour, Pygmalion rencontre Méduse, et cette coalescence des mythes, que Jean de Palacio36 voyait comme une caractéristique de la Décadence, change l’animation en pétrification37. En effet, après un accident vasculaire cérébral, Barnabas devient raide comme une pierre. Jean observe : « Ses jambes ne remuaient pas, tendues, tirées par des cordes invisibles, ses bras mous ballotaient autour de son corps […]. C’était pis que des morceaux de bois. La paralysie, probablement » (LTA, 158). Barnabas est médusé, pétrifié. Pygmalion est statufié. Après sa paralysie, Jean lui met sa casquette sur la tête, une casquette où sont attachées des mèches blondes que le vieux avait découpées près des oreilles de la noyée (LTA, 165), sorte de « talisman de la mémoire érotique38 » des corps sauvés des eaux. Avec ces « deux longues mèches qui pendaient en oreilles d’épagneul » (LTA, 49), Barnabas devient lui-même une Sidonie car il ressemble à « une tête de poupée de coiffeur » (LTA, 107). La voix et l’apparence féminines de Barnabas soulignées tout au long du roman « indiquent l’identification entre le nécrophile et sa victime39 ». Barnabas est ainsi féminisé, renforçant sa ressemblance avec Galatée.

18Barnabas demande à Jean de jeter la tête à la mer après sa mort, dans un mouvement de retour du Féminin à sa source. Marina Geat explique que

[l]a mer absorbe en elle et amplifie au niveau symbolique la tristesse, la rage, la douleur de ces femmes possédées, liées, meurtries, assassinées. Elle se lamente […], en elle paraît se renverser la souffrance de la femme à la tête coupée […]. Tel qu’un immense miroir liquide, la Mer de Rachilde absorbe les larmes des femmes meurtries, elle en accueille les corps spirituellement et physiquement mutilés40 […].

19La mer accueille en son sein ces femmes torturées, victimes de la violence des hommes, offrant une sorte de réconfort post mortem.

20À son tour, à la fin du roman, Jean Maleux, le jeune apprenti gardien, « l’être brisé, seul, prisonnier du phare d’Ar-Men et dépouillé de tout désir et de tout espoir, se voit paralysé devant le gouffre de la folie41 ». En effet, si la communication entre les deux hommes est difficile dès l’incipit du roman, elle ne fait que se dégrader au fur et à mesure de la folle descente aux enfers des deux personnages masculins. Robert Ziegler parle de « paralysie insidieuse de la communication42 ». La Tour d’amour est ainsi aussi l’histoire de l’atrophie et de la paralysie de la parole masculine.

Monsieur Vénus : le mythe sens dessus dessous

21Si le mythe de Pygmalion représente le désir masculin d’animer le féminin inanimé, Rachilde se démarque en présentant un homme en morte amoureuse et une femme en Pygmalion dans Monsieur Vénus (1884), renversant complètement la dynamique du couple originel. Dans cette histoire, Raoule-Pygmalionne fait l’inverse de Pygmalion et ôte la vie à l’objet de son désir. En effet, Raoule de Vénérande fait tuer son amant, Jacques Silvert, par son ami le baron de Raitolbe, le forçant ainsi à être son objet de plaisir à jamais, en attachant ses ongles, ses poils, ses cheveux et ses dents à « un mannequin de cire revêtu d’un épiderme en caoutchouc transparent » (MV, 209)43. La cire représentant « l’immobilité du cadavre qui semble seulement nécessiter son âme pour être immédiatement réanimé44 », Rachilde fait écho à E. T. A. Hoffmann dans Der Sandmann (1817) et anticipe L’Ève future de Villiers (1886), en faisant appel aux services d’un scientifique allemand, sorte de Dr Frankenstein, pour l’animer d’une vie artificielle. Vénus, la déesse, n’existe plus et Galatée prend vie grâce à la science. L’Andréide se voit ainsi contraint de répondre aux attouchements et aux demandes sexuelles de Raoule, puisqu’« [u]n ressort disposé à l’intérieur des flancs correspond à la bouche et l’anime en même temps qu’il fait s’écarter les cuisses » (MV, 210-211). Dans Monsieur Vénus, le personnage masculin est celui qui est ventriloqué, celui qui est devenu un simple réceptacle permettant à une femme d’exercer (et d’exorciser) ses envies sexuelles. Selon Melanie Hawthorne, la véritable perversion de ce roman « n’est pas la nécrophilie, ce n’est pas le sadisme, ce n’est pas la bestialité », c’est « l’“usurpation” du rôle masculin par une femme45 ». Si certains voient dans la fin de Monsieur Vénus une Raoule pathétique et impuissante, je dirais au contraire que Raoule a réalisé ce qu’elle s’était fixé : trouver une nouvelle forme d’amour et de sexualité plus libre, où c’est bel et bien l’homme qui a été condamné à être éternellement objet du désir féminin.

Conclusion

22Si les réécritures masculines de Pygmalion et le motif de la morte amoureuse abondent au xixe siècle, c’est parce qu’elles permettent au personnage masculin de croire que le danger féminin a été anéanti, mis dans une sorte de sommeil-mort comme le définit Bram Dijsktra46. La femme semble avoir perdu son pouvoir d’émasculation, devenant une simple marionnette entre les mains de son maître-créateur. Les amours marmoréennes sont ainsi avant tout un amour de la femme morte. Cependant, la réalité est que les hommes sont toujours esclaves de leurs désirs sexuels, obsédés par leur poupée, renversant la dynamique que tentaient d’instaurer ces Pygmalions nécromanciens. Dans ces textes, on assiste à une masculinité en crise, ce qu’Elizabeth Badinter appelle « mâlitude47 » et Margaret Waller, « maladie masculine48 ».

23Ce que ces histoires nous content également c’est l’incompatibilité et l’incompréhension entre hommes et femmes en matière d’amour et de sexualité, thèmes si chers aux écrivains du xixe siècle :

l’amour avec la statue, en tant que thème, mythe ou en tant que fantasme, révèle seulement une face cachée du discours amoureux ; plus sombre, peut-être, plus mélancolique ou plus violente selon les auteurs, ou selon les amoureux, celle-ci suggère l’incommunicabilité fondamentale de l’échange amoureux, la disjonction du langage (des langages même, verbaux ou non) et du sentiment, la séparation froide des êtres et, dans le même temps, le désir incompréhensible et fascinant de froideur49.

24La version décadente de Pygmalion ne serait donc que le reflet de la solitude intrinsèque des êtres, de leur incapacité à communiquer et se comprendre, rappelant la parabole des hérissons de Schopenhauer50.

25Dans les trois histoires d’Isabelle Eberhardt et Rachilde évoquées dans cet essai, le mâle est rendu impuissant. Ses baisers sont inutiles pour ramener la femme à la vie, son phallus est inutile pour lui apporter du plaisir, et il se retrouve pétrifié comme une statue : l’étudiant en médecine est allongé sur le corps du cadavre féminin, n’ayant pu la ranimer par ses caresses ; Barnabas est paralysé avant de mourir ; Jacques a été démembré et certaines parties de son corps ont été attachées à une poupée de cire. Ces deux autrices détruisent le sentiment de virilité de leur personnage masculin et l’« amour » pour les mortes est pathologisé et non plus romantisé. Elles montrent des femmes, mortes ou vivantes, Pygmalion ou Galatée, résistant et se rebellant contre les efforts ventriloques des mâles. Les hommes, quant à eux, sont simplement devenus des objets inanimés. Les deux écrivaines deviennent ainsi elles-mêmes Pygmalionnes en donnant une voix à Galatée.

26Isabelle Eberhardt et Rachilde refusaient de se cantonner au rôle que les hommes avaient assigné à leur sexe. Isabelle « méprisait la soumission des femmes51 », tandis que Rachilde « vitupérait contre les limites de son sexe52 ». Il n’est donc pas surprenant qu’elles aient insufflé un vent de rébellion à leur propre version de la morte amoureuse car elles rejetaient les images de femmes que les hommes avaient choisi de vanter : de simples objets de plaisir, faibles et passifs. Dans Infernalia et La Tour d’amour, le lecteur découvre un corps féminin fétichisé qui refuse d’être ventriloqué, tandis que Monsieur Vénus présente un corps masculin féminisé et fétichisé qui finit par être anéanti.

27Si la Décadence évoque maladie, déchéance et putréfactions, les mortes amoureuses d’Isabelle Eberhardt et de Rachilde ne sont pas des corps en décomposition, mais elles sont tout aussi monstrueuses pour le personnage masculin car elles résistent. Ces histoires peuvent donc être lues comme des affirmations du pouvoir féminin sur le désir masculin où Galatée a enfin le pouvoir de dire « non ».

Notes

1 Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, Poésie, Paris, Gallimard, [1857], 2005, p. 52.

2 Une première version de cet article est parue en anglais sous le titre « Isabelle Eberhardt, Rachilde and Queer Sexualities: Pygmalions Nécromanciens and Mortes Amoureuses », dans Nathalie Prince et Céline Brossillon (dir.), L’Amour des Morts: Love with Ghosts, Vampires and Other Dead(ly) Beings in 19th Century Francophone Literature, French Forum, 47.1, printemps 2022, p. 155-171.

3 Chez Ovide, la statue de Pygmalion n’est pas nommée. Le prénom de Galatée communément utilisé de nos jours se trouve pour la première fois dans Pygmalion de Jean-Jacques Rousseau (1762). Pour la nominalisation de la statue, voir l’article de Meyer Rheinhold, « The Naming of Pygmalion’s Animated Statue », The Classical Journal, vol. LXVI, no 4, avril-mai 1971, p. 316-319.

4 Mario Materassi, « Artificial Women, the Pygmalion Paradigm, and Faulkner’s Gordon in Mosquitoes », dans Annette Trefzer et Ann J. Abadie (dir.), Global Faulkner: Faulkner and Yoknapatawpha, Jackson, University Press of Mississippi, 2009, p. 135-150, ici p. 140.

5 Janet Beizer, Ventriloquized Bodies. Narratives of Hysteria in Nineteenth-Century France, Ithaca, Cornell University Press, 1994.

6 Jennifer Tamas, Au Non des femmes : Libérer nos classiques du regard masculin, Paris, Seuil, 2023, p. 17.

7 Les traductions de l’anglais sont les miennes. « attempt to speak against [their] culturally prescribed silence » (Melanie Hawthorne, « To the Lighthouse: Fictions of Masculine Identity in Rachilde’s La Tour d’Amour », L’Esprit Créateur, vol. 32 no 4, 1992, p. 41-51, ici p. 50.)

8 « break the chain » (Robert Ziegler, « Rachilde and “l’amour compliqué” », Atlantis: Critical Studies in Gender, Culture and Social Justice, vol. 11, no 2, 1986, p. 115-124, ici p. 116.)

9 « the consensuality of the “partner” within a necrophilic “relationship” becomes futile » (Dany Nobus, « Over My Dead Body: On the Histories and Cultures of Necrophilia », dans Robin Goodwin (dir.), Inappropriate Relationships: The Unconventional, the Disapproved, and the Forbidden, Mahwah, NJ, Lawrence Publishers, 2002, p. 171-189, ici p. 183.

10 Anne Geisler-Szmulewicz, « La Femme et l’œuvre, une impossible conciliation. Le mythe de Pygmalion dans la poésie parnassienne », dans Christine Planté (dir.), Masculin/Féminin dans la poésie et les poétiques du xixe siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, p. 329-340, ici p. 329.

11 Bernard Blanc, Les Métamorphoses d’Ovide, un vivier de légendes et de mythes, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 163. Toutes les références à ce texte seront indiquées par O suivi du numéro de page.

12 Nathalie Prince, Les Célibataires du fantastique. Essai sur le personnage célibataire dans la littérature fantastique de la fin du xixe siècle, Paris, L’Harmattan, 2002, p. 282.

13 Ross Chambers, « Gautier et le complexe de Pygmalion », Revue d’Histoire Littéraire de la France, vol. 72, 1972, p. 641-58, ici p. 644. Anne Ubersfeld observe également que « Fraîcheur, blancheur, immobilité, les traits de la statue de marbre sont aussi ceux du cadavre. […] Étreindre la morte, étreindre la statue, c’est le même indicible plaisir – impossible, interdit, “déraisonnable” […] » (« Théophile Gautier ou le regard de Pygmalion », Romantisme, no 66, 1989, p. 51-59, ici p. 54.)

14 Ross Chambers, « “De grands yeux dans l’obscurité” : regard scientifique et vision occulte dans Claire Lenoir et L’Ève Future », Australian Journal of French Studies, vol. 9, no 3, 1972, p. 308-25, ici p. 314. Pour une analyse complète des mortes amoureuses de Gautier, voir Nathalie David-Weill, Rêve de Pierre : La Quête de la femme chez Théophile Gautier, Genève, Droz, 1989.

15 Philippe Met, « Voix et voies de la femme-vampire : De Gautier à le Fanu », Bulletin de la Société Théophile Gautier, no 21, 1999, p. 267-277, ici p. 270.

16 Anne Geisler-Szmulewicz, « La Femme et l’œuvre, une impossible conciliation », art. cité, p. 334.

17 Ross Chambers, « Gautier et le complexe de Pygmalion », art. cité, p. 644.

18 « the first Francophone writer to delve into the complex problematic of the cultural alienation of the colonized » (Hedi Abdel-Jaouad, « Isabelle Eberhardt: Portrait of the Artist as a Young Nomad », Yale French Studies, vol. 2, no 83, 1993, p. 93-117, ici p. 102).

19 Les références à Isabelle Eberhardt, Infernalia : Volupté sépulcrale (dans Écrits sur le sable, œuvres complètes, éd. Marie-Odile Delacour et Jean-René Huleu, Paris, Grasset, vol. 2, 1990, p. 23-27) seront indiquées par I suivi du numéro de page.

20 Aurélia Gaillard, « Les statues parlent aussi : Pygmalion et la fabrique amoureuse au tournant de l’âge classique », dans Les Discours artistiques de l’amour à l’âge classique, Paris, Armand Colin, coll. « Littératures classiques », vol. 2, no 69, 2009, p. 89-108, ici p. 98.

21 Le poème de Jean Aicard, Pygmalion, semble faire écho à ce désir : « Reste-moi belle ainsi ! ne vis pas ! ne vis pas ! » (Paris, Alphonse Lemerre, 1872, p. 22).

22 Mireille Dottin-Orsini, Cette femme qu’ils disent fatale : Textes et images de la misogynie fin-de-siècle, Paris, Grasset, 1993, p. 107.

23 Pour une étude détaillée de La Tour d’amour de Rachilde, voir mon chapitre « Solitary Confinement in Rachilde’s La Tour d’Amour : Dehumanization and Madness of the Buried Alive », dans Clorinda Donato et Claire Émilie Martin (dir.), The Palgrave Handbook of Transnational Women’s Writing in the Long Nineteenth Century, Londres, Palgrave-Macmillan, 2024, p. 395-412.

24 Claude Dauphiné, Rachilde, Paris, Mercure de France, 1991, p. 319.

25 Les références à La Tour d’amour (Rachilde, [1899], Paris, Mercure de France, 1984) seront indiquées par LTA suivi du numéro de page.

26 « an imperfect, animate body, into a perfect, inanimate image » (Elisabeth Bronfen, Over Her Dead Body: Death, Femininity and the Aesthetic, Manchester, Manchester University Press, 1992, p. 64.)

27 Mireille Dottin-Orsini raconte : « La Sidonie (ou Sydonie) des vitrines des perruquiers est ainsi devenue un objet fétiche. C’est un buste féminin de cire peinte, le plus souvent coupé à la naissance des seins, couronné de vrais cheveux artistement coiffés, rendu obsédant par des yeux de verre incrustés, entourés de cils, et une bouche souriante à demi ouverte montrant des dents de perle. Sa seule fonction est de donner l’illusion d’une beauté accomplie et stéréotypée : un modèle de femme. » (Cette femme qu’ils disent fatale, op. cit., p. 105).

28 Jennifer Tamas observe qu’il est possible que cette attitude explique le déni de cette voix féminine car « [l]e refus n’est jamais assez fort, assez clair, assez distinctement articulé » (Au Non des femmes, op. cit., p. 17).

29 « The corpse becomes a mirror reflecting the viewer’s filth, its face a page inscribed with words incriminating the perpetrator » (« Necrophilia and Authorship in Rachilde’s “La Tour d’amour” », Nineteenth-Century French Studies, vol. 34, nos 1-2, automne 2005 / hiver 2006, p. 134-145, ici p. 139.)

30 Camille Dumoulié, Cet obscur objet du désir, Essai sur les amours fantastiques, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 106. Voir Sigmund Freud, « La tête de Méduse » (1922).

31 Mireille Dottin-Orsini, Cette femme qu’ils disent fatale, op. cit., p. 154.

32 « predator whose lust unmans man » (Charles Bernheimer, Decadent Subjects: The Idea of Decadence in Art, Literature, Philosophy, and Culture of the Fin de Siècle in Europe, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2002, p. 104.)

33 Nathalie Prince, Les Célibataires du fantastique, op. cit., p. 283.

34 Le Féminin est tout ce qui renvoie à la femme et à la féminité. Mireille Dottin-Orsini observe que « [c]e principe abstrait, le féminin à l’état pur, avait passionné tout le siècle précédent. Baudelaire et Villiers l’appelaient féminéité, les Goncourt féminilité (terme également cher à Champsaur, Jules Bois, Catulle Mendès). On rencontre aussi fémininité et féminie, nom rare utilisé par Edmond Haraucourt et Octave Uzanne qui désigne à la fois l’univers propre à la femme et ses particularités […] » (Mireille Dottin-Orsini, Cette femme qu’ils disent fatale, op. cit., p. 167).

35 « nightmare visualisation of woman as predatory sexual being » (Bram Dijkstra, Idols of Perversity: Fantasies of Feminine Evil in Fin-de-Siècle Culture, Oxford, Oxford University Press, 1986, p. 310).

36 Jean de Palacio, Les Perversions du merveilleux, Paris, Séguier, 1993.

37 Anne Geisler-Szmulewicz, Le Mythe de Pygmalion au xixe siècle : pour une approche de la coalescence des mythes, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 168.

38 « talisman of erotic memory » (Lisa Downing, Desiring the Dead: Necrophilia and Nineteenth-Century French Literature, Oxford, University of Oxford, 2003, p. 104).

39 « all point to an identification between a necrophile and his victim » (Ibid., p. 102).

40 Marina Geat, « Naufrages au féminin, de Rachilde à Isabelle Autissier », dans Valentina Fortunato (dir.), Mélanges en l’honneur de Mariella Di Maio, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2019, p. 169-182, ici p. 176.

41 Ana Alonso, « “L’enfer des enfers”. Approche de l’espace dans La Tour d’amour de Rachilde », dans Julián Muela Ezquerra (dir.), Le locus terribilis. Topique et expérience de l’horrible, Bern, Peter Lang, 2013, p. 161-186, ici p. 180.

42 « insiduous communicative paralysis » (Robert Ziegler, « The Message from the Lighthouse: Rachilde’s La Tour d’amour », Romance Quarterly, 39/2, 1992, p. 159-165, p. 159.)

43 Rachilde, Monsieur Vénus, Roman matérialiste, éd. Melanie Hawthorne et Liz Constable, New York, MLA, 2004. Les références à ce texte seront indiquées par MV suivi du numéro de page.

44 « the stillness of a corpse that appears only to need its spirit to be immediately reanimated » (Joanna Ebenstein, The Anatomical Venus: Wax, God, Death and the Ecstatic, London, Thames and Hudson, 2016, p. 70.)

45 « is not necrophilia, it is not sadism, it is not bestiality », « the “usurpation” of the male role by a female » (Melanie Hawthorne, « Monsieur Vénus: A Critique of Gender Roles », Nineteenth-Century French Studies, vol. 16, nos 1-2, 1987/1988, p. 162-179, ici p. 165-166).

46 Bram Dijkstra, Idols of Perversity, op. cit., p. 61.

47 Elizabeth Badinter, XY de l’identité masculine, Paris, Éditions Odile Jacob, 1992, p. 13.

48 Margaret Waller, The Male Malady. Fictions of Impotence in the French Romantic Novel, New Brunswick, Rutgers University Press, 1993.

49 Aurélie Gaillard, « Les statues parlent aussi », art. cité, p. 107.

50 « Par une froide journée d’hiver, un troupeau de porcs épics s’était mis en groupe serré pour se garantir mutuellement contre la gelée par leur propre chaleur. Mais tout aussitôt ils ressentirent les atteintes de leurs piquants, ce qui les fit s’éloigner les uns des autres. Quand le besoin de se chauffer les eut rapprochés de nouveau, le même inconvénient se renouvela, de sorte qu’ils étaient ballottés de çà et de là entre les deux souffrances, jusqu’à ce qu’ils eussent fini par trouver une distance moyenne qui leur rendît la situation supportable. Ainsi, le besoin de société, né du vide et de la monotonie de leur propre intérieur, pousse les hommes les uns vers les autres ; mais leurs nombreuses qualités repoussantes et leurs insupportables défauts les dispersent de nouveau. La distance moyenne qu’ils finissent par découvrir et à laquelle la vie en commun devient possible, c’est la politesse et les belles manières » (Arthur Schopenhauer, Parerga et Paralipomena : Aphorismes sur la sagesse dans la vie [1851], Paris, G. Baillière et cie, 1880, p. 181-182).

51 « was contemptuous of the submissiveness of women » (Abdel-Jaouad, « Isabelle Eberhardt: Portrait of the Artist as a Young Nomad », art. cité, p. 103.)

52 « rail[ed] against the confines of her sex » (Rachel Mesch, Before Trans. Three Gender Stories from Nineteenth-Century France, Stanford, Stanford University Press, 2020, p. 4.)

Pour citer ce document

Céline Brossillon, « Pygmalion impuissant et Galatée vengée chez Rachilde et Isabelle Eberhardt » dans La Revanche de Galatée,

Sous la direction de Florence Fix et Corinne François-Denève

© Publications numériques du CÉRÉdI, « Les Carnets comparatistes du CÉRÉdI », n° 2, 2024

URL : http://publis-shs.univ-rouen.fr/ceredi/index.php?id=1846.

Quelques mots à propos de :  Céline Brossillon

Ursinus College